Coronavirus et fausses informations. Les aléas de la liberté d’expression en période de crise sanitaire
Par Philippe Mouron, Maître de conférences HDR en droit privé, LID2MS – Aix-Marseille Université
L’épidémie du coronavirus Covid-19 n’est pas qu’une crise sanitaire ; elle est aussi une crise de l’information.
En attestent la déferlante de fausses informations dans les plateformes numériques et les réseaux sociaux et les nombreuses incertitudes relatives aux recherches en cours sur d’éventuels traitements de la maladie, dont les journalistes témoignent presque malgré eux.
Le coronavirus Covid-19 a ainsi pu être présenté dans une vidéo conspirationniste comme une pure « invention » ayant fait l’objet d’un brevet de l’Institut Pasteur en 2004, ce afin de mieux doper les ventes d’un vaccin contre le virus ; l’information a été démentie par le service Les Décodeurs du journal Le Monde[1]. Un autre message viral a également fait état de vingt affirmations dénonçant un « possible scandale d’Etat » quant à la gestion de la crise sanitaire (tant sur le principe du confinement que sur les controverses liées aux recherches du Professeur Didier Raoult), message dont le contenu a encore été démenti, ou du moins clarifié, par les cellules de vérification de l’information de plusieurs grands médias, tant audiovisuels[2] que de presse écrite[3]. Au-delà des réseaux sociaux, le conspirationnisme est aussi entretenu par plusieurs services de médias audiovisuels étrangers, dont les chaînes de télévision russe Russia Today[4] et iranienne Press TV[5] restent les plus emblématiques. Rien ne nous est épargné dans ce florilège, pas même les clichés antisémites les plus anciens ; l’image du « juif empoisonneur » a ainsi refait surface[6], y compris en France[7]. A l’image de l’œuvre de Camus[8], la peste est autant sanitaire qu’idéologique. Si la plupart de ces messages sont fort heureusement repérés et dénoncés dans de prompts délais par les cellules de vérification de l’information, on ne doit pas oublier que leur diffusion peut toucher des milliers de personnes en quelques minutes.
La crise du Covid-19 révèle également les limites des mécanismes de Fact Checking, et par là même la légitimité des médias « journalistiques ». C’est ainsi que l’une des vidéos postées par le Professeur Didier Raoult a été considérée comme contenant des informations inexactes ou erronées par le service Les Décodeurs du journal Le Monde ! L’affirmation a rapidement été rectifiée par le quotidien mais n’a pas manqué d’ajouter une couche supplémentaire à la polémique[9]. Ce débat est d’autant plus perturbé que le principal intéressé dispose d’une audience potentielle au moins égale à celle du journal grâce à sa propre chaîne Youtube, qui est elle-même associée à plusieurs pages de réseaux sociaux et au site web de son IHU Méditerranée Infection[10]. Ses prises de position et informations relatives aux recherches en cours y sont mises directement à la disposition des internautes, qui peuvent les relayer sur les réseaux sociaux sans faire l’objet d’un traitement journalistique, voire même en allant à l’encontre de celui-ci. La liberté de la recherche et la liberté d’expression journalistique obéissent à des canons qui leurs sont propres, mais qui entrent désormais en collision. Sur ce point, on notera aussi que le rétropédalage du journal Le Monde a entretemps été récupéré par plusieurs sites web complotistes et proches de mouvements d’extrême-droite, ainsi que par des services d’information étrangers, là encore d’origine russe (tel que Sputnik News). Certains journalistes n’ont pas manqué de dénoncer cette récupération, tout comme l’attitude controversée du Professeur[11], bouclant la boucle d’une communication hasardeuse, dont on ne saurait même décrire tous les relais.
Au final, le problème de l’information relative au coronavirus participe d’une crise plus générale de désinformation et de manipulation de l’information. Ces expressions, dont l’une est tirée du titre de la loi du 22 décembre 2018[12], sont plus adaptées que celle de « fausse information »[13]. L’exemple précité démontre en effet que la distinction entre les vraies et les fausses informations n’est que très relative. Le problème tient davantage à l’authenticité de l’information[14], ce qui renvoie au sens originel de l’expression anglo-saxonne « Fake News »[15]. Plus encore, ce phénomène de manipulation met à l’épreuve le rapport au réel[16], tant des citoyens que des journalistes. C’est pourquoi on devrait plutôt parler d’une crise de « crédibilité » de l’information. Celle-ci affecte en premier lieu les médias classiques, qui étaient jadis les garants d’une information vérifiée et sérieuse ; elle s’étend finalement à toutes les sources d’informations disponibles en ligne[17].
Dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire qui a été décrété par le Gouvernement[18], on peut dès lors s’interroger sur les dispositifs qui permettraient de maintenir la visibilité des informations « crédibles » ou, à tout le moins, de contenir celles qui ne le sont pas. Le problème posé par l’information sur le coronavirus participe plus généralement des mécanismes propres à la diffusion de fausses informations sur les plateformes de contenus et les réseaux sociaux, et dans une moindre mesure les services de médias audiovisuels[19].
Il importe avant tout de bien cerner ces mécanismes, qui mettent en cause l’exercice de la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général (I), avant d’envisager les moyens d’action qui permettraient de sanctionner, ou du moins prévenir, la manipulation de l’information dans le contexte de la crise sanitaire actuelle (II).
I. Le Coronavirus, entre la manipulation de l’information et l’exercice légitime de la liberté d’expression
Les exemples cités dans l’introduction sont eux-mêmes représentatifs des symptômes liés à la manipulation de l’information, et dont certains services de communication en ligne sont devenus les vecteurs (A). En soi, ce sont là les effets d’un exercice dérégulé de la liberté d’expression dans les services de communication au public en ligne (B).
A. Les mécanismes de manipulation des informations relatives au coronavirus
Les mécanismes propres à la désinformation, qui sont déjà bien connus, se vérifient à tous les niveaux s’agissant du coronavirus. Ils tiennent à la fois à l’absence d’éditorialisation des plateformes de partage de contenus en ligne (1) et au décloisonnement des sources d’information (2).
1. L’absence d’éditorialisation des plateformes de partage de contenus en ligne
L’intérêt des plateformes de partage de contenus en ligne et autres réseaux sociaux est de permettre à tout un chacun de recevoir mais aussi d’émettre des idées et informations.
Toute personne peut désormais s’y exprimer sur tout sujet, sans « validation » et sans compétence, tout comme elle peut commenter des informations authentiques pour en livrer sa propre analyse. Il est incontestable que les messages viraux relatifs au coronavirus s’appuient tous sur un fond de vérité, soit à travers des éléments factuels authentiques, soit sur la base de déclarations effectuées dans des médias « mainstream » par des personnalités reconnues du milieu politique, médical,… Si on ne saurait nier un certain intérêt pour la liberté d’expression, de tels avis et opinions n’en sont pas pour autant « éclairés » au sens classique du terme. En effet, les informations, qui peuvent être « vraies » à l’origine, sont sciemment ou involontairement décontextualisées, réinterprétées, généralisées, et se voient finalement attribuer des causes et/ou des conséquences dépassant largement le raisonnable[20]. L’exemple de la vidéo relative au brevet portant sur le coronavirus en atteste de façon exemplaire, le terme « inventeur » ayant été pris dans son sens courant et non dans son sens juridique. En la matière, il n’existe pas de cloison étanche entre les « fausses » et les « vraies » informations, mais plutôt une gradation entre celles qui sont erronées, falsifiées, orientées, parodiques ou provocantes,… et qui reposent malgré tout sur des éléments authentiques. Le problème est que cette gradation est totalement ignorée par les services de communication en ligne précités, au nom même de la liberté d’expression de leurs utilisateurs.
Au-delà de la production des contenus, le partage de liens hypertextes, ou « retweet » pour Twitter, se révèle aussi être un outil particulièrement dangereux. Certes, il permet de donner une visibilité accrue à une information qui intéresse le public, mais il permet aussi de mieux la déformer ou la surspécifier par l’ajout de commentaires. On ne doit pas non plus oublier que nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux partagent des liens sur la seule lecture du titre, sans égard pour le contenu, ce qui induit déjà un biais dans la réception de l’information. Cela explique que le caractère parodique ou provocateur de certains contenus soit parfois éclipsé par une lecture minimaliste et « premier degré ».
A cela s’ajoute les contenus volontairement aguicheurs (et trompeurs) générés par les « fermes » et « appeaux » à clics, et dont la diffusion n’a pour seul objectif que de générer des revenus publicitaires[21]. De telles pratiques ajoutent à la confusion ambiante et n’aident guère à cerner les nombreuses variations dont une même information peut faire l’objet.
2. Le décloisonnement des sources d’information
Le second problème tient au fait que les fausses informations sont placées, dans les réseaux sociaux et les plateformes de partage, sur un pied d’égalité avec les informations qui ont fait l’objet d’un traitement journalistique ou qui sont issues de sources authentiques (professionnelles, médicales,…).
Ce décloisonnement des sources d’information et des milieux professionnels est lui-même la conséquence de l’absence d’éditorialisation de ces services. En permettant à toute personne de s’exprimer à un titre quelconque sur tout sujet, la hiérarchie de l’information est totalement bouleversée[22]. On ne saurait en effet accorder la même valeur à un contenu traité dans le respect de la déontologie journalistique, à celui qui est diffusé par le représentant d’une profession (tel qu’un médecin) ou par une personnalité politique et à l’opinion d’un particulier qui souhaite donner son point de vue. De telles distinctions n’existent plus dans les réseaux sociaux et les plateformes de partage. Ces services garantissent une autonomie de chacun dans la production d’informations[23]. Ils donnent la même visibilité à tous les contenus, quelles que soient leurs sources. Cela explique la tendance, pour un certain nombre d’utilisateurs, à se réfugier dans des réseaux d’information dits « alternatifs »[24], souvent politisés et relevant de milieux complotistes[25], la confiance dans les médias mainstream étant ébranlée par les craintes d’une manipulation publique. Ces milieux, dont les publications s’échangeaient jadis « sous le manteau » ou relevaient du « bouche à oreille », peuvent maintenant prétendre à la même audience potentielle que les médias journalistiques ou les sources d’information professionnelle.
Enfin, les effets de ce décloisonnement sont d’autant plus importants dans le domaine de la santé, et plus généralement de la recherche médicale, qui a toujours été l’un des plus propices à la manipulation informationnelle. Les rumeurs antisémites de la Peste noire du Moyen-Age, où existait déjà l’image du « juif empoisonneur », en attestent parfaitement. Plus récemment, les légions de fausses informations diffusées par les mouvements anti-vaccination, qui s’appuient sur les opinions de prétendus experts mais parfois aussi sur celles de vrais professionnels de santé, ont révélé les mêmes mécanismes que ceux qui viennent d’être présentés[26].
Les journalistes finissent aussi par s’y méprendre dans leurs méthodes de vérification de l’information. La qualification de la vidéo du Professeur Raoult en est l’illustration. Elle révèle une confusion entre vérification de l’authenticité et recherche de vérité. Si les méthodes du Professeur Raoult ne sont pas partagées par tous ses confrères, et peuvent de ce point de vue paraître orientées, les informations dont il est l’auteur n’en sont pas moins authentiques, ne serait-ce qu’au regard de ses propres compétences et de sa notoriété. En la matière, on doit aussi reconnaître que le travail des journalistes est de plus en plus concurrencé par les prises de position des experts (mais aussi des pseudo-experts), ce qui remet en cause les relations entre la sphère médiatique et les autres sphères professionnelles[27]. Le canal d’information des journalistes n’est plus qu’un canal parmi d’autres[28], où l’authenticité et la crédibilité d’un contenu sont débattues prioritairement au fond.
Pour toutes les raisons précitées, la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus Covid-19 ne pouvait échapper à la manipulation de l’information.
B. L’exercice dérégulé de la liberté d’expression sur le sujet de l’épidémie de coronavirus
Les mécanismes liés à la désinformation trouvent leur fondement dans une nouvelle dimension de la liberté d’expression, propre aux services de communication en ligne (1). Cela interroge sur les risques que présente l’exercice de cette liberté dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus (2).
1. La liberté d’expression et les services de communication en ligne : du droit d’accès à internet au droit d’accès aux réseaux sociaux
Les services de communication en ligne ont mis fin aux asymétries informationnelles qui caractérisaient jusque-là les médias dits « grand public ».
L’accès à ces services ne nécessite en effet pas d’autre investissement qu’un abonnement auprès d’un fournisseur d’accès. Ils mettent ainsi à la portée du plus grand nombre la capacité de recevoir et d’exprimer des idées ou informations avec une grande variété de formats[29]. C’est justement l’intérêt des services dits du « web 2.0 », qui ont fait disparaître l’intermédiation propre aux médias classiques, tels que les services de presse écrite ou les services de médias audiovisuels. Les réseaux sociaux et les plateformes garantissent un exercice multidimensionnel de la liberté d’expression, qui est sans précédent dans l’histoire de la communication. Et c’est bien pourquoi le droit d’accéder à internet a été reconnu comme un droit fondamental rattaché à la liberté d’expression. En France, le Conseil constitutionnel l’a rappelé à plusieurs reprises, en mentionnant l’importance que revêtent ces services pour l’accès à l’information et la participation à la vie démocratique. Tel a été le cas dans sa décision du 10 juin 2009 relative à la loi HADOPI[30], ou encore dans la décision du 20 décembre 2018 relative à la loi de lutte contre la manipulation de l’information[31].
Cet intérêt des services de communication en ligne pour la liberté d’expression a également été relevé par d’autres juridictions. Tel est le cas de la Cour européenne des droits de l’Homme[32], qui a pu affirmer que « l’Internet est aujourd’hui devenu l’un des principaux moyens d’exercice par les individus de leur droit à la liberté d’expression et d’information : on y trouve des outils essentiels de participation aux activités et débats relatifs à des questions politiques ou d’intérêt public »[33]. Par là même, l’usage de ce moyen de communication est soumis aux principes qui gouvernent l’exercice de cette liberté. Si cette liberté vaut pour les idées et informations accueillies de façon consensuelle, elle s’étend également à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent la population ou les institutions[34]. Elle autorise le recours à l’exagération, la provocation[35] et la satire[36]. Un grand nombre d’informations partielles ou partiales, erronées ou exagérées, pour ne pas dire « fausses », peuvent ainsi trouver une légitimité en ce qu’elles provoquent le débat, la discussion et contribuent à faire éclater la vérité. La Cour européenne a également affirmé que la fourniture d’informations authentiques constituait certes un but légitime justifiant une limitation cette liberté mais qu’il ne pouvait pour autant être mis obstacle à « la discussion ou à la diffusion d’informations reçues, même en présence d’éléments donnant fortement à croire que les informations en question pourraient être fausses »[37]. Enfin, elle a également reconnu l’importance que jouent les liens hypertextes dans le partage de l’information[38], confortant la position qu’avait déjà adoptée la Cour de justice de l’Union européenne[39].
La Cour suprême des Etats-Unis est allée encore plus loin en considérant que l’accès aux réseaux sociaux constituait également l’objet d’un droit fondamental que l’on peut rattacher à la liberté d’expression, consacrée par le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. La Cour a ainsi qualifié les réseaux sociaux de nouvelles « places publiques » où toute personne peut venir s’informer et discuter sur tout sujet ou, dans le moindre des cas, partager des idées ou informations[40]. En soi, les réseaux sociaux constituent des services non substituables, car ils sont des carrefours d’informations en tous genres. Ils offrent une vitrine à d’autres services de communication en ligne, sans distinction par rapport à leur éditeur ou à leur contenu. Ils permettent aussi bien de recevoir des informations sur tout sujet que de communiquer à titre personnel, postuler à des offres d’emploi ou poster des candidatures,… autant de fonctionnalités qui les rendent désormais essentiels au plus grand nombre. Et c’est pourquoi l’accès à ces services doit être le plus large possible, en tant que moyen d’exercice de la liberté d’expression. La Cour confirmait une évidence[41], tout en insistant sur l’importance que jouent finalement les réseaux sociaux au titre de cette liberté. Ces services généralisent la dimension active de la liberté d’expression. Pour revenir au droit français, c’est là l’accomplissement de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui invite à reconnaître à tous le droit de « parler, écrire et imprimer librement ».
Enfin, cet exercice tous azimuts de la liberté d’expression est d’autant plus facilité par ces services qu’ils bénéficient légalement d’un régime d’irresponsabilité conditionnée pour les contenus dont ils assurent le stockage[42]. Les réseaux sociaux sont en effet assimilables à des hébergeurs et ne sont pas tenus à une obligation générale de surveillance[43]. Cette passivité[44] contribue à libérer la parole des utilisateurs, la neutralité des services étant elle-même fondée sur les valeurs propres à la liberté de communication[45].
Par là même disparaissent l’éditorialisation et les processus de validation propres à garantir la crédibilité et l’authenticité des idées et informations (cf. supra.).
2. La liberté d’expression et le coronavirus : du libre marché des idées à la manipulation de l’information
Au vu des principes qui viennent d’être rappelés, l’épidémie du coronavirus constitue incontestablement un sujet d’intérêt général sur lequel toute personne doit pouvoir s’exprimer par tout moyen.
Les journalistes, les professionnels de santé, les représentants des pouvoirs publics, mais aussi tous les citoyens intéressés par le sujet trouveront dans les réseaux sociaux les places publiques rêvées pour échanger et confronter leurs points de vue comme cela n’avait jamais été possible auparavant. De ce point de vue, les réseaux sociaux remplissent correctement leur mission démocratique en donnant une parfaite égalité d’accès à des moyens de communication des idées et informations. Et c’est pourquoi le débat est nécessairement pollué par les mécanismes de manipulation qui ont pu prospérer dans ces services. Pour autant, n’est-ce pas là la fin ultime de cette liberté fondamentale ? Les informations qualifiées de « fausses » ne doivent-elles pas être acceptées comme un élément à part entière du débat ? Leur diffusion ne participerait-elle pas du débat d’intérêt général et de la vie démocratique ? Les réponses à apporter à ces questions sont essentielles pour cerner la nécessité des limites qui peuvent être apportées à la liberté d’expression pendant cette période de crise sanitaire.
Une première vision consisterait justement à « laisser faire » le débat, au nom du libre marché des idées. La notion, bien connue du droit américain[46], part du principe que le libre échange des idées est le moyen le plus efficace de résoudre les conflits et de rechercher « la vérité ». Toute opinion est bonne à être diffusée, mais aussi et surtout à être débattue, critiquée ou dénoncée. Ce libre débat est censé régler le sort des idées ou informations infondées, erronées ou dangereuses. Dès lors, les discussions sur le coronavirus pourraient être encouragées de la sorte, la diffusion de fausses informations n’étant que le meilleur moyen de faire le tri entre le vrai et le faux.
L’exemple, cité en introduction, de la vidéo sur le brevet peut être repris dans un sens plus positif. D’une certaine façon, la personne qui a diffusé ce contenu a fait un « bon » exercice de sa liberté d’expression. L’individu a en effet mené des recherches le plus librement possible sur les informations relatives aux brevets contenant le terme « coronavirus », ce qui constitue la première dimension de cette liberté. Il a même pu accéder à ceux-ci gratuitement sous un format numérique, ce qui témoigne de l’intérêt des services en ligne pour l’accessibilité des informations. Sa méconnaissance du langage juridique propre à la propriété industrielle a pu expliquer une méprise sur le terme « inventeur ». Si l’absence de compétence est souvent invoquée comme l’un des défauts propres à la manipulation de l’information, on doit pourtant rappeler que l’exercice de la liberté d’expression ne saurait être conditionné à la preuve d’une quelconque expertise ou d’un diplôme dans le domaine en cause. De tels facteurs n’influent justement que sur la qualité de l’information, mais ne sauraient être des motifs d’exclusion. Or l’individu a justement pu partager directement ses doutes et ses arguments sur une place publique virtuelle et trouver très rapidement des réponses à ses questions. La méprise sur le mot « inventeur » a rapidement été identifiée comme l’élément clé de ses allégations, faisant ainsi tomber les arguments complotistes. Quelle qu’ait été l’intention de son auteur (méprise légitime ou manipulation déguisée ?), la diffusion de cette vidéo aura eu le mérite de susciter un nouveau débat sur le coronavirus, en donnant la même publicité aux arguments « pour » et « contre ». De telles suppositions seraient jadis restées au stade de la rumeur, du « bouche-à-oreille », et auraient peut-être prospéré plus longtemps, faute de trouver des réponses qualifiées. En l’occurrence, la vidéo a été retirée peu de temps après avoir été vérifiée. C’est peut-être là l’un des intérêts du décloisonnement des sources d’information, et qui peut participer de la recherche d’une solution contre la désinformation (cf. infra.).
Toutefois, on ne saurait sous-estimer les risques liés à la diffusion rapide et massive de tels contenus, quand bien même ils seraient dénoncés promptement. L’individu auteur de la vidéo a-t-il été convaincu par les réponses apportées ? Rien n’est moins sûr. La question peut aussi être posée à l’égard des nombreuses personnes qui ont consulté et partagé ce contenu, ou tout autre message viral diffusé à propos du coronavirus. Ces personnes ont-elles pu prendre connaissance des explications apportées par les journalistes qui ont analysé ces messages ? La tendance à se réfugier dans les réseaux d’information alternatifs et la défiance vis-à-vis des médias traditionnels risquent de contrarier, voire anéantir, l’intérêt du Fact Checking en la matière.
Et c’est bien là qu’apparaît le risque majeur lié au phénomène de manipulation de l’information. En effet, si la liberté d’expression participe de la vie démocratique et du débat d’intérêt général, c’est parce qu’elle aide à forger des opinions. Or ces opinions peuvent elles-mêmes se traduire en actes, ceux-ci pouvant mettre en cause de multiples intérêts publics. Si la sincérité du scrutin a présidé aux dispositions de la loi du 22 décembre 2018, on ne peut ignorer les menaces que fait peser la diffusion de fausses informations sur l’ordre public, d’autant plus en période de crise sanitaire. L’épidémie du coronavirus et les mesures de confinement mettent en cause la sécurité et la santé des populations. Au-delà de la liberté d’aller et venir, elles impliquent la vie de personnes humaines et le bon fonctionnement d’un certain nombre de services publics essentiels pour la vie de la Nation. Aussi, la rapidité avec laquelle des informations erronées circulent sur les réseaux sociaux peut mettre en péril le respect de ces mesures. L’exemple de la prétendue carte de déconfinement, qui a circulé ces derniers jours et a même été évoquée dans une émission télévisée[47], a fort justement été signalé pour cette raison. Même si l’information a rapidement été dénoncée, et même si le présentateur a pris un certain nombre de précautions dans son énoncé, des personnes peuvent avoir cru à l’authenticité de la carte et ne pas avoir été averties de son caractère erroné. Là encore, le risque est d’autant plus grand au regard de la multiplicité des canaux de diffusion et de la périodicité extrêmement serrée par laquelle les informations se renouvèlent.
La Cour européenne des droits de l’Homme n’a pas manqué de souligner ce risque lié à l’ubiquité des informations qui « peuvent être diffusées comme jamais auparavant dans le monde entier, en quelques secondes »[48]. On peut dès lors se demander si les « devoirs et responsabilités » spéciales, traditionnellement imputés aux journalistes[49], doivent être étendus dans les mêmes termes aux services de communication en ligne. Si une réponse a pu être apportée pour les portails d’actualité[50], elle reste posée pour les réseaux sociaux, où peut s’exprimer une masse de non professionnels et de mouvements militants[51].
Dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, il a lieu d’examiner les dispositifs qui peuvent effectivement être mis en œuvre pour lutter contre la manipulation de l’information.
II. Le coronavirus, entre la lutte contre la manipulation de l’information et la régulation des services de communication au public en ligne
Face à cet étouffement de la liberté d’expression, les tentations liberticides du législateur ou du gouvernement sont grandes afin de garantir la crédibilité de l’information[52]. Celles-ci seraient d’autant plus importantes au regard de l’urgence liée à l’épidémie de coronavirus (A). Au vu de la diversité des mécanismes précités, mieux vaut finalement s’en tenir à une intervention basée sur l’autorégulation et la corégulation des services de communication électronique (B).
A. Les limites de la liberté d’expression légitimées par le contexte de la crise sanitaire
La liberté d’expression peut subir des restrictions au titre de la santé et/ou de la sécurité publiques[53]. Ces deux éléments de l’ordre public sont mis en cause par la crise sanitaire que nous connaissons actuellement, tant au regard de l’épidémie de coronavirus que des restrictions aux autres libertés, telle que la liberté d’aller et venir, qui ont été décidées en conséquence.
Si elle est théoriquement envisageable, une suspension temporaire ou ciblée de la liberté d’expression paraîtrait cependant bien mal venue dans le contexte actuel (1). Il existe par ailleurs un arsenal de dispositifs, principalement de nature pénale, permettant de lutter contre les fausses informations. Ceux-ci trouveraient à s’appliquer, dans une certaine mesure, aux informations relatives à la crise sanitaire (2).
1. L’impossible restriction de la liberté d’expression au titre de l’état d’urgence sanitaire
Comme nous l’avons relevé précédemment, certaines fausses informations relatives à la crise sanitaire présentent un risque non négligeable pour l’ordre public si elles venaient à être crues par une partie de la population.
Une restriction exceptionnelle de la liberté d’expression, visant à encadrer le débat relatif au coronavirus et au confinement, ou une suspension temporaire des services de communication les plus propices à la diffusion de fausses informations pourraient en théorie être décidées par les pouvoirs publics. Mais une telle intervention dans le champ de la liberté d’expression éveillerait naturellement le spectre de la propagande d’Etat[54], la qualification de « fausse information » pouvant aisément dégénérer en argument rhétorique destiné à discréditer un discours adverse[55].
L’histoire en fournit de bons exemples. Tel est le cas de la crise sanitaire liée à l’épidémie grippe espagnole, qui eut lieu à la fin de la Première Guerre mondiale. Celle-ci présente, sur le plan juridique, un certain nombre de similitudes avec la situation actuelle tant au regard de la protection de la santé publique que des nécessités liés à l’effort de guerre. La liberté de la presse ayant été suspendue en France depuis la loi du 5 août 1914[56], les informations relatives à l’épidémie, qui pourrait en fait avoir commencé dès 1916, ont été censurées dans le souci de préserver le moral de la population et de ne pas communiquer d’informations à l’ennemi. Du reste, les autres pays européens avaient également adopté de telles mesures, à l’exception de l’Espagne, où la liberté de la presse était maintenue. Et c’est justement là l’origine de son appellation de « grippe espagnole », puisque les premières informations « sérieuses » et « authentiques » relatives à l’épidémie ont été publiées par des journaux espagnols. On notera d’ailleurs que les premiers journaux français à avoir repris celles-ci[57], en mai 1918, faisaient état de la situation dans la capitale espagnole en des termes qui rappellent étrangement la crise liée au coronavirus[58] : arrêt des transports en commun, désertification des lieux publics et des salles de spectacles, contamination du roi après avoir assisté à un office religieux, contamination de plusieurs membres du gouvernement,…
Un tel contrôle, qui allait jusqu’à censurer de « vraies » informations, reste un contre-modèle absolu. Il serait naturellement inimaginable dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons, que ce soit vis-à-vis des services de presse écrite et des services de médias audiovisuels, mais aussi et surtout des services de communication au public en ligne. Les textes mêmes relatifs aux circonstances exceptionnelles qui sont applicables dans le contexte de la crise sanitaire ne prévoient pas une telle extrémité.
La loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa version actuelle, autorise au mieux le Ministre de l’Intérieur et les préfets à fermer les salles de spectacles, lorsque celles-ci auront été le théâtre de « propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes », et à interdire « les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » (art. 8). Par ailleurs, l’article 11 2° de la loi autorise le Ministre à ordonner l’interruption d’un service de communication au public en ligne, mais seulement si celui-ci a provoqué à des actes terroristes ou en a fait l’apologie. Le nouvel article L 3131-15 du Code de la santé publique, créé par la loi précitée du 23 mars 2020 instituant l’état d’urgence sanitaire, inclut des mesures similaires de fermeture des établissements accueillant du public et d’interdiction des rassemblements publics qui peuvent incidemment affecter l’exercice de la liberté d’expression. Mais ces mesures ont moins pour objectif de limiter la diffusion d’idées et d’informations que de prévenir les risques physiques et médicaux qui pèsent sur les personnes. Bien que généralisées à l’ensemble du territoire, elles n’ont qu’un effet pratique limité. Elles ne restreignent qu’une capacité de communication locale et directe (par le discours ou la création artistique) mais ne portent pas sur la diffusion de messages via des services de communication électronique ou des services de presse écrite.
De par leurs caractères protéiforme et international, on imagine mal comment pourrait se déployer une emprise généralisée sur l’ensemble des contenus diffusés par les réseaux sociaux et les plateformes numériques. Surtout, celle-ci mettrait en cause la légitimité des pouvoirs publics à intervenir dans le débat. La lutte contre les fausses informations ne doit pas devenir le prétexte à une primauté de l’information officielle, en dépit de l’urgence. Si information officielle il peut y avoir, elle doit rester cantonnée aux prises de position des membres du pouvoir exécutif exprimées via des services officiels des institutions ou bien d’autres services de communication électronique publics ou privés. Le Gouvernement dispose pour cela de ses propres comptes et pages sur les réseaux sociaux, où l’information peut être directement reçue, discutée et vérifiée. Cela garantit une participation plus active au débat et à la vérification des faits, au même titre que les autres sources d’information, ce dont plusieurs membres du Gouvernement ont déjà su tirer profit.
Une place à part doit à ce niveau être réservée aux services de médias audiovisuels linéaires (télévision et radio). Qu’ils soient publics ou privés, ceux-ci sont en effet soumis à un régime juridique spécifique, établi par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ces services, de par leurs spécificités techniques et l’importance de leur audience potentielle[59], sont présumés avoir un impact plus important sur l’opinion publique. C’est pourquoi les restrictions apportées à la liberté de communication sont plus importantes dans ce secteur[60], notamment au regard de l’objectif de pluralisme[61]. Une autorité administrative indépendante est par ailleurs chargée de sa régulation. L’article 3-1 de la loi de 1986 dispose que le Conseil supérieur de l’audiovisuel garantit « l’honnêteté » de l’information, le développement de la communication audiovisuelle devant par ailleurs s’accompagner « d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population ». A ce titre, on signalera que le CSA est aussi voué à jouer un rôle déterminant dans la régulation des plateformes de contenus à travers les recommandations qu’il peut leur adresser quant à la lutte contre la manipulation de l’information (cf. infra.).
S’agissant de la crise sanitaire relative à l’épidémie de coronavirus, les services de médias audiovisuels peuvent contribuer à la diffusion des informations communiquées par le pouvoir exécutif, au-delà des prises de parole du Président de la République, du Premier Ministre et des autres membres du Gouvernement. Ainsi, la diffusion de messages sanitaires par les services du secteur public constitue l’une des mesures phares qui a été ordonnée par le CSA selon l’article 16-1 de la loi de 1986[62]. Des mesures similaires avaient pu être décidées par l’autorité lors de précédentes calamités, notamment à l’occasion de la canicule de 2003 et l’épidémie de grippe A en 2009. De même, les sociétés du secteur public sont censées, selon leurs cahiers des charges, participer activement à l’information du public en matière de santé en collaboration avec les institutions compétentes[63].
Le rôle des pouvoirs publics doit se limiter dans tous les cas à la diffusion d’une information officielle et à être acteur du débat sur la crise sanitaire, sans autres limitations que celles qui seraient ponctuellement nécessaires. Tel serait le cas en présence d’abus de la liberté d’expression.
2. Les dispositions pénales pouvant servir à la répression de fausses informations relatives au coronavirus
A l’occasion du vote de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information[64], il a pu être rappelé à quel point le droit français était déjà bien doté en matière de répression des fausses informations[65]. Les principales innovations de cette loi concernant la matière électorale[66], nous ne mentionnerons ici que les dispositions pénales existantes susceptibles de s’appliquer à l’égard de contenus relatifs au coronavirus ou aux mesures de confinement.
Il s’agit d’infractions relatives à la diffusion d’informations erronées ou trompeuses présentant un risque pour l’ordre public ou portant atteinte à d’autres droits individuels. Si celles-ci sont bien prévues par la loi et poursuivent un objectif légitime, il n’en demeure pas moins qu’elles ne peuvent justifier qu’une ingérence proportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression, ce qui nous renvoie au problème plus général que pose la notion même de « fausse » information. Le principe même de la liberté d’expression tend à relativiser la distinction entre les « vraies » et les « fausses » informations. Cette distinction ne peut valoir que pour l’énoncé de faits et non pour des opinions ou jugements de valeur, qui sont nécessairement subjectifs et orientés. De plus, comme nous l’avons relevé plus tôt, il est rare qu’une information soit « totalement » vraie ou fausse. Entre ces deux extrêmes, il existe une grande variété de contenus où l’énoncé de faits se teinte de jugements de valeur et d’opinions, y compris provocantes ou parodiques, ce qui rend plus difficile l’appréciation de la vérité. Une fois encore, il est plus judicieux de raisonner en termes d’authenticité, le fond d’une affirmation devant relever du débat. Aussi, les dispositions précitées ne peuvent trouver application qu’au regard du risque que posent certaines informations et non au regard de leur contenu.
Enfin, la marge d’appréciation est d’autant plus réduite en présence d’un sujet d’intérêt général, notamment lorsqu’il touche à la santé publique et à la recherche médicale. En la matière, on rappellera la belle formule employée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt Hertel c./ Suisse : « dans un domaine où la certitude est improbable, il serait particulièrement excessif de limiter la liberté d’expression à l’exposé des seules idées généralement admises »[67]. Les faits étaient relatifs à la diffusion des résultats de travaux de recherche relatifs aux risques pour la santé que présente l’utilisation de micro-ondes ; le chercheur avait condamné le recours à ces appareils en des termes assez tranchés et provocateurs, ce qui n’est pas sans rappeler certaines prises de positions relatives au traitement du coronavirus.
Concernant les dispositions pénales potentiellement applicables, il est à noter qu’aucune ne concerne spécifiquement les fausses informations dans le domaine de la santé. L’article L 2223-2 du Code de la santé publique sanctionne seulement la diffusion d’informations relatives aux prétendues conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse dans le but d’empêcher ou tenter d’empêcher une personne de recourir à cet acte médical (2 ans de prison et 30000€ d’amende). C’est donc au regard d’un autre élément, qui peut être contextuel, que les fausses informations sur le coronavirus pourraient tomber sous le coup d’une incrimination. Tel serait le cas avec les différentes infractions visées par la loi du 29 juillet 1881 relatives aux provocations à la haine, à la discrimination ou à la violence (art. 23 et 24), ou encore à la diffamation ou l’injure à caractère discriminatoire (art. 32 et 33). Celles-ci ont déjà pu trouver application à l’égard de contenus diffusés sur les réseaux sociaux, tels que des « tweets »[68], et pourraient sans difficultés être retenues à l’égard des messages viraux à caractère antisémite ou homophobe relatifs au coronavirus. En la matière, on doit signaler que ces infractions sont complétées par d’autres dispositifs visant à limiter la diffusion de tels messages dans une logique de corégulation. Les hébergeurs sont en effet de plus en plus invités à faire preuve de réactivité dans l’identification et le retrait de tels contenus, ce sur quoi nous reviendrons ultérieurement (cf. infra. B. 1).
D’autres infractions, en lien avec la réputation ou la vie privée des personnes physiques, peuvent être signalées. Tel est le cas de la diffamation et l’injure envers un particulier (art. 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881), l’usurpation d’identité (art. 226-4-1 du Code pénal) ou encore l’atteinte à la représentation de la personne, qui inclut le montage photographique ou sonore de l’image ou de la voix (art. 226-8 du Code pénal). Celles-ci pourraient efficacement être mobilisées à l’égard des contenus mettant en cause des personnes identifiées, telles que des personnalités du monde politique ou du corps médical. Il est entendu que les dispositions précitées ne peuvent néanmoins s’appliquer aux contenus présentant un caractère parodique explicite[69]. Les montages photographiques et vidéographiques mettant en scène de façon humoristique le Professeur Raoult ou d’autres personnalités devraient donc logiquement y échapper !
Enfin, plusieurs infractions concernent spécifiquement la diffusion de fausses informations risquant de provoquer des troubles à l’ordre public. L’article 224-8 du Code pénal sanctionne ainsi le fait de mettre en péril la sécurité d’un aéronef en vol ou d’un navire en communiquant une fausse information (5 ans de prison et 75000€ d’amende). L’infraction n’est malheureusement pas improbable dans le contexte actuel, alors que des malades du coronavirus sont déplacés par de tels moyens de transport dans des régions où les hôpitaux disposent encore de lits de réanimation. Il en est de même avec les infractions visées par l’article 322-14 du Code pénal, qui sanctionne le fait de diffuser de fausses informations faisant croire à une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes est sur le point d’être commise, ou faisant croire à un sinistre de nature à provoquer inutilement l’intervention des secours (2 ans de prison et 30000€ d’amende). Il s’ajoute à cela les infractions visées par l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881, que l’on qualifie de délits dits de « fausses nouvelles ». Ceux-ci consistent à diffuser, de mauvaise foi, des fausses informations ou pièces fabriquées troublant la paix publique, ou susceptible de la troubler (45000 € d’amende), ou de nature à ébranler la discipline des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation (135000€ d’amende). Si cette dernière circonstance est a priori exclue (quoi que le Président de la République ait lui-même évoqué la « guerre » contre le coronavirus…), les autres éléments de l’infraction pourraient être réunis s’agissant des messages les plus alarmistes concernant l’épidémie ou les mesures de restriction des libertés liées au confinement. Cependant, ce délit a toujours été d’une application difficile au regard de son impact sur la liberté d’expression, et plus particulièrement au regard du manque de prévisibilité de l’article 27 précité[70]. Et c’est pourquoi les juges ont eu le souci d’en réduire la portée. Ainsi, la notion de « fausse nouvelle » ne vaut que pour des affirmations mensongères portant sur des faits circonstanciés et précis[71] ou des documents falsifiés[72]. Elle ne saurait inclure des commentaires, des opinions[73], ou de simples conjectures lorsque celles-ci sont fondées sur des éléments authentiques et crédibles[74]. La distinction est logique et sera d’autant plus difficile à mener à l’égard des fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux, pour les raisons précitées.
Une fois les éventuelles infractions déterminées, encore faut-il identifier leurs auteurs. A ce titre, on rappellera que les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs sont tenus de conserver pendant une durée d’un an toutes les données de connexion et informations permettant d’identifier leurs utilisateurs[75]. Un juge pourra, y compris en référé, demander communication de ces éléments[76]. Par ailleurs, ces mêmes intermédiaires techniques peuvent se voir ordonner de retirer un contenu ou de bloquer l’accès à un service de communication au public en ligne[77], notamment lorsque son contenu est constitutif de l’une des infractions de provocation à la haine ou à la discrimination[78]. Enfin, en dépit de l’absence d’obligation générale de surveillance des contenus, les hébergeurs, tels que les réseaux sociaux, peuvent être amenés à retirer tout contenu illicite qui leur serait notifié, sous peine de voir leur responsabilité civile ou pénale engagée[79]. Mais un tel retrait n’emporte pas l’obligation de bloquer, pour l’avenir, toute remise en ligne d’un contenu identique[80], ce qui limite l’intérêt d’une telle procédure. Néanmoins, la Cour de justice de l’Union européenne a récemment admis qu’un tel blocage pouvait être exigé d’un réseau social en présence de contenus strictement identiques[81], ce qui invitera à plus de proactivité.
Si les dispositions précitées permettraient en théorie de poursuivre les auteurs d’informations erronées relatives au coronavirus et présentant un risque pour la sécurité des personnes, leur mise en œuvre se heurte aux aléas des réseaux sociaux et autres plateformes de contenus. Surtout, de telles sanctions n’empêcheraient pas les contenus en cause d’être diffusés et partagés en quelques heures, voire quelques minutes, par des milliers de personnes. C’est pourquoi d’autres moyens d’action doivent être envisagés.
B. Les mécanismes alternatifs de lutte contre la manipulation de l’information relative au coronavirus
La lutte contre la désinformation, tout comme la lutte contre les discours de haine[82], nécessite une certaine réactivité face au caractère exponentiel que prend la diffusion de contenus sur les réseaux sociaux. C’est là l’objectif de la loi allemande « d’application sur les réseaux sociaux » du 1er octobre 2017, pionnière en la matière, qui oblige les services à retirer dans les 24 heures tout contenu relevant d’une liste de 22 infractions figurant dans le Code criminel[83]. Aussi, il semble opportun d’inciter les services de communication en ligne à faire preuve de plus réactivité, voire de proactivité.
Le recours à des systèmes d’autorégulation et de corégulation pourrait à ce titre révéler une certaine efficacité dans la lutte contre la manipulation de l’information relative au coronavirus (1). Les accords portant sur la vérification des informations se révèlent à ce niveau un outil précieux, bien que non dénué de défauts (2).
1. Autorégulation et corégulation de la lutte contre la désinformation relative au coronavirus
De par leur souplesse, les mécanismes de régulation sont considérés comme plus adaptés aux caractères interactif et participatif des services du web 2.0[84], dont les réseaux sociaux et les plateformes de partage de contenus sont devenus des archétypes. Le développement d’une régulation de ces services tend à être encouragé, tant au niveau européen qu’au niveau national[85], et notamment au titre de la lutte contre les fausses informations[86]. Certains dispositifs déjà existants sont utilement employés dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.
Au niveau européen, on peut déjà signaler les engagements pris par un certain nombre de services (tels que Facebook, Youtube, Twitter,…) auprès de la Commission européenne dans le Code de bonnes pratiques contre la désinformation[87] et, dans une certaine mesure, le Code de conduite relatif à la lutte contre les discours de haine[88]. Si ces deux textes n’ont pas de valeur contraignante, ils fournissent un cadre minimal d’action ainsi que des objectifs à accomplir, pour les réseaux sociaux et les plateformes de partage, dans la lutte contre ce type de contenus. Le premier de ces codes est d’une application assez générale, puisqu’il entend par « désinformation » toutes les « informations dont on peut vérifier qu’elles sont fausses ou trompeuses », qui sont « créées, présentées et diffusées dans un but lucratif ou dans l’intention délibérée de tromper le public » et qui sont « susceptibles de causer un préjudice public », celui-ci étant entendu comme représentant une menace « aux processus politiques et d’élaboration des politiques démocratiques et aux biens publics, tels que la protection de la santé des citoyens de l’Union, l’environnement ou la sécurité ». Les fausses informations relatives au coronavirus peuvent sans conteste être concernées au regard de cette définition.
Le Code invite les signataires à mettre en œuvre des politiques internes poursuivant les objectifs suivants : garantir la transparence des contenus sponsorisés ; assurer une identification rapide des contenus à caractère publicitaire propre à les distinguer des contenus éditoriaux ; détecter les robots automatisés susceptibles de diffuser de manière massive et artificielle des fausses informations ; investir dans des moyens technologiques permettant de mettre en avant des informations « pertinentes, authentiques et faisant autorité dans les recherches, les flux et d’autres canaux de distribution », tout en respectant le pluralisme des points de vue ; collaborer avec d’autres acteurs de la société civile, notamment les établissements d’enseignement, et encourager la recherche sur la désinformation. Si ces engagements n’induisent pas le retrait pur et simple de contenus, les réseaux sociaux signataires ont pu malgré tout prendre des mesures réduisant la visibilité de pages et d’informations réputées fausses ou trompeuses, ou bloquant des comptes diffusant celles-ci de façon répétée. Tel est le cas en particulier pour le réseau social Facebook[89]. Le retrait en moins de 24 heures des contenus incitant à la haine est néanmoins prévu par le second de ces codes. Le respect de ces engagements fait l’objet de rapports d’évaluation annuels de la part des signataires[90].
Au niveau du droit français, cette logique de responsabilisation et de régulation des réseaux sociaux a également pu être mise en avant au travers de plusieurs dispositifs qui peuvent servir à la lutte contre la désinformation liée au coronavirus. Ceux-ci caractérisent un véritable devoir de coopération des services, ce qui remet de plus en plus en cause leur neutralité vis-à-vis des contenus.
Parmi les mécanismes existants, on peut déjà signaler l’obligation mise à la charge des hébergeurs et des fournisseurs d’accès à internet de concourir à la lutte contre la diffusion de certains messages par un dispositif de signalement mis à la disposition de leurs utilisateurs[91]. Ce dispositif vaut là encore pour les contenus qui tombent sous le coup d’un certain nombre d’incriminations classiquement qualifiées de « discours de haine », ce qui peut impliquer de fausses informations dotées d’une telle orientation. Les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet doivent par ailleurs avertir les autorités publiques de ces signalements et rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre de tels contenus. Cette obligation est corroborée par un autre mécanisme qui est celui de la plateforme Pharos (Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements)[92]. Mise en place par l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication[93], la plateforme permet à tout internaute de signaler un contenu ou service présentant un caractère discriminatoire ou incitant à la haine, pédopornographique, faisant l’apologie du terrorisme ou constitutif d’une arnaque ou escroquerie. Ces signalements peuvent aussi porter sur l’identité des auteurs de contenus, et participer ainsi des poursuites judiciaires engagées à leur encontre[94].
Enfin, on doit signaler que la loi du 22 décembre 2018, bien qu’ayant pour principal objectif la lutte contre les fausses informations en période électorale, contient plusieurs dispositions d’une application plus générale, notamment pour les fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public. A ce niveau, l’article 11 de la loi prévoit plusieurs obligations à la charge des opérateurs de plateformes, ce qui inclut les réseaux sociaux au sens de ce texte. Ceux-ci doivent notamment mettre en place un dispositif de signalement de tels contenus, et respecter d’autres engagements similaires à ceux du Code de conduite européen : transparence des algorithmes, promotion des contenus issus des agences et entreprises de presse ou services de médias audiovisuels, lutte contre les comptes propageant massivement des fausses informations, identification des sources d’information, éducation aux médias et à l’information. A cela s’ajoute la possibilité, pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’adresser des recommandations aux opérateurs de plateformes, tout comme il pouvait le faire à l’égard des services de médias audiovisuels, sur la lutte contre les fausses informations (art. 12). C’est là un point essentiel car le CSA dispose déjà d’une certaine expérience en matière de fausses informations, dont il a pu sanctionner à plusieurs reprises la diffusion par des services de radio ou de télévision. Il s’agit en effet d’un manquement aux objectifs d’honnêteté et de déontologie de l’information que ces services sont tenus de respecter[95]. S’agissant des plateformes, le Conseil a déjà pris une première recommandation le 15 mai 2019, dont le contenu reprend notamment les mesures figurant dans le Code de conduite européen et définit les conditions de présentation du dispositif de signalement[96].
L’ensemble de ces mécanismes tend à accroître la responsabilisation des services tels que les réseaux sociaux et les invite à développer des procédures internes en collaboration avec les pouvoirs publics et d’autres acteurs de la société civile. Ces obligations tendent à se renforcer avec l’apparition d’un nouveau régime juridique des plateformes numériques qui se dessine peu à peu au niveau de l’Union européenne[97]. En droit français, les textes les plus récents, telle que la loi du 22 décembre 2018, et ceux à venir[98] confortent une évolution vers un modèle de corégulation dont le pivot serait le Conseil supérieur de l’audiovisuel[99].
Que ce soit en France ou dans le reste du monde, les engagements pris par les réseaux sociaux révèlent une relative efficacité dans la lutte contre la désinformation liée au coronavirus, bien qu’ils ne soient pas exempts de défauts. Il est certain, dans tous les cas, qu’ils garantissent une plus grande réactivité et permettent de limiter la diffusion de fausses informations liées à la crise sanitaire. Pour ne citer que Facebook et Twitter, des mesures ont été prises pour mettre en avant les informations officielles relatives aux mesures sanitaires et aux gestes barrière (issues des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé et des autorités étatiques) et réduire la visibilité, voire faire disparaître, les contenus complotistes ainsi que les messages invitant à des comportements à risque ou vantant les bienfaits de pseudo-remèdes[100]. Les deux réseaux sociaux n’hésitent pas à retirer des contenus, que ceux-ci soient publicitaires ou purement éditoriaux, et ce même s’ils ne sont pas forcément illicites. Les restrictions s’étendent même jusqu’aux services de messagerie privée. Tel est le cas de l’application Whatsapp, qui a décidé de limiter la diffusion de messages identifiés comme viraux à un seul destinataire[101]. De telles mesures peuvent se comprendre au regard de l’urgence de la situation et restreignent les risques liés à la désinformation sans passer par une procédure judiciaire qui serait lourde et inadaptée au regard de la viralité des contenus. Enfin, on notera que la plateforme Pharos a également reçu plus de 600 signalements de contenus relatifs au coronavirus fin mars, la plupart constituant des arnaques et escroqueries[102].
Toutefois, les mesures prises par les réseaux sociaux interrogent sur les pouvoirs que ceux-ci s’octroient dans la régulation de la liberté d’expression. La question se pose d’autant plus que Facebook et Twitter ont eux-mêmes attiré l’attention en censurant des messages issus d’autorités publiques, notamment des tweets des Présidents Jair Bolsonaro et Nicolás Maduro, le premier pour avoir remis en cause l’intérêt du confinement[103], le second pour avoir suggéré de recourir à des remèdes naturels[104]. Si ces messages présentaient effectivement un risque (et participent des positions controversées des deux intéressés), on peut légitimement se demander de quel droit des entreprises privées peuvent se permettre de censurer l’expression de chefs d’Etat, dont la portée mérite nécessairement d’être débattue par les mêmes moyens. Sur les réseaux sociaux, le compte d’un chef d’Etat doit aussi être considéré comme une « place publique » où toute personne doit pouvoir consulter, partager mais aussi critiquer les messages postés par le titulaire. Ainsi en a décidé aux Etats-Unis la Cour du district sud de New-York s’agissant du compte du Président Donald Trump[105].
De même, sont questionnés les moyens mis en œuvre par les réseaux sociaux pour « traquer » les fausses informations. Si ceux-ci s’appuient normalement sur un important réseau de modérateurs, la compétence de ces derniers peut être mise en cause, notamment lorsqu’il s’agit d’interpréter la licéité d’un contenu. De même, le recours à des algorithmes et autres robots ne garantit pas une parfaite compréhension des nuances dont un message peut faire l’objet, ce qui peut induire des erreurs de modération. Si ceux-ci aident à repérer plus vite les contenus les plus explicitement trompeurs, ils ne sont qu’une partie de la solution[106], et ne dédouanent pas d’une intervention humaine.
En la matière, on ne saurait donc, comme dans d’autres domaines[107], sous-traiter totalement cette régulation aux seuls services de communication au public en ligne. Au contraire, une réponse collaborative s’impose au regard de la multiplicité des canaux d’informations.
2. Les mécanismes de vérification des informations appliqués à la désinformation sur le coronavirus
Parmi les moyens de lutte contre la désinformation liée au coronavirus, il en est un qui revêt une importance particulière, en ce qu’il structure tous les autres : le Fact Checking, autrement appelé en français « vérification des faits » ou « vérification des informations ».
Cette pratique est née initialement au sein des rédactions de journaux américains dans un souci de garantir des sources d’information crédibles et fiables[108]. Elle tend maintenant à se généraliser. D’une vérification systématique des contenus journalistiques, elle consiste désormais en un contrôle des contenus signalés dans les services de communication au public[109], y compris dans les services de communication en ligne comme les réseaux sociaux et les plateformes. Comme nous l’avons vu précédemment, la neutralité de ces services et l’absence d’éditorialisation les rendent plus propices à la manipulation de l’information. Et c’est pourquoi la pratique du Fact Checking est apparue comme une arme efficace dans la traque des fausses informations qui y sont diffusées. Si le domaine de l’information politique a été touché le premier, notamment à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012[110], tout type de contenu peut en principe faire l’objet d’une telle vérification. Surtout, cette pratique tend à être pensée de manière plurielle et collaborative avec les services de presse et/ou les services de médias audiovisuels, l’expertise et la déontologie des journalistes pouvant être mises à profit de manière efficace.
Le Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation tout comme la loi du 22 décembre 2018 en France (art. 15) encouragent les réseaux sociaux et les opérateurs de plateformes à nouer des partenariats en ce sens avec d’autres services de communication (entreprises et agences de presse, services de médias audiovisuels, organisations représentatives des journalistes, annonceurs,…) en vue de lutter plus efficacement contre les fausses informations. Couplés à un dispositif de signalement, ces accords permettent de mieux identifier les sources des fausses informations, mais aussi d’apporter des éléments de qualification quant à leur authenticité, leur crédibilité voire leur caractère plus ou moins erroné. Les services tels que Facebook et Google ont déjà conclu de tels accords de Fact Checking avec plusieurs services de presse écrite, notamment Le Monde avec Les Décodeurs[111]. Cela leur permet de faire évaluer les informations signalées par les utilisateurs et, en fonction, d’en réduire la visibilité, les assortir d’un avertissement, voire les retirer si elles s’avèrent incontestablement fausses[112]. Outre le fait qu’ils étendent le principe de la vérification journalistique, ces mécanismes contribuent aux différents objectifs figurant dans le Code européen et la loi de 2018. En effet, ils aident à rétablir une certaine qualité et une hiérarchie des informations et à réduire la confusion des contenus qui règne dans les réseaux sociaux. Ils permettent également de donner des éléments de réponse aux informations douteuses et dubitatives, ce qui participe d’une certaine forme d’éducation. De même, l’obligation de transparence renforcée qui porte sur les contenus à caractère publicitaire intéresse aussi les annonceurs qui ne souhaitent pas être associés à la diffusion de fausses informations[113]. C’est là une nouvelle expression de l’approche « Follow the Money », qui consiste à assécher les ressources publicitaires des réseaux d’information alternatifs les plus dangereux. In fine, cela aide à limiter l’impact des fausses informations sur le public.
S’agissant de la crise sanitaire liée à l’épidémie du coronavirus, les quelques exemples que nous avons mentionnés plus tôt attestent de l’efficacité de ces dispositifs, qui ne portent qu’une atteinte proportionnée à la liberté d’expression. En réduisant la visibilité ou en qualifiant les contenus, ceux-ci ne disparaissent pas mais sont seulement « reclassés ».
Malgré tout, le Fact Checking présente lui-même des limites qui se sont révélées à l’analyse des informations relatives au coronavirus. Celles-ci tiennent encore une fois au décloisonnement des sources d’information, et à la confrontation aux canaux d’information des experts[114]. A l’ère des réseaux sociaux, les fact-checkers peuvent eux-mêmes se faire « fact-checker » ! L’exemple de la vidéo du Professeur Didier Raoult qualifiée d’information erronée par le service Les Décodeurs du Monde illustre parfaitement ces limites. En effet, il est aisé de contester une telle qualification, et cela a d’ailleurs été fait. Il suffit d’affirmer, de façon péremptoire, que les journalistes professionnels ne sont pas des chercheurs. Ils ne sont donc pas compétents pour juger eux-mêmes des affirmations d’un chercheur qui fait état de ses propres travaux. Cela était d’autant plus grave en l’espèce que ledit chercheur s’exprimait bien à un titre professionnel et sur une source authentique. On ne peut pas non plus se fonder sur les avis contraires d’autres chercheurs de la même discipline, la confrontation d’opinions étant la base même de la liberté de la cherche. Le fait de qualifier cette vidéo d’information « erronée » serait lui-même une fausse information de ce point de vue ! Comme nous l’avons vu, l’affirmation a fort heureusement été rectifiée, ce qui n’empêche pas de débattre des méthodes employées par le Professeur Raoult, pour lesquelles il existe un réel débat de fond.
Preuve en est que la distinction entre le « vrai » et le « faux » ne saurait être tranchée par qui que ce soit. Seuls comptent les recoupements portant sur la crédibilité et l’authenticité d’une information. Si l’expertise est un élément essentiel de ce travail de vérification, il ne saurait non plus faire obstacle à l’expression de jugements de valeur, ceux-ci participant même de la recherche de vérité. Aussi, le Fact Checking doit être pensé de manière encore plus globale et inclure, au-delà des journalistes, le monde de la recherche ainsi que d’autres acteurs de la société civile. C’est bien en ce sens que doivent être compris les engagements figurant dans le Code européen de bonnes pratiques, et la crise sanitaire actuelle en porte déjà les premiers fruits. On relèvera que les réseaux sociaux, tels que Facebook, s’appuient non seulement sur la vérification des informations par les journalistes mais aussi sur les préconisations de l’Organisation Mondiale de la Santé, qui dispose de son propre service de Fact Checking spécialisé dans les questions relatives au coronavirus[115]. La concurrence entre les journalistes et les experts médicaux doit se muer en complémentarité, la place publique des réseaux sociaux leur permettant de travailler de concert.
Comme le prophétisait Jack London dans la Peste écarlate, le « journaliste resté par devoir à son poste » et les « savants penchés sur leurs éprouvettes » doivent rester les héros de la crise sanitaire[116].
***
Au terme de ces développements, il apparaît que la lutte contre la manipulation de l’information ne saurait être déléguée à un seul acteur. De façon générale, aucune instance, dans un régime démocratique, ne peut s’ériger en tribunal de la vérité[117]. La distinction entre le « vrai » et le « faux » ne saurait être confiée exclusivement ni au pouvoir législatif, ni au pouvoir exécutif, ni aux tribunaux, ni aux opérateurs de plateformes, ni aux journalistes, ni aux experts et aux chercheurs en médecine, ni aux citoyens. Elle implique une régulation multiple qui met en cause l’ensemble de ces acteurs. Telle une Hydre de Lerne, l’information se diffuse désormais par plusieurs canaux placés sur un pied d’égalité. Ceux-ci ne doivent ni se concurrencer ni converger mais s’équilibrer les uns les autres en recoupant les points de vue.
La crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus sera peut-être l’occasion d’en prendre conscience. Elle peut jouer, pour cette raison, un rôle accélérateur dans la lutte contre la désinformation.
[1] MAAD A., « Non, l’Institut Pasteur n’a pas inventé le coronavirus en 2004 comme le prétend une vidéo virale », Le Monde, rubrique Les Décodeurs, 18 mars 2020
[2] ZAGDOUN B., « Vrai ou Fake – Agnès Buzyn et son mari, Didier Raoult et la chloroquine… On a examiné au microscope les 20 affirmations d’un message censé prouver un « scandale d’Etat » », France Info, 2 avril 2020
[3] MOULLOT P., LEBOUCQ F. et CONDOMINES A., « Le vrai du faux de ce message viral sur la chloroquine, Raoult et Buzyn », Libération, rubrique CheckNews.fr, 28 mars 2020
[4] PEEL M. et FLEMING S., « EU warns of pro-Kremlin disinformation campaign on coronavirus », Financial Times, 17 mars 2020
[5] Voir not. les vidéos signalées par Conspiracy Watch : https://www.conspiracywatch.info/press-tv
[6] « Covid-19 : le retour du « Juif empoisonneur » », Conspiracy Watch – L’observatoire du conspirationnisme, 2 avril 2020
[7] « Caricatures, complot, liste de noms : le coronavirus engendre des attaques antisémites sur le web », France Inter, 30 mars 2020
[8] CAMUS A., « Lettre à Roland Barthes », 11 janvier 1955
[9] Voir not. les propos du Professeur Raoult recueillis par Marianne : « Didier Raoult sur le coronavirus : « Il ne faut pas jouer avec la peur » », Marianne, 16 mars 2020
[10] https://www.mediterranee-infection.com/
[11] Voir not. : OLIVIER V., « Lettre au Professeur Raoult », L’express – Blog Le Boulot Recto-Verso, 28 mars 2020
[12] Voir également le rapport : JEANGENE VILMER J.-B., ESCORCIA A., GUILLAUME M., HERRERA J., Les Manipulations de l’information : un défi pour nos démocraties, rapport du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) du ministère des Armées,Paris, août 2018, 210p.
[13] MARIQUE E. et STROWEL A., « La régulation des fake news et avis factices sur les plateformes », RIDE, n° 2019/3, t. XXXIII, pp. 383-387
[14] VENTURINI T., « Sur l’étude des sujets populaires ou les confessions d’un spécialiste des fausses nouvelles », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], Les fausses nouvelles – Nouveaux visages, nouveaux défis, PUL, 2018, pp. 18-21
[15] MICHELOT V., « De « fausses nouvelles » à « fake news » : itinéraire sémantique américain », in BOURDIN P. et LE BRAS S., Les fausses nouvelles – Un millénaire de bruits et de rumeurs dans l’espace public français, PUBP, 2018, pp. 179-186 ; voir également : AUDUREAU W., « Pourquoi il faut arrêter de parler de « fake news » », Le Monde, 31 janvier 2017
[16] LATZKO-TOTH G., « Les « fausses nouvelles », éléments d’un écosystème médiatique alternatif ? », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit., pp. 56-58
[17] BALLE F., Médias & sociétés, 18ème éd., LGDJ, Paris, 2019, pp. 691-698 et pp. 766-770
[18] Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
[19] Voir les études que nous avons déjà consacrées au sujet : « Une future loi de lutte contre les « Fake News » – Les difficultés d’une définition juridique », REM, n° 45, hiver 2017-2018, pp. 66-73 ; « De la rumeur aux fausses informations – Remarques sur la proposition de loi relative à la manipulation de l’information », Légicom, n° 60, 2019/1, pp. 53-63
[20] ALLOING C. et VANDERBIEST N., « La fabrique des rumeurs numériques – Comment la fausse information circule sur Twitter ? », Le Temps des médias, 2018/1, n° 30, p. 107
[21] THIBAUT S., « Craig Silverman : Pionnier de l’enquête journalistique sur la désinformation en ligne », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit., pp. 79-93 ; voir également : SENECAT A., « Enquête sur les usines à fausses informations qui fleurissent sur Facebook », Le Monde, 5 juillet 2017
[22] DESORMEAUX D., « Les journalistes du XXIème Siècle face aux fausses nouvelles », in BOURDIN P. et LE BRAS S., op. cit., pp. 173-174
[23] BRUSINI H., BRETECHE M. et COHEN E., « Les gestes qui sauvent l’info », Le Temps des médias, 2018/1, n° 30, p. 235
[24] LATZKO-TOTH G., op. cit., pp. 39-50
[25] IGOUNET V. et REICHSTADT R., « Négationnisme et complotisme : des exemples typiques de désinformation », Le Temps des médias, 2018/1, n° 30, pp. 139-151 ; SCHMELCK C., « Plongée en fachosphère », Médium, 2017/3, n° 52-53, pp. 199-212
[26] FLEURY J.-M., « La production de fausses nouvelles scientifiques : le cas de la vaccination », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit., pp. 113-132 ; ESPESSON-VERGEAT B. et MORGON P., « Le défi de la prévention vaccinale : surmonter les résistances personnelles plutôt que microbiologiques », Droit, Santé et Société, n° 2019/3, pp. 58-62
[27] DESORMEAUX D., op. cit., pp. 169-170
[28] BRUSINI H., BRETECHE M. et COHEN E., op. cit., p. 236
[29] VENTURINI T., op. cit., pp. 29-31
[30] Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 (§ 12), D., 2009, pp. 1770-1771, obs. J.-M. BRUGUIERE
[31] Décision n° 2018-773 DC du 20 décembre 2018 (§ 15), Gaz. Pal., 12 février 2019, pp. 32-33, note P. PIOT
[32] LE BONNIEC N., « La Cour européenne des droits de l’homme face aux nouvelles technologies de l’information et de communication numériques », RDLF, 2018, chron. n° 5
[33] CEDH, 2ème Sect., Yildirim c./ Turquie, 18 décembre 2012, n° 3111/10 (§§ 48-50), CCE, juillet 2013, pp. 36-38, obs. A. DEBET, CCE, septembre 2013, pp. 7-10, note J.-P. MARGUENAUD ; voir également : CEDH, 4ème Sect., Times Newspaper Ltd c./ Royaume-Uni (n° 1 et 2), 10 mars 2009, n° 3002/03 et 23676/03 (§ 27) ; CEDH, 2ème Sect., Kalda c./ Estonie, 6 juin 2016, n° 17429/10 (§ 52)
[34] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c./ Royaume-Uni, n° 5493/72 (§ 49)
[35] CEDH, 26 avril 1995, Prager et Oberschlik c./ Autriche, n° 15974/90 (§ 38)
[36] CEDH, 1ère Sect., 25 janvier 2007, Vereinigung Bildender Kunstler c./ Autriche (§ 33)
[37] CEDH, 2ème Sect., 6 septembre 2005, Salov c./ Ukraine, n° 65518/01 (§ 113)
[38] CEDH, 4ème Sect., 4 décembre 2018, Magyar Jeti ZRT c./ Hongrie, n° 11257/16 (§ 73) ; voir également : CRUYSMANS E., « Hyperliens et liberté d’expression : un double-clic vers la clarification des règles de responsabilité des journalistes utilisant des hyperliens », RDTI, 2019/1, n° 74, pp. 94-108
[39] CJUE, 2ème Ch., 8 septembre 2016, GS Media BV c./ Sanoma Media Netherlands BV e.a., C-160/15 (§ 45), PI, n° 61, octobre 2016, pp. 436-438, obs. J.-M. BRUGUIERE
[40] Cour suprême des Etats-Unis, Packingham v. North Carolina, 582 U.S. ___ (2017), June 19, 2017 ; voir notre analyse de cet arrêt : « L’accès aux réseaux sociaux est un droit constitutionnel selon la Cour suprême des Etats-Unis », REM, n° 44, automne 2017, pp. 62-64
[41] DERIEUX E. et GRANCHET A., Réseaux sociaux en ligne – Aspects juridiques et déontologiques, Lamy Axe Droit, 2013, p. 29-30
[42] Article 6 I 3. de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique
[43] Article 6 I 2. de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; article 15 1. de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur
[44] CJUE, GC, 12 juillet 2011, L’Oréal SA et a. c./ EBay International AG et a., n° C-324/09, CCE, mars 2011, pp. 26-27, obs. A DEBET ; RLDI, n° 74, août 2011, pp. 61-67, note L. GRYNBAUM ; CJUE, 3ème Ch., 16 février 2012, Sabam c./ Netlog NV, n° C-360/10, CCE, juin 2012, pp. 31-33, obs. A. DEBET ; RLDI, n° 81, avril 2012, pp. 6-9, note E. DERIEUX ; Gaz. Pal., 2 août 2012, pp. 18-19, obs. L. MARINO
[45] DERIEUX E., « Neutralité : liberté ou surveillance – Fondements et éléments du droit de l’internet », RLDI, n° 74, août 2011, pp. 85-96
[46] PECH L., « Approches européenne et américaine de la liberté d’expression dans la société de l’information », CCE, juillet 2004, pp. 13-19
[47] GALLET L. et DARAGON B., « Dates et carte du déconfinement par région : l’exécutif dément les «révélations» de Hanouna », Le Parisien, 6 avril 2020
[48] CEDH, GC, 16 juin 2015, Delfi AS c./ Estonie, n° 64569/09 (§ 110)
[49] CEDH, GC, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c./ France, n° 29183/95 (§ 54 : la liberté d’expression inclut « le droit des journalistes de communiquer des informations sur des questions d’intérêt général dès lors qu’ils s’expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de l’éthique journalistique »)
[50] CEDH, GC, 16 juin 2015, Delfi AS c./ Estonie, n° 64569/09 (§ 113) ; CEDH, 4ème Sect., 4 décembre 2018, Magyar Jeti ZRT c./ Hongrie, n° 11257/16 (§ 66)
[51] TREGUER F., « Internet dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RDLF, 2013, chron. n° 13
[52] BALLE F., op. cit., pp. 758-760
[53] Voir not. : art. 10 al. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; art. 19 al. 3 b) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966
[54] TERRY C., « Déluge et pollution : des métaphores pour penser la lutte aux fausses nouvelles », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit, p. 242
[55] VENTURINI T., « Sur l’étude des sujets populaires ou les confessions d’un spécialiste des fausses nouvelles », et PROULX S., « L’accusation de fake news : médias sociaux et effets politiques », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit, pp. 18-21 et pp. 64-67
[56] Loi du 5 août 1914 réprimant les indiscrétions de la presse en temps de guerre, JORF 6 août 1914, p. 7131 ; art. 1er : « Il est interdit de publier, par l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, des informations et renseignements autres que ceux qui seraient communiqués par le Gouvernement ou le commandement, sur les points suivants : […] situation sanitaire ; […] »
[57] BOURON F., « La grippe espagnole (1918-1919) dans les journaux français », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 2009/1, pp. 83-91
[58] Voir not. : « Une épidémie en Espagne », Le Journal, 28 mai 1918, p. 3, consultable sur gallica.bnf.fr
[59] Voir les décisions du Conseil constitutionnel en la matière : n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 (§ 5), n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 (§§ 8-9), n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 (§§ 26-27),
[60] DERIEUX E., « Le droit de l’audiovisuel européen : entre libéralisme et interventionnisme », REDC, 2011/2, pp. 315-331 ; JONGEN F., « La liberté d’expression dans l’audiovisuel : liberté limitée, organisée et surveillée », RTDH, 1993, pp. 95-117
[61] DEBBASCH C., « La liberté de la communication audiovisuelle en France », RIDC, 1989/2, pp. 305-312
[62] « Covid-19 : Le CSA mobilise les médias pour informer le grand public », dernière mise à jour le 18 mars 2020
[63] Voir not. l’article 69 du cahier des charges de la société nationale de programmes France Télévisions, approuvé par le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009
[64] DREYER E., « Fausse bonne nouvelle : la loi du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l’information », LP, n° 367, janvier 2019, pp. 19-33
[65] Voir not. : BIGOT C., « Légiférer sur les fausses informations en ligne, un projet inutile et dangereux », D., 2018, p. 344 ; DERIEUX E., « Lutter contre les fausses informations – Nécessité d’ajouter au dispositif législatif existant ? », RLDI, n° 145, février 2018, pp. 35-40 ; SAUVAGE G., « Quel(s) outil(s) juridique(s) contre la diffusion de « fake news » ? », LP, n° 352, septembre 2017, pp. 427-432
[66] PALANCO A., « Combattre les fake news – Le référé de l’article L. 163-2 du Code électoral et la liberté d’expression », RDP, mai 2019, pp. 637-662
[67] CEDH, 25 août 1998, Hertel c./ Suisse, n° 25181/94 (§ 50)
[68] Voir not. : TGI Paris, 17ème Ch., 9 mars 2016, LP, n° 337, avril 2016, pp. 205-206 ; TGI Paris, 17ème Ch., 13 octobre 2017, RLDI, n° 142, novembre 2017, pp. 40-41, obs. L. COSTES ; voir également, s’agissant de Facebook : TGI Paris, 17ème Ch., 31 janvier 2013, LP, n° 304, avril 2013, pp. 205-206 ; T. Corr. Nîmes, 28 février 2013, LP, 305, mai 2013, p. 270 ; CA Nîmes, 3ème Ch., 18 octobre 2013, CCE, février 2014, pp. 45-46, obs. E. CAPRIOLI ; TGI Cayenne, 15 juillet 2014, RLDI, n° 107, août 2014, pp. 44-45, obs. L. COSTES
[69] TGI Paris, 13ème Ch. Corr., 18 décembre 2014, RLDI, n° 111, janvier 2015, p. 33, obs. J. DE ROMANET ; C. Cass., Ch. Crim., 16 novembre 2016, n° 16-80.207, CCE, janvier 2017, pp. 46-47, obs. A. LEPAGE
[70] LECLERC H., « La loi de 1881 et la Convention européenne des droits de l’Homme », Légicom, n° 28, 2002, pp. 25-27
[71] CA Paris, 11ème Ch., Sect. A, 18 mai 1988, JurisData n° 1988-025000
[72] TGI Nanterre, 14ème Ch., 13 décembre 2000, CCE, février 2001, pp. 33-34, obs. A. LEPAGE
[73] C. Cass., Ch. Crim., 13 avril 1999, n° 98-83.798, RSC, 2000, p. 203, obs. Y. MAYAUD
[74] T. Corr. Toulouse, 27 juin 2002, D., 2002, pp. 2972-2976, note C. LIENHARD
[75] Art. 6 II de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; Décret n° 2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne
[76] S’agissant de tweets comportant un hashtag antisémite : TGI Paris, réf., 24 janvier 2013, RLDI, n° 90, février 2013, pp. 27-31, note E. DERIEUX ; CA Paris, P. 1, 5ème Ch., Ord. réf., 12 juin 2013, RSC, juillet 2013, pp. 566-571, note J. FRANCILLON
[77] Art. 6 I 8. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique
[78] Art. 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 ; voir not. : TGI Paris, Ord. Réf., 27 novembre 2018, RJPF, janvier 2019, pp. 22-23, obs. S. CACIOPPO
[79] Art. 6 I 2. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique
[80] C. Cass., 1ère Ch. Civ., 12 juillet 2012, n° 11-13.666, n° 11-13.669, n° 11-15.165 et n° 11-15.188 ; voir, parmi les nombreux commentaires : ALLAEYS P., « À défaut de nouvelle notification, l’hébergeur n’est pas responsable en cas de remise en ligne », LP, n° 298, octobre 2012, pp. 566-571 ; BRUGUIERE J.-M., « Liens hypertextes, Notice and take down », JCP-G, 24 septembre 2012, pp. 1716-1720 ; CASTETS-RENARD C., « Hébergement et contrefaçon en ligne : clarification du droit de la responsabilité sur l’internet », D., 13 septembre 2012, pp. 2075-2078
[81] CJUE, 3ème Ch., 3 octobre 2019, Eva Glawischnig-Piesczek c./ Facebook Ireland Limited, n° C-18/18 (§§ 45-46), CCE, novembre 2019, pp. 31-33, obs. G. LOISEAU ; RLDI, n° 167, février 2020, pp. 27-29, note E. DERIEUX
[82] Voir la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 20 mars 2019, dite « Proposition de loi Avia » ; la dernière version de la proposition de loi est consultable sur le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0388_texte-adopte-seance
[83] HOLZNAGEL B., « La Loi d’application sur les réseaux – L’approche allemande pour lutter contre les « fausses nouvelles », la violence et le discours terroriste dans les réseaux sociaux », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit., pp. 197-216
[84] DERIEUX E., « Régulation de l’internet », RLDI, n° 78, janvier 2012, pp. 92-98 ; FAVRO K. et ZOLYNSKI C., « De la régulation des contenus haineux à la régulation des contenus (illicites) », LP, n° 374, septembre 2019, pp. 461-464
[85] GRANCHET A., « Réseaux sociaux, médias en ligne et partage de contenus : le temps de la responsabilité et de la régulation », LP, n° 379, février 2020, p. 93
[86] TRUDEL P. et THIBAUT S., « Les fausses nouvelles : nouveaux visages et nouveaux défis », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit., pp. 245-252
[87] Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation, signé le 26 septembre 2018
[88] Code of Conduct on Countering Illegal Hate Speech Online, signé le 31 mai 2016
[89] BORRY E., « Les initiatives prises par les plateformes : le cas de Facebook », LP, hors série, 2019-1, pp. 57-61
[90] Voir les rapports 2019 relatif Code de bonnes pratiques contre la désinformation : « Annual self-assessment reports of signatories to the Code of Practice on Disinformation 2019 », 29 octobre 2019
[91] Art. 6 I 7. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique
[92] https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action
[93] Direction centrale de la Police judiciaire, Ministère de l’Intérieur
[94] Pour un exemple : T. Corr. Bobigny, 7 juillet 2018 (s’agissant de faits de cyberharcèlement)
[95] Voir les exemples cités dans notre étude précitée : « De la rumeur aux fausses informations – Remarques sur la proposition de loi relative à la manipulation de l’information », ibid.
[96] Recommandation n° 2019-03 du 15 mai 2019 du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux opérateurs de plateforme en ligne dans le cadre du devoir de coopération en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations
[97] Voir not. les deux directives « Services de médias audiovisuels » et « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique » : Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels ; Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE
[98] Outre la proposition de loi « Avia » précitée, on peut mentionner le projet de loi audiovisuelle, qui a notamment vocation à transposer les deux directives précitées : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, n° 2488 , déposé(e) le jeudi 5 décembre 2019, dont l’examen est actuellement stoppée à la première lecture de l’Assemblée nationale
[99] MAISTRE R.-O., « Point d’étape : vers un nouveau modèle de régulation des plateformes de contenus », LP, n° 374, septembre 2019, pp. 459-460
[100] Pour Twitter, voir : GADDE V. et DERELLA M., « An update on our continuity strategy during COVID-19 », 16 mars 2020, mis à jour le 1er avril 2020 ; pour Facebook, voir le message posté par Marck Zuckerberg le 4 mars 2020
[101] « Contre les fake news sur le coronavirus, WhatsApp réagit », Le HuffPost, 7 avril 2020
[102] HACHE C., « Depuis le début de la crise du Covid-19, 600 signalements de contenus illicites en ligne », L’Express, 31 mars 2020
[103] « Coronavirus : Twitter supprime deux tweets de Bolsonaro remettant en cause le confinement », Le Monde, 30 mars 2020
[104] DEMAGNY X., « Nicolás Maduro conseille des « remèdes naturels » pour se prémunir du coronavirus, son tweet est supprimé », France Inter, 24 mars 2020
[105] Knight First Amendment Inst. at Columbia Univ. v. Trump, No. 1:17-cv-5205 (S.D.N.Y.), No. 18-1691 (2d Cir.), May 23, 2018
[106] RUBIN V. L., « La détection des nouvelles trompeuses et fallacieuses dans les contenus en ligne », in SAUVAGEAU F., THIBAULT S. et TRUDEL P. [Dir.], op. cit., pp. 153-172
[107] VAN ENIS Q., « Le droit de recevoir des informations ou des idées par le biais de l’internet, parent pauvre de la liberté d’expression dans l’ordre juridique européen ? », JEDH, n° 2015/2, pp. 185-196
[108] BIGOT L., « Rétablir la vérité via le fact-checking : l’ambivalence des médias face aux fausses informations », Le Temps des Médias, n° 2018/1 (n° 30), pp. 64-65
[109] BIGOT L., op. cit., pp. 65-68
[110] BALLE F., op. cit., p 712
[111] JOUX A., « Du fact checking au fake checking », REM, n° 44, automne-hiver 2017, pp. 86-96
[112] BORRY E., op. cit., p. 59
[113] DELATRONCHETTE L., « “Fake News” : Unilever menace Google et Facebook de retirer ses publicités en ligne », Le Figaro, 12 février 2018
[114] DESORMEAUX D., op. cit., pp. 169-170
[115] Nouveau coronavirus (2019-nCoV) : conseils au grand public – En finir avec les idées reçues
[116] LONDON J., La peste écarlate, Bibliothèque électronique du Québec, Coll. Classiques du 20ème siècle, vol. 196 (traduit par P. Gruyer et L. Postif), pp. 65-66
[117] BALLE F., op. cit., p. 769
Excellente synthèse sur la régulation de l’expression sur les réseaux sociaux.
Une belle et claire contribution au débat!
Un grand merci,
Didier Desormeaux
Une bonne grosse bafouille qui ne semble pas susciter beaucoup de réactions ! Vous citez les décodeurs du Monde qui jouent les gendarmes sur facebook, c’est bien ! mais préciser également que le Monde touche des millions de dollars de la fondation B&M Gates pourrait expliquer aussi pourquoi la crédibilité de l’information en prend un coup avec les conflits d’intérêts !