Les fonctions du droit international dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
Thèse dirigée par la Professeure Laurence Burgorgue-Larsen et soutenue publiquement à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne le 25 juin 2019 devant un jury composé de Monsieur Emmanuel Decaux, Professeur émérite à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas (Président), Monsieur Jean Matringe, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Madame Aurélia Schahmaneche, Professeure à l’Université Lumière Lyon 2 (rapporteure), Monsieur Sébastien Touzé, Professeur à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas (rapporteur) et Madame Françoise Tulkens, Professeure émérite à l’Université catholique de Louvain et ancienne Vice-présidente de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Par Marion Larché
Aussi stimulantes soient les réflexions sur la convergence du rôle et des techniques de la Cour européenne des droits de l’Homme avec ceux d’un juge constitutionnel, il n’en demeure pas moins qu’elle est une juridiction de nature internationale, assurant le respect d’un traité international qui tire sa validité du droit international et évoluant dans un système international en proie à des changements permanents. Se qualifiant de juge international[1], la juridiction strasbourgeoise n’entend d’ailleurs pas renier son enracinement dans le droit international mais martèle, au contraire, qu’il lui faut le prendre en compte dans le cadre de l’interprétation et de l’application de la Convention. Son discours assène ainsi régulièrement ce même message, rappelant que « la Convention ne pourrait s’interpréter et s’appliquer dans le vide mais, dans toute la mesure du possible, en harmonie avec les autres principes du droit international dont elle fait partie »[2]. Marquée du sceau de l’évidence, la reconnaissance explicite de cet ancrage du droit conventionnel dans le droit international – et dont les traces sont visibles dans le texte même de la Convention – ne peut pourtant manquer d’interroger. En effet, il ne peut guère échapper à l’observateur assidu de la jurisprudence de la Cour qu’aussi péremptoires puissent paraître de telles affirmations, et dont les exemples sont légion dans son œuvre prétorienne, les renvois et emprunts au droit international dans son discours sont, en réalité, loin d’être systématiques. Plus que l’automaticité, c’est l’ambivalence qui caractérise le corpus jurisprudentiel strasbourgeois. Face à une pratique a priori incohérente et résolument casuistique, la présente thèse se propose de lever le voile sur les mystères qui entourent l’utilisation du droit international. L’étude a ainsi pour ambition de proposer une systématisation de la valorisation – ou de la neutralisation – des sources internationales par le juge, de décrypter la place qui leur est octroyée dans son discours et d’identifier les motifs poursuivis par un tel « réflexe d’extériorisation ».
Dans l’optique d’appréhender ce processus dans toutes ses dimensions et de systématiser la pratique du juge du Palais des droits de l’homme, le choix a été fait de s’attacher à une définition large et formelle du droit international. En ce sens, et loin de s’en tenir au libellé de l’article 38, § 1, du Statut de la Cour internationale de Justice, c’est l’ensemble des sources internationales qui ont été intégrées au champ de la recherche. Outre les sources mentionnées expressis verbis dans cette disposition, sont ainsi incorporés les instruments de soft law et les actes de droit dérivé des organisations internationales, qu’il s’agisse de sources universelles ou régionales. Une telle amplitude se justifie par la volonté d’exposer un panorama complet de l’utilisation du droit international par la Cour afin de mieux saisir les logiques qui imprègnent sa motivation. Elle s’explique également par l’ambition de dépasser l’approche sectorielle souvent adoptée dans les travaux se rapportant au sujet. En outre, opter pour une définition plus stricte du droit international aurait privé l’analyse d’une partie de son intérêt, dans la mesure où la jurisprudence de la Cour européenne est marquée par un double mouvement : celui de l’intensification du recours aux sources du droit international et celui de leur diversification. À ce titre, l’outil statistique, valorisé au sein de la présente étude, offre le double avantage d’asseoir l’analyse sur des données empiriques et de mesurer les tendances et fluctuations jurisprudentielles, tout en forçant l’abandon de certains postulats de départ.
Si la disputatio doctrinale sur l’autonomie du système conventionnel européen à l’égard de l’ordre juridique international ne s’est jamais totalement évanouie, ce n’est guère sous ce prisme que s’inscrit l’opération de systématisation poursuivie au cœur de la thèse. En effet, ce débat semble vain dans la mesure où la Cour oscille en permanence entre une « attitude rattachiste » et une « attitude séparatiste » vis-à-vis de celui-ci. Une telle ambivalence ne doit pas se lire comme un indice révélant l’autonomie – ou selon le point de vue adopté, l’absence d’autonomie – du système conventionnel mais davantage comme la manifestation de l’autonomie du juge nous invitant à nous concentrer sur son seul discours. Ce choix suggère ainsi de dépasser l’approche binaire classique selon laquelle le droit de la Convention serait soit, ab initio – et ad infinitum – du droit international, soit un droit particulier. Sans nier les spécificités du système conventionnel européen, ni prétendre à son autonomie absolue, il apparaît possible et souhaitable de promouvoir, ainsi que le défendent certains auteurs, une troisième voie prônant l’enrichissement mutuel de ces deux corps de règles[3]. Une telle approche semble d’ailleurs coïncider avec la définition de l’autonomie. Lato sensu, être autonome, c’est prendre de la distance par rapport à un référent, c’est s’en distinguer, c’est s’en émanciper. Mais être autonome, c’est également établir et construire, en conciliant l’acquis et le rejet du référant, un nouveau schéma. En d’autres termes, et pour reprendre les mots d’Edgard Morin, « l’autonomie se nourrit [aussi] de dépendance »[4]. Or, la Cour, en tant que « maître de son système », fait tout autant le choix de se distancer du droit international que de s’en servir pour construire sa motivation. Ce sont donc davantage les mobiles et finalités poursuivis par le juge qui méritent de retenir l’attention ou, en d’autres termes, la plus value qu’offre l’intégration des sources internationale dans son discours.
Les analyses sur le discours du juge ont été profondément renouvelées, ainsi qu’en atteste l’émergence de la sociological jurisprudence aux États-Unis, de l’école critique de droit international de Bruxelles, inspirée des travaux pérelmaniens, ou encore du courant réaliste de l’interprétation. Si ces travaux divergent sur certains points, ils ont pourtant en commun de rompre avec l’approche formaliste de la mechanical jurisprudence selon laquelle la décision juridictionnelle serait le pur produit du syllogisme judiciaire. En effet, l’acte de juger n’est plus perçu comme une opération mécanique exempte de considérations extra-juridiques et dénuée de toute dimension stratégique. Comprendre le raisonnement du juge et les motifs exposés dans sa décision implique alors d’élargir son champ d’analyse pour y intégrer des données contextuelles, politiques, économiques ou encore psychologiques. À la lumière des enseignements tirés de ces analyses et dans leur continuité même, cette étude propose de vérifier si l’utilisation du droit international fournit une illustration supplémentaire de la part de subjectivité, de stratégie judiciaire et de pragmatisme qui imprègne l’œuvre jurisprudentielle de la Cour européenne et que nombreux auteurs ont déjà remarquablement démontré dans d’autres champs. C’est en intégrant l’ensemble de l’environnement de la Cour – tant endogène qu’exogène – que cette piste est explorée, et l’intuition initiale validée.
Au-delà de l’étude des techniques et des méthodes empruntées par la Cour, des motifs et des finalités justifiant qu’elle se saisisse, dans certains contentieux, des sources internationales, l’analyse tend plus largement à s’interroger sur l’office du juge. Empruntant les réflexions sartriennes sur la conciliation entre la liberté et le déterminisme[5], le fil conducteur de la thèse consiste à démontrer que l’utilisation du droit international par la Cour européenne reflète à merveille cet alliage subtil et équilibré entre la liberté inhérente à toute fonction juridictionnelle et le déterminisme qui contraint le juge à agir dans un sens donné. Parce que la Cour est un juge international, elle ne peut guère ignorer ses origines et la base éminemment consensuelle sur laquelle elle repose, pas plus que l’environnement dans lequel elle s’épanouit. Mais parce qu’elle est une juridiction de protection des droits de l’homme en charge de l’interprétation de la Convention, elle fait également preuve de créativité afin de développer le droit de la Convention, quitte à repousser les frontières initiales du texte et à s’affranchir de la volonté de ses rédacteurs. Toute la complexité de l’office de la Cour résulte de cette oscillation permanente entre ces deux pôles que sont le respect de la souveraineté des États parties et la réalisation de l’objectif pour lequel ils l’ont instituée. Ainsi, entre liberté et déterminisme, il n’est nullement question d’opposition, ni de démesure, mais plutôt de coexistence et de recherche d’équilibre. Or, c’est précisément au cœur de cette dialectique qu’entend s’inscrire notre étude, l’utilisation du droit international par la Cour constituant un point d’observation privilégié de son autonomie et des contraintes qui pèsent sur elle.
Afin de mieux saisir les logiques commandant l’utilisation des sources internationales et d’en présenter un panorama complet intégrant une perspective évolutive, il a fallu privilégier un appareil scientifique adapté. C’est la raison pour laquelle l’étude repose sur la lecture des décisions et arrêts adoptés par la Cour depuis sa création, en comparant l’attitude des chambres à celle de la Grande chambre. De même l’œuvre de la Commission européenne des droits de l’homme n’a pas été écartée de l’analyse. Si le discours du juge constitue l’objet central de la recherche, celui-ci est pourtant vite apparu insuffisant pour saisir et expliquer l’entièreté de la pratique de la Cour. En effet, décrypter le rôle joué par les sources internationales dans la jurisprudence implique de prendre en considération certains facteurs qui tendent à influencer le juge. Puisque la décision judiciaire est une œuvre collective qui résulte d’un dialogue entre plusieurs acteurs, l’argumentaire présenté par les parties et les tiers intervenants et leur réception par la Cour tient une place importante au sein de l’étude. En aval du processus décisionnel, la lecture des opinions séparées s’est également avérée précieuse afin d’affiner et d’approfondir les analyses. En effet, celles-ci révèlent les sensibilités des membres de la Cour et confirme ainsi l’influence majeure que joue le profil des juges dans le processus de valorisation des sources internationales.
Décrypter la motivation des décisions de justice apparaît comme un exercice particulièrement stimulant, mais également périlleux. S’il n’est plus à démontrer que la Cour européenne construit une motivation particulièrement développée et transparente[6], l’observateur extérieur n’est pourtant jamais à l’abri de commettre des erreurs d’appréciation ou d’extrapoler le sens de son propos. Cette première difficulté se double d’une certaine dose d’incertitude sur le caractère véritablement exhaustif des éléments exposés au sein des motifs. En ce sens, les non-dits peuvent rendre difficile ou fausser la compréhension de son raisonnement. S’agissant de ce sujet, l’exercice apparaît comme d’autant plus difficile que la Cour n’expose pas explicitement les raisons l’ayant conduite à intégrer ou à exclure telle ou telle source internationale de son raisonnement. La pratique apparaît, de ce point de vue, particulièrement elliptique et laisse parfois planer un doute que seule la présence au délibéré aurait permis de lever.
Malgré ces difficultés, l’analyse du corpus jurisprudentiel, année après année et source par source, a permis de fournir une base de données suffisamment solide pour établir, sur la base d’un raisonnement inductif, une catégorisation de l’utilisation des sources. De cet essai de systématisation, il ressort que l’utilisation du droit international participe à une politique jurisprudentielle déterminée, orientée vers le maintien de l’équilibre du système conventionnel et sa viabilité. Afin de mettre en lumière le rôle des sources internationales dans cette stratégie jurisprudentielle globale et de révéler la dimension finaliste de la motivation du juge, la systématisation opérée est présentée en empruntant une approche fonctionnelle, apte à exposer lesdites sources comme un instrument répondant à un besoin particulier. Il ressort ainsi de l’étude de la jurisprudence que celles-ci disposent d’une fonction interprétative puisqu’elles constituent une ressource pertinente pour alimenter la démarche herméneutique du juge et l’aider à dégager le sens des énoncés conventionnels (Première Partie). En outre, elles sont appelées à remplir une fonction régulatrice en ce qu’elles participent, par la modulation du contrôle des obligations à charge des États parties et par la préservation de l’autorité de la Cour, au fonctionnement correct du système et à sa cohérence (Seconde Partie).
Partie 1 : La fonction interprétative
La règle de droit est, par nature, incomplète, imprécise et lacunaire. L’imprécision est commandée par l’abstraction de la règle de droit, abstraction elle-même justifiée par la fonction qu’elle doit remplir : pouvoir s’appliquer à une infinité de situations possibles. Le droit de la Convention n’échappe pas à ce phénomène d’incomplétude et cette indétermination relative des normes nécessite une opération interprétative du juge. Or, afin de préciser le sens des dispositions de la Convention, la Cour de Strasbourg décide souvent de recourir aux sources internationales, qu’il s’agisse de définir les notions conventionnelles, de déterminer le sens des règles de compétence et de procédure ainsi que la portée des droits garantis. Pour saisir le « rôle palliatif » joué par les sources internationales, il faut d’abord s’interroger sur les facteurs qui justifient une telle démarche (Titre 1). À ce titre, il est démontré que l’évolution de l’environnement international dans lequel la Cour exerce son office, la composition de la formation de jugement, la nature des contentieux dont elle est saisie et la teneur de l’argumentation exposée par les parties et les tiers intervenants constituent des vecteurs d’impulsion indéniables de l’approche comparatiste.
Une fois les vecteurs du phénomène d’extériorisation identifiés, ce sont les modalités d’importation des sources et les méthodes de la Cour qui focalisent l’attention. À ce sujet, il s’avère que la pratique de la juridiction strasbourgeoise est empreinte d’une dimension stratégique manifeste (Titre 2). Dans la mesure où toute stratégie repose sur la prévalence d’un choix au détriment d’un autre en vue de parvenir à un certain objectif, cette partie de la thèse tend d’abord à révéler le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Cour dans la mobilisation des sources internationales et qui est indépendant de l’existence de toute invitation textuelle. Ce pouvoir discrétionnaire s’observe tant dans la justification du recours aux sources internationales et par la pluralité des méthodes d’interprétation auxquelles il est attaché que dans le choix des sources utilisées. À ce propos, la pratique de la Cour ne semble d’ailleurs reposer sur aucune méthode bien établie et son modus operandi semble difficile à saisir. Cette mise en lumière du pouvoir discrétionnaire du juge permet ensuite de démontrer que la pratique de la Cour est commandée par une approche résolument finaliste, voire opportuniste. En effet, il apparaît que les sources internationales sont tantôt neutralisées, tantôt valorisées – quitte même parfois à être dénaturées – afin de poursuivre des objectifs déterminés selon les contentieux en cause.
Partie 2 : La fonction régulatrice
Dans le langage courant, réguler c’est assurer le fonctionnement correct d’un système. Or, le « fonctionnement correct » du système conventionnel européen – qui se mesure dans la réalisation de l’objectif pour lequel il a été créé, à savoir « la sauvegarde et le développement des droits de l’homme » –, dépend essentiellement de la mise en œuvre des obligations conventionnelles par les États parties, et a fortiori de l’efficacité du contrôle exercé par la Cour qui en est l’ultime gardienne. Cette partie de la thèse propose ainsi de démontrer comment les sources internationales sont mises à profit par la Cour afin de poursuivre cet objectif.
La lecture du corpus jurisprudentiel laisse d’abord apparaître qu’elles participent à moduler le contrôle exercé par la Cour (Titre 1). Par définition, la modulation renvoie à l’opération par laquelle on fait varier l’amplitude, l’intensité d’un mécanisme. Moduler, c’est aussi l’action de modifier quelque chose selon certains critères ou certaines circonstances. Or, c’est bien ce double mouvement qui s’observe dans la jurisprudence. D’une part, l’immixtion des sources internationales dans le prétoire strasbourgeois peut modifier, dans certaines conditions, la teneur du contrôle exercé par la Cour. En ce sens, elle est invitée à intégrer, lors de son contrôle de conventionnalité, l’examen du respect, par les États parties, d’autres sources internationales. D’autre part, leur mobilisation peut faire varier l’intensité du contrôle qu’elle exerce, notamment lorsqu’elles sont intégrées au sein du contrôle de proportionnalité ou qu’il existe certaines incompatibilités entre obligations internationales. De l’analyse de ces deux mouvements, il résulte que la juridiction strasbourgeoise, qui ne cesse d’osciller entre la prudence et l’audace, parvient in fine à assurer l’effectivité des droits de l’homme tout en respectant la souveraineté des États parties et les particularités nationales.
Puisque le fonctionnement correct du système conventionnel – et a fortiori sa viabilité – tient à la préservation de l’autorité de la Cour et de sa jurisprudence, la dernière partie de la thèse propose de mettre en lumière la manière dont le juge parvient à intégrer les sources internationales dans sa motivation afin de poursuivre ce dessein (Titre 2). À ce titre, il apparaît que les sources internationales disposent d’une fonction persuasive particulière dans la construction de son discours. En effet, elles participent à un effort accru de contextualisation et à un renforcement manifeste de l’argumentation du juge, techniques qui visent in fine à convaincre son auditoire. Dans la mesure où l’autorité du juge du Palais des droits de l’Homme dépend également de son aptitude à ordonner de manière cohérente les rapports de systèmes, les sources internationales sont utilisées de manière à trouver un subtile équilibre permettant d’éviter la fragmentation du droit international et la survenance de conflits avec l’œuvre jurisprudentielle de ses homologues tout en préservant les spécificités du système conventionnel européen.
Pour conclure, cette étude a eu pour horizon de cerner l’insaisissable et d’ordonner l’incohérence. Car, dans la jurisprudence de la Cour, le droit international ne se laisse pas aisément appréhender. Il est pluriel. Tantôt discret, tantôt envahissant, parfois inévitable, souvent invité, le droit international peut tout autant être valorisé que neutralisé. Il est aussi à la fois un facteur et un objet de transformation. Encore, il inspire la Cour autant qu’il la défie. Cette hétérogénéité, résumée à travers cette personnification du droit international, ne simplifie pas la tâche du chercheur. Même si certaines zones d’ombre demeurent imperceptibles, le halo de mystère qui entoure l’utilisation du droit international par la Cour européenne paraît néanmoins moins nébuleux à l’issue de cette étude. Si l’on a pu lire, sous la plume de Bachelard, que les intuitions servaient à être détruites, celles à l’origine de la présente analyse n’ont fait que se confirmer au contact de la matière jurisprudentielle. Les sources internationales s’intègrent dans la politique jurisprudentielle de la Cour. Ni anarchiste, ni hétéronome, la juridiction régionale européenne combine ainsi l’exercice de sa liberté avec les déterminismes qui sont propres à son système juridique, à son origine, à sa nature et à sa mission originelle. Ainsi, loin de s’opposer, liberté et déterminisme – autonomie et contraintes – coexistent, s’apprivoisent et s’équilibrent dans sa jurisprudence.
[1] Cour EDH, 10 octobre 2017, Lachikhina c. Russie, requête n° 38783/07.
[2] Voir, parmi beaucoup d’autres : Cour EDH (Gr. Ch.), déc., 12 décembre 2001, Banković et autres c. Belgique et autres, requête n° 52207/99, § 57.
[3] S. Touzé, « ‘Le droit européen des droits de l’homme sera international ou ne sera pas…’ Pour une approche autopoïetique du droit international », RGDIP, 2018, vol. n° 122, n° 1, pp. 5-22.
[4] E. Morin, Introduction à la pensée complexe, Paris, Le Seuil, 2005, p. 89.
[5] J.-P. Sartre, Cahiers pour une morale, Paris, Gallimard, 1983, spéc. pp. 448-suiv.
[6] A. Schahmaneche, La motivation des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2014, 794 p.