Le principe de continuité du service public. Contribution à l’étude du droit de grève
Thèse soutenue le 12 décembre 2014 à l’Université de Savoie devant un jury composé de Monsieur David BAILLEUL, Professeur à l’Université de Savoie (Directeur), Madame Caroline CHAMARD-HEIM, Professeur à l’Université Jean moulin Lyon IIII (Rapporteur), Monsieur Michaël KARPENSCHIF, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III (Rapporteur), Madame Geneviève PIGNARRE, Professeur à l’Université de Savoie et Monsieur Philippe TERNEYRE, Professeur à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (Président du jury).
Le principe de continuité du service public fait partie de ces grands principes du droit administratif que l’on ne songe guère à reconsidérer. Son identité est établie, sa valeur juridique acquise. Toutefois, dans son rapport au droit de grève, l’étude de ses manifestations laisse rapidement entrevoir ses limites. En effet, s’il apparaît en théorie comme le pendant du droit de grève des agents, il n’est en réalité effectif que dans les cas particuliers où la grève est susceptible de porter atteinte à l’ordre public.
Cette conception minimaliste, qui s’accorde idéalement à un contexte de promotion des droits individuels, et donc du droit de grève, est la conséquence du processus d’édification du principe. Perçu à l’origine comme un rempart au développement des conflits collectifs dans la fonction publique régalienne, le principe de continuité justifiait les interventions publiques pour garantir le maintien de la sécurité publique, et ne garantissait nullement le bénéfice de droits-créances dont les usagers du service public auraient pu se prévaloir. De fait, il n’a jamais existé de « droit à la continuité », et le principe a toujours été une norme essentiellement au service des intérêts de la puissance publique. Les juges et le législateur n’ayant jamais contribué, dans ce domaine, à en assurer l’effectivité en dehors des cas où l’ordre public était menacé, la norme s’en est trouvée réduite à un usage circonstanciel. Aussi, l’équilibre entre le droit de grève et le principe de continuité a basculé en faveur du premier, malgré la promotion de chacune de ces normes au rang constitutionnel.
Deux siècles après la découverte du principe de continuité du service public, il semble finalement que les autorités juridictionnelles et législatives l’aient condamné, dans le domaine de la grève, à ne produire que des effets limités. Parce qu’il est toujours figé dans une acception déterminée, son champ d’application est restreint. Parce que le législateur n’a pas complètement accompagné la mouvance des aspirations sociales, son efficience est remise en cause, et il demeure le siège de nombreuses attentes.
Pourtant, les courants jurisprudentiels continuent de définir les limites du droit de grève. Aussi, toute systématisation précoce serait abusive, et n’apporterait qu’un reflet inexact de l’évolution juridique. A l’heure où l’Europe sociale se dessine, il semble plus que jamais nécessaire de tenir compte de son orientation dans le domaine de la grève. Le juge européen des droits de l’homme notamment a adopté une conception élargie de la continuité, qui dépasse le souci de protection de l’ordre public pour intégrer, à travers l’exigence de qualité du service, la prise en compte des intérêts des usagers. La norme de continuité, rénovée, est de ce fait susceptible d’être modelée, adaptée aux spécificités sectorielles mais surtout au caractère plus ou moins essentiel des activités auxquelles elle s’applique. Cette vision, si elle était partagée en droit interne, impliquerait de repenser la dichotomie traditionnelle de notre droit interne, qui distingue les activités de service public et les activités privées. Elle commanderait également de réajuster les limites du droit de grève, qui sont pour l’heure encore extrêmement variables.
En outre, l’étude du droit comparé a révélé des éléments de grammaire commune, se rattachant tous à la préoccupation d’instaurer un équilibre entre la protection des droits des travailleurs et la préservation du fonctionnement continu de certaines activités, au moyen d’une catégorie juridique encore inconnue du droit administratif français, celle des services essentiels. La notion, dont l’analyse a permis de démontrer qu’elle pourrait être transposée en droit interne, pourrait se substituer à celle du service public dans le domaine de la grève. Elle permettrait l’élaboration d’un nouveau régime de la grève, plus respectueux des intérêts de chacun, employeurs, personnels, et usagers. La norme de continuité, dans ce cadre, déploierait toutes ses potentialités. Elle garantirait le fonctionnement de certaines activités en lien avec le maintien de l’ordre public, mais aussi d’autres, qui, indépendamment de leur appartenance au secteur public ou au secteur privé, contribuent à satisfaire certains besoins fondamentaux des citoyens. En résumé, au terme de cette évolution, l’on pourrait tendre vers une conciliation plus harmonieuse du principe de continuité et du droit de grève.
Le débat relatif à la continuité des services publics en cas de grève des agents, loin de perdre son intérêt, est donc susceptible de s’enrichir d’une perspective inédite, qui trouve son origine profonde dans la nouvelle représentation de la relation administrative. Car derrière la controverse, apparemment technique, autour du régime juridique du service public et de la subjectivisation de ses « lois », se profilent des enjeux plus idéologiques relatifs aux mutations qui affectent les rapports de l’Etat à ses administrés. En effet, alors que le droit administratif, et le droit des services publics plus particulièrement, ont été conçus en référence à un intérêt général abstrait, s’affranchissant de toute considération individuelle, leur refondation tend à conférer à l’administré, à travers la promotion de ses droits, une position nouvelle. Dans ce contexte, le principe de continuité du service public, dont la raison d’être fut précisément de préserver les institutions étatiques de toute interruption, indépendamment de toute considération pour l’usager, est devenu une norme à l’efficacité relative, dès lors qu’il ne s’est plus agi uniquement de circonscrire les mouvements de grève des agents des services publics en lien avec l’exercice de la puissance publique. Il semble alors logique que le droit de grève se soit imposé dans ce rapport d’antinomie. Toutefois, il est aujourd’hui envisageable de trouver un point d’équilibre entre ces deux normes, notamment en redéfinissant le régime juridique de la grève. Reste alors à trouver la volonté politique de moderniser cette matière hautement sensible.
J’apprécie énormement..
Je voulais que vous puissiez faire de réflexion du principe de continuité purement en droit administratif ou dans Grand services de l’Etat. Parce nous nous pensons que ce principe se remarie avec principe qui dit que les hommes pensent les institutions restent mais dans son sens vrai le principe de continuité de service consiste a ce que les actes administratifs continueront à produire d’effet même si l’initiateur ne serait plus en fonction au moins lors que son remplaçant annule ou modifié en ce moment là ça pert un caractère de continuité
C’est un constat réel, dans la gestion des affaires administratives, on observe souvent cette pratique contraire au principe de continuité des services publics. Ex: lors qu’un directeur d’un SPA ou SPIC prend un acte légal lié au service, s’il est muté, le nouveau est tenu par ce principe au risque de faire face au griéf de la victime.
Suis passionné