La dignité dans l’exécution des peines privatives de liberté [Résumé de thèse]
La dignité dans l’exécution des peines privatives de liberté
Par Nelly-Marine HUR
Thèse soutenue le 1er juillet 2011, sous la direction de Mme Annie BEZIZ-AYACHE, Université Lyon 3
La notion de dignité est désormais largement utilisée dans divers domaines, lorsqu’une personne fait l’objet d’un traitement qui ne semble pas respecter les exigences minimales dues à chaque personne en raison de son appartenance à l’espèce humaine. Quelles sont alors les conditions de traitement à respecter permettant d’assurer le respect de la dignité de la personne humaine ?
Tout être humain est naturellement doté de spécificités humaines primaires qui ne sont pas présentes chez les autres espèces animales ou végétales, et dont la mise en œuvre offre à l’être humain la possibilité de progresser, justifiant ainsi un égal respect de la personne humaine : il s’agit de la conscience d’exister, de la faculté de raisonnement de la conscience morale, de la faculté de raisonnement et d’autonomie
En effet, toute personne humaine a conscience de son existence propre en tant que membre autonome de l’espèce humaine, c’est-à-dire qu’il est capable d’une pensée réflexive sur son existence propre en tant que membre de l’espèce humaine, ce qui le conduit nécessairement à vouloir se créer une identité propre lui permettant de se distinguer des autres membres de l’espèce humaine, par des manifestations extérieures auxquelles les autres membres de la communauté des hommes auront accès grâce à leurs sens.
L’être humain est ensuite doté d’une faculté de raisonnement lui permettant de choisir le moyen le plus approprié pour atteindre le résultat recherché par lui.
Toute personne humaine a, dès les premières années de sa vie, conscience du Bien et du Mal résultant d’une morale universelle, quelle que soit la société dans laquelle il vit, et qu’il peut, par ses actions, participer au Bien ou Mal.
Enfin, l’être humain bénéficie d’une autonomie, en ce qu’il dispose de la liberté de se déterminer lui-même, de faire ses propres choix tant matériels qu’intellectuels, eu égard aux conséquences qu’il peut envisager comme résultant de ses choix.
Cependant, ces potentialités humaines d’amélioration peuvent se trouver neutralisées en cas de traitement différencié, d’atteinte portée à l’une de ses spécificités humaines primaires, ou à l’un de ses supports que sont l’intégrité physique, psychique, ou l’intimité.
L’intégrité physique peut se définir comme étant l’enveloppe corporelle permettant à chaque personne de vivre.
L’intégrité psychique est la psyché ou l’équilibre psychique de chaque personne telle que résultant de sa propre construction au cours des évènements de sa vie personnelle.
L’intimité désigne un ensemble d’éléments très personnels dont la connaissance est réservée à la seule personne qu’elle concerne, ainsi qu’éventuellement à des personnes qui lui sont très proches, si elle souhaite les partager avec celles-ci.
Ainsi, en cas de traitement différencié, d’atteinte à l’une des spécificités humaines primaires ou à leurs supports, la neutralisation des potentialités humaines d’amélioration génère la négation de la dignité de la personne, sauf hypothèse de restrictions des exigences nécessaires au respect de la dignité. De telles hypothèses n’existent qu’en présence de la poursuite d’un objectif légitime d’intérêt général, par un moyen adapté et proportionné. Si la délimitation de l’objectif légitime d’intérêt général pouvant justifier l’existence d’un obstacle à la mise en œuvre d’une spécificité humaine primaire sans nier la dignité de la personne, paraît relativement aisée en ce qu’elle exclut la poursuite de tout intérêt privé ou de tout intérêt général pécuniaire ou de gestion, l’appréciation de l’adaptation du moyen employé au but poursuivi apparaît comme étant plus délicate. En effet, elle suppose de déterminer objectivement si le moyen employé peut permettre d’atteindre l’objectif poursuivi.
Ensuite, la recherche de la proportionnalité du moyen employé au but poursuivi, suppose la vérification d’une part de l’absence de neutralisation définitive d’une spécificité humaine primaire et d’autre part de l’absence de tout autre moyen permettant d’atteindre le même but, avec un moindre obstacle à la mise en œuvre des spécificités humaines primaires de la personne en vue de sa progression. Cependant, en présence de deux moyens adaptés à la poursuite d’un même objectif, l’un portant atteinte directement à l’une des spécificités humaines primaires, l’autre indirectement à l’une de ses spécificités par une atteinte à l’intégrité physique, psychique ou à l’intimité, il convient de considérer que l’atteinte portée à l’intégrité ou l’intimité fait moins obstacle à la mise en œuvre des spécificités humaines primaires que les atteintes directes à celles-ci.
En outre, une hiérarchie est établie au sein des supports des spécificités humaines primaires. Au sommet de ceux-ci se trouvent la vie, puis l’intimité, et enfin l’intégrité physique et psychique. Ainsi, alors qu’en présence de deux moyens adaptés à la poursuite d’un même objectif, mais portant chacun atteinte à l’un de ces supports, il convient de faire primer le moyen portant atteinte au support le plus bas dans la hiérarchie, pour assurer la proportionnalité du moyen employé.
A l’époque qui est la notre, si le respect de la dignité de la personne humaine est fondamental, la promotion de sa dignité par la stimulation de ses potentialités humaines d’amélioration, consiste dans un ambitieux projet pour l’avenir.
Ces préoccupations sont essentielles à l’égard de la personne condamnée à une peine privative de liberté, dans son exécution intra-carcérale comme post-carcérale.
Ainsi, il est possible de constater une harmonisation des traitements carcéraux au sein des établissements pénitentiaires français, une très nette amélioration des conditions de vie des détenus, de l’entretien des liens familiaux et des soins somatiques et psychiques délivrés aux détenus exécutant intra-muros une peine privative de liberté. Néanmoins, la surpopulation carcérale frappant essentiellement les maisons d’arrêt et les établissements pénitentiaires d’outre-mer génère toujours des atteintes tant à l’intimité qu’au maintien des liens familiaux du détenu. En outre, la déshumanisation du traitement des détenus par les personnels de surveillance portent atteinte à leur conscience d’exister. Cependant, si, progressivement, le traitement pénitentiaire tend à respecter la dignité de la personne détenue, l’objectif de promotion de sa dignité demeure encore largement perfectible. En effet, la responsabilisation du détenu et la réappropriation de sa condition humaine permettant la stimulation des potentialités humaines de la personne détenue, n’en sont qu’à leur prémisse.
L’exécution post-carcérale de la peine privative de liberté semble davantage respecter et promouvoir la dignité de la personne condamnée dans la mesure où les atteintes aux spécificités humaines primaires comme à leurs supports, sont moins nombreuses et constituent des moyens adaptés et proportionnés à la poursuite de l’objectif légitime d’intérêt général de prévention de la récidive criminologique par la réinsertion sociale. Néanmoins, l’introduction de mesures de surveillance ayant pour objet la neutralisation de la dangerosité du condamné, à titre de peines complémentaires, au sein des aménagements de peine, ou dans la cadre de mesures de sûreté, a complètement dénaturé le suivi post-carcéral qui devient ainsi inadapté dans la poursuite de l’objectif légitime d’intérêt général de prévention de la récidive criminologique. Ainsi, les mesures de suivi-post-carcéral ne peuvent plus entrer dans les hypothèses de restriction des exigences nécessaires au respect de la dignité et emportent la négation de la personne condamnée. Le résultat de l’analyse est le même, d’un point de vue sociologique, puisque l’ « éthique de conviction » de surveillance étatique n’est en rien efficace en terme de prévention de la récidive criminologique. De même, en se fondant sur le raisonnement de Kant, force est de constater que le suivi post-carcéral existant en France ne contient pas suffisamment de mesures moralement éducatives et d’autonomie laissée au condamné pour lui permettre d’expérimenter sa raison pratique et l’inciter à déterminer sa volonté de manière autonome, afin de mieux prévenir la récidive.
Les objectifs de prévention de la récidive et de respect de la dignité de la personne condamnée n’étant pas contradictoires, mais au contraire liés l’un à l’autre, la création de prisons ouvertes semble être une piste à exploiter par la politique française d’exécution des peines privatives de liberté.
Sommaire
1ERE PARTIE : LA DIGNITE DU CONDAMNE DETENU
Titre 1 : La dignité du détenu dans ses dimensions communautaire et sociale
Chapitre 1 : La dignité du détenu dans sa dimension communautaire
Chapitre 2 : La dignité du détenu dans sa dimension sociale
Titre 2 : La dignité du détenu dans sa dimension humaine
Chapitre 1 : La dignité du détenu par la protection de ses potentialités d’amélioration
Chapitre 2 : La dignité du détenu par la stimulation de ses potentialités d’amélioration
2NDE PARTIE : LA DIGNITE DU CONDAMNE DANS LA PHASE POST-CARCERALE
Titre 1 : L’effet bénéfique des aménagements de peines sur la dignité du condamné
Chapitre 1 : Des aménagements de peine conceptuellement favorables
Chapitre 2 : Des difficultés de mise en œuvre
Titre 2 : La négation de la dignité du condamné par le développement des mesures de surveillance
Chapitre 1 : L’intrusion des mesures de surveillance lors du suivi post-carcéral
Chapitre 2 : La généralisation de la surveillance post-carcérale
Crédits photo : Shad Gross, stock.xchng