La dignité de la personne humaine en droit de l’Union européenne [Résumé de thèse]
La dignité de la personne humaine en droit de l’Union européenne
Par Marine DURAND MERCEREAU
Thèse soutenue le 1er juillet 2011, réalisée sous la direction de Véronique CHAMPEIL-DESPLATS et de Torsten STEIN, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
La thèse réalisée se veut une réflexion juridique sur le concept de dignité la personne humaine au sein de l’Union Européenne. L’objet peut paraître surprenant, au premier abord, vu la spécialité économique de l’organisation régionale en question. Face à un concept polymorphe et polysémique, dont les commentaires abondants et éclectiques ne favorisent pas l’intelligibilité, il a fallu tout d’abord délimiter formellement et matériellement la recherche. Attachée à la dimension intrinsèque du concept, dignité de la personne humaine, en tant qu’individu, personne, humaine, membre d’une commune l’Humanité, la recherche s’est construite à partir de l’étude des normes qui consacrent ce concept. Ces normes ont été analysées aussi bien quant à leur origine qu’à leur substance et à leur application. Elles émergent en effet dans un contexte particulier et sont le fruit volontés individuelles ou collectives. Perçues en tant qu’objet de connaissance mais également comme représentation générale et abstraite, les normes reconnaissant le concept de dignité de la personne humaine ont constitué, avec un examen des archives de l’Union Européenne et des interviews menés auprès de certains fonctionnaires européens, le matériel privilégié de la recherche.
La démarche retenue dans le cadre de cette recherche a été positive et finaliste. Il s’est agi de décrire le concept à travers les énoncés juridiques pour être à même de le saisir, de saisir son sens et ses effets. A partir d’une approche théorique, deux axes ont été développées, le premier statique (genèse du concept) et le second dynamique (fonctions du concept) qui crée le mouvement général de la thèse. En effet, si le concept de dignité de la personne humaine occupe une position privilégiée au frontispice de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, il est longtemps resté absent de l’ordre juridique communautaire.
Les premières Communautés, organisations d’intégration économique ne se réfèrent pas au concept malgré leur vocation humaine, portée par les objectifs de paix et de progrès social. C’est sous l’impulsion du juge et du législateur de l’Union, que le concept est reconnu puis consacré, d’abord par le droit dérivé puis par le droit primaire. L’analyse des sources du concept et de son processus d’intégration (partie I) permet de déterminer avec rigueur et justesse les fonctionnalités de la dignité de la personne au sein de l’Union (partie II).
Le droit est en effet dynamique et les institutions de l’Union recourent au concept de dignité selon une finalité orientée. Polyfonctionnelle, la dignité de la personne humaine joue, à l’image de ses sources, un rôle fondateur déterminant sur le continent européen. Objectivement, elle constitue le fondement du paradigme européen et détermine la substance et les frontières de son ordre juridique. Le concept de dignité a en effet une vocation fondatrice et directive au regard des règles du droit européen. Subjectivement, le concept revêt une fonction protectrice de la personne humaine et de ses droits fondamentaux. Il joue en effet un rôle protecteur, à travers la reconnaissance progressive d’un droit au respect de la dignité de la personne humaine, et ses obligations corollaires. Il dispose en outre d’une fonction promotrice des droits sociaux de la personne, dont les potentialités sont riches.
De l’étude menée, il est intéressant de tirer plusieurs conclusions :
Très chargé sur le plan axiologique, le concept a en effet été l’objet d’une intégration propre, à un temps et dans un contexte déterminé, selon un processus et des acteurs particuliers. L’analyse met ainsi en évidence l’influence considérable des acteurs nationaux et européens dans l’intégration du concept et leurs interactions réciproques.
En outre, la fondamentalité du concept qui se répercute dans l’analyse fonctionnelle tant dans sa dimension objective que dans sa dimension subjective. Elle illustre ainsi la juridicité et la normativité indéniable du concept sur le plan européen ainsi que sa pluralité de sens, de statut et de fonctions.
La recherche réalisée souligne également l’originalité du cadre européen et les liaisons complexes qu’entretient le concept avec les droits et libertés économiques. La dignité de la personne humaine se trouve en effet à la fois dans un rapport de complémentarité, mais aussi d’opposition avec la sphère des droits économiques.
Elle confirme enfin la figure chimérique du concept, sans doute imprécis parce précisément complexe à définir, étant donné qu’il renvoie à une représentation intellectuelle d’un élément inhérent à la personne humaine et touche le cœur de l’humain et de l’Humanité. Néanmoins, si ce caractère incertain a constitué un obstacle supplémentaire à son intégration au droit positif, il n’a jamais dressé un obstacle dirimant.
Les dangers afférents au caractère nébuleux du concept et à la dimension arbitraire ou excessive de son recours existent. Ils sont cependant insuffisants pour priver le droit et ses acteurs des virtualités d’un concept dont la finalité première demeure l’humain et sa protection.
Crédits photo : Kriss Szkurlatowski, stock.xchng