La protection des droits subjectifs par la responsabilité civile [Résumé de thèse]
La protection des droits subjectifs par la responsabilité civile
Par Séverin JEAN
Soutenue le 29 juin 2012 à Toulouse. Directeur de thèse : Matthieu POUMAREDE, Professeur à l’Université Toulouse I Capitole.
Les notions de « droits subjectifs » et de « responsabilité civile » sont généralement considérées comme antinomiques ou, tout du moins, autonomes. En effet, l’idée répandue selon laquelle la responsabilité civile aurait pour domaine la protection des intérêts qui ne sont pas cristallisés dans un droit subjectif, conduit à penser que la théorie des droits subjectifs s’est construite en marge de la responsabilité civile, l’empêchant ainsi d’y trouver une place satisfaisante. Prenant le « contre-pied » de cette conception, cette étude a pour ambition de démontrer que la responsabilité civile constitue une partie insécable du régime des droits subjectifs. Non seulement, la responsabilité civile protège les droits subjectifs, mais elle peut s’y employer efficacement. Dès lors, il convenait d’établir l’existence de la protection des droits subjectifs par la responsabilité civile, avant d’en mesurer son efficacité.
L’établissement d’un lien irréductible entre les droits subjectifs et la responsabilité civile nécessitait au préalable de définir précisément le concept si fuyant de « droit subjectif ». Pour ce faire, il était indispensable de procéder d’une part, à une délimitation notionnelle du droit subjectif et d’autre part, à sa décomposition structurelle. La délimitation notionnelle du droit subjectif a permis d’exclure de nombreuses notions voisines au droit subjectif, mais non consubstantielles. Ainsi, par exemple, les concepts d’ « attribut », de « prérogative » ou encore d’ « intérêt » ont pu être distingués du droit subjectif. En outre, le bornage du droit subjectif a eu deux mérites supplémentaires. D’une part, certains « droits à », du fait du leur contenu, se sont révélés inaptes à revêtir la qualité de droits subjectifs. D’autre part, des situations intermédiaires, qualifiées de situations subjectives, ont pu être dévoilées. Cela étant, il ne suffisait pas délimiter le droit subjectif, il était primordial de le décomposer, de le disséquer. Considérant que le droit subjectif impose l’existence d’un titulaire, qui n’est autre que le sujet de droit, et d’un objet, lequel est un bien – un bienfait, il est apparu que le droit subjectif pouvait s’analyser comme un rapport d’exclusivité établi par un sujet de droit envers un bien. C’est à partir de cette définition qu’il fut possible de démontrer les relations qu’entretiennent les droits subjectifs avec la responsabilité civile. En effet, si le droit subjectif est un rapport exclusif entre un sujet de droit et un bien, il est alors logique, que seul son titulaire soit en mesure de retirer les utilités que le bien permet. Dès lors, d’une part, l’exclusivité des droits subjectifs oblige autrui à les respecter au titre du devoir général de ne pas nuire à autrui – aux biens d’autrui ; d’autre part, l’exclusivité des droits subjectifs conduit à exiger des tiers, qui portent atteinte à un droit subjectif, à compenser le préjudice subi constitué par l’utilité perdue du fait de l’atteinte. En d’autres termes, ressortissent à la responsabilité civile les voies permettant de faire cesser l’illicéité résultant de ce qu’un autre titulaire du droit subjectif s’introduit dans la sphère d’exclusivité qu’il édifie, et de compenser les pertes d’utilités qui en résultent pour le titulaire.
Après avoir mis en évidence l’existence de la protection des droits subjectifs par la civile, il était indispensable d’en mesurer l’efficacité, c’est-à-dire son efficience. Pour ce faire, la responsabilité civile devait être en mesure d’une part, de faire cesser les atteintes à l’exclusivité des droits subjectifs et d’autre part, de compenser les préjudices consécutifs à ces atteintes. Si la fonction de cessation de l’illicite de la responsabilité civile est le moyen le plus adapté pour préserver l’exclusivité des droits subjectifs, il appert que sa fonction compensatoire n’est pas pleinement satisfaisante, de sorte qu’il convient de la repenser. En effet, l’étude de la fonction compensatoire de la responsabilité civile a été l’occasion de montrer que son évolution contemporaine aboutit à de nombreuses incohérences, dont il résulte une inégalité de traitement des victimes. La cause de ces incohérences réside dans le changement de perspective opéré par la responsabilité civile : la victime, son corps sont désormais centraux, on part du préjudice et non plus du fait générateur, de sorte que corrélativement, le préjudice corporel est devenu l’alpha et l’oméga de la fonction compensatoire de la responsabilité civile. Fort de ce constat, une impérieuse rénovation de la fonction compensatoire de la responsabilité civile s’impose. Afin de satisfaire à ce dessein, il convient de reconstruire notre droit de la responsabilité civile à partir de la théorie des droits subjectifs. En effet, la théorie des droits subjectifs permet de dresser une hiérarchisation entre les droits subjectifs et apporte une réponse aux atteintes portées aux intérêts les plus précieux : les dommages corporels. Dès lors, la souscription au renouvellement de la théorie de la garantie permettrait de mieux satisfaire l’aspiration à la défense des intérêts les plus intimes à la personne humaine, puisqu’elle déboucherait sur une compensation systématique desdites atteintes, dont le fondement technique serait l’article 16-1 du Code civil. En d’autres termes, l’atteinte au corps suffirait à ouvrir droit à indemnisation. Quant aux autres dommages, c’est-à-dire matériels et immatériels, il serait opportun – du fait de la hiérarchisation – d’exiger la preuve d’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil. Ce n’est que dans ces conditions, qu’il sera possible de conclure à l’efficacité de la fonction compensatoire de la responsabilité civile. L’efficience de la protection des droits subjectifs par la responsabilité civile est par ailleurs assurée par les nombreuses fonctions de la responsabilité civile, que celles-ci soient déjà établies ou à établir. En effet, la responsabilité civile permet aussi de prévenir et pourrait, à l’avenir, punir les atteintes portées aux droits subjectifs. Sans aller jusqu’à retenir le principe de précaution, lequel sied mal à la responsabilité civile, il est possible de considérer que la prévention des atteintes aux droits subjectifs est en mesure d’être prise en charge par la fonction de cessation de l’illicite de la responsabilité civile. En outre, si la fonction de peine privée est encore contestée, en raison notamment du principe de la réparation intégrale, celle-ci pourrait être admise à la condition de se focaliser, non plus sur le préjudice, mais sur le fait générateur. Ces deux fonctions de la responsabilité civile permettraient alors de protéger plus efficacement les droits subjectifs. Enfin, la responsabilité civile joue aussi le rôle de révélateur des droits subjectifs. Cette fonction de maïeutique qu’elle remplit à l’égard de certains droits subjectifs qui émergent du procès, avant une consécration légale, est encore le signe de l’efficacité de la protection des droits subjectifs par la responsabilité civile. En outre, l’absence de reconnaissance formelle de droits subjectifs (situations subjectives), dans les situations juridiques où la cessation de l’illicite et la compensation de la privation d’utilités en établissent la présence substantielle, ne saurait contrarier leur pleine admission.
En définitive, la responsabilité civile est en mesure de protéger efficacement les droits subjectifs à la condition de reconnaître et d’adapter les différentes fonctions de la responsabilité civile.
Merci beaucoup je suis une étudiante en première année cela m’a énormément aidé à approfondir mes connaissances