Le conflit entre la liberté d’expression publicitaire numérique et le droit au respect de la vie privée : vers la consécration d’un nouveau critère de mise en balance
Par Nabil Mounir, enseignant vacataire et docteur en droit privé – CREOP- Université de Limoges, avocat au barreau de Bordeaux
L’évolution rapide des technologies numériques et l’essor du e-commerce[1] conjugués à l’accroissement exponentiel des droits fondamentaux ont engendré un conflit complexe entre deux valeurs de nature supra-légale : la liberté d’expression[2] d’une part, notamment à l’œuvre dans le domaine de la publicité en ligne, et, le droit au respect de la vie privée[3] d’autre part. Cette friction entre la nécessité de promouvoir des produits et des services, et le besoin de protéger les données personnelles et la sphère privée des individus, invite à s’interroger sur les techniques en mesure d’opérer la mise en balance de ces intérêts concurrents.
En guise de réponse, cette étude propose une réflexion sur la manière de le résoudre, en mettant en lumière l’émergence d’un nouveau critère de mise en balance entre ces deux impératifs essentiels.
A partir du milieu des années quatre-vingt[4], la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) a fait la démonstration que les portes du droit commercial ne sont pas infranchissables pour elle et que l’immixtion du Droit européen des droits de l’Homme en la matière se trouve entièrement justifiée. Avec une audace moindre[5], il convient de le reconnaître, elle a élargi le champ de l’article 10§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et libertés fondamentales (CEDH), protégeant le droit fondamental à la liberté d’expression, aux discours commerciaux et publicitaires. Cette extension a donné naissance à une nouvelle liberté fondamentale à savoir la liberté d’expression publicitaire[6].
À une époque où les formes les plus efficaces de publicité commerciale, telles que la publicité ciblée ou la publicité télévisuelle segmentée, nécessitent l’exploitation d’importantes quantités de données, il est évident qu’un nouveau contentieux se profile devant les tribunaux. Il s’agit du conflit entre la liberté d’expression publicitaire et le droit à la protection des données à caractère personnel, bénéficiant de la protection instaurée par l’article 8 de la CEDH[7].
Certes, le conflit de droits opposant la liberté d’expression aux droits de la personnalité, notamment le droit au respect de la vie privée, est classique, la jurisprudence les concernant abondante[8]. Néanmoins, une confrontation de cette nature devant les prétoires européens en matière de publicité numérique est rare, voire inédite, mais hautement probable.
Cependant, l’origine du conflit entre ces deux droits supra légaux requiert la démonstration préalable du lien existant entre le traitement des données à caractère personnel et la diffusion ciblée de l’expression publicitaire. Autrement dit, le traitement des données à caractère personnel est-il intrinsèquement lié à l’exercice de la liberté d’expression publicitaire ciblée ?
Il convient de répondre par l’affirmative. En effet, la définition étendue du traitement des données[9] et le champ couvert par la protection du droit à la liberté d’expression, s’appliquant aussi bien aux activités de diffusion qu’à la collecte préalable d’informations[10], favorisent une interaction substantielle entre ces deux prérogatives.
La publicité numérique est aujourd’hui marquée par une montée en puissance du profilage des individus qui s’explique par le basculement, il y a plus d’une décennie, vers une publicité personnalisée à l’échelle de l’individu. Anciennement, les techniques de ciblage publicitaire se limitaient à pointer une audience définie de manière générale (par exemple des femmes de moins de 35 ans) en achetant des emplacements publicitaires sur les sites susceptibles d’être fréquentés par cette audience. Actuellement, l’hyperpersonnalisation des publicités affichées est notamment permise par le biais d’enchères en temps réel (« Real-Time Bidding » en anglais, ou RTB). Chaque annonce affichée à un individu à un moment donné est négociée et délivrée en quelques fractions de secondes[11].
Or, l’extrême personnalisation de la publicité numérique est intensifiée par l’intelligence artificielle (l’IA). Cette dernière représente une seconde vague d’algorithmes très puissants qui cherchent à proposer à chaque individu des publicités spécialement choisies pour lui. Cependant, elle nécessite de collecter de grandes quantités de données personnelles (par exemple, les sites et contenus consultés en ligne peuvent être très révélateurs des préoccupations du moment de l’individu, de son mode de vie, etc.).
A titre d’illustration, l’IA permet désormais une analyse plus fine des comportements des individus et une segmentation de l’audience en groupes plus spécifiques. Pour cela, elle a besoin de quantités astronomiques de données. Les algorithmes de traitement du langage naturel (NLP) comme « BERT » (Bidirectionnal Encoder Representations from Transformers), développé par Google, ou « Pixel Meta », développé par Meta ou encore les algorithmes de recommandation tel que « Collaborative Filtering » exploité par Netflix, sont largement utilisés pour une collecte massive des données. Ils permettent une analyse des commentaires des utilisateurs sur internet, les réseaux sociaux notamment, d’enregistrer leurs actions, d’extraire des informations pertinentes et de prédire leurs intérêts et préférences, et ce, à des fins notamment publicitaires.
Cette collecte de données représente une étape préalable nécessaire à l’exercice ciblé de la liberté d’expression publicitaire.
Partant, une interdiction ou une limitation de la collecte des données personnelles pourrait entraver l’exercice de la liberté d’expression publicitaire des annonceurs.
Aussi, l’exercice de la liberté d’expression publicitaire se heurte au respect de la vie privée des destinataires du message publicitaire ciblé, notamment lorsque la collecte de la matière première de ce message ne se fait pas conformément à la réglementation relative à la protection des données.
A l’ère de l’automatisation de la collecte des données et de la diffusion du message publicitaire (RTB), ainsi que la sophistication des capacités de calcul des algorithmes, phénomènes accentués par l’IA, le respect de cette règlementation, est sérieusement menacé.
Il apparaît donc que l’opposition entre les droits des annonceurs et les droits des individus est manifeste. Dans ce contexte se pose la question de savoir comment le juge européen envisagerait-il une conciliation entre le droit à la protection des données protégé par l’article 8§1 de la CEDH et le droit à la liberté d’expression publicitaire protégé par l’article 10§1 de cette convention ?
Il est constant que la Convention européenne ne contient aucune disposition matérielle établissant un principe de solution permettant de trancher un conflit de droits fondamentaux, lesquels sont irréductibles[12]. Par conséquent, le juge européen ne recourt nullement aux règles classiques de résolution des conflits, qu’il s’agisse du critère « lex posteriori derogat priori[13] » de l’adage « lex specialis per generalem non derogatur[14]« , ou encore du critère hiérarchique[15]. Néanmoins, il a développé certaines autres méthodes de résolution de conflits qui peuvent être envisagées[16], mais elles n’assurent pas forcément une conciliation entre les intérêts divergents.
En définitive, le traitement au cas par cas semble être la voie possible pour parvenir à un juste équilibre entre les intérêts antinomiques. Cette approche représente la position du juge européen des droits de l’Homme, lequel, en rejetant nettement l’idée de hiérarchie, affirme que les droits et libertés en conflit « méritent a priori un égal respect[17] » et qu’il « n’existe aucun rapport de subordination entre les droits garantis par les deux dispositions[18]« .
Ainsi, en se fondant sur le principe de proportionnalité, la Cour EDH a envisagé d’assister les juges nationaux à trancher les litiges qui leur sont soumis. La démarche adoptée par la Cour EDH dans les arrêts Von Hannover n°2 et Axel Springer[19] est emblématique à cet égard. En rationalisant le principe de proportionnalité à travers une série de critères[20] – une sorte de « corridor de solutions »[21] -, le juge européen a fait preuve de pédagogie, éclairant ainsi le juge interne sur la méthode à suivre pour la résolution des conflits de droits supra-légaux.
Ce « corridor » comprend cinq critères : la contribution des informations ou des photos à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée et l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne mise en cause, ainsi que le contenu, la forme et les répercussions de la publication et la gravité de la sanction imposée.
Ces critères d’appréciation de la proportionnalité ont rencontré un véritable succès[22] étant donné qu’ils permettent d’assurer la prévisibilité et la sécurité juridique[23]. Le vade-mecum « Von Hannover n°2« , pour paraphraser M. Afroukh, contribue également à promouvoir le principe de subsidiarité[24]. Leur application systématique à tous les conflits concernant la liberté d’expression ou le droit à la vie privée est indéniable[25]. Le même constat vaut pour le contexte spécifique de la protection des données. Ce « corridor » de solutions a été étendu à ce dernier domaine à l’occasion de l’affaire Satakunnan Markkinapörssi Oy e.a. c. Finlande, concernant la publication à grande échelle de données fiscales publiquement accessibles[26].
Pour autant, dans les litiges portant sur le conflit entre la liberté d’expression publicitaire et le droit à la protection des données personnelles, l’apport de certains critères peut s’avérer insuffisant (I). La spécificité et l’originalité du conflit objet de notre étude appellent une évolution inéluctable en la matière. Il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH qu’il est techniquement possible d’enrichir le mécanisme européen de mise en balance d’un nouveau critère spécifique à ce type de conflit (II).
I. L’INADEQUATION DES CRITERES ACTUELS DE LA MISE EN BALANCE
Les critères de mise en balance, tels qu’ils sont envisagés par la Cour EDH, ne semblent pas appropriés au conflit éventuel entre le droit au respect de la vie privée des consommateurs et la liberté d’expression publicitaire des annonceurs. En réalité, ces critères ont été édifiés sur les décombres des litiges classiques opposant l’article 8§1 à l’article 10§1 de la CEDH.
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que l’affaire Von Hannover n°2 trouvait son origine dans le refus des autorités allemandes d’interdire à la presse toute nouvelle publication de deux séries de photographies montrant la princesse Caroline Von Hannover en compagnie de l’acteur Vincent Lindon ou de son mari le prince Ernst August Von Hannover dans un contexte de vacances[27].
Dans l’arrêt Axel Springer[28], la Cour a examiné, sur le terrain de la clause d’ordre public de l’article 10, l’interdiction opposée à deux sociétés de médias de rendre compte de l’arrestation et de la condamnation d’un homme accusé de meurtre. Les requérantes se plaignaient d’une décision judiciaire par laquelle avait été interdite la diffusion d’images montrant de manière reconnaissable cette personne (héros d’une série policière très reconnue en Allemagne).
Dans les deux affaires, l’objet du litige portait sur la publication par la presse et les médias d’une donnée personnelle (image) concernant des personnes notoires, ce qui est diamétralement opposé à ce qui pourrait constituer l’objet du conflit en matière de publicité numérique, laquelle vise à collecter les données personnelles d’individus « lambda ».
Dans le cadre de ce conflit, les données à caractère personnel ne seront qu’un moyen pour la diffusion d’un message publicitaire ciblé. En aucun cas, elles ne feraient, en tant que telles, l’objet d’une large diffusion. De plus, ces données n’appartiennent pas nécessairement à une personnalité publique et la diffusion sera effectuée pour le compte d’un annonceur qui est souvent une société commerciale ou industrielle.
Ainsi, les fondements du conflit étudié ne sont pas ceux habituellement traités par le juge européen des droits de l’Homme. Ce sont le droit à la protection des données personnelles et la liberté d’expression publicitaire qui sont réellement en conflit. Par conséquent, certains critères prédéfinis par la Cour européenne des droits de l’Homme ne pourraient contribuer à une réelle mise en balance des intérêts en jeu.
L’hypothèse avancée est la suivante : s’agissant du conflit de droit entre l’article 10§1 et l’article 8§1 de la CEDH qui pourrait avoir lieu en raison de l’utilisation abusive des données à caractère personnel à des fins de ciblage publicitaire, la mise en balance suppose que certains critères de résolution de conflit soient neutralisés (A) quand d’autres devraient s’adapter (B).
A. Des critères à neutraliser
Parmi les cinq critères précités, deux d’entre eux semblent inadaptés à la résolution du conflit entre la liberté d’expression publicitaire numérique et le droit à la protection des données à caractère personnel. Les critères dont il s’agit sont : la contribution à un débat d’intérêt général et le critère de la notoriété de la personne.
L’inadaptation de ces critères ne signifie pas que le juge européen des droits de l’Homme ne peut pas y recourir. D’ailleurs, c’est ce que la Cour a fait dans l’affaire Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, dont les circonstances ne se prêtaient pas à une telle application, ce qui lui a valu beaucoup de critiques[29].
En effet, bien que le juge puisse invoquer ces critères, nous estimons qu’ils ne seront pas d’un grand soutien pour lui dans son action de conciliation et ce, en raison à la fois de la forme d’expression en cause mais aussi de la personne qui s’estime victime d’une atteinte à son droit au respect de la vie privée.
En conséquence, nous partons du postulat que l’expression publicitaire ne contribue pas de manière significative au débat d’intérêt général, ou, dans le cas où elle y contribuerait, cette contribution serait très secondaire et indirecte (a). De plus, les données à caractère personnel utilisées pour la production de cette publicité n’appartiennent pas nécessairement à des personnes jouissant d’une certaine notoriété (b). Par conséquent, ces critères devraient être neutralisés.
a. La non-contribution de l’expression publicitaire commerciale à l’intérêt général
De l’étude de la jurisprudence européenne, une constante est observable : la contribution d’une information à un débat d’intérêt général est un élément déterminant de la résolution des conflits relatifs à l’exercice de la liberté d’expression[30]. Il s’agit effectivement d’un critère matriciel de résolution des conflits.
Il est constant que lors de la mise en balance de la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée, la Cour apprécie le degré de la contribution du message, de type article publié ou image, au débat d’intérêt général[31]. Si l’information publiée contribue à un tel débat, la liberté d’expression l’emporte généralement sur la protection de la vie privée[32]. A contrario, lorsque l’information en question est sans importance pour la société, le respect de la vie privée de la personne concernée prend le dessus sur l’article 10§1[33].
Certes, la mise en balance ne s’effectue pas avec une telle automaticité, le juge prend en considération les autres critères. Par exemple, il ne saurait laisser de côté les conséquences de la publication ou la sévérité de la sanction imposée aux journalistes ou éditeurs. De la sorte, une ingérence assez significative dans l’exercice de la liberté d’expression peut donner lieu à un constat de violation de cette liberté, bien que la publication ne contribue pas réellement au débat d’intérêt général[34]. Cependant, il est indéniable que le critère de la contribution au débat d’intérêt général est central en matière de conciliation entre les droits protégés respectivement par les articles 10 et 8 de l’instrument conventionnel.
Habituellement, ce critère est favorable à la liberté d’expression[35]. Or, son application au conflit objet de notre étude le transforme en un obstacle à cette liberté.
De fait, il est commun que la publicité commerciale, outre l’information qu’elle est susceptible de procurer aux consommateurs sur les biens et services existant sur le marché, a des visées intéressées : la recherche de la notoriété et l’optimisation de la vente dans une logique de maximisation du profit.
Dès lors, l’examen du critère concernant le degré de la contribution de l’expression publicitaire en cause à l’intérêt général fait pencher d’ores et déjà la balance en faveur du droit du consommateur à la protection de sa vie privée. De plus, il serait assez illusoire de s’attendre à ce que la publicité commerciale soit orientée vers l’intérêt général. Ce n’est pas sa vocation première.
La non-contribution d’une information au débat d’intérêt général influe sur le niveau de sa protection européenne. Il appert de la jurisprudence de la Cour qu’il existe plusieurs niveaux de protection selon la nature du discours en cause[36]. Le discours publicitaire, contrairement au discours politique ou celui véhiculé par la presse par exemple, reçoit une protection faible[37]. La non-contribution d’une telle forme d’expression au débat de société justifie en partie la faible protection qui lui est consacrée.
En outre, il convient de souligner que l’information supposée contribuer au débat d’intérêt général englobe divers types de renseignements, tels que les informations politiques, économiques, judiciaires, etc. À l’inverse, en matière de ciblage publicitaire, les informations concernées sont celles permettant d’identifier un individu, telles que l’âge, le sexe, les centres d’intérêts en matière de consommation, la localisation, etc. Ainsi, non seulement ces informations sont de natures différentes, mais elles visent également des finalités distinctes.
En conséquence, il faudrait reconnaître que ce critère central dans l’opération de la mise en balance des droits en opposition lors de la diffusion d’une information au sens classique du terme constituerait, tant que ce discours sert des intérêts mercantiles, un obstacle dirimant à la liberté publicitaire des annonceurs. Par conséquent, sa neutralisation dans le cadre spécifique du conflit étudié est recommandée.
b. Le défaut de notoriété de la victime d’atteinte au droit au respect de la vie privée
Le critère de la notoriété de la personne qui s’estime victime d’une atteinte à sa vie privée complète le critère de la contribution à un débat d’intérêt général. Il est constant que les informations publiées et dont le sujet est une personne ayant une certaine notoriété, sont généralement d’un intérêt pour le public auprès duquel la personne en question fait audience. On sait également qu’il résulte de la jurisprudence strasbourgeoise que « ces catégories de personnes s’exposent inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de leurs faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens [38]».
Pour la Cour EDH, « le rôle ou la fonction de la personne visée et la nature des activités faisaient l’objet du reportage et/ou la photo constituent un autre critère important, en lien direct avec le précédent [contribution à l’intérêt général][39] ». Ainsi, une distinction doit être faite entre de simples particuliers et les personnes de notoriété publique agissant dans un contexte public. À cet égard, il est tout à fait compréhensible que le rôle de la presse soit considéré comme moins important lorsqu’il s’agit de communiquer des idées et des informations concernant une personne lambda[40]. Dans ce sens, l’article 10§1 appellerait certainement une interprétation moins large au profit de l’article 8§1.
Traditionnellement, l’opposition entre ces deux droits porte surtout sur la publication des informations personnelles concernant une personne ayant une certaine notoriété[41]. L’atteinte à la vie privée était auparavant l’apanage des personnes notoires et les personnes lambdas n’étaient que rarement confrontées à ce genre de conflit.
Aujourd’hui, l’importance des données et l’essor de la publicité numérique, font que la qualité de victime d’une atteinte au droit à la vie privée ne peut se résumer à la seule personnalité publique, notoirement connue, mais peut également concerner tout particulier se servant des outils de communication électroniques et dont les données à caractère personnel ont été utilisées à des fins publicitaires sans son consentement.
En observant le critère de la notoriété dans le cas du conflit étudié, il est assez logique que le juge soit incité à faire pencher la balance en faveur du droit au respect de la vie privée.
Dès lors, avec ce critère, l’efficacité de la mise en balance dans le contexte étudié ne serait pas franchement efficace. Il devrait à son tour être neutralisé.
B. Des critères adaptables au conflit
Les trois critères restants, à savoir l’examen du mode d’acquisition des informations, le contenu du message et le comportement antérieur de la personne concernée, semblent appropriés eu égard au conflit en question. Il convient de souligner que chacun de ces critères pourrait favoriser l’un ou l’autre des droits en présence.
Concernant le critère du mode d’acquisition des informations – que nous nommerons dorénavant le critère du mode de collecte des données – il importe de préciser que les informations concernées peuvent revêtir la forme de photographies ou de données personnelles relatives à un individu, qu’il soit un individu ayant une notoriété publique ou une personne ordinaire.
Il est opportun de rappeler que dans l’affaire Von Hannover n°2, par exemple, la publication litigieuse portait sur des photographies. Afin de déterminer leur mode d’acquisition, la Cour s’est attardée sur les circonstances dans lesquelles ces clichés ont été capturés. Il semble donc que c’est la vérification du consentement préalable à la prise et à la diffusion des photographies qui oriente la décision du magistrat[42]. Naturellement, l’absence de consentement ou le recours à des manœuvres frauduleuses pour obtenir les informations diffusées fait pencher la balance en faveur de la protection du droit au respect de la vie privée.
Ces éléments semblent parfaitement pertinents dans le cadre du conflit entre la liberté d’expression publicitaire et le droit à la protection de la vie privée. Dans ce domaine, les informations concernées sont les données à caractère personnel, leur appartenance à des individus notoires ou ordinaires étant indifférente. De ce fait, la vérification de leur mode d’acquisition pourrait tout aussi bien favoriser la protection de la vie privée que légitimer la publicité incriminée.
Il est constant que pour être licite, tout traitement de données à caractère personnel doit être autorisé par l’individu concerné. À cet égard, le Règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD) exige du responsable du traitement de recueillir le consentement éclairé, spécifique et univoque de ce dernier. Le respect de cette obligation fondamentale par les émetteurs de publicité commerciale devrait, en théorie, les prémunir contre la censure. Le conditionnel utilisé ici est justifié par le fait que le responsable du traitement est également tenu de respecter plusieurs autres obligations une fois le consentement obtenu. Ce dernier, qui n’est pas nécessairement l’auteur du message publicitaire, doit informer l’individu quant à l’usage qui sera fait de ses données[43].
Si, sur la base de ces informations, l’individu consent au traitement de ses données à caractère personnel à des fins publicitaires, il ne pourrait légitimement se plaindre d’une atteinte à sa vie privée si celles-ci sont exploitées conformément à ces fins. Or, étant donné que l’individu n’a souvent guère d’autre choix que d’accepter d’être suivi en ligne, puisque la collecte de ses données compense son utilisation « gratuite » des nombreux services offerts, il est contraint de consentir à l’installation de certains types de cookies sur son ordinateur s’il souhaite bénéficier desdits services. Cette pratique répandue des « cookie walls » permet de suivre et d’analyser minutieusement le comportement des visiteurs d’un site web et de partager ces informations avec des tiers[44].
Il convient de souligner qu’en marketing, l’expression « si c’est gratuit, c’est vous le produit » est une règle incontournable. En revanche, cette sorte de pacte implicite entre l’internaute et l’annonceur (Je vous offre un accès gratuit à tel contenu en ligne et, en échange, je prélève un certain nombre de vos données personnelles) n’est pas toujours suffisamment intégré dans le raisonnement juridique.
Par conséquent, la vérification du consentement apparaît comme une tâche délicate. Comment le juge européen apprécierait-il l’existence ou non d’une volonté authentique de recevoir des messages publicitaires ciblés de la part des individus ayant consenti à l’utilisation de leurs données afin d’accéder à un service en ligne ? Il est vrai que la définition du consentement au sens du RGPD tel qu’interprété par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) exige du responsable du traitement de ne pas subordonner l’accès à son contenu à l’acceptation par l’utilisateur des cookies traceurs[45].
Cependant, cette interprétation est partiellement remise en cause par le Conseil d’État dans sa décision du 19 juin 2020[46], lequel ne semble pas favorable à une interdiction générale et absolue des « cookies walls ». Aussi, n’est-il pas légitime pour le responsable du traitement de rechercher une contrepartie aux services fournis ? Lors de l’examen de cette question, le juge européen devrait accorder une certaine considération à l’intérêt économique du gestionnaire des données nécessaires à la production de la publicité personnalisée. En effet, une évaluation objective des intérêts concurrents risque de modifier les conditions de « liberté » exigées pour un consentement licite au sens du RGPD. Autrement dit, si le juge européen des droits de l’Homme reconnaît l’importance de l’intérêt de l’émetteur du message publicitaire, tout refus d’accès au service en ligne en cas de refus d’acceptation des cookies traceurs ne devrait pas automatiquement conduire à une sanction. La CNIL semble d’ailleurs emprunter cette voie en réajustant ses lignes directrices interdisant de manière générale et absolue les « cookie walls« [47].
Bien qu’il serait surprenant que le juge européen des droits de l’Homme adopte ce raisonnement, qui revêt un caractère assez libéral, les interrogations concernant le mode de collecte des données à caractère personnel tentent simplement, sans épuiser le sujet, de démontrer que ce critère est adaptable dans le cadre du conflit opposant la liberté d’expression publicitaire au droit à la protection des données.
En ce qui concerne le contenu du message, son examen permet à la Cour européenne des droits de l’Homme de mesurer les conséquences de l’information publiée sur la vie privée de la personne concernée[48]. La nature pénale ou non des faits imputés à une personne diffamée peut favoriser l’un ou l’autre des droits en présence[49]. En outre, en cas d’atteinte médiatique à la vie privée d’une personne, la Cour évalue le caractère « intime » des informations rendues publiques. Lorsque la publication contient des informations personnelles concernant une personne ordinaire, la balance penche généralement en faveur de l’article 8§1.
De plus, le contexte dans lequel ces informations ont été recueillies est pris en considération. Si la collecte a eu lieu dans un contexte privé, l’atteinte à la vie privée d’une personne, même si elle a une certaine notoriété, l’emporte souvent sur la liberté d’expression[50].
Cependant, l’article 10 prévaut souvent sur le respect de la vie privée lorsque les faits révélés ne sont pas graves mais de nature anodine[51]. De même, la publication par un journal d’informations personnelles déjà révélées dans le passé, permet un arbitrage en faveur de la liberté d’expression[52]. Il convient toutefois de noter qu’une diffusion massive de données brutes déjà accessibles au public, sans aucun apport analytique, justifierait une restriction de la liberté d’expression[53]. Enfin, les répercussions de la publication sur la personne sont également prises en compte par le juge européen[54] dans son évaluation du contenu du message. Ainsi, l’ampleur de la diffusion, locale, nationale ou internationale, est un élément déterminant de la gravité de l’impact subi par la personne concernée[55].
La vérification de ces éléments dans le cas du message publicitaire personnalisé est tout à fait envisageable.
Nous avons souligné précédemment que l’importance des informations personnelles utilisées à des fins publicitaires ne dépend pas de la personne à laquelle elles appartiennent, bien que cette distinction soit cruciale pour les annonceurs. Une personne disposant d’un patrimoine financier important est plus susceptible de réagir à une annonce qu’une personne aux revenus modestes, de sorte que les données de la première peuvent avoir plus de valeur que celles de la seconde. Toutefois, la notoriété de la personne n’est pas un critère pris en compte.
Par conséquent, le seul cas où le juge examinerait la nature des données traitées à des fins publicitaires serait celui où il s’agirait de déterminer si des données sensibles, dont le traitement est strictement interdit, ont été collectées avec le consentement de l’individu[56]. Dans un tel cas, il ne s’agit pas d’examiner le contenu du message mais plutôt la matière ayant contribué à sa production ou du moins à sa personnalisation. Par conséquent, il semble que le critère d’évaluation du contenu du message ne soit pas, a priori, véritablement adapté au conflit de droit étudié.
Pourtant, ce constat est quelque peu trompeur. Contrairement aux litiges classiques opposant l’article 10 à l’article 8, dans le cas du conflit impliquant l’expression publicitaire numérique, l’examen du juge – en application du critère du contenu du message – portera sur l’objet du message, c’est-à-dire sur le produit ou le service faisant l’objet de la publicité.
De cette manière, d’autres éléments entreront en jeu. Il s’agirait notamment de vérifier si le produit est autorisé à faire l’objet de publicité (le tabac, par exemple) ou encore si le contenu respecte les principes de loyauté, de dignité et de décence[57]. Comme nous l’avons précédemment souligné, le juge examine, dans le cadre de son analyse du contenu du message, les répercussions de celui-ci sur la personne. Par conséquent, il ne vérifiera pas l’ampleur de la diffusion mais plutôt l’impact du message personnalisé, résultant d’un profilage répété, sur le comportement et la liberté de choix de son destinataire. De la sorte, il apparaît que ce critère est important pour la résolution du conflit.
Enfin, en ce qui concerne l’examen du comportement antérieur du consommateur, il s’agit d’un critère permettant au juge de déterminer si le consommateur peut légitimement s’attendre à une certaine protection de sa vie privée[58]. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme est constante à cet égard. Ainsi, si les faits révèlent que la personne concernée a elle-même divulgué des informations la concernant et s’est déjà projetée sur la scène publique, elle risque de perdre tout droit à une protection effective de sa vie privée au titre de l’article 8§1. En d’autres termes, les individus ne peuvent solliciter les médias à des fins personnelles et ensuite se plaindre de leur médiatisation pour réclamer un droit à l’oubli[59].
Il convient de noter que la jurisprudence susmentionnée ne peut être directement appliquée au contexte du conflit examiné dans l’étude. Cette observation est d’autant plus pertinente étant donné que la CNIL, par exemple, adopte une position distincte en prohibant expressément la réutilisation des données accessibles publiquement en ligne à des fins de prospection commerciale[60].
Il est à souligner que les consommateurs conservent toujours le droit de s’opposer à la réutilisation de leurs données, même si celles-ci sont librement accessibles sur internet. Cette orientation se justifie dans un contexte où de nombreux individus choisissent de partager délibérément des aspects de leur vie privée en ligne. Priver ces individus du droit de s’opposer à l’utilisation de leurs données par des annonceurs sous prétexte qu’ils les ont volontairement rendues publiques affaiblirait les fondements de la protection garantie par le cadre juridique relatif à la protection des données.
En définitive, il ressort que l’application systématique des critères « Von Hannover n°2 » dans le cadre du conflit opposant la liberté d’expression publicitaire au droit à la protection des données à caractère personnel aboutit à une insatisfaisante mise en balance des intérêts en concurrence. Le contrôle exercé dans le cas où la Cour européenne des droits de l’Homme serait saisie d’un tel conflit devrait revêtir un caractère spécifique. À cet égard, afin de combler les lacunes du cadre établi par les arrêts « Von Hannover n°2 et Axel Springer« , il convient de définir un nouveau critère spécifique au conflit étudié.
II. POUR L’ELABORATION D’UN NOUVEAU CRITERE DE CONCILIATION : L’EXERCICE DES DROITS ACQUIS
D’emblée, il est primordial de souligner que nous partons de l’hypothèse fondamentale selon laquelle la liberté d’expression publicitaire et le droit à la protection des données à caractère personnel bénéficient d’une égale valeur normative[61]. À partir de cette prémisse, il apparaît que le juge européen, chargé de peser les intérêts concurrents de ces droits, aurait besoin, selon nous, de recourir à l’observation du critère de l’exercice des droits acquis.
Cependant, dans le cas contraire où le juge transposerait son obiter dictum[62] relatif à la liberté d’expression publicitaire, ce qui entraînerait une réduction de celle-ci, toute tentative de recherche d’équilibre ne serait qu’une illusion, et tout effort visant à élaborer un nouveau critère de mise en balance serait vain.
En effet, et avant de préciser les contours du nouveau critère, rappelons qu’en dehors du contexte spécifique du conflit étudié, la jurisprudence de la Cour EDH a manifesté une certaine autocensure à l’égard de la liberté d’expression publicitaire.
Il ressort de cette jurisprudence que le juge s’abstient d’exercer un contrôle approfondi[63] sur les restrictions imposées à l’expression publicitaire, en ce que cette expression parait moins essentielle à la défense des valeurs démocratiques et préfère se retrancher derrière une large marge d’appréciation au bénéfice des États[64].
Nous estimons que l’application de la position de la Cour au conflit opposant la liberté d’expression publicitaire et le droit au respect de la vie privée, dans le contexte spécifique de l’exploitation des données à des fins de ciblage, pencherait inévitablement en faveur de l’article 8 de la CEDH. Or, cet automatisme nous semble incompatible avec la technique de mise en balance fondée sur le principe de proportionnalité, laquelle exige une analyse au cas par cas. En définitive, nous espérons que le principe de l’égale valeur normative des prérogatives en friction sera vigoureusement appliqué lorsque la question se posera devant le prétoire du juge strasbourgeois.
Il convient donc désormais d’examiner la proposition de l’instauration du critère de l’exercice des droits acquis.
Ce critère impliquerait que le juge exige de l’individu qu’il exerce les droits qui lui sont garantis par les textes[65] relatifs à la protection des données à caractère personnel afin de s’opposer à la collecte de ses données à des fins publicitaires sans autorisation. En outre, il conviendrait de prendre en compte le potentiel et controversé droit à la patrimonialité des données, dont les prémices sont introduites par la directive sur certains aspects des contrats de fourniture de contenu numérique[66].
En se fondant sur l’examen effectué par la CEDH du comportement antérieur de l’individu, c’est-à-dire lorsqu’elle vérifie si celui-ci a divulgué les informations privées le concernant, elle pourrait être amenée, dans le cadre du critère de l’exercice des droits acquis, à examiner si cet individu a effectivement exercé les droits qui lui sont garantis par le droit interne et européen avant de saisir le juge.
Dans son évaluation de ce critère, le juge européen devrait faire la distinction entre deux types de droits : ceux dont l’exercice est prérequis (droit à l’effacement des données, droit d’opposition, révocation du consentement) avant toute réclamation relative à la protection de la vie privée, et ceux qui, une fois exercés (transfert des données), pourraient compromettre la légitime attente de l’individu à une protection effective de sa vie privée. Ainsi, le juge pourrait se retrouver confronté à un individu passif (droits non exercés) (A) ou à un individu actif (droits exercés) (B).
A. L’individu passif
La passivité de l’individu serait évaluée après que le juge national ou européen ait été saisi d’une requête alléguant la violation du droit à la protection des données à caractère personnel protégées. L’affaire serait alors portée devant le juge sous l’angle de l’article 8 de la CEDH.
Cependant, une telle situation n’influencerait pas nécessairement la méthode traditionnellement adoptée par le juge pour résoudre le conflit[67].
Effectivement, l’individu passif serait celui qui, après avoir épuisé les recours internes (dans le cas de la France, après avoir saisi la CNIL et le Conseil d’État)[68], saisirait le juge européen des droits de l’Homme sur le fondement de l’article 8§1, sans avoir exercé au préalable les droits dont il dispose : droit à l’effacement, droit d’opposition ou révocation du consentement, etc.
Soulignons que l’exigence d’exercice des droits acquis ne s’appliquerait qu’aux violations survenues après que le consommateur ait accepté la collecte de ses données. Cette restriction peut être justifiée par le fait que les droits dont dispose l’individu ne peuvent être invoqués qu’après avoir consenti au traitement de ses données.
Un consommateur ayant consciemment coché une case, rempli et signé un formulaire pour adhérer à un réseau social ou pour conclure un contrat en ligne ou lorsqu’il accepte l’installation de « cookies » sur son terminal, ne pourrait légitimement contester la réception de publicités personnalisées sur la base des données fournies. Bien sûr, cela n’entraînerait pas la perte du droit de revendiquer le respect de sa vie privée en cas d’atteinte avérée, mais cela limiterait néanmoins sa légitime attente à une telle protection, ce qui influencerait par conséquent le niveau d’effectivité du droit protégé par l’article 8§1 de la CEDH.
Aussi, les personnes vulnérables et les mineurs, par exemple, conserveraient toujours le droit de saisir le juge sur cette base, sous réserve des articles 34 à 37 de la CEDH.
Au demeurant, la mise en œuvre de ce critère ne semble pas poser de réels problèmes, le juge national pourrait s’en emparer sans difficulté majeure. De plus, la prévisibilité des résultats des litiges découlant d’une application appropriée de ce critère pourrait réduire le nombre de requêtes portées devant la Cour européenne.
Ce critère devrait être considéré comme un élément complémentaire des autres critères adaptés au conflit que le juge devrait prendre en compte dans sa quête d’équilibre.
Compte tenu de ces considérations, l’observation du critère de l’exercice des droits acquis pourrait permettre d’établir un équilibre entre l’exploitation licite des données à des fins publicitaires et le droit du consommateur à la protection de ses données. D’une part, le responsable du traitement ne serait pas automatiquement sanctionné pour avoir traité les données à des fins publicitaires lorsque la personne concernée y a consenti. D’autre part, le consommateur serait incité à exercer les droits lui permettant de mettre fin légitimement à un tel traitement.
Par ailleurs, ce nouveau critère de mise en balance pourrait sembler assez libéral dans la mesure où il propose un traitement égal des droits protégeant des éléments de la personnalité et une liberté qui, dans le contexte de la publicité commerciale, revêt un aspect éminemment économique. Cependant, en présence de deux droits fondamentaux, la Cour exige un respect égal[69]. Par conséquent, le juge devrait a priori faire preuve de pragmatisme et opter pour une recherche objective d’un équilibre entre les droits en conflit.
Cela étant dit, la vérification par le juge de l’exercice d’un droit acquis n’est pas inédite.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme fournit un exemple en la matière. Ainsi, dans l’affaire M.L. et W.W c. Allemagne[70], deux frères contestaient, sur la base de l’article 8 §1, le refus des juridictions allemandes d’ordonner la suppression en ligne des archives concernant leur condamnation pour meurtre et mentionnant leurs noms. L’un des motifs de la décision de la Cour qui n’a pas conclu à un constat de violation est particulièrement intéressant. En effet, elle a estimé, d’une part, que malgré l’écoulement du temps, la disponibilité en ligne des reportages en question contribuait au débat d’intérêt général, et a considéré d’autre part que les requérants avaient perdu leur espérance légitime à bénéficier d’un droit à l’oubli pour ne pas avoir demandé la suppression de ces reportages aux exploitants des moteurs de recherche[71]. Évoquer le fait que les deux frères n’aient pas formulé une telle demande auprès des exploitants des moteurs de recherche est révélateur, comme M. Lyn François l’a souligné, d’un éventuel nouveau critère de mise en balance[72]. Un raisonnement par analogie pourrait prévoir une telle exigence pour les autres droits consacrés par le RGPD. Si le « non-exercice » ne fait pas perdre au consommateur le droit au respect de sa vie privée, il constituerait néanmoins un facteur affaiblissant ce droit.
Il faut admettre qu’une évolution du mécanisme européen de résolution des conflits est en cours. La mise en place de nouveaux critères de mise en balance est donc probable. Dans l’affaire Aksu c. Turquie[73], par exemple, la juridiction strasbourgeoise s’est certes référée à la méthodologie établie dans l’affaire « Von Hannover n°2 »[74], mais elle l’a immédiatement adaptée au cas d’espèce, qui concernait une requête alléguant qu’un ouvrage comportait des passages offensants pour la communauté rom. Plus encore, la Cour a surtout insisté sur d’autres critères en lien avec le litige, à savoir les intentions de l’auteur de l’ouvrage, ses fonctions, la méthode de recherche utilisée ainsi que l’existence d’un dispositif juridique efficace de protection des droits relevant de la notion de « vie privée ».
En conclusion, il ne reste plus qu’à faire confiance au « pragmatisme du juge européen qui organise son contrôle à partir des intérêts exacts en conflit et du raisonnement des juges nationaux[75]», pour espérer une consécration du critère proposé.
B. L’individu actif
L’individu actif serait celui qui aurait exercé les droits lui permettant de transférer ses données à caractère personnel d’un opérateur économique à un autre. Seulement, il s’agit uniquement des droits de portabilité des données et du potentiel droit à la patrimonialité de celle-ci, qui offrent au consommateur un contrôle sur ses données à caractère personnel[76].
Il est indéniable que le modèle économique sur lequel repose l’économie numérique est fondé sur les données, considérées comme le « carburant » de cette économie[77]. Les services proposés en ligne ou via des applications mobiles sont en réalité onéreux. La vente aux enchères de données de profils d’utilisateurs (localisation, âge, adresse IP, historique des recherches et achats) permet de financer ces services[78].
Nonobstant, l’illusion de leur gratuité découle du fait que la collecte des données se faisait dans des conditions ne respectant pas les droits des consommateurs en ligne. La longueur et la complexité des conditions d’utilisation des services proposés entravent leur lecture attentive par les consommateurs. Toutefois, la vigilance du législateur européen, alerté après les différents scandales liés à l’utilisation des données, dont l’affaire Cambridge Analytica impliquant Facebook[79], a éveillé la conscience des individus, devenus de plus en plus préoccupés par le devenir de leurs données. Cette préoccupation a conduit à l’émergence de plusieurs droits permettant à l’individu de garder le contrôle sur ses données. Le plus controversé d’entre eux est sans conteste celui qui permet aux individus de vendre leurs données[80].
En réalité, même avant toute reconnaissance théorique d’un droit de vente ou d’échange des données, le simple fait d’accepter l’installation des cookies sur l’ordinateur implique leur traitement. Tout refus de la part de l’utilisateur est « sanctionné » par l’interdiction d’accès au service[81]. Par conséquent, les données ont, depuis toujours, servi de monnaie d’échange contre les services proposés en ligne et sur les mobiles. En fin de compte, l’évocation de cette possibilité de transmettre ses données en échange d’un service proposé permet de concilier la liberté d’expression publicitaire avec la protection du droit au respect de la vie privée des consommateurs, bien que ce dernier ressort affaibli de cette mercantilisation des données.[82]
Par ailleurs, en exerçant son droit à la portabilité des données, l’individu détiendrait ses données sous forme matérialisée, lui permettant de les transférer à un autre responsable de traitement en échange d’un service proposé. Ces données seraient ensuite exploitées[83], entre autres, pour la diffusion d’un message publicitaire personnalisé. Le consommateur pourrait également opter pour la vente de ses données en échange d’un service sans pour autant subir une telle exposition à la publicité[84]. Dans ce cas, les données du consommateur ainsi fournies seraient exploitées sur d’autres interfaces du marché numérique. Si l’une de ces options est choisie, les intérêts de la personne concernée, tout comme ceux du responsable du traitement, seraient a priori satisfaits.
En tant qu’agent de résolution du conflit opposant deux droits fondamentaux, le juge devrait évaluer, en cas de conflit, les intérêts de chacun des deux protagonistes en fonction du critère d’exercice de ces droits permettant le transfert ou la vente des données. S’il constate que l’individu a cédé ou transmis volontairement ses données en échange d’un service en ligne, il devrait prendre en compte ce choix spécifique. Dès lors, c’est l’espérance légitime de voir sa vie privée protégée qui serait remise en question. Ainsi, dans l’arrêt Hachette Filipacchi Associés (Ici Paris) c. France[85], la Cour européenne a estimé que la condamnation d’un magazine pour atteinte à la vie privée d’un chanteur célèbre violait l’article 10 de la Convention en affirmant que « dans la mesure où le magazine a repris des informations librement divulguées et rendues publiques par l’intéressé lui-même, notamment dans son autobiographie, sur ses biens et sur la façon dont il employait son argent, la Cour est d’avis que celui-ci ne conservait plus une espérance légitime de voir sa vie privée effectivement protégée[86]« . En outre, dans l’hypothèse où le responsable du traitement n’a pas respecté les termes du contrat de cession ou de location des données conclu avec le consommateur, le juge pourrait, indépendamment de la question du non-respect des obligations contractuelles qui ne relève pas de la compétence de la Cour, constater la violation du droit à la vie privée.
Il apparaît que le critère de l’exercice des droits acquis permettrait d’examiner objectivement les intérêts des deux parties. La résolution du litige concernant l’utilisation des données à des fins publicitaires requerrait des juges, nationaux ou européens, un certain pragmatisme et une objectivité dans leur contrôle. Ce critère, qui pourrait être examiné dans le cadre de l’examen du comportement antérieur, témoigne de telles exigences. De plus, le critère d’exercice des droits acquis encouragerait une plus grande responsabilité chez le consommateur, l’incitant à se renseigner sur ses droits et à les exercer. Par conséquent, les droits précités (consacrés par le RGPD) pourraient gagner en effectivité et en efficacité.
De surcroît, du côté des responsables de traitement, ce critère les inciterait à respecter davantage les droits des consommateurs, car à défaut, ils pourraient subir une restriction de leur liberté d’expression publicitaire.
En conclusion, l’application de ce critère présenterait un effet régulateur des conflits en la matière. Si l’intervention du juge reste nécessaire, sa tâche serait désormais moins ardue, ce dernier étant armé d’un critère adapté à ce type d’oppositions. L’issue du litige en matière d’utilisation illicite des données à des fins publicitaires gagnerait en prévisibilité, ce qui faciliterait à la fois le travail du juge et garantirait une certaine sécurité juridique en la matière.
[1] Fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD) : Bilan du e-commerce en France : 160 milliards d’euros ont été dépensés en ligne en 2023. Communiqué de Presse 2024.
[2] Garanti par l’article 10§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (CEDH).
[3] Garanti par l’article 8§1 de la CEDH.
[4] Comm. conc., avis 27 sept. 1984 : BOCC 19 avr. 1985, p. 122. Cons. conc., déc. n° 02-D-03, 19 janv. 2002, relative à une saisine et à une demande de mesures conservatoires présentées par la SARL Technic Publicité : BOCC n° 6, 29 mars 2002 ; Cour EDH : Barthold c. Allemagne, 25 mars 1985, aff. 8734/79 ; Cour EDH : Autronic AG c. Suisse, 22 mai 1990, Aff. 12726/87.
[5] N. MOUNIR : « La liberté d’expression publicitaire : réflexions critiques », Thèse de doctorat en droit privé, Université de Limoges, 2020, édition l’Harmattan 2022 ; L. MARINO : « Plaidoyer pour la liberté d’expression, droit fondamental de l’entreprise », RTD com 2011, p5.
[6] Ibid.
[7] Cour EDH : 12 févr. 2019, Rotaru c. Roumanie, n°26075/16 ; Cour EDH : 24 janv. 2019, Catt c. Royaume-Uni, n°43514/15 ; Cour EDH : 26 mars 1987, Leander c. Suède, n°9248/81.
[8] Voir par exemple Agathe LEPAGE : Droits de la personnalité – Droits de la personnalité et liberté d’expression –– éditions Dalloz Juillet 2022, actualisation : Mars 2024.
[9]Voir, Le Lamy droit du numérique : la notion de traitement, version actualisée le 04/2023 ; CNIL : https://www.cnil.fr/fr/cnil-direct/question/un-traitement-de-donnees-caractere-personnel-cest-quoi
[10] Cour EDH, Gde Ch. : 27 juin 2017, satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, n°931/13.
[11] Voir en ce sens l’arrêt de la Cour de justice de l’union européenne du 7 mars 2024, aff. 604/22 .
[12] F. SUDRE : « Les conflits de droits dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », éd. Nemesis, 2014, p. 17.
[13] Car le conflit de droits objet d’étude n’oppose pas une règle antérieure à une règle postérieure. Voir N. BOBBIO : « Des critères pour résoudre les antinomies », in C. PERELMAN : Les antinomies en droit, Bruylant, Bruxelles, 1965.
[14] F. SUDRE, préc., p. 18.
[15] P. GERARD : « L’esprit des droits. Philosophie des droits de l’homme », Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2007, p.203.
[16] P. DUCOULOUMBIER : « Les conflits de droits fondamentaux devant la Cour EDH », Bruylant, Bruxelles, 2011, p.457.
[17] Cour EDH. Grd ch : 7 février 2012, Von Hannover c. Allemagne n°2 ; Cour EDH : 7 février 2012, Axel Springer c. Allemagne, n°51405/12.
[18] Cour EDH. Gde.ch : 15 mars 2012, Aksu c. Tuquie, requêtes n° 4149/04 et 41029/04 §63.
[19] Cour EDH : Von Hannover c. Allemagne n°2, préc. ; Cour EDH : 21 septembre 2017, Axel Springer et RTL Télévision Gmbh c. Allemagne, préc., §42.
[20] J-P. MARGUÉNAUD, op.cit.
[21] Ibid.
[22] M. AFROUKH : « Les critères « Von hannover n°2 » dans la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme : une attractivité équivoque », préc., p. 596.
[23] L. AZOULAI : « Le rôle constitutionnel de la Cour de justice des Communautés européennes tel qu’il se dégage de sa jurisprudence », Rev. trim. dr. eur., 2008, p.41.
[24] M. AFROUKH : « Les critères « Von hannover n°2 » dans la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme : une attractivité équivoque », Rev. trim. dr. h. n°115, 2018, p. 595.
[25] Ibid ; Cour EDH : 20 mars 2018, Falzon c. Malte, n°45791/13, §55.
[26] Cour EDH : satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, préc.
[27] Cour EDH : Von HANNOVER c. Allemagne (n° 2) précité.
[28] Cour EDH : Axel Springer AG c. Allemagne, précité.
[29] Voir les opinions dissidentes, pp. 68 et s ; Q. VAN ENIS : « Protection des données et liberté d’expression : (re)diffusion de données publiques ne rime pas (toujours) avec activités journalistiques », Rev. tim. dr. h. 116/2018, p. 953.
[30] Dans l’Arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique du 24 février 1997 (requête n°19983/92) la Cour affirmait que « L’existence d’un débat d’intérêt général a pour conséquence un niveau élevé de protection de la liberté d’expression » ; Cour EDH : 24 juin, Von Hannouver c. Allemagne, comm.147, obs. A. LEPAGE, D. 2004
[31] Cour EDH : 17 octobre 2006, Gourguenitze c. Géorgie, req. n° 71678/01, D. 2007. Pan. 2778, obs. Ch. BIGOT.
[32] Cour EDH : 12 juin 2014, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France, requête n° 40454/07 ; Civ. 1re, 10 oct. 2019, n° 18-21.871, D. 2019. 1991 ; Légipresse 2019. 517 ; JCP 2019. 1255, note F. KORODI.
[33] Cour EDH : Von Hannover c Allemagne (2), préc. ; Civ. 1er, 27 février 2007, CCE 2007. Comm. 97, D. 2007. Somm. 2776, obs. Ch. BIGOT.
[34] E. DREYER : « Droit de la presse », D. 2020, p. 237.
[35] A. LEPAGE : « Droits de la personnalité et liberté d’expression », D. septembre 20019, §305.
[36] D. A. FARBER : « L’approche de la liberté d’expression par catégorie d’expression en droit constitutionnel américain » in La liberté d’expression aux États-Unis et en Europe, dir., Élisabeth Zoller, Dalloz, 1ère édi. 2008.
[37] Cour EDH, Barthold c. Allemagne, 25 mars 1985 précité ; Cour EDH : Autronic AG c. Suisse, 22 mai 1990 précité.
[38] Cour EDH : Satakunnan et Satamedia c. Finlande, précitée, §180
[39] Cour EDH : von hannover, préc. §110.
[40] Ibid.
[41] Commercialisation de l’image d’autrui, liberté d’expression et poupée vaudou – Tribunal de grande instance de Paris 29 octobre 2008 – D. 2008. 2870 ; Cour de cas., ch., crim., 16 mars 2016, n° 15-82.676 ; Cass., ass. plén., 7 mai 2004, n° 02-10.450 ; Cour EDH : 23 juillet 2009, Hachette Filipacchi c. France, n°12268/03.
[42] Cour EDH : Von Hannover, préc. §113.
[43] Articles 13 et 14 du RGPD.
[44] « Les Cookie Walls sont-ils conformes au RGPD ? » 8 avr. 2019, source : Newsroom-propositions47.net.
[45] La CNIL, Conformité RGPD : Comment recueillir le consentement des personnes, 3 août 2018. V. lien direct : https://www.cnil.fr/fr/conformite-rgpd-comment-recueillir-le-consentement-des-personnes
[46] Conseil d’État, déc., 19 juin 2020, n° 434684, concernant les lignes directrices de la CNIL relatives aux cookies et autres traceurs de connexion : accessible via le lien suivant : https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-conseil-d-etat-annule-partiellement-les-lignes-directrices-de-la-cnil-relatives-aux-cookies-et-autres-traceurs-de-connexion
[47] L’annonce de la CNIL vient à la suite de la décision du Conseil d’État datant du 19 juin 2020 (n° 434684) concernant les lignes directrices de la CNIL relatives aux cookies et autres traceurs de connexion. Accessible et téléchargeable à l’adresse suivante : https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs-le-conseil-detat-rend-sa-decision-sur-les-lignes-directrices-de-la-cnil
[48] L. FRANÇOIS : « Le conflit entre la liberté d’expression et la protection de la réputation ou des droits d’autrui », D. 2006. 2953.
[49] Cour EDH : 17 déc. 2004, Cumpana et Mazare c. Roumanie, req. 33348/96.
[50] Cour EDH : Von Hannover n°2, préc.
[51] Civ. 2e, 19 fév. 2004, n° 02-11. 122, Bull. civ. II, n°72, D. 2004; 2596, 3e esp., note Ch. BIGOT.
[52] C. Cas., Civ.1er, 13 mai 2014, n°13-15.819, D. 28 mai 2014, Obs. Mésa ; Civ. 1er, 20 nov. 1990, n°89- 12.580, Bull. civ. I, n°256, JCP 1992. II. 21908, note J. RAYANAS.
[53] Cour EDH : Satakunnan et Satamedia c. Finlande, préc. §174 et s.
[54] Cour EDH : 16 av ; 2009, Egeland et Hanseid c. Norvège, req., n°34438/04, §61.
[55] Cour EDH : 16 nov. 2004, Karhuvaara et Iltalehti c. Finlande, req., n° 53678/00. § 47.
[56] Voir les conditions posées par l’article 9 du RGPD.
[57] L. ARCELIN : « règles générales quant au contenu du message publicitaire », JurisClasseur Concurrence – Consommation Fasc. 794, 29 octobre 2018.
[58] J-B. WALTER : « l’espérance légitime », Fondation Varenne (coll. des thèses), 2011 ; V. aussi, L. François, l’espérance légitime : nouvelle technique européenne de la protection de la liberté de la presse à sensation, RLDI sep 2009, n°53, n°1716.
[59] L. FRANÇOIS : « Le droit à l’oubli numérique à l’épreuve de la liberté d’information », AJ Pénal, 2018, p.462.
[60] https://www.cnil.fr/fr/la-reutilisation-des-donnees-publiquement-accessibles-en-ligne-des-fins-de-demarchage-commercial
[61] Voir paragraphe n°6.
[62] C’est-à-dire exercer un contrôle limité sur les mesures restrictives de l’expression publicitaire en raison de sa finalité commerciale.
[63] Cour EDH : 24 février 1994, Casado Coca c. Espagne, préc., §55.
[64] Com. Europ. dr. h., 19 octobre 1992, Richard Colman c. Royaume-Uni, n°16632/90 ; Cour EDH : 30 janvier 2018, Sekmadienis Ltd. c. Luttonie, req., n°69317/14.
[65] La Convention 108 et le RGPD en premier lieu.
[66] Directive (UE) 2019/770 du parlement européen et du conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, considérant 24.
[67] Cour EDH : Von Hannover c. Allemagne n°2, préc., §106 ; Cour EDH : Axel Springer c. Allemagne, préc., §87.
[68] Sur cette question voire le Manuel de droit européen en matière de protection des données, 2014, p. 129.
[69] Concernant le conflit entre la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée, la formule a été employée pour la première fois dans l’arrêt Hachette Filipacchi Associés c. France, §41.
[70] Cour EDH : 28 juin 2018, numéros 60789/10 et 65599.
[71] L. FRANÇOIS : « Le droit à l’oubli numérique à l’épreuve de la liberté d’information », préc ; H. SURREL : « Droit à l’effacement et la liberté de la presse », JCP 2018, n°869.
[72] L. FRANÇOIS, préc.
[73] Cour EDH : Aksu c. Turquie, préc., §70 à 73.
[74] Pour reprendre l’expression de M. AFROUKH, préc.
[75] M. AFROUKH, préc., p.601.
[76] Il est important de souligner que les données sensibles ne rentrent pas la catégorie des données auxquelles nous faisons référence.
[77] Pour reprendre l’expression de la CNIL.
[78] CJUE 7-3-2024 aff. 604/22, IAB Europe, préc.
[79] Sur cette affaire, voir, entre autres, https://www.cnil.fr/fr/affaire-cambridge-analytica-facebook.
[80] Conseil d’État : « Le numérique et les droits fondamentaux », étude annuelle, 2014, p.62.
[81] L. ARCELIN : « Données personnelles : sésame déterminant sur le marché de la publicité digitale », RLDI, n°142, 2017.
[82] Conseil d’État, préc. p. 264 et s.
[83] Par le responsable de traitement lui-même, ou par ses partenaires commerciaux.
[84] C’est une option qui pourrait être envisageable après l’adoption de la directive concernant certains aspects des contrats de fourniture de contenu numérique.
[85] Arrêt du 23 juillet 2009, n° 40454/07.
[86] §53.