Et si le Conseil constitutionnel était une « Cour constitutionnelle de référence » ?
Le président du Conseil constitutionnel a affirmé à plusieurs reprises que cette institution était, ou était en passe de devenir, une « Cour constitutionnelle de référence ». Pour des raisons qui tiennent à la composition, au fonctionnement et aux décisions du Conseil, ce constat semble assez peu réaliste.
Thomas Hochmann, Professeur de droit public à l’Université de Reims Champagne-Ardenne
Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ? La question a beaucoup animé la doctrine et les observateurs de la vie politique pendant les années 70, après la décision Liberté d’association[1] et l’ouverture de la saisine à la minorité parlementaire. En 1979, François Luchaire dressait l’état de la controverse et observait que la thèse juridictionnelle paraissait dominante[2]. De nos jours, il est convenu d’observer que ce débat manque d’intérêt[3]. La question ne se pose plus tellement en ces termes.
D’abord, l’un des principaux éléments avancés contre la thèse juridictionnelle touchait au caractère très imparfait de la procédure contradictoire suivie devant le Conseil constitutionnel[4]. Or, si le contrôle de constitutionnalité a priori souffre toujours de certains défauts à cet égard[5], la création de la question prioritaire de constitutionnalité s’est accompagnée d’un certain nombre de garanties procédurales qui, selon l’opinion établie, renforcent l’aspect juridictionnel du Conseil[6]. Certes, « l’éternelle question de la nature du Conseil constitutionnel »[7] n’est pas tout à fait tranchée[8]. En témoigne l’insistance persistante sur la nécessaire « juridictionnalisation » du Conseil[9], effort qui révèle que le Conseil n’est peut-être pas encore tout à fait une juridiction. Mais le débat des années soixante-dix a tout de même perdu en intensité.
Ensuite et surtout, du point de vue scientifique, l’interrogation sur la nature juridictionnelle du Conseil ne peut avoir de sens qu’à la condition de s’entendre sur ce qu’est une juridiction. Ceux qui insistaient sur des éléments formels, tels que la procédure ou la composition, ou sur la terminologie (« Conseil » et non « Cour », « membres » et non « juges ») doutaient de la qualité juridictionnelle. Ceux qui préféraient se concentrer sur les attributions du Conseil étaient conduits à le qualifier de juridiction[10].
Mais le véritable objet du débat a toujours été ailleurs. Reconnaître ou non le Conseil comme un juge est un choix qui s’insère dans une stratégie. Les critères de définition de la juridiction sont sélectionnés en fonction de la conclusion à laquelle on souhaite parvenir. Comme le remarquait François Luchaire, ceux qui refusent au Conseil la qualité de juridiction le font pour le critiquer[11]. L’auteur omettait néanmoins d’observer que l’inverse est aussi vrai : on qualifie le Conseil de juridiction pour renforcer l’institution et ceux qui gravitent autour d’elle. L’importance d’établir cette qualité juridictionnelle pour fonder la nouvelle science du droit constitutionnel – aixoise et jurisprudentielle – est désormais bien connue[12]. Mais il est aussi dans l’intérêt du Conseil constitutionnel lui-même d’apparaître comme une juridiction.
Dans le passé, certains membres du Conseil ne partageait pas cet avis. Bernard Chenot, brièvement membre entre 1962 et 1964, affirmait quinze ans plus tard n’avoir « jamais pensé une seconde que le Conseil constitutionnel fût un organe juridictionnel, c’est un corps politique par son recrutement et par les fonctions qu’il remplit »[13]. Dans un article publié à la fin de son mandat, François Goguel avouait que la question de la nature juridictionnelle du Conseil lui paraissait « bien académique » : « je ne parviens pas à me passionner pour ce problème »[14].
De tels propos semblent aujourd’hui inimaginables. Lors d’un colloque organisé à l’occasion des quarante ans du Conseil, l’ancien secrétaire général de l’institution, Bruno Genevois, tenait des propos inverses à ceux de Bernard Chenot : « J’ai toujours pensé que le Conseil constitutionnel lorsqu’il statue sur la conformité d’un texte à la Constitution était une juridiction et que la reconnaissance de son caractère juridictionnel était la meilleure source de sa légitimité »[15]. Dix ans plus tard, l’ancien président Robert Badinter sera encore plus clair : « Pour ma part, je considérais que l’intérêt du Conseil était d’apparaître comme une juridiction aux yeux de tous »[16].
On ne peut que partager cette appréciation du duo qui régna sur le Conseil de 1986 à 1992. Le Conseil constitutionnel détient le pouvoir de s’opposer aux lois votées par le parlement. Il lui faut donc affronter un problème de légitimité qu’il n’est susceptible de surmonter qu’à la condition d’être perçu comme une juridiction. On peut admettre que le Conseil veille, au terme d’une analyse juridique, au respect de la Constitution. Une telle thèse a pour elle un certain nombre d’arguments qui la rendent robuste[17], à défaut d’être inattaquable. Il est en revanche beaucoup plus hasardeux de faire admettre l’idée que quelques individus non élus se prononcent selon leurs convictions politiques ou leur « sagesse ». Pour que le contrôle de constitutionnalité des lois soit susceptible d’être accepté, il faut qu’il soit l’œuvre d’une juridiction. On comprend donc que les présidents du Conseil constitutionnel, porte-paroles de l’institution, aient fréquemment insisté sur son caractère juridictionnel[18].
Récemment, néanmoins, un cap a été franchi. Il ne s’agit plus seulement, dans le discours émanant de l’institution, d’affirmer son caractère juridictionnel. Les prémisses de cette ambition supplémentaire se trouvent, là encore, chez Robert Badinter. « [J]e pensais que l’affirmation du Conseil constitutionnel comme une véritable juridiction », expliquera-t-il en 2009, « devait lui permettre de prendre sa place dans le cercle des Cours constitutionnelles européennes où je souhaitais lui voir jouer un rôle exemplaire »[19]. Dès 1994, le président Badinter prétendait que « [l]a jurisprudence du Conseil constitutionnel a défini un corpus important de principes juridiques notamment dans le domaine des libertés, qui peut aisément se comparer à l’œuvre des autres juridictions constitutionnelles européennes. […] Le Conseil constitutionnel a pris rang parmi ces juridictions et sa réputation internationale ne le cède en rien à celle des autres grandes cours constitutionnelles européennes »[20].
Autrement dit, le Conseil constitutionnel n’est pas simplement devenu une juridiction. Il est une Cour constitutionnelle du même calibre que les cours les plus influentes qui existent dans d’autres États européens. Or, l’actuel président du Conseil a fait de ce discours un axe fort de son mandat. La question de la qualité juridictionnelle du Conseil est bel et bien dépassée. L’enjeu, aujourd’hui, n’est plus de faire du Conseil une simple Cour constitutionnelle, mais « une Cour constitutionnelle de référence ». Dans une série de prises de position publiques, Laurent Fabius a insisté sur cette ambition. La « nature juridictionnelle » du Conseil est aujourd’hui « reconnue », affirmait-il par exemple en 2017 lors de ses vœux au président de la République. Mais, « [c]omme toute institution, le Conseil peut cependant sans doute faire l’objet d’améliorations, afin de s’affirmer sans cesse davantage en France, en Europe et au-delà comme une Cour constitutionnelle de référence »[21]. « Ayant conquis sa place », déclarait-il un peu plus tôt, « le Conseil doit affermir son rôle, c’est-à-dire être de plus en plus perçu au plan national et international comme une Cour constitutionnelle de référence »[22]. Bref, comme il l’avait annoncé sans ambages quelques semaines après sa prise de fonction : « Je souhaite […] faire du Conseil constitutionnel une Cour constitutionnelle de référence »[23].
Ce qualificatif semble recouvrir deux aspects. Au plan national, il s’agit de placer la Constitution, ou plus précisément la jurisprudence du Conseil constitutionnel, au centre du débat public, comme c’est le cas dans d’autres pays. Ainsi, en Allemagne, c’est « à raison de l’action de la Cour » que la Loi Fondamentale est devenue « le ‘centre’ du système juridique et politique allemand »[24]. Laurent Fabius souhaite qu’il en aille de même en France, qu’une avenue de la Constitution soit susceptible d’être inaugurée à Paris, c’est-à-dire que la Constitution joue en France le même « rôle prééminent [qu’elle tient] dans l’esprit de nombreuses grandes démocraties »[25].
À l’étranger, il s’agit d’œuvrer au « rayonnement international » du Conseil, car « l’influence internationale de notre droit participe de l’influence générale de la France »[26]. L’objectif semble donc de faire en sorte que les cours étrangères s’inspirent des décisions rendues par le Conseil constitutionnel[27]. Témoigne de cette attitude le discours récemment donné à la Cour européenne des droits de l’homme dans lequel, selon le titre donnée à cette intervention sur le site du Conseil, « Laurent Fabius appelle les cours suprêmes de toute l’Europe à la persévérance, à la vigilance et à la résistance »[28], un peu comme si le Conseil constitutionnel était déjà la « Cour de référence » vers laquelle convergeaient tous les regards.
La question actuelle n’est donc plus, comme dans les années soixante-dix, de savoir si le Conseil constitutionnel est une juridiction, mais s’il est une « Cour constitutionnelle de référence ». Or, ce renforcement de la thèse facilite sa vérification. Nombreuses sont les conditions dont le caractère nécessaire peut prêter à controverse lorsqu’il s’agit de qualifier un organe de juridiction, mais dont on paraît pouvoir aisément considérer qu’ils doivent être remplis par une « Cour constitutionnelle de référence ». Avant d’examiner si la nouvelle ambition du Conseil constitutionnel est raisonnable, deux précisions s’imposent. Il est d’abord évident qu’une « Cour constitutionnelle de référence » n’est pas un objet naturel aux caractéristiques objectives. On posera ici certains critères dont on espère qu’ils paraitront assez intuitifs. Ensuite, l’analyse qui va suivre n’est pas prescriptive : il ne s’agit pas d’affirmer qu’il serait souhaitable que le Conseil constitutionnel soit une Cour constitutionnelle de référence[29]. On entend simplement examiner s’il a déjà atteint cet objectif, ou du moins apprécier la distance qui l’en sépare.
I Une Cour constitutionnelle de référence est composée de juristes
La critique de la composition du Conseil constitutionnel est désormais un passage obligé dans la littérature consacrée à l’institution. Sans même parler de l’appartenance de droit des anciens présidents de la République[30], aujourd’hui unanimement décriée y compris au sein du Conseil lui-même[31], la lourde proportion de personnalités politiques en son sein lui vaut de nombreux reproches[32]. La question de savoir si une juridiction doit uniquement être composée de juristes peut prêter à débat. François Luchaire écartait par exemple ce critère, arguant qu’une organe qui exerce des compétences juridictionnelles est une juridiction, quelle que soit sa composition[33]. Vedel citait à cet égard la Haute Cour de Justice[34], et l’on pourrait mentionner les juridictions universitaires. Mais chacun s’accordera sans doute à considérer qu’une Cour constitutionnelle de référence est composée de juristes chevronnés, et non de personnalités ayant peut-être obtenu une Licence en droit avant de consacrer l’essentiel de leur activité à la vie politique.
Certes, de grand juristes ont siégé au Conseil constitutionnel. Mais c’est aujourd’hui que cet organe prétend au statut de Cour constitutionnelle de référence. Or, écrirait-on encore de nos jours, comme Michel Verpeaux en 2001, que « les autorités de nomination [ont] eu la sagesse de désigner des membres de très grande qualité », et que « les juristes [sont] très largement majoritaires au sein du Conseil constitutionnel »[35] ? Il n’est pas envisageable que le futur membre d’une Cour constitutionnelle de référence affirme avec un sourire, devant les parlementaires appelés à confirmer sa nomination, ne pas savoir grand chose du droit constitutionnel[36]. Il n’est pas envisageable qu’un autre futur membre évoque le « Protocole de 1946 » pour décrire la Préambule de la Constitution de la quatrième République[37]. Il n’est pas envisageable que les personnes appelées à siéger au sein d’une Cour constitutionnelle de référence affirment avoir l’intention d’apprendre le droit constitutionnel une fois en fonction. Pourquoi les juges des cours étrangères prêteraient-ils une attention soutenue aux décisions rendues par des débutants ?
Les juristes ne sont ni forcément « un peu asséchés »[38], ni « élevés dans la vénération de la loi »[39]. On peut certes préférer que d’éminents personnages politiques dénués de compétence particulière en droit siègent à la Cour constitutionnelle. Simplement, on doit alors accepter que l’organe ainsi composé ne soit pas une Cour constitutionnelle de référence. On ne peut se satisfaire que les membres d’une telle Cour soient simplement « aidés » par de bons juristes[40].
Le sujet de la composition du Conseil constitutionnel a été trop rebattu pour qu’il soit justifié d’y insister beaucoup ici. Deux remarques peut-être un peu moins fréquentes suffiront. La première, que l’on n’espère pas trop irrespectueuse, porte sur l’âge des membres du Conseil. En Allemagne, la limite d’âge des juges constitutionnels est fixée à 68 ans[41]. En 2019, un seul membre du Conseil constitutionnel est au-dessous de cette limite. L’année prochaine, il n’y en aura plus aucun. Si le nombre d’années contribue sans doute à la sagesse et à l’indépendance[42], n’est-il pas un frein à l’énergie nécessaire au sein d’une Cour constitutionnelle de référence ? Ne contribue-t-il pas à laisser le pouvoir à un secrétaire général plus jeune et impétueux ?
La seconde remarque tient aux professeurs de droit. Le sujet est délicat, tant il est tentant d’affirmer que si les universitaires critiquent la composition du Conseil, c’est parce qu’ils aimeraient y siéger[43]. Peut-être y a-t-il une part de vérité dans cette observation, mais elle demeure difficile à établir avec certitude. Un point, néanmoins, mérite d’être soulevé, à savoir que les règles applicables empêchent la nomination de « véritables » professeurs de droit, c’est-à-dire d’individus qui exercent ce métier, et non de personnes auxquelles on peut simplement attribuer un titre obtenu de longue date. Lorsque Waline ou Vedel siégeaient au Conseil, ils continuaient à enseigner à l’université[44]. En 1995, le régime des incompatibilités applicables aux membres du Conseil constitutionnel a été renforcé pour être calqué sur celui des parlementaires[45]. Ainsi, l’exception professorale à l’interdiction du cumul s’appliquait aux membres du Conseil. En 2013, néanmoins, sur proposition du député Thomas Thévenoud, les membres du Conseil se sont vus interdire « toute fonction publique et […] toute autre activité professionnelle ou salariée »[46]. Pour être nommé au Conseil constitutionnel, un professeur doit donc renoncer à exercer son métier[47]. Il est difficile d’affirmer avec certitude que cette situation s’oppose à la formation d’une Cour constitutionnelle de référence. Mais on peut rappeler que la Cour constitutionnelle allemande, qui peut sans doute être qualifiée de la sorte, est une Cour de professeurs[48]. La loi qui organise la Cour édicte une incompatibilité avec « toute autre activité professionnelle que celle de professeur de droit au sein d’une université allemande »[49].
II Une Cour constitutionnelle de référence respecte les règles qui s’appliquent à elle
N’est-on pas en droit d’attendre d’une Cour constitutionnelle de référence qu’elle respecte les règles qui gouvernent son organisation et le statut de ses membres ? Force est de reconnaître que, en la matière, le Conseil fait preuve d’une certaine nonchalance que quelques exemples permettent d’illustrer.
L’article 14 de l’ordonnance de 1958 impose un quorum : « Les décisions et les avis du Conseil constitutionnel sont rendus par sept conseillers au moins, sauf cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal ». Or, il n’est pas rare que six membres du Conseil prétendent rendre une décision[50]. Dans un tel cas de figure, grâce à la voix prépondérante du président, trois personnes peuvent décider d’abroger une norme législative. C’est bien peu de monde, pour une Cour constitutionnelle de référence.
Le Conseil ne donne guère d’explications sur les raisons de ces absences[51], ni sur la force majeure, qu’il se contente de constater dans l’auto-commentaire qu’il publie aux côtés de la décision : « Le Conseil constitutionnel a dûment constaté, conformément à l’article 14 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qu’il devait, en raison d’un cas de force majeure, déroger au quorum prévu par cet article ». Il est difficile de se garder de l’impression que toute violation du quorum est assimilée à un cas de force majeure, et une telle interprétation de l’article 14 est intenable. Les avis peuvent certes diverger quant à ce qui constitue un cas de force majeure, mais on ne saurait retenir une interprétation qui revient à considérer que toute décision du Conseil doit être rendue par sept membres… sauf s’ils sont moins. Une telle lecture aboutit en effet à supprimer la règle du quorum.
La question n’est pas dénuée d’importance : il est en effet envisageable, en s’appuyant sur Adolf Merkl[52], de défendre l’idée qu’une prétendue « décision » rendue par moins de sept conseillers en dehors d’un cas de force majeure n’est pas à proprement parler une décision du Conseil. Le quorum est une condition de validité, dont le non respect empêche la production d’une décision valide. En suivant ce raisonnement, la loi prétendument abrogée par ces six conseillers est toujours en vigueur, et les tribunaux doivent continuer de l’appliquer.
Ces violations du quorum s’accompagnent d’autres manquements aux règles applicables au Conseil. Chacun sait par exemple que le président du Conseil, Laurent Fabius a été nommé en novembre 2017 « Haut référent pour la gouvernance environnementale » par l’Organisation des Nations Unies, ce qui ne semble guère conforme aux incompatibilités établies par l’article 4 de l’ordonnance de 1958[53] et pose à tout le moins problème du point de vue de l’impartialité objective, de l’apparence d’indépendance du Conseil[54]. En décembre 2017, Michel Charasse a été nommé au « Conseil d’orientation du Domaine de Chambord », ce qui l’a conduit à se déporter dans une QPC qui impliquait ledit domaine[55], mais n’en demeure pas moins une violation des incompatibilités.
Les membres du Conseil disposent d’un instrument pour sanctionner ces manquements. En vertu de l’article 10 de l’ordonnance de 1958, ils ont la possibilité de « constate[r] la démission d’office », c’est-à-dire d’exclure le membre qui n’a pas respecté les incompatibilités. Une telle décision peut également être prise, « s’il y a lieu », en cas de violation des autres obligations applicables aux membres du Conseil[56]. Le Conseil peut aussi, de manière plus douce, prononcer une sorte de blâme envers le membre qui a manqué à ses obligations[57]. Cette possibilité est néanmoins neutralisée par le décret de 1959 : une telle décision doit être prise à la majorité des membres composant le Conseil, y compris les membres de droit. Si l’on considère, selon l’opinion établie, que tous les anciens présidents de la République appartiennent, qu’ils le veuillent ou non, au Conseil[58], sept voix sont aujourd’hui nécessaires pour constater un manquement.
On conçoit, de toutes les manières, qu’il soit assez délicat pour les membres du Conseil de prendre une telle décision contre un des leurs. Mais le chemin vers une Cour constitutionnelle de référence passe peut-être par là : la délicatesse ne devrait pas prévaloir sur le fonctionnement et le prestige de l’institution. De ce point de vue, le projet de révision constitutionnelle qui entend mettre fin à l’appartenance des anciens présidents au Conseil tout en faisant un sort à part à Valéry Giscard d’Estaing va également dans la mauvaise direction[59].
Il est en revanche une obligation applicable aux membres du Conseil dont le respect s’oppose au développement d’une Cour constitutionnelle de référence. Prévue aux articles 7 de l’ordonnance de 1958 et 2 du décret de 1959, l’obligation de réserve interdit aux membres du Conseil « de prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décisions de la part du Conseil ». Autrement dit, il est interdit aux membres de parler publiquement de la jurisprudence du Conseil ou plus généralement du droit. Certes, en pratique, les membres du Conseil n’observent pas scrupuleusement cette interdiction, et invoquent surtout l’obligation de réserve lorsqu’elle les arrange[60]. Mais il n’en demeure pas moins que ce mutisme imposé s’oppose à placer le Conseil constitutionnel et ses décisions au centre des débats politiques et sociaux.
En novembre 2017, la Cour constitutionnelle allemande s’est donnée des lignes directrices qui insistent au contraire sur l’importance de cette activité de communication. « En raison de la place de la Cour constitutionnelle comme organe constitutionnel, et de l’importance sociale et politique de ses décisions, les membres de la Cour […] contribuent à l’explication et à la transmission […] de sa jurisprudence au niveau national et international »[61]. Les juges doivent certes veiller à sauvegarder la dignité et l’apparence d’impartialité de la Cour, mais ils sont incités à s’exprimer sur sa jurisprudence. Les publications, les conférences, les discours et les interviews sont explicitement envisagés[62]. En France, lors d’un colloque consacré au Conseil constitutionnel, le président de l’institution pouvait conclure son allocution d’ouverture de la manière suivante : « L’obligation de réserve qui s’impose aux membres du Conseil constitutionnel leur interdira, vous le comprenez bien, de prendre part aux débats qui vont se dérouler ici »[63]. Comment devenir une Cour constitutionnelle de référence si les membres les plus éminents, qui ont la capacité de présenter et discuter les décision du Conseil, s’en abstiennent et se limitent à « présenter les arguments pour et les arguments contre telle ou telle décision »[64], rechignent à se prononcer « sur les déductions et les vues d’avenir retenues par l’auteur [d’une thèse], car ce serait prendre une position publique sur des questions susceptibles d’être portées devant le Conseil constitutionnel »[65] ? Le Conseil constitutionnel ne peut devenir une Cour constitutionnelle de référence s’il se mure dans le silence.
III Une Cour constitutionnelle de référence donne les termes du débat
La Cour constitutionnelle constitue un point de référence si sa jurisprudence est prise en compte dans les débats nationaux et par les cours étrangères. Avant d’interdire l’anonymat sur les réseaux sociaux, on confronterait en France une telle mesure à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. À l’étranger, les juges confrontés à une disposition similaire se précipiteraient sur la décision du Conseil. Une telle situation n’est envisageable que si la Cour rend des décisions suffisamment développées, qui contiennent des arguments susceptibles d’être sollicités dans d’autres contextes. Or, la motivation constitue, avec la composition, le grand vice du Conseil constitutionnel, dont la critique est désormais banale.
Dans le discours tenu à la Cour européenne des droits de l’homme, Laurent Fabius se flattait que le Conseil ait rendu la première décision relative au problème de la manipulation de l’information[66]. Mais qu’y a-t-il, dans cette décision, qui puisse être utile à une cour étrangère qui affronterait le même problème ? Le Conseil affirme que la liberté d’expression doit être conciliée avec le principe de sincérité du scrutin, décrit et précise quelque peu le contenu de la loi, et affirme que l’atteinte à la liberté d’expression n’est pas disproportionnée. Patrick Wachsmann a souligné récemment à quel point les décisions du Conseil persistent à affirmer de manière péremptoire que la mesure législative est, ou n’est pas, « adaptée », « proportionnée » ou « équilibrée », sans réellement s’efforcer de justifier cette appréciation : « [l]e contrôle de proportionnalité est réduit à une formule magique, l’examen du dispositif mis en cause et même de la logique sur laquelle il repose est à peine effleuré »[67]. Le Conseil affirme qu’« il résulte de ce qui précède » que la loi est conforme à la Constitution, sans que ce qui précède permette réellement de comprendre ce qui est censé en résulter.
Dans d’autres cas, une ébauche d’argumentation est perceptible, mais elle est complètement imprévisible. Les décisions qui impliquent la liberté d’expression forment un bon exemple. Il est impossible, avant la décision du Conseil, de deviner dans quel sens il va trancher (ce qui n’est guère problématique), mais surtout quel sera à peu près le cadre d’analyse, le raisonnement suivi. On sait que le Conseil récitera quelques formules : « la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi »[68]. Mais, une fois ces sentences énoncées, le véritable fondement de la décision peut varier du tout au tout. En matière de négationnisme, le Conseil a par exemple pu se fonder de manière alambiquée sur l’exigence de normativité de la loi ou sur l’interdiction des doubles incriminations. Son raisonnement sera toujours présenté, à la fin, comme la vérification du caractère « nécessaire, adapté et proportionné » de la restriction, mais il ne s’agit souvent que d’une illusion[69].
Ce type de fonctionnement ne permet pas au législateur de savoir ce qui est susceptible d’être jugé conforme à la Constitution, ni aux futurs requérants d’adapter leurs arguments. En l’absence d’une motivation plus élaborée et mieux structurée, aucun dialogue constitutionnel ne peut se développer. Les saisines parlementaires et les QPC risquent de demeurer peu approfondies, et le débat juridique – sans même parler du débat politique – ne peut véritablement s’organiser autour de la jurisprudence du Conseil.
Or, la consultation des comptes-rendus des délibérations antérieures à vingt-cinq ans révèle que le flou de la motivation est un choix parfaitement assumé par le Conseil. Rendons « une décision brumeuse », proposait Georges Pompidou en 1960[70]. Plus le Conseil « sera concis moins il sera vulnérable », affirmait un membre lors de la délibération relative à la décision IVG en 1975[71]. Au secrétaire général Bruno Genevois, qui craignait qu’une formule fasse naître une ambiguïté, le président Badinter répondait qu’il valait mieux « justement n’en pas sortir »[72]. Comme le résumait le même Badinter : « Il existe me semble-t-il une règle d’or : il ne faut dire que ce qui est indispensable, sauf lorsque le Conseil souhaite, pour diverses raisons, laisser passer le bout d’une oreille »[73]. Rien ne permet de penser que le Conseil ait, depuis, abandonné cette ligne directrice.
Or, une Cour constitutionnelle de référence ne cherche pas à en dire le moins possible, elle ne craint ni les « dissertations excessives »[74] ni les « rédactions-fleuves » qui s’apparentent à un « exposé professoral »[75]. Elle ne rechigne pas aux obiter dicta, aux opinions séparées, à tout ce qui est susceptible d’enrichir le débat constitutionnel. Si la publication des contributions extérieures est souhaitable, ce n’est pas tant pour lutter contre les lobbys[76], que pour diffuser des arguments de droit constitutionnel, susceptibles d’être mobilisés ou adaptés dans d’autres contextes[77]. Les audiences publiques tenues lors des QPC pourraient également être utilisées en ce sens : leur contenu est plus important que leur localisation[78], et la possibilité désormais donnée aux membres du Conseil de s’adresser aux avocats et au représentant du gouvernement[79] pourrait permettre un dialogue, un échange d’arguments, pour l’instant presque inexistant[80].
Mais si une Cour constitutionnelle de référence donne les termes du débat, c’est aussi dans un sens plus large. Là réside sans doute le point crucial, celui où les avis divergeront quant à l’opportunité de voir le Conseil constitutionnel atteindre ce rang. Une Cour constitutionnelle de référence ne prend pas trop au sérieux l’idée selon laquelle elle « ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation de même nature que celui du parlement »[81]. Au nom de la Constitution, elle n’hésite pas à imposer le mariage homosexuel, à abolir la peine de mort ou à dépénaliser le cannabis. Elle « développe » le droit constitutionnel, fixe par sa jurisprudence de nombreux critères dont le lien avec le texte de la Constitution est des plus ténus. Elle prend des décisions audacieuses, qui en font un acteur majeur de la vie politique du pays, et un point de référence pour d’autres juridictions dans le monde. C’est parce qu’elle est « débridée », qu’elle ne connaît guère de limites, que la Cour constitutionnelle allemande est si puissante[82]. Une telle juridiction s’expose bien entendu à des critiques, mais là n’est pas notre sujet. Une Cour constitutionnelle de référence n’entérine pas l’essentiel des choix législatifs, en se contentant de dispenser ci et là une petite réserve d’interprétation. Quelques « coups d’éclat » ne suffisent pas[83]. Les juges les plus timides n’ont pas vocation à servir de référence aux autres.
Chacun appréciera s’il est souhaitable que le Conseil constitutionnel emprunte un tel chemin. Mais chacun conviendra qu’une telle évolution est très invraisemblable. Ni les décisions actuelles du Conseil, dans leur dispositif ou leur motivation, ni les dernières nominations, ne pointent dans ce sens. Un dernier élément barre encore plus sûrement la route. On peut l’exprimer à l’appui d’une citation de Paul Valéry qu’affectionne Laurent Fabius. Il s’y est référé plusieurs fois lorsqu’il était ministre, et ne l’a pas oubliée une fois au Conseil[84] : il faut se méfier, écrivait à peu près Valéry, de « cette complaisance qui point dans ton âme lorsqu’elle s’aime », de « cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même »[85].
Or, le président du Conseil constitutionnel semble céder à cet excès de bienveillance envers son institution. Il la voit différente de ce qu’elle est, et cette hallucination ne facilitera pas l’évolution du Conseil. Il pense avoir véritablement amélioré la motivation des décisions du Conseil, quand le principal changement ne touche qu’à la ponctuation. Il perçoit le Conseil comme le « gardien des droits fondamentaux »[86], la « vigie scrupuleuse de l’État de droit »[87]. Le constat manque trop de lucidité pour que le Conseil, qui pense déjà être une Cour constitutionnelle de référence, puisse envisager d’en devenir une.
[1] Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971.
[2] François Luchaire, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ? », RDP 1979, p. 29. Une autre contribution importante dans cette controverse est sans doute Marcel Waline, « Préface de la première édition » (1975), in Louis Favoreu, Loïc Philip et al., Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 19e éd, 2018, p. V s.
[3] Voir par exemple Anne Levade, « Les ‘petits cailloux’ du Conseil constitutionnel ou les décisions anticipatrices de la QPC », AIJC, vol. XXV-2009, 2010, p. 23 : « le débat sur l’hypothétique nature juridictionnelle du Conseil constitutionnel est de peu d’intérêt » ; Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, 10e éd., LGDJ, 2013, p. 79 s. : une controverse « stérile » et « dépassée ».
[4] Voir par exemple Michel Verpeaux, « La procédure contradictoire et le juge constitutionnel », RFDA, 2001, p. 339 : « l’absence de caractère contradictoire de cette procédure, considérée comme une sorte de tare irrémédiable condamnant le Conseil constitutionnel aux affres de la non-juridiction ».
[5] Voir récemment Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », Revue des droits fondamentaux, 2019, par. 6 s. Pour une description de la procédure informelle suivie par le Conseil constitutionnel en la matière, voir par exemple Olivier Schrameck, « Les aspects procéduraux des saisines », in Association française des constitutionnalistes, Vingt ans de saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, PUAM/Economica, 1995, p. 81-89 ; Yann Aguila, in Le Conseil constitutionnel a 40 ans, LGDJ, 1999, p. 101-105 ; Caterina Severino, « La réglementation de l’instruction devant le Conseil constitutionnel », AIJC, vol. XVII-2001, 2002, p. 87-100 ; Marc Guillaume, « La procédure au Conseil constitutionnel : permanence et innovations », in Le dialogue des juges. Mélanges en l’honneur du président Bruno Genevois, Dalloz, 2009, p. 525 s. ; Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, 4e éd., PUF, 2016, p. 388 s.
[6] Voir par exemple Nicoletta Perlo, « Les premières récusations au Conseil constitutionnel : réponses et nouveaux questionnements sur un instrument à double tranchant », AIJC, vol. XXVII-2011, 2012, p. 61.
[7] Bernard Quiriny, « Le Conseil constitutionnel dans les travaux du Comité consultatif constitutionnel de 1958 », Revue française de droit constitutionnel, n° 117, 2019, p. 149.
[8] Voir par exemple Paul Cassia, « Il est temps de faire du Conseil constitutionnel une véritable juridiction », Le Monde, 17 février 2010 ; le rapport d’information sur la QPC présenté par Jean-Jacques Urvoas, le 27 mars 2013, qui propose plusieurs réformes afin que le Conseil devienne « une authentique ‘Cour constitutionnelle’ » ; ou encore tout récemment un amendement parlementaire du 6 juillet 2018 qui propose d’autoriser la publication d’opinions séparées afin de faire du Conseil « une véritable Cour constitutionnelle comme dans les autres pays européens ».
[9] Voir R. Badinter, « Pour une juridictionnalisation du Conseil constitutionnel », La vie judiciaire, 6-12 mars 1995, p. 1 et 4 ; Jean-Louis Debré, « Discours de clôture », Colloque du cinquantenaire du Conseil constitutionnel, Cahiers du Conseil constitutionnel, hors-série, 2009, www.conseil-constitutionnel.fr, p. 9 : « Je suis résolu à donner une impulsion nouvelle à cette évolution vers la ‘juridictionnalisation’ du Conseil » ; Laurent Fabius, discours tenu à l’occasion du 60e anniversaire de la Constitution, 2018, www.conseil-constitutionnel.fr, p. 3 : « Cette évolution se poursuit avec dorénavant la pleine juridictionnalisation du Conseil constitutionnel ». Voir dans le même sens D. Rousseau, op. cit., p. 80 : « Le Conseil constitutionnel est une juridiction constitutionnelle, peut-être encore imparfaite ».
[10] Sur ces différents critères, voir par exemple le commentaire dans les Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 21e éd., Dalloz, 2017, sous l’arrêt CE, 7 février 1947, D’Aillières (n° 55).
[11] F. Luchaire, art. cit., p. 29.
[12] Voir en particulier Yves Poirmeur et Dominique Rosenberg, « La doctrine constitutionnelle et le constitutionnalisme français », in Danièle Lochak et al., Les usages sociaux du droit, P.U.F., 1989, p. 231 et 236 ; Guillaume Tusseau, Contre les « modèles » de justice constitutionnelle. Essai de critique méthodologique, Bologne, Bononia University Press, 2009, p. 63 s. ; Olivier Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », Jus Politicum, n° 2, 2009, p. 3-7.
[13] Cité par F. Luchaire, art. cit., p. 31.
[14] François Goguel, « Le Conseil constitutionnel », RDP, 1979, p. 25.
[15] Bruno Genevois, in Le Conseil constitutionnel a 40 ans, op. cit., p. 51.
[16] Robert Badinter, « Une longue marche ‘Du Conseil à la Cour constitutionnelle’ », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 25, 2009, www.conseil-constitutionnel.fr.
[17] Voir par exemples, Georges Vedel, « Le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la transcendance des droits de l’homme », Pouvoirs, n° 45, 1988, p. 150 s.
[18] Voir par exemple R. Badinter, « Ouverture », in Association française des constitutionnalistes, Vingt ans de saisine parlementaire, op. cit., p. 11 : avec la révision de 1974, « le Conseil constitutionnel est devenu une juridiction constitutionnelle ».
[19] R. Badinter, « Une longue marche », art. cit. (je souligne).
[20] R. Badinter « Ouverture », art. cit., p. 12 (je souligne).
[21] L. Fabius, « Vœux au Président de la République », 5 janvier 2017, www.conseil-constitutionnel.fr.
[22] L. Fabius, « Discours à Science Po Paris », 14 septembre 2016, www.sciencespo.fr.
[23] Valéry De Senneville et Dominique Seux, « Le Conseil constitutionnel doit être une balise dans une société française anxiogène » (interview de Laurent Fabius), Les Échos, 27 mai 2016, www.lesechos.fr.
[24] O. Jouanjan, art. cit., p. 1.
[25] L. Fabius, « Vœux au Président de la République », 3 janvier 2018, www.conseil-constitutionnel.fr. Voir, dans le même discours : « l’avenue de la Constitution à Washington est une des plus belles de la capitale américaine. On pourrait faire le même constat dans de nombreuses démocraties. En revanche, on chercherait jusqu’ici en vain dans la capitale française — comme dans la plupart de nos villes — une avenue, un boulevard, une rue, voire une placette, qui porte le nom de ‘Constitution’ ».
[26] L. Fabius, « Discours à Science Po Paris », cité.
[27] Dans le même discours, L. Fabius indique également qu’il revient au Conseil de s’inspirer des décisions étrangères, et annonce avoir à cet effet renforcé l’aspect comparatiste du service juridique du Conseil.
[28] L. Fabius, « Discours lors de l’audience solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme », 25 janvier 2019, www.conseil-constitutionnel.fr.
[29] Pour une démarche prescriptive en ce sens, voir Xavier Magnon, « Plaidoyer pour que le Conseil constitutionnel devienne une Cour constitutionnelle », RFDC, 2014, p. 999-1009.
[30] Voir récemment Antoine Chopplet et Thomas Hochmann (dir.), Les anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel. Un bilan, Éditions et Presses Universitaires de Reims, 2018.
[31] Voir Jean-Louis Debré, interview sur Public Sénat, 4 mars 2016 ; Jean-Baptiste Jacquin et Patrick Roger, « Laurent Fabius : ‘La présence des ex-présidents au Conseil constitutionnel doit être supprimée’ », Le Monde, 17 avril 2016, www.lemonde.fr.
[32] Voir surtout Patrick Wachsmann, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », Jus Politicum, n° 5, 2010.
[33] F. Luchaire, op. cit., p. 35.
[34] G. Vedel, « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 541.
[35] M. Verpeaux, art. cit., p. 339.
[36] Audition d’Alain Juppé devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, 21 février 2019 (à 23:15).
[37] Audition de François Pillet devant la commission des lois du Sénat, 21 février 2019 (à 12:57:06) Dans la retranscription publiée sur le site du Sénat, le terme a été généreusement corrigé.
[38] Audition de François Pillet devant la commission des lois du Sénat, 21 février 2019.
[39] G. Vedel, « Réflexions sur les singularités », art. cit., p. 539.
[40] Henry Roussillon, « Le Conseil constitutionnel : une légitimité contestée », in Jacques Krynen et Jacques Raibaut (dir.), La légitimité des juges, Presses de l’Université des Sciences sociales de Toulouse, 2004, p. 122. Voir Guy Carcassonne, Petit dictionnaire de droit constitutionnel, Seuil, 2014, p. 45 : les secrétaires généraux apportent un service d’une telle qualité que « la question de la compétence des membres n’est est que, non pas secondaire, mais en tous cas de moindre importance qu’on pourrait le croire a priori ».
[41] Article 4 de la loi sur la Cour constitutionnelle (BVerfGG).
[42] Voir G. Vedel, « Réflexions sur les singularités », cité, p. 540 : « leur avenir est derrière eux » ; R. Badinter, « Pour une juridictionnalisation », cité, p. 4 : « c’est un poste auquel on accède généralement assez tard. Par conséquent, c’est pour beaucoup une nomination ultime, à partir de là, les membres du Conseil constitutionnel sont libérés de toute ambition personnelle ».
[43] Voir, déjà, Léon Noël, De Gaulle et les débuts de la Ve République, Plon, 1976, p. 36 : « Les professeurs de droit nous guettaient, et cela d’autant plus qu’aucun d’eux n’avait été appelé à siéger au Conseil constitutionnel ». Voir récemment Éric Desmons, « Conseil constitutionnel : Alain Juppé n’est pas le moins sage d’entre eux », Causeur, 16 février 2019, www.causeur.fr.
[44] Voir Pierre Castéra, Les professeurs de droit membres du Conseil constitutionnel, thèse Bordeaux, 2015, p. 496 s.
[45] Ancienne disposition : « Les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Parlement sont également applicables aux membres du Conseil constitutionnel ».
[46] Nouvel article 4 alinéa 4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnelle, telle que modifiée par la loi organique du 11 octobre 2013.
[47] Voir P. Castéra, op. cit., p. 102 s.
[48] Ce qui ne va pas sans critique. Voir Christoph Moes, « Nicht noch ein Professor », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 23 mars 2016.
[49] Article 3 alinéa 3 de la Loi sur la Cour constitutionnelle (BVerfGG).
[50] Voir, sans prétention à l’exhaustivité, onze décisions récentes : n° 2016-612 QPC du 24 février 2017 ; n° 2017-639 QPC du 23 juin 2017 ; n° 2017-646/647 du 21 juillet 2017 ; n° 2017-653 QPC du 15 septembre 2017 ; n° 2017-654 QPC du 28 septembre 2017 ; n° 2017-656 QPC du 29 septembre 2017 ; n° 2017-666 QPC du 20 octobre 2017 ; n° 2017-683 QPC du 9 janvier 2018 ; n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018 ; n° 2018-731 QPC du 14 septembre 2018 ; n° 2018-734 QPC du 27 septembre 2018.
[51] Un déport est parfois signalé, sans que les raisons en soient données : « Dans cette affaire, X a estimé devoir s’abstenir de siéger ». Voir par exemple les auto-commentaires des décisions n° 2017-666 QPC ; n° 2018-731 QPC et n° 2018-734 QPC.
[52] Voir Adolf J. Merkl, « Die gerichtliche Prüfung von Gesetzen und Verordnungen. Die Idee einer gerichtlichen Rechtskontrolle » (1921), in A. J. Merkl, Gesammelte Schriften, éd. par Dorothea Mayer-Maly, Herbert Schambeck et Wolf-Dietrich Grussmann, vol. II/1, Berlin, Duncker & Humblot, 1999, p. 393-438.
[53] Voir Bernard Quiriny, « Laurent Fabius : une casquette de trop », Le Point, 2 novembre 2017.
[54] Voir l’article 4 alinéa 4 de l’ordonnance de 1958, précité ; ainsi que l’article 1er du décret du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel : « Les membres du Conseil constitutionnel ont pour obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions ».
[55] Décision n° 2017-687 QPC du 2 février 2018.
[56] Article 7 du décret de 1959.
[57] Articles 5 et 6 du décret de 1959 : « Le Conseil constitutionnel apprécie, le cas échéant, si l’un de ses membres a manqué aux obligations générales et particulières mentionnées aux articles 1er et 2 du présent décret » ; « Dans le cas prévu à l’article 5 ci-dessus, le Conseil constitutionnel se prononce au scrutin secret à la majorité simple des membres le composant, y compris ses membres de droit ».
[58] Sur cette question, voir Cindy Berlot-Degboe, « François Hollande est-il membre du Conseil constitutionnel ? », in A. Chopplet et Th. Hochmann (dir.), op. cit., p. 111 s. ; Th. Hochmann, « La thèse de la retraite politique forcée (Giscard, le beurre et l’argent du beurre) », in A. Chopplet et Th. Hochmann (dir.), op. cit., p. 136 s.
[59] Article 18 alinéa 2 du projet de loi constitutionnelle du 9 mai 2018 : « Les dispositions de l’article 56 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, ne sont pas applicables aux anciens Présidents de la République qui ont siégé au Conseil constitutionnel l’année précédant la délibération en conseil des ministres du projet de la présente loi constitutionnelle ». Voir à cet égard Audrey-Pierre So’o, « Comment mettre fin à l’appartenance des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel ? », in A. Chopplet et Th. Hochmann (dir.), op. cit., p. 229 s.
[60] Le cas le plus paradigmatique consistait à invoquer l’obligation de réserve lors de l’audition parlementaire préalable à la nomination, donc avant même d’appartenir au Conseil. Voir à ce sujet Th. Hochmann, « Les carpes du Luxembourg. À propos du Sénat et du Conseil constitutionnel », Blog Jus Politicum, 2 novembre 2017. Lors des dernières auditions, les futurs membres du Conseil semblent avoir renoncé à cet artifice.
[61] Verhaltensleitlinien für Richterinnen und Richter des Bundesverfassungsgerichts, accessibles sur le site de la Cour, www.bundesverfassungsgericht.de, paragraphe 2.
[62] Ibid., par. 8 et 12. Voir Th. Hochmann, « La communication de la Cour constitutionnelle allemande », AIJC, vol. XXXIII-2017, 2018, p. 17-29.
[63] Roland Dumas, « Allocution d’ouverture », in Le Conseil constitutionnel a 40 ans, op. cit., p. 13.
[64] François Luchaire, cité par P. Castéra, op. cit., p. 496.
[65] Georges Vedel, cité dans ibid., p. 497.
[66] L. Fabius, « Discours lors de l’audience solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme », cité ; décision n° 2018-773 DC du 20 décembre 2018.
[67] P. Wachsmann, « Misère du contrôle de constitutionnalité des lois en France : la décision relative à l’incrimination des clients des prostitués », Blog Jus Politicum, 21 février 2019.
[68] Voir par exemple la décision n° 2016-611 QPC du 10 février 2017.
[69] Voir Th. Hochmann, « Le Conseil constitutionnel et l’art de la suggestion », in Th. Hochmann et Patrick Kasparian (dir.), L’extension du délit de négationnisme, LGDJ, 2019 (à paraître), p. 46 s.
[70] Séance du 11 août 1960, p. 19.
[71] Séance des 14 et 15 janvier 1975, p. 36.
[72] Séance du 15 janvier 1992, p. 8.
[73] Séance du 8 avril 1992, p. 3.
[74] G. Vedel, « Réflexions sur les singularités », art. cit., p. 551.
[75] L. Fabius, « Discours à Science Po Paris », cité.
[76] Th Perroud, art. cit.
[77] Voir Olivier Dutheillet de Lamothe, cité dans ibid. : les « portes étroites » sont « un moyen d’enrichissement très important de la réflexion […]. Le contrôle a priori du Conseil constitutionnel vit dans un climat d’une grande pauvreté intellectuelle. Les recours sont souvent de faible qualité, à peine contrôlés par le Groupe politique qui les dépose […]. C’est un vrai bonheur pour un rapporteur et pour les juges d’avoir une porte étroite dans une affaire ».
[78] L. Fabius, « Discours lors de l’audience solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme », cité : au nom d’un « effort d’information et de pédagogie », « nous avons décidé de tenir désormais certaines de nos audiences publiques dans les régions, hors de l’enceinte parisienne du Conseil constitutionnel ».
[79] Voir Mathieu Disant, « L’audience interactive devant le Conseil constitutionnel », JCP G, 2016, p. 1298.
[80] Voir P. Wachsmann, « Misère du contrôle de constitutionnalité », art. cit. ; R. Drago, op. cit., p. 403. Si les membres du Conseil posent parfois des questions à l’issue des interventions orales, elles correspondent plutôt à des demandes d’informations, et portent rarement sur le droit constitutionnel. Voir cependant une exception lors de l’audience de l’affaire n° 2018-743 QPC.
[81] Voir la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 ; la décision n° 2010-2 QPC du 10 juin 2010.
[82] Voir Matthias Jestaedt, Oliver Lepsius, Christoph Möllers et Christoph Schönberger, Das entgrenzte Gericht, Eine kritische Bilanz nach sechzig Jahren Bundesverfassungsgericht, Berlin, Suhrkamp, 2011.
[83] Paul Lignières, « Fraternité : le Conseil constitutionnel ne peut plus se contenter de coups d’éclat », Droit administratif, août 2018, repère 8.
[84] Voir « Bataille de citations à l’Assemblée nationale », 19 février 2014, www.bfmtv.com : « Je me souviens de Paul Valéry qui disait – peut-être pensait-il à vous – qu’il faut ‘se méfier de ceux qui goutent cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même’ » ; « Audition de M. Laurent Fabius », 3 février 2016 : « il ne faut pas tomber dans le travers de ceux qui goûtent ‘cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même’, comme disait Paul Valéry » ; L. Fabius, « Discours lors de l’audience solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme », cité : « si, avec les collègues qui siègent à mes côtés au Conseil, nous pensons indispensable de garder fermement nouées nos attaches entre Cours suprêmes, ce n’est pas pour préserver, comme l’écrivait Paul Valéry, ‘cette inimitable saveur que l’on ne goûte qu’à soi-même’ ».
[85] Paul Valéry, « Ébauche d’un serpent » (1922), in Œuvres, tome I, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1957, p. 141 : « Qui que tu sois, ne suis-je point / Cette complaisance qui poind / Dans ton âme, lorsqu’elle s’aime ? / Je suis au fond de sa faveur / Cette inimitable saveur / Que tu ne trouves qu’à toi-même ! ».
[86] L. Fabius, « Discours lors de l’audience solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme », cité : « les gardiens des droits fondamentaux que nous sommes ».
[87] L. Fabius, « Vœux au Président de la République », 5 janvier 2017, cité.
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