La technique des obligations positives en droit de la Convention européenne des droits de l’homme [Résumé de thèse]
La technique des obligations positives en droit de la Convention européenne des droits de l’homme
Par Colombine Madelaine
Thèse dactylographiée, 2012, 673 p.
La Cour européenne des droits de l’homme a, en 1968, dès son cinquième arrêt au principal, établi que des droits civils et politiques pouvaient générer des obligations d’action à la charge des États. Cette affirmation venait remettre en cause la définition traditionnelle de ces droits. En effet, ces derniers étaient classiquement considérés comme mettant à la charge des États uniquement des obligations négatives. En revanche, les droits économiques sociaux et culturels étaient présentés comme imposant seulement des obligations positives.
Le juge européen a, depuis lors, mis au jour un nombre croissant d’obligations positives prétoriennes. Plusieurs techniques ont été développées pour ce faire. Cette étude vise à analyser ce que nous avons dénommé la technique des obligations positives, c’est-à-dire l’usage par la Cour de Strasbourg des termes « obligations positives » ou « mesures positives ». Cette technique permet non seulement au juge européen de dégager des obligations d’action à la charge des États, mais également de reconnaître sa compétence pour contrôler l’exécution de ses propres arrêts, de conférer un effet horizontal à la Convention ou encore d’étendre la notion de juridiction au sens de l’article 1 CEDH. La technique des obligations positives est également un moyen pour le juge européen de moduler son contrôle en permettant tantôt d’accorder une large marge nationale d’appréciation, tantôt de la réduire à néant. Cette diversification croissante de l’usage de la technique dans la jurisprudence européenne est toutefois source d’incohérences.
La thèse défendue vise à démontrer que la technique des obligations positives est un outil d’adaptation de la norme juridique conventionnelle à l’évolution des États démocratiques et libéraux européens.
Une première partie sur les fondements des obligations positives prétoriennes a permis de mettre en lumière les relations entre la jurisprudence européenne en matière d’obligations positives et la jurisprudence et la doctrine allemande ou encore le droit international général. Il a également été montré que la quasi totalité des organes juridictionnels ou quasi-juridictionnels nationaux et internationaux de protection les droits de l’homme ont dégagé des obligations positives prétoriennes. Au fondement de la démarche de ces juges se trouve l’objectif d’assurer l’effectivité des droits de l’homme. Cette démarche s’inscrit dans l’évolution des États libéraux et marque la reconnaissance du caractère objectif des droits de l’homme. Les droits de l’homme deviennent en effet à la fois une limite et un moteur de l’action étatique.
Une deuxième partie sur le régime des obligations positives a visé à apporter une réflexion sur la définition et le contrôle des obligations positives. Il a alors été montré que l’établissement d’une distinction juridique entre obligations positives et obligations négatives s’avère bien souvent impossible. Les seules obligations pour lesquelles ces qualificatifs se montrent pertinents sont les obligations impliquant une exécution « physique » ou « concrète » de la part d’un organe étatique. En outre, il a été établi une systématisation des méthodes de contrôle des obligations positives prétoriennes. Ainsi, quelle que soit l’obligation en jeu, la Cour procède implicitement ou explicitement en trois étapes. Tout d’abord, elle recherche l’existence d’une atteinte à un droit conventionnel, ensuite elle examine si une obligation conventionnelle entre en jeu et, dans l’affirmative, elle procède à l’examen du respect de cette obligation. En outre, tout comme les obligations négatives, les obligations positives sont contrôlées à l’aune du standard européen de société démocratique.
Enfin, une troisième partie sur la portée des obligations positives a mis en exergue que les obligations positives constituent un instrument de développement du pouvoir d’injonction du juge européen et permettent ainsi à ce dernier de dessiner les contours d’une définition du rôle de l’État démocratique et libéral européen.