La mutation de la mise en état des affaires pénales à l’épreuve des droits européens
Thèse soutenue à l’Université de Strasbourg le 4 décembre 2017 sous la direction de Madame le Professeur Leblois-Happe devant un jury composé de adame le Professeur Parizot, Rapporteur, Monsieur le Professeur Fourment, Rapporteur, de Madame Pflug, magistrate près la JIRS de Nancy, de Monsieur Dourneau-Josette, Chef de division a la Cour européenne des droits de l’homme et Professeur associé à l’Université de Strasbourg, Monsieur Csonka, Fonctionnaire de l’Union auprès de la Commission européenne.
Entendue comme la phase d’investigations conduites par l’autorité judiciaire ou sous son contrôle afin de réunir des éléments nécessaires à la manifestation de la vérité et au vu desquels sera appréciée l’opportunité d’exercer l’action publique, la mise en état des affaires pénales s’illustre, depuis quelques années, par un double phénomène.
Elle se caractérise, déjà, par l’extrême instabilité des règles qui s’y appliquent. Si cette versatilité se constate, il est vrai, pour la matière pénale dans son ensemble, volontiers qualifiée de chantier toujours ouvert, la remarque vaut davantage encore pour la mise en état des affaires pénales, touchée et retouchée par une grande majorité des réformes qu’a connu le Code de procédure pénale depuis 1958. Elles l’ont progressivement déconstruite pour la reconstruire différemment. Cette métamorphose, encore incomplète et donc imparfaite, est le second phénomène qui la caractérise.
La consécration, dès 1958, des pratiques prétoriennes développées sous l’empire du Code d’instruction criminelle avait déjà donné à la mise en état des affaires pénales, un autre visage. Autrefois unitaire, elle prenait dorénavant les traits d’un système plus dual : l’enquête préliminaire, héritière de l’enquête « officieuse », se greffait désormais à l’information judiciaire dans laquelle la mise en état se confondait jusqu’alors, à l’exception des quelques règles dérogatoires justifiées par la nécessité de « battre le fer tant qu’il est chaud ». Initialement conçue comme un préalable à l’instruction préparatoire, exclusive de contrainte, ce qui la distinguait des règles propres à la flagrance, et simplement destinée à éclairer le Parquet sur les suites à donner à la procédure, elle devait s’enrichir puis s’imposer comme le cadre ordinaire des investigations dans un système qui n’avait toutefois été pensé ni autour d’elle, ni pour elle. La marginalisation de l’information au profit de l’enquête, en particulier préliminaire, s’accompagne cependant de déséquilibres qui s’ajoutent à une perte de cohérence d’ensemble.
Cette perte de cohérence procède de perturbations tant structurelles que fonctionnelles et organiques. L’enrichissement des possibilités d’investigation en enquête préliminaire et l’effritement de son caractère non coercitif, sont au cœur d’un rapprochement matériel des cadres d’investigation lato sensu et d’enquêtes stricto sensu. Ce rapprochement, qui puise sa justification dans les nécessités de la pratique, concourt toutefois au contournement de l’instruction préparatoire. La saisine du magistrat instructeur aux seules fins de la réalisation d’actes d’investigation devient par là même résiduelle. La réforme actuellement annoncée, qui s’inscrit dans ce mouvement, parachèvera cet édifice. La dilution des cadres d’investigation pose conséquemment, avec une acuité toujours plus nette, la question de l’opportunité de maintenir la distinction actuelle entre l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire. Elle légitime les réflexions sur l’unification de l’enquête de police à la faveur d’un critère plus souple fondé sur l’urgence de procéder à l’acte d’investigation. Ce critère, auquel il est reproché de donner davantage lieu à interprétation, n’est d’ailleurs plus méconnu du Code de procédure pénale.
L’enrichissement de l’enquête préliminaire s’accompagne également de perturbations organiques et fonctionnelles, sinon d’un risque de collusions. En ce sens, il égratigne la conception traditionnelle de la séparation des fonctions judiciaires. Le magistrat instructeur, qui concentrait autrefois l’essentiel de la fonction d’instruction, la partage dorénavant avec le procureur de la République, qui dispose, en tant que directeur fonctionnel des investigations, de pouvoirs presqu’aussi étendus que lui. La multiplication des possibilités d’investigation et des mesures de contrainte durant l’enquête ont toutefois imposé, en raison positionnement particulier du procureur, autorité poursuivante, l’enracinement d’un juge dédié au contrôle des mesures les plus intrusives et/ou coercitives. Reste qu’à défaut de la redéfinition des rôles de chacun, son ancrage aboutit à un nouvel éclatement des fonctions : ce juge partage sa fonction exclusive avec les autres magistrats de la mise en état selon une clé de répartition qui dépend du cadre procédural des investigations et du degré d’atteinte aux garanties protégées ce qui contribue à une illisibilité grandissante. En dépit de l’affirmation de la séparation des fonctions judiciaires, un même magistrat exerce différentes fonctions tandis qu’une même fonction peut être exercée par plusieurs d’entre eux. A ces premières perturbations s’ajouteraient encore un éparpillement de la fonction de poursuites, selon l’acception de ce terme polysémique, voire un phénomène de « collusion » entre le procureur de la République et le juge d’instruction qui, pour pertinente qu’elle puisse être, est source d’interrogations et de contestations.
Le recul de l’information judiciaire s’accompagne surtout d’une perte d’équilibre entre les nécessités de la répression et les garanties offertes aux justiciables, faute de « compensations » suffisantes ou d’une réarticulation des cadres policier et judiciaire. La critique est aujourd’hui récurrente. En dépit de l’enrichissement des droits de la défense, et des victimes, et de l’enracinement du juge des libertés et de la détention, et de l’intervention sporadique de la chambre de l’instruction, ni les droits des personnes concernées ni le juge ne trouvent aussi forte expression dans l’enquête que dans l’information. Si cette situation s’explique classiquement par la chronologie respective de l’une et de l’autre par rapport à la mise en mouvement de l’action publique – préalable à celle-ci, l’enquête intervient à un stade « infra-judiciaire » et donc en amont de toute véritable menace d’un procès -, la montée en puissance de l’enquête rend la faiblesse des droits de la défense et l’insuffisante place du juge moins acceptables. Et si à défaut de l’ouverture d’une information judiciaire, la perspective d’un procès stricto sensu devrait permettre de relativiser les contestations, l’intervention tardive du juge et la multiplication des voies de contournement ou de simplification du procès tempèrent l’équilibre que l’on souhaiterait rechercher dans une vision globale de la procédure.
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Envisager la mise en état des affaires pénales et ses évolutions à l’aune des droits européens, entendus comme le droit produit au sein du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, induisait deux axes de recherche.
Le plus intuitif revenait à aborder l’européanisation de la matière, c’est-à-dire la manière dont les droits européens ont participé aux évolutions de la mise en état des affaires pénales. Le constat est qu’ils ont incontestablement contribué à celles-ci, et donc à la versatilité du droit, en inspirant, sinon en contraignant, le législateur français à l’adapter au fur et à mesure de l’édiction des standards européens. Le phénomène s’observe facilement et concerne aussi bien l’enrichissement des droits des personnes concernées par la procédure, phénomène le plus visible, que l’efficacité de la répression, moins souvent mis en lumière. En ce sens, le développement de la criminalité transfrontière a inspiré, afin de compenser l’effacement des frontières, l’amélioration des mécanismes de coopération en matière pénale et, consécutivement, l’élaboration d’un langage commun. Il fut au centre de certaines adaptations du droit interne. La promotion des techniques spéciales d’investigation dans des instruments européens sectoriels est un exemple révélateur de cette influence moins saillante.
S’intéresser à la manière dont les droits européens ont influencé le droit interne permet aussi d’en envisager les limites et, par-là même, leur propension à participer à la métamorphose décrite. D’une manière générale, les droits européens, dont la sphère d’influence dépend du cadre dans lequel ils sont produits, n’ont pas vocation à se substituer aux droits nationaux avec lesquels ils composent nécessairement. Or, leur incomplétude et les marges de manœuvres qu’ils concèdent aux législateurs nationaux relativisent de facto leur capacité à imposer la mutation des systèmes procéduraux internes au profit d’un modèle qui s’appliquerait uniformément sur tout le continent.
Si la mutation de la mise en état puise donc essentiellement son origine dans les choix du législateur français, qui a pris acte des besoins de la pratique, il est toutefois permis de voir dans l’application des droits européens une autre justification, sinon un facteur de celle-ci. Elle tient, nous semble-t-il, aux adaptations consécutives à la judiciarisation de l’entraide pénale. Le souci de simplifier l’entraide pour la fluidifier ou de lui donner une coloration moins politique a inspiré la primeur des relations d’autorité judiciaire à autorité judiciaire dans les instruments les plus récents. Certains d’entre eux, qui reposent sur l’idéal d’un degré de confiance élevé, s’articulent d’ailleurs autour d’un nouveau précepte qui tend à considérer l’autorité judiciaire étrangère comme une autorité nationale. Cependant, la particularité de la répression des infractions ayant un caractère d’extranéité, qui influence et est influencée par l’état des relations internationales et peut donc impliquer une prise en considération singulière des intérêts nationaux, a gouverné la mise en œuvre de cette judiciarisation, dont les représentants du ministère public sont demeurés un pivot essentiel. Ce rôle transparaît à la lecture de certaines dispositions du Code de procédure pénale qui, d’une part, posent comme principe l’intervention prioritaire du procureur dans l’exécution des demandes d’entraide (C.P.P., article 694-2) – et, d’autre part, assurent un contrôle du ministère de la Justice, par l’intermédiaire des représentants du ministère public lorsque l’exécution de la demande est susceptible de porter atteinte aux intérêts nationaux (C.P.P., article 694-4). Aussi, de l’étendue des pouvoirs du procureur de la République dépend la nécessité de saisir le magistrat instructeur qui, dans cette situation particulière, n’a pas le rôle qui lui est classiquement dévolu dans les procédures strictement nationales. Si ces règles se sont essoufflées dans le cadre des relations entre Etats membres de l’Union européenne avec la transposition de la directive relative à la décision d’enquête européenne (C.P.P., article 694-30), la lourdeur qui résulterait d’une saisine presque systématique du juge d’instruction aux seules fins de la réalisation d’un acte d’entraide, à défaut de pouvoirs étendus dans l’enquête, est sans doute venue au soutien de la diversification des possibilités d’investigation au sein de celle-ci. Du moins, cet angle d’approche donne-t-il à l’enrichissement de l’enquête une justification singulièrement qui doit servir de tuteur aux réflexions sur les réformes les plus pertinentes.
L’autre axe de recherche revient à passer la mutation de la mise en état des affaires pénales au tamis des droits européens pour envisager les évolutions susceptibles de s’imposer sous leur éclairage. Plus prospectif, cet axe a été privilégié.
Il est devenu coutumier de rechercher dans les droits européens la justification incontestable aux velléités de réformes de la mise en état des affaires pénales. Souvent y voit-on l’obligation d’un rééquilibrage des droits et des garanties offertes, considération faite du déclin de l’information judiciaire. Si la pertinence de ces réformes n’est pas discutable, l’analyse des exigences européennes inviterait surtout à considérer l’enquête de police et la mise en état des affaires pénales pour ce qu’elles sont : des phases d’un processus plus global et non des étapes isolées. Là se situe, nous semble-t-il, le primat sur lequel il faut asseoir le raisonnement, sauf à risquer des conclusions hâtives.
Passer la mutation de la mise en état des affaires pénales au tamis des droits européens implique de préciser les points d’achoppement qui résultent de la montée en puissance de l’enquête au détriment de l’information. Si, concernant une phase de la procédure, les problématiques soulevées sont nécessairement imbriquées, deux d’entre elles, d’ores et déjà esquissées, se dégagent et se prêtent mieux à un traitement « isolé » : le recul des droits de la défense d’une part, et du juge d’autre part, le terme « recul » étant alors entendu non pas comme la résultante de réformes tendant à affaiblir ces garanties au stade de l’enquête mais comme la conséquence d’un contournement de plus en plus fréquent de la phase la plus respectueuse de celles-ci. Ces éléments précisés dans une perspective strictement interne, leur analyse sous le prisme des droits européens devient possible. Le primat précédemment envisagé prend alors son importance.
Sous réserve de la problématique de l’effectivité du contrôle qu’exerce un juge sur certaines mesures particulièrement intrusives ou encore du statut du Parquet – qui, sous certaines limites peut également être discuté -, les droits européens ne paraissent pas imposer de réformes d’ampleur tant qu’à l’enquête succède une phase qui assure efficacement ces garanties. C’est dire aussi que dans un modèle procédural où l’enquête se substitue le plus souvent à une information judiciaire plus garantiste, et où le procès est régulièrement « simplifié », voire éludé, la compatibilité avec les standards européens n’est pas nécessairement assurée. En particulier, l’impossibilité pour la défense de s’exercer activement durant la phase d’investigation à défaut de la saisine d’un magistrat instructeur reste discutable lorsque les droits acquis durant le procès stricto sensu ne permettent pas de compenser efficacement les carences de l’enquête. Ainsi, lorsque l’accusation se fonde surtout sur un acte d’investigation qui, faute pour la défense d’avoir pu le solliciter, n’a pu être utilement combattu par des investigations à décharge. Ce serait aussi le cas lorsque des investigations utiles à un instant de la procédure perdent tout intérêt avec l’écoulement du temps, de telle sorte qu’un supplément d’information sollicité par la défense ne peut efficacement suppléer aux carences de l’enquête.
Le renforcement des droits de la défense au stade de l’enquête soulève cependant des questions plus ardues que l’affirmation du contrôle préalable du juge sur certains actes d’investigation. Il en pose davantage aussi que la réforme du statut des magistrats du ministère public, à nouveau débattue. Envisager le renforcement des droits de la défense implique rapidement, en effet, de s’interroger sur les conséquences de cette évolution en termes de rapprochement des cadres d’investigation et, ce faisant, sur leur articulation. L’aborder revient déjà à questionner le seuil de déclenchement de ces droits accrus et, par conséquent, à imaginer la création d’un statut procédural s’approchant probablement, dans ses conditions d’attribution, de celui de mis en examen. Cela implique aussi de s’interroger sur les contours de ces nouveaux droits, ce qui pose non seulement la question d’une véritable dilution des statuts procéduraux mais aussi celle des conséquences qui en découleraient sur le rôle du juge au stade de l’enquête. Or, si un nouvel équilibre procédural doit être recherché, il ne peut légitimement l’être au détriment de la cohérence de l’ensemble.
Dès lors, une seconde voix devrait avoir la préférence parce qu’elle préserverait prima facie la spécificité des cadres procéduraux existants. Elle reviendrait à réorganiser les cadres d’investigation dont l’articulation ne repose actuellement que sur la règle suivant laquelle l’ouverture d’une information judiciaire est obligatoire en matière criminelle et facultative en matière délictuelle. Plusieurs options sont envisageables.
La première consisterait en une réarticulation de facto en réponse au constat, déjà souligné, que les garanties procédurales souffrent de la marginalisation de l’instruction, rendue possible et accentuée par la multiplication des moyens d’investigation disponibles en enquête. En favorisant la saisine du magistrat instructeur par une nouvelle délimitation des pouvoirs d’investigation en enquête, on garantirait une meilleure expression des droits de la défense. Cette option, parfois mise en avant par la doctrine, irait cependant à contre-courant des nécessités de la pratique, régulièrement soulignées pour légitimer la multiplication de ces moyens. En plus des questions portant sur les contours de cette délimitation, une telle évolution ne serait pas sans implication sur le fonctionnement de l’entraide alors, pourtant, que la plus-value qui résulterait d’une saisine presque systématique du juge d’instruction dans ce cadre n’est pas toujours avérée.
La seconde option consisterait en une réarticulation de jure de l’enquête et de l’information judiciaire. Elle pourrait reposer sur un critère temporel, manquant de pertinence, ou sur le degré de suspicion, l’un et l’autre pouvant d’ailleurs être cumulés. Si ce second critère a pour lui l’avantage de garantir que toute personne à l’égard de laquelle il existe un degré de suspicion comparable bénéficie de garanties semblables, il pose néanmoins la question d’un nouveau rapprochement matériel de l’enquête et de l’information sur le plan des pouvoirs d’investigation. En effet, si selon ce critère, une information judiciaire ne doit, sous certaines réserves, être ouverte qu’en présence d’indices graves et/ou concordants de participation à la commission d’une infraction à l’encontre d’une personne, le juge d’instruction ne devrait plus avoir aucun pré-carré en termes d’investigation. Conséquemment, cette évolution conduirait à s’interroger sur la collusion entre le Parquet et le juge d’instruction et, in fine, sur le renouvellement du rôle de celui-ci. La jurisprudence européenne récente irait d’ailleurs, par certains aspects, en ce sens.
Ces différentes options interrogent d’autant plus que leur pérennité n’est désormais plus assurée. En effet, les conséquences sur le système interne de la création du Parquet européen, qui s’illustre par sa perméabilité avec les ordres juridiques nationaux, n’ont peut-être pas été parfaitement mesurées.
Cette perméabilité, qui s’est intensifiée au fur et à mesure des négociations sur la création du Parquet européen, transparaît dans le soutien qu’apporteront les ordres juridiques nationaux au fonctionnement de cette autorité et dans la porosité qui existera entre les systèmes européen et internes. Elle trouve sans aucun doute sa justification dans la nature singulière du Parquet européen. A la différence des acteurs existants, il sera une autorité européenne « supranationale » dotée de pouvoirs opérationnels au stade des investigations et des poursuites, ôtant aux autorités internes une part de leurs prérogatives actuelles. L’hybridité qui rejaillit du règlement européen suggère toutefois de s’interroger sur les répercussions possibles de la création de cette nouvelle autorité sur les ordres juridiques nationaux, notamment français. La problématique procède de ce que le règlement contient néanmoins certaines règles communes qui dessinent subrepticement un modèle procédural mâtiné, car empruntant à différents modèles procéduraux. Malgré l’assouplissement de ces règles à mesure des négociations, le maintien de certaines d’entre elles questionnera à court ou moyen terme la pérennité du système français. Outre la réforme statutaire que la mise en œuvre effective du Parquet européen viendra conforter, l’application du règlement impliquera diverses adaptations qui ne seront pas sans effet sur la structuration de la mise en état. En particulier, la mise en œuvre du règlement supposera de s’interroger sur le pouvoir des membres nationaux de solliciter un placement en détention, ou par extension sous contrôle judiciaire, au cours de la phase d’investigation. Par suite, le maintien d’un équilibre entre la répression et les intérêts de la personne concernée par la procédure invitera à questionner la teneur des garanties procédurales qui seront offertes à celle-ci. Car si cet équilibre se réalise dans les procédures nationales par le truchement du statut de mis en examen, qui autorise davantage de coercition mais est aussi créateur de droits, les règles nationales applicables à l’enquête sont, en l’état, insuffisantes. Si l’adaptation de ces dispositions est une première option – l’idée étant alors de pouvoir y renvoyer dans le cadre des procédures dirigées par le Parquet européen -, une autre pourrait avoir la préférence parce qu’elle préserverait les règles applicables dans les procédures strictement nationales. Dans ces circonstances, l’élaboration d’un corpus normatif spécifiquement applicable aux enquêtes dirigées par le Parquet européen apparaîtrait comme une option à privilégier. Cette option donnerait toutefois directement à voir un nouveau modèle procédural sur le sol français, qui viendrait se greffer au(x) modèle(s) existant(s). Sa mise en œuvre ajouterait incontestablement à l’incohérence actuelle. Le partage de compétences que réalise le règlement européen multipliera d’ailleurs les questionnements, tant l’attribution de la compétence ne dépendra pas seulement de la qualification juridique des faits mais aussi des circonstances accompagnant leur commission. Selon la voie empruntée, deux personnes pourraient donc être mises en cause dans le cadre de procédures répondant de règles partiellement différentes notamment en termes de garanties procédurales.
Aussi l’intégration du Parquet européen dans l’ordre juridique français pourrait-elle devenir un nouvel argument en faveur de la restructuration complète de la mise en état des affaires pénales et d’une redéfinition de ses équilibres qui, en raison des errances des aménagements simplement ponctuels, redonnerait à cette phase de la procédure sa cohérence perdue.