La protection évolutive de l’État de droit par la Cour de Justice de l’Union européenne
Lauren BLATIERE, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes
I. Une protection traditionnellement mesurée
A. La prudence certaine de la Cour de justice
II. Une protection stratégiquement réorientée au profit de l’Union de droit
A. Les rares invocations de l’« État de droit » à l’égard de l’Union européenne
B. Des invocations révélant l’utilisation de l’État de droit au profit de l’Union de droit
III. Une protection conjoncturellement renforcée
A. Un renforcement initialement indirect
B. Un renforcement audacieusement confirmé
La protection de l’État de droit par la Cour de justice de l’Union européenne est, a priori, incontestable. Une simple recherche terminologique sur le site Curia ne révèle-t-elle pas une référence expresse à l’« État de droit » dans plus de 160 arrêts, ordonnances et avis de la Cour de justice[1] ?
L’État de droit est également une source d’inspiration pour la Cour. Ce fut manifestement le cas lorsqu’elle a affirmé, dans le célèbre arrêt Les Verts / Parlement, que « la Communauté économique européenne est une communauté de droit en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité »[2]. Le contenu de cette Communauté de droit, bien plus que la formulation retenue, ne peut qu’évoquer l’État de droit. Certes, le continu précis de l’État de droit ne fait pas l’objet d’un consensus dans la doctrine[3] et peut varier d’un État membre à un autre[4]. Toutefois, en dépit de quelques variations, les mêmes traits caractéristiques se retrouvent aujourd’hui dans les différentes études consacrées à l’État de droit. Sous réserve de menues variances, l’État de droit repose sur « la combinaison entre deux acceptions, formelle et matérielle »[5]. D’un point de vue formel, un État de droit est un État qui agit au moyen du droit et se soumet à ce dernier. Ce premier volet de l’État de droit suppose l’existence d’une hiérarchie normative, qui permet de conditionner la validité de chaque norme au respect de la norme qui lui est supérieure, ainsi qu’une protection juridictionnelle effective, permettant à des juridictions indépendantes et impartiales de s’assurer de la validité de chaque norme adoptée par l’État. D’un point de vue matériel, l’État de droit ne doit pas se soumettre à n’importe quel droit, mais à un droit protecteur des fondamentaux. À défaut, l’État de droit serait compatible avec des régimes totalitaires ou dictatoriaux, ce que la Seconde Guerre mondiale n’a plus rendu acceptable[6]. L’émergence de cette acception matérielle a rapproché l’État de droit[7] de la Rule of Law anglo-saxonne qui était, depuis son origine, pensée comme une soumission à un droit protecteur des droits et des libertés individuelles[8]. Or, lorsque la Cour de justice se réfère à la Communauté de droit ou, depuis l’arrêt E et F de 2010[9], à l’« Union de droit », elle renvoie bien à ces deux acceptions, tantôt pour défendre le droit à une protection juridictionnelle effective à l’égard des actes relevant du droit de l’Union (acception formelle), tantôt, depuis les années 2000, pour soumettre ces actes au respect des droits fondamentaux (acception matérielle)[10]. Ainsi, si l’État de droit et la rule of law ont connu une évolution de nature à les rapprocher considérablement, jusqu’à créer un modèle « syncrétique »[11], l’Union de droit semble s’être parée des caractéristiques principales de ce modèle[12].
Partant, la Cour de justice n’ignore pas l’État de droit. Bien davantage, dans un contexte marqué par l’augmentation des menaces pesant sur l’État de droit dans un nombre croissant d’États membres et l’impossibilité rencontrée par l’Union européenne d’apporter une réponse politique à ces menaces[13], la Cour apparaît comme la seule institution de l’Union en mesure de soumettre les États membres au respect des exigences inhérentes à l’État de droit. C’est alors qu’il devient essentiel de déterminer si la jurisprudence de la Cour de justice est à la hauteur de la tâche qui lui incombe aujourd’hui.
La définition de l’État de droit, avec son double volet formel et matériel, semble appeler une étude de pans entiers de la jurisprudence de la Cour de justice. Dès lors que l’État de droit est un État se soumettant au droit, dans le respect des droits fondamentaux et sous contrôle juridictionnel effectif, la moindre violation du droit, d’un droit fondamental ou du droit à une protection juridictionnelle effective[14] par un État membre est, en soi, une atteinte à l’État de droit. En ce sens, tous les arrêts de la Cour de justice portant sur ces questions concernent déjà, implicitement, la protection de l’État de droit[15]. Cette approche très large a cependant été exclue dans le présent article, au profit d’une approche plus restrictive portant sur l’étude des seuls arrêts où la Cour fonde expressément son raisonnement sur l’État de droit. Ces seuls arrêts contiennent la preuve d’une adaptation de la protection de l’État de droit par la Cour de justice à l’intensité des menaces qui pèsent sur lui.
Tout d’abord, la Cour de justice a commencé à protéger expressément l’État de droit au début des années 2000, lorsque les premières craintes relatives à de potentielles violations de l’État de droit par des États membres ou des futurs États membres ont émergé. Néanmoins, cette protection était marginale et laconique, et elle l’est demeurée pendant près de deux décennies (I). Au cours de la même période, la Cour a progressivement cessé de se fonder sur l’État de droit uniquement pour le protéger, comme s’il était exclusivement une fin en soi. L’État de droit, qui demeurait un concept jouissant d’une forte autorité, a, à partir du milieu des années 2000, été invoqué à plusieurs reprises par la Cour de justice pour justifier des avancées au sein de l’Union de droit. L’État de droit n’était donc pas davantage protégé, mais il était utilisé au profit de l’Union de droit (II). Enfin, au début de l’année 2018, la Cour a pris acte des remises en cause répétées et sans précédent de l’État de droit dans plusieurs États membres, ainsi que de l’impossibilité pour l’Union européenne d’apporter une réponse politique à cette crise. Depuis lors, elle ne se contente plus d’évoquer l’État de droit, elle s’y réfère volontairement, sans y avoir été invitée par les parties ou les avocats généraux, et adopte une argumentation aussi pédagogique que ferme. L’État de droit fait donc aujourd’hui l’objet d’une protection accrue de la part de la Cour de justice. Si cette protection ne peut prétendre répondre à toutes les menaces pesant sur l’État de droit, elle n’en demeure pas moins incontestable (III).
I. Une protection traditionnellement mesurée
Alors qu’au cours des années 2000 le contexte politique au sein des États membres s’est traduit par la multiplication des menaces pesant sur l’État de droit, la Cour de justice a commencé à se référer à ce dernier prudemment, de façon ponctuelle et laconique (A). Cette prudence est justifiée, la Cour de justice prenant acte de la volonté des États membres d’apporter une réponse politique, et non juridictionnelle, aux menaces pesant sur l’État de droit (B).
A. La prudence certaine de la Cour de justice
Si l’« État de droit » est mentionné dans près de 150 affaires[16], l’immense majorité doit être écartée, soit que ces occurrences ne renvoient pas à l’État de droit, mais à l’état du droit au moment où la Cour de justice se prononce[17], soit qu’elles renvoient à une simple retranscription de l’argumentation d’une partie[18] ou d’un acte applicable en l’espèce[19]. Ainsi, alors que l’État de droit est invoqué par les parties depuis les années 1960[20], la Cour de justice ne l’a intégré à ses motifs qu’en février 1999.
Cette date ne semble pas fortuite, en ce qu’elle se trouve au croisement de trois évolutions importantes. Tout d’abord, elle est postérieure à la décision de l’Union européenne d’entamer des négociations d’adhésion avec les États d’Europe de l’Est[21], alors que l’existence d’un État de droit au sein de ces États était largement discutée[22]. Non sans lien, elle est également postérieure à l’élaboration du traité d’Amsterdam consacrant pour la première fois un mécanisme de défense de l’État de droit dans le droit primaire[23]. Enfin, elle précède de peu l’émergence de menaces pesant sur l’État de droit au sein des États membres. En effet, en 2000, les élections parlementaires tenues quelques mois auparavant en Autriche ont conduit à l’émergence d’un gouvernement de coalition entre un parti conservateur et un parti d’extrême droite confrontant l’Autriche à « des réminiscences de son passé pro-nazi »[24]. Ce nouveau gouvernement a mécaniquement donné lieu à de vives inquiétudes quant à d’éventuelles dérives antidémocratiques et des atteintes à l’État de droit.
C’est dans une affaire ayant émergé dans cet État que la Cour de justice s’est pour la première fois référée à l’État de droit en février 1999, dans l’arrêt Köllensperger et Atzwanger[25]. Dans cet arrêt, la Cour était amenée à s’interroger sur la notion de juridiction à l’égard d’un office autrichien, le « Tiroler Landesvergabeamt » (Office des adjudications du Land du Tyrol). À cette fin, elle a examiné la législation autrichienne et est arrivée à la conclusion que cette dernière garantissait l’indépendance des membres du Tiroler Landesvergabeamt. Elle a ensuite précisé, bien sommairement, qu’il ne lui appartenait « pas […] de supposer qu’une telle [législation] serait appliquée de manière contraire à la Constitution autrichienne et aux principes d’un état de droit »[26].
Quelques années plus tard, la référence à l’État de droit demeurait tout aussi mesurée. Par exemple, en 2004, à l’occasion d’un recours en manquement introduit à l’encontre du Portugal, la Cour a simplement affirmé qu’« il ne saurait être présumé, dans un État de droit, qu’une obligation légale ne sera pas respectée »[27]. Cette réserve a perduré, notamment en 2008 dans l’arrêt Unión General de Trabajadores de la Rioja relatif aux aides d’État. La Cour devait y préciser s’il convenait de tenir compte de l’existence d’un contrôle juridictionnel sur les actes pris par une autorité intraétatique afin de déterminer si cette autorité jouissait d’un statut et de pouvoirs justifiant que la sélectivité d’une mesure fiscale ne soit appréciée que sur son territoire, et non sur l’ensemble du territoire national. Afin de répondre négativement à cette question, la Cour de justice a sommairement souligné que, « ainsi que l’a fait valoir le gouvernement espagnol lors de l’audience, l’existence d’un contrôle juridictionnel est inhérente à l’existence d’un État de droit »[28].
Par la suite, les menaces ou les atteintes à l’État de droit se sont multipliées, sans que l’argumentation de la Cour de justice n’évolue. Par exemple, la France a été l’objet de critiques et d’inquiétudes à la suite d’une circulaire datée du 5 août 2010 invitant les préfets à procéder à l’évacuation des campements illégaux, en visant « en priorité ceux des Roms ». Un tel texte était de nature à constituer un traitement discriminatoire d’une minorité ethnique et, partant, une violation du respect des droits fondamentaux et, in fine, de l’État de droit. Si la circulaire a été rapidement modifiée, le traitement des Roms a de nouveau été mis sur le devant de la scène en 2012. En Roumanie, une coalition de gauche ayant obtenu la majorité des sièges aux élections législatives a adopté, en 2010, une ordonnance d’urgence limitant les pouvoirs de la Cour constitutionnelle et a tenté de destituer le Président de façon hautement contestée. En Hongrie, le Premier ministre Viktor ORBAN, en poste depuis 2010[29], menait – et continue de mener – une politique tout aussi problématique que dangereuse, en ce qu’elle menace, « notamment [,] la liberté d’expression, la liberté académique, les droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, la liberté de réunion et d’association, les activités des organisations de la société civile, (…), les droits des personnes appartenant aux minorités(…), les droits sociaux, le fonctionnement du système constitutionnel, l’indépendance du pouvoir judiciaire et d’autres institutions, sans oublier les nombreuses allégations inquiétantes de corruption et de conflits d’intérêts »[30]. Enfin, la Pologne inquiète depuis les élections présidentielles et législatives de 2015 ayant conduit à l’arrivée au pouvoir du parti conservateur Droit et justice. Elle a, depuis cette date, adopté une série de lois de nature à porter atteinte à l’indépendance et à l’effectivité du contrôle juridictionnel et constitutionnel[31].
Dans ce contexte caractérisé par des situations inquiétantes dans un nombre croissant d’États membres, la Cour de justice a maintenu son argumentation sommaire au sein de laquelle l’État de droit n’est évoqué que rapidement. Par exemple, en 2011, dans une affaire liée à la diffusion dans la presse de photographies de Natasha Kampush prises avant son enlèvement et sans que la photographe ne soit mentionnée, la Cour a simplement affirmé que, « eu égard à la vocation de la presse, dans une société démocratique et un État de droit, d’informer, sans restrictions autres que celles strictement nécessaires, le public, il ne saurait être exclu qu’un éditeur de presse puisse contribuer ponctuellement à l’accomplissement d’un objectif de sécurité publique en publiant une photographie d’une personne recherchée »[32] . La Cour a également maintenu une telle réserve lorsque l’acception formelle de l’État de droit était en cause, comme le démontre, par exemple, l’affaire Schrems tranchée en 2015[33]. Cette affaire a conduit la grande chambre de la Cour de justice à interpréter une directive de l’Union relative au traitement des données à caractère personnel[34] et à apprécier la validité d’une décision de la Commission européenne qui, constatant qu’un pays tiers assurait un niveau de protection adéquat de ces données personnelles, autorisait le transfert de telles données des États membres vers ce pays tiers et excluait le contrôle d’une autorité nationale lors dudit transfert[35]. En ce que cette affaire questionnait la conformité d’un acte de l’Union européenne aux droits fondamentaux, elle concernait l’Union de droit[36]. En ce qu’elle portait sur la possibilité d’introduire un recours devant les autorités nationales afin de s’assurer du respect de la vie privée et familiale et des données à caractère personnel[37], elle portait également sur l’État de droit. Or, au cours d’un raisonnement sanctionnant durement l’atteinte causée à la protection des données personnelles, la Cour a simplement affirmé que « l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des dispositions du droit de l’Union est inhérente à l’existence d’un État de droit »[38].
Ces exemples démontrent que l’argumentation de la Cour de justice est demeurée inchangée, restant ferme mais succincte, en dépit des menaces croissantes pesant sur l’État de droit. Cette réserve était alors fondée.
B. Une prudence justifiée
Dès l’instant où il est apparu que le respect de l’État de droit par tous les États membres ou futurs États membres ne pouvait plus être considéré comme un postulat irréfutable, les États membres ont clairement accordé leurs faveurs à une réponse politique, bien plus qu’à une réponse juridictionnelle. À cet égard, lorsque les perspectives d’élargissement à l’Est semblaient comporter intrinsèquement des risques de violation de l’État de droit au sein de l’Union européenne[39], le respect de l’État de droit a été imposé aux États candidats de façon implicite, à travers le « critère politique » consacré dans les conclusions du Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993[40]. Le respect de l’État de droit a ensuite été imposé expressément, par l’article 49 du traité sur l’Union européenne (TUE). Depuis le traité d’Amsterdam, cet article impose à un État candidat de respecter « les principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1 », c’est-à-dire, selon la formulation alors en vigueur, « les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit »[41]. À défaut, aucune négociation d’adhésion ne peut être envisagée[42].
Le traité d’Amsterdam a ensuite pris soin de doter l’Union d’une base légale lui permettant de prendre des sanctions politiques contre un État membre violant l’État de droit. Plus précisément, depuis le traité d’Amsterdam, l’article 7 TUE permet au Conseil, réuni au niveau des chefs d’États et de gouvernement, de constater « l’existence d’une violation grave et persistante par un État membre de principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1 », devenu depuis le traité de Lisbonne l’article 2 TUE. Ce constat ne peut être réalisé qu’à l’unanimité[43], sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission, après avis conforme du Parlement européen et après « avoir invité le gouvernement de cet État membre à présenter toute observation en la matière »[44]. Une fois ce constat opéré, le Conseil peut décider, à la majorité qualifiée, de sanctionner un État portant une atteinte grave et persistante à l’État de droit en le privant de son droit de vote[45].
Les élections autrichiennes au début des années 2000 ont démontré l’inadéquation de cette réponse politique : si le nouveau gouvernement faisait naître des craintes importantes, il ne pouvait être accusé d’avoir violé de façon grave et persistante l’État de droit par sa seule arrivée au pouvoir. Pour répondre à cette impasse, le traité de Nice a porté l’Union sur le chemin de la prévention des atteintes à l’État de droit dans les États membres. Modifiant l’article 7 TUE, ce traité a permis au Conseil, toujours sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission, après avis conforme du Parlement, ou sur proposition du Parlement européen lui-même, de constater, après avoir entendu l’État concerné, « qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre de principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, et lui adresser des recommandations appropriées »[46]. Cette constatation doit alors être votée, non à l’unanimité, mais à la majorité des quatre cinquièmes[47]. Cette modification n’a cependant pas empêché la multiplication des atteintes causées à l’État de droit au sein des États membres depuis 2010[48].
En dépit de cela, seule l’évolution de la réponse politique a largement été promue par l’Union européenne. À cette fin, la Commission a élaboré en 2014 un nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’état de droit[49]. Ce nouveau cadre, aussi qualifié de « procédure pré-article 7 »[50], se déroule en trois étapes. La première consiste en une évaluation faite par la Commission afin de déterminer s’il existe, dans l’État membre concerné, « une situation de menace systémique envers l’état de droit »[51]. Tout au long de cette étape, un dialogue confidentiel doit se nouer avec l’État membre. Si ce dialogue n’apporte pas de solutions satisfaisantes, la deuxième étape est mise en œuvre, celle de la publication, par la Commission, d’une recommandation sur l’état de droit. Cette recommandation expose l’existence d’une menace systémique et propose des solutions devant être adoptées dans un certain délai. Postérieurement à la publication de cette recommandation, la troisième et dernière étape intervient, celle du suivi de la mise en œuvre de la recommandation.
Par conséquent, il apparaît que la multiplication des menaces pesant sur l’État de droit n’a pas conduit à la promotion du rôle de la Cour de justice dans la protection de l’État de droit[52] mais à la multiplication des réponses politiques supposées pouvoir résoudre ce problème. Le message était clair : l’État de droit est avant tout une question étatique et politique, liée à la souveraineté des États membres, de telle sorte qu’il ne revenait pas à la Cour de justice de s’en saisir pleinement. À cet égard, la Cour n’a été compétente pour se prononcer sur le respect de l’article consacrant l’État de droit, comme l’un des principes puis l’une des valeurs de l’Union européenne, que suite à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009[53]. Or, sans surprise, la Cour de justice avait pleinement conscience de ces limites. Selon Vassilios SKOURIS, ancien Président de la Cour de justice, outre le fait qu’il ne fallait pas « attendre de la Cour de justice qu’elle développe un concept européen de l’État de droit » car cela « reviendrait à lui attribuer une tâche qui ne lui est pas confiée », la Cour agissait avec « précaution » en limitant « sa motivation au minimum requis afin d’éviter, d’une part, de trop peser sur d’éventuelles évolutions jurisprudentielles futures, et, d’autre part, d’influencer les ordres juridiques nationaux au-delà du strict nécessaire »[54].
Toutefois, si la Cour de justice n’assurait alors qu’une protection mesurée de l’État de droit au sein des États membres, elle avait déjà identifié le potentiel de l’État de droit. Elle a, dès lors, décidé de recourir à l’État de droit, non pour assurer directement sa protection, mais pour protéger ou renforcer l’Union de droit.
II. Une protection stratégiquement réorientée au profit de l’Union de droit
Assez logiquement, lorsque la soumission à un droit protecteur des droits fondamentaux sous contrôle d’une juridiction indépendante et impartiale est questionnée devant la Cour de justice en ce qui concerne l’Union européenne, et non ses États membres, la Cour se réfère normalement à l’existence d’une Union de droit. Pourtant, la dernière décennie a été marquée par une légère recrudescence de l’invocation de l’État de droit à l’égard de l’Union européenne (A) afin, nous semble-t-il, de protéger et de renforcer l’Union de droit (B).
A. Les rares invocations de l’« État de droit » à l’égard de l’Union européenne
À l’égard de l’Union européenne, la Cour de justice renvoie très largement à l’Union de droit ou, avant 2010, à la Communauté de droit. La communauté et l’Union de droit sont ainsi mentionnées dans les motifs de la Cour de justice dans une quarantaine d’affaires. Toutefois, la Cour a, à neuf reprises, invoqué l’État de droit dans des affaires ne concernant que l’Union, et non ses États membres[55]. Une de ces affaires peut être écartée en ce que la référence à l’État de droit semble fortuite, la Cour ne le mentionnant qu’en évoquant l’argumentation d’une partie, de telle sorte qu’il n’est pas certain qu’il s’agisse de l’un de ses motifs[56]. Une seconde affaire rendue en référé doit être sommairement évoquée, dans la mesure où la Cour y a usé d’une formulation qu’elle n’a par la suite jamais réemployée. Selon cette formulation, empruntée au Tribunal de l’Union européenne[57], « l’obligation de non-discrimination (…) que la Commission doit respecter est le reflet du droit à une bonne administration qui fait partie des principes généraux de l’État de droit communs aux traditions constitutionnelles des États membres »[58]. Le lien fait entre la bonne administration et l’État de droit s’explique dans la mesure où, derrière la bonne administration, « se cachent en vérité une pluralité de principes » qui correspondent à « l’ensemble des garanties du procès équitable »[59]. Néanmoins, en dehors de cette ordonnance, une telle formulation n’a plus jamais été employée par la Cour de justice, de telle sorte qu’elle peut être considérée comme fortuite et que cette affaire peut être écartée. Enfin, une troisième affaire ne pourra être étudiée qu’ultérieurement puisque la référence à l’État de droit dans l’argumentation de la Cour de justice semble être la prémisse de l’évolution jurisprudentielle réalisée en 2018, et non une référence à l’État de droit au profit de l’Union de droit[60]. Parmi les six affaires restantes, les trois premières affaires sont temporellement isolées, en ce qu’elles ont été rendues entre février et mai 2007, avant de tomber dans l’oubli (1). Près de dix ans plus tard, la Cour de justice a cependant de nouveau invoqué l’État de droit dans des affaires importantes, preuve de l’utilisation réfléchie, et non fortuite, de l’État de droit à l’égard de l’Union européenne (2).
1. Une référence isolée
Dans des affaires qu’elle aurait aisément pu rattacher à l’Union de droit, la Cour de justice a ponctuellement fait reposer son argumentation sur l’article 6, paragraphe 1, du TUE tel qu’issu du traité d’Amsterdam, c’est-à-dire sur l’affirmation selon laquelle « l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres »[61]. Depuis le traité de Lisbonne, cette affirmation est présente à l’article 2 TUE, selon une formulation quelque peu différente : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes » [62].
En soi, le recours au traité ne devrait pas donner lieu à d’amples commentaires, tant il semble naturel que la Cour use de la consécration de sa jurisprudence par le traité, plutôt qu’exclusivement de l’expression qu’elle a initialement créée, celle d’Union/Communauté de droit. Pourtant, la rareté des arrêts dans lesquels la Cour se réfère à la formulation du TUE attire nécessairement l’attention et la curiosité. En outre, l’intérêt est accru dès lors que la Cour s’est référée à l’article 6, paragraphe 1, TUE avant le 1er décembre 2009, date à partir de laquelle elle a été compétente pour en assurer le respect[63]. Avant cette date, entre une disposition du droit primaire à l’égard de laquelle sa compétence n’était pas établie et la Communauté de droit qu’elle avait elle-même consacrée, la Cour aurait dû opter pour la seconde[64].
Elle a pour la première fois fait le choix inverse à l’occasion de l’affaire Gestoras Pro Amnistía e.a. / Conseil, jugée en grande chambre le 27 février 2007[65]. Cet arrêt est la conséquence d’un pourvoi formé contre une ordonnance du Tribunal de l’Union européenne rejetant un recours en indemnité visant à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi par les requérants du fait de leur inscription sur la liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme en vertu de la position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001[66]. Les requérants tentaient de démontrer que le Tribunal était compétent pour apprécier leur recours en indemnité en se fondant sur le fait que « l’Union [est] une communauté de droit »[67]. La Cour, quant à elle, a rejeté toute violation du droit à une protection juridictionnelle effective au motif que des recours contre la position commune contestée existaient bien, en dépit de l’incompétence du Tribunal[68]. Elle n’a toutefois pas, à cette fin, réaffirmer l’existence d’une Union de droit supposant le contrôle juridictionnel des actes de l’Union. Elle a uniquement souligné « qu’il résulte de l’article 6 UE, [que] l’Union est fondée sur le principe de l’État de droit [induisant] que les institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec les traités et les principes généraux du droit, de même que les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union »[69]. L’arrêt Segi e.a. / Conseil, rendu le même jour par la même formation de jugement, est identique[70]. Toutefois, dans les deux affaires précitées, l’article 6, paragraphe 1, TUE, semble n’avoir été invoqué qu’à titre accessoire, sans produire d’incidences concrètes dans l’affaire soumise à la Cour.
Tel n’est plus le cas dans l’arrêt Advocaten voor de Wereld adopté en grande chambre le 3 mai 2007[71]. Rendu sur renvoi préjudiciel, l’origine de cet arrêt résidait dans un recours en annulation introduit par Advocaten voor de Wereld à l’encontre de la loi belge transposant purement et simplement la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres[72]. Des questions relatives à la validité de la décision-cadre elle-même ayant émergé au cours du litige, elles ont été transmises à la Cour de justice. L’arrêt était nécessairement important, la Cour ne s’étant jamais prononcée sur la validité de la décision-cadre. Alors que la Cour statuait sur le respect du principe de légalité, d’égalité et de non-discrimination, elle a fondé son contrôle, non sur l’Union de droit, mais sur « l’article 6 UE », selon lequel « l’Union est fondée sur le principe de l’État de droit »[73]. L’article 6, paragraphe 1, TUE a donc été utilisé pour fonder la compétence de la Cour de justice, en dépit du fait que la Cour n’était pas compétente pour assurer le respect de cet article. Dans ces circonstances, une erreur de plume pourrait être envisagée. Pourtant, ce courant jurisprudentiel mérite une plus grande réflexion dès lors que, au-delà de ces trois arrêts, des arrêts plus récents renforcent, dans une certaine mesure, la référence à l’État de droit dans des affaires concernant l’Union européenne.
2. Une référence récemment réactivée
La réactivation de la référence à l’État de droit dans des affaires ne concernant que l’Union européenne a été opérée dans l’affaire H / Conseil et Commission, tranchée en grande chambre le 19 juillet 2016. Cet arrêt portait sur l’annulation de la réaffectation d’une ressortissante italienne dans le cadre de la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie‑Herzégovine. Le Tribunal de première instance de l’Union européenne ayant décliné sa compétence en se fondant sur les dispositions des traités relatives au contrôle juridictionnel des actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC)[74], un pourvoi a été formé devant la Cour de justice. La Cour aurait pu se référer à de précédents arrêts ayant admis sa compétence à l’égard d’actes en lien avec la PESC sans qu’elle n’y ait jugé utile de mentionner l’État de droit[75]. Dans l’arrêt H / Conseil et Commission, la Cour a choisi d’invoquer l’État de droit pour souligner que son incompétence de principe en matière de PESC déroge à la mission qui lui est confiée par l’article 19 TUE, à savoir assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités. L’État de droit est ainsi devenu un argument supplémentaire en faveur d’une interprétation stricte de l’exclusion de compétence de la Cour en matière de PESC. Selon la Cour, « il résulte tant de l’article 2 TUE, figurant dans les dispositions communes du traité UE, que de l’article 21 TUE[76], concernant l’action extérieure de l’Union, auquel renvoie l’article 23 TUE, relatif à la PESC, [que] l’Union est fondée, notamment, sur les valeurs d’égalité et de l’État de droit »[77]. La Cour a ensuite poursuivi son raisonnement en affirmant que « l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des dispositions du droit de l’Union est inhérente à l’existence d’un tel État de droit »[78]. C’est sur la base de cette argumentation que la Cour de justice a affirmé que l’acte en cause était un acte de gestion du personnel à l’égard duquel sa compétence ne pouvait être écartée[79].
Une argumentation sensiblement identique a été retenue dans l’arrêt Rosneft, rendu en grande chambre le 28 mars 2017[80]. La Cour était alors saisie d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité de mesures restrictives prises dans le cadre de la PESC à l’égard d’une entreprise russe. Alors que sa compétence était contestée, la Cour s’est à nouveau référée à l’État de droit afin d’aboutir, in fine, à la consécration de sa compétence[81]. En effet, la Cour de justice y a cité l’article 2 TUE puis a précisé au point suivant que « l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des dispositions du droit de l’Union est inhérente à l’existence d’un État de droit »[82].
Ce détour par l’État de droit nous semble être la conséquence des lacunes que présente, encore aujourd’hui, l’Union de droit. En effet, si l’Union de droit existe, elle demeure imparfaite. En invoquant l’État de droit, la Cour en use alors stratégiquement pour protéger et renforcer l’Union de droit.
B. Des invocations révélant l’utilisation de l’État de droit au profit de l’Union de droit
Lorsque la Cour de justice décide, à titre exceptionnel, de mentionner l’État de droit alors que l’Union de droit est en réalité en cause, trois raisons cumulatives nous semblent expliquer ce choix.
Tout d’abord, le recours à l’État de droit permet d’éviter des critiques à l’encontre de l’Union de droit. Par exemple, la Cour de justice n’a pas hésité à se référer à l’Union de droit dans l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores / Conseil [83], au sein duquel elle a refusé de retenir une interprétation des traités élargissant l’accès des requérants ordinaires au recours en annulation contre les actes adoptés par l’Union. Cet arrêt, quoique non dénué de fondements, a fait l’objet de très nombreuses critiques, remettant en cause l’existence même d’une Union de droit dès lors qu’il existait des situations dans lesquelles, à cause des dispositions du droit primaire, un requérant ordinaire pouvait ne pas parvenir à contester directement devant la Cour de justice un acte adopté par l’Union européenne[84]. Or, dans les arrêts H / Commission et Conseil et Rosneft[85], l’accès à la Cour de justice n’est pas inexistant, mais il demeure, en dépit des avancées, limité. L’incompétence de la Cour en matière de PESC demeure la règle. Dans la mesure où l’Union de droit est déjà « contestée, dans le cadre du contentieux ‘‘ordinaire’’ relevant de l’ancien premier pilier, par les tenants d’une protection juridictionnelle directe plus large, l’utilisation de l’expression ‘‘Union de droit’’ aurait paru abusive et quelque peu irréaliste en l’occurrence »[86]. En ce sens, affirmer l’existence d’une Union de droit en matière de PESC serait excessif et offrirait l’opportunité de renouveler les critiques émises à la suite de l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores / Conseil[87]. Si l’Union de droit existe, elle souffre, encore aujourd’hui, de lacunes[88]. La formulation retenue permet d’éviter les critiques, en ce qu’elle n’affirme pas que l’Union est une Union de droit en matière de PESC, mais présente l’Union comme une organisation mettant tout en œuvre pour respecter, au mieux, les exigences inhérentes à l’État de droit. Non sans lien, invoquer l’Union de droit en matière de PESC conduirait à la consécration d’une véritable contradiction. Si l’Union européenne souhaite vraiment, par le biais de son droit et de ses institutions, se positionner non seulement comme une organisation respectueuse de l’État de droit, mais également comme une organisation promouvant et défendant l’État de droit, elle ne peut simultanément galvauder l’Union de droit (qui est une transposition de l’État de droit à l’échelle de l’Union européenne) par le biais de sa juridiction, qui plus est en grande chambre. La Cour ne pouvait donc pas, dans ces affaires, se référer à l’Union de droit, mais elle ne pouvait pas non plus ignorer que les questions soulevées présentaient un lien étroit avec cette dernière. Le recours à l’affirmation selon laquelle l’Union européenne est fondée sur la valeur de l’État de droit ou se soumet à un contrôle juridictionnel effectif inhérent à un État de droit était alors une voie médiane entre la référence dangereuse à l’Union de droit et l’omission injustifiée de l’Union de droit.
La seconde raison expliquant l’invocation de l’État de droit à l’égard de l’Union européenne nous semble résider dans le souhait de trouver dans l’État de droit un appui symboliquement fort à des solutions jurisprudentielles qui, sans permettre un accès totalement satisfaisant au juge, constituent néanmoins des avancées non évidentes à cet égard. Certes, à l’issue des arrêts H / Commission et Conseil et Rosneft, l’accès à la Cour de justice demeure limité en matière de PESC, mais l’ouverture consacrée n’était pas évidente, particulièrement en ce qui concerne le renvoi préjudiciel en appréciation de validité[89]. Partant, dans ces arrêts, la Cour de justice a manifestement œuvré en faveur de la protection juridictionnelle, c’est-à-dire un élément essentiel à l’État de droit et à l’Union de droit. Or, si la référence directe à l’Union de droit allait affaiblir son argumentation en la rendant critiquable, la référence à l’État de droit présentait l’avantage de fonder son argumentation sur un concept fort. En effet, dans ces arrêts, l’État de droit n’est pas invoqué afin de renvoyer à la réalité concrète de ce dernier au sein des États membres puisque, à la date de leur prononcé, la situation était déjà compliquée dans un certain nombre d’États membres[90]. La Cour a ici sans doute évoqué le concept d’État de droit, concept « sacralisé » et « présenté comme le point d’aboutissement de l’évolution du droit et de l’organisation politique »[91]. Dès lors, affirmer que l’évolution consacrée était inhérente à l’État de droit était un argument important.
Enfin, dans les affaires où la Cour a invoqué l’État de droit l’égard de l’Union, l’Union était bien au centre des préoccupations, mais les questions soulevées étaient très sensiblement rattachées à la souveraineté des États membres[92]. Dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI) et de la PESC, la logique d’intégration a historiquement été écartée au profit d’une logique de coopération plus classique au sein des organisations internationales, se caractérisant par la conservation du pouvoir de décision par les États membres. La référence à l’État de droit a ainsi pu être jugée stratégiquement préférable, y compris après la remise en cause progressive de cette logique intergouvernementale[93]. Elle constitue une sorte de diplomatie judiciaire, pensée pour préserver la susceptibilité des États membres et permettre une meilleure acceptation de l’arrêt rendu[94].
Il apparaît que la Cour de justice peut se fonder sur l’État de droit, non pour le protéger, mais pour protéger ou renforcer l’Union de droit. Il n’y a pas là lieu à critiques : plus l’Union de droit sera une réalité aboutie, y compris grâce au concept d’État de droit, plus elle sera en mesure, à son tour, de protéger et de renforcer l’État de droit. Les arrêts les plus récents démontrent d’ailleurs l’émergence d’un véritable cercle vertueux : si l’État de droit a permis de renforcer l’Union en tant qu’Union de droit au cours de la dernière décennie, c’est aujourd’hui l’Union qui vient au secours de l’État de droit.
III. Une protection conjoncturellement renforcée
Face à l’inefficacité ou à l’inaction des autres institutions de l’Union, la Cour de justice semble, depuis un peu plus d’un an, avoir décidé de rendre des arrêts à la hauteur des menaces pesant sur l’État de droit au sein des États membres. Cette protection accrue a d’abord été consacrée de façon indirecte, dans une affaire ne concernant pas les États membres portant atteinte à l’État de droit (A), avant d’être directement transposée à l’un des États membres soulevant de grandes inquiétudes : la Pologne (B).
A. Un renforcement initialement indirect
En février 2018, la Cour de justice a, pour la première fois, développé une argumentation ferme et pédagogique quant aux exigences inhérentes à l’État de droit, dans une affaire portugaise au sein de laquelle le respect de l’État de droit faisait peu de doutes (2). Cette nouvelle argumentation s’explique sans doute par l’évolution du contexte, marqué par le constat de l’inefficacité de l’article 7 TUE et du nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’état de droit (1).
1. Un renforcement s’expliquant par la détérioration du contexte
Si les menaces pesant sur l’État de droit dans les États membres sont fréquentes depuis la fin des années 2000, la période la plus récente est marquée par une augmentation considérable de ces menaces. Alors que la coalition autrichienne entre la droite et l’extrême droite avait pris fin en 2005, des élections législatives fin 2017 ont conduit à sa résurgence. En Italie, des élections législatives tenues au premier trimestre de l’année 2017 ont débouché sur la formation d’un gouvernement de coalition entre Le mouvement 5 étoiles et La ligue, ce qui n’a pas manqué de susciter des craintes. Le Ministre de l’intérieur, Matéo SALVINI, a d’ailleurs tenu dès le 18 juin 2018 des propos particulièrement polémiques à l’égard des Roms. Parallèlement, les risques terroristes pesant sur l’Union européenne peuvent justifier l’adoption de mesures temporaires ou permanentes de nature à porter atteinte aux exigences de l’État de droit[95]. Au-delà de cette diversité, la Hongrie et la Pologne représentent sans doute une menace sans précédent pour l’État de droit. La réaction de l’Union à l’égard de ces deux États a cependant fini d’achever la démonstration de l’impossibilité d’une sanction politique à l’encontre d’un État membre violant l’État de droit, sauf à supposer qu’un tel État se retrouve un jour dénué du moindre soutien parmi les autres États membres.
En effet, la réponse à la menace que représentent ces deux États a décrédibilisé, tout à la fois, le nouveau cadre de l’Union pour renforcer l’État de droit et l’article 7 TUE. La Pologne, qui est source d’inquiétudes depuis les élections présidentielles et législatives de 2015, a fait l’objet de la mise en œuvre du nouveau cadre pour renforcer l’État de droit en juillet 2016. Il ressort de cette première utilisation du nouveau cadre que la coopération de l’État concerné est indispensable à son succès. Or, un État dont la politique se traduit par une menace systémique envers l’État de droit est, a priori, un État peu enclin à suivre les recommandations formulées par la Commission européenne. Ainsi, la Pologne n’a pas fait l’objet d’une recommandation de la Commission, mais de quatre recommandations adoptées entre juillet 2016 et décembre 2017[96], chacune constatant le non-respect des recommandations formulées et, pis encore, la dégradation de la situation. Ce n’est que simultanément à la dernière de ces recommandations que la Commission a présenté, le 20 décembre 2017, une proposition motivée invitant le Conseil à mettre en œuvre l’article 7 TUE à l’encontre de la Pologne[97]. Cette proposition, bien qu’approuvée le 1er mars 2018 par le Parlement européen, n’a toujours pas donné lieu à un vote au sein du Conseil. Par ailleurs, la Hongrie constitue une véritable menace depuis 2010[98], sans que cela n’ait conduit à la mise en œuvre du nouveau cadre. En ce qui concerne l’article 7 TUE, il a fallu attendre le 12 septembre 2018 pour que le Parlement européen use, pour la première fois, de la faculté qui lui est offerte d’initier la procédure pouvant conduire au constat d’un risque clair de violation grave des valeurs de l’Union par un État membre. Toutefois, à cette date, l’exemple polonais avait déjà démontré l’ineffectivité de l’article 7 TUE et, à tout le moins, son extrême lenteur.
Dans ce contexte, la Cour de justice aurait pu faire le choix de maintenir son argumentation succincte passée. Ce choix aurait été d’autant plus fondé qu’il correspond au rôle de toute juridiction, chargée de répondre à une question précise ou de trancher une affaire spécifique. La Cour a, au contraire, fait le choix d’adopter une argumentation plus pédagogique et plus riche, faisant notamment appel à l’Union de droit. Ce faisant, elle a renoué avec le rôle qui a été le sien au cours des premières décennies de la construction communautaire : celui d’une Cour interprétant audacieusement les dispositions du droit de l’Union européenne pour leur faire produire leur plein effet et tendant, par ce biais, à compenser l’inaction des États membres ou des autres institutions de l’Union.
Bien que concrétisée au début de l’année 2018, une ordonnance rendue par la Cour de justice à l’automne 2017 peut être analysée, rétrospectivement, comme un premier indice de l’évolution qui allait marquer la jurisprudence de la Cour. Alors qu’elle était saisie d’un recours en manquement introduit à l’encontre de la Pologne pour violation de normes environnementales, la Cour de justice a eu à se prononcer, le 20 novembre 2017, sur sa possibilité de soumettre la Pologne à des astreintes dans le cadre de la procédure de référé. Au cœur de cette question se retrouvait la protection juridictionnelle effective induite par les voies de recours existant devant la Cour de justice. La Cour a d’ailleurs souligné, en premier lieu, que « la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour »[99]. La Cour aurait donc pu, de façon très classique dans une affaire relative à la protection juridictionnelle effective, mentionner l’Union de droit[100]. Elle a préféré se tourner vers l’État de droit et le TUE en affirmant que « le fait de faire respecter par un État membre les mesures provisoires adoptées par le juge des référés, en prévoyant l’imposition d’une astreinte en cas de non-respect de celles-ci, vise à garantir l’application effective du droit de l’Union, laquelle est inhérente à la valeur de l’État de droit consacrée à l’article 2 TUE et sur laquelle l’Union est fondée »[101]. Dans ce cas particulier, la référence à l’État de droit ne nous semble pas tant tournée vers un renforcement de l’Union de droit[102] que justifiée par la volonté de rappeler les exigences inhérentes à l’État de droit à l’égard d’un État le menaçant très fortement.
Le virage vers une argumentation aussi ferme que pédagogique à l’égard de l’État de droit n’a néanmoins véritablement été opéré que quelques mois plus tard, à l’occasion de l’affaire Associação Sindical dos Juízes Portugueses jugée par la grande chambre de la Cour de justice le 27 février 2018[103].
2. Un renforcement à portée pédagogique
L’origine de l’affaire Associação Sindical dos Juízes Portugueses réside dans une loi portugaise du 12 septembre 2014 réduisant temporairement, à compter du mois d’octobre 2014, la rémunération de personnes exerçant des charges et des fonctions dans le secteur public[104]. L’objectif de cette loi était de réduire le déficit excessif du budget de l’État portugais et ce, d’après la juridiction de renvoi, en raison des impératifs qui auraient été imposés au gouvernement portugais par les décisions de l’Union accordant, notamment, une assistance financière à cet État membre[105]. Cette loi a été mise en œuvre par des actes administratifs, dont certains concernaient la rémunération des juges du Tribunal de Contas (Cour des comptes). Des recours ont alors été introduits contre ces actes administratifs, afin d’en obtenir l’annulation ainsi que la restitution des sommes retenues, au motif que ces actes violaient le « principe de l’indépendance des juges », « consacré non seulement par la Constitution portugaise, mais également par le droit de l’Union, à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ainsi qu’à l’article 47 de la Charte »[106]. La juridiction de renvoi a décidé de soumettre à la Cour de justice une question préjudicielle en interprétation portant sur ces deux dispositions.
Il ne ressort ni de l’arrêt de la Cour de justice, ni des conclusions de l’avocat général Henrik SAUGMANDSGAARD ØE, que les parties aient elles-mêmes invoqué l’État de droit. Leur argumentation semble avoir pleinement reposé, tout comme celle de l’avocat général, sur la protection juridictionnelle effective. Les références à l’État de droit et à l’Union de droit dans cette affaire relèvent donc de l’initiative des quinze juges de la grande chambre.
Il n’est pas véritablement surprenant que la Cour de justice ait mentionné l’État de droit dans une affaire relative à la protection juridictionnelle effective au sein des États membres, de telles affaires étant le terrain privilégié de l’invocation de l’État de droit[107]. Il existe cependant, entre ces affaires et l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses, une différence notable : l’importance quantitative des références à l’État de droit. Dans l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses, alors que la Cour a finalement abouti à la conclusion selon laquelle « le principe de l’indépendance des juges ne s’oppose pas à l’application (…) de mesures générales de réduction salariale (…) liées à des contraintes d’élimination d’un déficit budgétaire excessif ainsi qu’à un programme d’assistance financière de l’Union européenne »[108], elle a longuement détaillé son raisonnement, en se fondant de façon récurrente, presque répétitive, sur l’État de droit.
La Cour de justice a d’abord rappelé que « selon l’article 2 TUE, l’Union est fondée sur des valeurs, telles que l’État de droit, qui sont communes aux États membres dans une société caractérisée, notamment, par la justice » [109], avant de relever que « la confiance mutuelle entre les États membres et, notamment, leurs juridictions est fondée sur la prémisse fondamentale selon laquelle les États membres partagent une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, comme il est précisé à cet article 2 TUE»[110]. La Cour a ensuite poursuivi son raisonnement par une référence implicite à l’État de droit par le truchement de l’Union de droit, en rappelant que « l’Union est une Union de droit dans laquelle les justiciables ont le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union » [111]. Ce faisant, elle a affirmé que son argumentation ne reposait pas uniquement sur l’État de droit, aujourd’hui tant décrié par certains États membres, mais également sur l’Union de droit, inhérente à l’Union européenne à laquelle tous les États membres ont librement choisi d’adhérer. Ainsi, cet arrêt révèle bien l’émergence d’un cercle vertueux, l’Union de droit se mettant aujourd’hui au service de la défense de l’État de droit[112]. Par ailleurs, la référence à l’Union de droit est aussi de nature à justifier le rôle central que la Cour entend jouer à l’égard de l’État de droit : en tant que juridiction suprême garante de l’Union de droit, la Cour de justice est légitime à rendre un arrêt ambitieux visant à faire respecter les valeurs de l’Union au sein des États membres et, donc, à faire respecter la valeur de l’État de droit.
À ce stade du raisonnement, la Cour de justice a encore jugé utile d’insister sur l’importance de son propre rôle et de celui des juridictions nationales. À cette fin, elle a affirmé, de façon inédite, que « l’article 19 TUE, qui concrétise la valeur de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE, confie la charge d’assurer le contrôle juridictionnel dans l’ordre juridique de l’Union non seulement à la Cour, mais également aux juridictions nationales »[113], dont la Cour a ensuite rappelé qu’elles collaborent avec elle en vue d’assurer le respect du droit de l’Union[114]. Là encore, le droit de l’Union vient au secours de l’État de droit, puisque ce dernier est concrétisé par l’article 19 TUE. Le secours porté est d’autant plus important que, par cet arrêt, la Cour a affirmé que l’article 19 TUE s’applique dans tous « les domaines couverts par le droit de l’Union »[115]. Autrement dit, il n’est pas réservé aux affaires dans lesquelles le droit de l’Union est véritablement mis en œuvre par les États membres, alors que cette condition s’impose à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union qui consacre le droit à une protection juridictionnelle effective[116]. Certes, la différence ainsi consacrée doit être nuancée, dès lors que la Cour a interprété souplement la condition selon laquelle le droit de l’Union doit avoir été mis en œuvre par les États membres pour que la Charte soit applicable[117]. Malgré cela, la formulation retenue par la Cour indique, selon toute vraisemblance, sa volonté d’admettre encore plus aisément l’applicabilité de l’article 19 TUE[118]. Par conséquent, comme le souligne Laurent PECH et Sébastien PLATON, cet arrêt pourrait être interprété comme consacrant l’applicabilité de l’article 19 TUE à toute juridiction susceptible de connaître de questions relatives au droit de l’Union, sans que l’on porte d’intérêt à l’applicabilité du droit de l’Union dans le litige en cause. Cela reviendrait à étendre la protection de l’article 19 TUE à « la plupart des juridictions nationales, si ce n’est toutes »[119]. Au demeurant, dans cette affaire, la Cour de justice a rappelé à deux reprises que la législation nationale en cause a « été adopté[e] (…) dans le contexte d’un programme d’assistance financière de l’Union à cet État membre »[120].
Enfin, la Cour a trouvé nécessaire de rappeler que « l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit »[121]. Dans la mesure où la Cour a finalement consacré la possibilité pour un État membre d’adopter une législation telle que celle en cause, il est évident que cette argumentation ne s’adresse pas tant à cette affaire particulière, à cet État, qu’à la Pologne dont les lois menacent aujourd’hui la protection juridictionnelle effective. L’importance de cet arrêt a d’ailleurs été soulignée par le Président de la Cour de justice, Koen LENAERTS, lors d’une conférence organisée par la Cour suprême administrative polonaise[122].
Malheureusement, cet arrêt est aussi la preuve d’un profond échec. Une telle argumentation n’est en effet pas sans rappeler celle adoptée par la Commission européenne lors de la préparation à l’adhésion des États candidats[123]. Ce qui aurait dû être acquis avant l’adhésion de nouveaux États membres doit aujourd’hui être expliqué et martelé à l’égard d’États membres. Impossible, toutefois, de conclure ici à la preuve d’un élargissement trop rapide et/ou excessif à l’Est. Plus exactement, si la différence existant entre les pays d’Europe centrale et orientale et ceux d’Europe de l’Ouest n’est plus à démontrer[124], y compris sur la question qui nous intéresse[125], les menaces pesant sur l’État de droit ne peuvent être réduites à cette simple donnée. En toute hypothèse, l’arrivée au pouvoir de majorités politiques menaçant l’État de droit n’est pas réservée aux États de l’Est.
Quoi qu’il en soit, la Pologne est bien aujourd’hui l’un des États membres au cœur des questions relatives au respect de l’État de droit. En ce sens, les longs développements sur l’État de droit de l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses ont eu encore plus de poids lorsqu’ils ont été repris par la grande chambre, quelques mois plus tard, dans une affaire concernant cet État.
B. Un renforcement audacieusement confirmé
L’arrêt LM, rendu en grande chambre le 25 juillet 2018[126] se place dans la continuité de l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portuguese, en ce qu’il reprend et développe l’argumentation retenue par la Cour de justice, mais dans une affaire qui vise directement la Pologne, dans le contexte particulièrement sensible de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice (1). L’avancée consacrée est réelle, mais elle doit être relativisée en ce qu’elle ne peut suffire, à elle seule, à garantir le respect de l’État de droit au sein des États membres (2).
1. Une confirmation opérée dans un contexte sensible
Le 25 juillet 2018, la grande chambre de la Cour de justice a eu à se prononcer, par le biais de la procédure préjudicielle d’urgence, sur la possibilité, pour la High Court irlandaise, de refuser d’exécuter trois mandats d’arrêt européens émis par des juridictions polonaises à l’égard de L. M., ressortissant polonais[127]. Le refus d’exécution de mandats d’arrêt européens va à l’encontre de la logique desdits mandats. Ces derniers sont fondés sur le principe de la reconnaissance mutuelle, véritable « pierre angulaire de la coopération judicaire », qui implique l’exécution automatique des mandats émis, sauf dans les hypothèses listées par la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen[128].
Pour cette raison, la Cour de justice n’avait admis qu’une seule possibilité de non-exécution des mandats d’arrêt européens en dehors des hypothèses visées par la décision-cadre elle‑même. Cette possibilité de non-exécution, consacrée dans son arrêt Aranyosi et Căldăraru, concernait un droit absolu (l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) et ne pouvait être mise en œuvre que si la juridiction d’exécution constatait, au-delà d’un contexte général susceptible de conduire à de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants dans l’État membre d’émission du mandat d’arrêt européen, un risque réel pour la personne visée par le mandat d’être soumise à de tels traitements[129].
Dans l’affaire LM, la High Court irlandaise s’est interrogée sur la transposition de l’arrêt Aranyosi et Căldăraru en cas de risque de procès inéquitable dans un État membre violant de façon systémique l’État de droit. En se fondant sur la proposition de décision présentée par la Commission tendant à la mise en œuvre de l’article 7 TUE à l’encontre de la Pologne[130], la High court estimait que « l’État de droit a été enfreint » par cet État[131]. Partant, elle a interrogé la Cour de justice sur le point de savoir si, face une « violation systémique de l’État de droit »[132], l’autorité judiciaire d’exécution d’un mandat d’arrêt européen pouvait refuser d’exécuter le mandat, soit en se fondant sur ce seul contexte général, soit en recherchant également l’existence d’un risque réel pour la personne visée par le mandat de faire l’objet d’un procès inéquitable[133].
En réponse à cette question, la Cour de justice a entamé son argumentation par des affirmations classiques à l’égard des mandats d’arrêt européens. Elle a ainsi souligné « que le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque État membre partage avec tous les autres États membres (…) une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée » et que « cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les États membres »[134]. Par la suite, elle a insisté au cours de nombreux points, sur l’importance particulière de la confiance mutuelle dans l’Espace de liberté, de sécurité et de justice, en ce qu’elle induit la reconnaissance mutuelle des mandats d’arrêt européens[135].
Certes, comme la Cour de justice l’a souligné, la décision-cadre 2002/584/JAI précise elle‑même, dès son premier article, qu’elle ne « saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne »[136]. La Cour ne pouvait toutefois pas, a priori, se fonder sur ce seul article dans la mesure où elle l’avait jugé insuffisant à l’égard des risques de torture et de peines ou de traitements inhumains ou dégradants. Dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru, l’exception à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen face à de tels risques reposait sur l’article 1er de la décision-cadre et sur le « caractère absolu du droit garanti par l’article 4 de la Charte »[137]. Dans la mesure où le droit à un tribunal indépendant et à un procès équitable n’est pas un droit absolu, la Cour de justice se trouvait face à une impasse devant la conduire à rejeter l’inexécution des mandats d’arrêt européens dans l’hypothèse d’une violation systémique de l’État de droit, alors que le partage de la valeur de l’État de droit fait partie de ce qui justifie l’exécution automatique des mandats d’arrêt européens. Une telle solution aurait donc conduit à admettre que le mécanisme des mandats d’arrêt européens soit dévoyé, en maintenant leur exécution automatique dans un contexte qui n’est pas celui pour lequel ils ont été pensés.
Dans ces circonstances, l’avocat général Evgeni TANCHEV a proposé d’admettre, sous conditions, que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen puisse être refusée en cas de risque de déni de justice flagrant, en se fondant non sur l’État de droit[138], mais sur le rôle essentiel attribué aux juridictions nationales dans le mécanisme du mandat d’arrêt européen[139]. La réponse de la Cour de justice est, quant à elle, fondée sur l’État de droit, dans la continuité de l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses auquel elle s’est référée à huit reprises. C’est en se fondant sur cet arrêt que la Cour a affirmé que « l’exigence d’indépendance des juges relève du contenu essentiel du droit fondamental à un procès équitable lequel revêt une importance cardinale en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment, de la valeur de l’État de droit »[140]. Selon la Cour, ce contenu essentiel, pour la première fois consacré par cet arrêt, ne saurait être violé à l’occasion de la mise en œuvre des mandats d’arrêt européens. En effet, puisqu’il ne peut y avoir d’État de droit sans que le contenu essentiel du droit à un procès équitable ne soit respecté et puisque la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen affirme ne pas induire d’atteinte à l’État de droit, il doit pouvoir être fait exception à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen en cas de risque d’atteinte à l’indépendance des juges[141]. Par ailleurs, la Cour de justice a poursuivi et enrichi son œuvre pédagogique entreprise dans l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses en décrivant minutieusement les conditions devant être réunies afin d’assurer l’indépendance d’une juridiction, à savoir son autonomie et son impartialité[142]. Malgré cela, la portée de l’arrêt LM doit être nuancée.
2. Un renforcement à nuancer
Le renforcement de la protection de l’État de droit opéré dans l’arrêt LM doit être relativisé. Tout d’abord, cet arrêt ne consacre pas une exception automatique à l’exécution des mandats d’arrêt européens en cas de violation systémique de l’État de droit. Même dans le cas particulier où la juridiction d’exécution dispose d’informations démontrant « l’existence de défaillances systémiques ou, du moins, généralisées », notamment à partir des informations « particulièrement pertinent[e]s »[143] contenues dans la proposition de la Commission présentée au titre de l’article 7 TUE , elle reste tenue d’apprécier « de manière concrète et précise, si, dans les circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que (…) la personne recherchée courra ce risque »[144]. La Cour ne pouvait affirmer autre chose dès lors que le considérant 10 de la décision-cadre 2002/584/JAI précise que « la mise en œuvre [du mandat d’arrêt européen] ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, dudit traité avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article »[145]. Le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, sans étude de la situation particulière de la personne visée par le mandat, ne pourra donc intervenir que lorsque la procédure de l’article 7 TUE sera arrivée à son terme, avec la suspension du droit de vote de l’État membre concerné[146]. Néanmoins, en dehors de cette hypothèse, l’examen de la situation particulière de la personne visée par le mandat d’arrêt est extrêmement rigoureux. La juridiction de renvoi doit « examiner dans quelle mesure les défaillances systémiques ou généralisées (…) sont susceptibles d’avoir une incidence au niveau des juridictions compétentes (…) pour connaître des procédures auxquelles sera soumise la personne recherchée »[147]. Si de telles incidences sont identifiées, il lui faut encore « évaluer, à la lumière des préoccupations spécifiques exprimées par la personne concernée et des informations éventuellement fournies par celle-ci, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que ladite personne courra un risque réel de violation (…) du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable, eu égard à sa situation personnelle ainsi qu’à la nature de l’infraction pour laquelle elle est poursuivie et au contexte factuel qui sont à la base du mandat d’arrêt européen »[148]. Par conséquent, l’examen devant être réalisé sera particulièrement minutieux, casuistique et exigeant.
La portée de l’arrêt LM doit, ensuite, être relativisée en ce que l’accroissement de la protection prétorienne de l’État de droit ne concerne pas toutes ses acceptions. En effet, la Cour de justice a rendu, le même jour que l’arrêt LM, l’arrêt ML, où elle a été amenée à se prononcer sur l’application de la jurisprudence Aranyosi et Căldăraru en Hongrie, État marqué, d’après la juridiction allemande de renvoi, par une défaillance systémique des conditions de détention faisant courir un risque de violation de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux[149]. Dans la mesure où l’État de droit suppose le respect des droits fondamentaux, dont fait clairement partie l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et où la décision-cadre affirme qu’elle n’emporte aucune violation de l’État de droit, la Cour de justice aurait pu reprendre dans l’arrêt ML l’argumentation de l’arrêt LM. Or, si elle délivre dans l’arrêt ML de longs développements sur la protection de l’article 4 dans le cadre du mandat d’arrêt européen, elle ne se réfère à aucun moment à l’État de droit[150]. La comparaison entre ces deux arrêts révèle ainsi que l’acception matérielle de l’État de droit (protection des droits fondamentaux) est moins mise en avant par la Cour de justice que son acception formelle (soumission au droit sous contrôle d’une juridiction indépendante et impartiale). La Cour est manifestement plus encline à invoquer l’État de droit dans le second cas que dans le premier.
Enfin, il est évident que les arrêts de la Cour de justice ne pourront pas, seuls, assurer la protection de l’État de droit, en dépit de leur force contraignante et des astreintes qui peuvent être prononcées dans le cadre des recours en manquement[151]. À cet égard, plusieurs pistes complémentaires sont aujourd’hui évoquées par la Commission européenne dans le cadre d’un « débat pour renforcer l’état de droit » dans l’Union européenne[152], à savoir notamment la suspension, la réduction ou la restriction de « l’accès aux fonds de l'[Union] d’une manière proportionnée à la nature, à la gravité et à l’étendue des défaillances généralisées de l’état de droit »[153].
En dépit de toutes ces réserves, les arrêts Associação Sindical dos Juízes Portugueses et LM offrent incontestablement à l’État de droit une protection juridictionnelle sans précédent. Outre les leçons sur l’État de droit qu’ils délivrent et la protection qu’ils lui accordent, ces arrêts nous semblent ouvrir la voie à des recours en manquement expressément fondés, notamment, sur une atteinte aux valeurs de l’Union, dont fait partie l’État de droit[154]. En l’état, l’État de droit a, à tout le moins, vocation à occuper une place importante dans l’argumentation de la Cour de justice dans des recours en manquement encore pendants devant elle, bien qu’ils ne soient pas fondés sur la violation de l’État de droit. Tel est le cas du recours en manquement introduit par la Commission contre la Pologne le 15 mars 2018 en invoquant une violation du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes (par l’établissement d’un âge de départ à la retraite des juges différent pour les femmes et les hommes occupant les fonctions de juges et de procureurs) et du droit à un recours effectif et à un tribunal impartial (en abaissant l’âge de la retraite des juges des juridictions de droit commun tout en conférant au Ministre de la justice la faculté de prolonger la durée du mandat des juges)[155]. Il en va de même pour le recours en manquement introduit le 2 octobre 2018 sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte en raison de l’abaissement de l’âge de départ à la retraite des juges de la Cour suprême, y compris des juges en fonction, et du pouvoir discrétionnaire accordé au Président polonais de prolonger le mandat de certains de ces juges[156].
Ce dernier recours a donné lieu à une importante ordonnance de référé puisque, le 19 octobre 2018, la Vice-Présidente de la Cour de justice a imposé des mesures provisoires inédites en ce qu’elles produisent, notamment, un effet rétroactif en revenant sur les mises à la retraite des juges de la Cour suprême[157]. L’importance de ces mesures provisoires est d’autant plus révélatrice de l’implication actuelle de la Cour de justice dans la protection de l’État de droit qu’elles reposent sur une argumentation lapidaire. Après une brève description des faits, la Vice-Présidente a considéré que la condition selon laquelle la demande doit être justifiée à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) était acquise au motif que, bien qu’il lui était impossible de se prononcer à ce stade sur « l’existence d’un fumus boni juris en tant que tel », il lui suffisait de constater, « aux fins de la présente procédure inaudita altera parte, qu’il ne saurait être exclu que [cette] condition (…) soit remplie »[158]. Elle a ensuite contrôlé tout aussi rapidement l’urgence et la mise en balance des intérêts[159]. Cette solution a finalement été confirmée par la grande chambre de la Cour de justice[160], par le biais d’une argumentation plus étayée[161] et reposant alors sur les arrêts Associação Sindical dos Juízes Portugueses et LM ainsi que sur les recommandations adoptées par la Commission au titre du nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’État de droit[162].
En outre, la Cour de justice sera amenée à se prononcer sur plusieurs renvois préjudiciels introduits par les juridictions polonaises et portant sur l’indépendance des juridictions[163], tout comme elle aura potentiellement à connaître d’un nouveau recours en manquement contre la Pologne, la Commission européenne ayant introduit le 3 avril 2019 une procédure d’infraction « concernant le nouveau régime disciplinaire pour les juges [polonais], afin de mettre ces derniers à l’abri de tout contrôle politique » et, partant, de préserver leur indépendance[164], notamment en ce qui concerne leur faculté de procéder à des renvois préjudiciels[165].
Ce faisant, la Cour de justice de l’Union européenne, déjà à l’origine de la consécration et du développement de l’Union de droit, devient « le garant ultime de l’État de droit »[166] à l’échelle de l’Union européenne en défendant « le droit aussi à l’encontre des majorités – précisément à l’encontre des majorités »[167].
[1] En l’état de la jurisprudence de la Cour en avril 2019.
[2] CJCE, 23 avril 1986, Les Verts / Parlement, aff. C-294/83, ECLI:EU:C:1986:166, point 23, nous soulignons. V. sur la « signification symbolique » de la Communauté de droit : D. SIMON, « La Communauté de droit », in F. SUDRE et H. LABAYLE (dir.), Réalités et perspectives du droit communautaire des droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 85, spéc. pp. 115 et 116.
[3] V. à ce sujet, notamment : L. HEUSCHLING, État de droit, Rechsstaat, Rule of Law, Paris, Dalloz, 2002, pp. 6 et s. et D. ROUSSEAU, « L’État de droit est-il un État de valeurs particulières ? », in Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet. L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs, Paris, Dalloz, 2003, p. 885.
[4] V. notamment : C. GREWE, « Réflexions comparatives sur l’État de droit », J. RIDEAU (dir.), De la Communauté de droit à l’Union de droit. Continuités et avatars européens, Paris, L.G.D.J., 2000, p. 11.
[5] S. ROLAND, Le triangle décisionnel communautaire à l’aune de la théorie de la séparation des pouvoirs. Recherches sur la distribution des pouvoirs législatif et exécutif dans la Communauté, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 389. V. dans le même sens : E. CARPANO, État de droit et droits européens. L’évolution du modèle de l’État de droit dans le cadre de l’européanisation des systèmes juridiques, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 257 et s. et L. HEUSCHLING, « Le regard d’un comparatiste : l’État de droit dans et au-delà des cultures juridiques nationales », in Société française de droit international (dir.), L’État de droit en droit international, Paris, A. Pedone, p. 41, spéc. p. 51 et s. V. également, dans le même ouvrage : P. M. EISEMANN, « L’État de droit en situation de crise », p. 431, spéc. p. 432 ; D. SPIELMANN, « La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme sur l’État de droit », p. 179 et A. UBEDA DE TORRES, « L’État de droit dans la pratique des organes du système interaméricain des droits de l’Homme », p. 189. V. également : F. JULIEN-LAFFERRIERE, « État de droit, démocratie et droit de l’Homme », in N. GOEDERT (dir.), État de droit et droits de l’homme. Echanges de points de vue France-Iran, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 97
[6] V. notamment sur le passage d’un État de droit formel à un État de droit substantiel : J. CHEVALLIER, L’État de droit, Paris, LGDJ, 6ème éd., 2017, p. 86 et s.
[7] A l’instar du Rechtsstaat allemand.
[8] V. sur cette différence initiale et le rapprochement progressif : J. CHEVALLIER, L’État de droit, op. cit., pp. 9 et s. ; C. FAIRGRIEVE et M. GUYOMAR, « État de droit and rule of law : comparing concepts », in A. LEVI (dir.), Les libertés en France et au Royaume-Uni : État de droit, Rule of Law. A propos de l’anniversaire de la Grande Charte de 1215. Colloque en hommage à Roger Errera, Paris, Société des législations comparées, 2016, p. 63 et D. MOCKLE, « L’État de droit et la théorie de la rule of law », Les cahiers de droit, 1994, p. 823. V. également : P. TAVERNIER, « La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, fondement de l’État de droit », in N. GOEDERT (dir.), État de droit et droits de l’homme. Echanges de points de vue France-Iran, op. cit., p. 23, spéc. pp. 25 et 26. Néanmoins, « Rule of Law » n’est pas systématiquement traduit par « État de droit », notamment en droit international. V. en ce sens : O. CORTEN, « Rapport général. L’État de droit en droit international : quelle valeur ajoutée ? », in Société française de droit international (dir.), L’État de droit en droit international, op. cit., p. 11, spéc. p. 12.
[9] CJUE, Gde ch., 29 juin 2010, E et F, aff. C-550/09, ECLI:EU:C:2010:382, point 44.
[10] L’évolution a été initiée en 2002 (CJCE, 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores / Conseil, aff. C-50/00 P, ECLI:EU:C:2002:462, point 38). V. à ce sujet : E. CARPANO, État de droit et droits européens. L’évolution du modèle de l’État de droit dans le cadre de l’européanisation des systèmes juridiques, op. cit., pp. 258 et 259.
[11] D. MOCKLE, « L’État de droit et la théorie de la rule of law », op. cit., spéc. pp. 863 et s..
[12] A cet égard, la structure de l’Union européenne présente des similitudes avec la structure d’un État de droit. Tout d’abord, un État de droit suppose une séparation des pouvoirs permettant l’établissement d’un « gouvernement régulier et tempéré [tout en prévenant] un gouvernement despotique et outrancier » (M.-L. BASILIEN-GAINCHE, État de droit et états d’exception. Une conception de l’État, Paris, PUF, 2013, p. 227). Or, l’existence d’une telle séparation des pouvoirs à l’échelle de l’Union, correspondant non à une séparation stricte mais à une balance des pouvoirs entre les différentes institutions de l’Union, a été démontrée (S. ROLAND, Le triangle décisionnel communautaire à l’aune de la théorie de la séparation des pouvoirs. Recherches sur la distribution des pouvoirs législatif et exécutif dans la Communauté, op. cit. et D. SIMON, « État de droit et compétences de l’Union européenne », in V. HEUZE et J. HUER (dir.), Construction européenne et État de droit, Paris, Ed. Panthéon Assas, 2012, p. 21). Ensuite, l’État de droit est entendu comme un État dont le droit est élaboré démocratiquement (J. CHEVALLIER, L’État de droit, op. cit., p. 50). À cet égard, le droit de l’Union n’est pas dénué de cette légitimité démocratique, bien qu’il dispose également, par le biais des institutions composées des représentants des États membres et de la Commission européenne, d’une légitimité intergouvernementale et d’une légitimité intégrative. En outre, un État de droit suppose une hiérarchisation des normes, la validité d’une norme dépendant du respect de la norme qui lui est supérieure (H. KELSEN, Théorie pure du droit, Bruxelles, LGDJ, 3ème éd., 1999, p. 193 et s.). Cette hiérarchie existe en droit de l’Union européenne, bien qu’elle ait un temps été incertaine puisqu’elle est principalement le fruit, non des dispositions du droit primaire, mais de la jurisprudence de la Cour de justice (v. notamment : R. MEHDI, « Le respect de l’État de droit en droit européen et dans les relations extérieures », in Société française de droit international (dir.), L’État de droit en droit international, op. cit., p. 219, spéc. pp. 224 et s.). Enfin, au sommet de cette « pyramide » doit se trouver une norme suprême garantissant les droits fondamentaux. Tel est aujourd’hui le cas de l’Union européenne, par le biais, notamment, de l’article 6 du traité sur l’Union européenne (TUE) et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
[13] Pour une approche détaillée, cf. infra.
[14] La protection juridictionnelle effective est incontestablement un droit fondamental. La distinction ici faite n’a vocation qu’à insister sur le lien particulier existant entre protection juridictionnelle effective et État de droit.
[15] V. en ce sens : R. MEHDI, « Les retombées de la Communauté de droit dans les États de droit », in J. RIDEAU (dir.), De la Communauté de droit à l’Union de droit. Continuités et avatars européens, op. cit., p. 377, spéc. pp. 401 et s. et J. RIDEAU, « Communauté de droit et États de droit », in Humanité et droit international. Mélanges René-Jean Dupuy, Paris, A. Pedone, 1991, p. 249, spéc. pp. 260 et s.
[16] D’après le site Curia.
[17] V. par exemple : CJCE, 16 décembre 1981, Tymen, aff. 269/80, ECLI:EU:C:1981:303, point 12.
[18] V. par exemple : CJCE, 10 avril 1984, Harz, aff. 79/83, Rec. p. 1921, spéc. p. 1934.
[19] V. par exemple, plus récemment : CJUE, 28 juillet 2016, Tomana e.a. / Conseil et Commission, aff. C-330/15 P, ECLI:EU:C:2016:601, points 3, 12, 13 et 75.
[20] CJCE, 13 juillet 1965, Lemmerz-Werke / Haute autorité, aff. 111/63, Rec. p. 835, spéc. p. 848 (selon la requérante, « d’après les principes de l’état de droit, les pouvoirs publics doivent supporter les conséquences de leurs fautes de service »).
[21] V. les conclusions du Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993.
[22] V. sur l’« exportation » de l’État de droit à l’Est : F. PARMENTIER, Les chemins de l’État de droit. La voie étroite des pays entre Europe et Russie, Paris, Presses de Sciences Po, 2014, spéc. p. 46 et s. Pourtant, en 1993, Robert BADINTER constatait avec enthousiasme que « l’Europe connait un moment privilégié de son histoire. Pour la première fois, elle ignore la menace d’impérialismes militaires qui voudraient imposer aux autres nations européennes une domination fondée sur la force des armes. Aucun Napoléon, Hitler ou Staline n’émerge à l’horizon de notre fin de siècle. Pour la première fois, notre continent ne connait aucun affrontement irréductible entre des mouvements religieux ou idéologiques. Pour la première fois, tous les États européens se réclament des mêmes valeurs, celles des droits de l’homme et de la démocratie » (R. BADINTER, « L’Europe du droit », EJIL, 1993, p. 15).
[23] Pour les détails de ce mécanisme, cf. infra, I B.
[24] D. SINOU, « Le respect de l’État de droit comme condition de participation à l’Union européenne », in Société française de droit international (dir.), L’État de droit en droit international, op. cit., p. 239, spéc. p. 244.
[25] CJCE, 4 février 1999, Köllensperger et Atzwanger, aff. C-103/97, ECLI:EU:C:1999:52.
[26] Ibid, point 24.
[27] CJCE, 28 octobre 2004, Commission / Portugal, aff. C-185/02, ECLI:EU:C:2004:668, point 26.
[28] CJCE, 11 septembre 2008, Unión General de Trabajadores de la Rioja, ECLI:EU:C:2008:488, aff. jointes C-428 à 434/06, point 80.
[29] Après l’avoir été de 1998 à 2002.
[30] Point 2 de la Résolution du Parlement européen du 17 mai 2017 sur la situation en Hongrie (2017/2656(RSP).
[31] Plus précisément, sont concernées une loi sur le Conseil national de la magistrature, une loi sur l’École nationale de la magistrature, une loi sur l’organisation des juridictions de droit commun et une loi sur la Cour suprême.
[32] CJUE, 1er décembre 2011, Painer, ECLI:EU:C:2011:798, C-145/10, point 113.
[33] CJUE, Gde ch., 6 octobre 2015, Schrems, aff. C-362/14, ECLI:EU:C:2015:650.
[34] Directive 95/46 du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JOCE, n°L 281 du 23 novembre 1995, p. 31.
[35] Décision 2000/520 du 26 juillet 2000 conformément à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la pertinence de la protection assurée par les principes de la « sphère de sécurité » et par les questions souvent posées y afférentes, publiés par le ministère du commerce des États-Unis d’Amérique, JOCE, n°L 215 du 25 août 2000, p. 7.
[36] CJUE, Gde ch., 6 octobre 2015, Schrems, op. cit., point 60.
[37] Articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
[38] CJUE, Gde ch., 6 octobre 2015, Schrems, op. cit., point 95. Pour un dernier exemple, en 2016, la Cour de justice a été amenée à définir la notion d’« autorité judiciaire » dans une affaire relative au mandat d’arrêt européen, afin de déterminer si le ministère de la justice lituanien pouvait être qualifié comme tel. La Cour a souligné que le terme d’autorité judiciaire « se réfère au pouvoir judiciaire, lequel doit (…) être distingué, conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, du pouvoir exécutif. Ainsi, les autorités judiciaires s’entendent traditionnellement comme les autorités participant à l’administration de la justice, à la différence, notamment, des ministères ou des autres organes gouvernementaux, qui relèvent du pouvoir exécutif » (CJUE, 10 novembre 2016, Kovalkovas, aff. 477/16 PPU, ECLI:EU:C:2016:861 point 36, nous soulignons). V. déjà, pour une affirmation du lien entre séparation des pouvoirs et État de droit : CJUE, 22 décembre 2010, DEB, aff. C-279/09, ECLI:EU:C:2010:811, point 58.
[39] Cf. supra, I, A.
[40] Selon ce critère, « l’adhésion requiert de la part du pays candidat qu’il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection ».
[41] Article 6, paragraphe 1, TUE.
[42] V. à ce sujet : D. SINOU, « Le respect de l’État de droit comme condition de participation à l’Union européenne », op. cit., p. 239.
[43] Sans qu’il ne soit tenu compte de la voix du représentant de l’État membre en cause (article 7, paragraphe 4, TUE).
[44] Article 7, paragraphes 1 et 5, TUE.
[45] Article 7, paragraphe 2, TUE. V. notamment : D. SIMON, « Article 7 », in V. CONSTANTINESCO, Y. GAUTIER et D. SIMON (dir.), Traités d’Amsterdam et de Nice. Commentaire article par article, Paris, Economica, 2007, p. 40, spéc. pp. 46 et s. Le Conseil peut ensuite modifier ou mettre fin à cette décision, à la majorité qualifiée (article 7, paragraphe 3).
[46] Article 7, paragraphe 1, TUE, nous soulignons. Le Conseil peut également « demander à des personnalités indépendantes de présenter dans un délai raisonnable un rapport sur la situation dans l’État membre en question ».
[47] Toujours sans tenir compte de la voix du représentant de l’État membre concerné.
[48] Cf. supra I, A.
[49] Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit, COM/2014/0158 final.
[50] Communiqué de presse « La Commission européenne présente un cadre en vue de sauvegarder l’État de droit dans l’Union européenne », disponible en ligne (http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-237_fr.htm).
[51] Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit, op. cit.
[52] En ce sens, le Projet de traité instituant l’Union européenne présenté au Parlement européen le 14 février 1984, dit « Projet Spinelli », proposait qu’en « cas de violation grave et persistante de la part d’un État membre des dispositions du présent traité, après constatation par la Cour de justice à la demande du Parlement ou de la Commission, le Conseil européen » puisse « après avoir entendu l’État concerné, prendre sur avis conforme du Parlement des mesures (…) visant à suspendre les droits qui résultent de l’application d’une partie ou de la totalité des dispositions du présent traité à l’État considéré et à ses ressortissants, sans préjudice des droits acquis à ces derniers [et] pouvant aller jusqu’à suspendre la participation de l’État considéré au Conseil européen et au Conseil de l’Union, ainsi qu’à tout autre organe où l’État est représenté comme tel » (article 44, nous soulignons).
[53] V. antérieurement : article 46, alinéa 1, sous d, TUE tel qu’issu du traité d’Amsterdam puis de Nice.
[54] V. SKOURIS, « L’Union européenne en tant que Communauté de valeurs. L’exemple de l’État de droit », in L’exigence de justice. Mélanges en l’honneur de Robert Badinter, p. 701, spéc. p. 708.
[55] Ce nombre devrait être porté à dix si l’arrêt Schrems (précité), y était inclus. Il est vrai que la Cour se réfère dans cet arrêt à l’État de droit alors que l’affaire questionne également l’Union de droit. Il ne rentre cependant pas dans le champ de la présente étude pour deux raisons. D’une part, la Cour de justice se réfère expressément à l’Union de droit dans les passages qui concernent indéniablement cette dernière (point 60). D’autre part, la référence à l’État de droit se justifie dans la mesure où l’État de droit en tant que tel était également en cause, cf. supra I, B.
[56] CJCE, 22 mai 2008, Evonik Degussa / Commission et Conseil, aff. C-266/06 P, ECLI:EU:C:2008:295, point 58.
[57] Anciennement Tribunal de première instance de l’Union européenne. V. notamment : TPI, 30 janvier 2002, max.mobil / Commission, aff. T-54/99, ECLI:EU:T:2002:20, points 48 et 57.
[58] CJCE, ord., 18 octobre 2002, Commission / Technische Glaswerke Ilmenau, aff. C-232/02 P(R), ECLI:EU:C:2002:601, point 85, nous soulignons.
[59] E. CARPANO, État de droit et droits européens. L’évolution du modèle de l’État de droit dans le cadre de l’européanisation des systèmes juridiques, op. cit., p. 274.
[60] CJUE, Gde ch., ord, 20 novembre 2017, Commission / Pologne, aff. C-441/17 R, ECLI:EU:C:2017:877, cf. infra, III, A, 1.
[61] Nous soulignons.
[62] V., quant au « flou » qui entoure le passage des principes aux valeurs : L. BURGORGUE-LARSEN, « Article I-2 », in L. BURGORGUE-LARSEN, A. LEVADE et F. PICOD (dir.), Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Commentaire article par article. Partie II : La Charte des droits fondamentaux de l’Union, Bruxelles, Bruylant, 2005, t. 2, p. 50, spéc. p. 53.
[63] Cf. supra, II B.
[64] Dans le même sens, la Cour aurait pu, tout aussi aisément, se référer à la formulation très proche de celle de l’article 6, paragraphe 1, TUE, qu’elle avait consacrée en 2002, selon laquelle il existe des « principes généraux de l’État de droit communs aux traditions constitutionnelles des États membres ». V. en ce sens : CJCE, ord., 18 octobre 2002, Commission / Technische Glaswerke Ilmenau, op. cit., point 85
[65] CJCE, Gde ch., 27 février 2007, Gestoras Pro Amnistía e.a. / Conseil, aff. C-354/04 P, ECLI:EU:C:2007:115. Entre l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam (consacrant la disposition ici évoquée), et le présent arrêt, la Cour a rendu plusieurs arrêts se fondant sur la Communauté de droit et non sur l’article 6, paragraphe 1, TUE. V. par exemple : CJCE, 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores / Conseil, op. cit., point 38 ; CJCE, 10 juillet 2003, Commission / BEI, aff. C-15/00, ECLI:EU:C:2003:396, point 75 et CJCE, 29 avril 2004, Commission / CAS Succhi di Frutta, aff. C-96/499 P, ECLI:EU:C:2004:236, point 63.
[66] Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, JOCE, n°L 344 du 28 décembre 2001, p. 93.
[67] CJCE, Gde ch., 27 février 2007, Gestoras Pro Amnistía e.a. / Conseil, op. cit., point 34.
[68] Ibid, points 49 et s.
[69] Ibid, point 51, nous soulignons.
[70] CJCE, Gde ch., 27 février 2007, Segi e.a. / Conseil, aff. C-355/04 P , ECLI:EU:C:2007:116, point 51.
[71] CJCE, Gde ch., 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, aff. C-303/05, ECLI:EU:C:2007:261.
[72] Décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, JOCE, n°L 190 du 18 juillet 2002, p. 1
[73] CJCE, Gde ch., 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, op. cit., point 45.
[74] En l’espèce, l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et l’article 275, premier alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
[75] La Cour de justice avait antérieurement admis sa compétence pour connaître d’un recours en annulation introduit contre un acte relavant de la PESC, en l’espèce un accord international, au motif que « bien que la décision attaquée ait été adoptée sur le fondement d’une seule base juridique matérielle relevant de la PESC (…), il résulte du préambule de cette décision que sa base juridique procédurale est l’article 218, paragraphes 5 et 6, TFUE, réglant la procédure de signature et de conclusion des accords internationaux ». Or « il ne saurait être soutenu que la portée de la limitation dérogatoire à la compétence de la Cour prévue aux articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275 TFUE s’étend jusqu’à exclure que la Cour soit compétente pour interpréter et appliquer une disposition telle que l’article 218 TFUE, qui ne relève pas de la PESC » (CJUE, Gde ch., 24 juin 2014, Parlement / Conseil, aff. C‑658/11, ECLI:EU:C:2014:2025, points 70 et 73). L’année suivante, elle s’est reconnue compétente à l’égard d’un recours en annulation portant sur des mesures prises par la mission entreprise sur la base de l’action commune 2008/124/PESC du Conseil, du 4 février 2008, relative à la mission «État de droit» menée par l’Union européenne au Kosovo, Eulex Kosovo, au motif que « les mesures litigieuses, dont l’annulation était demandée (…) se rapportaient à une passation de marché public qui a engendré des dépenses à la charge du budget de l’Union. Il s’ensuit que le marché en cause relève des dispositions du règlement financier », à l’égard duquel l’exclusion de principe de la compétence de la Cour en matière de PESC ne joue pas (CJUE, 12 novembre 2015, Elitaliana / Eulex Kosovo, aff. C-439/13 P, ECLI:EU:C:2015:753, points 48 et 49). V. sur ces arrêts : I. BOSSE-PLATIERE, « Procédure de conclusion des accords internationaux dans le domaine de la PESC : quand la Cour se fait équilibriste », RTDE, 2014, p. 740 et L. COUTRON, « Tectonique des plaques : quand la protection juridictionnelle érode l’injusticiabilité de la PESC », RTDE, 2016, p. 419.
[76] « L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international » (Article 21, paragraphe 1, premier alinéa, TUE).
[77] CJUE, Gde ch., 19 juillet 2016, H / Conseil et Commission, aff. C-455/14 P, ECLI:EU:C:2016:569, point 41.
[78] Ibid.
[79] Ibid, spéc. point 55. V. notamment : I. BOSSE-PLATIERE « Après l’arrêt Elitaliana et avant l’arrêt Rosneft, la Cour restreint les limites de son incompétence en matière de PESC », RTDE, 2017, p. 123.
[80] CJUE, Gde ch., 28 mars 2017, Rosneft, aff. C-72/15, ECLI:EU:C:2017:236. V. sur cet arrêt : L. COUTRON, « Consécration de la compétence préjudicielle de la Cour de justice dans le contentieux des mesures restrictives », RTDE, 2017, p. 418.
[81] Ibid, points 64 et s., spéc. points 72 et 73.
[82] Ibid, points 72 et 73. V. également, sans référence préalable à l’article 2 TUE : CJUE, 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a. / Commission, aff. C-131/15 P, ECLI:EU:C:2016:989, point 49.
[83] CJCE, 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores / Conseil, op. cit., point 38.
[84] V. à cet égard, par exemple : F. BERROD et F. MARIATTE, « Le pourvoi dans l’affaire Union de Pequeños Agricultores c/conseil : le retour de la procession d’Echternach », Europe, 2002, chron. 12 ; R. MEHDI, « La recevabilité des recours formés par les personnes physiques et morales à l’encontre d’un acte de portée générale : l’aggiornamento n’aura pas eu lieu… », RTDE, 2003, p. 23 et D. RITLENG, « Pour une systématique des contentieux au profit d’une protection juridictionnelle effective », in Mélanges en hommage à Guy Isaac. 50 ans de droit communautaire, Toulouse, Presse de l’Université des Sciences sociales de Toulouse, t. 2, p. 735, spéc. pp. 755 et s.
[85] CJUE, Gde ch., 19 juillet 2016, H / Conseil et Commission, op. cit. et CJUE, Gde ch., 28 mars 2017, Rosneft, op. cit.
[86] L. COUTRON, « Consécration de la compétence préjudicielle de la Cour de justice dans le contentieux des mesures restrictives », op. cit., spéc. p. 421.
[87] Avant le traité de Lisbonne, un tel constat pouvait également être formulé à l’égard de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice. V. par exemple : F. PICOD, « Le droit au juge en droit communautaire », in J. RIDEAU (dir.), Le droit au juge dans l’Union européenne, Paris, L.G.D.J., 1998, p. 141, spéc. p. 142 et M. SOUSSE, « État de droit, Communauté de droit et Union de droit face à l’ordre public et à la sécurité intérieure », in J. RIDEAU (dir.), De la Communauté de droit à l’Union de droit. Continuités et avatars européens, op. cit., p. 459, spéc. pp. 465 et s. Le traité de Lisbonne a néanmoins très largement mis fin à cette situation en ce qui concerne l’Espace de liberté, de sécurité et de justice. V. en ce sens : K. LENAERTS, « Le traité de Lisbonne et la protection juridictionnelle des particuliers en droit de l’Union », CDE, 2009, p. 713, spéc. pp. 736 et s. V. aussi, à ce sujet : E. SHARPSTON, « First steps towards an EU jurisprudence on the Area of Freedom, security and Justice (AFSJ) », in J. ILIOPOULOS-STRANGAS, O. DIGGELMANN et H. BAUER (eds.), État de droit, liberté et sécurité en Europe, Athens, Baden-Baden et Bruxelles, Ant. N. Sakkoulas, Nomos Verlagsgesellschaft et Bruylant, 2010, p. 436, spéc. pp. 438 et s.
[88] L’aboutissement de l’État de droit dans les États membres n’est également pas parfait. V., en ce qui concerne la France : G. CANIVET, « État de droit, libertés en France. Perspectives historiques. L’inachevé du droit », in A. LEVI (dir.), Les libertés en France et au Royaume-Uni : État de droit, Rule of Law. A propos de l’anniversaire de la Grande Charte de 1215. Colloque en hommage à Roger Errera, op. cit., p. 47, spéc. pp. 59 et s.
[89] CJUE, Gde ch., 28 mars 2017, Rosneft, op. cit. et L. COUTRON, « Consécration de la compétence préjudicielle de la Cour de justice dans le contentieux des mesures restrictives », op. cit.
[90] Cf. supra I, A.
[91] F. JULIEN-LAFERRIERE, « L’État de droit et les libertés », in Pouvoir et liberté. Etudes offertes à Jacques Mourgeon, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 153.
[92] V. à ce sujet, en droit pénal international : J. FRANCILLON, « État de droit et droit pénal international », in N. GOEDERT (dir.), État de droit et droits de l’homme. Echanges de points de vue France-Iran, op. cit., p. 167, spéc. p. 169.
[93] Cette logique de coopération intergouvernementale n’a été que progressivement remise en cause (v. par exemple : J. P. JACQUE, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Dalloz, 9ème éd., 2018, p. 31 et s.).
[94] V. sur la nécessité pour la Cour de justice de légitimer ses arrêts au travers de sa motivation pour susciter une « adhésion raisonnée », alors que « face à des destinataires de tradition et de cultures juridiques différentes », l’Union européenne « n’a pas à sa disposition la force » et souffre d’« un définitif de légitimation démocratique » : D. RITLENG, « Les juridictions communautaires (CJCE et TPI). Commentaire », in H. RUIZ FABRI et J.-M. SOREL (dir.), La motivation des décisions des juridictions internationales, Paris, A. Pedone, 2008, p. 157, spéc. p. 163.
[95] Le seul cas de la France permet d’illustrer cette double menace. La France a ainsi eu recours à un régime d’exception, l’état d’urgence, entre le 14 novembre 2015 et le 1er novembre 2017. Durant cette période, les préfets et le ministre de l’Intérieur ont eu la possibilité de prendre des mesures qui, en dehors de ce régime d’exception, ne peuvent être mises en œuvre qu’après intervention de l’autorité judiciaire (dont des restrictions à la liberté d’aller et venir, des réquisitions de biens et de personnes, des perquisitions à domicile, des fermetures de débits de boisson et de lieux de cultes). À ce régime d’exception, dont les six prorogations successives ont été critiquées, se sont ajoutées les différentes lois ayant pour objectif de créer un régime juridique permanent répondant efficacement à la menace terroriste. Or, ces lois ont aussi été contestées, en raison des risques qu’elles comportent. V. notamment, sur ces questions : M.-L. BASILIEN-GAINCHE, État de droit et états d’exception. Une conception de l’État, op. cit. et P. CASSIA, Contre l’état d’urgence, Paris, Dalloz, 2016. V. à ce sujet, outre-Manche : A. JAKAB, « The Rule of Law and the Terrorist Challenge. A Map of Possible Arguments in the Dilemma of Security vs. Liberty », in J. ILIOPOULOS-STRANGAS, O. DIGGELMANN et H. BAUER (eds.), État de droit, liberté et sécurité en Europe, op. cit., p. 17.
[96] Recommandation (UE) 2016/1374 de la Commission du 27 juillet 2016 concernant l’État de droit en Pologne, JOUE, n° L 217 du 12 août 2016, p. 53 ; Recommandation (UE) 2017/146 de la Commission du 21 décembre 2016 concernant l’État de droit en Pologne complétant la recommandation (UE) 2016/1374, JOUE, n°L 22 du 27 janvier 2017, p. 65 ; Recommandation (UE) 2017/1520 de la Commission du 26 juillet 2017 concernant l’État de droit en Pologne complétant les recommandations (UE) 2016/1374 et (UE) 2017/146, JOUE, n°L 228 du 2 septembre 2017, p. 19 et Recommandation (UE) 2018/103 de la Commission du 20 décembre 2017 concernant l’état de droit en Pologne complétant les recommandations (UE) 2016/1374, (UE) 2017/146 et (UE) 2017/1520, JOUE, n° L 17 du 23 janvier 2018, p. 50.
[97] Proposition motivée, présentée par la Commission conformément à l’article 7, paragraphe 1, du TUE, concernant l’état de droit en Pologne, COM(2017) 835 final.
[98] Cf. supra I, A.
[99] CJUE, Gde ch., ord, 20 novembre 2017, Commission / Pologne, op. cit., point 94.
[100] Il en va ainsi dans l’arrêt de principe Les Verts / Parlement (op. cit.). V. pour des exemples plus récents : CJUE, 26 juin 2012, Pologne / Commission, aff. C‑335/09 P, ECLI:EU:C:2012:385, point 48 et CJUE, 19 décembre 2013, Telefónica SA / Commission, aff. C-274/12 P, ECLI:EU:C:2013:852, point 56.
[101] CJUE, Gde ch., ord, 20 novembre 2017, Commission / Pologne, op. cit., point 102.
[102] Ce qui justifie, pour rappel, que cette ordonnance n’ait pas été étudiée plus tôt.
[103] CJUE, Gde ch., 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, aff. C-64/16, ECLI:EU:C:2018:117.
[104] V., pour le détail : ibid, point 6, citant la loi portugaise.
[105] Ibid, point 14.
[106] Ibid, point 13.
[107] V. notamment en ce sens : E. CARPANO, État de droit et droits européens. L’évolution du modèle de l’État de droit dans le cadre de l’européanisation des systèmes juridiques, op. cit., p. 273.
[108] CJUE, Gde ch., 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, op. cit., dispositif.
[109] Ibid, point 30. Nous rappelons ici que si l’Union ne peut être assimilée à un État de droit, l’Union de droit inclut bien les États membres et peut donc être évoquée à leurs égards.
[110] Ibid, point 30. L’importance de cette confiance est également évoquée à plusieurs reprises dans le nouveau cadre de l’Union pour renforcer l’état de droit (op. cit.). V. également : V. SKOURIS, « L’Union européenne en tant que Communauté de valeurs. L’exemple de l’État de droit », op. cit., spéc. p. 709.
[111] Ibid. point 31.
[112] V. en ce sens : C. VIAL, « Un paradoxe cohérent et surmontable : le difficile respect de l’État de droit dans l’Union (des États) de droit », in Les droits de l’homme à la croisée des droits. Mélanges en l’honneur de Frédéric Sudre, Paris, Lexisnexis, 2018, p. 823, spéc. p. 829 et s.
[113] CJUE, Gde ch., 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, op. cit. point 32, nous soulignons.
[114] Ibid, point 33.
[115] Ibid, point 29.
[116] Article 51, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux.
[117] V. notamment : CJUE, Gde ch., 26 février 2013, Åkerberg Fransson, aff. C-617/10, ECLI:EU:C:2013:105, points 17 et s.. V. également : F. BENOIT-ROHMER, « Chronique UE et droits fondamentaux – Champ d’application de la Charte (art. 51) », RTDE, 2018, p. 454.
[118] « À titre liminaire, il y a lieu d’observer, quant au champ d’application ratione materiae de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, que cette disposition vise « les domaines couverts par le droit de l’Union », indépendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en œuvre ce droit, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte » (point 29, précité).
[119] « Article19(1) TEU may from now on be relied upon to challenge any national measure which may undermine the independence of any national court which may hear ‘questions concerning the application or interpretation of EU law’ (para. 40). The key ‘test’ is therefore whether the relevant national court has jurisdiction (or not) over potential questions of EU law. If this understanding is correct, the Court’s approach may be viewed as ground-breaking as most if not all national courts are, at least theoretically, in this situation » (L. PECH et S. PLATON, « Rule of Law backsliding in the EU: The Court of Justice to the rescue? Some thoughts on the ECJ ruling in Associação Sindical dos Juízes Portugueses », EU Law Analysis, disponible en ligne : https://eulawanalysis.blogspot.com/2018/03/rule-of-law-backsliding-in-eu-court-of.html). V. également : J.-P. JACQUE, « État de droit et confiance mutuelle », RTDE, 2018, p. 239.
[120] CJUE, Gde ch., 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, op. cit. points 46 et 52.
[121] Ibid, point 36.
[122] Allocution introductive intitulée « The Court of Justice and National Courts: a Dialogue Based on Mutual Trust and Judicial Independence » et prononcée le 19 mars 2018 lors de la conférence Application of the European law in jurisprudence organisée par la Cour suprême administrative polonaise. Disponible en ligne : .
JuriFast headings»
[123] V. par exemple : Rapport global de suivi sur le degré de préparation à l’adhésion de l’UE de la Bulgarie et de la Roumanie, COM(2005) 534 final, point 2.2.2. Depuis 2011, le respect de l’État de droit par les États candidats fait d’ailleurs partie des premières exigences contrôlées par la Commission européenne. V. en ce sens, notamment, les conclusions du Conseil du 5 décembre 2011 sur l’élargissement et le processus de stabilisation et d’association, (18089/1/11 REV 1).
[124] V. par exemple : J. CZUCZAI, « Constitutional preparation for EU accession in the new central and eastern european member states : is the rule of law better than the rule of politics ? », in The european union. An ongoing process of integration. Liber amicorum Alfred. E. Kellermann, The Hague, T. M. C. Asser Press, 2004, p. 269 ; F. DE LA SERRE, « L’élargissement aux PECO : quelle différenciation ? », RMCUE, 1996, p. 642, spéc. p. 645 et s ; K. INGLIS, « The Europe agreements compared in the light of their pre-accession reorientation », CML Rev., 2000, p. 1173, spéc. p. 1176 ; G. JOLY, « Le processus d’élargissement de l’UE », RMCUE, 2002, p. 239, spéc. p. 240 et N. RAGARU, « La Bulgarie et la Roumanie aux portes de l’Union européenne : un si long espoir », Pouvoirs, 2003, n° 106, p. 99, spéc. p. 105 et s.
[125] A cet égard, Jacques CHEVALLIER souligne que la théorie de l’État de droit ne peut s’épanouir que dans « un terreau idéologique, enracinée dans une certaine réalité sociale et politique ». Ainsi, « privée de ce substrat, coupée de ces références, elle n’apparaît plus que comme une coquille vide, un cadre formel et devient à proprement parle ‘‘in-signifiante’’ ». Plus précisément, « l’État de droit apparaît comme une organisation politique et sociale destinée à mettre en œuvre les principes de la démocratie libérale » (L’État de droit, op. cit., pp. 49 et 50). V. aussi : : F. PARMENTIER, Les chemins de l’État de droit. La voie étroite des pays entre Europe et Russie, op. cit..
[126] CJUE, Gde ch., 25 juillet 2018, LM, aff. C-216/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:586.
[127] « En vue de son arrestation et de sa remise auprès desdites juridictions aux fins de l’exercice de poursuites pénales, notamment pour trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes », (ibid, point 14).
[128] Considérant 6 et articles 3 et 4 de la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, op. cit.
[129] CJCE, Gde ch., 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, aff. jointes C‑404 et 659/15 PPU, ECLI:EU:C:2016:198. V. notamment : E. BROUSSY, H. CASSAGNABERE et Ch. GÄNSER, « Une autorité judiciaire peut être tenue de reporter l’exécution d’un mandat d’arrêt européen si l’intéressé risque de subir des traitements inhumains ou dégradants après sa remise à l’État membre d’émission », AJDA, 2016, p. 1059.
[130] Proposition motivée, présentée par la Commission conformément à l’article 7, paragraphe 1, du TUE, concernant l’état de droit en Pologne, op. cit..
[131] CJUE, Gde ch., 25 juillet 2018, LM, op. cit., point 21.
[132] Ibid, point 24.
[133] Ibid, point 25.
[134] Ibid, point 35.
[135] Ibid, points 36 à 41 et points 55 et s. V. déjà, notamment : CJUE, plén., 18 décembre 2014, avis 2/13, ECLI:EU:C:2014:2454, points 191 et s.
[136] Article 1, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI, op. cit. et CJUE, Gde ch., 25 juillet 2018, LM, ibid, point 45.
[137] CJCE, Gde ch., 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, op. cit., point 86 et CJUE, Gde ch., 25 juillet 2018, LM, ibid, point 45.
[138] L’État de droit n’est directement évoqué par l’avocat général que lorsqu’il s’interroge sur les rapports qui existent entre l’article 7 TUE et l’examen que la juridiction nationale se propose d’effectuer (CJUE, Gde ch., 25 juillet 2018, LM, ibid, conclusions Evgeni TANCHEV, points 37 et s.).
[139] Ibid, conclusions Evgeni TANCHEV, points 60 et s.
[140] Ibid, point 48, nous soulignons. V. pour la justification de cette affirmation fondée sur l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses (op. cit.): points 49 et s. (« en effet »).
[141] Ibid, points 49 et s.
[142] Ibid, points 63 à 67.
[143] Ibid, point 61.
[144] Ibid, point 68.
[145] Nous soulignons.
[146] CJUE, Gde ch., 25 juillet 2018, LM, op. cit., points 71 à 73.
[147] Ibid, point 74.
[148] Ibid, point 75, nous soulignons.
[149] CJUE, 25 juillet 2018, ML, aff. C-220/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:589.
[150] Ibid, points 57 et s. L’arrêt Aranyosi et Căldăraru, (op. cit.) ne faisait pas davantage référence à l’État de droit.
[151] V. en ce sens : article 260 TFUE et CJUE, Gde ch., ord, 20 novembre 2017, Commission / Pologne, op. cit., point 102 (où la Cour a « fait œuvre d’architecte en confectionnant, de manière innovante, un mécanisme d’astreinte applicable dès le stade du recours en manquement initial ». V. en ce sens : L. COUTRON, « La Cour de justice au secours de la forêt de Bialowieska. Coup de tonnerre dans le recours en manquement ! », RTDE, 2018, p. 380.
[152] https://ec.europa.eu/commission/news/protecting-and-strengthening-rule-law-europe-2019-apr-03_fr.
[153] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-3570_fr.htm.
[154] V. également en ce sens : L. PECH et S. PLATON, « Rule of Law backsliding in the EU: The Court of Justice to the rescue? Some thoughts on the ECJ ruling in Associação Sindical dos Juízes Portugueses », op. cit. et C. VIAL, « Un paradoxe cohérent et surmontable : le difficile respect de l’État de droit dans l’Union (des États) de droit », in op. cit., spéc. pp. 830 et 831.
[155] CJUE, affaire pendante, Commission / Pologne, aff. C-192/18.
[156] CJUE, affaire pendante, Commission / Pologne, aff. C-619/18.
[157] CJUE, ord. de la Vice-Présidente de la Cour, 19 octobre 2018, Commission / Pologne, aff. C‑619/18 R, ECLI:EU:C:2018:852.
[158] Ibid, points 16 et 17. Une telle affirmation n’a été faite qu’une seule fois antérieurement, dans le cadre d’un pourvoi introduit par la Commission contre un arrêt du Tribunal de l’Union européenne portant sur un litige relatif à un soutien financier accordé par l’Union dans le cadre du Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013). V. : CJUE, ord de la Vice-Présidence de la Cour, 21 février 2014, Commission / ANKO, aff. C‑78/14 P-R, ECLI:EU:C:2014:93, point 12.
[159] La Pologne a officiellement pris les mesures nécessaires au respect de cette ordonnance, tout en critiquant la solution délivrée et son origine. V., pour le contexte et la stratégie politique qui entourent ces mesures : L. PECH et P. WACHOWIEC, « 1095 Days Later: From Bad to Worse Regarding the Rule of Law in Poland (Part I) », disponible en ligne (https://verfassungsblog.de/1095-days-later-from-bad-to-worse-regarding-the-rule-of-law-in-poland-part-i/).
[160] CJUE, Gde ch., ord., 17 décembre 2018, Commission / Pologne, op. cit. ECLI:EU:C:2018:1021.
[161] La grande chambre vérifiant notamment, en ce qui concerne le fumus boni juris, que « les arguments avancés par la Commission, dans le cadre de ses deux moyens, n’apparaissent pas, à première vue, comme étant dépourvus de fondement sérieux » (ibid, points 39 à 49).
[162] Ibid, points 40 et s., 66 et s., 74 et s. et 82 et s.
[163] V. notamment, pour les renvois préjudiciels dont la demande est disponible, les affaires suivantes : C‑668/18,C‑522/18, C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18. Les trois dernières affaires ont été jointes, et toutes font l’objet de la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
[164] V. en ce sens : https://ec.europa.eu/commission/news/protecting-and-strengthening-rule-law-europe-2019-apr-03_fr.
[165] V. sur les mesures prises à l’encontre de juges polonais ayant opéré des renvois préjudiciels : L. PECH et P. WACHOWIEC, « 1095 Days Later: From Bad to Worse Regarding the Rule of Law in Poland (Part II) », disponible en ligne (https://verfassungsblog.de/1095-days-later-from-bad-to-worse-regarding-the-rule-of-law-in-poland-part-ii/).
[166] K. LENAERTS, « The Court of Justice and National Courts: a Dialogue Based on Mutual Trust and Judicial Independence », op. cit. (« the ultimate guarantor of the rule of law within the EU»).
[167] V. SKOURIS, « L’Union européenne en tant que Communauté de valeurs. L’exemple de l’État de droit », op. cit., spéc. p. 713.