La vulnérabilité en droit européen de l’asile
Thèse présentée par Mme Joanna PÉTIN. Sous la direction du Professeur Henri LABAYLE. Soutenue publiquement le 30 novembre 2016 à Bayonne (UPPA). En présence du Professeur Ghislaine ALBERTON (UPPA), de Sébastien BRISARD (rapporteur à la CNDA), du Professeur Philippe DE BRUYCKER (ULB) et du Professeur Carlos CASADEVANTE (Université Rey Juan Carlos de Madrid).
INTRODUCTION
La vulnérabilité inonde aujourd’hui le discours juridique. Pourtant, elle n’est définie ni par le législateur ni par le juge. Ce manque de définition étonne au regard de la rigueur du droit et de ses praticiens, les définitions étant au cœur de leurs contributions, en tant qu’ « instruments de clarté, de compréhension, de contrôle de la rigueur des démonstrations » 1. La vulnérabilité s’affiche donc au rang des mots, empruntés au langage commun, pour lesquels les juristes semblent se faire à l’idée qu’ils resteront inexpliqués ou ne le seront qu’en partie, « cette partie suffisant pour que le bien connu sens commun y trouve son compte » 2 et que le bon fonctionnement de l’ordre juridique soit assuré 3. Mais cette omniprésence, cette hégémonie de la vulnérabilité exige pourtant aujourd’hui de s’interroger sur ses valeurs intrinsèques afin de réfléchir à sa conceptualisation. Ce travail de recherche s’y essaie.
Pour se faire, c’est le champ du droit européen d’asile qui est investi, tant il reflète avec justesse tous les enjeux et les spécificités de l’appréhension de la vulnérabilité par le droit. Parler de vulnérabilité en droit d’asile peut à première vue surprendre. Il est vrai que la vulnérabilité semble être inhérente au statut et au parcours d’exil des demandeurs d’asile. C’est d’ailleurs ce que reconnaît la Cour européenne des droits de l’homme dans son célèbre arrêt M.S.S. contre Belgique et Grèce rendu le 21 janvier 2011 4. Les juges de Strasbourg prônent une approche globalisante de la vulnérabilité en qualifiant les demandeurs d’asile de groupe vulnérable. Tous les demandeurs d’asile seraient ainsi des personnes vulnérables. Or, cette acception globalisante de la vulnérabilité s’inscrit en contradiction avec le droit de l’UE. Le législateur de l’UE retient lui une approche individualisée de la vulnérabilité dans son régime d’asile européen commun (RAEC), en limitant la qualification de personnes vulnérables à une sous-catégorie seulement de demandeurs d’asile, à savoir ceux vulnérables ayant des besoins particuliers.
C’est la coexistence de ces deux approches qui justifiait qu’une étude approfondie soit menée. L’enjeu de la recherche était double : comprendre la juridicisation de la vulnérabilité et clarifier un champ d’investigation complexe. L’hypothèse de travail a été celle consistant à identifier quelle approche, l’une globalisante, l’autre individualisée, était la plus effective. Laquelle éviterait tout risque de création d’un « concept-valise » 5 et permettrait d’en dégager la « fonction techniquement opérationnelle » 6. Logiquement alors, la recherche se développe autour de deux grands axes. La première partie vise ainsi à analyser la spécificité de l’approche de la vulnérabilité en droit européen de l’asile et à expliciter en quoi celle prônée par le droit de l’UE est la seule méritant d’être retenue. La seconde partie, quant à elle, examine la fonction de la vulnérabilité à chaque étape de la procédure d’asile mettant indéniablement en évidence l’obligation de garantir à chaque individu vulnérable une protection renforcée adaptée à ses besoins particuliers.
PARTIE 1 : LA SPÉCIFICITÉ DE L’APPROCHE DE LA VULNÉRABILITÉ EN DROIT EUROPÉEN DE L’ASILE
Dans l’arrêt M.S.S. contre Belgique et Grèce les juges de la Cour européenne des droits de l’homme sont explicites et parlent de la « vulnérabilité spécifique du requérant, inhérente à sa qualité de demandeur d’asile, du fait de son parcours migratoire et des expériences traumatiques qu’il peut avoir vécues en amont » 7. La vulnérabilité des personnes fuyant leur pays d’origine en raison de craintes de persécution ou d’atteintes graves ne peut en effet être niée. Les motifs, exposés dans la recherche, permettant de relever la situation de vulnérabilité de ces individus sont légions (fuite du pays d’origine, parcours migratoire périlleux, rejet dans les États d’accueil, …) (Titre 1, Chapitre 1, Section 1). La Cour de Strasbourg aurait ainsi « logiquement » conclu à la reconnaissance du groupe vulnérable des demandeurs d’asile (Titre 1, Chapitre 1, Section 2). Toutefois, aussi louable que soit cette reconnaissance d’un point de vue humain, elle interroge sur le plan juridique. Une telle approche globalisante de la vulnérabilité comporte, il est vrai, un certain nombre de limites que la recherche entend souligner.
Tout d’abord, pour les juges, cette présomption de vulnérabilité de tous les demandeurs d’asile se justifie par le besoin de protection spéciale de ces individus. Or, il s’avère que ce besoin de protection spéciale est d’ores et déjà pris en compte. Il existe en effet plusieurs niveaux de protection spécialisée bénéficiant à l’ensemble des demandeurs d’asile, et justement mis en place et appliqués en raison de leur vulnérabilité. D’une part, la Convention de Genève et le droit de l’UE, à travers notamment son RAEC (régime d’asile européen commun), forment un cadre légal spécifique leur assurant une protection principale. D’autre part, par le droit d’asile jurisprudentiel qu’elle construit progressivement, la Cour européenne des droits de l’homme leur garantit une protection additionnelle (Titre 1, Chapitre 2, Section 1). Ensuite, ce sont les incohérences nombreuses de la reconnaissance de l’existence du groupe vulnérable des demandeurs d’asile qui mettent à mal l’effectivité de l’approche globalisante prônée à Strasbourg : incohérences jurisprudentielles relatives à la notion de groupe vulnérable ; qualification même de groupe critiquable ; apport limité de cette reconnaissance sur le plan juridique. D’ailleurs, la Cour, elle-même, semble l’admettre puisqu’elle fait preuve depuis 2011 de prudence quant à la réaffirmation de l’existence de ce groupe (Titre 1, Chapitre 2, Section 2).
Finalement, au regard de l’ensemble de ces éléments, la recherche a démontré que la présomption de vulnérabilité bénéficiant à l’ensemble des demandeurs d’asile ne peut être retenue. Trop de limites et d’incohérences viennent mettre à mal l’effectivité de cette approche globalisante. Clairement, l’intérêt d’un recours à la vulnérabilité en droit ne réside pas dans une approche globalisante de celle-ci. Son utilité sur le plan juridique réside au contraire dans son potentiel d’individualisation, d’identification d’un particularisme d’une personne. Et le RAEC ne s’y trompe pas. Il retient une approche individualisée de la vulnérabilité. Cette vulnérabilité reconnue de manière individuelle fait partie intégrante du régime, en ce sens que la vulnérabilité permet de viser, au sein de la catégorie des demandeurs d’asile, une sous-catégorie particulière de demandeurs considérés individuellement.
Afin de circonscrire l’utilisation de la notion de personne vulnérable pour en préserver l’opérationnalité, le droit de l’UE entend veiller à la réunion de plusieurs éléments avant de qualifier un demandeur d’asile de vulnérable. D’une part, sa vulnérabilité doit résulter de critères qui lui sont propres, spécifiques, et qui le différencient de l’ensemble des demandeurs d’asile (ex : minorité, maladie mentale, orientation sexuelle, dépendance) (Titre 2, Chapitre 1). Autrement dit, la vulnérabilité d’un demandeur d’asile au sens du droit de l’UE doit être particulière, personnelle. D’autre part, le demandeur doit avoir des besoins particuliers. Le droit de l’UE établit un lien explicite entre vulnérabilité et besoins particuliers. Un demandeur d’asile n’est vulnérable qu’à la condition qu’il ait des besoins particuliers (Titre 2, Chapitre 2). L’étape de l’évaluation des besoins particuliers devient alors cruciale (Titre 2, Chapitre 2, Section 3). Aussi centrale soit-elle la notion de besoins particuliers n’est pourtant à aucun moment définie, rendant alors un travail de définition nécessaire. La recherche a ainsi permis de conclure qu’un besoin particulier est un besoin dont la non-satisfaction immédiate impactera de manière négative le cours de la procédure d’asile. Aussi, il faut veiller à distinguer par exemple le besoin en soins dentaires basiques et le besoin de désignation d’un représentant pour les mineurs non accompagnés. Au final, l’approche individualisée de la vulnérabilité retenue par le droit de l’UE revient à qualifier de vulnérable une sous-catégorie seulement de demandeurs d’asile, à savoir ceux vulnérables ayant des besoins particuliers. Autrement dit, pour caractériser la vulnérabilité d’un demandeur d’asile, le RAEC s’appuie, certes, sur des critères spécifiques de vulnérabilité, tels que l’âge, le statut de victime de traite ou l’identité de genre, mais il place la notion de besoins particuliers au cœur de son approche.
Si cette approche permet de limiter la qualification de personne vulnérable à un nombre restreint d’individus, préservant ainsi l’effectivité du concept de vulnérabilité en droit, elle a également pour avantage d’éviter de tomber dans les travers d’une approche catégorielle des personnes vulnérables, courant à la stigmatisation et à l’exclusion de certaines personnes. Une liste de personnes vulnérables ne doit être qu’illustrative et non définitive, puisque certains individus entrant dans une des catégories prédéfinies n’auront pas nécessairement besoin d’une assistance qui va au-delà de ce qui est normalement prescrit pour l’ensemble des demandeurs d’asile, alors que d’autres qui n’y figurent pas auront des besoins particuliers bien réels qui devront être satisfaits 8. En cela, faire des besoins particuliers une notion cardinale de la conceptualisation de la vulnérabilité en droit est judicieux. Mais doit-on s’étonner de cette place centrale faite à la notion de besoins particuliers ? La réponse est évidemment non. En introduisant cette notion au cœur de son approche individualisée de la vulnérabilité, le droit de l’UE permet de révéler que l’intérêt du recours à la vulnérabilité en droit ne se traduit, finalement, qu’à la lumière de sa fonction.
PARTIE 2 : LA FONCTION DE LA VULNÉRABILITÉ EN DROIT EUROPÉEN DE L’ASILE
On ne peut appréhender la vulnérabilité « qu’à la condition de considérer sa fonction comme l’élément déterminant son existence » 9. Toute recherche tentant de conceptualiser la vulnérabilité implique donc d’investir le champ de sa fonction. C’est inévitable pour comprendre les enjeux de la vulnérabilité en droit. Il est clair que tout recours à la vulnérabilité est vain s’il n’est pas suivi d’effets juridiques. Sa fonction principale, la recherche le démontre, est celle de garantir une protection renforcée aux individus qualifiés de vulnérables. Les États ont en effet une obligation positive de protection accrue envers ces personnes, et les instruments du RAEC se font l’écho de cette logique protectrice.
Le RAEC, on l’a dit, place la notion de besoins particuliers au centre de son approche individualisée de la vulnérabilité. Il parle de besoins particuliers en matière d’accueil et du besoin de garanties procédurales spéciales. À première vue donc, la vulnérabilité semble influer au stade de l’accueil matériel du demandeur et de la mise en place des garanties procédurales. Mais l’incidence de la vulnérabilité est bien plus large et la recherche le démontre. La vulnérabilité impacte chaque étape du processus d’asile. De la présentation de la demande à la décision finale, le demandeur d’asile vulnérable doit voir ses besoins particuliers et sa vulnérabilité considérés. Au stade de la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande, au stade de l’accueil matériel du demandeur, au stade de la mise en place de garanties procédurales mais aussi au stade de l’examen de la demande, l’incidence de la vulnérabilité est une réalité. Comme le révèle alors la recherche, elle influe de manière évidente sur l’ensemble des normes applicables à tous les demandeurs d’asile pour les moduler de manière à considérer les besoins particuliers des individus vulnérables. La fonction de la vulnérabilité en droit européen d’asile a été développée dans la recherche autour de deux grands axes évidents : la fonction matérielle, d’une part, et la fonction procédurale de la vulnérabilité, d’autre part, permettant une prise en charge physique et procédurale adaptée.
S’agissant de la prise en charge physique d’un demandeur d’asile, celle-ci ne doit pas simplement s’entendre comme l’accueil stricto sensu du demandeur dans un État membre. Cela comprend en effet également la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile. La vulnérabilité influe, certes, au stade de la mise en œuvre de la directive Accueil refondue 10, qui est d’ailleurs l’instrument clé de la protection offerte aux individus vulnérables, mais elle impacte aussi le processus de détermination de l’État membre responsable du demandeur d’asile. Il est clair que les modalités d’accueil matériel des demandeurs se trouvent très largement modulées par l’obligation de prise en compte et de satisfaction des besoins particuliers des individus vulnérables (encadrement de la rétention, obligation de mise en place d’alternatives à la rétention, adaptation de la transmission des informations, désignation d’un représentant, accès à un examen médical…) (Partie 2, Titre 1 , Chapitre 2). Mais, la recherche a également démontré que l’incidence de la vulnérabilité est réelle au stade de la détermination de l’État membre responsable de l’accueil du demandeur et de l’examen de sa demande. Les mécanismes temporaires de relocalisation adoptés en septembre 2015 tendent en effet à prendre en compte les spécificités de la prise en charge de personnes vulnérables (Partie 2, Titre 1, Chapitre 1, Section 2). Quant au règlement Dublin III 11, dont les dispositions sont très peu sensibles à la problématique de la vulnérabilité, la recherche affirme que nombre de dispositions peuvent, et doivent, être appliquées pour satisfaire à l’obligation de protection renforcée des individus vulnérables Partie 2, Titre 1, Chapitre 1 , Section 1). C’est notamment dans ce contexte que la recherche a pu mettre en évidence l’incidence majeure de la vulnérabilité sur l’obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté et sur les dispositions visant à la réunification familiale.
La recherche entend ensuite développer les spécificités de la prise en charge procédurale des demandeurs d’asile vulnérables. Il est vrai que les demandeurs d’asile sont considérés comme la partie vulnérable dans la procédure d’asile 12. Aussi, les États membres ont une obligation de vigilance accrue dans le champ des demandeurs d’asile vulnérables. Des précautions particulières doivent être mises en œuvre. En ce sens, la directive Procédures refondue 13 parle de garanties procédurales spéciales. La recherche établit clairement que le choix de la procédure, l’entretien et la garantie du droit à un recours effectif doivent tenir dûment compte de la vulnérabilité particulière des individus vulnérables (Partie 2, Titre 2, Chapitre 1). La seule procédure adaptée aux spécificités de la prise en charge procédurale des demandeurs d’asile vulnérables s’avère être la procédure dite ordinaire. Elle seule offre le temps suffisant nécessaire aux personnes vulnérables pour présenter effectivement l’ensemble des éléments à l’appui de leur demande. La recherche démontre en effet que les motifs de déclassement en procédure dérogatoire devraient, par principe, être exclus (Partie 2, Titre 2, Chapitre 1, Section 1). Quant à l’entretien, les autorités nationales doivent en effet veiller à la spécialisation des agents instructeurs (formation spécifique, adaptation des méthodes de communication) mais aussi mettre en place des précautions organisationnelles particulières (choix du sexe de l’interlocuteur, soutien de tiers, exception à l’obligation de présence physique à l’entretien) (Partie 2, Titre 2, Chapitre 1, Section 2). Enfin, l’incidence de la vulnérabilité se révèle au stade de la garantie du droit à un recours effectif. La vulnérabilité particulière d’un demandeur d’asile exige en effet une vigilance particulière au moment d’apprécier l’accessibilité du recours et implique la mise en place de garanties spécifiques en cas de recours non suspensif de plein droit (Partie 2, Titre 2, Chapitre 1, Section 3).
Enfin, l’étape ultime du processus d’asile est celle de l’examen de la demande. Plusieurs éléments laissent penser que la vulnérabilité n’influe pas à ce stade. D’une part, la directive Qualification refondue 14 ne semble prendre en compte que la vulnérabilité particulière des seuls bénéficiaires d’une protection internationale 15. D’autre part, la directive Accueil refondue dispose que l’évaluation des besoins particuliers d’un demandeur d’asile ne préjuge pas de son besoin de protection internationale 16. Pourtant, c’est tout le contraire et la recherche l’établit clairement (Partie 2, Titre 2, Chapitre 2). L’examen de la demande d’asile d’une personne vulnérable ne peut passer outre une considération effective de sa vulnérabilité particulière. Au stade de l’établissement des faits à l’appui de la demande, les autorités nationales doivent en effet tenir compte des problèmes liés à la libération de la parole, aménager les modalités de la charge de la preuve et veiller à éviter tout risque d’abus de la vulnérabilité de ces personnes (ex : tests abusifs d’évaluation de l’orientation sexuelle, recours excessif à la certification médicale) (Partie 2, Titre 2, Chapitre 2, Section 1). Mais une fois les faits établis, vient la décision finale sur le fond de la demande. La recherche a permis de révéler que la vulnérabilité d’un demandeur doit compter parmi les éléments nécessairement pris en compte au stade de l’octroi d’une protection internationale. Les critères de vulnérabilité sont des éléments à part entière dans l’appréciation des possibilités de fuite interne et sont également de réels motifs d’octroi d’une protection internationale. Si les possibilités de rattachement à la Convention de Genève apparaissent réelles tout en étant restreintes, c’est toutefois au regard de l’octroi de la protection subsidiaire que l’incidence de la vulnérabilité se révèle la plus évidente. La protection subsidiaire est finalement le dernier rempart de la prise en compte effective de la vulnérabilité des demandeurs d’asile vulnérables ayant des besoins particuliers (Partie 2, Titre 2, Chapitre 2, Section 2).
CONCLUSION
Le pari fait au début de la recherche était celui de donner la preuve de l’utilité juridique de la vulnérabilité. Se saisir de la vulnérabilité était en effet légitime au regard du manque évident et paradoxal de définition juridique. La confronter au champ de l’asile était un choix pertinent. En retenant une approche individualisée de la vulnérabilité, ne qualifiant ainsi de vulnérable qu’un nombre restreint d’individus, le RAEC procède à une conceptualisation effective de la vulnérabilité. La notion de demandeurs d’asile vulnérables ayant des besoins particuliers garantit une utilisation raisonnée de la vulnérabilité en droit.
Cette conceptualisation de la vulnérabilité dans ce champ spécifique du droit d’asile participe plus largement à la compréhension globale du concept de vulnérabilité, dont les valeurs intrinsèques étaient jusqu’alors méconnues du droit. Comme le soulignait J. DABIN en 1969, « bien des choses se comprennent mieux qu’elles ne se définissent et il en est ainsi de l’expression de notions morales » 17. La vulnérabilité pourrait en être un exemple. Pourtant, la recherche entreprise et soumise ici à votre lecture prouve qu’un dépit de sa nature abstraite et étrangère au vocabulaire juridique, la vulnérabilité dans son approche individualisée peut pénétrer le droit de manière effective et opérationnelle.
Notes:
- J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, Coll. Méthodes du droit, 4e édition, Dalloz, Paris, 2004, 374p., spéc. p. 212-213. ↩
- J.-J. SUEUR, « Vulnérabilité : le mot et la chose », in E. PAILLET et P. RICHARD (coord.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, Bruxelles, 2014, 276p., spéc. 247-269. ↩
- D. TALLON, « Considérations sur la notion d’ordre public et le contrat », in Mélanges offerts à R. SAVATIER, Paris, Dalloz, 1965, 972p., spéc. p. 883-884. ↩
- CEDH, G.C., 21 janvier 2011, M.S.S. contre Belgique et Grèce, n°30696/09. ↩
- V. CHATEL et S. ROY (dir.), Penser la vulnérabilité. Visages de la fragilisation du social, Coll. Problèmes sociaux et interventions sociales, Presses de l’Université du Québec, Québec, 2008, 243p., spéc. p. 2. ↩
- L. DUTHEIL-WAROLIN, La notion de vulnérabilité de la personne physique en droit privé, Thèse de doctorat en droit privé, présentée le 1er octobre 2004, Université de Limoges, 651p., spéc. p. 316. ↩
- Aff. M.S.S., op.cit., spéc. para.232. ↩
- UNHCR, « Response to vulnerability in asylum, Project Report », décembre 2013, spéc. p. 34. ↩
- L. DUTHEIL-WAROLIN, op.cit., spéc. p.316. ↩
- Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte), JOUE L 180, 29 juin 2013, p. 96. ↩
- Règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), JOUE L 180, 29 juin 2013, p. 31. ↩
- Conclusions de l’avocat général E. SHARPSTON dans l’affaire A., B. et C. présentées le 17 juillet 2014, aff. jointes C-148/13 à C-150/13, ECLI:EU:C:2014:2111, §67. ↩
- Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte), JOUE L 180, 29 juin 2013, p. 60. ↩
- Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte), JOUE L 337, 20 décembre 2011, p. 9. ↩
- Ibid., articles 20§3 et 20§4. ↩
- Article 22§4 de la directive Accueil refondue. ↩
- J. DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969. Cité par J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, Coll. Méthodes du droit, Dalloz, Paris, 2004, 374p., spéc. p. 216. ↩