Requalification des CDD et Libertés fondamentales : l’ultime limite ? (Commentaire sous Cass. Soc., 21 sept. 2017, n°16-20.270, Bull.)
Ces récentes années, l’enjeu du maintien de l’emploi du salarié qui a bénéficié de la requalification de son CDD en CDI, a connu d’importantes évolutions jurisprudentielles. Avec beaucoup d’audace, mais aussi d’intelligence sociale, la Cour de cassation a utilement mobilisé le droit des libertés fondamentales, et plus particulièrement le droit à un procès équitable, pour justifier de façon automatique ce maintien dans les cas où la requalification est demandée avant la rupture des relations de travail (I). En revanche, dans les cas où la demande est introduite après la rupture, elle refuse de prononcer la réintégration du salarié au nom d’un « droit à l’emploi » qu’elle n’appréhende pas comme un droit-créance. La Cour de cassation signifie par là qu’elle a atteint l’ultime limite des interactions entre les libertés fondamentales et l’objectif de maintien dans l’emploi, limite qu’elle ne s’aventurera certainement pas de franchir en l’état actuel du droit (II). La question qui se pose désormais est celle d’une réforme législative du droit de la requalification des CDD, consistant notamment à prévoir explicitement la nullité de la rupture des relations de travail en cas de manquement de l’employeur à ses obligations élémentaires en matière d’usage des CDD.
Benoît PETIT, Maître de conférences en droit privé, Université Paris-Saclay (UVSQ), Co-directeur du Master 1 et 2 « Droit des ressources humaines et de la protection sociale », Laboratoire DANTE – Observatoire « Droit, Ethique & RSE »
1. Retours rapides sur le principe de la « requalification-sanction ». La requalification judiciaire d’un CDD en CDI constitue, par essence, un mécanisme de sanction civile destiné à pénaliser l’employeur (ou l’entreprise utilisatrice d’un salarié intérimaire) qui méconnait certaines règles spécifiques du régime des contrats à durée déterminée 1. Sont ici concernés l’obligation de conclure un contrat écrit (art. L.1242-12 al.1, C. trav., étant précisé que la jurisprudence assimile à l’absence d’écrit le contrat qui n’a pas été remis au salarié dans le délai prescrit à l’art. L.1242-13, C. trav. 2, ou qui ne stipule pas certaines mentions obligatoires substantielles 3.), l’indication d’un motif du recours légalement autorisé par l’art. L.1242-2, C. trav., ou encore l’interdiction de recourir au CDD dans les situations prévues par les art. L.1242-5 et L.1242-6, C. trav.. Sont également sanctionnés le non-respect des règles régissant la durée des contrats (L.1242-7, C. trav.), les conditions de son renouvellement (art. L.1243-13 et s., C. trav.), ou la succession de CDD sur un même poste (art. L.1244-3 et s., C. trav.). D’une façon plus générale, la requalification-sanction donne corps au principe général d’interdiction de conclure un CDD ayant « pour objet [ou] pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise » (art . L.1242-1, L. 1242-8, C. trav.).
Ne pouvant être relevée d’office par le juge 4, la requalification fait l’objet d’une action qui appartient exclusivement au salarié 5, lequel l’exerce directement ou via l’action syndicale de substitution dans le cadre d’une procédure « accélérée » – saisine directe devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d’un mois (art. L.1245-2, C. trav.), sur l’ensemble des demandes qui dérivent de la relation de travail, peu importe que la requalification soit demandée à titre principal ou accessoire 6 – et qui donne lieu, en cas de succès, à une décision exécutoire à titre provisoire, prononcée de droit (art. R.1245-1, C. trav.). La requalification entraîne l’application des règles de droit commun de la rupture des contrats à durée indéterminée – et notamment l’absence, de facto, de motif réel et sérieux de licenciement – ainsi que la condamnation de l’employeur à une indemnité spécifique qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, et qui est allouée d’office 7.
2. Nous sommes ainsi face à un mécanisme de sanction qui, classiquement, s’envisage le plus souvent après la cessation des relations de travail, la punition infligée consistant précisément à mettre l’employeur dans une situation où il ne peut échapper à la qualification de rupture abusive des relations de travail. Il en assume alors toutes les conséquences indemnitaires.
Mais dans un arrêt de 2007, la Cour de cassation a utilement rappelé que « le salarié peut demander à tout moment la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée » 8, suggérant ainsi à l’observateur attentif qu’une telle demande pouvait aussi, pourquoi pas, intervenir au cours des relations de travail.
Il n’en fallait pas d’avantage pour que de telles demandes prolifèrent, avec en ligne de mire pour les salariés l’espoir d’obtenir du juge le maintien de leur emploi au-delà du terme prévu dans le contrat. C’est dans ce contexte que l’arrêt ici commenté se présente.
3. La décision du 21 septembre 2017. Un salarié-intérimaire avait saisi en référé le Conseil des prud’hommes avant le terme de sa mission aux fins d’obtenir la requalification de son contrat en CDI. Considérant que le référé ne se justifiait pas, le juge avait néanmoins ordonné la poursuite des relations de travail jusqu’au jour du prononcé de la décision au fond. A l’occasion de celle-ci, le Conseil des prud’hommes avait alors validé la demande de requalification en précisant que dans la mesure où la rupture n’était pas consommée au jour de la décision rendue, l’entreprise ne pouvait se séparer du salarié qu’en engageant une procédure de licenciement.
Saisie en appel de l’ordonnance de référé, la Cour d’appel avait infirmé la position du juge de première instance en ce qu’elle ordonnait la poursuite des relations de travail. Mais saisie sur le fond quelques temps plus tard, la Cour avait confirmé la requalification, en considérant que le salarié intérimaire avait agi avant le terme de sa mission aux fins de faire respecter sa liberté fondamentale au maintien dans l’emploi. Rappelons qu’en absence de texte prévoyant explicitement la nullité (ce qui est le cas des dispositions relatifs à la requalification), il reste néanmoins possible d’obtenir la réintégration du salarié dans son emploi si l’employeur a violé une liberté fondamentale. C’est dans cet esprit là que le juge d’appel a cru pouvoir accéder à la demande du salarié.
Mais pour la Cour de cassation, à partir du moment où la Cour d’appel avait infirmé l’ordonnance de référé, elle ne pouvait plus retenir le principe de la poursuite des relations de travail puisqu’aux yeux de la Haute juridiction, « le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au-delà du terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée ».
4. Deux problématiques s’évincent de cette affaire. La première concerne la possibilité d’obtenir la requalification du contrat au cours des relations de travail, puisque c’était là la démarche première du salarié. Or si, en l’espèce, la procédure n’a pas abouti à lui accorder le maintien de son emploi sur cette base, il reste que sur cette thématique précise, la jurisprudence de la Cour de cassation s’est révélée particulièrement bienveillante en maniant avec beaucoup d’habilité sociale l’argument du droit à un procès équitable (I). La seconde problématique vise, cette fois, la requalification qui intervient après la rupture des relations de travail, et particulièrement la pertinence d’évoquer, au soutien d’une demande de réintégration, une possible liberté fondamentale au maintien de son emploi (II).
Si la Cour de cassation refuse de s’engager dans cette voie périlleuse, révélant par-là l’ultime limite qu’elle ne franchira pas pour maintenir le salarié dans son emploi, il nous semble que cette décision a néanmoins le mérite d’interpeler le législateur sur le sens profond de son action en faveur des salariés précaires, et par voie de conséquence, sur l’opportunité de réformer le droit relatif à la requalification-sanction.
I –L’ultime avancée : la requalification ante-rupture et le droit à un procès équitable
5. Poursuite des relations de travail ordonnée directement par le juge du fond : illicéité de la rupture à l’échéance contractuelle. La dynamique d’évolution du régime des requalifications ante-rupture s’est particulièrement accélérée depuis un arrêt majeur rendu par la Cour de cassation le 18 décembre 2013 9. Alors que l’échéance de leurs CDD n’avaient pas encore été atteinte, plusieurs salariés avaient saisi le Conseil des prud’hommes d’une demande de requalification. Elle leur fut accordée par décision statuant au fond, le juge ordonnant par ailleurs la poursuite des relations de travail. Mais l’employeur, plutôt que de se conformer à la décision du juge, s’empressa de leur signifier, par courrier, que leurs contrats cesseraient malgré tout à l’échéance convenue initialement.
Saisie de la question de l’annulation de la rupture, prétention fondée sur le respect de l’article 6 § 1 de la Conv. EDH (droit à un procès équitable), la Cour d’appel avait considéré d’une part que le défaut d’exécution par l’employeur du jugement rendu contre lui ne caractérisait pas, en soi, une atteinte au droit d’accès à la justice ; d’autre part qu’il convenait pour les salariés de démontrer que la rupture était directement liée à la demande de requalification qu’ils avaient introduite et obtenue. Refusant de suivre ce raisonnement, la chambre sociale de la Haute juridiction a considéré, au contraire, que lorsqu’une décision exécutoire par provision ordonne la requalification d’un CDD en CDI, la rupture du contrat intervenue postérieurement à la notification de cette décision, au motif de l’arrivée du terme stipulé dans ledit contrat, est nulle.
6. A l’évidence, l’employeur a commis contre les salariés une mesure de rétorsion, en ignorant superbement le jugement rendu contre lui. L’on a du mal à comprendre, dans ces circonstances, que la Cour d’appel ait cru devoir exiger des salariés qu’ils rapportent une preuve supplémentaire du lien direct entre la cessation des relations de travail et leur demande de requalification. Sauf à n’avoir reçu aucune notification de la part du greffe du Conseil des prud’hommes, l’employeur savait – par effet de l’article R.1245-1, C. trav. (exécution provisoire de droit) – que la requalification et la poursuite des relations de travail s’imposaient à lui, et qu’il ne pouvait plus se prévaloir des échéances fixées initialement dans les CDD. Sa décision de passer outre, en appliquant envers et contre le jugement le régime contractuel originel, s’expliquait nécessairement par sa volonté de ne pas conserver les salariés dans les rangs de son personnel… non en raison d’une cause réelle et sérieuse de rupture, mais simplement parce qu’ils avaient eu l’outrecuidance d’agir contre lui en justice.
Ainsi, à la question de savoir si la volonté économique des parties – à partir de laquelle ceux-ci ont entendu fixer une échéance aux relations de travail – continue de produire ses effets en dépit de la requalification prononcée, la Cour de cassation répond logiquement par la négative. Elle aurait pu considérer que le principe de la rupture demeurait, au nom de cette volonté économique, de sortes que la requalification entraînait simplement le constat d’une absence de cause réelle et sérieuse de licenciement. Mais en visant explicitement l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, elle considère que la rupture n’avait pas lieu d’être, parce qu’elle constituait en soi une violation d’une liberté fondamentale. Elle devait dès lors être annulée.
7. C’est, ici, l’apport le plus remarquable de cette décision : la Cour de cassation applique la jurisprudence de la Cour EDH aux termes de laquelle l’exécution d’une décision de justice est, a priori, une condition nécessaire de l’effectivité de l’article 6 § 1 de la Conv. EDH. L’on se contentera, ici, de ne citer que les décisions Hornsby (1997) 10, Immobiliare Saffic (1999) 11 ou encore Katsaros (2002) 12, en soulignant qu’il ne pouvait en aller autrement, sur le plan des principes : l’institution judiciaire n’est pas la narratrice d’un roman de fiction que l’employeur pourrait librement refermer et ranger dans sa bibliothèque si l’histoire racontée lui déplait. A quoi bon pour le salarié de saisir un juge aux fins de défendre ses prétentions, si l’employeur peut, in fine, s’asseoir sur le jugement rendu ?
Il reste que certains auteurs ont réfuté l’évidence de cette interprétation : se fondant sur la décision « Ouzounis » de la CEDH du 18 avril 2002 13, ils relèvent que « le droit à exécution forcée, appréhendée comme composante du droit à un procès équitable, n’est attaché qu’aux décisions obligatoires et définitives susceptibles de garantir, par l’intermédiaire des autorités en charge de le respecter, un droit-créance suffisamment établi » 14. Or la nature exécutoire des décisions concernées par notre propos est certes reconnue de plein droit, mais à titre simplement provisoire.
Pour la CEDH en tout cas, « indépendamment de la question de savoir si le délai et l’exercice de l’appel avaient un effet suspensif, question non résolue en l’espèce, la Cour ne saurait admettre que l’article 6 protège non seulement la mise en œuvre de décisions judiciaires définitives et obligatoires, mais aussi celle de décisions qui peuvent être soumises au contrôle de plus hautes instances et, éventuellement, infirmées. Dès lors, eu égard notamment au fait que la cour d’appel infirma la décision sur laquelle les requérants fondaient leurs prétentions, la Cour ne saurait juger contraire aux exigences de l’article 6 l’omission de l’administration de se plier à cette décision, à supposer même qu’en vertu du droit interne celle-ci ait été tenue de l’exécuter » 15.
L’argument interpelle, et paraît imparable. Mais à y regarder de plus près…
8. Observons déjà que le terme de jugement « définitif » doit être utilisé avec la plus grande des précautions 16, car il est défini nulle part dans le Code de procédure civile. En revanche, celui-ci définit et oppose les jugements « ayant autorité de chose jugée » (art. 480, CPC : ceux qui tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal, ou qui statuent sur une exception de procédure) aux jugements « provisoires » (art. 482 CPC : ceux qui, en ordonnant une mesure d’instruction ou provisoire, n’ont pas l’autorité de la chose jugée). Par ailleurs, le Code définit aussi les jugements « passés en force de chose jugée » (art. 500, CPC : ceux dont les voies de recours suspensif d’exécution sont fermées ou épuisées), par différenciation des jugements « irrévocables » (sans fondement textuel, mais dont il est admis qu’ils n’offrent plus aucune voie de recours, aussi bien ordinaire qu’extraordinaire). Enfin, l’article 501, CPC, indique que le jugement exécutoire est celui qui, à certaines conditions, est passé sous force de chose jugée, à moins que le débiteur ne bénéficie d’un délai de grâce ou le créancier de l’exécution provisoire.
Il s’évince de ces quelques définitions que le jugement « définitif » auquel fait référence la Cour EDH ne concerne pas la distinction entre les jugements « ayant autorité de la chose jugée » et ceux dits « provisoires ». La Cour viserait plutôt les jugements « passés en force de chose jugée » et les jugements « irrévocables », c’est à-dire ceux qui n’offrent plus de voies de recours a minima ordinaires, a maxima ordinaires et extraordinaires. En fait, c’est sans doute plus les jugements « exécutoires » qui sont concernés, c’est-à-dire – selon l’article 501, CPC – les jugements « passés en force jugée », les jugements « irrévocables » et aussi les jugements frappés de l’exécution provisoire étant donné que ceux-ci produisent les mêmes effets que les deux autres en matière d’exécution. Par décision définitive, il faut entendre celles qui peuvent légitimement fonder le recours à la puissance publique en vue d’assurer leur respect. C’est avant tout un qualificatif visant les effets d’une décision, plus que sa nature.
De façon presque contrintuitive, il est vrai, il faut alors admettre qu’un jugement « provisoire » peut être « définitif », au même titre qu’un jugement « passé en force jugée » ou un jugement « irrévocable ». Or c’est bien le cas de la décision rendue par le juge du fond en première instance, ou (nous le verrons) de l’ordonnance du juge de référé, par application de l’art. R.1245-1 C. trav. (exécution de plein droit).
9. Mais admettons que toutes ces terminologies ne soient pas aussi évidentes que ne le suppose la lecture rapide du Code de procédure civile, et qu’en tout état de cause, elles ne concernent que la culture processuelle française, de sortes qu’en recourant à l’idée de décision « définitive », la CEDH, dans l’affaire « Ouzounis », ait effectivement entendue exclure les décisions « provisoires » par nature.
Il nous semble malgré tout, dans cette hypothèse, que la Cour dit simplement que le fait de ne pas exécuter une décision « provisoire » rendue en première instance, ne contraint pas automatiquement les plus hautes juridictions à déceler la violation d’une liberté fondamentale et, par voie de conséquence, d’annuler l’acte par lequel ce non-respect s’exprime. Ce faisant, elle préserve le pouvoir de ces plus hautes juridictions de considérer que ledit acte était tout à fait justifié au fond, in fine. Le justiciable qui était tenu de s’exécuter en vertu du droit interne devra sans doute être sanctionné pour son manquement. Mais cette sanction ne s’impose pas a priori, dans sa nature et ses effets (la nullité), au juge supérieur qui conserve l’intégralité de son pouvoir d’appréciation des faits qui lui sont soumis.
Or ce que dit la Cour de cassation, notre plus haute juridiction civile, dans sa décision du 18 septembre 2013 – et ce que n’ont jamais dit les hautes instances judiciaires grecques dans l’affaire « Ouzounis » – est que « l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt 17, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du ‘procès équitable’ ». En d’autres termes, la Cour de cassation renonce à la protection que lui offre la CEDH. S’il n’y a pas de contrainte a priori qui découle de la Conv. EDH et qui s’exercerait sur le juge, elle est néanmoins en droit de considérer, pour son droit interne, qu’il y en a une malgré tout qui s’exerce par application de son propre pouvoir d’appréciation des règles applicables aux procès civils. Certes la Cour EDH fournit à tous une base à partir de laquelle les marges de manœuvre judiciaires s’établissent. Mais la démarche de la chambre sociale est d’élever le niveau d’exigence, de façonner dans un sens résolument plus contraignant d’autres marges qui, en soi, ne portent pas atteinte à l’essence même du socle que propose la Cour EDH.
10. Nous voici donc dans la situation où, dès lors que le juge du fond prononce la poursuite des relations de travail, sa décision est exécutoire de plein droit jusqu’à ce que la Cour d’appel se prononce si elle est saisie. Tout au plus, l’employeur peut-il s’opposer à cette exécution de droit en actionnant l’article 524, CPC aux termes duquel le Premier Président de la Cour d’appel, agissant en juge de référé, peut ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire de droit s’il constate la violation manifeste soit du principe du contradictoire, soit de l’article 12, CPC (« le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables », interprété de manière très restrictive par la Cour de cassation 18.), ainsi que le risque que cette exécution de droit n’entraîne des conséquences manifestement excessives.
Mais quid des cas où la Cour d’appel infirme, au final, la requalification ? Deux cas de figure doivent être envisagés. Le premier vise l’hypothèse où, entre la décision rendue en première instance et la décision d’appel, l’employeur a malgré tout procédé à la rupture des relations de travail. Dans ce cas, selon nous, la rupture a privé le salarié de son droit à un procès équitable, parce qu’elle lui a dénié le bénéfice d’une décision de justice exécutoire rendue à son avantage, et c’est sur cette base-là (et non la pertinence de la requalification) que la nullité doit être prononcée. Ceci devrait également valoir dans les cas où, en attendant le jugement d’appel, l’employeur aurait acquiescé le principe de la requalification et aurait rompu les relations de travail en actionnant le droit commun des licenciements. C’est en effet l’un des sens de la jurisprudence que nous allons évoquer dans un instant, mais c’est aussi une question de logique : si l’employeur fait appel de la décision de requalification, et peut valablement s’y opposer devant le juge quand l’affaire sera de nouveau entendue, il reste néanmoins soumis à l’obligation judiciaire qui lui est faite de maintenir les relations d’emploi. Surtout, pourquoi acquiescer dans les faits une requalification que l’on conteste par ailleurs en interjetant appel ? A l’employeur de se montrer cohérent.
Le second cas de figure vise cette-fois les situations où le maintien de l’emploi a été respecté jusqu’à la décision d’appel. Dans ce cas, l’infirmation de la requalification entraîne la légitimité de la rupture à échéance. Mas surtout, l’infirmation de la décision de première instance fait disparaître la cause de celle-ci, et notamment l’exécution provisoire ordonnée. Elle remet donc les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l’exécution. L’obligation pour le salarié de rembourser les rémunérations et les indemnités perçues sur cette base résulte de plein droit de la réformation.
Ainsi, hormis des considérations de trésorerie, l’employeur n’est nullement pénalisé par les conséquences de la décision du 18 septembre 2013, si la vérité judiciaire reconnaît in fine qu’il a parfaitement agi en vertu des dispositions spéciales régissant l’usage des CDD. En revanche, dans le cas contraire, la nature de « sanction » de la requalification prend davantage d’ampleur, puisque les conséquences financières du maintien « forcé » dans l’emploi alourdiront évidemment le coût de l’emploi par rapport à ce qui avait été initialement convenu entre les parties. Mais n’est-ce pas là, précisément, l’objet même de la requalification que de dissuader, notamment par le risque économique, toute tentative d’abuser de la situation précaire des salariés engagés par CDD ?
11. Extension de la solution au juge de référé. Plusieurs autres décisions sont venues prolonger l’esprit de cette décision du 18 décembre 2013 19, l’une méritant néanmoins qu’on la distingue particulièrement. Dans un arrêt rendu le 16 mars 2016 20, la Cour de cassation étend en effet sa jurisprudence aux décisions prononcées cette fois par le juge de référé.
Toujours avant l’échéance de son CDD, un salarié avait saisi le juge de l’urgence de sa demande de requalification. Sans la lui accorder directement (la requalification étant une question de fond), le juge de référé avait néanmoins ordonné la poursuite des relations de travail au titre d’une mesure conservatoire dans l’attente que le juge du fond se prononce. Entre temps, l’employeur avait écrit au salarié pour lui annoncer qu’il acquiesçait la prétention de requalification… mais qu’il le convoquait néanmoins à un entretien préalable à licenciement pour insuffisance professionnelle.
La manœuvre était habile : puisque la requalification entraine la mise à l’écart des dispositions spéciales régissant le terme des CDD, l’employeur s’est saisi du droit commun des contrats de travail pour acter la rupture. Pour la Cour d’appel, l’employeur avait presque bien agi, puisqu’elle reconnaissait l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement (mais de facto, elle refusait d’admettre la nullité de la rupture). La Cour considérait en effet que l’ordonnance de référé se rapportait à la demande de requalification, et que celle-ci avait été, en pratique, anticipée par l’employeur lorsqu’il a fait usage du droit commun des CDI. Les effets de l’ordonnance étaient donc épuisés, sans que l’on puisse déceler une quelconque atteinte aux droits fondamentaux du salarié qui aurait pu justifier la nullité de la rupture. Celle-ci ne devait donc s’envisager qu’à l’aune de sa régularité, et non de sa licéité.
Mais pour la Cour de cassation, « qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses énonciations que l’employeur n’avait pas, en licenciant le salarié le 19 avril 2013, respecté les dispositions de l’ordonnance de référé qui prescrivaient la poursuite du contrat de travail jusqu’à intervention de la décision au fond du conseil de prud’hommes, prononcée le 23 juillet 2013, la cour d’appel, qui s’est abstenue de rechercher si l’employeur avait utilisé son pouvoir de licencier en rétorsion à l’action en justice du salarié, a violé les textes susvisés [et notamment l’article 6 § 1 de la Conv. EDH] ».
12. L’on observera, en premier lieu, que la Cour de cassation n’accorde aucune considération au fait que l’employeur avait, en pratique, acquiescé à la requalification. Non seulement il paraissait évident que celui-ci cherchait par tous moyens d’échapper à une sanction inévitable, tout en profitant d’une possibilité de rompre rapidement les relations de travail, mais surtout, la Cour de cassation distingue bien ce qui relève de la mesure conservatoire (le maintien de l’emploi à titre provisoire) de ce qui concerne le fond du litige (la requalification). L’employeur ne peut donc pas se substituer au juge pour ce qui concerne le fond, et ainsi espérer ainsi contrecarrer la mesure conservatoire.
Ce faisant, la chambre sociale rattache très directement le maintien provisoire de l’emploi au droit au procès équitable, et distend en revanche son lien avec la décision de requalification. L’enjeu est avant tout de permettre au salarié de présenter au juge du fond ses prétentions et la défense de ses droits et, en cas de succès, d’obtenir la condamnation de son employeur (l’on a du reste trop souvent tendance à omettre l’importance psychologique de l’acte de condamnation). Il faut se féliciter, de notre point de vue, que le juge de référé soit ainsi davantage positionné comme le garant des libertés fondamentales de nature procédurale, car c’est bien là l’une de ses vocations premières.
Pour le reste, l’on retombe sur les logiques qui ont présidé la décision du 18 décembre 2013 et notamment le principe que toute rupture intervenant postérieurement à l’ordonnance de référé et avant la décision au fond est entachée de nullité. Le véritable apport pour le salarié est qu’il n’a plus à espérer que le juge du fond se prononce avant l’échéance du CDD : par l’action en référé, il dispose désormais de plus de latitude pour obtenir le maintien dans son emploi, malgré les réalités des calendriers et des délais judiciaires.
13. Il est intéressant de noter que quelques commentateurs 21 ont manifesté leur surprise quant aux effets de cette décision, considérant qu’elle conduisait à conférer au juge de référé l’immense pouvoir d’accorder au salarié un statut protecteur d’un genre nouveau, purement prétorien, orienté contre toute possibilité de rupture, ce qui poserait alors un problème (selon eux) vis-à-vis du droit reconnu de rompre le contrat de travail… droit dont il faut reconnaître qu’il bénéficie surtout à la partie la plus puissante de la relation de travail : l’employeur.
Mais si l’on se remémore les termes de la décision du 18 décembre 2013 – « l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du ‘procès équitable’ » – l’on s’interroge alors : juge de référé ou juge de fond, quelle importance ? Surtout si l’on considère le repositionnement désormais clairement affirmé du juge de référé comme gardien légitime des droits fondamentaux de nature procédurale.
Mais est-ce vraiment la qualité de celui qui la prononce, ou le principe même de la protection qui gêne les plus sceptiques ? Car mettre en balance celle-ci avec le droit de rompre le contrat de travail traduit, consciemment ou non, l’idée que ladite protection serait illégitime du fait de ses incidences excessives sur le rapport contractuel interindividuel.
Sauf que… cette protection dépasse largement le simple cadre des relations entre les parties. Comme le rappelle très justement le Pr. Antoine Mazeaud, « le recours injustifié à un contrat précaire ne nuit pas seulement au salarié, mais à la collectivité en entier » 22. La problématique n’est donc pas cantonnée à une simple relation entre individus : c’est avant tout une problématique sociale, générée par l’anomalie sociale que constitue, en principe, le travail salarié précaire. C’est pour cela que l’article R.1245-1, C. trav. (anciennement L.122-3-13, C. trav.) procède d’une volonté législative. C’est également pour cela que l’art. L.1248-1 C. trav. créé, aux côtés de la requalification-sanction, un délit pénal relatif au mésusage des CDD. C’est enfin pour cela que la demande de requalification peut aussi être introduite sur le fondement d’une action syndicale de substitution. Comment, alors, s’étonner que le régime de cette protection s’étende vers l’acquisition d’un maintien « forcé » dans l’emploi du salarié qui agit avant l’échéance de la rupture de son CDD ? Entre préserver la puissance économique de l’employeur et protéger le salarié particulièrement précaire, il n’y a rien d’incongru à constater que le droit et le juge aient ainsi fait leur choix…
14. Automaticité du maintien dans l’emploi dès la saisine du juge de référé. Dans un arrêt des plus récents, en date du 8 mars 2017 23, la chambre sociale est venue clarifier davantage sa position quant aux effets de la saisine du juge de référé. Les faits étaient classiques : deux salariés avaient, quelques jours avant le terme de leur contrat, saisi dans un premier temps la juridiction prud’homale statuant en référé pour obtenir la poursuite des relations contractuelles jusqu’à l’audience au fond puis, dans un second temps, le bureau de jugement pour obtenir la requalification de leur contrat dans le délai d’un mois. Par ordonnance rendue avant le terme des contrats, le juge de référé avait ordonné leur poursuite, position que la cour d’appel saisie ensuite de l’affaire a infirmé au motif que le juge des référés avait manifestement excédé ses pouvoirs.
Sans surprise aucune, l’arrêt est censuré par la Cour de cassation, là encore au visa notamment de l’art. 6 § 1 de la Conv. EDH : « constitue un dommage imminent la perte de l’emploi par l’effet de la survenance du terme, durant la procédure, du contrat à durée déterminée toujours en cours au moment où le juge des référés statue, ce dommage étant de nature à priver d’effectivité le droit pour le salarié de demander la requalification d’un contrat à durée déterminée irrégulier en contrat à durée indéterminée afin d’obtenir la poursuite de la relation contractuelle avec son employeur ».
15. L’on notera l’effet particulièrement pédagogique de la formule employée par la Cour de cassation, qui repositionne ainsi clairement sa solution dans les termes retenus à l’art. R.1455-6 C. trav. (« la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse,prescrire les mesures de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite »). Pour ceux qui en doutaient encore, le juge de référé est parfaitement dans ses compétences lorsqu’il prononce le maintien des relations de travail, puisque cette mesure conservatoire n’est pas directement liée à la question de fond que le salarié introduit en justice (à savoir la requalification), mais vise exclusivement à prévenir un dommage imminent qui pèse sur l’effectivité des droits fondamentaux du salarié. On ne peut faire plus clair !
Mais en fin de compte, la Cour en dit un peu plus. Puisque le dommage imminent concerne une liberté fondamentale, il n’y a pas lieu de se demander si le juge de référé peut prescrire le maintien de l’emploi : il le doit ! A défaut, le droit au procès équitable est nécessairement violé. La déduction est mécanique : la perte de l’emploi est programmée selon une échéance objective et déterminée, et ses effets sur l’effectivité du droit au procès équitable ne se discutent plus. Il n’y a pas d’autre alternative, lorsque la demande de requalification est introduite devant le juge du fond, que de « bloquer » en référé l’automaticité de la rupture.
16. Au nom implicite de la lutte contre la précarité de l’emploi, force est donc de reconnaître que la Cour de cassation a très habilement repoussé les limites de la protection qu’accorde le droit au salariés engagés sous CDD. Et l’on ne peut qu’être séduit par le moyen juridique qu’elle utilise : une liberté fondamentale de nature procédurale. Ce faisant, elle démontre que ce qui relève a priori de la pure technique judiciaire sert, en réalité, des fins sociales particulièrement prégnantes. C’est une excellente nouvelle pour le droit !
Les salariés sont désormais fortement incités à analyser leurs contrats avant leur terme, et à engager sans attendre l’action en requalification si elle se justifie. Le chemin est balisé : saisine du juge de référé pour obtenir sans délai le maintien dans l’emploi, puis attente du jugement au fond qui déterminera si, oui ou non, la relation d’emploi se poursuit dans le temps à l’aune du régime des CDI. En cas de réussite à l’issue de la procédure (laquelle peut prendre plusieurs années), l’employeur pourra certes toujours mobiliser les règles de droit commun du licenciement pour rompre les relations de travail, mais il aura plus de difficultés à se prévaloir d’une cause réelle et sérieuse si le salarié exécute correctement ses obligations.
En revanche, en cas d’insuccès au fond, il faudra que le salarié se montre des plus prudents : comme l’indique le Pr. Tournaux, « l’exécution provisoire étant remise en cause, (…) [le salarié] sera en effet condamné à réparer les préjudices causés à l’employeur du fait de la prorogation du contrat. Potentiellement, le salarié pourrait ainsi être appelé à restituer les salaires perçus que l’employeur n’avait pas à lui verser puisque le contrat aurait dû prendre fin. À nouveau, les délais de l’action en requalification revêtent un caractère crucial. Une décision défavorable au salarié rendue dans un délai très court éviterait que le montant dû soit trop important et l’on pourrait même imaginer que ces sommes se compensent avec l’indemnité de fin de contrat généralement due lorsque la relation ne se poursuit pas en contrat à durée indéterminée. Si, comme cela est souvent le cas, le délai d’un mois n’est pas tenu par le juge prud’homal, les sommes à restituer peuvent s’avérer bien plus importantes. Seule une action en responsabilité de l’État, incapable de garantir que l’affaire soit jugée dans un délai d’un mois, serait de nature à alléger le fardeau financier du salarié, à défaut de le soulager d’un poids procédural sensiblement alourdi » 24. La question se pose avec d’autant plus de force en cas d’appel, car à la différence des prud’hommes, il n’y a aucun délai réduisant le temps d’attente d’une nouvelle décision au fond. Or si le Conseil a prononcé la requalification, l’emploi (et le versement des salaires afférents, c’est-à-dire des sommes de nature alimentaires) se poursuit, augmentant chaque mois le montant de ce qu’il y aura potentiellement à restituer si le juge d’appel infirme la requalification.
Il y a là, en tout cas, matière à faire encore évoluer le droit.
II – L’impasse : la requalification post-rupture et le droit à l’emploi
17. Requalification et réintégration du salarié : quelques possibilités, mais en marge de la pratique judiciaire. Si le maintien dans l’emploi n’est plus véritablement un problème en cas de requalification demandée avant la cessation des relations de travail, du fait des liens étroits qu’elle entretien avec le droit à un procès équitable, tel n’est pas le cas, en revanche, lorsque la requalification est demandée après la rupture. Le salarié n’est plus dans la même situation : la perte d’emploi n’est pas, ici, un dommage imminent, mais un fait. Ce basculement d’une simple perspective vers la dure réalité dissipe toutes les perturbations que l’on a précédemment entrevues sur l’effectivité du droit à soumettre ses prétentions devant le juge.
L’éventualité d’une réintégration, qui concrétise le maintien dans l’emploi, doit donc être recherchée sur le fondement de la violation d’une autre liberté fondamentale. Jusqu’à présent, c’est essentiellement l’interdiction des discriminations qui a été mobilisé 25, avec la limite que ce genre de contentieux présente par nature : le salarié doit prouver la discrimination – ce qui n’est jamais évident – et en tout état de cause, toutes les ruptures procédant de l’application normale des dispositions du CDD ne sont pas nécessairement discriminatoires. La possibilité existe, mais elle reste cantonnée à des situations marginales.
18. Le droit fondamental « à être maintenu dans son emploi » : une perspective périlleuse que la Cour de cassation refuse d’admettre. C’est ainsi qu’est apparue, dans le débat, la proposition de considérer qu’il existait un droit fondamental du salarié à être maintenu dans son emploi, lorsque l’employeur a manqué à ses obligations relatives à l’usage des CDD. La question était au cœur de l’arrêt ici commenté. Et d’une façon assez sèche, à dire vrai, la Cour de cassation l’a définitivement écartée de ses perspectives d’évolution du droit : « le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au-delà du terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée ».
19. Il n’aura sans doute pas échappé au lecteur attentif que de la Cour, dans son attendu de principe, se réfère au « droit à l’emploi » plutôt qu’à la « liberté fondamentale de maintenir son emploi » que la Cour d’appel avait, de son côté, relevé.
La raison en est simple : si liberté fondamentale il peut y avoir, encore faut-il la nommer correctement à partir des textes qui établissent ces droits et libertés fondamentaux. Or le « droit de maintenir son emploi » n’apparait nulle part. En revanche, le « droit à l’emploi » se retrouve dans plusieurs textes fondamentaux, selon des formulations qui, certes, varient légèrement : le Préambule de la Constitution de 1946 évoque ainsi « le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » ; l’article 33 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme énonce que « toute personne a droit au travail », cette préoccupation étant confirmée par la suite par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fait à New York le 16 décembre 1966 ; quant à la Charte sociale européenne de 1961 et révisée en 1996, elle reconnaît que « toute personne doit avoir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement entrepris ». En revanche, la Conv. EDH n’évoque rien de tel.
Mais dans le même temps qu’elle perçoit un ensemble assez cohérent de fondements textuels autour du « droit à l’emploi », la Cour de cassation introduit nécessairement dans le débat une ambiguïté qui, d’une certaine façon, « tue dans l’œuf » toute entreprise visant à cultiver ce potentiel. Car évoquer le « droit à l’emploi », c’est renvoyer le juriste à un vieux débat doctrinal que plus grand monde n’envisage aujourd’hui sérieusement de le poursuivre.
Qu’il s’agisse de la doctrine, ou plus effectivement de la jurisprudence constitutionnelle, toutes ont considéré, peu ou prou, que le « droit à l’emploi » ne désignait aucun droit-créance particulier. A minima, l’expression se réfère à l’obligation de moyens qui est assignée aux Etats « d’intervenir sur le marché du travail par une politique active de l’emploi destinée à favoriser le plein emploi, ou d’organiser l’indemnisation des personnes auxquelles cette politique n’a pu procurer un travail » 26.
Pour quelques auteurs, sa portée serait un peu plus vaste que d’être simplement le fondement des politiques publiques de l’emploi, soit parce qu’il constitue aussi un « droit collectif » 27, soit parce qu’il est un outil juridique permettant tout à la fois de légitimer certaines avancées législatives adoptées en vue d’améliorer la situation de l’emploi, de faire obstacle à des réformes qui auraient pour effet d’anéantir les fondements de notre modèle social, et de guider l’interprétation à retenir de certaines règles de notre droit du travail 28.
Le « droit à l’emploi » est donc un principe essentiellement à valeur éthico-politique, qu’il est certes possible de mobiliser dans le raisonnement judiciaire pour préserver l’ordre social, mais qui, en aucun cas, ne constitue un droit-créance dont pourrait se prévaloir un justiciable.
Et l’on entrevoit assez aisément le danger qu’il y aurait à adopter une vision plus ambitieuse : reconnaître un droit subjectif à l’emploi confèrerait de la substance juridique à ceux qui revendiquent un emploi qu’ils ne détiennent pas. Dans une période où le chômage atteint des sommets, quelles conséquences aurait ce droit sur l’ensemble de notre modèle économique et social s’il conduisait à légitimer la prétention d’imposer à un employeur qui n’a rien demandé, d’assumer les coûts et les responsabilités d’un emploi qui ne se fonde sur rien d’autre qu’une revendication sociale d’ordre général ?
20. L’on ne peut, toutefois, s’empêcher de penser que le « droit à l’emploi » renferme deux dimensions distinctes : le droit à l’emploi que l’on occupe pas (et celui-ci pose véritablement problème), et le droit à l’emploi que l’on occupe déjà (qui, d’une certaine façon, a été indirectement consacré par la jurisprudence relative aux requalifications ante-rupture, lorsque la Cour de cassation, dans sa décision du 8 mars 2017, dit que la perspective de perdre son emploi compromet le droit du salarié de demander au juge, via la requalification, la poursuite des relations de travail).
Dans l’hypothèse qui retient notre attention ici – la requalification post-rupture -il serait plutôt question du droit à l’emploi que l’on occupe plus… et donc pas.
Quoique les choses ne sont pas aussi claires. Si la rupture est le fait qui a clôt les relations de travail, la requalification est le mécanisme par lequel cette relation de travail est repensée dans son essence, ab initio. L’on pourrait alors émettre le raisonnement selon lequel la rupture n’avait pas lieu d’être, car dès l’origine, et contre la volonté contractuelle exprimée par les parties, la relation de travail est réputée être a durée indéterminée. Il n’apparaît pas illogique alors de penser l’annulation de la rupture, au nom du droit de maintenir l’emploi que l’on occupait et qui a été anéanti de façon illicite.
Philosophiquement, cela se défend. Juridiquement, c’est une autre affaire. Au risque de se répéter, dans l’hypothèse de la requalification ante-rupture, le maintien de l’emploi que l’on occupe n’était que la conséquence de la violation du droit à un procès équitable, et non la liberté fondamentale directement mise-en-cause. Peut-être que la Cour de cassation aurait pu, avec une franche audace, rouvrir la question de l’interprétation à donner du droit à l’emploi tel qu’il résulte des fondements textuels que nous avons évoqué, notamment pour dire qu’elle reconnaissait un droit-créance à la seule dimension de l’emploi que l’on occupe déjà. Mais pouvons-nous réellement lui reprocher de s’être abstenue d’emprunter ce chemin périlleux ; de n’avoir pas osé ouvrir la « boite de Pandore » que tout le monde avait soigneusement refermé au nom de la préservation de notre modèle économique et social ?
21. La nécessité pour le législateur de rompre enfin avec l’approche économique des relations de travail. Surtout qu’en fin de compte, le problème que nous rencontrons n’est pas forcément celui de l’absence d’une liberté fondamentale qui permettrait au salarié de réintégrer son emploi, mais celui du silence des textes législatifs qui auraient pu (dû) prévoir, explicitement, la nullité de la rupture en cas de requalification des relations de travail. Ce n’est pas tant le juge qu’il faut accabler, mais le législateur qui n’a de cesse de penser le droit du travail à l’aune de l’approche économique des relations d’emploi.
Cette approche nous enseigne que celles-ci naîtraient d’un échange économique entre d’une part un employeur qui profite de la force de travail du salarié pour développer l’investissement en capital qui est à l’origine de l’entreprise, et un salarié qui retire de cette mise à disposition une rémunération. Ce fondement économique de la relation serait à ce point central qu’elle influencerait directement l’aménagement des conditions de travail, via les pouvoirs de la subordination ; quand bien même l’on admettrait, par ailleurs, que la dimension relationnelle du travail s’organise de façon institutionnelle (par l’appartenance du salarié à une collectivité non personnifiée qu’est le personnel de l’entreprise, et qui lui confère certains droits) 29, ou selon le schéma de l’application d’un contrat-cadre 30, voire même en considération d’un ordre moral qui prendrait naissance depuis l’ordre économique initial 31.
Ainsi, si l’idée d’assimiler le contrat de travail au modèle du « contrat relationnel » 32 a fait son chemin en doctrine, créant de fait une distance certaine avec les autres contrats civils, ce n’est que dans la limite où tout ce qui concerne les rapports entre les individus reste paramétré par l’échange économique créateur de l’emploi : celui-ci n’est sans doute pas tout dans la relation de travail, mais il est néanmoins l’essentiel à l’aune duquel le reste se détermine.
L’emploi, dans cette perspective, ne serait que l’expression de la liberté d’entreprendre sur le Marché ; liberté que le droit du travail tente plus ou moins timidement d’encadrer par des considérations sociales impérieuses, par ailleurs discutées dans la sphère politique quant à leur substance.
22. Si l’on suit cette approche, l’acte judiciaire de requalification s’envisage nécessairement comme ayant une portée restreinte. Employeur et salarié ont en effet tous deux consenti à l’emploi, c’est-à-dire aux conditions de l’échange économique dont les principaux paramètres sont la qualification des fonctions exercées (l’objet de l’échange), la rémunération versée (le coût de l’échange), l’acceptation d’un lien de subordination (les pouvoirs découlant de l’échange) mais aussi la durée déterminée de la relation de travail (la projection dans le temps du coût). Se constitue alors le périmètre immuable de l’emploi, les quatre piliers « sacrés » que nul ne doit toucher, pas même le juge, sous peine de remettre en question la nature profonde, l’essence irréductible de la relation de travail.
Il s’évince de cette approche que l’acte de requalification ne peut que repenser les conditions de la rupture (l’absence de cause réelle et sérieuse et l’existence d’un préjudice spécifique), mais non son principe. La mutation du contrat en CDI ne s’effectuerait pas ab initio de la relation d’emploi, mais in fine dès lors que la rupture constitue un fait.
L’approche économique des relations de travail, en fin de compte, créé une illusion hélas fort tenace.
L’on sait en effet que le droit commun permet à l’employeur de rompre unilatéralement la relation de travail, à charge pour lui de respecter une procédure et de justifier la cause réelle et sérieuse de la rupture. S’il ne le fait pas, le juge en retiendra le caractère abusif et condamnera l’employeur à verser au salarié des indemnités réparant les préjudices subis, mais le principe même de la cessation des relations de travail reste acquis. D’une certaine façon, le droit commun préserve le principe constitutionnel de libre rupture des contrats à durée indéterminée qui avait été mis en évidence à l’occasion de la loi instituant le Pacte civil de solidarité, mais dont la portée est générale 33.
S’agissant des contrats à durée déterminée de travail, l’idée centrale est que les parties peuvent décider de basculer dans un droit spécial qui autorise que leur volonté économique ajoute des conditions supplémentaires à l’emploi au-delà de ce que prévoit le droit commun. Mais pour cela, encore faut-il respecter certaines conditions particulières que l’article L.1245-1, C. trav. rappelle, et que le mécanisme de requalification sanctionne. Dans ce cadre, la rupture des relations de travail intervient automatiquement à l’échéance prévue par les parties, sans qu’il soit nécessaire de respecter une quelconque procédure, ni alléguer une cause réelle et sérieuse de cessation autre que cette échéance.
L’illusion consiste à considérer que dans les deux cas de figure, la rupture répond aux mêmes logiques : la cessation des relations de travail, dans les deux cas, serait le fruit de la volonté de l’employeur ; en droit commun, une volonté consolidée par le principe de libre rupture des relations contractuelles à durée indéterminée, et en droit spécial, une volonté dictée par l’échange économique créateur de l’emploi.
23. Nous ne sommes toutefois pas convaincus par ce schéma de pensée. Le droit spécial des CDD suppose, pour être effectif, le respect des conditions posées par l’article L.1245-1 C. trav.. Ne pas les respecter revient alors à se priver du bénéfice des dispositions qui structurent ce régime et donc à basculer de nouveau dans le régime de droit commun. Or, dans cette perspective de requalification, la rupture n’est plus du tout l’expression d’une quelconque volonté.
En effet, l’échéance fixée aux CDD est un évènement objectif que les parties attendent patiemment pour acter la rupture des relations de travail. L’employeur est donc totalement passif, là où en droit commun, y compris dans l’hypothèse où il ne respecte ni la procédure, ni l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de rupture, il est actif : en refusant de fournir au salarié son travail et sa rémunération, en usant de son pouvoir ultime de subordination et de sa liberté constitutionnelle de rompre la relation indéterminée d’emploi, il signifie là un acte unilatéral particulier, certes irrégulier et/ou abusif, mais un acte tout de même.
En tout état de cause, dans le cas du CDD requalifié, l’on ne peut soutenir que la rupture procède de la volonté active qui entoure l’échange économique initial, puisque le recours au droit spécial qui, seul, justifie cette volonté de limiter la durée de l’emploi et son coût, est substantiellement irrégulier. Nemo auditur propriam turpitudinem allegans…
Tout au plus pourrait-on avancer qu’après être retourné dans le droit commun, l’employeur a simplement cessé de fournir travail et rémunération à la survenance de l’échéance initialement fixé par les parties, non pas en raison de cette échéance, mais par une sorte de coïncidence entre elle et une supposée volonté active de rompre unilatéralement la relation de travail. C’est en tout cas ce que semble considérer la Cour de cassation lorsqu’elle affirme, depuis 2002, que « l’employeur, qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture sans que le salarié puisse exiger, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, sa réintégration dans l’entreprise » 34.
Seulement, interrogeons-nous ? Peut-il y avoir volonté de faire, sans avoir préalablement conscience de ce que l’on entend faire ? Car jusqu’au prononcé de la décision judiciaire de requalification, l’employeur n’a nullement conscience d’avoir basculé dans le régime de droit commun. Si bien qu’au moment de la rupture, il ne sait pas qu’il veut activement rompre la relation de travail : il reste baigné de cette passivité qui l’oblige à attendre l’application d’un droit spécial auquel, in fine, il n’a pas droit.
Signalons par ailleurs, pour en croiser les logiques, que le salarié qui s’abstient de fournir le travail qui lui est demandé, qui plus grave encore, ne donne plus aucun signe de vie à son employeur, n’est pas considéré pour autant comme démissionnaire (acte de volonté qui doit être explicite) mais comme fautif au regard d’un abandon de poste… or ceci se règle par un licenciement pour faute grave, dont l’employeur prend l’initiative 35. Cet exemple montre bien que la volonté de rompre unilatéralement les relations de travail ne se déduit pas simplement de la survenance de faits, mais bien d’un acte de volonté qui doit être clair et sans équivoque.
24. Voici donc le piège posé par l’approche économique des relations de travail : considérer que l’expression de la volonté économique particulière des parties culmine au-dessus du régime qui la consacre et contamine l’autre régime qui, de son côté, ne lui reconnaît initialement aucun effet ; positionner a priori du droit, une volonté si puissante qu’elle rend inopérable tout rapport de conscience (de ce que l’on fait juridiquement) qui lui serait opposé.
Disons le plus directement : l’obsession de l’échange économique qui créé l’emploi serait telle qu’elle conduit, dans les faits et en droit, à déresponsabiliser les parties – et plus particulièrement la partie économiquement puissante de la relation de travail – voire à les protéger contre leur propre turpitude. Cantonner les effets de la requalification post-rupture à la seule identification d’une irrégularité et/ou d’un abus préjudiciable, conduit inévitablement à donner corps, dans notre droit, à cette logique anti-juridique.
L’approche économique des relations de travail est une impasse, qui abime le les concepts fondamentaux sur lequel il repose. Pire, qui détourne le droit de sa seule véritable fonction : servir la société en préservant sa cohésion sociale.
25. Pour éclairer cette conviction profonde, qu’il nous soit permis d’évoquer, en guise de conclusion, quelques considérations d’ordre général sur la notion même de relations de travail.
L’emploi n’est pas nécessairement et uniquement l’expression d’un échange économique à l’aune duquel toute la relation de travail se comprend, se conçoit et s’articule. Suivant en cela les enseignements de Georges Scelle 36, l’on peut aussi affirmer que l’échange économique, concrétisé par l’embauche, n’est qu’un acte-condition d’une situation relationnelle qui s’émancipe de lui une fois que l’emploi est créé. C’est, d’une certaine façon, l’idée que le travail salarié a pour principale finalité non pas la création de richesses au profit d’une entreprise, mais plus fondamentalement la capacité des individus à poursuivre leur développement personnel ; que l’emploi constitue le cadre d’existence et d’expression naturel de toute une série de libertés individuelles et collectives qui émancipent l’individu de sa condition sociale, économique et culturelle. En fin de compte, que ce que l’on nomme « conditions de travail » n’est rien d’autre que la vision civilisationnelle, la philosophie sociale que nous développons sur l’Humain en particulier, et sur la vie en générale 37.
Ainsi, lorsque l’on évoque le « droit au maintien de son emploi », l’on se réfère à la prétention légitime d’un salarié de demeurer dans une situation où il est en mesure d’exercer toute une série de libertés fondamentales qui participent de son développement personnel. C’est un droit qui peut certes tomber si l’emploi disparaît normalement, par l’effet d’une volonté active qui s’exprime sur des bases juridiquement pertinentes. Mais en l’absence d’une telle volonté, il doit demeurer intact.
Le « droit au maintien de son emploi » évoque également la forte relativisation des effets de l’échange économique sur la relation de travail : les fonctions sociales de l’emploi, dont fait partie l’accès aux libertés fondamentales du travailleur, ne se considèrent pas à l’aune des forces créatrices de l’emploi. Pour le dire autrement, il n’est pas évident qu’il faille considérer que les conditions dans lesquelles le salarié envisage et vit son développement personnel au travers le travail, soient irradiées de façon permanente par les conditions économiques de l’emploi qu’il occupe. Sinon, l’on risque fort de basculer dans un degré faible mais certain de « servitude », entendue comme l’obligation de vivre et de travailler sur la propriété d’autrui, tout en lui fournissant certains services rémunérés, mais sans toutefois disposer de la possibilité de changer de condition 38.
Loin de nous la tentation d’affirmer que l’approche économique des relations de travail que nous connaissons en France constitue une situation objective de servitude : nous posons simplement là la perspective du risque que l’on encourt si cette logique se renforce, en s’appuyant notamment sur des négations particulièrement graves des libertés fondamentales du salarié. Fort heureusement, le droit est un rempart. Encore faudrait-il que l’on ne passe pas l’essentiel de notre temps à le fragiliser sous l’impulsion des illusions créées par l’approche économique de l’emploi.
26. Par ailleurs, il serait grand temps que le législateur s’interroge sur le sens profond de l’interdiction qu’il fait aux employeurs de pourvoir, par des contrats à durée déterminée, à des emplois durables liés à l’activité normale de l’entreprise. Ne s’agit-il pas précisément d’éviter qu’un salarié, concerné par ces emplois précaires, ne se voit en pratique privé de sa capacité à bénéficier pleinement des conditions de son développement personnel, c’est-à-dire notamment la possibilité d’envisager une carrière faite d’augmentations de sa rémunération, d’acquisitions de nouvelles compétences, du bénéfices de droits à des actions sociales et culturelles envisagées sur le long terme… ceci alors même que, dans les faits, l’entreprise serait en mesure de les lui fournir ?
Si l’entreprise ne le peut pas, alors le salarié qui accepte ces contrats sait effectivement à quoi s’en tenir. Quant à l’entreprise, elle ne pourra de toutes les façons pas lui proposer autre chose qu’une situation d’emploi conforme à l’interdiction. La question n’est donc pas de bannir les CDD et les missions d’intérim du paysage de notre droit social. Elle est de ne pas profiter abusivement d’une situation qui n’est pas la norme sociale ; de ne pas maintenir le salarié dans une condition où il renonce, pour de mauvaises raisons (l’obsession de l’entreprise de limiter par tous moyens, y compris la violation des interdictions légales, le coût de l’échange économique) à tout ce qui lui permettrait de vivre socialement.
Si la requalification détient une fonction sociale, elle est celle-là avant tout. Plutôt que d’évoquer la « requalification-sanction » qui met trop l’accent sur la punition infligée à l’employeur, l’on devrait plutôt évoquer la « requalification-resocialisation » qui permet de mieux entrevoir sa finalité sociale essentielle. Cela passe inévitablement par une réforme tendant à insérer, au titre des sanctions que l’employeur encourt s’il ne respecte pas le droit spécial des CDD, la nullité de la rupture des relations de travail… liberté fondamentale violée, ou pas !
Notes:
- Art. L.1245-1, C. trav. ↩
- Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n°2017-1387 du 22 sept. 2017, la nouvelle rédaction de l’art. L.1245-1, C. trav. précise désormais que la méconnaissance de l’obligation de transmission dans le délai fixé par l’article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; pour la période antérieure à l’Ordonnance, v. Cass. Soc., 17 juin 2005, n°03-45.596. ↩
- La jurisprudence est abondante sur ce point : v.. ntm. Cass. Soc., 19 nov. 1987 : Dr. Soc., 1989, p.361, note Poulain ; Cass. Soc., 6 mai 1997, n°94-41.940 : Dr. Soc., 1997, p.922, note Roy-Loustaunau. ↩
- Cass. Soc., 30 oct. 2002, n°00-45.572 : Dr. Soc., 2003, p.465, note Roy-Loustaunau. ↩
- Cass. Soc., 16 juill. 1987 : Dr. Soc., 1989, p.361, note Poulain ; Cass. Soc., 13 fév. 1991, n°87-44.303 ; Cass. Soc., 19 mai 20140, n°08-42303 ; à noter que lorsque l’inobservation des règles protégées est évidente (en l’espèce, un contrat non écrit), le salarié peut néanmoins rapporter la preuve que le contrat conclu était bien à durée déterminée : Cass. Soc., 10 juill. 2002 ; à noter également que le salarié peut parfaitement demander le bénéfice de la requalification même s’il a antérieurement refusé, de façon systématique et explicite, de conclure un CDI : Cass. Soc., 21 mars 2012 ; à noter enfin que depuis 2002, l’AGS est irrecevable à demander la requalification : Cass. Soc., 4 déc. 2002, n°00-43.750. ↩
- Cass. Soc., 22 sept. 2010, n°09-42.650. ↩
- Cass. Soc., 19 janv. 1999, n°96-44.954. ↩
- Cass. Soc., 30 mai 2007, n°06-41.403. ↩
- Cass Soc., 18 déc. 2013, n°12-27.383 : « Exécution de la décision de requalification et rupture du contrat de travail », JCP S., n°21, 1211, comm. F. Bousez ; J. Mouly, « Une avancée spectaculaire du droit du salarié d’agir en justice contre l’employeur : la nullité de principe des mesures de rétorsion », Dr. Soc., 2013, p. 415. ↩
- CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c/ Grèce, n°18357/91 : D, 1998, p.74, note N. Fricero ; « Droit à un procès équitable et exécution des décisions de justice », JCP G., 1997, n°47, 22949, note O. Dugrip et F. Sudre ; v. également Hugon (C.), « L’exécution des décisions de justice », in « Libertés et droits fondamentaux » (ss. dir. de R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche & T. Revet), 2012, 18e ed., p.721. ↩
- CEDH., 22 juill. 1999, Immobiliare Saffi c/ Royaume-Uni, n°22774/93. ↩
- CEDH, 6 juin 2002, Katsaros c/ Grèce, n°51473/99. ↩
- CEDH, 18 avr. 2002, Ouzounis c/ Grèce, n°49144/99, point 21. ↩
- Bugada (A.), « Office du juge et nullité du licenciement attentatoire à l’action en justice du salarié. Commentaire sous Cass. Soc., 16 mars 2016, n°14-23.589 », JCP. S., 2016, n°20, n°1173. ↩
- CEDH, 18 avr. 2002, Ouzounis c/ Grèce, op.cit., point 21. ↩
- V. ntm C. Bouty, « Introduction » in « L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé », 2008, PUAM, pp.13-50 ; M.-A. Frison-Roche, « Autorité de la chose jugée et voies de recours dans les procédures collectives », LPA 1998, n° 129, pp. 16-22 ; P. Hebraud, « L’exécution des jugements civils », RID comp. 1957, pp. 170-202, spéc. p. 178. ↩
- Selon les conditions établies par la loi, s’entend. ↩
- V. sur cette question N. Gerbay, « Appel. Procédure devant le premier président », in JurisClasseur « Procédure civile », fasc. 1000-30. ↩
- Cass. soc., 2 mars 2016, n° 14-15.603 ; Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-14.766, n° 13-15.490 et n° 13-15.491 ; Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-15.492. ↩
- Cass. Soc., 16 mars 2016, n°14-23589 : A. Bugada, « Office du juge et nullité du licenciement attentatoire à l’action en justice du salarié », op.cit. ↩
- Bugada (A.), « Office du juge et nullité du licenciement attentatoire à l’action en justice du salarié », op. cit. ↩
- Mazeaud (A.), « Droit du travail », 2014, LGDJ, coll. « Domat : droit privé, 9e éd., p.371. ↩
- Cass. Soc., 8 mars 2017, n° 15-18.560 : Y. Pagnerre, « Poursuite judiciaire d’un CDD au-delà de son terme », JCP S., 2017, n°18, n°1155. ↩
- Tournaux (S.), « Les transformations de l’action en requalification du CDD : du curatif au préventif », RDT, 2017, p.415 ; v. également Cass. Ass. Plén., 24 fév. 2006, n°05-12.679. ↩
- V. par exemple Cass. Soc., 1er juin 1999, à propos d’une requalification intervenue contre une banque qui avait, par ailleurs, explicitement interdit la possibilité de recruter en CDI des membres de la famille de son personnel. ↩
- Rivero (J.) & Savatier (J.), « Droit du travail », 1993, PUF, coll. « Thémis », 13e éd. ; v. aussi F. Gaudu, “L’organisation du marché du travail”, Dr. Soc., 1992, p.941. ↩
- Lyon-Caen (G.), “Le droit au travail”, in « Les sans-emploi et la loi, hier et aujourd’hui », 1988, Centre Droit et changement social, Université de Nantes/CNRS, pp. 203-212. ; Couturier (G.), « Droit du travail », Tome 1, 1996, PUF, Coll. Droit fondamental, 3ème éd. ↩
- Jeammaud (A.) & Le Friant (M.), « L’incertain droit à l’emploi », Travail, genre et sociétés, 1999, vol.2, pp.29-45. ↩
- Jeammaud (A.), Le Friant (M.) & Lyon-Caen (A.), « L’ordonnancement des relations de travail », D., 1998, chron., p.359. ↩
- adé (C.), « La figure du contrat dans la relation de travail », Dr. soc., 2001, p.801. ↩
- Darmaisin (S.), Le contrat moral, 2000, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », p.123 ; Mazeaud (D.), « Le nouvel ordre contractuel », rev. des contrats, 2003, p.295. ↩
- Puisant son origine des travaux d’Ian Macneil, le contrat relationnel est celui qui reconnait une dimension psychologique ou sociale à un échange entre les parties qui n’est pas ponctuel et isolé (contrairement aux transactions discrètes). Sur l’incidence du contrat relationnel sur l’analyse des contrats de travail, v. l’excellente thèse de A. Barège, « L’éthique et le rapport de travail », 2008, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit social », tome 47. ↩
- Cons. Constit., 9 nov. 1999, n°99-419 DC : « Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties » (cons. n°66). ↩
- Cass. Soc., 30 oct.2002, n°00-45.608. ↩
- V. ntm Cass. Soc., 23 oct. 1991 aux termes duquel il est affirmé que l’absence injustifiée et prolongée du salarié ne peut pas être assimilable à une volonté claire et non équivoque de démissionner. ↩
- Scelle (G.), Le droit ouvrier, 1929, Ed. A. Colin, 2e éd. ; v. aussi P. Durand, Traité de droit du travail, tome II, 1950, Dalloz. ↩
- Supiot (A.), Critique du droit du travail, 1994, PUF, coll. « Quadrige », 3e éd. (2015). ↩
- Comm. EDH, DR 17/59 ; v. aussi rapp. Com. EDGH, 9 juill. 1980, Van Droogenbroeck, Série B, vol.44, p.30, § 78. ↩