Les voies de recours dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme [Résumé de thèse]
Les voies de recours dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme
Par Delphine Mardon
Thèse soutenue le 28 octobre 2013 à l’Université Pierre-Mendès-France, Grenoble II, sous la direction du Professeur Adeline Gouttenoire
Composition du jury : Madame le Professeur Soraya Amrani Mekki (Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense), Madame le Professeur Natalie Fricero (Université de Nice-Sophia Antipolis, rapporteur), Madame le Professeur Adeline Gouttenoire (Université Montesquieu, Bordeaux IV, directrice de thèse), Monsieur le Professeur Frédéric Sudre (Université de Montpellier I, rapporteur) et Monsieur le Professeur Étienne Vergès (Université Pierre-Mendès-France, Grenoble II).
L’influence du droit de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit interne n’est plus à démontrer. Ce droit élaboré au sein du Conseil de l’Europe offre aux justiciables une protection accentuée de leurs droits fondamentaux. Confrontée aux voies de recours entendues comme les moyens permettant de contester un acte juridictionnel, cette affirmation semblait néanmoins faire face à une difficulté. En effet, contrairement à certains droits expressément contenus dans la Convention EDH ou dégagés par la Cour de Strasbourg grâce à son interprétation dynamique et évolutive, les voies de recours ne sont pas, en tant que telles, un droit protégé par le système européen des droits de l’homme. En ce sens, il n’existe pas de droit général à une voie de recours expressément formulé dans le texte européen ou encore fondé sur une disposition telle que l’article 6 qui organise le droit à un procès équitable. Pour autant, les voies de recours ne sont pas ignorées du système européen des droits de l’homme. Au contraire, elles bénéficient de toute l’attention des juges européens.
Révélée grâce à l’examen des décisions et arrêts rendus par les organes de contrôle européens, cette attention a permis de mettre en évidence les relations entretenues entre la Convention EDH et les voies de recours. Si ces deux mécanismes ont en point commun l’idée de contrôle, les juges européens n’interviennent qu’à l’issue de la procédure interne à laquelle participent les voies de recours. Cette organisation permet de mettre pleinement en lumière le regard que la Cour de Strasbourg porte sur les voies de recours au moment de réaliser son propre contrôle. Il faut alors observer que son appréhension des voies de recours n’est pas univoque. La Cour ne fait pas que contrôler la mise en œuvre par les voies de recours des garanties procédurales contenues dans la Convention. Ces dernières sont également un moyen utilisé par la Cour européenne afin de s’assurer du respect de l’ensemble des droits conventionnels. La thèse a ainsi permis de démontrer que la participation des voies de recours au respect de la Convention européenne contribue au renforcement mutuel de la Convention et des voies de recours.
Ce renforcement est, d’une part, celui de la Convention EDH par les voies de recours. En effet, le droit de la Convention européenne se trouve renforcé par les voies de recours dans la mesure où la prise en compte du grief conventionnel par les juridictions de recours lui offre une pleine protection en droit interne. L’ensemble des droits et garanties du texte européen se trouve concerné. Il faut dire que l’exercice d’une voie de recours débouche souvent sur l’émergence des droits fondamentaux. S’il n’a pas obtenu satisfaction en se plaçant exclusivement sur le terrain du droit interne en première instance, le plaideur est fréquemment enclin à renforcer ou à renouveler son argumentation en l’habillant aux couleurs des droits fondamentaux. Le rôle des voies de recours, étroitement lié au principe de subsidiarité, est alors de corriger les atteintes portées aux droits et garanties conventionnels. Pour cela, les voies de recours doivent nécessairement constituer pour les justiciables un moyen d’invoquer un grief d’inconventionnalité, ainsi qu’un moyen d’obtenir la correction de la violation dès lors qu’elle est avérée.
D’autre part, le renforcement constaté est aussi celui des voies de recours par la Convention EDH. Il ressort clairement de la soumission des voies de recours au respect des garanties du procès équitable énoncées à l’article 6 de la Convention EDH. Lorsqu’il exerce une voie de recours, le justiciable doit non seulement pouvoir accéder à la juridiction de recours, mais encore bénéficier devant elle des garanties institutionnelles et procédurales. Connues de par leur application devant le juge de première instance, il a pu être observé que les exigences du procès équitable ne sont pas simplement transposées pour le juge statuant sur la voie de recours. Au contraire, elles font l’objet d’une approche spécifique. Ainsi concernant l’accès à la juridiction de recours, l’analyse européenne ne doit pas se limiter à l’affirmation selon laquelle les restrictions sont plus facilement admises au droit d’accès uniquement du fait de la progression dans la hiérarchie juridictionnelle. D’autres critères, comme la matière en cause, peuvent être prépondérants lors du contrôle de ces restrictions. Quant à l’application des garanties devant les juridictions de recours, elle montre que les exigences du procès équitable peuvent être strictement maintenues ou bien subir un aménagement. Le choix s’opère en fonction de la nature de la garantie en cause. Derrière ce critère, semble se cacher l’équilibre à trouver entre le maintien de l’utilité de l’exercice des voies de recours pour le requérant et l’allègement de leur travail pour les juridictions de recours.
En définitive, confrontées à la Convention européenne, les voies de recours présentent pour les États autant un moyen de se mettre à l’abri d’une sanction par la Cour de Strasbourg en protégeant les droits et garanties conventionnels, qu’un risque de se faire condamner par cette même Cour. Sans restreindre la prérogative de la Cour tenant au contrôle ultime en vue de la construction d’un socle commun des droits de l’homme, il faut inciter les États à assurer leur propre rôle de premiers protecteurs de ces droits, et donc à parfaire l’organisation des différentes voies de recours proposés aux justiciables.