La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel comparé – L’exemple de l’ombudsman spécialisé portugais, espagnol et français [Résumé de thèse]
La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel comparé – L’exemple de l’ombudsman spécialisé portugais, espagnol et français
Par Dimitri Löhrer
Thèse soutenue à l’Université de Pau et des pays de l’Adour le 5 juin 2013.
Composition du jury : Monsieur Luís Aguiar de Luque, rapporteur, professor Catedrático de Derecho Constitucional de la Universidad Carlos III de Madrid, Monsieur Pierre Bon, professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, Monsieur Denys de Bechillon, professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, Monsieur Olivier Lecucq, directeur de recherche, professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, Monsieur Jorge Miranda, professor Catedrático da Faculdade de Direito da Universidade de Lisboa, Monsieur Didier Ribes, rapporteur, maître des requêtes au Conseil d’Etat.
Privilégiant une approche comparatiste et positiviste, la thèse soutenue a pour ambition de proposer une théorie générale de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux à partir des exemples du Provedor de Justiça portugais, du Défenseur du Peuple espagnol et du Défenseur des droits français.
Loin d’être purement subjectif, le choix de privilégier la figure de l’ombudsman spécialisé pour rendre compte de ce mode de garantie s’est imposé, de façon somme toute logique, dans la mesure où ce dernier apparaît à ce jour comme la forme de protection non juridictionnelle des droits de la personne humaine la plus aboutie. Spécialement aménagés, de par leur fonction, leur statut et leurs modalités d’intervention, pour assurer la défense des droits fondamentaux, les ombudsmen ibériques et français se révèlent, en effet, particulièrement adaptés à certaines exigences des droits de la personne humaine que les traditionnelles voies de recours ne sauraient satisfaire. Quant à la préférence donnée aux systèmes juridiques portugais, espagnol et français, celle-ci se trouvait également commandée par deux facteurs objectifs : d’une part, le fait que le Portugal et l’Espagne se présentent comme les pays précurseurs du mouvement de spécialisation de l’ombudsman dans la protection des droits et libertés et, par conséquent, offrent un recul suffisant pour dégager des enseignements généraux au sujet de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux ; d’autre part, l’existence d’une filiation explicite entre le Défenseur des droits et les ombudsmen ibériques.
Partant du double constat de l’insuffisance des mécanismes classiques de garantie et de la faculté de l’ombudsman spécialisé à pallier de telles insuffisances, l’originalité et l’intérêt d’une analyse « en creux » de l’émergence d’un système institutionnel de garantie complet par le prisme de l’ombudsman spécialisé se sont, ainsi, fait jour. Afin de rendre compte le plus justement possible des apports de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux, la recherche ne pouvait, toutefois, ignorer les limites affectant une telle protection. Car l’human rights ombudsman, aussi salutaire soit-il, ne saurait constituer une panacée susceptible de résoudre l’ensemble des problèmes intéressant la problématique des droits fondamentaux.
Aussi la thèse soutenue est-elle que la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux, telle qu’offerte par l’ombudsman spécialisé, se révèle indispensable mais demeure, en raison des insuffisances qui sont les siennes, une protection relative. L’intérêt de la recherche et la problématique identifiés, les deux grands axes de l’étude s’imposaient de façon somme toute logique.
La première partie entend démontrer que l’human rights ombudsman constitue une forme de garantie indispensable. Pour ce faire, l’étude se propose, dans un premier temps, de mettre en avant les insuffisances affectant le système institutionnel classique de garantie des droits et libertés. Dans un souci d’honnêteté intellectuelle, de telles insuffisances ne pouvaient toutefois être exposées sans avoir au préalable précisé le rôle incontournable joué par les traditionnelles voies de recours dans la protection des droits fondamentaux. C’est ainsi que s’explique la construction du titre I : d’un côté, le caractère a priori surprenant de l’insuffisance des mécanismes classiques de garantie, d’un autre côté, le caractère pourtant avéré de cette insuffisance. L’insuffisance des mécanismes traditionnels de protection ainsi établie, le titre II insiste sur l’apport de l’ombudsman spécialisé au système institutionnel de garantie. Après avoir démontré que l’human rights ombudsman se distingue en raison d’une configuration institutionnelle spécialement aménagée pour la défense des droits fondamentaux, la thèse met en avant que celui-ci se présente comme une institution conçue pour compléter les mécanismes classiques de garantie.
La seconde partie se veut une nuance du tableau dépeint jusque-là. Salutaire, la protection proposée par l’ombudsman spécialisée ne saurait être surestimée dès lors que cette forme de garantie, non seulement ne permet pas de combler l’ensemble des insuffisances affectant les autres instances de protection, mais, au surplus, souffre elle-même d’imperfections de nature à préjudicier à l’effectivité de sa fonction de sauvegarde des droits de la personne humaine. Il ne s’agit pas pour autant de remettre en cause le rôle incontournable de l’ombudsman spécialisé. Au contraire, si elle entend rendre compte des limites de la protection offerte par l’ombudsman spécialisé, la seconde partie tient compte des importantes avancées rendues possible dans la pratique par cette institution et propose une réflexion sur les voies de perfectionnement de cette forme de garantie. Etant entendu que, dans la mesure où la relativité de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux s’exprime avec une acuité sensiblement plus importante en France que de l’autre côté des Pyrénées, il s’est avéré à certains endroits nécessaire de « cloisonner » davantage les systèmes juridiques objets de l’étude, tout en s’efforçant de ne pas sacrifier l’analyse comparatiste.
En définitive, l’étude se veut novatrice dans la mesure où il n’existe que peu de travaux, en France, sur la problématique de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux et, plus particulièrement, sur le Défenseur des droits. Institution émergente, le Défenseur français, suscite, en effet, bon nombre d’interrogations, interrogations vis-à-vis desquelles la perspective comparatiste privilégiée par cette étude est susceptible d’apporter des éclaircissements.