La contribution de l’Union européenne au droit international des droits de l’homme
Thèse soutenue le 24 septembre 2014 à l’Université Jean Moulin Lyon 3 sous la direction du Professeur Michaël Karpenschif et de Madame Christine Ferrari-Breeur devant un jury composé également de Isabelle Bosse-Platière, Professeure, Université Renne I, Jean Dhommeaux, Professeur émérite, Université Renne I, Président, Eleftheria Neframi, Professeure, Université du Luxembourg, Rapporteur, Frédéric Sudre, Professeur, Université de Montpellier, Rapporteur.
L’Union européenne ne se contente pas de promouvoir ses valeurs sur la scène internationale, elle contribue à leur intégration en tant que règles de droit au sein de l’ordre juridique international. Les politistes désignent régulièrement l’Union européenne comme une « puissance normative », en opposition aux puissances dites « traditionnelles ». Cependant, seule la perspective juridique permet de véritablement démontrer et de mesurer la réalité de l’exportation normative réalisée par l’Union. Le choix de consacrer cette étude aux droits de l’homme s’est imposé pour deux raisons. D’une part, la promotion des droits fondamentaux occupe une place primordiale au sein de l’action extérieure de l’Union européenne. D’autre part, ces droits constituent le terrain privilégié des interactions entre les différents systèmes juridiques.
L’intérêt de cette étude consiste tout d’abord à mettre en évidence les rapports ascendants entre l’Union européenne et le droit international. La doctrine s’est longuement interrogée sur ce que l’Union européenne doit, ou ne doit pas, au droit international, en délaissant jusqu’à une période récente la question inverse. En outre, si de multiples travaux ont été consacrés à l’action extérieure de l’Union européenne, très peu ont traité la façon dont l’ordre juridique international réceptionne cette action. Si celui-ci est perméable à l’influence de l’Union européenne, on pourrait alors assister à un rapprochement normatif entre les ordres juridiques international et européen. Afin de mener à bien cette étude, il importait donc de mobiliser à la fois le droit de l’Union européenne, le droit international général et la protection internationale des droits de l’homme.
L’objectif de l’étude réside en outre dans les enseignements que l’on peut tirer de la contribution de l’Union européenne. Il ne s’agit pas en effet de s’arrêter au constat d’une contribution, mais de la qualifier et d’en mesurer l’impact tant sur le droit de l’action extérieure de l’Union que sur le droit international. Ainsi, l’étendue de la contribution européenne permet de définir la place de l’Union, non pas seulement en tant que sujet, mais en tant qu’acteur du droit international. Elle invite également à repenser les objectifs de l’action extérieure de l’Union.
L’étude a montré en premier lieu que l’Union remplit les conditions minimales nécessaires à sa volonté d’influencer les règles de droit international (Partie I). En effet, elle dispose, certes de façon lacunaire, d’une architecture institutionnelle et des compétences nécessaires pour exercer une véritable influence sur le droit international. En particulier, bien qu’elle ne possède pas une compétence générale en matière de droits de l’homme, l’Union peut mobiliser l’ensemble de ses compétences au service de l’objectif transversal de promotion des droits de l’homme figurant à l’article 21§2 b) TUE (Titre1).
En outre, en inscrivant son action dans le cadre de la légalité internationale, l’Union parvient à légitimer sa contribution. L’étude des sanctions adoptées dans le cadre de sa politique étrangère relative aux droits de l’homme constitue l’exemple topique de son souci de « légalisation » de son action extérieure. Il a ainsi été démontré d’une part que les sanctions européennes fondées sur le droit de la responsabilité internationale sont juridiquement fragiles (principalement en raison de l’absence de qualité à agir de l’Union). Il est apparu d’autre part que la coopération avec le Conseil de sécurité des Nations Unies et la mise en œuvre de la conditionnalité démocratique constituent des fondements juridiques alternatifs solides permettant d’assurer la conformité de la pratique de l’Union européenne avec les règles de droit international (Titre 2).
En second lieu, il a été mis en lumière la globalité de la contribution de l’Union (Partie II). En effet, la politique juridique extérieure de l’Union tend tout d’abord à favoriser le développement des règles de droit international, qu’elles soient conventionnelles ou coutumières. L’Union est ainsi en mesure d’influencer significativement le contenu de conventions internationales et de concourir à l’universalisation des instruments existants ainsi qu’à la levée des réserves jugées incompatibles avec l’objet et le but de ceux-ci. Elle peut par ailleurs revendiquer de participer à la formation de règles coutumières, que ce soit au niveau universel ou régional (Titre 1).
Si elle concourt au développement des règles du droit international des droits de l’homme, l’Union participe également activement à leur plus grande effectivité. Elle s’est ainsi progressivement imposée comme un agent d’exécution du droit international des droits de l’homme en sanctionnant ses violations. Il apparaît cependant difficile de faire entrer véritablement ces sanctions dans un processus juridique « obligation – violation – sanction ». Cela renforce l’idée d’une nécessaire contribution de l’Union à la juridictionnalisation du droit international des droits de l’homme. Les droits de l’homme ne peuvent être effectivement garantis qu’à la condition d’être justiciables devant un organe judiciaire impartial et indépendant. L’Union a incontestablement un rôle à jouer vis-à-vis des juges du droit international des droits de l’homme, que ce soit au niveau national, régional ou international (Titre 2).
Partant du constat que l’ensemble de l’action extérieure de l’Union est susceptible de favoriser l’émergence de nouvelles règles de droit et leur mise en œuvre effective, il est possible de considérer que l’Union est un acteur global du droit international et que la réalité de sa contribution constitue le meilleur outil d’évaluation de son action extérieure. La réception de la politique juridique extérieure de l’Union par l’ordre juridique international constitue en effet un indicateur objectif de son efficacité. En conséquence, il est proposé de faire de la contribution au droit international l’objectif principal de l’action extérieure de l’Union européenne. La poursuite de celui-ci constitue la meilleure garantie d’atteindre le but ultime des relations externes de l’Union, à savoir l’affirmation de son identité sur la scène internationale.