La neutralité politique au sein des communes
Le contexte international, qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine, du conflit israélo-palestinien ou de la crise migratoire, ne laisse personne indifférent et notamment pas les personnes publiques. C’est ainsi que les communes ont pu prendre parti, soit pour la Palestine, soit pour Israël, dans la guerre au Moyen-Orient en hissant le drapeau de l’une ou de l’autre sur le fronton de leur mairie. Ces positions, qualifiables de « politiques », suscitent irrémédiablement des réactions au regard du principe de neutralité, ce que n’ont pas manqué de révéler les déférés préfectoraux. Reste que son application aux communes, dans sa dimension politique, a peu été étudiée et comporte des zones d’ombre. La présente étude tente d’apporter quelques éclaircissements pour mieux en cerner le champ d’application matériel mais aussi organique.
Par Camille Fernandes, Maître de conférences en droit public à l’Université Marie et Louis Pasteur de Besançon, Centre de recherches juridiques de Franche-Comté (UR 3225)
« La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens. »
Carl von Clausewitz, De la guerre, 1832
La scène internationale connaît son lot de conflits armés qui, s’ils conduisent nécessairement les citoyens à prendre position, ne laissent pas non plus indifférentes les autorités décentralisées. C’est ainsi que les questions internationales s’invitent de plus en plus régulièrement dans les affaires locales françaises. Il suffit de rappeler le pavoisement de mairies du drapeau palestinien[1] et, plus rarement, israélien[2], qui a donné lieu à un contentieux abondant cet été. Comme nul ne peut l’ignorer, l’initiative a été récemment réitérée en soutien à la reconnaissance par la France de l’État palestinien[3]. Plus anciennes mais tout aussi révélatrices ont été les décisions de plusieurs collectivités territoriales d’accorder des subventions à l’association SOS Méditerranée qui mène une activité de sauvetage en mer, laquelle lui a permis de venir au secours de plusieurs bateaux de migrants[4]. Ces engagements locaux peuvent détonner dans le contexte français alors que le droit interne consacre le principe de neutralité politique des personnes publiques. Le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler son existence à l’occasion des recours dirigés dans les deux séries de décisions. Tout d’abord, dans le cadre des affaires dites « du drapeau », il a rappelé que les communes ne pouvaient adopter de positions de nature politique dans un conflit en cours sans méconnaître le principe de neutralité des services publics[5]. De même, il a indiqué que les collectivités territoriales ne pouvaient, à travers la délivrance de subventions, « prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. »[6]
En dépit de leur apparente simplicité, ces positions jurisprudentielles soulèvent nombre d’interrogations quant à cette exigence de neutralité politique qui s’imposerait aux collectivités territoriales et, en particulier, aux communes. Il convient de rappeler que ce principe est aujourd’hui prévu par plusieurs textes législatifs. Il s’impose d’abord à « l’administration » en vertu de l’article L100-2 du code des relations entre le public et l’administration[7] (CRPA). Il s’impose ensuite aux « agents publics » en application de l’article L121-2 du code général de la fonction publique (CGFP). Il s’impose enfin à tous les organismes, de droit public comme de droit privé, chargés directement de l’exécution d’un service public ainsi qu’à leurs employés[8]. Le juge administratif a quant à lui dégagé de longue date le principe de neutralité « des services publics »[9]. La neutralité ainsi consacrée par la loi et par le juge dispose de plusieurs « composantes » ou « facettes » : le Conseil d’État relève ainsi que la neutralité implique « de ne pas manifester dans l’exercice de ses fonctions ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses de quelque manière que ce soit. »[10] La neutralité comprend alors la neutralité religieuse, la neutralité politique et la neutralité philosophique. Ces différentes faces d’une même pièce ne disposent pas toutes du même niveau de consécration juridique. Sauf à considérer que la neutralité soit toujours indissociable de l’égalité – ce que nous ne pensons pas –, seule la neutralité religieuse dispose sans équivoque d’une valeur constitutionnelle à travers la notion de laïcité, elle-même consacrée à l’article 1er de la Constitution. Le Conseil constitutionnel en déduit que la neutralité (religieuse) de l’État a valeur constitutionnelle[11]. Pour le reste, et en particulier pour ce qui est de la neutralité politique, même si le Conseil constitutionnel a pu la rattacher aux « principes fondamentaux du service public »[12], sa valeur constitutionnelle n’a jamais été expressément reconnue.
Ces développements sur la valeur juridique de la neutralité politique montrent que la laïcité et la neutralité religieuse monopolisent ces dernières années le débat doctrinal et juridique, laissant de côté sa dimension politique. Le contentieux national relatif à l’apposition du drapeau palestinien, tout comme celui relatif à la délivrance de subventions au profit de l’association SOS Méditerranée, ont le mérite de la mettre en lumière et ouvrent la porte à une analyse plus large de l’application du principe de neutralité politique. L’originalité de cette étude est double. Elle repose d’abord sur le fait qu’elle se focalise sur l’application du devoir de neutralité à une catégorie précise d’administrations que sont les communes, ce qui a peu été étudié[13]. Elle résulte ensuite de ce que les origines du principe de neutralité, ses finalités voire son contenu, dans sa dimension politique[14], sont méconnus et parfois dévoyés, conduisant à des incompréhensions ou des amalgames. Les atermoiements des juridictions administratives concernant le pavoisement des mairies de drapeaux étrangers, en dépit de leur apparente unicité, en témoignent : pourquoi empêcher l’apposition du drapeau palestinien ou israélien pour violation du devoir de neutralité politique[15] quand arborer le drapeau ukrainien est jugé conforme audit principe[16], tout comme hisser le drapeau arc-en-ciel[17] ? La présente étude se propose alors d’apporter quelques éclaircissements pour une meilleure compréhension de ce qu’est ce principe de neutralité politique des communes, mais aussi de ce qu’il devrait être. Elle conduit à répondre à deux séries de questions : d’une part, qu’implique précisément ce principe à l’échelle communale ; d’autre part, qui, au sein des collectivités territoriales que sont les communes, y est soumis ? C’est à ces interrogations, qui concernent d’abord le champ d’application matériel du principe de neutralité (I) puis organique (II), que la présente étude propose de répondre, dans une volonté de renouveler un sujet qui, s’il paraît banal et maintes fois étudié, mérite un traitement actualisé à l’aune des menaces qui pèsent aujourd’hui sur la démocratie libérale et l’État de droit.
I. Le champ d’application matériel du principe de neutralité politique au sein des communes
Déterminer ce que contient le principe de neutralité politique des communes conduit à se pencher d’abord sur ses finalités : pourquoi existe-t-il ; à quoi sert-il ; ses buts ont-ils évolué au fil du temps ? Répondre à ces questions permet de mieux en cerner les raisons d’être ou, du moins, ce qu’elles devraient être (A). Il suppose ensuite de s’interroger sur son étendue : est-il absolu ou peut-on admettre qu’il soit limité pour permettre aux communes de promouvoir certaines valeurs, notamment démocratiques ? L’occasion est ici donnée de défendre une certaine conception de la neutralité politique qui ne devrait pas empêcher de militer pour la promotion de la démocratie ou, plus largement, de l’État de droit (B).
A. Les finalités du devoir de neutralité politique : identifier ses raisons d’être
Expliquer les raisons d’être de la neutralité politique, c’est-à-dire chercher ses justifications, n’est pas aisé. Les débats sur la neutralité que le contentieux ou les projets de loi ont pu susciter se focalisent sur la neutralité religieuse et ne font guère la distinction avec la neutralité politique. Il est alors plus facile de trouver les motivations qui ont conduit, depuis la fin du XIXe siècle, à consacrer la neutralité religieuse de l’État, mais beaucoup moins de comprendre les finalités de la neutralité politique. On peut cependant se demander si cette dernière ne poursuivrait pas en réalité les mêmes fins que la laïcité et la neutralité religieuse, c’est-à-dire assurer aux usagers du service public et, plus largement, aux administrés, d’abord l’égalité, mais également la liberté de conscience. Il convient alors de revenir sur les raisons d’être de la laïcité et de la neutralité religieuse pour déterminer si la neutralité politique peut leur emprunter leurs justifications.
La laïcité a d’abord été forgée pour assurer l’autonomie et l’indépendance de la France par rapport aux Églises. Aristide Briand énonçait ainsi dans son rapport sur le projet de loi de Séparation avoir « pour objectif de prouver que la seule solution possible aux difficultés intérieures, qui résultent en France de l’actuel régime concordataire, est dans une séparation loyale et complète des Églises et de l’État »[18]. Pour atteindre cet objectif, il ne s’agissait cependant nullement de limiter les libertés religieuses des individus mais, au contraire, de les reconnaître et de les protéger. Il suffit de rappeler que la loi de 1905 s’ouvre sur les mots suivants : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Ce n’est que dans un article 2 qu’il a été écrit que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »[20] Il en résulte une neutralité de l’État républicain qui n’est donc pas incompatible avec toute idée de liberté religieuse individuelle ; au contraire, c’est parce que les individus doivent pouvoir croire librement en leur for intérieur et exercer tout aussi librement leur religion, sans crainte de représailles discriminatoires de la part des personnes publiques, que ces dernières doivent être neutres, c’est-à-dire ne pas faire prévaloir une croyance sur une autre. Louis Méjan ne disait pas autre chose lorsqu’il affirmait qu’ « on ne peut logiquement concevoir la liberté de conscience et des cultes sans la neutralité absolue de l’État » car « il n’y a pas de véritable liberté là où n’existe pas une entière égalité pour tous sous la protection de la loi »[21]. Cette conception de la « neutralité-égalité-liberté » était présente très tôt dans l’élaboration de la loi de Séparation. Dans son rapport sur le projet de loi, Aristide Briand faisait ainsi le lien avec la liberté et l’égalité en indiquant que le régime qu’il proposait était « le seul qui, en France, pays où les croyances sont diverses, réserve et sauvegarde les droits de chacun »[22]. Patrick Weil en déduit, à juste titre, que la « la laïcité est donc, et d’abord, “le droit de croire ou de ne pas croire, sans pression” »[23].
Cette conception originelle est toujours, en un sens, celle qui prévaut : le juge interdit aux personnes publiques de se fonder sur les principes de laïcité et de neutralité des services publics pour limiter les libertés de conscience et de culte des usagers car cela irait à l’encontre de l’idée même de laïcité. C’est le sens des jurisprudences actuelles sur le port du burkini sur les plages[24], sur les menus de substitution dans les cantines scolaires[25] et sur l’encadrement des matchs de football[26]. Les interdictions peuvent uniquement reposer sur des motifs liés au maintien de l’ordre public (pour l’interdiction du burkini), au bon fonctionnement du service et aux moyens humains et financiers à disposition (pour la suppression des menus de substitution) ou au bon fonctionnement du service public et à la protection des droits et libertés d’autrui (pour les aménagements au cours des matchs de football). L’adoption des lois de 2004[27] et 2010[28] n’a pas fondamentalement remis en cause cette conception puisque la garantie du libre exercice des cultes n’a jamais été pensée comme absolue : dès 1905, la loi prévoyait qu’elle valait « sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »[29]
La neutralité religieuse n’est donc pas seulement destinée à assurer l’égalité entre individus, mais aussi leur liberté. C’est pourquoi la doctrine qualifie de plus en plus souvent la neutralité de quatrième loi du service public, indépendamment de l’égalité[30]. La neutralité se justifierait alors « par une certaine conception de l’intérêt général et du rôle de la puissance publique, plus que par l’égalité des usagers devant le service public […]. Une telle neutralité se rattache beaucoup plus au respect de la liberté : il faut, dans le fonctionnement des services publics, respecter la liberté de croyance, la liberté d’opinion des citoyens. »[31] Les lois françaises les plus récentes s’inscrivent dans cette approche. L’article L121-2 du CGFP, dont la rédaction résulte de la loi de 2016 sur la déontologie des fonctionnaires[32], impose aux agents publics de respecter les obligations de neutralité et le principe de laïcité, mais les contraint également à « traite[r] de façon égale toutes les personnes et [à] respecte[r] leur liberté de conscience et leur dignité ». Reprenant les mêmes expressions, la loi de 2021 confortant le respect des principes de la République rappelle d’abord que les organismes chargés directement de l’exécution d’un service public doivent respecter les principes de laïcité et de neutralité du service public, mais aussi que leurs employés doivent « traite[r] de façon égale toutes les personnes et respecte[r] leur liberté de conscience et leur dignité. »[33]
Cette approche égalitaire et/ou libérale vaut pour la neutralité religieuse mais aussi politique. Les textes précités prennent en effet le soin de distinguer la laïcité et la neutralité, celle-ci pouvant s’entendre d’une neutralité religieuse mais aussi politique ou philosophique. Quant à la liberté de conscience qu’ils cherchent à promouvoir, elle ne renvoie pas qu’au champ du religieux, puisqu’elle se définit comme une « autonomie morale » et un « droit fondamental de se déterminer dans ses convictions philosophiques, religieuses, idéologiques, politiques, etc. »[34] La seule différence avec la neutralité religieuse est que cette dernière s’applique à l’État dans toutes ses attributions, administratives comme politiques. Elle ne cesse pas de produire ses effets lorsque les pouvoirs publics constitutionnels de l’État – Parlement, président de la République, Gouvernement et Premier ministre – adoptent des décisions politiques. En revanche, la neutralité politique ne peut s’appliquer qu’aux personnes publiques remplissant des fonctions administratives – ce que l’on appellerait les « institutions administratives » ; il ne peut naturellement pas être attendu des mêmes institutions, lorsqu’elles exercent des fonctions politiques, de faire preuve de neutralité politique, c’est-à-dire de ne pas prendre parti. C’est toute la différence entre la neutralité religieuse de « l’État » à laquelle se réfère le Conseil constitutionnel[35] et la neutralité politique des personnes publiques[36] ou des services publics[37], expressions que le juge administratif privilégie. Il en résulte qu’une même autorité, selon qu’elle agit en qualité d’autorité politique ou d’autorité administrative, est ou non soumise au devoir de neutralité politique. Dans un cas, sa liberté d’expression politique prévaut sur la volonté de donner l’apparence d’un traitement parfaitement égalitaire des citoyens. Cela étant précisé, il faut souligner que cette approche égalitaire et/ou libérale de la neutralité politique semble confirmée par les solutions jurisprudentielles. En effet, l’une des premières applications de l’exigence de neutralité politique provient de l’arrêt Barel de 1954 par lequel le juge administratif a décidé que le fait d’empêcher un candidat de prendre part à un concours de la fonction publique en raison de ses opinions politiques méconnaissait le principe de l’égalité d’accès de tous les Français aux emplois et fonctions publiques[38]. Sans qu’il le relève expressément, c’est bien indirectement un devoir de neutralité qui est ainsi imposé à l’administration ; le but étant d’assurer l’égalité entre agents publics, mais aussi leur liberté d’opinion.
Ces finalités égalitaires et libérales du principe de neutralité politique communale ne doivent pas être oubliées et mériteraient parfois d’être rappelées. Il est même à se demander si la neutralité ne devrait pas être systématiquement rattachée aux principes qui la justifient, de peur que son autonomisation fasse perdre de vue sa raison d’être. Le contentieux relatif à l’apposition de drapeaux est à ce titre édifiant. S’il peut facilement être entendu que le pavoisement d’une mairie d’un drapeau palestinien ou israélien soit susceptible de créer des ruptures d’égalité entre usagers des services publics communaux, ce qui justifie d’imposer le respect de l’exigence de neutralité des services publics, ce n’est pas cet argumentaire quimotive toujours le rendu des solutions jurisprudentielles. En ce qui concerne le pavoisement des mairies du drapeau palestinien, le juge considère généralement, à juste titre, qu’il porte en lui-même les caractéristiques d’un engagement politique traduisant une méconnaissance du devoir de neutralité politique[39]. En revanche, pour refuser de suspendre la décision d’apposer le drapeau ukrainien, le juge a tenu compte du fait que cette démarche s’inscrivait dans le « contexte national de soutien diplomatique, humanitaire et matériel offert à l’Ukraine par l’État français » pouren conclure que la commune n’avait pas méconnu la neutralité politique[40]. Une telle solution est difficilement compréhensible en ce que, dans les deux cas, il y a manifestement expression d’une revendication politique puisqu’il s’agit de prendre parti dans un conflit international. Et dans les deux cas, ces revendications sont susceptibles de faire naître des discriminations au sein de la population locale, ce qui justifie d’appliquer le devoir de neutralité. C’est en ce sens qu’il faut appliquer ce principe et non en se référant à l’existence ou non d’une forme d’habilitation de l’Etat, sauf alors à se positionner sur le terrain de la compétenceIl n’est d’ailleurs pas si évident de conclure que les communes ne disposent d’aucune compétence en matière internationale. L’article L1115-1 du CGCT leur permet ainsi de « mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. » Il n’en demeure pas moins que, ce faisant, elles doivent se conformer à un certain nombre d’obligations. La loi précise d’abord qu’elles doivent respecter les engagements internationaux de la France[42]. Le juge précise ensuite que les actions menées ou soutenues « ne doivent pas interférer avec la conduite par l’État des relations internationales de la France » et ne doivent pas les conduire « à prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. »[43] En conséquence, et dès lors qu’une organisation à laquelle des collectivités accordent leur soutien peut être protéiforme car menant à la fois des actions humanitaires tout en prenant des positions politiques, elles doivent s’assurer que « leur aide sera exclusivement destinée au financement des actions de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire qu’[elles] entendent soutenir, et ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation. »[44] Autrement dit, pour respecter l’exigence de neutralité politique, il suffit aux collectivités de flécher finement et intelligemment les subventions accordées. C’est ainsi que, malgré le caractère éminemment politique de l’association SOS Méditerranée – caractère que le juge a lui-même souligné –, le Conseil d’État a décidé que le conseil départemental de l’Hérault et le conseil de Paris n’avaient pas méconnu l’exigence de neutralité politique en lui accordant des subventions, dès lors qu’il avait bien été prévu que les aides seraient exclusivement destinées au financement d’activités relevant de l’action humanitaire[45]. Malheur donc au conseil municipal de Montpellier qui n’avait pas eu la présence d’esprit de prévoir, notamment dans la convention signée avec l’association, que la subvention allouée devrait exclusivement être réservée à l’action de sauvetage en mer et qui a donc vu sa délibération annulée[46].
La ligne de crête entre ce qui relève d’un engagement politique et ce qui n’en relève pas apparaît alors particulièrement étroite et périlleuse. À ce titre, les motivations jurisprudentielles ne sont pas toujours convaincantes ni très prévisibles. Dans ces conditions, il apparaît primordial de redonner une cohérence et une lisibilité aux décisions rendues en la matière : aucun texte n’exige des communes une neutralité « en soi » ; ce principe ne se conçoit qu’en lien avec l’égalité et/ou la liberté dues aux administrés et, dans une certaine mesure, aux agents. Une autre solution pourrait consister à admettre que la neutralité connaisse des limites permettant aux communes de défendre et promouvoir certaines valeurs.
B. L’étendue du devoir de neutralité politique : admettre des limites
L’obligation de neutralité qui incombe aujourd’hui aux agents publics en vertu de la loi « implique […] de ne pas manifester dans l’exercice de [leurs] fonctions [leurs] opinions politiques, philosophiques ou religieuses de quelque manière que ce soit. »[47] S’agissant précisément de la neutralité politique, les agents communaux ne doivent donc pas manifester leurs opinions politiques au cours du service, tout comme la commune, en tant que personne morale administrative, ne doit pas exprimer de revendications politiques. Reste à savoir ce qui est qualifiable d’opinion « politique ».
En théorie, il pourrait être soutenu que toute idée ou prise de position est potentiellement « politique », dès lors que la politique est partout. André Comte-Sponville l’a parfaitement résumé en ces mots : « Comment ne pas s’intéresser à la politique ? Il faudrait ne s’intéresser à rien, puisque tout en dépend. »[48] Dans une acception large, est « politique » tout ce « qui a trait au gouvernement de la cité, à l’exercice du pouvoir dans un État, à la participation qu’y prennent les citoyens, les organes institués et les partis »[49] et couvre l’ensemble des décisions qui permettent d’organiser le vivre-ensemble[50]. De façon plus restrictive, on pourrait considérer qu’est politique une décision qui contient en elle-même une certaine idéologie partisane. La décision « politique » s’oppose alors à la décision « juridique » (par exemple un jugement) de par « les éléments d’opportunité [qu’elle contient] devant lesquels fléchit la rigueur du raisonnement juridique. »[51] Si l’on s’en tient à cette définition, serait politique – donc contraire au principe de neutralité – toute initiative communale portant en elle une forme d’engagement pour une cause donnée ou de parti pris pour une idéologie. Or nombre de décisions sont susceptibles de répondre à cette qualification. On peut rejoindre Thomas Hochmann qui relève qu’ « il n’est pas neutre d’inscrire “Liberté, Égalité, Fraternité” sur un bâtiment public, d’accrocher – alors même qu’aucune disposition ne l’exige – le drapeau français, d’exposer le visage d’un otage, ou d’un écrivain que l’on estime injustement emprisonné. »[52]. Pour le dire autrement, toutes ces initiatives ont un caractère « politique ». Pourtant, elles ne soulèvent guère de polémiques et ne font pas l’objet de recours contentieux. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’elles prônent certaines valeurs qui font consensus, qui ne sont pas discutées ni même discutables.
Le juge lui-même semble admettre que la neutralité connaisse certaines limites permettant de promouvoir des valeurs libérales. Il suffit de penser au jugement rendu en 2019 par le tribunal administratif de Paris concernant la cause LGBTQ. Dans cette affaire, les associations requérantes contestaient diverses décisions de la mairie de Paris qui avaient été prises en marge de l’organisation, par l’interassociative Inter-LGBT, des « Gay Games », un événement sportif et culturel promouvant les valeurs d’égalité, de diversité et d’inclusion[53]. Parmi ces décisions figuraient celles de pavoiser l’Hôtel de Ville de drapeaux arc-en-ciel et de créer des passages piétons permanents aux mêmes couleurs. Le juge rejeta le recours en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité des services publics et des bâtiments publics[54]. Pour ce faire, tout en reconnaissant que l’Inter-LGBT avait effectivement pour mission « de participer au débat public et de porter des revendications de nature politique », il indiqua que « les initiatives prises [n’étaient] pas uniquement fondées sur une volonté de la ville de Paris d’apporter un soutien politique à ces revendications, mais [avaient] avant tout pour objet d’exprimer un attachement à des valeurs de tolérance et de lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre »[55]. Le juge souligna que ces discriminations étaient prohibées par la loi française et qu’elles faisaient « l’objet d’une attention des pouvoirs publics dans le cadre notamment de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) ». Il prit également en considération le fait que les décisions s’inscrivaient « dans le cadre d’une action en faveur du développement touristique, notamment à l’occasion de l’organisation d’évènements tels que la “Marche des fiertés” […] ou les “Gay Games” ». En définitive, le tribunal décida que « les décisions attaquées ne sauraient être regardées comme revêtant en elles-mêmes un caractère politique non conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques. »[56]
Ce jugement est révélateur de ce que le juge est susceptible d’admettre que les personnes publiques puissent prendre des décisions qui défendent certaines « valeurs », pourtant assimilables en tous points à des décisions « politiques ». On peut alors se demander s’il ne serait pas enclin à s’inscrire dans la défense d’une certaine conception de la démocratie que l’on pourrait qualifier de « libérale ». Cela renvoie au concept de « démocratie militante » par lequel le juriste allemand Karl Loewenstein appelait les démocraties, dans l’une des premières études sur le sujet publiée en 1937, à se doter de mesures destinées à se protéger contre les organisations politiques subversives[57]. Influencée par cette pensée, l’Allemagne d’après-guerre prévit des outils devant permettre d’empêcher la remise en cause du régime démocratique, à l’instar de l’article 21 § 2 de la Loi fondamentale qui qualifie d’inconstitutionnels, « les partis qui, d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne ». C’est ainsi que le Parti communiste allemand a pu être qualifié d’inconstitutionnel dans une décision par laquelle le juge allemand a lui-même repris ce concept de « démocratie militante » (streitbare Demokratie)[58].
En France, si le juge administratif avait pu lui aussi admettre un temps qu’un candidat à la fonction publique puisse voir son accès à celle-ci refusé en raison de ses opinions communistes[59], il s’est par la suite rallié au principe d’égalité qui interdit aux personnes publiques de discriminer à raison des opinions[60]. Le juge ne fait aujourd’hui aucune distinction selon la nature des opinions : même si celles-ci sont susceptibles de mettre en péril le régime libéral en place, elles ne peuvent fonder une décision discriminatoire. On constate alors que la neutralité peut, en un sens, s’avérer néfaste pour la défense de la démocratie. C’est du moins la conception défendue par les constituants allemands de 1949 pour qui « l’échec de la Weimar tenait en particulier au fait que la République était axiologiquement neutre, c’est-à-dire qu’elle donnait la même chance à tous les partis politiques »[61]. Il est vrai qu’en France, la neutralité prend une place de plus en plus importante, ainsi qu’en témoigne l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui rappelle que l’exigence de neutralité des services publics s’impose à toutes les personnes morales gérant un tel service, qu’elles soient publiques ou privées[62], et crée le « déféré-neutralité »[63]. Il y a là un paradoxe : alors que cette loi cherche à affirmer les valeurs républicaines françaises, la neutralité qui y est prônée, en empêchant toute prise de position politique, y compris celles qui, justement, défendent certains principes républicains, va à contre-courant de l’objectif assigné. Soumis à ces exigences législatives, le juge administratif est naturellement tenu de faire respecter ce devoir de neutralité, n’ayant d’autres solutions, lorsqu’il souhaite malgré tout faire prévaloir certains principes libéraux, que de considérer, avec un peu de mauvaise foi, que défendre des « valeurs » n’est pas assimilable à des revendications politiques et n’est donc pas sanctionnable pour violation du devoir de neutralité. Il est pourtant indéniable que même le droit français, à l’image de son homologue allemand, comprend des dispositifs qui défendent une certaine conception de la démocratie ou, plutôt, de la République[64]. Il suffit de citer la possibilité, qui existe depuis 1936, de dissoudre une association qui aurait pour but d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement[65]. Au-delà de la loi, il est possible de trouver des formes de républicanisme militant ailleurs, y compris dans la Constitution même : il suffit de songer au dernier alinéa de l’article 89 de la Constitution qui interdit de réviser « la forme républicaine du Gouvernement », cette notion pouvant recouvrir « un ensemble de valeurs très proche de ce que l’on appelle, ailleurs, l’ordre constitutionnel fondamental »[66]. Cette notion pourrait se rapprocher de celle d’État de droit qui, bien qu’elle fasse l’objet de fortes controverses ces derniers temps, constitue heureusement pour beaucoup encore un horizon indépassable qu’il convient de défendre[67]. Il s’agit en effet de reconnaître la « prééminence du droit » comme faisant « partie intégrante de la société démocratique ; elle impose aux décideurs de traiter toute personne de manière digne, égale et rationnelle, dans le respect du droit et en mettant à sa disposition des voies de recours pour contester la légalité d’une décision devant des juridictions indépendantes et impartiales, selon une procédure équitable. »[68] Avec un peu d’audace, et dans la lignée du jugement du tribunal administratif de Paris mettant en avant les valeurs de tolérance et de lutte contre les discriminations, le juge pourrait alors admettre des entorses à l’exigence de neutralité lorsqu’il s’agit de promouvoir les valeurs intrinsèques à l’État de droit.
II. Le champ d’application organique du principe de neutralité politique au sein des communes
Identifier les personnes à l’égard desquelles doit s’appliquer le devoir de neutralité politique suppose d’abord de s’intéresser à la nature juridique des collectivités territoriales, en tant que personne morale : s’agit-il de purs organes administratifs soumis à l’exigence de neutralité de l’administration et des services publics ; n’abritent-elles pas également des instances politiques à l’égard desquelles ce principe ne saurait s’appliquer ? Répondre à ces questions permet de montrer que si les communes sont avant tout des autorités administratives, elles disposent également d’une certaine marge de manœuvre politique – certes résiduelle (A). Le champ d’application organique nécessite ensuite d’identifier les différentes catégories de personnes physiques qui composent les communes : les élus et les agents publics sont-ils soumis de la même manière au devoir de neutralité ? La réponse est clairement négative, ce qui entraîne une application différenciée de cette exigence à l’égard des personnes physiques communales (B).
A. L’application à la personne morale de la commune : une dimension politique résiduelle
Le principe de neutralité politique, on l’a rappelé, s’applique, en ce qui concerne les personnes morales, à l’administration et aux services publics. Il est en revanche difficilement concevable de l’imposer aux instances politiques qui, par nature et par essence, sont appelées à prendre des positions de nature politique. Reste alors à déterminer la nature juridique de cette catégorie de collectivités territoriales que sont les communes. S’agit-il d’institutions administratives, de services publics et/ou d’organes politiques ? Il est tentant de répondre qu’elles sont des institutions administratives abritant essentiellement des services publics, et uniquement cela. Cependant, on peut se demander si elles ne peuvent pas être appréhendées, dans une certaine mesure, comme des autorités politiques.
Il est indéniable que les communes sont d’abord et avant tout des institutions administratives. Tous les ouvrages consacrés aux institutions administratives réservent une subdivision à l’administration décentralisée de la République et donc aux collectivités territoriales, parmi lesquelles les communes[69]. En synthèse, ces manuels qualifient les communes d’institutions administratives, et plus précisément d’autorités administratives, au sens où elles sont chargées d’administrer un territoire. En sa qualité d’administration, il ne fait alors aucun doute que la personne morale « commune » est soumise au devoir de neutralité politique, lequel est aujourd’hui inscrit à l’article L100-2 du CRPA : « L’administration […] est tenue à l’obligation de neutralité […] ». Elle y est également soumise en tant qu’elle exécute, directement ou indirectement, des missions de service public, activité principale des institutions administratives, aux côtés de la police administrative. C’est ainsi qu’une commune ne peut décider de fermer certains services municipaux en soutien aux actions menées par un collectif d’opposition au dégel du corps électoral sans méconnaître la neutralité des personnes publiques[70]. Le lien avec le service public justifie également que les bâtiments publics des communes les abritant soient soumis au respect du devoir de neutralité politique. C’est ainsi que le juge administratif a annulé la délibération de la commune de Sainte-Anne qui avait approuvé la pose d’un drapeau indépendantiste sur le fronton de la mairie en ce qu’il était le « symbole d’une revendication politique exprimée par certains mouvements présents en Martinique » contraire au « principe de neutralité des services publics »[71]. Il en va de même de l’apposition d’une banderole, au-dessus de l’entrée principale de l’hôtel de ville, portant l’inscription « Grenoble s’engage contre la retraite à 64 ans »[72].
Pour autant, peut-on affirmer avec l’aplomb qui est celui adopté par le professeur Pierre Serrand que « les collectivités territoriales sont seulement des institutions administratives. […] Elles sont seulement chargées d’exercer des missions administratives. »[73] Les communes se distingueraient alors de l’État qui serait d’abord une institution politique, parfois chargée de fonctions administratives. Mais ne pourrait-on pas considérer, dans le même esprit, que les communes sont d’abord des administrations, parfois chargées d’une fonction politique ? Le pouvoir politique se définit comme le « pouvoir suprême dirigeant toute la vie de la société et pour l’exercice duquel sont institués les pouvoirs publics constitutionnels »[74]. Il est évident qu’en France, la Constitution confère d’abord le pouvoir politique au Parlement (pouvoir législatif) et au président de la République et Gouvernement (pouvoir exécutif). Les collectivités territoriales ne disposent a priori pas d’un réel pouvoir législatif ni réglementaire et n’auraient ainsi aucune autonomie politique. Plusieurs éléments en attestent effectivement.
En premier lieu, le principe de libre administration des collectivités territoriales est assimilable à une simple « liberté de gestion » excluant toute possibilité de « libre gouvernement »[75]. Il est vrai que même si le Conseil constitutionnel a pu faire preuve d’une « innovation majeure » en voyant dans ce principe une « interdiction faite au législateur d’y apporter des restrictions qui le remettraient en cause »[76], les conséquences qu’il en a tirées demeurent limitées et conduisent essentiellement à s’assurer que les collectivités territoriales disposent d’un seuil minimal de compétences décentralisées et d’un seuil minimal de ressources locales[77].
En deuxième lieu, la reconnaissance d’un pouvoir réglementaire au profit des collectivités territoriales, d’abord dans la Constitution[78] puis dans la loi[79], n’est en rien la consécration d’un pouvoir autonome : le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales est habilité par la loi et demeure « subsidiaire et complémentaire » à celui du Premier ministre[80].
En troisième lieu, la reconnaissance par le Conseil constitutionnel du caractère politique des élections locales[81] a essentiellement des conséquences sur les modalités de suffrage : elle justifie par exemple d’appliquer les règles de définition du corps électoral en référence à la citoyenneté française et d’appliquer le principe d’égalité du suffrage. Elle n’a pas pour effet de conférer automatiquement un caractère politique aux organes collégiaux issus de ces élections.
En quatrième et dernier lieu, en dépit d’une clause générale de compétence, les communes doivent respecter la répartition des compétences entre pouvoirs constitutionnels. Elles ne sauraient dès lors empiéter sur les prérogatives de l’État, que ce soit en s’immisçant dans le domaine législatif[82] ou exécutif[83].
Pour autant, il ne peut être totalement exclu que les collectivités territoriales, et en particulier les communes, aient une certaine dimension politique. Elles peuvent ainsi exprimer des vœux politiques voire, dans certains cas, prendre des décisions politiques.
Tout d’abord, les collectivités territoriales peuvent désormais exprimer des vœux à caractère politique. Alors que l’article 72 de la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation communale, plus tard codifié à l’article L121-29 du code des communes, interdisait à tout conseil municipal d’émettre de tels vœux politiques, le législateur a abrogé ces dispositions en 1982[84]. En 2009, le Conseil d’État a alors jugé qu’un conseil départemental avait pu exprimer « son opposition aux essais et cultures en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire du département », en se fondant pour ce faire sur la clause générale de compétences dont les départements disposaient alors[85]. Plus récemment, la Haute juridiction a encore plus clairement affirmé la possibilité pour les collectivités territoriales d’adopter des vœux à caractère politique, y compris en dehors de leurs champs d’attribution pour les collectivités qui ont perdu leur clause générale de compétences[86]. Il a en effet jugé que le législateur devait « être regardé comme ayant, [en 1982], implicitement mais nécessairement, reconnu la faculté, pour les organes délibérants des collectivités territoriales, de formuler des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention, y compris de nature politique, sans la restreindre aux domaines de compétence que la loi leur attribue, pourvu qu’ils portent sur des objets présentant un intérêt public local. »[87] Dans le cas d’espèce, le département avait donc pu adresser au Gouvernement « différents souhaits relatifs à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale, notamment en ce qui concerne la Seine-Saint-Denis »[88]. Ainsi, même s’il s’agit pour les collectivités territoriales de prendre parti, le devoir de neutralité ne s’impose pas aux vœux. Une telle approche peut paraître problématique dans le sens où, même s’ils sont dépourvus d’effets décisoires, les vœux politiques conduisent à adopter une position partisane, ce qui peut faire craindre aux citoyens un traitement différencié selon leurs propres convictions. Cela étant, les vœux étant en principe dépourvus de toute portée décisoire, ils ne sauraient être proprement discriminatoires ni attentatoires aux libertés d’opinion et de conscience. En outre, la suppression des vœux politiques, souhaitée par les parlementaires lors de l’adoption de la loi Defferre, a le mérite de renforcer la décentralisation et de permettre aux collectivités territoriales d’asseoir leurs positions politiques à l’égard de l’État.
Ensuite, il n’est pas totalement exclu que les communes puissent adopter de véritables décisions à caractère politique sans qu’elles ne soient contraintes par le devoir de neutralité. Cela résulte de ce qu’elles continuent de bénéficier, à la différence des départements et des régions, d’une clause générale de compétences. La loi reconnaît en effet au conseil municipal le soin de régler « par ses délibérations les affaires de la commune »[89], disposition interprétée par le juge comme l’habilitant « à statuer sur toutes les questions d’intérêt public communal, sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à l’État ou à d’autres personnes publiques et qu’il n’y ait pas d’empiètement sur les attributions conférées au maire »[90]. Comme l’explique Marie-Christine Rouault, « l’intérêt local recouvre un champ plus étendu, recouvre une réalité plus vaste que les compétences, les affaires locales. Les compétences, les attributions d’une collectivité territoriale sont celles que leur reconnaît le législateur, alors que l’intérêt local est celui qui importe à une collectivité, à l’être collectif que constitue cette collectivité, commune, département ou région, à ses habitants »[91]. Selon cette définition de l’intérêt public local, il serait alors possible pour une commune de délibérer sur toute question qui importerait à sa population, quand bien même elle serait de nature politique, dès lors qu’elle n’empièterait pas sur les prérogatives de l’État. Bertrand Faure souligne encore : « On ne sait pas assez quelle place occupe la clause générale. Elle est à la commune ce que la capacité est à l’individu. Elle lui donne le droit de rompre le lien d’obéissance qui l’unit aux lois d’habilitation et de s’écarter d’un rôle purement exécutif, loi par loi, chapitre par chapitre, article par article. […] [Les autorités municipales] n’agissent donc pas dans le cadre de la décentralisation, référence en négatif à l’État, mais plutôt selon une théorie de l’auto-administration par laquelle la collectivité fait spontanément face à ses besoins propres. »[92] Dans ces conditions, les communes pourraient, lorsqu’il ne s’agit pas pour elles d’appliquer mécaniquement leurs attributions ou d’exécuter un service public – auquel cas l’exigence de neutralité imposée à toute administration et service public s’applique –, et sans empiéter sur les compétences étatiques – auquel cas elles seraient incompétentes – adopter des décisions politiques qui les concernent, c’est-à-dire qui poursuivent « l’intérêt public local ». Reste que les hypothèses sont sans doute rares, tant les conditions et réserves sont nombreuses.
B. L’application aux personnes physiques composant la commune : une mise en œuvre différenciée
Les communes, en raison de leur double caractère administratif et, dans une certaine mesure, politique, sont composées à la fois d’agents et d’élus. Ces deux catégories de personnes physiques ne sont pas soumises de la même façon au principe de neutralité.
S’agissant tout d’abord des agents, le droit est clair : ils doivent respecter l’obligation de neutralité politique. Cela ne fait aucun doute concernant les agents publics, d’autant plus depuis que la loi prévoit expressément qu’ils sont tenus, « dans l’exercice de [leurs] fonctions, […] à l’obligation de neutralité »[93]. Cette obligation s’impose de manière indifférenciée aux agents titulaires et aux non titulaires, c’est-à-dire aux fonctionnaires comme aux agents contractuels de droit public et aux stagiaires. Il est alors possible de sanctionner disciplinairement un agent public territorial pour méconnaissance de l’exigence de neutralité politique ou de licencier un stagiaire pour insuffisance professionnelle aux mêmes motifs[94]. La soumission des salariés de droit privé à cette même exigence, travaillant pour le compte d’un service public et, en particulier, d’un service public à caractère industriel et commercial, ne fait aujourd’hui plus guère de doute non plus, quand bien même le champ d’application des « lois de Rolland » a pu, un temps, être discuté[95]. En 2013 déjà, la Cour de cassation avait jugé que la neutralité religieuse s’appliquait aux salariés travaillant au sein d’un service public géré par une personne privée[96]. À plus forte raison, une même solution s’applique pour les salariés de droit privé affectés à un SPIC géré par une personne publique. La loi de 2021 est aujourd’hui sans ambiguïté et a le mérite de simplifier la situation : « Lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu […] de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquels il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu’ils participent à l’exécution du service public, s’abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses […] »[97]. Les agents territoriaux, quelle que soit la catégorie juridique à laquelle ils appartiennent (agent public ou salarié), sont dans la très grande majorité des cas affectés à l’exécution d’un service public : l’application à leur égard du devoir de neutralité politique se conçoit alors parfaitement, dans une logique de « neutralité-égalité-liberté » devant profiter aux usagers du service public.
S’agissant ensuite des élus, aucun texte ne leur impose le respect d’un quelconque devoir de neutralité politique. La charte de l’élu local, créée en 2015, n’en fait pas mention[98]. Le texte prévoit seulement que tout membre du conseil municipal élu au suffrage universel « exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité » et qu’il « poursui[ve] le seul intérêt général ». Le juge en déduit que la neutralité religieuse – la laïcité –, qui s’impose aux agents publics, ne s’impose pas aux élus locaux. La Cour de cassation a été la première à l’affirmer en 2010 en rejetant le recours dirigé contre l’arrêt de la juridiction d’appel qui avait elle-même confirmé la condamnation pénale du maire de Montreuil pour discrimination par une personne dépositaire de l’autorité publique[99]. Dans cette affaire, le maire avait refusé d’octroyer la parole à une élue lors de la réunion d’un conseil municipal parce qu’elle portait une croix chrétienne qu’il considérait comme étant contraire au principe de laïcité. La Cour de cassation n’a rien trouvé à redire à l’appréciation de la Cour d’appel qui avait relevé « qu’aucune disposition législative, nécessaire en vertu de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, pour que les restrictions soient apportées à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, ne permet au maire d’une commune, dans le cadre des réunions du conseil municipal, lieu de débats et de confrontations d’idées, d’interdire aux élus de manifester publiquement, notamment par le port d’un insigne, leur appartenance religieuse »[100]. Quelques mois plus tard à peine, le Conseil d’État a refusé de renvoyer, pour défaut de nouveauté et de caractère sérieux, la question tirée de l’inconstitutionnalité de dispositions du code électoral en ce qu’elles ne prévoyaient pas que le fait, pour un candidat aux élections de conseiller régional, de faire état de ses convictions religieuses soit une cause d’inéligibilité : « aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n’impose que soient exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l’occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses »[101]. Il en résulte que le législateur n’a pas à interdire à des candidats aux élections locales de respecter le devoir de neutralité religieuse. Il ne le prévoyait effectivement pas en 2010, et ne le prévoit pas davantage aujourd’hui, en dépit du contexte actuel. C’est ce qu’a confirmé récemment le tribunal administratif de Grenoble qui a indiqué que « la liberté des élus municipaux d’exprimer leurs convictions religieuses ne peut être encadrée que sur le fondement de dispositions législatives particulières prévues à cet effet. Or, il ne résulte ni des dispositions citées au point 11 [notamment celles de la loi de 1905], ni d’aucune autre disposition législative que le principe de neutralité religieuse s’applique aux élus locaux. »[102] En conséquence, le règlement intérieur du conseil municipal ne pouvait interdire, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion. Cette interprétation est confirmée par la charte relative à la « laïcité et collectivités publiques » de l’Observatoire de la laïcité, publié sous l’égide des services du Premier ministre, qui énonce que « si le principe de neutralité du service public fait obstacle à ce que des agents ou des salariés exécutant une mission de service public manifestent leurs croyances religieuses, ni la jurisprudence, ni la loi n’étend aux élus cette interdiction. »
La jurisprudence est donc claire s’agissant de la neutralité religieuse : en l’absence de loi l’imposant, elle ne s’applique pas aux élus locaux. Qu’en est-il de la neutralité politique ? La réponse paraît devoir être la même dans la mesure où les membres des conseils municipaux sont élus dans le cadre, on le rappelle, d’élections à caractère politique. Les candidats font alors campagne, le tout en se prévalant bien souvent d’une affiliation à un parti politique dont ils défendent les opinions. Dans ces conditions, il paraît difficilement envisageable de les soumettre à un quelconque devoir de neutralité politique. Comme en matière de neutralité religieuse, le droit ne le prévoit d’ailleurs pas : aucune disposition législative, ni plus encore constitutionnelle, n’empêche aujourd’hui les conseillers municipaux d’exprimer leurs opinions politiques. La question se pose cependant de savoir où s’arrête la liberté d’expression politique des élus ? Comme l’a parfaitement bien souligné la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt, on le rappelle, confirmé par la Cour de cassation, le conseil municipal est un « lieu de débats et de confrontations d’idées »[103]. La liberté d’expression politique doit donc y être totale – dans le respect des interdictions pénales – et ne saurait être limitée par une quelconque exigence de neutralité. Cependant, en dehors de l’organe délibératif, il est moins aisé de justifier l’absence d’application du principe de neutralité. En effet, il y a dans ce cas le risque que la parole de l’élu soit assimilée à celle de la personne morale de la commune et donc à l’administration ou aux services publics qu’elle abrite. L’expression d’opinions politiques risquerait alors de porter atteinte à l’égalité et à la liberté des usagers, finalités légitimes de l’exigence de neutralité politique. Il en va en particulier ainsi lorsque c’est le maire qui s’exprime, lequel, de par son statut singulier au sein de la collectivité, représente la commune et est supposé s’exprimer en son nom. C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme a pu préciser, dans une affaire dans laquelle un maire avait été condamné par le juge pénal français pour provocation à la discrimination en raison de l’appel au boycott de produits israéliens, qu’ « en sa qualité de maire, le requérant avait des devoirs et des responsabilités. Il se doit, notamment, de conserver une certaine neutralité et dispose d’un devoir de réserve dans ses actes lorsque ceux-ci engagent la collectivité territoriale qu’il représente dans son ensemble. »[104] Le devoir de neutralité doit encore s’appliquer aux élus locaux lorsqu’ils participent à une mission de service public. Le Conseil constitutionnel l’a expressément affirmé en jugeant que les officiers d’état civil, « que sont les maires et adjoints » lorsqu’ils célèbrent un mariage, « doivent appliquer la loi relative au mariage de personnes du même sexe et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil. »[105]
*
L’étude du principe de neutralité politique appliqué aux communes montre que cette exigence s’applique à elles de façon originale en raison de leur caractère polymorphe. Si elles sont essentiellement des administrations, le plus souvent gestionnaires de services publics, soumises à ce titre à une stricte neutralité politique dans le but de protéger ses agents et, surtout, ses usagers, elles ont également une dimension politique. Il en résulte que leur instance délibérative peut émettre des vœux politiques, voire des décisions politiques dans certains cas particuliers. De même, leurs élus ne sont pas systématiquement soumis à une exigence de neutralité contrairement à leurs agents, sauf lorsqu’ils s’expriment au nom de la commune ou participent à une mission de service public.
[1] TA Cergy-Pontoise, ord., 20 septembre 2025, Préfet des Hauts-de-Seine, n° 2516999 ; TA Melun, 21 juin 2025, ord., Préfet de Seine-et-Marne, n° 2508546 ; TA Cergy-Pontoise, 20 juin 2025, Préfet des Hauts-de-Seine, n° 2510707 ; CE, 21 juill. 2025, Commune de La Courneuve, n° 506299.
[2] TA Nice, ord., 25 juin 2025, n° 2503174.
[3] Voir, par ex., Caroline Deschamps, « Plus d’une cinquantaine de mairies hissent le drapeau palestinien malgré l’opposition du ministère de l’Intérieur », Public Sénat, 22 septembre 2025, en ligne : https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/plus-dune-cinquantaine-de-mairies-hissent-le-drapeau-palestinien-malgre-lopposition-du-ministere-de-linterieur-0
[4] « SOS Méditerranée : le bateau citoyen », ARTE Reportage, 2016, en ligne : https://educ.arte.tv/program/arte-reportage-sos-mediterranee-le-bateau-citoyen
[5] CE, 21 juill. 2025, Commune de La Courneuve, n° 506299.
[6] CE Sect., 13 mai 2024, n° 474507 ; CE Sect., 13 mai 2024, Association SOS Méditerranée et Ville de Paris, n° 472155 et 473817 ; CE Sect., 13 mai 2024, n° 474652.
[7] Au sens du CRPA, l’administration regroupe « les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale » (art. L100-3).
[8] L. du 24 août 2021 préc., art. 1er.
[9] CE, avis, 3 mai 2000, Mlle Marteaux.
[10] CE, 15 nov. 2022, n° 451523.
[11] Cons. const., n° 2012-297 QPC du 23 févr. 2013, Assoc. pour la promotion et l’extension de la laïcité.
[12] Cons. const., n° 86-217 DC du 19 sept. 1986, Loi relative à la liberté de communication.
[13] On peut malgré tout citer l’ouvrage de deux avocats sur La neutralité politique des collectivités territoriales, mais celui-ci ne traite pas exclusivement des communes (Jérémie Boulay et Estelle Camber-Rougé, La neutralité politique des collectivités territoriales. L’obligation institutionnelle de ne pas prendre parti, Berger Levrault, 2016).
[14] De nombreuses contributions portent sur la neutralité religieuse mais peu sur la neutralité politique.
[15] TA Nice, ord., 25 juin 2025, n° 2503174 : pour le drapeau israélien.
[16] TA Versailles, 20 déc. 2024, n° 220847).
[17] TA de Paris, 17 mai 2019, Associations des contribuables parisiens et franciliens et Aimer Paris, n° 1813863/4-2.
[18] A. Briand, Rapport fait au nom de la commission relative à la séparation des églises et de l’État et à la dénonciation du concordat, Chambre des députés, Paris, 1905, p. 2.
[19] L. du 9 déc. 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, art. 1er
[20] Id, art. 2.
[21] L.-V. Méjan, La Séparation des Églises et de l’État. L’œuvre de Louis Méjan, dernier directeur de l’administration autonomie des cultes, Paris, PUF, 1959, p. 168 ; cité par N. Bouyer, Le fait religieux et l’égalité en droit public français, Droit, Université Toulouse Capitole, 2024, p. 174
[22] A. Briand, Rapport fait au nom de la commission relative à la séparation des églises et de l’Etat et à la dénonciation du concordat, préc., p. 3
[23] P. Weil, De la laïcité en France, Grasset, Paris, 2021, p. 29.
[24] CE ordo., 26 août 2016, Commune de Villeneuve-Loubet et CE, ordo., 26 septembre 2016, Commune de Cagnes-sur-Mer.
[25] CE, 11 décembre 2020, Commune de Chalon-Sur-Saône.
[26] CE, 29 juin 2023, Alliance citoyenne et Contre-Attaque et autres, n° 458088.
[27] L. n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, créant un art. L141-5-1 au sein du code de l’éducation.
[28] L. n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
[29] L. du 9 déc. 1905, préc., art. 1er.
[30] Par ex., A. Ondoua, « Le service public à l’épreuve de la laïcité : à propos de la neutralité religieuse dans les services publics », Droit adm., 2008, n° 12, étude 22 ; V. Donier, « Les lois du service public : entre tradition et modernité », RFDA, 2006, p. 1219.
[31] J.-F. Lachaume, H. Pauliat, C. Deffigier et A. Virot-Landais, Droit des services publics, LexisNexis, 2024, 5e éd., p. 687.
[32] L. n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, modifiant l’art. 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aujourd’hui abrogée.
[33] L. du 24 août 2021, préc., art. 1er.
[34] G. Cornu, « Conscience (-*liberté de) », Vocabulaire juridique, PUF, 2024, 15e éd., p. 240.
[35] Cons. const., n° 2012-297 QPC du 23 févr. 2013, préc.
[36] Par ex., TA Nouvelle-Calédonie, 24 oct. 2024, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, n° 2400329.
[37] Par ex., CE, avis, 3 mai 2000, préc.
[38] CE, ass., 28 mai 1954, Barel.
[39] Par ex., TA Besançon, 26 juin 2025, préc et TA Cergy-Pontoise, 20 juin 2025, préc…
[40] TA Versailles, 20 décembre 2024, préc.
[41] Il est cependant a priori impossible pour le juge de se prononcer sur un tel moyen d’incompétence dans le cadre du déféré-neutralité alors qu’il est demandé au juge de suspendre une décision pour un motif bien précis, à savoir une atteinte grave au principe de neutralité. C’est ainsi que le tribunal administratif de Besançon a précisé, alors qu’il était saisi dans le cadre du déféré-neutralité d’un moyen tenant à l’incompétence de l’auteur de la décision, que « l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient des dispositions de l’avant-dernier alinéa de l’article L.2131-6 du CGCT est seulement subordonné à la condition que l’acte dont la suspension est demandée par le préfet soit de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, cette condition constituant une condition de fond » (TA Besançon, 26 juin 2025, préc.).
[42] CGCT, art. L1115-1.
[43] CE Sect., 13 mai 2024, n° 474507 ; CE Sect., 13 mai 2024, préc., n° 472155 et 473817 ; CE Sect., 13 mai 2024, n° 474652.
[44] Ibid.
[45] CE Sect., 13 mai 2024, n° 474507 et CE Sect., 13 mai 2024, préc., n° 472155 et 473817.
[46] CE Sect., 13 mai 2024, n° 474652.
[47] CE, 15 nov. 2022, préc.
[48] A. Comte-Sponville, Pensées sur la politique, Carnets de philosophie, 2000.
[49] G. Cornu, Vocabulaire juridique, préc., p. 781.
[50] A. Comte-Sponville, Pensées sur la politique, préc.
[51] P. Avril, « Le Conseil constitutionnel », Pouvoirs, 1991, p. 3.
[52] T. Hochmann, « Un maire peut-il légalement afficher un drapeau palestinien ou israélien sur sa mairie ? », Le club des juristes, 3 juillet 2025.
[53] València Gay Games XII, 2026, en ligne : https://www.gaygamesvalencia2026.com/en/
[54] TA de Paris, 17 mai 2019, préc.
[55] Ibid.
[56] Ibid.
[57] K. Loewenstein, « Militant Democracy and Fundamental Rights I », APSR, Vol. 31, n° 3, 1937, p. 417-432, cité par A. Berthout, La démocratie militante – Étude comparée d’une doctrine constitutionnelle, IFDJ, 2025, p. 1
[58] BVerfGE 5, 85, 17 août 1956, KPD-Verbot, p. 139 ; A. Berthoud, préc., p. 23
[59] CE, sect., 29 juill. 1953, Lingois, n° 22389.
[60] CE, Barel, préc.
[61] A. Simard, in « La “démocratie militante”, cette notion qui permet aux démocraties de se défendre contre leurs ennemis intérieurs », Le Monde, 25 juin 2025.
[62] L. du 24 août 2021, préc., art. 1er.
[63] Id., art. 5.
[64] V. Gazagne-Jammes, « Le républicanisme militant, une certaine conception de la démocratie militante française. Réflexions autour du projet de loi confortant le respect des principes républicains », RDLF, 2021, chron. n° 09.
[65] Code de la sécurité intérieure, art. L212-1.
[66] L. Favoreu, P. Gaïa, R. Ghevotian, J.-L. Mestre, O. Pfersmann, A. Roux et G. Scoffoni, Droit constitutionnel, Dalloz, coll. Précis, 2026, p. 147.
[67] À ce sujet, voir J. Benetti, T. Hochmann et N. Molfessis (dir.), « Qui en veut à l’État de droit ? », Pouvoir, Seuil, n° 193, avril 2025.
[68] Rapport sur la prééminence du droit, Conseil de l’Europe, Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), 86e session plénière, Venise, 25-26 mars 2011, p. 5.
[69] Par ex., P. Serrand, Manuel d’institutions administratives françaises, PUF, 7e éd., 2024 ; H. Oberdorff et N. Kada, Les institutions administratives, Lefebvre Dalloz, coll. Sirey Université, 2023 ; O. Gohin et J.-G. Sorbara, Institutions administratives, LGDJ, 2022 ; M. Delamarre, L’administration et les institutions administratives, La Documentation française, 2022.
[70] TA Nouvelle-Calédonie, 24 oct. 2024, préc.
[71] CE, 27 juill. 2005, Commune de Sainte-Anne, n° 259806.
[72] TA Grenoble, ord., 29 mars 2023, n° 2301656.
[73] P. Serrand, Manuel d’institutions administratives françaises, préc., p. 190.
[74] G. Cornu, « Politique », Vocabulaire juridique, préc., p. 781.
[75] L. Favoreu, « Libertés locales et libertés universitaires. Les décisions du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1984 », RDP, 1984, p. 687.
[76] B. Faure, Droit des collectivités territoriales, Dalloz, coll. Précis, 2023, p. 32.
[77] Ibid.
[78] Constitution, art. 72
[79] CGCT, art. L.1111-2 tel que modifié par l’article 5 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
[80] L. Janicot, « La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, une loi de circonstances », Droit administratif, n° 7, juillet 2022, étude 9.
[81] Cons. const., 18 nov. 1982, n° 82-146 DC, Loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.
[82] Par exemple, une commune ne peut consulter les électeurs au sujet du maintien sur le territoire de la commune de populations étrangères, CE, 16 nov. 1994, Commune d’Awala-Yalimapo, n° 148995.
[83] Par exemple, un président de département ne peut diffuser une plaquette appelant à voter « non » au référendum portant sur le traité de Maastricht, CE, 25 avr. 1994, Président du conseil général du Territoire de Belfort, n° 145874.
[84] L. n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, art. 58.
[85] CE, 30 déc. 2009, Département du Gers, n° 398514.
[86] L. n° 2015-991 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
[87] CE, 4 avril 2025, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 472245.
[88] Ibid.
[89] CGCT, art. L.2121-29.
[90] CE Ass., 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Barœul, n° 193716.
[91] M.-C. Rouault, « L’intérêt public local légitime tous les vœux », Dalloz actualité, 30 avril 2025.
[92] B. Faure, Droit des collectivités territoriales, préc., p. 689.
[93] L. du 20 avril 2016 préc., modifiant l’art. 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aujourd’hui codifié à l’art. L121-2 du CGFP.
[94] Voir, par ex., CAA Lyon, 12 déc. 1995, n° 94LY00695 : sur la légalité de la décision du maire d’Annecy de licencier un gardien de la police municipale alors stagiaire pour, entre autres, son « absence de neutralité politique ».
[95] Voir, en ce sens, J. Arroyo, « Le champ d’application des lois de Rolland », RFDA, 2021, p. 967.
[96] Cour de cassation, ch. Soc., 19 mars 2013, Mme X, n° 12-11.690 ; Cour de cassation, ch. soc., 19 mars 2013, Baby Loup, n° 11-28.845.
[97] L. du 24 août 2021, préc., art. 1er.
[98] CGCT, art. L.1111-1-1 créé par l’art. 2 de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
[99] Crim. 1er sept. 2010, n° 10-80.584, Brard.
[100] CA Paris, 8 juill. 2010.
[101] CE, 23 déc. 2010, A.W.S.A. France, n° 337899.
[102] TA Grenoble, 7 juin 2024, n° 2100262.
[103] CA Paris, 8 juill. 2010, préc., confirmé par Crim. 1er sept. 2010, préc.
[104] CEDH, 16 juill. 2009, Willem c. France, n° 10883/05, § 37
[105] Cons. const., n° 2013-353, QPC, 18 octobre 2013.