Fonction de l’autonomie personnelle et protection des droits de la personne humaine dans les jurisprudences constitutionnelles et européenne [Résumé de thèse]
Fonction de l’autonomie personnelle et protection des droits de la personne humaine dans les jurisprudences constitutionnelles et européenne
Par Hélène Hurpy
Thèse soutenue le 27 juin 2013 à l’Université Aix-Marseille sous la codirection de Mme le Professeur Annabelle PENA et de Mme le Professeur Hélène SURREL.
Jury : M. le Professeur Frédéric SUDRE (président), M. le Professeur Xavier BIOY (rapporteur), M. le Professeur Jean-Pierre MARGUÉNAUD (rapporteur), Mme le Professeur Annabelle PENA (directrice), M. le Professeur Guy SCOFFONI, Mme le Professeur Hélène SURREL (directrice).
Mention : Très honorable avec les félicitations du jury ; proposition de prix et autorisation de publication sans modification.
Le concept d’autonomie personnelle est apparu récemment dans l’ordre juridique européen et a été défini, par la voie prétorienne, comme la faculté pour la personne humaine de mener sa vie comme elle l’entend. Ce concept trouve son ancrage dans un système juridique en pleine mutation, tiraillé entre deux traditions, l’une anglo-saxonne qui constitue un modèle autonomique de protection des droits de la personne, et l’autre continentale, plus paternaliste. Le rôle des juges constitutionnels européens et des organes de la Convention européenne des droits de l’homme s’est révélé décisif pour faire émerger la notion d’autonomie personnelle au sein de l’ordre juridique, et pour l’ériger progressivement en principe matriciel des droits fondamentaux. Ils ont contribué à bâtir une définition commune du concept d’autonomie personnelle qui permet à la personne, à la fois de décider sans entrave des choix à opérer pour la construction de sa personnalité, et de les revendiquer afin qu’ils soient reconnus et protégés juridiquement dans le cadre de ses relations à autrui.
L’hypothèse retenue a consisté à s’interroger sur le caractère bénéfique de l’utilisation de cette notion émergente, intuitivement connue de tous, pour la protection des droits de la personne humaine. Le risque, souvent dénoncé en doctrine, serait que l’autonomie personnelle ne poursuive qu’une finalité strictement individualiste dans la protection des droits de la personne humaine. Dès lors, pourrait-elle servir à justifier des comportements préjudiciables à la personne elle-même ou à autrui, au nom de son épanouissement personnel ? En ce sens, l’autonomie personnelle autoriserait la mise à disposition des faibles au service des forts, avec l’aval tant des autorités publiques que du juge, conduisant alors à un véritable détournement de la protection des droits de l’homme. L’étude des jurisprudences constitutionnelles et de celle de la Cour européenne des droits de l’homme a toutefois permis de constater qu’il n’en est rien.
La thèse défendue vise, au contraire, à démontrer que l’autonomie personnelle est un concept d’intégration et non d’exclusion sociale, nécessaire à toute société démocratique et au maintien d’une égalité sociale. Le concept d’autonomie personnelle constitue alors une matrice des droits de la personne humaine située socialement qui, de ce fait, se voit limitée par cette fonction sociale. Le respect d’autrui et l’absence de détournement de cette fonction sociale sont dès lors les limites inhérentes au concept d’autonomie personnelle. En outre, l’autonomie personnelle participe au développement d’une morale personnelle, et elle n’est plus imposée par une autorité normative extérieure. Elle favorise de ce fait le pluralisme interne essentiel à toute société démocratique : ainsi, la prise en considération des comportements personnels, de la singularité de tous, de la volonté de chacun de pouvoir vivre selon ses propres valeurs peuvent être reconnus par le prisme de l’autonomie personnelle, ce qui contribue donc fortement à la construction d’une société plurielle.
L’idée était, dans un premier temps, de comprendre les enjeux liés à la protection de l’autonomie personnelle, depuis son émergence jusqu’à son ancrage juridique, par son utilisation prétorienne. Il convenait de se demander en quoi sa fonction participait à renouveler la protection juridique de la personne humaine. À cet égard, une première partie intitulée « La fonction emblématique de l’autonomie personnelle : la réelle amélioration des droits de la personne humaine », montre que le recours à l’autonomie personnelle promeut l’intégration sociale de toute personne humaine et permet d’envisager les répercussions d’une telle protection, notamment à l’égard des autorités publiques.
Dans un second temps, il a fallu conforter cette thèse, en la confrontant notamment aux critiques doctrinales formulées à l’encontre de l’autonomie personnelle et en proposant des encadrements pour éviter son dévoiement. Le but était donc d’analyser en quoi l’utilisation de l’autonomie personnelle pouvait être nuisible à la protection des droits de la personne humaine, tout en proposant des solutions afin d’éviter tout risque de dénaturation de sa fonction sociale d’intégration et, partant, de la construction d’une société plurielle. C’est pourquoi, la seconde partie porte sur « La fonction controversée de l’autonomie personnelle : le possible détournement des droits de la personne humaine ».
A l’issue de cette étude, plusieurs conclusions se sont imposées. Trois éléments majeurs peuvent être évoqués. Premièrement, le recours à l’autonomie personnelle facilite la protection juridique ajustée et concrète de la personne humaine : la reconnaissance de droits nouveaux contribue à adapter la protection de la personne humaine aux évolutions scientifiques et techniques et répond ainsi davantage aux enjeux actuels de la protection des droits de l’homme et à ceux de la réalité sociale. Deuxièmement, l’utilisation de l’autonomie personnelle favorise la protection subjective et intégrative de la personne humaine et le traitement égalitaire de minorités sociales : les différences ne sont plus une source de stigmatisation mais d’intégration sociale. C’est ainsi que l’autonomie personnelle renforce la prise en considération dynamique des aspirations de certaines personnes voire des groupes auxquels elles appartiennent et permet donc de les rendre opposables à autrui. Elle aide encore à leur acceptation au sein de la sphère sociale, nourrissant alors le pluralisme interne. Pour cela, l’autonomie personnelle tend à redéfinir les devoirs des autorités publiques et à guider leur action en vue de l’établissement de conditions sociétales propices au libre épanouissement de tous. Elle oriente également l’interprétation du juge en cas de conflit de droits pour concilier de manière plus concrète et plus équitable les intérêts concurrents de leurs titulaires. Troisièmement, l’encadrement de cette fonction de l’autonomie personnelle est intrinsèquement défini par sa finalité intégrative et ne conduit donc pas à saper les fondements de la société ou de la civilisation : la protection de l’autonomie personnelle ne peut s’exercer que dans le respect des droits d’autrui et de certaines valeurs sociales.