Le juge judiciaire face à la multiplication des sources des droits fondamentaux
La multiplication des sources des droits fondamentaux s’adresse à un juge désormais doté du pouvoir de contrôler et de censurer la loi. Le foisonnement des droits fondamentaux et leur plasticité laisse a priori au juge une ample latitude pour construire la norme de référence et déterminer l’amplitude de son pouvoir. Cependant, la multiplication des sources s’accompagne d’une multiplication des acteurs qui exercent une contrainte plus ou moins forte sur le juge national. Le droit européen des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme se distinguent tout spécialement en imposant au juge non seulement des standards de protection, mais encore des modes de raisonnement.
Fabien Marchadier est professeur à l’Université de Poitiers
La sémantique demeure relativement flottante. Les droits de l’homme ont concurrencé les libertés publiques. L’expression droits humains, pour mieux les différencier des droits des non-humains (?) et stigmatiser les actes inhumains, est parfois avancée. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont réuni les droits et libertés en précisant qu’ils étaient fondamentaux. Toutes ces formules ne désignent pas des objets très différents. Elles renvoient à l’affirmation d’une protection des individus contre la puissance publique et les autres individus. Ces droits et libertés se multiplient tant dans l’ordre interne que dans l’ordre international, où, sous l’impulsion de l’Organisation des Nations-Unies et de diverses organisations régionales, ils connaissent un grand foisonnement. Les droits civils, politiques 1, économiques, sociaux et culturels 2 de l’homme en général côtoient ceux des femmes 3, de l’enfant 4, du travailleur migrant 5 ou encore des personnes handicapées 6. Des textes ont une vocation générale tandis que d’autres n’envisagent qu’un seul aspect, la discrimination 7 ou la torture 8.
Les sources internes des droits fondamentaux se développent depuis l’emblématique Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Parmi toutes les déclarations qu’adoptent les gouvernants de la Première République qui suivent la Révolution de 1789, elle seule traversera les décennies jusqu’à son intégration dans le bloc de constitutionnalité par la décision de 1971 « liberté d’association » 9. Elle est associée à des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps contenu dans le préambule de la Constitution de 1946, à la charte de l’environnement et aux lois de la Troisième République sur les grandes libertés (association, syndicats, presse, réunion …) devenues des principes fondamentaux à valeur constitutionnelle 10.
La Constitution confie au législateur le soin de définir les droits fondamentaux et de préciser leur régime 11. Le législateur a cependant perdu la confiance qu’avaient placée en lui les révolutionnaires. Parce que la volonté d’un groupe peut être aussi tyrannique que la volonté d’un seul et se rendre coupable des mêmes abus, la démocratie n’est pas réductible au phénomène majoritaire déguisé en expression de la volonté générale. Le contrôle de la loi la contient. En toute matière, elle est contrainte par les droits fondamentaux à l’égard desquels sa compétence n’est pas souveraine. Un contrôle est prévu tant en amont qu’en aval de la promulgation de la loi, à l’initiative de la minorité parlementaire ou de tout individu au cours d’un procès. Il est exercé par un juge. Le juge constitutionnel appréciera, a priori ou a posteriori, la constitutionnalité des lois y compris au regard des droits fondamentaux depuis le coup de force réalisé en 1971 avec sa décision Liberté d’association par lequel il s’est émancipé du rôle de gardien du parlementarisme rationalisé qui lui avait été initialement assigné. Le juge ordinaire procédera au contrôle de conventionnalité des lois antérieures comme des lois postérieures sur le fondement de l’article 55 de la Constitution 12.
L’inexorable montée en puissance du juge n’évince pas le législateur. Moins orgueilleux et moins jaloux d’une souveraineté perdue, sa réactivité est plus grande que par le passé. Les constats de violation de la Cour de Strasbourg sont autant d’occasion de modifier la loi soit à la mesure du constat de violation (par exemple, le contrôle des publications étrangères 13, les droits successoraux de l’enfant adultérin 14), soit au-delà du constat de violation (par souci d’anticipation ou de progrès : protection des sources journalistiques 15, adaptation de l’état civil des transsexuels 16).
Le développement des sources internationales est plus récent. Il se réalise dans la seconde moitié du 20ème siècle en réaction au traumatisme provoqué par le Second conflit mondial. À la déclaration symbolique dotée d’un grand prestige et d’une grande autorité morale, mais dénuée de force juridiquement contraignante, qu’incarne la Déclaration Universelle des droits de l’homme, succéderont des conventions internationales entamant plus ou moins substantiellement la souveraineté des États (droit onusien universel depuis les Pactes de New-York jusqu’à la convention sur les droits des personnes handicapées et le droit régional, en Europe, en Afrique, en Amérique). Parmi elles, la convention européenne des droits de l’homme occupe une place particulière dans l’ordre juridique français. Son influence s’accroîtra à la fin du XXème lorsque les États parties accepteront, en pleine connaissance des raisonnements de la Cour, des principes directeurs et du domaine potentiellement illimité du droit européen des droits de l’homme, une juridictionnalisation du système de protection. Les méthodes d’interprétation de la Cour européenne des droits de l’homme ont produit une jurisprudence dynamique et évolutive guidée par la recherche d’effectivité des droits garantis. L’équilibre entre la marge nationale d’appréciation 17, expression du principe de subsidiarité, et le consensus européen est parfois déconcertant 18. Les reproches d’activisme et les critiques outrancières 19 parfois adressées à la Cour de Strasbourg sont cependant impuissants à occulter les avancées décisives que sa jurisprudence a suscitées dans les ordres juridiques nationaux pour assurer l’égalité entre les enfants, notamment les enfants adultérins 20, la dépénalisation de l’homosexualité 21, la protection des personnes les plus vulnérables – étrangers, transsexuels, homosexuels (accès à l’adoption 22, garde des enfants 23, forme organisée d’union 24), le développement de la liberté d’expression ou encore l’égalité des hommes et des femmes.
Cette multiplication des droits fondamentaux, affirmés et protégés dans des systèmes juridiques différents améliorent-ils la protection de leurs titulaires ou conduisent-ils à des oppositions, des contradictions qui nuisent à leur portée et les affaiblit 25 ? Le juge national, judiciaire mais également administratif, façonne au moins pour partie la réponse dès lors que les droits sont invocables devant lui, notamment par la voie de l’effet direct. Bien qu’il n’existe aucune présomption d’effet direct en faveur du droit international des droits de l’homme, la démarche adoptée, tant par la Cour de cassation que par le Conseil d’État, conduit à raisonner droit par droit plutôt qu’instrument par instrument. Dès lors, comment le juge judiciaire parvient-il à articuler ces différentes sources ? Certaines prévalent-elles ou sont-elles équivalentes ? Comment résorber les contradictions éventuelles entre des droits qui ne sont pas reconnus à l’identique, entre des droits qui n’ont pas nécessairement le même contenu ni le même domaine ?
En outre, les systèmes juridiques ne sont plus fermés. Les phénomènes d’internationalisation, d’intégration et de circulation des situations forcent leur ouverture et contribuent à leur porosité 26. Un juge national ne peut plus se contenter de raisonner dans un contexte purement national, tout particulièrement en matière de droits fondamentaux où interviennent des organes supranationaux dont certains, tels la Cour européenne des droits de l’homme, sont d’authentiques juridictions rendant des décisions obligatoires pour les États. Dans quelle mesure le droit européen des droits de l’homme influence-t-il le raisonnement et la décision ? Dans quelle mesure le juge national peut-il s’affranchir de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en se bornant aux notions et aux régimes définis par le droit national ? La multiplication des sources confronte ainsi le juge judiciaire à deux difficultés : la multiplication des instruments, leur concurrence, leur convergence et leur contradiction (I) et la multiplication des acteurs qui relèvent d’autres systèmes juridiques et qui interviennent selon des modes de raisonnement propres dans un contexte normatif singulier (II).
I. – Le juge judiciaire face à la multiplication des instruments
La multiplication des instruments de protection des droits fondamentaux ne devrait pas poser de difficultés particulières. La plupart contiennent des dispositions destinées à les désamorcer en privilégiant la solution qui assure le plus haut degré de protection des individus. Aux termes de son article 53, la Convention européenne des droits de l’homme s’efface chaque fois que le droit national d’un État contractant ou une convention internationale à laquelle il est partie offre un standard de protection plus élevé. En aucun cas elle ne pourrait avoir pour effet de le limiter ou de lui porter atteinte. L’article H de la Charte sociale européenne révisée prévoit une disposition similaire, tout comme l’article 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dès lors, si le niveau de protection est similaire, le juge national trouvera dans chacun de ces instruments un fondement à sa décision. Il les citera tous ou n’en citera qu’un, indifféremment. En revanche, si le niveau de protection est différent, il retiendra normalement l’instrument le plus favorable à l’individu.
Pourtant, y compris dans les situations de convergence 27, la pratique des tribunaux révèle une omniprésence de la CEDH, même lorsque les droits sont déjà consacrés dans l’ordre interne et plus encore lorsqu’ils sont contenus dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (à l’exception notable de la Convention internationale des droits de l’enfant). Dans le premier cas, il n’existe aucune ligne clairement affirmée. La CEDH apparaît seule alors qu’elle n’était peut-être pas nécessaire et que le droit national aurait permis d’aboutir à une solution identique 28. D’autres fois, sans doute plus fréquemment que par le passé 29, CEDH et droit national sont visés ensemble 30), sans doute pour renforcer leur gémellité et l’assise d’une décision, l’accumulation créant une apparence de justesse ou dissimulant une difficulté insurmontable. Lorsque le droit national intègre d’une façon ou d’une autre les exigences européennes, il se suffit à lui-même 31.
Le rayonnement de la CEDH est beaucoup plus flagrant lorsque le droit invoqué est également protégé par un autre instrument international de portée générale et tout particulièrement le PIDCP alors même que l’une des parties l’invoquerait spécifiquement voire exclusivement 32. Lorsque les garanties sont identiques, ce choix, qui ne s’explique guère autrement que par une sorte d’inclination naturelle pour ce qui est familier et proche 33, a pour seule conséquence d’éluder et de négliger cet autre instrument 34. Il est beaucoup plus gênant, lorsque les garanties offertes par l’un ou l’autre instrument sont sensiblement différentes. Ainsi, l’article 14 du PIDCP développe davantage le droit au procès équitable que l’article 6 de la Convention, et plus précisément les garanties des accusés en matière pénale 35, de même que l’article 26 du PIDCP prohibe, de manière autonome et indépendante contrairement à l’article 14 CEDH, toutes les discriminations. Ce n’est donc pas la multiplication des instruments et des droits qui affaiblit ici la protection des individus, mais le refus d’appliquer celui qui offrirait le standard de protection le plus élevé.
L’articulation entre les textes n’est donc simple qu’en apparence. Et elle se révèle impuissante à éliminer les phénomènes de concurrence dont les conditions et les issues ne sont pas toujours sans arrière-pensées.
Les contrôles de conventionnalité et de constitutionnalité, bien qu’ils relèvent d’autorités différentes sont ainsi placés dans une situation de concurrence par l’article 23-2 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel. Elle organise la question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) de telle façon qu’elle traduise la primauté de la Constitution dans l’ordre interne 36. L’initiative du contrôle appartient aux parties. Le juge n’a pas la faculté de poser, d’office, une QPC. Dès lors qu’il est saisi de moyens soulevant un problème de constitutionnalité et de conventionnalité, il se prononce prioritairement sur le premier. Une fois qu’il aura abouti, le contrôle de constitutionnalité risque d’influencer le contrôle de conventionnalité 37. Il en résulterait un renforcement de la subsidiarité que les États souhaitent inscrire dans le préambule de la Convention européenne des droits de l’homme pour affirmer plus nettement que le respect des droits fondamentaux et le contrôle de la loi est d’abord (exclusivement ?) l’affaire des États. Cependant, il n’est pas certain que le contrôle de constitutionnalité diffère tant que cela du contrôle de conventionnalité et qu’il l’oriente dans de manière décisive 38. En toute hypothèse, il ne parviendra pas, en raison de ses faiblesses, à le contrarier. La priorité ne signifie pas son exclusivité ni même sa primauté.
La constitutionnalité n’exclut pas la non-conventionnalité. Les arrêts Zielinski et Pradal, Gonzalez et autres c/ France du 28 octobre 1999 (n° 24846/94, 34165/96, 34173/96) et Agnelet c/ France du 10 janvier 2013 en attestent. Alors que par la décision n° 2011-113/115 du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel déclara conformes à la Constitution les articles du Code de procédure pénale relatifs à la motivation sommaire des arrêts de cour d’assises, la Cour de Strasbourg ne retient pas moins une violation de l’art. 6, § 1 tout en soulignant les effets bénéfiques de la réforme intervenue en août 2011. Et réciproquement, l’inconventionnalité ne constitue pas un grief d’inconstitutionnalité dont le Conseil constitutionnel pourrait connaître 39. Quant à la déclaration d’inconstitutionnalité, elle ne prive pas toujours d’intérêt le contrôle de conventionnalité, lorsque ses effets dans le temps sont modulés. Elle est alors susceptible de heurter la protection européenne des droits de l’homme dont l’effet est immédiat. La succession des contrôles de constitutionnalité 40, dont les effets avaient été repoussés au 1er juillet 2011 (date à partir de laquelle deviendrait effective l’abrogation) puis de conventionnalité 41 des articles du Code de procédure pénale qui empêchaient la personne gardée à vue de bénéficier assez tôt de l’assistance d’un avocat et d’être informée de son droit de garder le silence est à cet égard révélatrice 42.
En outre, le juge qui a transmis la QPC conserve le pouvoir de prendre toute mesure conservatoire ou provisoire qu’il estime nécessaires pour assurer le respect des engagements internationaux de la France 43. Et la Cour de cassation tend à considérer que le contrôle de conventionnalité primera le contrôle de constitutionnalité s’il n’existe aucune mesure permettant d’assurer la protection juridictionnelle des droits conférés non seulement par l’Union européenne mais également par le droit européen des droits de l’homme 44.
Enfin, il se déduit de la jurisprudence européenne que la QPC n’est pas une voie à épuiser avant de saisir la Cour EDH alors même que, après avoir vérifié ses conditions de recevabilité, le juge a l’obligation et non pas la simple faculté d’adresser la demande à la juridiction constitutionnelle 45. La « priorité » assurée en interne est affaiblie par cette « secondarisation » 46 définie par la Cour de Strasbourg
Il est ainsi à peine surprenant que la Cour de cassation ait préféré lever l’ambiguïté de la décision du Conseil constitutionnel 47 sur les aspects de droit transitoire du dispositif anti-perruche en s’appuyant sur la CEDH plutôt qu’en posant une nouvelle QPC 48.
La concurrence entre les instruments est plus redoutable encore lorsque le contrôle porte sur le droit de l’Union européenne. Les juges nationaux s’efforcent de réduire le conflit pour le ramener dans la sphère de droit de l’Union 49. La similitude entre la Convention européenne des droits de l’homme, par ailleurs intégrée dans l’ordre juridique de l’Union par l’intermédiaire des principes généraux du droit, et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, permet de concilier la compétence exclusive de la Cour de justice pour apprécier la validité des normes de droit dérivé et l’obligation pour l’État de se conformer aux droits fondamentaux, même lorsqu’il applique le droit de l’Union. La Cour de Strasbourg se montre relativement bienveillante à l’égard de cette articulation en développant la doctrine de la protection équivalente 50. La Cour de justice, tout particulièrement à la lumière de son avis 2/13, semble moins conciliante et déterminée à inféoder les droits fondamentaux à la logique d’intégration et aux constructions du droit de l’union 51.
II. – Le juge judiciaire face à la multiplication des acteurs
La primauté et le pragmatisme exigent une attention soutenue à l’égard de la jurisprudence européenne, à la fois pour déterminer le domaine des droits, en identifiant les situations qui en relèvent 52, et pour les appliquer. Cela implique-t-il pour autant que le juge national adopte ou s’approprie les méthodes de la Cour européenne 53 (A) ? Dans quelle mesure le contrôle du juge, dans son étendue et son contenu sera-t-il affecté ? Cela conduira-t-il à redéfinir la répartition des tâches entre la Cour de cassation, juge du droit, et les juges du fond qui connaissent de l’intégralité du contentieux (B) ?
A. – Raisonnement du juge
Tant qu’un État est membre du Conseil de l’Europe, tant qu’il est partie à la Convention européenne des droits de l’homme, une réponse positive à la première question n’est guère douteuse. Ignorer que toute règle qui affecte un droit garanti est constitutive d’une ingérence dont la conventionnalité suppose sa proportionnalité expose l’État à engager sa responsabilité. L’application mécanique des règles, sans égards pour le contexte de leur application et pour leurs effets dans la situation concrète, déterminera la Cour de Strasbourg à constater une violation de la Convention 54. L’application du droit national constitue peut-être un prétexte commode pour ne pas prendre en considération l’intérêt individuel, mais n’est pas une justification. L’ampleur des réformes à accomplir, par exemple à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, ne dispense pas davantage le juge de réagir, dans un cas particulier, à la méconnaissance des droits individuels 55.
Le droit objectif, la règle de droit générale, abstraite et hypothétique, seule garante de la sécurité juridique et de la prévisibilité des solutions, la Cour de cassation assurant en dernier recours l’uniformité de son application par les juges du fond, est-elle définitivement condamnée ? La Cour européenne des droits de l’homme elle-même récuse une telle éventualité 56. Elle serait, en toute hypothèse, irréalisable. En eux-mêmes, les droits fondamentaux ne prescrivent aucune solution. Ils constituent uniquement des instruments de mesure, d’évaluation. Ce sont des droits sur les droits, indiquant au juge la règle qu’il faut appliquer ou lui procurant un critère de sa validité 57. Plusieurs réponses sont concevables et plusieurs d’entre elles sont dans un rapport de compatibilité avec les droits fondamentaux. C’est le principe même de la marge nationale d’appréciation en conséquence de quoi même lorsqu’un texte est stigmatisé sa suppression n’est pas une issue inéluctable, bien qu’elle soit parfois l’issue la plus probable 58 (de la même façon qu’une discrimination pourrait théoriquement être effacée en octroyant le droit à tous ou en le supprimant pour tous 59). La jurisprudence européenne incitera à sa réécriture et l’accompagnera parfois. S’il arrive à la Cour de donner quelques repères à l’État dans tous les cas où le constat de violation découle davantage de la règle que des circonstances de son application, en particulier par la procédure d’arrêt pilote, elle ne livre jamais que des lignes directrices, elle ne définit que des standards minimaux de protection.
Pour autant, si la règle générale n’est pas condamnée, n’est-elle pas considérablement fragilisée ? La sécurité juridique et la prévisibilité des solutions constituent l’un des objectifs essentiels de toute règle et de tout système. Si, sous couleur de contrôle de conventionnalité, la proportionnalité autorise le juge à neutraliser la loi selon les circonstances de son application, alors il n’y a plus de sécurité ni de prévisibilité. Le plaideur sera incité à provoquer le contentieux pour échapper à la règle qui contrarie ses intérêts, pour peu qu’ils bénéficient de la protection d’un droit fondamental. Étant donné le domaine tentaculaire assigné aux droits fondamentaux par la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement de l’autonomie des termes de la convention, cette condition ne sera pas la plus restrictive. Cependant, la sécurité juridique est-elle une valeur absolue ne devant jamais souffrir aucune dérogation ? Elle est peut-être en elle-même une valeur, un objectif désirable pour éviter l’arbitraire, mais elle n’en est pas moins vide de toute substance. Son contenu axiologique est nul. À l’inverse, les droits fondamentaux sont des constructions politiques, porteurs de valeur. La réalisation de la justice est l’un des rares motifs justifiant de sacrifier la sécurité juridique 60. Qu’elle intervienne à l’initiative du juge est parfois contestée 61. Il lui appartient pourtant d’exercer le contrôle de conventionnalité des lois depuis 1975 et la célèbre décision IVG du Conseil constitutionnel 62, un contrôle relatif et contingent dont l’essence même est de neutraliser l’application de la loi dans une espèce particulière puisque le juge ordinaire n’a pas le pouvoir de l’annuler. Le juge n’est donc pas au-dessus de la loi. Il exerce son office 63.
B. – Rôle du juge
Une généralisation du contrôle de proportionnalité n’impose pas nécessairement une redéfinition des rôles de la Cour de cassation et des juges du fond. Du point de vue de la Cour européenne des droits de l’homme, l’essentiel réside dans la motivation. L’intérêt individuel atteint a-t-il été pris en compte ? Les arguments avancés par l’individu sur le fondement de la Convention européenne des droits de l’homme ont-ils reçu une réponse 64 ? Outre un défaut de base légale, la Cour de cassation pourrait se contenter de sanctionner l’équivalent d’une dénaturation ou d’une erreur manifeste d’appréciation 65. Comme en matière de conflit de droits 66, seules des circonstances exceptionnelles détermineront la Cour de Strasbourg à se départir du principe de subsidiarité et à revenir sur l’appréciation des juges.
Un effondrement du système est-il à redouter ? Le juge peut-il désormais statuer librement en équité et s’affranchir des arbitrages réalisés par le législateur ? Plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation ont attiré l’attention en suscitant des sentiments radicalement opposés 67. Le problème majeur n’est pas le contrôle. Il est même plutôt salutaire, tant le contrôle de constitutionnalité a priori a, par calcul ou arrangements politiques, révélé ses limites. Un individu pourra toujours discuter par le contrôle de conventionnalité, le respect de ses droits. La difficulté concerne alors l’identification des critères sur le fondement desquels le contrôle sera exercé.
La Cour européenne des droits de l’homme fait preuve, dans l’ensemble, de mesure. L’affaire Ivanova et Cherkezov 68 lui a donné l’occasion de préciser ses exigences dans la mise en œuvre de la Convention par les juges nationaux. L’affaire concerne la démolition d’une maison d’habitation construite sans autorisation. La Cour juge en particulier que les requérants, dont la maison est la seule résidence, n’ont pas disposé en droit interne d’une procédure leur permettant d’obtenir un examen complet de la proportionnalité de la démolition ordonnée (l’exécution de l’ordonnance de démolition entraînerait une violation de l’article 8, mais pas de l’article 1-P1). Elle répond à un certain nombre d’objections émises à l’encontre du contrôle de proportionnalité pour son immixtion dans l’application de la règle de droit et son potentiel perturbateur.
La Cour insiste sur le contexte. La perte du domicile représente l’une des formes les plus graves d’ingérences dans l’article 8, sans même que l’individu concerné appartienne à la catégorie des personnes vulnérables. À ce titre et compte tenu de la dimension procédurale de l’article 8, toute personne a le droit de faire examiner la proportionnalité de l’ingérence par un tribunal établi par loi, indépendant et impartial (Ivanova et Cherkezov, § 53). Provoquer l’examen juridictionnel d’une décision n’est pas suffisant, le contrôle juridictionnel doit intégrer la proportionnalité dont l’issue dépend d’abord du droit fondamental atteint 69.
Elle détaille ensuite, sans prétendre à l’exhaustivité, les éléments à prendre à compte au titre de la proportionnalité en présence d’une construction illégale (Ivanova et Cherkezov, § 53) 70. Dès lors que des arguments de ce type sont soulevés, les juridictions internes doivent les examiner attentivement et y répondre (Ivanova et Cherkezov, § 53). Si cette méthode est respectée, la marge d’appréciation sera étendue et la Cour sera réticente à revenir sur l’évaluation opérée par les juridictions internes qui sont, a priori, mieux placées pour évaluer les besoins et les conditions locaux (Ivanova et Cherkezov, § 53).
La Cour rejette encore l’argument dénonçant l’instabilité qui résulterait du jugement de proportionnalité (Ivanova et Cherkezov, § 55) et qui, en l’occurrence, nuirait au système bulgare de contrôle des constructions. Elle ne nie pas les inconvénients d’un tel procédé 71. Cependant, elle oppose deux arguments diversement convaincants. D’une part, les autorités administratives et les juridictions feront face à ces risques (puisqu’elles ont commencé à examiner les affaires sous l’angle de l’article 8 et qu’elles traitent régulièrement de demandes liées à la destruction d’immeubles), spécialement si elles sont assistées dans cette tâche par des paramètres ou des lignes directrices appropriées. D’autre part, cela ne concernera que quelques cas ; la remise en cause de la règle ne sera pas fréquente. Cet argument est le plus faible. Non pas tant parce qu’il spéculerait sur l’issue du contrôle, mais parce qu’il néglige le risque d’un afflux d’actions. Le droit ne pouvant être connu qu’a posteriori, comment les conseils rassureront-ils leurs clients ou les dissuaderont-ils d’agir 72 ? L’argument est classique et récurrent (contre la révision pour imprévision, contre le contrôle de l’interprétation des contrats), mais le risque est-il si grand et surtout ne vaut-il pas la peine d’être pris ? Le contrôle de proportionnalité n’est pas l’arbitraire. Les conseils sauront déceler, au gré des jurisprudences, les contextes et les intérêts qui permettent d’entrevoir une issue favorable et ceux qui ne laissent que peu d’espoirs ou les anéantissent totalement 73.
Des ajustements ponctuels, afin d’assurer la compatibilité du droit national au droit européen, n’entraîneront pas l’effondrement du système. D’autant moins qu’ils ne se réaliseront pas nécessairement de manière la plus brusque, par la neutralisation de la loi 74 et, le cas échéant, son remplacement 75), mais de façon feutrée par la technique de l’interprétation conforme 76, comme l’ouverture de l’action en retranchement à tous les enfants nés d’un premier lit, y compris ceux qui ne sont pas nés au cours d’un mariage 77, les causes de récusation d’un magistrat ou d’un expert 78 ou encore l’appréciation de la légalité d’une perquisition dans les locaux des entreprises de presse.
Notes:
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 [ci-après PIDCP] ↩
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 [ci-après PIDESC] ↩
- Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [ci-après CEDEF], 18 déc. 1979 ↩
- Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ↩
- Convention des Nations-Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et membres de leur famille du 18 décembre 1990 ↩
- Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 [ci-après CDPH] ↩
- Convention des Nations-Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965 ↩
- Convention des Nations-Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ↩
- Cons. const. déc. n° 71-44 DC du 16 juill. 1971 ↩
- V. entre autres, J. Carbonnier, « De Republica cujus leges principia genuerint », in Leges tulit, jura docuit. Écrits en hommage à J. Foyer, Paris, PUF, 1997 ↩
- Art. 34 de la Constitution du 4 oct. 1958, « La loi fixe les règles concernant […] les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». ↩
- Le pt. 16 de la décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010 Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne réitère la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse (cons. 4). ↩
- Rapp. Cour EDH, 17 juillet 2001, n° 39288/98, Association Ekin c/ France et l’abrogation de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 par le décret 2004-1044 du 4 oct. 2004 ↩
- CEDH 1er févr. 2000, n° 34406/97, Mazurek c/ France, Dalloz 2000. 332, note J. Thierry ; ibid. 626, chron. B. Vareille ; RDSS 2000. 607, obs. F. Monéger ; RTD civ. 2000. 311, obs. J. Hauser ; ibid. 429, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 601, obs. J. Patarin ; et la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral ↩
- Rapp. Cour EDH, 21 janvier 1999, n° 29183/95, Fressoz et Roire c/ France, Cour EDH, 7 juin 2007, n° 1914/02, Dupuis et a. c/ France, Cour EDH, 28 juin 2012, nos 15054/07 et 15066/07, Ressiot et a. c/ France et la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes ↩
- Rapp. CEDH, 25 mars 1992, n° 13343/87, Botella c/ France, JCP G 1992.II.21955 note T. Garé ; JCP G 1993.I.3654 n° 19 obs. F. Sudre ; RTD civ. 1992. 540 obs. J. Hauser ; Dalloz 1992 som. 325 obs. J.-F. Renucci ; Dalloz 1993. 101 note J.-P Marguénaud ; et les articles 61-5 et s. du Code civil issus de la loi n° 2016-1547 du 18 nov. 2016 relative à la justice du 21ème siècle ↩
- M. Delmas-Marty, M.-L. Izorche, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », RIDC, 2000, n° 4, p. 753 ↩
- P. Martens, « Les désarrois du juge national face aux caprices du consensus européen », in CEDH, Dialogue entre les juges, Strasbourg, 2008, p. 52 ↩
- V. tout particulièrement, B. Edelman, « La Cour européenne des droits de l’homme : une juridiction tyrannique ? », Dalloz 2008. 1946 ; M. Fabre Magnan, « Le sadisme n’est pas un droit de l’homme », Dalloz 2005. 2973 ↩
- Arrêt Mazurek c/ France, préc. ↩
- CEDH, 22 octobre 1981, n° 7525/76, Dudgeon c. Royaume-Uni ↩
- CEDH, Gde ch., 22 janvier 2008, n° 43546/02, E. B. c/ France, Dalloz 2008. 2038 note P. Hennion-Jacquet, RTD civ. 2008. 249 obs. J.-P. Marguénaud, Gaz. Pal. 25 juil. 2008 n° 207 p. 10 note C. Tahri ↩
- CEDH 21 déc. 1999, no 33290/96, Salgueiro da Silva Mouta c/ Portugal, RTD civ. 2000. 313, note Hauser ↩
- CEDH 7 nov. 2013, n° 29381/09, Vallianatos et a. c/ Grèce, AJDA 2014.147, chron. Burgorgue-Larsen ; Dalloz 2013. 2888, note Laffaille ; ibid. 2014. 238, obs. Renucci ; ibid. 1342, obs. Lemouland et Vigneau ; AJ fam. 2014. 49, obs. Beaudoin ; RTD civ. 2014. 89, obs. Hauser ; ibid. 301, obs. Marguénaud ↩
- S. Platon, La coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans l’ordre juridique français, Paris, LGDJ, 2008 ↩
- Sur ces phénomènes, v. spéc. J.-S. Bergé, L’application du droit national, international et européen, Paris, Dalloz, coll. « Méthodes du Droit », 2013 ↩
- Sur cette question, v. C. Laurent-Boutot, La Cour de cassation face aux traités internationaux protecteurs des droits de l’homme, thèse Limoges, 2006, spéc. n° 682 et s. ↩
- Cass., Soc., 12 janvier 1999, n° 96-40755, Spileers, Dalloz 1999 p. 645 note J. Mouly et J.-P. Marguénaud, rendu au seul visa de l’article 8 de la Convention pour censurer une clause domiciliaire plutôt qu’en application de l’article L 1121-1 du Code du travail ; Cass. Civ. 3ème, 6 mars 1996, n° 93-11113, Mel Yedei, JCP 1996.I.3958.1, obs. C. Jamin ; RTD civ. 1996. 897.6, obs. J. Mestre ↩
- R. De Gouttes, « Le juge français et la Convention européenne des droits de l’homme : avancées et résistances », RTDH 1995. 605 ↩
- Cass., civ. 2ème, 10 juin 2004 n° 02-12926, Dalloz 2005 p. 469 note J.-P. Marguénaud et J. Mouly, visant les articles 8 de la CEDH et 9 du Code civil ou encore les arrêts arbitrant les conflits entre la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée (v., entre autres, Cass. civ. 1ère, 12 juill. 2001, n° 98-21337, CCE nov. 2001. 26, n° 117 ; Dr. et patrimoine nov. 2001/98. 103, obs. Loiseau ; JCP 2002.II.10152, note Ravanas ; Dalloz 2002. 1380, note C. Bigot ↩
- En particulier, l’article L 1121-1 du Code du travail lorsque la chambre sociale de la Cour de cassation apprécie les atteintes aux droits fondamentaux des salariés dans l’entreprise. ↩
- Cass., civ. 1ère 24 février 1998 nos 95-18646 et 95-18647 Csts Vialaron Dalloz 1999. 309 note J. Thierry, RCDIP 1998. 637 note G. A. L. Droz, Dalloz 1999. 290 note B. Audit, Clunet 1998. 732 note E. Kerckhove, JCP 1998.II.10175 note T. Vignal, RTD civ. 1998. 458 obs. B. Vareille, Defrénois 1999.1173 obs. R. Crône. ↩
- Comp. C. Sciotti, La concurrence des traités relatifs aux droits de l’homme devant le juge national, Bruxelles, Bruylant, 1997, qui met en avant la plus grande clarté et la plus grande précision du droit européen des droits de l’homme résultant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (p. 79). Cependant, l’explication ne se vérifie pas toujours (v. citant la déplorable affaire Koua Poirrez – Soc. 22 janv. 1998, n° 96-14824 – à l’occasion de laquelle la Cour de cassation refuse, sur le fondement du PIDCP, ce qu’elle aurait accepté en se fondant sur l’article 14 de la CEDH combiné avec son article 1-P1 ou même l’article 12 de la Charte sociale européenne, C. Laurent-Boutot, La Cour de cassation face aux traités internationaux protecteurs des droits de l’homme, thèse Limoges, 2006, n° 713). ↩
- Par exemple, Crim. 14 octobre 1997 n° 84-91.428, la Cour rejette le pourvoi contestant, au nom de la liberté d’expression, une condamnation pour diffamation publique. La similitude entre les articles 10 de la CEDH et 19 du PIDCP est renforcée par la déclaration accompagnant la ratification par la France du PIDCP selon laquelle son article 19 sera appliqué conformément à l’article 10 de la CEDH. ↩
- Même si la jurisprudence constructive et évolutive de la juridiction strasbourgeoise a largement réduit l’écart que la lettre des textes laissait apparaître, la protection offerte par le Pacte est encore aujourd’hui plus élevée du fait des réserves et déclarations émises par la France lors de la ratification du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH. Les mêmes causes engendraient les mêmes effets en matière d’égalité de droits et de responsabilités des époux pendant le mariage et lors de sa dissolution (art. 5 P. 7 CEDH accompagné de plusieurs réserves et art. 23 du PIDCP au contenu identique, mais sans que la France n’ait formulé de réserve). ↩
- CE ass. 30 octobre 1998 Sarran, Levacher et autres Dalloz 2000. 152 note Aubin ; Cass., ass. plén., 2 juin 2000, n° 99-60274 Melle Fraisse, Gaz. Pal. 2000 n° 359-363 p. 7 note J.-F. Flauss, Dalloz 2000. 865 note B. Matthieu et M. Verpeaux ↩
- En ce sens, J.-S. Bergé, op. cit., p. 233 ; C. Maugüé et J.-H. Stahl, La question prioritaire de constitutionnalité, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2ème édition, 2012, en raison de ce qu’ils nomment le « prisme d’examen » (p. 273). ↩
- Le conseil constitutionnel est en effet sensible aux exigences européennes comme le révèlent les décisions QPC sur l’exception de vérité des faits diffamatoires ou encore la décision n° 2000-505 DC du 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l’Europe visant un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (Leyla Sahin c/ Turquie du 29 juin 2004) qui n’était pourtant pas définitif (et il sera même effacé par l’arrêt de grande chambre rendu dans la même affaire). ↩
- Déc. n° 2010-605 DC 12 mai 2010 Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, pt 13, JCP G 2010 doctr. 576 obs. B. Mathieu ↩
- Décision 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 M. Daniel W et autres. ↩
- Cass., ass. plén., 15 avr. 2011, n° 10-17.049, Dalloz 2011. 1080, et les obs. ; AJ pénal 2011. 311, obs. C. Mauro ; n° 10-30.313, n° 10-30.316, D. 2011. 1128, entretien G. Roujou de Boubée ; ibid. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; Constitutions 2011. 326, obs. A. Levade ; RSC 2011. 410, obs. A. Giudicelli ; RTD civ. 2011. 725 obs. J.-P. Marguénaud ↩
- Sur ce point, v. J.-P. Marguénaud, « QPC, piège à c … Libres propos d’un « droit de l’hommiste » sur la mise en œuvre de la QPC », Questions de droit pénal international, européen et comparé, Mélanges en l’honneur du Professeur Alain Fournier, PUN-Éditions universitaires de Lorraine, 2013, p. 321 ; comp. B. Mathieu, « Les décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme : coexistence, autorité, conflit, régulation », Nouv. Cahiers du Cons. Constit. 2011 n° 32 ↩
- Comp. le cons. 14 décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010 Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard et CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C-188/10 et C-189/10, § 53 ↩
- Cass., ass. plén. 29 juin 2010, n° 10-40001 ↩
- CEDH, Gde ch., 27 août 2015, n° 46470/11, Parrillo c/ Italie, Dalloz 2015. 1700, et les obs. ; AJ fam. 2015. 433, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2015. 830, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2016. 76 obs. J. Hauser, JCP 2015. 1187, obs. G. Loiseau ↩
- J.-P. Marguénaud, « La QPC devant la Cour européenne des droits de l’homme », Mélanges en l’honneur du Professeur Dominique Turpin, Paris, LGDJ, 2017 ; contra M. Guillaume, « Question prioritaire de constitutionnalité et Convention européenne des droits de l’homme », Nouv. Cahiers du Cons. Constit. 2011 n°32 ↩
- Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. [Loi dite « anti-Perruche »] ↩
- Cass. civ. 1ère, 15 décembre 2011, n° 10-27.473, Dalloz 2012. 12, obs. I. Gallmeister, et 323, note D. Vigneau ↩
- CE, sect., 10 avril 2008, n° 296845, Conseil national des barreaux et autres, AJDA 2008. 1089, chron. Boucher et Bourgeois-Machureau ; RFDA 2008. 575, concl. Guyomar ; ibid. 2008. 711, note Labayle et Mehdi ↩
- Définie selon la jurisprudence Bosphorus-Michaud (CEDH, gr. ch., 30 juin 2005, n° 45036/98, Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim Sirketi c/ Irlande ; CEDH 6 déc. 2012, n° 12323/11, Michaud c/ France). ↩
- Sur l’ensemble de ces questions, v. la contribution du Professeur Romain Tinière. ↩
- Comp. arrêt Mazurek c/ France, préc. ↩
- V., entre autres, sur ce point, P. Malaurie, « Pour : la Cour de cassation, son élégance, sa clarté et sa sobriété. Contre : le judge made law à la manière européenne », JCP 2016. 318 ; B. Louvel, « La Cour de cassation face aux défis du XXIe siècle, mars 2015 ; Réflexions à la Cour de cassation », Dalloz 2015. 1326 ; F. Sudre, « Le contrôle de proportionnalité de la Cour européenne des droits de l’homme. De quoi est-il question ? », JCP G 2017.289 ↩
- V. par exemple, CEDH 1er déc. 2009, n° 64301/01, Velcea et Masare c/ Roumanie, Dalloz 2011. 472, obs. B. Fauvarque-Cosson ; AJDA 2010. 997, chron. J.-F. Flauss ; RDC 2010. 981, obs. J.-P. Marguénaud ↩
- Rappr. les arrêts Marckx c/ Belgique (CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74) et Vermeire c/ Belgique (CEDH, 29 nov. 1991, n° 12849/87). ↩
- V., en particulier, CEDH , Gde. ch., 22 avr. 2013, n° 48876/08, Animal defenders international c/ Royaume-Uni, AJDA 2013. 1800, chron. Burgorgue-Larsen ; CEDH 10 avr. 2007, n° 6339/05, Evans c/ Royaume-Uni, Dalloz 2007. AJ. 1202, obs. C. Delaporte-Carré ; RTD civ. 2007. 295, obs. J.-P. Marguénaud, et 545, obs. J. ; CEDH 21 déc. 2010, n° 41696/07, Almeida Ferreira et Melo Ferreira c/ Portugal ↩
- F. Rigaux, La loi des juges, Odile Jacob, 1999, p. 176 ↩
- V. l’article 21 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 abrogeant l’article 26 de la loi de la loi du 26 juillet 1881 à la suite de Cour EDH, 14 mars 2013, n° 26118/10, Eon c/ France ↩
- V. les suites de l’affaire Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/ Royaume-Uni (CEDH, 28 mai 1985, n° 9214/80). ↩
- H. Fulchiron, « Flexibilité de la règle, souplesse du droit. À propos du contrôle de proportionnalité », Dalloz 2016. 1376 ↩
- F. Chénédé, « Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation ? », Dalloz 2016. 796 ; comp. H. Fulchiron, « Flexibilité de la règle, souplesse du droit. À propos du contrôle de proportionnalité », Dalloz 2016. 1376 ↩
- Préc. ↩
- F. Chénédé, « Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation ? », Dalloz 2016. 796 ↩
- Voy. par exemple, CEDH, 14 mars 2017, n° 66610/10, Yevgeniy Zakharov c/ Russie, la Cour estimant que les juges nationaux ont manqué de mettre en balance le droit du requérant au respect de son domicile et les intérêts des occupants des deux autres chambres de l’appartement, de sorte qu’ils n’ont pas déterminé la proportionnalité de l’ingérence faite dans le droit du requérant au respect de son domicile (en l’espèce, le requérant avait été expulsé de la chambre qu’il occupait avec son épouse, jusqu’à son décès, dans un appartement communautaire, alors que cette chambre constituait son seul logement et que la décision procédait d’une règle administrative purement formelle). ↩
- L’arrêt du 17 déc. 2015 (Cass. civ. 3ème, n° 14-22095, AJDA 2015. 2467 ; Dalloz 2016. 72 ; ibid. 1028, chron. A.-L. Méano, V. Georget et A.-L. Collomp ; RDI 2016. 100, obs. P. Soler-Couteaux ; AJCT 2016. 283, obs. E. Péchillon ; RTD civ. 2016. 398, obs. W. Dross ; JCP 2016. 188, avis O. Bailly ; ibid. 189 note P.-Y. Gautier) s’inscrit dans cette perspective en ne procédant pas lui-même au contrôle de proportionnalité, mais en considérant, au double visa de l’article 8 de la CEDH et 809 du CPC, qu’il appartenait à la cour « de rechercher, comme il le lui était demandé si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des consorts O. », au regard de l’ancienneté de l’occupation dans les lieux, de la longue tolérance de la commune, de l’absence de possibilité de relogement et de l’absence droits de tiers en jeu. ↩
- V. les arrêts Axel Springer c/ Allemagne et Von Hannover c/ Allemagne (CEDH, Gde ch., 7 fév. 2012, n° 39954/08 ; n° 40660/08 et 60641/08). Comp. CEDH, Gde ch., 29 avril 1999, n° 25088/94, 28331/95 et 28443/95, Chassagnou et al. c/ France, GACEDH n° 69 ; RTD civ. 1999.913, obs. J-P. Marguénaud ; RTDH 1999.901, M. Flores-Lonjou et P. Flores ; D. 1999.Chron.389, G. Charollois ; Droit et patrimoine, 1999.123, Ch. Pettiti ; JCP G 2000.I.203, n° 28 et 32, F. Sudre. Contra, P.-Y. Gautier, « Contre la balance des intérêts : la hiérarchie des droits fondamentaux », Dalloz 2015. 2189, estimant qu’une hiérarchie devrait pourtant s’imposer lorsqu’un droit déterminé se heurte à l’exercice d’une liberté indéterminée et citant en exemple le conflit entre le droit d’auteur (art. 1-P1) et la liberté d’expression (art. 10) qui devrait se résoudre au profit du premier (un acte de contrefaçon ne devrait même pas relever du domaine de l’article 10 ; cet argument est très contestable puisqu’il ferait dépendre le domaine du droit à la liberté d’expression de qualifications juridiques nationales opérées par les autorités nationales, qui pourraient ainsi fixer elle-même l’étendue de leurs engagements conventionnels). ↩
- À commencer par l’arrêt du 4 décembre 2013 (Cass., civ. 1ère, 4 déc. 2013, n° 12-26066, Dalloz 2014. 179, note F. Chénedé, 153, point de vue H. Fulchiron, et 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2014. 124, obs. S. Thouret, et 2013. 663, point de vue F. Chénedé ; RTD civ. 2014. 88, obs. J. Hauser, et 307, obs. J.-P. Marguénaud). ↩
- CEDH, 21 avril 2016, n° 46577/15, Ivanova et Cherkezov c/ Bulgarie, RTD civ. 2016. 301, obs. J.-P. Marguénaud ↩
- Comp. avec les arrêts relatifs à la clause pénale dans les libéralités – la clause est seulement rapporté au droit atteint, le droit d’accès au juge dans le premier cas (Cass. civ. 1ère, 16 déc. 2015, n° 14-29285, Dalloz 2016. 578, note T. Le Bars ; ibid. 566, obs. M. Mekki ; AJ fam. 2016. 105, obs. J. Casey ; RTD civ. 2016. 339, obs. H. Barbier ; ibid. 424 obs. M. Grimaldi), le droit absolu au partage, qui se rattache au droit de propriété, dans le second (Cass. civ. 1ère, 13 avril 2016, n° 15-13312, AJ fam. 2016. 275, obs. J. Casey). ↩
- « The factors likely to be of prominence in this regard, when it comes to illegal construction, are whether or not the home was established unlawfully, whether or not the persons concerned did so knowingly, what is the nature and degree of the illegality at issue, what is the precise nature of the interest sought to be protected by the demolition, and whether suitable alternative accommodation is available to the persons affected by the demolition (see Chapman, cited above, §§ 102-04). Another factor could be whether there are less severe ways of dealing with the case; the list is not exhaustive ». En outre, en l’espèce, la règle appliquée n’intégrait pas les intérêts protégés par la Convention ce que dénonçait déjà l’ombudsman dans l’ordre interne. ↩
- « It is true that the relaxation of an absolute rule may entail risks of abuse, uncertainty or arbitrariness in the application of the law, expense, and delay ». ↩
- A. Bénabent, « Un culte de la proportionnalité un brin disproportionné ? », Dalloz 2016 Point de vue 137 ↩
- V. par exemple, Civ. 1ère, 6 juillet 2016, n° 15-19853, Dalloz 2016. 1980, note H. Fulchiron ; RTD civ. 2016. 831, obs. J. Hauser : action en contestation de paternité déclarée irrecevable parce qu’elle est exercée au-delà du délai de 5 ans prévu par l’article 333 du code civil. Le texte poursuit un but légitime (protection des droits et libertés des tiers ainsi que la sécurité juridique) et la restriction n’est pas disproportionnée car l’action ne poursuivait qu’un intérêt patrimonial. ↩
- Cass. civ. 1ère, 4 décembre 2013, n° 12-26.066, préc. ↩
- Pour contourner une insaisissabilité (Cass., civ. 2ème, 3 mai 2007, n° 05-19439, RTD civ. 2007. 644, obs. R. Perrot ; Dalloz 2007. 2344, obs. V. Vigneau ; ibid. 1168, obs. A. Leborgne ; Ann. dr. eur. 2007. 842, obs. F. M.) ; créer une action, sur le modèle des actions d’état, concrétisant le droit à la connaissance des origines (Cass. civ. 1ère, 13 nov. 2014, n° 13-21.018, Dalloz 2014. 2342, 2015. 649, obs. M. Douchy-Oudot, 702, obs. F. Granet-Lambrechts, et 755, obs. H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2015. 54, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2015. 103, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2015. Comm. 9, note C. Neirinck ; RJPF 1/20, obs. T. Garé ↩
- V. par exemple, X. Dupré de Boulois, « Le juge, la loi et la Convention européenne des droits de l’homme », RDLF 2015, chron. n° 08 (www.revuedlf.com) ; M. Luciani, « L’interprétation conforme et le dialogue des juges », in Mélanges Bruno Genevois, Dalloz, 2009, p. 695 ↩
- Cass. civ. 1ère, 29 janv. 2002, n° 99-21134 99-21135, Dalloz 2002. 1938, note A. Devers ; Dr. fam. 2002.45, note B. Beignier, RTD civ. 2002.347 obs. B. Vareille ↩
- Cass., civ. 2ème, 5 décembre 2002, n° 01-00224, Dalloz 2003.2260 note A. Penneau ↩