Le contrat portant sur le corps humain
Thèse soutenue publiquement le 7 décembre 2018 à l’Université de Caen Normandie, devant un jury composé de : Mme Annick Batteur (Professeur émérite de l’Université de Caen Normandie, Présidente du jury), M. Jean-René Binet (Professeur à l’Université de Rennes I, Co-directeur de thèse), Mme Muriel Fabre-Magnan (Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne, Examinatrice), M. Grégoire Loiseau (Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne, Rapporteur), Mme Astrid Marais (Professeur à l’Université Paris 8, Rapporteur), M. Gilles Raoul-Cormeil (Maître de conférences HDR à l’Université de Caen Normandie, Directeur de thèse). Prix de thèse 2019 de l’Institut Demolombe (Université de Caen Normandie)
Par Aloïse Quesne, Maître de conférences en droit privé à l’Université d’Evry Val d’Essonne
La dissociation entre la personne et le corps humain s’est construite lentement à travers les siècles et ce n’est que très progressivement qu’il est apparu possible l’octroi de droits d’une personne sur son corps. Les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 ont opéré une distinction entre le corps et la personne, introduisant la notion de corps humain dans le Code civil. Le principe d’inviolabilité du corps humain a été consacré par le législateur aux termes de l’article 16-1 du Code civil, et non celui de son indisponibilité. Tandis que le principe d’inviolabilité consiste en l’interdiction qui est faite à autrui de porter atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne sans son consentement, le principe d’indisponibilité conduit à considérer que le corps humain est en dehors du commerce juridique. Ecarté par le législateur, le principe d’indisponibilité avait été proclamé par la Cour de cassation en 1991 à propos des conventions de gestation pour autrui, avant d’être aussitôt neutralisé par la réalité contraire de « l’autodisposition », ce qui a favorisé l’emprise du contrat sur le corps. Par conséquent, le mouvement de contractualisation, à l’œuvre dans toutes les branches du droit, a entraîné le corps humain dans son sillage.
Sans nécessairement porter la dénomination de contrat, certaines activités relatives au corps empruntent à la technique contractuelle, ce qui tend à reconsidérer la notion de contrat. Le recueil d’un consentement éclairé, le formalisme ou les clauses de conscience sont autant de mécanismes destinés à promouvoir la volonté de la personne, témoignant de la contractualisation des prestations portant sur le corps. Si de nombreux travaux ont été consacrés au statut juridique du corps humain, voire à certains contrats ayant pour objet le corps ou ses éléments et produits, aucune étude d’ensemble n’avait été menée jusqu’alors et aucune théorie générale formulée. Afin d’espérer parvenir à un tel résultat, il était nécessaire d’analyser un ensemble suffisamment large de manifestations de la contractualisation des prestations sur le corps (Première partie), afin que la démonstration d’une systématisation puisse ensuite être conduite (Seconde partie).
La première partie est consacrée à la contractualisation des prestations portant sur le corps humain. Une analyse renouvelée et approfondie a conduit à dissocier les contrats qui s’exécutent sur le corps du créancier de la prestation contractuelle et les contrats qui s’exécutent parle corps du débiteur de la prestation contractuelle.
Le Titre premier traite des contrats où le corps du créancier est l’objet de la prestation contractuelle, cette dernière se réalisant sur son corps. Sont alors distingués les contrats à finalité personnelle de ceux qui ont une finalité altruiste.
S’agissant des contrats à finalité personnelle, c’est-à-dire conclus dans l’intérêt du contractant, le contrat médical est le premier à être soumis à analyse. Alors qu’une partie de la doctrine considère que la loi du 4 mars 2002 aurait remplacé le contrat médical, consacré par la jurisprudence en 1936, la recherche démontre que de nombreux contrats révèlent une interaction entre l’imposé et le consenti. En effet, « le modèle du contrat ne se substitue pas à celui de la loi. La loi reste le modèle, le contrat un moyen d’en assurer l’épanouissement » 1. Par conséquent, le contrat médical, consolidé par la réforme du droit des contrats, demeure le contrat de référence 2. Les soins médicaux non consentis, notamment en cas d’urgence médicale et de soins psychiatriques, ont été l’occasion de proposer des idées neuves comme celle de considérer qu’ils relèvent de la catégorie des quasi-contrats.
Le contrat médical étant un contrat de prestation de service portant sur le corps humain, il est apparu nécessaire d’étendre cette étude à d’autres contrats de prestation de service portant sur le corps. Très peu analysés par la doctrine, il s’agit des contrats réalisés par les professionnels de la santé et par les professionnels de l’apparence corporelle. Les contrats de santé peuvent s’exécuter par une personne privée, tel un masseur-kinésithérapeute, ou par l’intermédiaire d’une personne morale, telle une clinique. Leur étude a permis d’examiner la notion de contrat dans la relation unissant le patient à une personne morale de droit public et d’en défendre la reconnaissance d’une qualification contractuelle. L’analyse des prestations de service réalisées par les professionnels de l’apparence corporelle constitue l’une des originalités de la recherche. Celles réalisées par les prestataires esthétiques comme le coiffeur ou l’esthéticien et celles qui le sont par les tatoueurs et les perceurs, révèlent une nouvelle finalité esthétique et artistique que l’usage autorise.
S’agissant des contrats à finalité altruiste, dont l’objectif final est tendu vers un intérêt distinct de celui du contractant, il a fallu s’intéresser à ces champs où la bioéthique semble occulter le droit des contrats. En matière de recherche biomédicale, le consentement exprès du sujet qui se prête à la recherche est obligatoire. En ce qui concerne les prélèvements corporels en vue de don, si le consentement éclairé du donneur est une condition indispensable à l’acte de prélèvement, le formalisme prévu pour le recueil du consentement se révèle à géométrie variable. L’étude de ces contrats a permis de démontrer que les rapports unissant les différentes parties dans le cadre de la recherche impliquant la personne humaine peuvent s’analyser comme un ensemble contractuel, tandis que le consentement du donneur en matière de prélèvement corporel en vue de don constitue le premier maillon d’une chaîne de contrats.
Le Titre second de la première partie s’attache ensuite aux situations où le corps du débiteur est l’objet de la prestation contractuelle, le corps n’étant plus le support mais l’instrument de la prestation. Sont successivement étudiées les prestations réglementées (dans le cadre du contrat de travail) et les prestations interdites (comme les prestations sexuelles dans le cadre de la prostitution, et la prestation de gestation lorsqu’elle est exécutée pour le compte d’autrui).
En ce qui concerne le contrat de travail, il est analysé au prisme de la contractualisation de la force de travail et de l’évaluation de l’aptitude physique du salarié, ce qui constitue une spécificité du contrat de travail. Une distinction s’opère ensuite entre les obligations portant sur le corps du salarié dans le cadre, classique, du contrat conclu intuitu personae (en considération des qualités intrinsèques du salarié embauché), et les obligations portant sur le corps du salarié dans le cadre d’un contrat conclu intuitu corporae (en considération des qualités exclusivement corporelles du salarié embauché). Dans cette dernière hypothèse, artistes du spectacle, sportifs et mannequins sont soumis à des contraintes corporelles importantes, lesquelles traduisent précisément une réification accrue du salarié. Bien que la seule mise à disposition de son corps vis-vis de son employeur soit source de rémunération, le contrat de travail n’est pas considéré comme contraire à l’article 16-5 du Code civil, lequel prévoit l’interdiction de conférer une valeur patrimoniale au corps humain. Cela peut s’expliquer par le fait que cette rémunération lui est profitable, lui procurant le « minimum vital ». Néanmoins, une attention particulière est portée au salarié dans le cadre des contrats sportifs, illustration topique de la marchandisation licite du corps humain. Il en est ainsi du contrat de transfert de sportif qui permet à deux clubs de négocier des sommes exorbitantes pour s’offrir la force de travail d’un joueur. S’agissant du contrat d’assurance capital-joueur, une somme d’argent est attribuée au club employeur en cas de blessure du joueur le rendant inapte au travail. Il ne s’agit donc pas de protéger l’intégrité corporelle du sportif mais de protéger l’atteinte au patrimoine du club, dont le corps du sportif, détaché de la personnalité juridique, est un élément. Cette forme extrême de réification du joueur n’est pourtant pas prohibée par notre droit. Une question se pose alors : toute mise à disposition de son corps est-elle autorisée lorsque l’on est débiteur de la prestation contractuelle ? Il n’en est rien. En effet, la mise à disposition de son corps est interdite dans le cadre du contrat de proxénétisme. Ainsi, la personne qui se prostitue ne peut pas être salariée, car son employeur serait considéré comme proxénète, ce qui est sanctionné par le code pénal. La personne qui se prostitue ne peut pas non plus mettre son corps à disposition de son client en toute indépendance, puisque la loi du 13 avril 2016 a porté création de l’infraction qui consiste en l’achat d’un acte sexuel. Nous formulons la proposition suivant laquelle la nullité des contrats de proxénétisme et de prostitution soit inscrite dans le Code civil et que les dispositions du code pénal soient aménagées dans le sens d’une interdiction de l’activité prostitutionnelle. Parce qu’il est difficilement concevable qu’une personne qui exerce une activité licite puisse être considérée comme victime de cette même activité, l’interdiction de cette dernière permettrait de faire l’éclairage sur les nombreux dangers qu’elle engendre et confirmerait le statut de victimes de la prostitution créé par le législateur. Il est également démontré que l’interdiction de cette activité pourrait permettre de mieux protéger les victimes de la prostitution, en instaurant la possibilité d’enjoindre la personne qui se prostitue de s’engager dans le récent parcours de sortie de la prostitution créé par le législateur, ce nouvel instrument juridique étant méconnu des personnes qui se prostituent.
La réification du corps de la femme et de l’enfant, la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et la revendication d’un droit à l’enfant font l’objet d’une analyse approfondie à l’occasion de l’étude des contrats de gestation pour autrui où la marchandisation des corps est attentatoire à la dignité humaine. Dans un premier temps, une approche de droit comparé permet de comprendre combien la reconnaissance grandissante des contrats de gestation pour autrui réalisés à l’étranger par des ressortissants français a fragilisé l’interdiction française. Dans un second temps, une analyse prospective démontre que le contrat de gestation pour autrui pourrait être autorisé par le législateur français dans un futur plus ou moins proche. À partir de ce constat, une réflexion d’ensemble a été menée quant aux dispositions qui pourraient protéger, autant que faire se peut, la gestatrice et l’enfant à naître. Parmi les propositions formulées en ce sens, on peut relever les suivantes : l’ensemble des opérations de gestation pour autrui devraient être conduites par l’Agence de la biomédecine ou par des centres dédiés, comme les Centres d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme (CECOS) en matière de don de gamètes ; la gratuité de ce contrat devrait être imposée ; et le juge devrait recueillir le consentement de chacun des membres du couple à l’origine de la demande, ce qui lui permettrait de délivrer, ou non, une autorisation d’accueil de l’enfant issu de la gestation pour autrui. L’objectif de cette autorisation serait, à l’image de la procédure existant en matière d’accueil d’embryon ou d’adoption, de vérifier la capacité du couple à accueillir un enfant.
Au sortir de la première partie de cette étude, l’omniprésence de la contractualisation des prestations portant sur le corps humain a pu être démontrée, permettant de déceler dans le même temps que le contrat est un lieu de pouvoir. En effet, qu’il s’agisse du médecin qui opère son malade, du coiffeur qui coupe les cheveux de son client ou de l’employeur qui oblige son sportif salarié a un régime alimentaire strict, toutes les prestations portant sur le corps humain révèlent des effets de domination sous-jacents aux liens contractuels instaurés 3. Plutôt qu’une hiérarchie, nous y voyons davantage une asymétrie dans les relations, dès lors que l’on met son corps à disposition de son cocontractant. On a également pu voir que les mécanismes contractuels s’expriment de manière plurielle. Parfois c’est le principe du consensualisme qui prévaut, quand le formalisme est accru dans d’autres contrats. Faut-il pour autant y voir un patchwork à l’unification improbable ? Nous pensons davantage que la mise en exergue des traits saillants qui se déclinent de façons différentes selon les prestations envisagées participe d’une possible systématisation des contrats portant sur le corps humain. Ainsi, « plutôt que d’exclure du champ de la contractualisation les nouvelles figures contractuelles que la pratique rattache, il est donc préférable de rechercher les traits communs que celles-ci présentent pour essayer d’esquisser les lignes d’un régime juridique unifié qui pourrait leur être appliqué » 4.
La seconde partie est consacrée à la systématisation des contrats portant sur le corps humain. Elle démontre que tous ces contrats répondent à la catégorie juridique du contrat portant sur le corps humain, laquelle peut se définir comme un genre contractuel qui abrite de nombreuses espèces.
Au sein du Titre premier sont développés les deux critères d’identification de cette catégorie. Premier critère d’identification de cette catégorie juridique, l’obligation de praestare sur le corps, définie au sens d’une obligation de mise à disposition du corps, s’inspire d’une ancienne obligation de droit romain. Riche d’enseignements, elle renvoie une image plus juste de la réalité du contrat portant sur le corps humain. Il s’avère en effet que l’obligation de dare ne se rencontre que rarement, essentiellement dans les contrats de prélèvements corporels en vue de don. Quant à l’obligation de facere, souvent mobilisée par la doctrine pour qualifier l’obligation du salarié, elle manque de précision. Par conséquent, le recours à l’obligation de praestare permet de comprendre que le corps du créancier ou le corps du débiteur de la prestation contractuelle est toujours mis à disposition de son cocontractant, afin que ce dernier puisse en faire l’usage prévu par le contrat. Cette obligation de praestare sur le corps peut être appréhendée comme un renouvellement de l’obligation de collaboration au sein de la relation contractuelle, voire comme un nouveau rameau du solidarisme contractuel.
Lorsque le corps mis à disposition est celui d’une personne vulnérable ou lorsqu’il s’agit d’un corps dépourvu de personnalité juridique, l’obligation de praestare doit être mise en œuvre par les titulaires du pouvoir décisionnel. Il peut s’agir des parents du mineur, de l’organe de protection d’un majeur vulnérable, de la femme enceinte quand l’embryon est in utero, du couple lorsque l’embryon est ex utero, voire des ayants-droit lorsqu’il s’agit d’un cadavre. Nombre de difficultés ont ainsi pu être mises à jour. Parmi elles, l’articulation complexe du pouvoir décisionnel s’agissant des majeurs protégés ou encore l’intérêt de l’enfant qui est parfois mis à l’épreuve, comme dans l’hypothèse d’un enfant atteint de surdité congénitale et dont les parents sourds s’opposent à ce qu’il bénéficie d’un implant cochléaire.
Le second critère d’identification de cette catégorie juridique réside dans le pouvoir matériel exercé sur le corps. C’est précisément l’obligation de praestare sur le corps qui fait naître un pouvoir matériel du cocontractant sur le corps mis à sa disposition. En effet, la mise à disposition du corps entraîne une maîtrise matérielle de ce dernier. Le pouvoir peut notamment porter atteinte à l’intégrité corporelle, à l’intimité corporelle, ou encore à la liberté relative à son apparence corporelle. On s’est interrogé sur les sources et les limites de ce pouvoir. De manière générale, le pouvoir matériel exercé sur le corps est en principe attaché à une fonction et circonscrit par le contenu contractuel. En effet, si la fonction du médecin l’autorise à porter atteinte à l’intégrité corporelle de son patient, le praticien doit exécuter la prestation prévue dans le cadre du contrat médical. À titre d’illustration, si le médecin doit pratiquer une appendicectomie, il n’est pas pour autant autorisé à amputer l’une des jambes de son patient. Par exception, le pouvoir naît parfois uniquement du contrat, comme en matière de circoncision rituelle où une personne a contractuellement le pouvoir de porter atteinte à l’intégrité physique de l’enfant, alors qu’elle n’est ni médecin ni professionnel de santé et qu’il n’existe aucune finalité médicale. S’agissant du pouvoir de l’employeur, « la jurisprudence a tracé les contours du contenu du contrat de travail et, en creux, l’étendue du pouvoir patronal contractuellement consenti » 5.
La démonstration de l’existence de cette catégorie juridique conduit tout naturellement, dans le Titre second, à l’analyse des règles qui lui sont propre, permettant l’élaboration d’une théorie générale. Se déclinant sous plusieurs formes, la protection de la partie faible relève de l’essence de ce genre contractuel.
Le législateur a mis en place des obligations d’information destinées à éclairer le consentement de la personne qui met son corps à disposition. Néanmoins, les diverses obligations d’information prévues étant d’intensité différente, il est proposé que l’information soit toujours renforcée.
Le législateur a également doté la partie faible de droits potestatifs extinctifs, lui permettant de retirer son consentement. La volonté de la partie faible s’impose alors à son cocontractant. Ainsi, la faculté de démission du salarié est inscrite dans le code du travail, et le code de la santé publique a consacré la révocabilité du consentement du patient à l’article L. 1111-4 alinéa 3. Cependant, les prestations esthétiques et artistiques ne sont manifestement pas concernées par cet article, alors que les prestations de tatouage et de piercing sont pourtant bien régies par les dispositions du code de la santé publique.
Etant donné qu’il n’existe aucune révocabilité du consentement consacrée par les textes pour la personne qui met son corps à disposition d’un prestataire esthétique ou artistique, il est proposé d’introduire dans le Code civil un droit de révocation à portée plus générale, pour toute personne qui met son corps à disposition pour la réalisation d’une prestation contractuelle.
Si le droit de rétractation participe de la protection de la partie faible, il est l’argument anti-contractualiste récurrent. Pourtant, cette étude démontre que ce droit n’est pas de nature à remettre en cause la qualification contractuelle. En effet, l’accomplissement ou le non accomplissement de l’acte touchant au corps n’est pas lié à la formation mais à l’exécution du contrat. Le maintien de la mise à disposition du corps est indispensable pour l’efficacité du contrat. Aussi, le mineur qui est en âge de le mettre en œuvre possède, tout comme le majeur protégé, un droit de veto quant à l’exécution du contrat sur son corps. Ce droit de veto est expressément mentionné dans plusieurs dispositions du code de la santé publique et le médecin ne peut passer outre. Plutôt que de consentement nous préférons parler de « l’adhésion » du mineur et du majeur protégé, laquelle permet l’accomplissement de l’acte médical et, partant, une exécution normale du contrat, tandis qu’un refus de leur part emporte l’impossibilité d’exécuter le contrat. En ce sens, le droit de veto rejoint le droit de révocation puisque l’un et l’autre neutralisent l’exécution du contrat sur le corps. Il est ainsi proposé qu’un texte général relatif à l’adhésion et au droit de veto du mineur et du majeur protégé soit introduit dans le Code civil.
La sécurité corporelle de la partie faible contractante est une notion-clef de cette catégorie juridique. S’agissant de la sécurité corporelle dans les contrats de prestation de service, c’est le droit de la responsabilité qui se trouve mis à l’honneur quand il s’agit d’envisager l’encadrement de la sécurité sanitaire. Des exemples pratiques originaux sont étudiés tels que le bronzage artificiel et le maquillage permanent où la réglementation tend à consolider les principes issus de la législation relative au fait des produits défectueux. Le contrat de travail est quant à lui évoqué au titre de la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que de l’obligation de prise en charge des risques professionnels par l’employeur.
Cette architecture contractuelle spécifique a ensuite donné lieu à un exercice de classification des espèces de contrats, révélant l’application de règles spéciales en fonction du corps mis à disposition, de la prestation envisagée, de sa finalité, et des risques encourus. Le seul tableau présent dans le Code civil, établi dans le cadre du décret du 22 décembre 2008 relatif à la classification des actes de gestion du patrimoine des personnes en tutelle ou en curatelle, a pu servir de modèle. Pour opérer un classement de ces contrats, il a fallu s’intéresser à leur contenu, c’est-à-dire aux actes matériels nécessaires à leur réalisation. Une répartition s’est alors opérée entre les actes de conservation, d’administration, de disposition et les actes interdits. Quatre tableaux, reprenant chacun la classification décrite, sont ici élaborés : le premier est relatif à la classification des espèces de contrats portant sur le corps d’une personne majeure et non protégée ; le deuxième s’attache à la classification des contrats portant sur le corps d’un majeur protégé ; le troisième traite de la classification des contrats portant sur le corps d’un mineur ; le quatrième présente la classification des contrats portant sur le corps dépourvu de personnalité juridique, lequel comprend les contrats sur le corps embryonnaire in utero, sur le corps embryonnaire ex utero, et les contrats portant sur le cadavre.
Pour conclure, la recherche entreprise a fait émerger une ambition normative, destinée à consacrer ce genre contractuel dans le Code civil. Il est ainsi proposé d’insérer deux sections dans le chapitre II (Livre 1er, Titre I) du Code civil, relatif au respect du corps humain : l’une consacrée aux règles protectrices du corps humain, indépendamment de tout contrat ; l’autre relative au contrat portant sur le corps humain. Ayant abouti à une théorie générale du contrat portant sur le corps humain, notre thèse propose un changement de paradigme qui renouvelle les trames juridiques et initie de nouvelles logiques juridiques, dans l’espoir que cette conception renouvelée et originale offre une réflexion prospective quant à l’encadrement des pratiques contractuelles présentes et à venir sur le corps humain.
Notes:
- M. Mekki, « Le modèle de la loi au sein du Code civil », in Code civil et modèles. Des modèles du Code au Code comme modèle, t. 6, T. Revet (dir.), LGDJ, 2005, p. 5 à 50, spéc. p. 46 à 48 ↩
- B. Bévière-Boyer, « L’opportunité du maintien du contrat médical confirmée par les dispositions de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », LPA,8 mars 2017, n°48, p. 5. ↩
- J.-P. Gaudin, Gouverner par contrat, Les presses de Sciences Po, 1e éd., 1999, p. 44. ↩
- S. Chassagnard-Pinet et D. Hiez, « Le système juridique français à l’ère de la contractualisation », in La contractualisation de la production normative, S. Chassagnard-Pinet et D. Hiez (dir.), Dalloz, coll. thèmes et commentaires, 2008, p. 4. ↩
- G. Auzero et E. Dockès, Droit du travail, 2017, 31e éd., Chap. 1, « Pouvoir et contrat », cit. p. 673. ↩