Conciliation des droits et libertés fondamentaux dans le marché intérieur
Le marché intérieur constitue un espace d’intégration économique et sociale historique de la coopération européenne. Tant le législateur que le juge ont élaboré un droit complexe en la matière, avant même la consécration des droits fondamentaux au sein des Communautés puis de l’Union. A la lumière de la jurisprudence, notamment, il s’avère que la conciliation entre les normes du marché intérieur et les droits fondamentaux, non seulement ne résulte pas toujours de conflits normatifs mais peut modifier en outre la qualité des droits fondamentaux.
Première considération. Le droit matériel de l’Union européenne peut se définir comme un ensemble de règles, de principes et de politiques établissant un espace économique et juridique intégré au niveau européen (J. MOLINIER & N. DE GROVE-VALDEYRON, Droit du marché intérieur européen, LGDJ, 3ème éd., 2011). Au cœur de cet ensemble, se situe ce que les traités en vigueur nomment le « marché intérieur ». L’intégration ainsi réalisée concerne à des degrés divers les libertés de circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, ainsi que le régime de la concurrence. Le droit de l’Union européenne en la matière se caractérise par sa dimension négative, prescrivant des interdictions, en matière d’égalité de traitement, d’entraves aux échanges et de comportements ou d’aides anticoncurrentiels. La liberté de circulation et d’accès au marché, s’entend pour de simples particuliers comme pour les opérateurs économiques, tant publics que privés, y compris l’Etat lui-même.
Deuxième considération. Les droits fondamentaux sont des normes désormais intégrées au droit primaire de l’Union européenne par un renvoi explicite de l’article 6 du traité sur l’Union européenne (TUE) à la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Ce renvoi mérite quelques observations. En premier lieu, la Charte contient selon les « explications » du Praesidium qui en constituent l’interprétation conforme (préambule de la Charte), un texte comportant des droits fondamentaux mais aussi des « libertés » et des « valeurs » propres à l’Union. L’ensemble n’est donc pas parfaitement homogène. En second lieu, les droits fondamentaux ont été consacrés dans un premier temps par le juge des Communautés puis de l’Union aujourd’hui, et la jurisprudence constitue toujours une source matérielle et d’interprétation des droits et libertés fondamentaux. En dernier lieu, la Cour de justice a considéré que le respect de ces droits devait être compris comme l’un des « principes constitutionnels » de l’Union (CJCE, Gde Ch. 3 septembre 2008, Kadi, aff. jtes C-402 et 41505 P, point 285), renforçant ainsi la place de ces droits au sein de la hiérarchie des normes de l’Union (Voir sur l’ensemble de ces questions F. PICOD, « Pour un développement durable des droits fondamentaux de l’Union européenne », in Mélanges en l’honneur de J. –P. JACQUE, Dalloz, 2010, pp. 527-546).
Troisième considération. Il apparaît que l’application des règles du marché intérieur et le respect concomitant des droits fondamentaux forment l’ossature normative de l’intégration. Si, pris séparément, ces deux ensembles conditionnent de nombreux et divers rapports, entre l’Union et ses Etats membres, entre les particuliers et les autorités publiques, tant nationales que communautaires, l’interaction entre les deux ensembles eux-mêmes est cependant assez récente et encore partielle. On sait, en effet, que la plupart des droits fondamentaux consacrés dans l’ordre juridique commun, quelle que soit par ailleurs leur origine (communautaire, nationale, européenne – la CEDH – ou internationale), ont été invoqués à l’occasion de litiges mettant en jeu l’application et l’interprétation des règles du marché intérieur. Ainsi, par exemple, le droit de propriété, les droits des travailleurs migrants, y compris leurs droits procéduraux, la liberté d’expression ou la liberté de mener des actions collectives, résultent de la mise en œuvre des règles relatives à la liberté de circulation et dans une moindre mesure du droit de la concurrence. Contrairement donc à ce qu’avaient pu imaginer les « pères fondateurs », la dimension technique des traités n’excluait nullement, loin s’en faut, les atteintes à la protection de droits et valeurs qualifiés de fondamentaux.
Cependant, le juge longtemps sembla distinguer les deux ensembles de normes, celui composé des règles du marché intérieur et celui constitué progressivement des droits fondamentaux. Cette approche est encore très présente, par exemple, dans le contentieux des règles de la concurrence. Parmi les moyens invoqués en défense par les entreprises condamnées par une décision de la Commission européenne au titre de ce régime, figurent bien deux catégories distinctes de moyens : d’un côté, celle fondée sur des moyens tirés de l’analyse macro et micro économique du comportement des entreprises sur le marché ou des effets de l’attribution d’une aide de l’Etat et, d’un autre côté, la catégorie reposant sur des moyens exclusivement tirés de la protection des droits fondamentaux de ces mêmes opérateurs, qu’il s’agisse indifféremment de droits substantiels ou, le plus souvent, procéduraux. Dans la mesure où tous ces moyens sont soumis à l’interprétation du juge (Tribunal et Cour de justice) de manière « hermétique » pourrait-on dire, l’interaction entre les deux régimes normatifs est absente. Le juge lui-même n’opère pas une telle translation, appréciant la légalité d’une décision de la Commission en se fondant sur les deux ensembles lorsqu’ils sont présents, mais sans que l’un ou l’autre ne prévale de manière décisive (voir, parmi de nombreux exemples et à propos de la présomption d’innocence des entreprises ayant participé à une entente, TPI 5 octobre 2011, Romana Tabacchi Srl, aff. T-11/06).
Dans le domaine des libertés de circulation la situation a évolué et elle est aujourd’hui plus complexe. Un moyen unique peut être fondé sur des normes relevant tout à la fois des règles ou principes de la libre circulation et de la protection des droits fondamentaux. L’interaction peut être alors tantôt positive, tantôt négative. Elle sera positive lorsque la liberté de circulation vient conforter un voire plusieurs droits fondamentaux ; le droit de libre circulation des travailleurs migrants s’accompagne, au-delà du seul franchissement des frontières physiques entre Etats, d’une « cascade de droits », comme le droit de séjourner, des droits économiques et sociaux, des droits procéduraux qui s’étendent en outre, sous certaines conditions, aux membres de sa famille. Mais c’est bien entendu la dimension négative de l’interaction qui retient l’attention, hypothèse où une liberté du marché intérieur vient heurter un ou plusieurs droits fondamentaux. Cette situation, toutefois, est loin d’être courante à la lecture de la jurisprudence communautaire, et elle fait l’objet d’un traitement visant à en réduire les effets néfastes, tant pour le bon fonctionnement du marché intérieur que pour le respect des droits fondamentaux, pour ne pas dire que le juge de l’Union s’immisce avec retenue et réserve dans cette « conciliation ».
Quatrième et dernière considération. La « conciliation » entre les règles relatives au marché intérieur et les droits fondamentaux constitue désormais la problématique centrale (voir Cahiers de l’IDEDH, vol.10, 2006, consacrés à cette question). Depuis un arrêt Schmidberger (CJCE, 12 juin 2003, aff. C-112/00), la Cour de justice considère qu’il revient au juge national de concilier les règles de la libre circulation et la protection des droits fondamentaux lorsque les deux normes entrent en conflit. En l’espèce, il s’agissait d’un transporteur invoquant les règles de la libre circulation des marchandises à l’encontre d’une décision prise par le gouvernement autrichien autorisant un rassemblement sur une voie de circulation, au nom de la liberté d’association et d’expression. La conciliation apparaît-elle toujours comme une méthode rationnelle et efficace ? La réponse, au regard de la jurisprudence postérieure à l’arrêt Schmidberger, est rien moins qu’évidente.
Prima faciae, la conciliation en tant qu’instrument de règlement des conflits est utilisée en présence de normes ayant une valeur identique, et de ce point de vue si les libertés fondamentales de circulation sont au cœur du projet communautaire, elles ne peuvent se voir conférer un rang supérieur aux droits fondamentaux, surtout depuis qu’un mouvement de constitutionnalisation se dessine à travers la proclamation d’une Charte et la jurisprudence de la Cour de justice (E. BRIBOSIA, « Le traité de Lisbonne : un pas supplémentaire dans le processus de constitutionnalisation des droits fondamentaux », in P. MAGNETTE et A. WEYENBERG, Ed. ULB, 2008, pp. 185-200). La conciliation apparaît comme une voie rationnelle de règlement des conflits de normes. V. SAINT-JAMES note à ce propos que l’approche hiérarchique des droits de l’homme n’est pas satisfaisante et que la conciliation est la seule technique en mesure de préserver la nature spécifique de ces normes (« Hiérarchie et conciliation des droits de l’homme », Dictionnaire des Droits de l’Homme, PUF, 2008, sp. pp. 478-479). Ainsi le juge n’hésite pas à recourir à cette technique lorsque sont seuls en jeu des droits fondamentaux (CJCE, Gde Ch., 29 janvier 2008, Promusicae, aff. C-275/06), même si une telle solution ne semble pas trouver d’écho dans un litige éventuel entre deux libertés fondamentales de circulation.
Mais cette rationalité apparente ne conduit pas pour autant à une jurisprudence parfaitement linéaire. Ainsi, on ne retrouve pas de répétition systématique de la méthode de conciliation inaugurée dans l’affaire Schmidberger, ou pour le dire autrement, la « conciliation » telle qu’opérée en 2003 n’aboutit pas, en pratique, à un arbitrage pur et simple entre deux normes directement applicables, mais plutôt à l’utilisation de mécanismes traditionnels que maîtrise et promeut le juge de l’Union, en particulier le principe de proportionnalité, corollaire de l’invocation d’une dérogation. Ainsi l’affaire Omega (CJCE, 14 octobre 2004, aff. C-36/02) présentait-elle des points communs avec la première, à propos d’une confrontation directe entre les règles relatives à la libre prestation de services et le respect de la dignité humaine, mais tant la nature du « droit fondamental » invoqué, que l’Etat à l’origine de l’entrave – l’Allemagne – laissaient peu de place à une conciliation authentique. L’affaire Dynamic Medien Vertriebs GmbH (CJCE, 14 février 2008, aff. C-244/06) qui mettait pourtant en opposition, elle aussi, la liberté de circulation des marchandises et la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant donnait à la Cour de justice l’occasion de s’appuyer sur les récents arrêts ITW (CJCE, Gde Ch., 11 décembre 2007, aff. C-438/05) et Laval (CJCE, Gde Ch., 18 décembre 2007, aff. C-341/05) afin de dégager une solution qui rompait sans le dire, mais de manière évidente, avec une forme de conciliation « pure » entre deux normes, pour retrouver des chemins déjà largement balisés par le droit de l’Union.
En effet, l’efficacité de la méthode de conciliation, invoquée sans autre artifice comme dans l’affaire Schmidberger, est illusoire. Faire peser sur les épaules du juge national l’entière responsabilité de la conciliation, revient au choix et selon le point de vue adopté, ou bien à lui imposer une charge ou bien à lui reconnaître un pouvoir, excessifs dans tous les cas. En outre, la Cour de justice a reconnu dès l’affaire Schmidberger que certains droits fondamentaux pouvaient se voir accorder un rang supérieur aux règles de la libre circulation, consécutif à leur caractère indérogeable, comme l’interdiction de la torture et/ou des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 CEDH mais aussi de certains actes de droit dérivé de l’Union (voir, par exemple, l’affaire Elgafaji, CJCE, Gde Ch., 17 février 2009, aff. C-465/07). C’est donc du côté de l’application du principe de proportionnalité que la Cour de justice s’est délibérément tournée dans l’hypothèse d’un conflit potentiel entre une liberté de circulation et les droits fondamentaux.
Cela suppose dans un premier temps d’accepter qu’en la matière – sinon dans le domaine du marché intérieur – les droits fondamentaux apparaissent comme des normes dérogatoires aux libertés de circulation (voir les conclusions particulièrement éclairantes en la matière de l’Avocat général V. TRSTENJAK sous l’affaire C-81/09, Idryma Typou AE). Dès lors, les droits fondamentaux représentent un « intérêt légitime » susceptible de restreindre l’exercice d’une liberté de circulation, mais à la condition que la restriction soit apte à garantir la réalisation de l’objectif et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour ce faire. Cette solution a le mérite de faire jouer un principe largement partagé tant par la Cour de justice qui l’a imposé par la voie prétorienne dans l’ordre juridique communautaire, que par l’ensemble des juges nationaux. L’existence d’un lien de causalité et l’absence de mesures de substitution sont en effet, dans la plupart des contentieux, des éléments objectifs d’appréciation. Mais peut-on, sans autre discussion, concevoir que les droits fondamentaux sont des dérogations comme les autres ?
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Essai de problématique. Force est de constater à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice que l’approche de la notion de « droit fondamental » n’est pas exempte sinon de contradictions, à tout le moins d’approches singulières selon l’objet des contentieux. Ainsi le juge n’hésite pas à retenir une conception élargie de la notion, à propos de la dignité humaine par exemple (Ch. MAUBERNARD, RTDH, n° 54, avril 2003, pp. 479-509). Dans le même sens, ce dernier confère au principe du respect des droits fondamentaux une valeur « constitutionnelle ». Mais il peut tout aussi bien considérer que les droits fondamentaux forment, à quelques exceptions près, un ensemble de règles dérogatoires aux libertés de circulation, au même titre par exemple que la protection de la propriété industrielle et commerciale, la protection des consommateurs ou l’ordre public. Dans le cadre du régime de la concurrence le contrôle au titre des droits fondamentaux est plus indirect, puisque ces droits n’entrent pas en conflit avec les règles relatives à l’interdiction des ententes, des abus de position dominante ou de certaines aides d’Etat, mais plutôt à la suite des procédures engagées par l’autorité de contrôle de ces règles, en l’occurrence la Commission européenne.
C’est donc bien dans le cadre des libertés de circulation qu’il faut rechercher une certaine spécificité. J. DUTHEIL DE LA ROCHERE souligne ainsi les limites du contrôle des droits fondamentaux dans le domaine du marché intérieur, à l’aune en particulier des droits sociaux « fondamentaux » (« Droits fondamentaux : quelle place dans l’architecture de l’Union », in Mélanges en l’honneur de J. –P. JACQUE, préc., pp. 263-278, sp. pp. 277-278). Est-il en effet, selon cet auteur, pertinent de recourir à la notion de « droit fondamental » à propos de normes comprises comme de simples dérogations ? N’existe-t-il pas un risque d’affaiblissement ou de dilution de la notion, alors même que le caractère « fondamental » de ces droits devrait les singulariser ? J. DUTHEIL DE LA ROCHERE se demande au final si cette imprécision n’est pas gage de dynamisme, propre à la construction communautaire ? La jurisprudence relative à la conciliation entre les libertés du marché intérieur et les droits fondamentaux pourrait laisser entrevoir une autre voie.
Les droits fondamentaux ont une nature ambivalente au sein de l’Union européenne. D’un côté, ils apparaissent au plan constitutionnel et institutionnel, comme des normes de légitimation de l’action de l’Union, alors que les compétences attribuées à l’organisation ne cessent de s’étendre. D’un autre côté, l’espace du marché intérieur constitue toujours le socle de la coopération européenne. C’est un espace plus ancien, fortement intégré, et le juge prend soin de ne pas bousculer les principes établis de longue date en la matière. Celui-ci a développé une jurisprudence complexe dans les domaines de la libre circulation qui impose un impératif de « cohérence » permanent (voir A. RIGAUX, « Cohérence et marché intérieur », in V. MICHEL, Le droit, les institutions et les politiques de l’UE face à l’impératif de cohérence, PU Strasbourg, 2008, p. 436). Les droits fondamentaux ne sont donc pas appréhendés de manière systématique au sein du marché intérieur comme des normes de légitimation, mais plutôt comme des normes potentiellement perturbatrices de l’ordonnancement économique et social voulu par les traités.
C’est la raison pour laquelle deux hypothèses doivent être clairement distinguées :
1. Le droit fondamental invoqué renforce l’exercice d’une liberté de circulation (c’est le cas, par exemple, du droit fondamental à l’égalité de rémunération entre hommes et femmes CJCE 15 juin 1978, Defrenne, aff. 149/77 ou CJCE 27 avril 2006, S. M. Richards, aff. C-423/04, mais c’est aussi vrai pour l’accès à un juge dans le domaine de la libre circulation des personnes CJCE 29 avril 2004, G. Orfanopoulos, aff. jtes C-482 et 493/01) ; dans ce cas le droit fondamental apparaît dans son acception traditionnelle de norme préservant la sphère individuelle de la personne, mais surtout il n’est pas nécessaire de recourir à la technique de la conciliation puisque les normes n’entrent pas en conflit mais à l’inverse créent une synergie renforçant mutuellement les libertés et droits fondamentaux ;
2. Le droit fondamental invoqué est susceptible de limiter l’exercice d’une liberté de circulation (comme dans les affaires Schmidberger, Omega ou Laval et ITW précitées, à l’encontre de l’une des libertés de circulation consacrées par le traité) ; ici, les droits fondamentaux doivent se concilier avec les libertés de circulation, et perdent de facto sinon de jure leur nature « fondamentale » ; ils deviennent des normes dérogatoires, sauf si un caractère indérogeable leur est reconnu, ce qui ne peut que demeurer exceptionnel.
Remarque conclusive. Un autre mouvement sans doute plus intéressant, même s’il est moins visible peut-être que la jurisprudence elle-même, doit être enfin observé. Le législateur de l’Union européenne, tenu de se conformer à la Charte des droits fondamentaux (CJCE, Gde Ch., 27 juin 2006, Parlement c/ Conseil, aff. C-540/03), peut prendre en considération l’obligation de respecter les droits fondamentaux lors de l’élaboration du droit du marché intérieur. Le Règlement (CE) n° 2679/98 du 7 décembre 1998, relatif au fonctionnement du marché intérieur pour ce qui est de la libre circulation des marchandises entre des les Etats membres (JOUE, n° L 337 du 12 décembre 1998), qui instaure un mécanisme d’alerte rapide lorsque surviennent des entraves au sein d’un Etat membre, anticipait cette obligation en mentionnant que ce texte législatif ne peut en aucun cas affecter l’exercice des droits fondamentaux (article 2). Tel est le cas aussi de la Directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JOUE, n° L 376 du 27 décembre 2006) qui rappelle que sa mise en œuvre ne peut affecter l’exercice des droits fondamentaux, tels qu’ils sont consacrés par la Charte et les droits nationaux, au même titre que le Règlement (CE) du Conseil n° 1/2003 du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de la concurrence prévues aux articles 81 et 82 [désormais articles 101 et 102 TFUE] (préambule).
Cette prise en compte par le législateur a une double qualité. D’une part, elle permet, en amont, d’anticiper les atteintes éventuelles que peuvent porter les règles de la libre circulation et de la concurrence à la protection de certains droits fondamentaux. D’autre part, les droits fondamentaux retrouvent ici leur qualité constitutionnelle, et s’imposent ainsi au législateur comme, en principe, au juge chargé d’interpréter ladite législation. De ce point de vue, si la technique de conciliation, telle que conçue par la Cour de justice, aboutit à considérer les droits fondamentaux comme des normes susceptibles d’entraver l’application des règles du marché intérieur, certains actes législatifs procèdent à un renversement de cette approche (et indirectement mais logiquement de la charge de la preuve), au terme duquel l’application des règles du marché intérieur ne peut affecter les droits fondamentaux consacrés par l’Union européenne et les Etats membres. Il restera à déterminer dans les chroniques ultérieures si cette inversion renforce la garantie effective des droits fondamentaux ou ne constitue qu’un rappel formel à l’exigence de protection de ces droits…
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