Création et droits fondamentaux [Résumé de thèse]
Création et droits fondamentaux
Par Arnaud LATIL
Université Jean Moulin-Lyon 3, 2011, 455 p., sous la direction du Professeur Yves Reinhard
1. Ce travail de thèse a pour objet de proposer une étude de la notion de création, cheville ouvrière du droit des propriétés intellectuelles, au regard des droits fondamentaux. Ces derniers permettent d’établir une summa divisio des droits sur la création en distinguant l’acte créatif des biens créés.
2. Les créations esthétiques, industrielles, scientifiques ou encore informatiques sont au cœur de nos sociétés contemporaines post-industrielles. Elles constituent une source importante, sinon essentielle, de richesses et de progrès. Pourtant, si la création constitue un objet d’étude dans la plupart des sciences sociales, en particulier en philosophie et en économie, elle demeure encore largement inconnue de la science juridique. Son approche traditionnelle la considère principalement comme un objet de propriété au travers des droits de propriété intellectuelle. Mais cette approche est insuffisante. En plus de constituer un objet de propriété, la création est avant tout une activité humaine. Mais cette dimension est bien souvent négligée. Les droits fondamentaux offrent alors une méthode légitime et rigoureuse permettant de saisir la création dans ses diverses composantes. L’étude des droits fondamentaux relatifs à la création conduit ainsi à exposer une summa divisio entre l’acte créateur et le bien créé, formant les deux parties de la thèse.
3. L’acte créatif est garanti par la liberté de création. Il s’agit d’un droit fondamental par l’entremise de la liberté d’expression d’une part et de la liberté du commerce et de l’industrie d’autre part. L’oscillation entre ces deux droits fondamentaux traduit l’ambiguïté de la notion de création : l’acte créatif est effet à la fois un message, à ce titre garanti par la liberté d’expression, et la réalisation d’une chose, à ce titre garanti par la liberté du commerce et de l’industrie. Si le droit positif l’envisage principalement comme un objet de la liberté d’expression, il apparaît pourtant que l’acte créateur devrait davantage être garanti en tant que moyen de production d’une chose immatérielle. La liberté de création doit en ce sens être assimilée à une composante de la liberté du commerce et de l’industrie. Les droits fondamentaux offrent ensuite des éléments permettant de construire un régime juridique prenant en compte les spécificités de la création. L’examen des limites de la liberté de création invite en particulier à une réflexion à partir des « matériaux » employés. Les droits fondamentaux intangibles (le droit au respect du corps humain, le droit à la dignité) constituent ainsi des matériaux illicites ne pouvant pas entrer dans le processus créatif. Les droits fondamentaux relatifs (le droit à la vie privée, le droit de propriété) permettent en contrepoint de dresser la liste des matériaux licites de la création. Les droits fondamentaux invitent en outre à tenir compte des « standards » de la création lors de l’examen de la mise en balance de la liberté de création et des droits fondamentaux concurrents. La mise en œuvre de cette balance à travers le principe de proportionnalité est réalisée grâce aux « lois du genre créatif ». Celles-ci sont caractérisées essentiellement par la prise en compte du mobile créatif et de la distanciation créative. L’influence de la liberté d’expression sur la liberté de création conduit enfin bien souvent le droit positif à rechercher la contribution de la création au « débat d’intérêt général ». Mais envisagée comme un moyen de production, ce dernier critère semble assez mal adapté.
4. Le bien créé est garanti par le droit de propriété. Les moyens de garantir l’exercice et l’effectivité du droit de propriété sur le bien créé sont différents de ceux concernant la liberté de créer. La problématique porte ici essentiellement sur la réalisation de l’égalité entre les créateurs et sur l’accès effectif à un juge. Les droits fondamentaux offrent ensuite les moyens d’organiser les limites des droits sur le bien créé. Les droits fondamentaux de protection de l’intérêt général (la sauvegarde de l’ordre public, la liberté de la concurrence) et de protection des droits d’autrui (la liberté d’expression, la liberté du commerce et de l’industrie) constituent les deux catégories de limites des droits sur le bien créé. La mise en balance des droits sur le bien créé conduit en outre à tenir compte de sa qualité « créative ». Le test de proportionnalité implique ici de redessiner les limites du droit de propriété en tenant compte de ses fonctions sociales, que sont la rémunération de l’effort créateur et l’incitation à la création. Le test de proportionnalité invite enfin à reconsidérer le critère du risque de confusion traditionnellement employé en matière de concurrence déloyale. En tant que manifestation des fonctions sociales des droits sur le bien créé, le critère du risque de confusion a vocation à s’appliquer plus largement dans le droit des propriétés intellectuelles.
5. Les droits fondamentaux constituent en définitive un moyen privilégié de tracer la frontière entre l’acte créateur et le bien créé. Ils contribuent ainsi à la construction du concept juridique de la création transcendant le droit des propriétés intellectuelles, le droit de la presse et le droit de la concurrence.
SOMMAIRE :
PARTIE I – L’ACTE CRÉATEUR
Titre 1 – L’AFFIRMATION DE LA LIBERTÉ DE CRÉER
Chapitre 1 – La liberté de créer
Chapitre 2 – L’effectivité de la liberté de créer
Titre 2 – LA LIMITATION DE LA LIBERTÉ DE CRÉER
Chapitre 1 – La légitimité des restrictions
Chapitre 2 – La proportionnalité des restrictions
PARTIE II – LE BIEN CRÉÉ
Titre 1 – L’AFFIRMATION DE LA PROPRIÉTÉ DU BIEN CRÉÉ
Chapitre 1 – Le droit de propriété du bien créé
Chapitre 2 – L’effectivité du droit de propriété
Titre 2 – LA LIMITATION DE LA PROPRIÉTÉ DU BIEN CRÉÉ
Chapitre 1 – La légitimité des restrictions
Chapitre 2 – La proportionnalité des restrictions
Crédits photo : Flavio Takemoto, stock.xchng