La justice constitutionnelle en Afrique et la question de l’indépendance : étude comparée des modèles francophone et anglophone
La justice constitutionnelle occupe une place centrale dans la consolidation de l’État de droit en Afrique. Pourtant, son indépendance reste fragile et souvent compromise par les influences politiques, particulièrement dans les pays francophones où l’héritage du Conseil constitutionnel français prédomine. En comparaison, les pays anglophones, inspirés de la Common law, offrent une justice constitutionnelle plus autonome mais confrontée à d’autres défis, notamment l’instabilité institutionnelle et la politisation de la magistrature. Cette étude, en croisant les modèles francophone et anglophone, interroge les fondements de l’indépendance des juridictions constitutionnelles et propose des pistes de réforme en vue d’un constitutionnalisme africain authentique et durable.
Constitutional justice plays a central role in strengthening the rule of law in Africa. However, its independence remains fragile and often compromised by political influence, particularly in francophone countries where the legacy of the French Constitutional Council prevails. In comparison, anglophone countries, inspired by common law traditions, offer more autonomous constitutional courts, yet face other challenges such as institutional instability and politicization of the judiciary. By comparing francophone and anglophone models, this study questions the foundations of judicial independence in constitutional matters and suggests reforms for an authentic and sustainable African constitutionalism.
Par Joseph Valerie Evina, Docteur Ph.D en droit public, Assistant à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université d’Ébolowa au département de droit public (Cameroun).
Introduction
L’indépendance de la justice constitutionnelle constitue l’une des pierres angulaires de l’État de droit en Afrique contemporaine[1]. Depuis l’avènement du constitutionnalisme moderne dans les années 1990, consécutif aux vagues de transitions démocratiques, les juridictions constitutionnelles sont devenues les arbitres des conflits politiques et les garanties de la suprématie de la Constitution[2]. Toutefois, la réalité révèle une indépendance inégale, souvent tributaire du contexte politique et des modèles juridiques hérités de la colonisation[3].
Dans les pays francophones, la prééminence du conseil constitutionnel français, conçu en 1958 pour être un << organe de régulation>> de l’exécutif et du législatif, continue de marquer les institutions[4]. Les Conseils constitutionnels ou Cours constitutionnelles africains reproduisent en grande partie cette architecture, où la nomination politique des membres et l’absence de garanties statutaires solides limitent l’autonomie de ces organes[5]. À l’inverse, dans les pays anglophones, la tradition de la Common law confère aux juridictions suprêmes ou constitutionnelles un rôle plus affirmé d’arbitres impartiaux, disposant de la compétence du contrôle diffus et de l’exception d’inconstitutionnalité[6].
Cette différence structurelle conduit à des effets institutionnels nettement différenciés : tandis que le juge constitutionnel francophone reste souvent perçu comme un acteur au service des régimes en place[7], le juge anglophone bénéficie d’une légitimité plus forte, mais n’échappe pas non plus aux pressions politiques, surtout lors des crises électorales ou des transitions autoritaires[8].
La problématique de cette étude peut donc se formuler ainsi : dans quelle mesure l’indépendance de la justice constitutionnelle est-elle garantie en Afrique, et comment les modèles francophone et anglophone influencent-ils cette indépendance ? Nous faisons l’hypothèse que, si le modèle anglophone offre davantage de garanties institutionnelles, les défis structurels communs à l’Afrique affectent dans les deux cas l’effectivité de cette indépendance.
Dès lors, il s’agira dans un premier temps, d’examiner les fondements institutionnels des juridictions constitutionnelles africaines en mettant en lumière les spécificités des modèles francophone et anglophone (I), avant d’analyser les défis relatifs à leur indépendance et les contrastes qu’ils présentent (II).
I- Les fondements institutionnels de la justice constitutionnelle en Afrique : entre modèles hérités et adaptations locales
L’organisation de la justice constitutionnelle en Afrique ne s’est pas élaborée en vase clos : elle procède d’une transplantation institutionnelle issue des anciennes puissances coloniales, avant de subir des ajustements aux réalités politiques et sociales du continent. Deux grandes orientations se dessinent. D’une part, dans les États francophones, s’est imposé le modèle du Conseil constitutionnel, conçu sur l’exemple français et marqué par une institutionnalisation distincte du pouvoir judiciaire classique (A). D’autre part, dans les systèmes anglophones, prévaut le modèle de la Cour suprême ou de la Cour constitutionnelle, calqué sur la logique de la Common law et inspiré de la tradition américaine du judicial review (B).
A- Les systèmes francophones : le modèle du Conseil constitutionnel
Dans les pays d’Afrique francophone, la justice constitutionnelle s’est construite dans le sillage du modèle français instauré en 1958. D’une part, l’origine et la logique du modèle français exporté (1) permettent de comprendre la philosophie institutionnelle transposée en Afrique, où la justice constitutionnelle n’est pas confiée aux juridictions ordinaires mais à un organe spécifique, distinct et spécialisé. D’autre part, l’étude des caractéristiques du modèle francophone (2) révèle les particularités de son fonctionnement sur le continent, qu’il s’agisse de la compétence en matière de contrôle de constitutionnalité, du règlement des contentieux électoraux ou encore de son rapport étroit avec le pouvoir exécutif.
1- Origine et logique du modèle français exporté
Le modèle francophone de justice constitutionnelle en Afrique est indissociable de l’héritage de la Constitution française de 1958, qui institua un Conseil constitutionnel à la fois juridiction et organe politique[9]. Sa mission initiale était moins de protéger les droits fondamentaux que de réguler les rapports entre le législatif et l’exécutif[10]. Cette logique a été transposée dans les pays francophones africains, notamment au Cameroun, au Tchad, au Mali ou au Sénégal, lors des indépendances et des révisions constitutionnelles ultérieures[11]. Il convient toutefois de rappeler que certains États comme le Cameroun ne sauraient être classés strictement dans le groupe des pays d’Afrique francophones d’héritage unique. En effet, le Cameroun résulte d’une double colonisation française et britannique, ce qui en fait un État officiellement bilingue et bijuridique. Cette réalité historique empêche de considérer son architecture juridictionnelle comme la simple reproduction du modèle français.
Toutefois, cette transposition a souvent été réalisée sans tenir compte des contextes politiques africains, marqués par des régimes présidentialistes forts et une culture de la personnalisation du pouvoir[12]. Ainsi, le juge constitutionnel francophone s’est retrouvé instrumentalisé dans de nombreux cas pour légitimer les révisions constitutionnelles ou valider des élections contestées[13].
L’exportation du modèle français de justice constitutionnelle en Afrique francophone s’explique par le rapport historique et juridique que ces pays entretenaient avec la France au moment des indépendances. En effet, l’architecture institutionnelle des jeunes États africains a été largement inspirée par la Ve République, qui offrait une organisation du pouvoir marquée par une prééminence de l’exécutif et un rôle régulateur attribué au Conseil constitutionnel[14]. Ce choix traduisait une volonté de stabilisation politique dans un contexte où l’héritage colonial avait laissé des structures étatiques fragiles et parfois artificielles[15].
Cependant, l’importation de ce modèle n’a pas été exempte de déformations. En France, la logique initiale de la justice constitutionnelle visait essentiellement à arbitrer les conflits de compétence entre les pouvoirs publics[16] et à éviter l’instabilité politique. La protection des droits fondamentaux ne fut véritablement affirmée qu’à partir de la décision historique du 16 juillet 1971, dite << Liberté d’association>>, qui reconnut une valeur constitutionnelle au Préambule de 1946[17]. Dans les pays africains, au contraire, les constitutions post-coloniales n’ont pas immédiatement intégré cette dimension protectrice des droits, privilégiant la consolidation des régimes politiques[18].
Au Cameroun, par exemple, la Constitution du 2 juin 1972, révisée à plusieurs reprises, a institué un Conseil constitutionnel qui ne fut mis en place qu’en 2018[19], soit près d’un demi-siècle après sa proclamation. Cette mise en oeuvre tardive illustre une disjonction entre le modèle constitutionnel et le fonctionnement effectif des institutions. Dans des pays comme le Sénégal, le Conseil constitutionnel est apparu plus tôt en 1963, mais il a souvent été critiqué pour son alignement sur le pouvoir exécutif, notamment lors des élections présidentielles de 2000 et de 2012[20].
L’une des principales critiques adressées à cette importation est l’inadéquation contextuelle aux réalités sociopolitiques locales. Dans de nombreux États africains francophones, les Constitutions ont servi moins de cadre de limitation du pouvoir que d’outil de sa légitimation. Ainsi, les juges constitutionnels, loin de se présenter comme des gardiens impartiaux des normes suprêmes, se sont fréquemment transformés en instruments de validation des révisions constitutionnelles visant à prolonger les mandats présidentiels[21]. C’est le cas au Tchad avec la réforme de 2005 qui a supprimé la limitation des mandats[22], ou encore au Cameroun en 2008 où la suppression de la limitation a été entérinée par le Parlement et implicitement consolidée par l’organe constitutionnel[23]. Dans des États hybrides comme le Cameroun, cette situation présente une singularité notable : si l’organisation de la Cour suprême révèle encore des influences britanniques liées à l’héritage du Common law dans les régions anglophones, la justice constitutionnelle n’en demeure pas moins calquée sur le modèle français. Ainsi, l’hybridité du système n’a pas affecté la structure du contrôle de constitutionnalité, qui reste intégralement d’inspiration francophone.
De plus, la logique présidentialiste fortement enracinée dans les systèmes africains a accentué la personnalisation du pouvoir[24], limitant ainsi l’indépendance effective des juges constitutionnels. Les nominations de ces derniers, souvent contrôlées par le chef de l’État, réduisent considérablement les garanties d’impartialité et de neutralité[25]. Cette réalité rend illusoire la mission de protection des droits fondamentaux qui demeure théorique dans bien des cas[26].
Pourtant, certains exemples nuancent ce constat. Au Bénin, la Cour constitutionnelle créée en 1990, dans le cadre de la Conférence nationale des forces vives, s’est illustrée comme un modèle d’indépendance et de crédibilité, notamment en arbitrant les conflits politiques et en protégeant les droits fondamentaux[27]. Ce cas montre qu’une adaptation réussie du modèle français est possible, à condition que l’institution bénéficie d’une autonomie réelle et d’un consensus national sur son rôle[28].
Ainsi, le défi majeur pour la justice constitutionnelle en Afrique francophone réside dans sa capacité à se détacher de la simple reproduction du modèle français pour s’ancrer dans les contextes nationaux spécifiques. La légitimité des institutions constitutionnelles dépend non seulement de leur inspiration théorique, mais surtout de leur capacité à résister aux pressions politiques et à devenir des instruments effectifs de l’État de droit[29].
2- Caractéristiques du modèle francophone
Trois traits dominants caractérisent ce modèle. D’abord, la nomination politique des membres, généralement effectuée par l’exécutif et parfois par le Parlement, ce qui réduit leur marge d’indépendance[30]. Ensuite, une compétence limitée, souvent cantonnée au contrôle a priori des lois ou au contentieux électoral présidentiel et parlementaire[31]. Enfin, une faible culture jurisprudentielle : contrairement aux cours constitutionnelles européennes, les juridictions francophones africaines publient peu et s’inscrivent rarement dans une logique de construction doctrinale[32].
Cette situation a conduit certains auteurs à qualifier la justice constitutionnelle francophone africaine de << justice de confirmation>> plutôt que de << justice de contrôle>>[33].
L’analyse de ces trois traits met en évidence la fragilité structurelle de la justice constitutionnelle dans de nombreux États francophones africains. Le premier élément, relatif à la nomination politique des juges constitutionnels, révèle une dépendance quasi systématique à l’égard du pouvoir exécutif. Dans plusieurs pays, le chef de l’État détient l’essentiel du pouvoir de nomination, parfois complété par une participation du Parlement[34]. Toutefois, dans un contexte où les assemblées législatives sont elles-mêmes dominées par des majorités présidentielles, cette pluralité institutionnelle ne garantit pas une véritable autonomie des juges[35]. Contrairement à certains modèles européens où la répartition des nominations vise à équilibrer les influences politiques[36], la logique africaine francophone tend à renforcer la présidentialisation du pouvoir.
Le deuxième trait, celui de la compétence limitée, mérite également attention. En France, le Conseil constitutionnel fut longtemps perçu comme un << canon braqué contre le Parlement>>[37], en raison de sa mission de contrôle a priori. Dans les États africains francophones, ce modèle a été repris sans élargissement notable aux questions relatives aux droits fondamentaux. Ainsi, la plupart des juridictions se cantonnent au contrôle préventif des lois avant leur promulgation et au règlement des contentieux électoraux présidentiels et parlementaires[38]. Ce rôle restreint empêche les cours constitutionnelles de se poser en véritables garantes de l’État de droit, car elles n’ont pas les moyens d’intervenir sur des atteintes aux droits humains ou sur les excès de l’exécutif[39].
Le troisième trait, enfin, tient à la faible culture jurisprudentielle. Contrairement à des cours telles que la Cour constitutionnelle allemande ou italienne, qui ont construit une doctrine solide par des arrêts abondamment motivés[40], les juridictions africaines francophones produisent souvent des décisions brèves, peu motivées, et rarement publiées dans des recueils accessibles[41]. Cette absence de publicité nuit à la formation d’une doctrine constitutionnelle nationale et limite la prévisibilité du droit[42]. Elle contraste avec des expériences réussies en Afrique, comme la Cour constitutionnelle béninoise, qui a su instaurer une culture jurisprudentielle riche et innovante[43].
De ce fait, plusieurs auteurs ont qualifié ces institutions de << justices de confirmation>>, dans la mesure où elles valident le plus souvent les choix politiques, dominants, plutôt que de les contrôler[44]. Cette critique s’inscrit dans un constat plus général de dépendance structurelle vis-à-vis du pouvoir exécutif et d’incapacité à se poser en contre-pouvoir crédible[45]. La légitimité démocratique des juridictions constitutionnelles africaines francophones est donc fréquemment remise en cause, tant par la doctrine que par les acteurs politiques et la société civile[46].
Pour dépasser ce modèle, deux pistes principales peuvent être envisagées. La première consiste à renforcer les garanties d’indépendance des juges, par des modes de nomination pluralistes et par une durée de mandat non renouvelable, à l’instar de certaines cours constitutionnelles européennes[47]. La seconde suppose une extension de la compétence vers le contrôle a posteriori et la protection effective des droits fondamentaux, ce qui impliquerait une volonté politique forte et une révision constitutionnelle adaptée[48]. Ces réformes seraient susceptibles de transformer les juridictions africaines en véritables arbitres de la démocratie et en promoteurs d’un État de droit effectif[49].
B- Les systèmes anglophones : le modèle de la Cour suprême ou de la Cour constitutionnelle
Dans les pays anglophones d’Afrique, la justice constitutionnelle s’inscrit dans une dynamique institutionnelle différente fortement influencée par la tradition de la Common law. D’une part, la tradition jurisprudentielle anglo-saxonne et la suprématie judiciaire (1) expliquent l’option en faveur du contrôle diffus exercé par la Cour suprême ou par une juridiction constitutionnelle spécialisée, à l’image du judicial review américain. D’autre part, les adaptations africaines du modèle anglophone (2) traduisent l’influence des contextes locaux, que ce soit à travers l’élargissement des compétences en matière électorale, les rapports avec l’exécutif ou encore les mécanismes d’indépendance des juges dans un environnement souvent marqué par l’instabilité politique.
1-L’héritage de la common law et la suprématie judiciaire
Dans les pays anglophones, la justice constitutionnelle s’inscrit dans le système de la common law, où les juges ont historiquement exercé un contrôle diffus sur la constitutionnalité des lois depuis Marbury v. Madison de 1803[50]. En Afrique, cette logique fut consolidée après les indépendances, notamment au Ghana, au Kenya et au Nigéria, où les juridictions suprêmes ont progressivement assumé un rôle de gardiennes de la Constitution[51].
L’un des aspects déterminants de ce modèle réside dans la légitimité du contrôle judiciaire qui est pleinement accepté comme une fonction essentielle du pouvoir judiciaire, contrairement aux réticences observées dans les pays francophones où le contrôle fut longtemps perçu comme un instrument politique[52].
Cette tradition de la suprématie judiciaire en Afrique anglophone découle directement de l’héritage britannique. La common law repose en effet sur l’idée selon laquelle les juges ne se contentent pas d’appliquer mécaniquement la loi, mais participent à son interprétation créatrice, en l’adaptant aux circonstances et aux principes supérieurs de justice. Ainsi, la décision historique Marbury v. Madison de 1803 a instauré aux États-Unis le principe de judicial review, rapidement perçu comme un pilier de l’État de droit moderne. Ce modèle a inspiré de nombreux pays anglophones africains après leur indépendance, qui ont inscrit dans leurs constitutions des clauses conférant aux juridictions suprêmes un pouvoir explicite de contrôle de constitutionnalité[53].
Au Ghana, par exemple, l’article 2 de la Constitution de 1992 dispose que << toute loi incompatible avec une disposition de la Constitution est nulle et de nul effet >>[54]. La Cour suprême ghanéenne a, à plusieurs reprises, invalidé des lois contraires à la Constitution, affirmant ainsi son rôle de gardienne ultime de l’ordre constitutionnel. De même, au Nigéria, la Constitution de 1999 consacre un pouvoir étendu au profit de la Cour suprême, qui n’hésite pas à censurer des textes législatifs ou exécutifs violant les droits fondamentaux[55].
Le Kenya constitue un autre exemple significatif. La Constitution de 2010 a renforcé le rôle de la Cour suprême, notamment en matière électorale et de protection des droits. L’arrêt Raila Odinga v. Independent Electoral and Boundaries Commission de 2017 est resté célèbre : la Cour suprême a annulé l’élection présidentielle pour irrégularités, marquant un tournant historique dans l’affirmation du pouvoir judiciaire en Afrique[56].
Ce pouvoir des juges est justifié par la doctrine de la suprématie constitutionnelle : la Constitution étant la norme fondamentale, toute autre norme doit lui être conforme. Dans la culture juridique britannique, il appartient aux tribunaux de vérifier cette conformité. Cela confère au juge une fonction quasi politique, mais perçue comme légitime puisqu’elle repose sur une tradition séculaire de respect du pouvoir judiciaire[57].
En revanche, dans l’espace francophone africain marqué par l’héritage de la tradition romano-germanique, le contrôle de constitutionnalité a longtemps été perçu avec méfiance. Inspirés du modèle français de 1958, plusieurs États francophones avaient confié ce rôle à des Conseils constitutionnels, institutions considérées comme proches de l’exécutif et souvent soupçonnées de partialité politique[58]. Ce contraste explique pourquoi le contrôle diffus, pratiqué par les juges ordinaires dans les pays anglophones, apparaît plus crédible aux yeux de l’opinion publique que le contrôle concentré en vigueur dans l’espace francophone[59].
Il convient aussi de souligner que cette suprématie judiciaire contribue au renforcement de la démocratie. En invalidant des lois ou décisions contraires aux droits fondamentaux, les juges constitutionnels africains anglophones se présentent comme des contre-pouvoirs effectifs face à l’exécutif et au législatif. Loin de constituer une entrave à la souveraineté populaire, ce rôle assure au contraire la pérennité de l’ordre constitutionnel et la protection des minorités contre d’éventuels abus de majorité[60].
Toutefois, ce modèle n’est mas exempt de limites. D’une part, l’indépendance réelle des juges demeure parfois compromise par des pressions politiques ou par des nominations partisanes au sein des Cours suprêmes. D’autre part, le pouvoir accru des juridictions peut susciter des critiques de << gouvernement des juges >>, dans la mesure où des décisions judiciaires peuvent avoir un impact politique considérable[61]. Enfin, la suprématie judiciaire, bien que consacrée par les textes, reste fragile dans certains États confrontés à des régimes autoritaires ou instables, où la soumission du juge au pouvoir demeure une réalité[62].
En somme, l’héritage de la common law a favorisé en Afrique anglophone une tradition de suprématie judiciaire qui renforce l’État de droit et la démocratie. Cette expérience contraste fortement avec celle des pays francophones, où la prééminence du politique a longtemps freiné l’essor d’un véritable contrôle de constitutionnalité.
2- Les adaptations africaines du modèle anglophone
Toutefois, les juridictions anglophones africaines ne sont pas des clones de leurs homologues occidentales. Elles ont dû s’adapter aux réalités politiques et sociales locales. L’exemple sud-africain est emblématique : la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, créée en 1994, a acquis une légitimité exceptionnelle en arbitrant des questions sensibles comme l’abolition de la peine de mort[63].
Au Nigéria, la Cour suprême a joué un rôle décisif dans la consolidation démocratique malgré des épisodes de tension avec le pouvoir exécutif[64]. Quant au Kenya, la Cour suprême s’est illustrée en 2017 en annulant les résultats de l’élection présidentielle, un précédent majeur dans l’histoire constitutionnelle africaine qui a marqué un tournant dans la perception de l’indépendance judiciaire[65].
Ces expériences témoignent d’une justice constitutionnelle plus dynamique que dans l’espace francophone, même si elle reste exposée aux pressions politiques et aux risques de corruption[66].
L’adaptation du modèle anglophone en Afrique ne s’est pas opérée de manière mécanique. Les juridictions constitutionnelles anglophones ont progressivement façonné une pratique originale, à mi-chemin entre la culture juridique anglo-saxonne et les réalités africaines. L’Afrique du Sud constitue sans doute l’exemple le plus marquant de cette dynamique. La Cour constitutionnelle, établie après la fin de l’apartheid par la Constitution de 1996, a su construire une autorité morale et institutionnelle rare sur le continent. Son rôle a été crucial dans l’abolition de la peine de mort dans l’arrêt State v. Makwanyane de 1995, où la Cour a invoqué la dignité humaine et les droits fondamentaux pour rompre avec l’ordre juridique discriminatoire hérité du régime ségrégationniste[67]. Cette décision a conféré à la Cour un prestige considérable et l’a installée comme gardienne des droits et libertés fondamentaux[68].
Au Nigéria, pays marqué par une histoire des coups d’État et de régimes militaires, la Cour suprême a joué un rôle ambivalent mais décisif. D’un côté, elle a parfois validé des mesures controversées de l’exécutif, mais d’un autre, elle a également posé des jalons importants pour la défense de l’ordre constitutionnel. Par exemple, dans l’affaire Attorney-General of Lagos State v. Attorney-General of the Federation de 2004, la Cour a affirmé la compétence des États fédéré face à l’autorité centrale, renforçant ainsi l’équilibre fédéral[69]. Malgré des tensions récurrentes avec le pouvoir exécutif, la Cour nigériane s’est progressivement affirmée comme un acteur indispensable du jeu démocratique[70].
Le cas kényan est encore plus frappant. L’annulation des résultats de l’élection présidentielle en 2017 par le Cour suprême dans l’affaire Raila Odinga v. Independent Electoral and Boundaries Commission a été saluée dans le monde entier comme une affirmation notable d’indépendance juridictionnelle inédite en Afrique. Cette décision a non seulement renforcé la perception de l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais elle a aussi envoyé un signal fort à la classe politique et à la société civile : les juges peuvent agir comme arbitres impartiaux même dans les contextes les plus tendus[71]. Néanmoins, cette indépendance demeure fragile, comme en témoignent les critiques et pressions politiques subies par les magistrats après ce verdict historique[72].
Au-delà de ces cas emblématiques, plusieurs autres pays anglophones africains ont connu des trajectoires intéressantes. En Ouganda, la Cour constitutionnelle a souvent été saisie de questions sensibles, notamment sur la limitation du nombre de mandats présidentiels. Si ses décisions ont parfois manqué de cohérence, elles témoignent néanmoins d’une volonté d’encadrer les excès du pouvoir exécutif[73]. En Tanzanie également, la Haute Cour a affirmé son rôle en matière de droits fondamentaux, bien que sa marge de manoeuvre reste limitée face à un exécutif puissant[74].
Ces expériences illustrent l’existence d’un modèle africain hybride, où la justice constitutionnelle emprunte aux traditions occidentales tout en tenant compte des réalités locales, marquées par la personnalisation du pouvoir, les fragilités institutionnelles et les tensions ethniques sociales. Loin d’être de simples copies du modèle britannique ou américain, ces juridictions réinventent la pratique du contrôle constitutionnel en Afrique[75].
Toutefois, ces Cours ne sont pas à l’abri de critiques. Elles restent exposées à des accusations de corruption, de clientélisme et dépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Dans plusieurs pays, les nominations des juges demeurent hautement politisées , ce qui fragilise leur indépendance réelle. De plus, l’efficacité des décisions judiciaires dépend souvent de la volonté de l’exécutif de les appliquer, ce qui limite l’autorité des juges dans les contextes autoritaires[76].
En définitive, l’adaptation africaine du modèle anglophone a permis l’émergence d’une justice constitutionnelle plus dynamique que dans l’espace francophone, mais son succès dépend largement du contexte politique national, de la solidité des institutions et de la mobilisation de la société civile.
II- L’indépendance de la justice constitutionnelle : défis communs et contrastes entre les deux modèles
Au-delà des fondements institutionnels hérités, la question de l’indépendance de la justice constitutionnelle reste centrale dans l’expérience africaine. En effet, la capacité de ces juridictions à exercer un contrôle effectif sur le pouvoir politique constitue la véritable mesure de leur crédibilité. D’une part, l’ensemble des États africains, qu’ils soient francophones ou anglophones, se heurtent à des défis communs (A) qui fragilisent cette indépendance, tels que la pression du pouvoir exécutif, les nominations partisanes ou encore l’insuffisance des moyens matériels et humains. D’autre part, il existe des contrastes notables entre les deux modèles (B), les pays francophones et anglophones n’ayant pas adopté les mêmes mécanismes de protection institutionnelle ni la même culture de l’indépendance judiciaire.
A- Les défis communs à l’Afrique
L’indépendance de la justice constitutionnelle se heurte en Afrique à des entraves largement partagées par les systèmes francophones et anglophones. D’une part, la politisation des nominations et les pressions exercées par l’exécutif compromettent l’impartialité des juges constitutionnels (1), en les plaçant dans une dépendance directe vis-à-vis du pouvoir politique. D’autre part, l’insuffisance des garanties statutaires et financières affaiblit durablement ces institutions (2), en limitant leur autonomie réelle et en réduisant leur capacité à résister aux influences externes.
1- La politisation des nominations et les pressions de l’exécutif
L’un des obstacles majeurs à l’indépendance des juridictions constitutionnelles africaines réside dans la politisation du processus de nomination des juges[77]. Dans la plupart des pays francophones, le président de la République dispose d’un pouvoir quasi exclusif de désignation, souvent partagé symboliquement avec le Parlement ou les autres institutions[78]. Cette concentration du pouvoir de nomination fragilise la crédibilité des juridictions, souvent présentées comme dépendante au régime[79].
Même dans les pays anglophones, où la tradition judiciaire est plus forte, l’exécutif exerce une influence considérable sur le choix des juges. Au Nigéria, par exemple, les nominations passent par le Conseil national de la magistrature mais restent soumises à l’approbation présidentielle[80]. De même, au Ghana, les juges de la Cour suprême sont nommés par le président en consultation avec le Conseil de la magistrature, une procédure qui laisse subsister des soupçons d’ingérence[81].
En période électorale, ces pressions se traduisent souvent par des décisions juridictionnelles alignées sur les intérêts du pouvoir en place, ce qui nourrit une défiance accrue de l’opinion publique à l’égard du juge constitutionnel[82].
La politisation des nominations judiciaires s’inscrit dans un contexte plus large de fragilité institutionnelle. En théorie, les constitutions africaines proclament la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. En pratique, la dépendance financière, administrative et politique des juridictions vis-à-vis de l’exécutif limite leur autonomie[83].
Dans les régimes présidentiels, le chef de l’État se présente comme le << garant >> des institutions. Il revendique ainsi la prérogative de nommer les juges constitutionnels afin, dit-il, d’assurer la stabilité. Pourtant, cette justification cache souvent une instrumentalisation des juridictions lors des contentieux électoraux sensibles[84].
L’expérience comparée montre que cette politisation n’est pas propre à l’Afrique. Aux États-Unis, les juges de la Cour suprême sont nommés par le président avec confirmation du Sénat. Le processus est politique, mais il s’équilibre grâce au système de << checks and balances >> et à une longue tradition d’indépendance judiciaire[85]. En Afrique, en revanche, l’absence de contrepoids solides accentue le risque de manipulation[86].
Un autre facteur aggravant réside dans la durée des mandats. Lorsque ceux-ci sont renouvelables, les juges deviennent dépendants de l’exécutif qui détient le pouvoir de reconduction. La doctrine préconise au contraire des mandats longs et non renouvelables pour garantir une liberté décisionnelle accrue[87].
La politisation a aussi un impact direct sur la confiance publique. Quand les décisions apparaissent systématiquement favorables au pouvoir, la légitimité du juge constitutionnel s’effondre. Or, cette juridiction n’a pas d’armée ni de budget autonome : elle repose avant tout sur l’adhésion collective à son autorité morale[88].
Certains États ont tenté de corriger ces déséquilibres. Le Bénin est souvent cité en exemple : la Cour constitutionnelle y est composée de juges nommés par le président, le Parlement et le Conseil supérieur de la magistrature, ce qui dilue le pouvoir de nomination[89]. Mais même ce système reste exposé aux clivages politiques, car les organes de nomination ne sont pas entièrement indépendants.
Face à ces limites, plusieurs pistes de réforme sont avancées : confier une partie des nominations aux ordres professionnels afin de renforcer la neutralité[90]; instaurer des auditions publiques et des critères objectifs de sélection, comme cela se pratique au Canada et en Afrique du Sud[91]; renforcer le rôle des organisations de la société civile dans le suivi du processus, pour garantir plus de transparence[92].
Enfin, l’indépendance judiciaire dépend aussi de la culture politique. Les textes aussi parfaits soient-ils, ne suffisent pas si les élites considèrent la justice comme un simple instrument au service du pouvoir. Une véritable indépendance suppose donc une éducation civique renforcée, la formation continue des magistrats et l’implication active de la société civile[93].
En conclusion, la politisation des nominations traduit la difficulté persistante des États africains à rompre avec une tradition de centralisation autoritaire. Elle illustre la tension entre la logique de souveraineté présidentielle et l’exigence de séparation des pouvoirs, tension qui demeure l’un des principaux défis de la consolidation de l’État de droit sur le continent[94].
2- L’insuffisance des garanties statutaires et financières
L’indépendance de la justice constitutionnelle dépend aussi des conditions statutaires et matérielles offertes aux juges[95]. Or dans de nombreux États africains, les magistrats constitutionnels ne bénéficient pas de garanties suffisantes concernant la durée de leur mandat, leur rémunération et leur sécurité personnelle[96].
Les mandats courts, souvent renouvelables, exposent les juges à des pressions politiques constantes puisqu’ils espèrent être reconduits par les autorités[97]. En outre, l’absence d’autonomie budgétaire des juridictions constitutionnelles les rend dépendantes des financements de l’exécutif, ce qui peut affecter leur impartialité dans le traitement des affaires sensibles[98].
Enfin, la précarité matérielle et la vulnérabilité personnelle des juges, notamment dans des contextes de crise politique ou de violences électorales, constituent une menace directe à l’indépendance de leur fonction[99].
Cette insuffisance des garanties statutaires et financières renvoie à une problématique structurelle touchant l’ensemble des États africains francophones, où l’histoire constitutionnelle a souvent privilégié la consolidation de l’exécutif au détriment d’une véritable autonomie du pouvoir judiciaire. L’indépendance des juges constitutionnels ne saurait se limiter à une proclamation textuelle : elle requiert des mécanismes effectifs de protection, tant sur le plan institutionnel que matériel.
En effet, la durée du mandat des juges constitutionnels demeure un facteur déterminant. Là où celui-ci est court et renouvelable, l’on observe une dépendance implicite vis-à-vis des autorités politiques, car chaque juge demeure dans l’attente d’une éventuelle reconduction. Une telle situation favorise le phénomène de << l’autocensure juridictionnelle >> : le juge préfère rendre des décisions conformes aux attentes de l’exécutif pour maximiser ses chances de renouvellement[100]. À l’inverse, dans les systèmes où le mandat est long, unique et irrévocable, les juges disposent d’une véritable liberté d’action, comme c’est le cas pour les juges de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, dont le mandat est de douze ans sans possibilité de reconduction[101].
La question de la rémunération se révèle tout aussi essentielle. La faiblesse des salaires ou le retard dans le paiement des indemnités place les magistrats dans une position de vulnérabilité, pouvant accroître le risque de comportements déviants ou à des influences extérieures. La commission de Venise du Conseil de l’Europe souligne que des garanties financières solides constituent un pilier incontournable de l’indépendance des juges constitutionnels[102]. Or, dans plusieurs États africains, les budgets des cours constitutionnelles ne sont pas votés de manière autonome, mais intégrés dans les dotations générales de la présidence ou du ministère de la justice. Cette dépendance financière réduit la capacité des juges à se prononcer librement, surtout dans des affaires impliquant l’exécutif lui-même.
Par ailleurs, l’insécurité physique constitue une menace bien réelle. Lors des crises électorales, certains juges sont la cible de menaces directes, d’intimidations et parfois même d’agressions. L’exemple du Kenya lors des élections de 2017 illustre cette problématique : plusieurs magistrats de la Cour suprême avaient signalé avoir reçu des menaces de mort après l’annulation du scrutin présidentiel[103]. De telles pressions démontrent que sans une protection effective, l’indépendance proclamée reste purement théorique.
Il convient donc de repenser les garanties offertes aux juges constitutionnels africains en s’inspirant des standards internationaux. D’une part, la fixation d’un mandat unique, non renouvelable et suffisamment long offrirait une véritable stabilité. D’autre part, l’autonomie budgétaire des juridictions constitutionnelles devrait être garantie par la loi, afin d’éviter toute dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Enfin, des dispositifs de sécurité renforcée doivent être prévus, notamment en période électorale, afin d’assurer que les juges puissent exercer leur fonction sans craindre pour leur intégrité personnelle.
En somme, l’indépendance de la justice constitutionnelle ne peut être réduite à une exigence théorique; elle dépend largement des garanties concrètes dont bénéficient les juges dans l’exercice de leur mission. L’insuffisance des garanties statutaires et financières demeure donc un obstacle majeur à l’effectivité de l’État de droit en Afrique.
B- Les contrastes entre francophones et anglophones
Si les défis de l’indépendance se retrouvent dans l’ensemble du continent, les modalités de leur expression diffèrent selon les traditions juridiques. D’une part, dans les systèmes francophones, on observe une prééminence du politique sur le juridique (1), le Conseil constitutionnel ou la Cour constitutionnelle étant souvent perçus comme des instruments d’arbitrage institutionnel placés sous l’influence de l’exécutif. D’autre part, dans les pays anglophones, la justice constitutionnelle jouit d’une plus grande indépendance grâce à l’héritage de la common law et au rôle central des juges, mais cette indépendance demeure sous tension (2), du fait de l’instabilité politique, de la fragilité des garanties matérielles et des risques de confrontation directe avec les pouvoirs publics.
1- Francophones : prééminence du politique sur le juridique
Dans l’espace francophone, l’indépendance de la justice constitutionnelle est particulièrement fragilisée par la structure présidentialiste des régimes politiques[104]. Le Cameroun en offre une illustration : le Conseil constitutionnel, créé par la Constitution de 1996 mais installé seulement en 2018, est composé exclusivement de membres nommés par le président de la République, ce qui remet en cause son impartialité lors du contentieux électoral[105].
Au Tchad, la Cour constitutionnelle a validé en 2021 la succession dynastique après la décès du président Idriss Déby Itno, démontrant une fois encore la subordination de l’institution judiciaire aux logiques politiques[106]. Au Bénin, pourtant réputé pour sa tradition constitutionnaliste, la Cour constitutionnelle a été accusée récemment de se montrer plus conciliante envers l’exécutif, ce qui témoigne d’un affaiblissement progressif de son indépendance[107].
Ces exemples révèlent une tendance lourde : la justice constitutionnelle francophone demeure perçue comme un instrument de légitimation du pouvoir exécutif[108].
La justice constitutionnelle dans l’espace francophone africain se trouve au coeur d’un paradoxe. Bien que la plupart des Constitutions proclament le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire, la réalité institutionnelle démontre que l’équilibre des pouvoirs reste largement dominé par l’exécutif. Ce déséquilibre résulte en grande partie de l’héritage historique du constitutionnalisme français, qui a fortement influencé les systèmes politiques africains après les indépendances. En effet, la prééminence de l’exécutif, consolidée par des constitutions taillées sur mesure pour des régimes présidentialistes, limite considérablement la marge de manoeuvre des juridictions constitutionnelles[109].
L’exemple du Cameroun illustre parfaitement cette situation. Malgré la reconnaissance du Conseil constitutionnel par la Constitution de 1996, son installation effective a été reportée pendant plus de vingt ans. Ce délai n’est pas anodin : il traduit la volonté du pouvoir exécutif de retarder la mise en place d’un organe susceptible de contrôler ses actes. De plus, le mécanisme de nomination exclusivement présidentiel des juges du Conseil compromet leur indépendance structurelle. Dans le contentieux électoral, leur dépendance institutionnelle a conduit à la validation quasi systématique des résultats proclamés par l’administration électorale, suscitant des critiques de la doctrine et des observateurs internationaux[110].
Au Tchad, la situation est encore plus révélatrice. La validation par la Cour constitutionnelle en 2021 de la succession de Mahamat Idriss Déby à son père, dans un contexte marqué par l’absence de consultation populaire, illustre l’usage de la justice constitutionnelle comme instrument de légitimation politique[111]. Cette décision s’inscrit dans une dynamique de reconduction du pouvoir exécutif où le droit est subordonné à la survie du régime. La Cour, loin de protéger la Constitution, en a plutôt validé la violation, confirmant l’idée selon laquelle l’État de droit demeure fragile dans cet espace géopolitique.
Le cas béninois mérite une attention particulière, car il illustre une dynamique inverse, suivie d’un recul. Longtemps considérée comme l’une des plus indépendantes du continent, la Cour constitutionnelle du Bénin a su imposer ses décisions face aux gouvernements successifs, notamment lors de la crise politique des années 1990. Toutefois, les critiques récentes portant sur une supposée complaisance de la Cour à l’égard de l’exécutif témoignent d’un affaiblissement préoccupant. Plusieurs auteurs parlent même d’une << évolution restrictive du constitutionnalisme>> qui menace les acquis démocratiques du pays[112]. Depuis l’arrivée de la présidence Talon, la Cour constitutionnelle béninoise a connu une réorientation profonde de sa jurisprudence et de son fonctionnement institutionnel. Plusieurs réformes et recompositions internes ont progressivement vidé l’institution de son rôle historique de contre-pouvoir, au point que la doctrine parle aujourd’hui d’un “démentèlement fonctionnel” de la Cour. Cette évolution marque une rupture nette avec la période antérieure, durant laquelle le Bénin était cité comme modèle africain de justice constitutionnelle indépendante.
De manière générale, la tendance qui se dessine dans l’espace francophone africain est celle d’une mobilisation politique du droit constitutionnel au profit de la consolidation du pouvoir exécutif. Les juridictions constitutionnelles, au lieu de jouer leur rôle de contre-pouvoir, deviennent des instruments de légitimation des régimes en place. Cette analyse est renforcée par les rapports de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui soulignent régulièrement le manque d’indépendance des institutions judiciaires et constitutionnelles dans plusieurs pays francophones[113].
Pour inverser cette tendance, plusieurs réformes structurelles apparaissent nécessaires : la diversification des modes de nomination des juges constitutionnels, l’instauration de mandats non renouvelables, ainsi que l’octroi d’une autonomie budgétaire réelle aux juridictions. Ces mesures contribueraient à renforcer la crédibilité et l’efficacité du contrôle de constitutionnalité, condition indispensable à la consolidation de l’État de droit.
2- Anglophones : une justice plus indépendante mais sous tension
À l’inverse, dans l’espace anglophone, la tradition du judicial review favorise une plus grande autonomie des juges constitutionnels[114]. L’exemple le plus marquant demeure celui du Kenya, où la Cour suprême a annulé les élections présidentielles de 2017, décision saluée comme une preuve de manifestation remarquable d’indépendance juridictionnelle[115].
De même, en Afrique du Sud, la Cour constitutionnelle a su préserver son indépendance en censurant plusieurs actes de l’exécutif, notamment dans l’affaire Economic Freedom Fighters v. Speaker of The National Assembly de 2016, où elle a contraint le président Jacob Zuma à rembourser des fonds publics utilisés à des fins personnelles[116].
Toutefois, cette indépendance reste fragile. Au Nigeria, des accusations de corruption au sein de la magistrature ont fragilisé la confiance des citoyens dans la Cour suprême[117]. Au Malawi, en 2020, la Cour constitutionnelle a annulé les résultats de l’élection présidentielle, mais cette décision a exposé ses juges à de fortes menaces sécuritaires[118].
Ainsi, même si les juridictions anglophones apparaissent plus audacieuses que leurs homologues francophones, elles n’échappent pas aux contraintes politiques et matérielles qui limitent l’indépendance judiciaire en Afrique[119].
L’espace anglophone africain bénéficie d’une tradition juridique issue de la common law, qui a historiquement consacré le principe de judicial review et conféré aux juridictions constitutionnelles un rôle plus autonome face au pouvoir exécutif[120]. Cette autonomie se traduit par la possibilité pour les juges de contrôler les actes législatifs et exécutifs, et de déclarer nulles les décisions qui violent la Constitution. L’annulation des élections présidentielles au kenya en 2017 constitue un exemple emblématique : la Cour suprême a fait preuve de courage institutionnel en invalidant les résultats contestés, malgré des pressions politiques et des manifestations populaires[121].
L’Afrique du Sud offre un autre exemple d’indépendance judiciaire remarquable. La Cour constitutionnelle y a joué un rôle clé dans la préservation de l’État de droit, en particulier dans l’affaire Economic Freedom Figjters v. Speaker of the National Assembly de 2016, qui a obligé le président Jacob Zuma à rembourser les fonds publics détournés. Ces décisions renforcent la confiance des citoyens dans le système judiciaire et démontrent que la jurisprudence constitutionnelle peut être un instrument de contrôle efficace sur l’exécutif[122].
Cependant, l’indépendance formelle ne garantit pas une protection totale contre les pressions politiques et les menaces externes. Au Nigéria, les scandales liés à la corruption judiciaire ont fortement érodé la crédibilité de la Cour suprême, compromettant la perception de son impartialité[123]. De même, au Malawi, l’annulation par la Cour constitutionnelle des élections présidentielles de 2020 a exposé les juges à des risques sécuritaires considérables, illustrant la vulnérabilité des magistrats dans des contextes instables. Ces situations révèlent que, même dans les systèmes anglophones réputés plus audacieux, l’indépendance judiciaire est conditionnelle à la sécurité personnelle des juges et à l’intégrité institutionnelle.
L’analyse comparée des juridictions francophones et anglophones montre que les systèmes de common law favorisent une culture judiciaire plus proactive et protectrice de l’État de droit. Néanmoins, les contraintes politiques et financières restent des obstacles majeurs. La dépendance vis-à-vis de l’exécutif pour le financement des tribunaux, le manque de protection personnelle des juges, et les pressions sociales ou médiatiques constituent des facteurs qui peuvent compromettre la prise de décisions indépendantes[124].
Pour renforcer l’indépendance judiciaire en Afrique anglophone, plusieurs mesures sont recommandées : garantir des mandats non renouvelables, établir une autonomie budgétaire réelle pour les tribunaux, et mettre en place des dispositifs de protection des juges contre les menaces physiques et les pressions politiques. Ces réformes contribueraient à assurer un véritable équilibre des pouvoirs et à consolider l’État de droit dans la région[125].
En conclusion, bien que les juridictions anglophones montrent souvent plus de courage institutionnel que leurs homologues francophones, elles sont soumises à des contraintes structurelles et sécuritaires. La consolidation de leur indépendance dépend donc d’une combinaison de garanties statutaires, financières et sécuritaires, ainsi que de la consolidation d’une culture juridique respectueuse de l’État de droit.
Conclusion
L’étude comparée des modèles francophone et anglophone de justice constitutionnelle en Afrique montre que, si les juridictions francophones demeurent marquées par une forte dépendance politique, les juridictions anglophones apparaissent plus audacieuses mais exposées à d’autres fragilités. L’indépendance du juge constitutionnel demeure donc structurellement fragilisée partout par la politisation des nominations, l’insuffisance des garanties statutaires et l’absence d’autonomie budgétaire.
Des réformes s’imposent : des procédures de nomination plus transparentes[126], le renforcement des garanties statutaires et financières[127], l’autonomie budgétaire[128] ainsi que la promotion d’une véritable culture constitutionnelle africaine[129], ouverte aux standards régionaux et internationaux[130]. Ainsi que l’a démontré Fombad dans ses travaux, le constitutionnalisme africain doit s’ancrer dans les réalités locales pour être effectif[131]. En définitive, le défi central reste de transformer le juge constitutionnel en un garant impartial de la Constitution et des droits fondamentaux, et non en un instrument du pouvoir en place[132].
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[30] Kossi (Jean), art.cit., p. 81.
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[43] Banégas (Richard), << Démocratie à pas de caméléon : transition et imaginaires politiques au Bénin>>, Politique africaine, n°82, 2001, p. 38..
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[49] Houngnikpo (Mathurin), Guarding the Guardians : Civil-Military Relations and Democratic Governance in Africa, Aldershot, Ashgate, 2004, p. 102.
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[104] Bayart (Jean-François), op.cit., p.147.
[105] Loi n°2018/014 du 11 juillet 2018 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel au Cameroun.
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[114] Nwabueze (B.O), op.cit., p. 121.
[115] Supreme Court of Kenya, Raila Odinga v. IEBC, op.cit.
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