Rappeler les évidences: l’incompatibilité du Rassemblement National avec la Convention européenne des droits de l’Homme
Yannick Lécuyer est Maître de conférences HDR et Collaborateur de la Fondation René Cassin
« Nous avons l’obligation de convaincre la jeunesse que notre génération, celle qui a connu la haine dans le monde, a appris à haïr cette haine parce qu’elle est stérile au regard de l’édification de la culture et parce qu’elle amoindrit la force créatrice de l’humanité » (Stefan Zweig, La Désintoxication morale de l’Europe, 1932)
Si les obsèques publiques de Jean-Marie Le Pen ont eu un mérite, c’est celui de révéler le lien indissociable entre le Front national dont il fût le président pendant plus de 38 ans et le Rassemblement national censé avoir abandonné toute radicalité idéologique. En effet, tout le ban et l’arrière-ban du « nouveau parti », son président Jordan Bardella en tête, était réuni lors de l’évènement1.
A l’occasion du 75ème anniversaire de la Convention et alors que le fléau de l’extrême droite ne cesse de progresser, il n’est peut-être pas inutile de rappeler les invariants idéologiques dissimulés derrière ce changement stratégique afin de favoriser l’accès au pouvoir. Le Rassemblement national est le principal levier en France du momentum illibéral et de la fièvre populiste qui frappent l’Europe et, au-delà, la plupart des démocraties dans le monde.
Outre les résultats spectaculaires du parti en 2024 aux élections européennes puis parlementaires, les indicateurs sont particulièrement inquiétants. En effet, selon le sondage IFOP 2024, Jordan Bardella est la première personnalité politique préférée des Français, immédiatement suivi de Marine Le Pen. Un autre sondage réalisé en 2025 révèle que, parmi les différentes figures politiques susceptibles d’accéder à la présidence de la République en 2027, ce sont également eux qui susciteraient le plus de satisfaction (34% pour Marine Le Pen et 33% pour Jordan Bardella). Le classement des livres politiques les mieux vendus en 2024 est tout aussi préoccupant. Celui du président du Rassemblement national trône en première place tandis que la deuxième est occupée par l’ouvrage de Philippe de Villiers, par ailleurs troisième personnalité politique préférée des Français. Où que l’on regarde, les vents sont mauvais.
La menace est prise au sérieux depuis longtemps par le Conseil de l’Europe. Dans sa recommandation 1438 (2000) et sa résolution 1344 (2003) du 29 septembre 2003, l’Assemblée parlementaire se dit déjà sérieusement préoccupée par la résurgence et la tendance à s’étendre des mouvements et des partis extrémistes en Europe2. Elle considère qu’aucun Etat membre n’est à l’abri des menaces intrinsèques que l’extrémisme fait peser sur la démocratie. L’Assemblée a également adopté une résolution spécifique à propos des partis politiques extrémistes dans les Etats membres du Conseil3.
Bien que les sciences humaines soient moins propices que leurs homologues dites « exactes » à l’énoncé d’axiomes ou de vérités évidentes, on peut affirmer que, à l’instar de son devancier, le Rassemblement national reste totalement incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme, le texte, l’esprit et, bien entendu, l’interprétation qui en est donnée par la Cour européenne.
La raison de la détestation de la Cour est triple.
Premièrement, la Convention protège les droits humains et les libertés fondamentales alors que le projet du Rassemblement national reste intrinsèquement illibéral. Marine Le Pen et ses acolytes tiennent d’ailleurs le compte des arrêts qui leur sont insupportables. Ce sont des pans entiers de la jurisprudence européenne qui leur posent un problème (souvent au prix d’une lecture tronquée ou dévoyée des arrêts). Pour Marine Le Pen, si le retrait du système conventionnel est envisageable c’est parce qu’il favorise l’immigration et le communautarisme, qu’il constitue un cheval de Troie pour l’islamisme radical, qu’il entrave les politiques de sécurité et qu’il porte atteinte de manière générale à l’identité nationale. En 2018, elle interrogeait ainsi devant l’Assemblée nationale : « Où sont la souveraineté et la sécurité de la France lorsqu’elle est condamnée à verser des milliers d’euros à des pirates somaliens qui s’étaient attaqué à des bateaux français ? Où est la souveraineté de la France quand la Cour européenne des droits de l’homme nous oblige à reconnaître une fausse filiation aux enfants nés de la GPA alors même que cette pratique est interdite en France ? »4.
Deuxièmement, le Rassemblement national n’aime pas particulièrement les juges auxquels il dénie toute légitimité démocratique et ne conçoit pas qu’il puisse jouer un rôle dans la chaîne de montage du droit. Il s’agit là d’une véritable incapacité à intégrer la théorie élémentaire qui donne au juge un pouvoir d’interprétation et un véritable rôle dans la séparation et l’équilibre des pouvoirs, c’est-à-dire in fine la théorie de l’Etat de droit. La crainte du « gouvernement des juges » est omniprésente dans cette rhétorique5. Toujours devant l’Assemblée nationale, Marine Le Pen poursuit sa diatribe : « La Cour européenne des droits de l’homme est devenue une force de désarmement massive des États. Soumis à la Cour européenne des droits de l’homme, ceux-ci ne peuvent ni protéger leur peuple, ni leur permettre de choisir leur modèle de société. Il ne me semble pas exagéré de reprendre l’expression « gouvernement des juges »6. Ce concept est omniprésent sur le site du parti dès qu’il s’agit de la Cour. A titre d’exemple, dans un communiqué sur le site internet du parti, Mathilde Androuët, députée au parlement européen, conseillère régionale d’Ile-de-France dénonce une « insupportable dictature des juges » et « l’inféodation à une Cour européenne des droits de l’homme autoproclamée »7. Pour Marine Le Pen, le juge européen est devenu « un organe politique extrêmement puissant, grisé par son propre pouvoir, exorbitant : pas de légitimité démocratique et aucun compte à rendre »8.
Troisièmement, non seulement la Cour européenne est un juge qui ne se contente pas d’être une bouche mais, péché impardonnable, elle est une juridiction exogène. Dès lors, ce n’est plus seulement la souveraineté démocratique qui est mise en cause (pour autant que ce soit vraiment une préoccupation à l’extrême droite de l’échiquier politique) mais la souveraineté étatique.
Sous l’effet de la « dédiabolisation », c’est-à-dire de la tentative de banaliser et de notabiliser le parti, le discours relatif à la Convention a sensiblement évolué au cours des trois dernières années. Franchement hostile à l’origine, il s’est progressivement nuancé9. Il n’est désormais plus question de quitter le système mais de le réformer10. Les anciens frontistes ont compris que la rupture n’est jamais rassurante et peu propice à rassurer l’électorat11. Par conséquent, le Rassemblement a opté pour la même approche qu’avec les institutions internes : la critique systématique de leur action plutôt que l’attaque frontale. Non seulement Marine Le Pen n’attaque plus la Convention mais elle considère qu’il n’est plus utile de se retirer du système qu’elle institue12. Plus insidieux encore, elle se positionne en défenderesse des droits conventionnels en essayant d’éviter la dénonciation du texte « qui réduirait les garanties de l’État de droit pour les Français ». Seules « quelques‑unes de ses stipulations sont gênantes en matière d’immigration »13. Stéphanie Hennette-Vauchez et Antoine Vauchez ont mis en évidence cette tendance sournoise à embrasser la rhétorique des droits humains et des libertés fondamentales à des fins d’exclusion et de minoration de groupes sociaux. De fait, comme l’atteste le slogan pour la campagne des élections législatives de 2024, « Libertés, libertés chéries », ces dernières jouent dorénavant un rôle clé dans le programme du parti14. Cela a facilité la création d’un vernis faussement républicain. La récupération du principe de laïcité en est le meilleur exemple. Exigence de neutralité afin de garantir la liberté de religion, elle est érigée en élément de l’identité nationale, principalement dressée contre les musulmans15. De la même manière, la liberté d’expression est instrumentalisée afin de se victimiser et d’obtenir l’impunité des opinions « politiquement incorrectes », qui propagent la haine ou invitent à la discrimination16.
Marine Le Pen réoriente son opposition sur le champ de compétence de la Cour et sa jurisprudence plus que sur la Convention stricto sensu17. C’est la dérive jurisprudentielle qui aujourd’hui est principalement dénoncée. Cela présente deux intérêts principaux.
Premièrement, cette volte-face entre en résonance avec la méfiance chronique à l’égard des élites qui caractérise la pensée d’extrême droite.
Deuxièmement, elle évite des débats et des rapprochements embarrassants sur le club très fermé des Etats qui ont quitté ou ont été chassés du système conventionnel, à savoir la Grèce pendant la dictature des colonels et la Fédération de Russie à la suite de l’agression de l’Ukraine en février 2022, club que la Turquie a failli rejoindre consécutivement au coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980.
Troisièmement, la focalisation sur la Cour, prétendument pervertie, donne l’impression, juridiquement fausse, qu’il serait possible de la dissocier de la Convention, vertueuse. Or les deux sont intrinsèquement et irrémédiablement liées. A l’image du développement du droit administratif en France, c’est à la Cour européenne des droits de l’homme que la Convention de 1950 doit d’être ce qu’elle est au point qu’on évoque désormais un droit de la Convention plutôt que la Convention elle-même. De plus, c’est cette dernière qui donne tout son pouvoir à la Cour afin d’assurer son effectivité (art. 46 § 1), son interprétation (art. 32) et, depuis l’entrée en vigueur du protocole n°14, éventuellement de son suivi (art. 46 § 4).
Dans le même esprit que Marine Le Pen, Gilles Lebreton, eurodéputé du Rassemblement et professeur de droit public, a publié une tribune sur le site du parti dans laquelle il prône une réforme de la Cour qu’il accuse de soutenir l’expansion de l’islam en France et de saper les politiques sécuritaires des Etats européens18. Le texte fait une référence appuyée à Grégor Pumpick et à l’association dont il est directeur, l’European Center for Law and Justice, émanation de l’alt-right conservatrice et chrétienne américaine. Ces derniers sont bien connus pour leur hostilité épidermique à l’égard de la Cour et la critique du moindre de ses arrêts. Le site internet de l’association qui tente de singer les centres de recherche contient une page intitulée « CEDH et institutions » dans laquelle est déversée toute sorte de témoignages illibéraux et conservateurs. On notera également l’appel lancé par ledit centre en 2020 pour l’indépendance et l’impartialité de la Cour européenne ainsi que la liste de ses principaux signataires parmi lesquels l’extrême droite et le Rassemblement national sont surreprésentés19.
Hier comme aujourd’hui le système conventionnel reste une des cibles privilégiées de l’extrême droite. Continuateur du Front national (I.), le Rassemblement national est insusceptible de s’intégrer dans l’ordre public européen et la société démocratique qui sont au cœur de la Convention (II.).
I. La continuité entre le Front national et le Rassemblement national
Le changement de nom du premier parti d’extrême droite est uniquement cosmétique. La métamorphose est à l’évidence superficielle car son ethos reste identique même s’il est désormais policé grâce à l’expérience et la mise en place d’éléments de langage.
L’art de la dissimulation pratiqué par le Rassemblement national (B.) ne suffit pas à occulter l’incompatibilité radicale et originelle entre l’éthique du parti et celle proposée par la Convention (A.).
A- L’incompatibilité originelle entre l’éthique conventionnelle et les valeurs du Front national
L’ADN du premier parti d’extrême droite est tout simplement antagoniste avec celui de la Convention. Le Front national a été fondé en 1972 sous le patronage du mouvement Ordre nouveau ou plus exactement Centre de recherche et de documentation pour l’avènement d’un ordre nouveau dans les domaines social, économique et culturel, lui-même héritier du groupe Occident lequel assumait son appartenance à la mouvance fasciste20. Si on remonte plus loin dans l’arbre généalogique du parti, on y rencontre la Fédération des étudiants nationalistes et le groupuscule Jeune Nation violemment antidémocratique et raciste. Ce dernier mouvement sera d’ailleurs dissous par décret du 15 mai 1958 sur la base de la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées21. Une branche parallèle emmenée par Jean-Louis Tixier-Vignancour, dont Jean-Marie Le Pen fut le directeur de campagne lors des présidentielles de 1965, accouchera du Rassemblement national français.
Au-delà de leurs singularités respectives, il existe une véritable continuité entre tous ces mouvements qui plongent leurs racines dans les théories maurassiennes, fascistes, pétainistes et collaborationnistes22. Bien qu’en retrait de l’action politique à partir de 1967, Dominique Venner symbolise à lui seul la porosité entre toutes les époques et l’ensemble de ces mouvements23. Il est le penseur de la « normalisation » de l’extrême droite. Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch, ancien numéro 2 du Front national, lui rendront à ce titre un hommage appuyé à la suite de son suicide dans la cathédrale Notre-Dame en 2013 afin de dénoncer non pas tant le mariage pour tous que le risque d’islamisation de la France. Marine Le Pen s’est ainsi émue sur Twitter-X : « Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France »24.
Quant à la création proprement dite du Front national, à l’origine Front national pour l’unité française, outre Jean-Marie Le Pen et sa passion pour les chants de guerre allemands pendant le IIIème Reich, son indulgence à l’égard de l’occupation allemande, ou encore sa relativisation de l’Holocauste, la personnalité et la trajectoire de ses fondateurs ne laisse planer aucun doute sur l’idéologie du nouveau parti. Il s’agit de deux anciens membres de la waffen-SS, Pierre Bousquet et Léon Gaultier, de sympathisants néonazis tels que François Duprat et de nostalgiques de l’Algérie française comme Roger Holeindre25. L’objectif était de fédérer à la fois les collaborationnistes et les pétainistes non-repentis, les nostalgiques du fascisme ou du national-socialisme, ceux de l’Algérie française (particulièrement les anciens membres de l’OAS), et tous les groupes néofascistes qui formaient l’archipel de l’extrême droite jusqu’alors. C’est là que réside le socle du parti, sa substantifique moelle. L’emblème frontiste, la flamme tricolore, est directement empruntée au parti italien Movimento Socialo Italiano, héritier en droite ligne du mussolinisme.
Le Front national incarne tout ce contre quoi la Convention européenne des droits de l’homme s’élève. La simple lecture de son préambule suffit à convaincre : « Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d’une part, et, d’autre part, sur une conception commune et un commun respect des droits de l’homme dont ils se réclament » ; « Résolus, en tant que gouvernements d’États européens animés d’un même esprit et possédant un patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle ».
Certes, la Convention est un étendard libéral dressé face au stalinisme qui, en 1950, ravageait l’Europe de l’Est mais elle reste avant tout, à l’instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme, un texte de réaction. Tout comme la Déclaration dont il est fait deux fois mention dans le préambule, elle s’enracine dans les cendres de Dachau. C’est un bouclier juridique et emblématique dressé pour empêcher les violations massives et structurelles des libertés et droits humains qui ont résulté du nationalisme, du populisme et de la haine mélangés qui caractérisaient les pays de l’Axe. Il s’agit néanmoins d’aller plus loin puisque la Convention offre une perspective supplémentaire, celle de la positivation des droits humains26. Comme le soulignait Pierre-Henri Teitgen, il s’agit de « créer, au sein de l’Europe, une conscience qui sonne l’alarme », c’est-à-dire selon Peter Leuprecht un « rempart pour la défense de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme »27. Walter J. Ganshof Van der Meersch rappelle que, outre Pierre Henri Teitgen, les plus grands humanistes de l’époque se sont s’attelés à la rédaction du texte, sans compter l’ombre de René Cassin qui planait sur les travaux de la Commission des droits de l’homme chargée de rédiger le texte. Son Président, Sir David Maxwell Fyfe « avait notamment, par ses fonctions au Tribunal de Nuremberg, pu se rendre compte de « l’étendue du désastre »28.
La jurisprudence va entériner très tôt cette opposition ontologique entre les valeurs de l’extrême droite et celles de la Convention à commencer par la décision Autriche c. Italie du 11 janvier 1961 qui entérine le caractère objectif de cette dernière et jette les bases d’un « ordre public communautaire des libres démocraties d’Europe »29. Les premières applications de l’article 17 de la Convention, article relatif à l’abus de droit conventionnel, sont également révélatrices30. Cette disposition a été pensée afin d’éviter la résurgence des idéologies dans lesquelles l’extrême droite est ancrée : fascisme, national-socialisme, pétainisme… La jurisprudence regorge d’exemple de mobilisations de cette clause « guillotine » soit directement soit indirectement comme outil d’interprétation pour neutraliser dès la recevabilité les requêtes des promoteurs d’idées d’extrême droite31. Si certains ont pu lire dans l’arrêt Lehideux et Isorni du 23 septembre 1998, une certaine tolérance à l’égard du pétainisme, rien n’est moins vrai. La motivation de la condamnation repose non pas sur la compatibilité des publications litigieuses avec les valeurs qui sous-tendent la Convention mais plutôt sur la disproportion et la sévérité des sanctions32. La Cour insiste d’ailleurs sur le silence condamnable des requérants (dont Me Isorni, avocat de Philippe Pétain lors de son procès pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison) sur des événements qui participent directement de l’Holocauste.
Dans la même logique, tous les recours présentés par Jean-Marie Le Pen ou les cadres du Front national afin de justifier leurs outrances ont systématiquement échoué au stade de la recevabilité et attestent de la divergence irréductible entre le Front et la Convention que ce soit au niveau des méthodes ou des valeurs : violences commises en réunion sur une députée socialiste33, propos islamophobes34, relativisation de l’occupation allemande et occultation des crimes du nazisme35, injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance ethnique36, négationnisme37. La Cour n’a également pas jugé bon de protéger la réputation de Jean-Marie Le Pen et de son parti politique dans l’affaire Lindon Otchakovsky-Laurens et July. En l’espèce, étaient mis en cause l’auteur et éditeur d’un roman qui s’inspirant de faits réels mais en y ajoutant des éléments fictionnels, racontait le procès d’un militant du Front inculpé pour un crime à caractère raciste. Intitulé Le procès de Jean-Marie Le Pen, cette œuvre posait ouvertement la question de la responsabilité idéologique du Front national et de son président, personne réelle autour duquel évoluaient les principaux personnages fictionnels. La Cour considère que, bien que l’intrigue soit fictive, les idées, les discours ainsi que les faits et gestes reprochés à Jean-Marie Le Pen étaient en revanche décrits de bonne foi et au plus près de la réalité38. Plus récent, l’arrêt Sanchez c. France du 15 mai 2023 est un marqueur de la continuité entre le Front national et le Rassemblement national. À l’époque, élu local et candidat aux élections législatives au titre du Front national, le requérant, aujourd’hui eurodéputé du Rassemblement, avait complaisamment accueilli sur son mur Facebook un certain nombre de commentaires haineux et islamophobes en pleine campagne électorale. La Cour valide la condamnation de l’élu faute d’avoir supprimé ces derniers.
Tout l’édifice jurisprudentiel de la Cour européenne s’appuie sur la notion de société démocratique laquelle repose sur trois valeurs cardinales inconciliables avec toute idéologie d’extrême droite même les plus mesurées ou les plus nuancées : pluralisme, tolérance et esprit d’ouverture39. Autre écueil insurmontable qui entre en tension avec le communautarisme majoritaire véhiculé par cette offre politique, la Cour répète régulièrement, à la manière d’un mantra, que « la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité ; elle commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante »40. La jurisprudence doit sur ce terrain beaucoup à la philosophie de Karl Popper, auteur austro-britannique dont l’œuvre est principalement centrée sur le totalitarisme et le nationalisme. En effet, on reconnaîtra aisément dans la définition par la Cour de la société démocratique sa théorie d’une société ouverte, pluraliste, libérale, tolérante, et raisonnable par opposition aux sociétés fermées et intolérantes41. C’est tout ce que ne promeut pas le Front national et pas davantage son successeur.
A partir des années 1980, et la montée en puissance significative du Front national, plusieurs personnalités politiques, intellectuels et associations ont évoqué la nécessité de dissoudre le parti notamment sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure tel que complétée par une loi n°72-546 du 1er juillet 1972, dite loi Pleven, qui permet de dissoudre les groupements qui provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou qui propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence. Aucune démarche, ni judiciaire ni administrative, n’a été entreprise en ce sens. Tout au contraire le parti a été préservé à différentes fins électorales. François Mitterrand a ainsi limité la débâcle du parti socialiste aux élections législatives de 1986 en permettant, grâce à la modification du mode du scrutin, une représentation du Front national. Nicolas Sarkozy reprendra quant à lui la dialectique du Front pour siphonner les voix de son électorat. Aujourd’hui, l’ambiance est à l’alliance sous la bannière d’une « droite rassemblée » et de la promulgation de nouvelles « lois scélérates »42.
Face à ce dilemme – interdire ou ne pas interdire, plusieurs raisons ont pu être avancées43. Premièrement, il n’a pas semblé opportun de priver une part significative de l’électorat d’un choix politique et éventuellement de représentation. Deuxièmement, la dissolution permet une victimisation sans compter que le parti se serait probablement reformé sous une autre appellation. L’exemple du principal parti islamo-conservateur en Turquie en fournit la parfaite démonstration : le parti de la justice et du développement au pouvoir (Adalet ve Kalkınma Partisi) est l’héritier du parti de la vertu (Fazilet Partisi) dissous par la Cour constitutionnelle d’Ankara en 2001 lui-même fondé par d’anciens membres du parti de la prospérité (Refah Partisi) dissous en 1998 par les anciens membres du parti du salut national (Millî Selamet Partisi) dissous en 1981. Troisièmement, le passage à la clandestinité favorise indéniablement la radicalisation et la violence du noyau dur des adhérents. La plupart des gouvernements successifs ont donc préféré le combat électoral et le front républicain dont le plus bel exemple fut celui des élections présidentielles en 2002.
Reste à savoir si la dissolution du Front aurait trouvé grâce aux yeux de la Cour, ce qui n’est pas totalement certain compte tenu de la force politique longtemps marginale du parti et de la qualité démocratique ambiante. En effet, la Cour estime depuis l’arrêt Refah Partisi c. Turquie du 13 février 2003 que la conventionnalité d’une telle mesure dépend en grande partie du contexte et de la dangerosité avérée de la formation politique44. Dans cette affaire, la Cour considère que le parti requérant représentait un danger réel et imminent pour l’ordre démocratique45. C’est un des principaux leviers du contrôle de la nécessité et de la variation de la marge nationale d’appréciation dans ce domaine. Autre critère, la Cour évalue si les valeurs, les propositions ou les méthodes du parti concerné sont compatibles ou non avec les principes fondamentaux d’une société démocratique46. Ce point est plus facile à établir pour le Front national compte tenu des dérapages de son président et de nombreux de ses cadres car la Cour tient non seulement compte des statuts, des accords et du programme mais aussi des déclarations publiques écrites ou orales des candidats, élus et dirigeants du parti.
B. L’art de la dissimulation et du lissage
Le rassemblement national a-t-il fait l’objet d’une véritable détoxification ou pratique-t-il la taqîya grâce à des éléments de langages ? Autrement formulé, Marine Le Pen a-t-elle rompu sur le fond avec l’héritage de son père ou s’agit-il d’une simple stratégie, celle de la dédiabolisation pensée par Dominique Venner et mise en musique par son bras droit, Louis Alliot ? En effet, depuis son accession à la tête du parti, Marine Le Pen a largement communiqué sur sa volonté de faire du Front national un nouveau parti et de rompre avec les excès de son père et de son premier cercle. Elle a même fini par exclure ce dernier en 2015 à la suite d’un dérapage répété sur les chambres à gaz qualifiées de « détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale »47. Le parti s’est doté d’un discours calibré et de nouveaux cadres, plus jeunes, policés et possédant la maîtrise de leur image sur les réseaux sociaux. L’actuel président du parti, Jordan Bardella, est le prototype de cette nouvelle génération.
Un certain nombre d’intellectuels engagés ont relayé et appuyé cette rupture en trompe-l’œil. A titre d’exemple, Henri Temple, tout en se défendant d’être un sympathisant du Rassemblement, développe une dialectique propice à la banalisation sans toutefois parvenir à totalement effacer la continuité idéologique48. Dans un texte intitulé « La genèse du Front national, péché mortel du Rassemblement national ? », l’auteur dresse une liste étonnante des traumatismes de l’histoire française parmi lesquels il classe sans distinction les ligues d’avant-guerre, le Front populaire, la prise de pouvoir d’Hitler, le pacte Hitler-Staline et la trahison, les sabotages, les désertions du parti communiste de 1939 à juin 1941, l’étrange et fulgurante défaite de juin 40, l’occupation, la résistance et la collaboration, la Shoah et l’Holodomor, la libération et l’épuration sauvage, Hiroshima, la guerre froide, la perte de l’Indochine et de l’Algérie, Mai 68… afin de les dépasser, de définir enfin ce qu’est l’extrême droite aujourd’hui et de ne plus paralyser le débat démocratique.
Le Rassemblement national a déployé de réels efforts pour ne plus être identifié comme un parti d’extrême droite donc incompatible en soi avec l’ordre public européen prôné par la Cour européenne. Saisi de la légalité d’une circulaire du Ministère de l’intérieur relative aux élections sénatoriales de 2023 au motif que celle-ci classait le parti dans le bloc d’extrême-droite, le Conseil d’Etat a néanmoins rejeté la requête pour absence d’erreur manifeste49.
Nonobstant la démarche, les marqueurs idéologiques, identité nationale, opposition à l’immigration, préférence nationale… n’ont pas varié. Le vernis républicain qui accompagne la dédiabolisation craque de toutes parts.
En premier lieu, le programme atteste que la colonne vertébrale idéologique du parti reste la même, programme dont l’application est impossible sans une dénonciation de la Convention européenne des droits de l’homme. Nombre de propositions entrent directement en conflit avec des dispositions essentielles de la Convention. Dominique Rousseau dénonce lui aussi l’inquiétant projet politique du Rassemblement en rupture radicale avec les principes de la Constitution et, partant avec ceux de la Convention européenne50. L’hypertrophie de la notion de Nation dans la Déclaration des droits des nations proposée par le parti est également incompatible avec l’universalisme véhiculé par la Convention et son article 14 qui empêche les différences fondées sur l’appartenance nationale qui ne seraient pas fondées sur une justification objective et raisonnable. Seules des considérations très fortes peuvent amener la Cour à estimer conventionnelles des différences de traitement exclusivement fondées sur la nationalité51. Les libertés fondamentales protégées depuis 1950 sont placées au-dessus des considérations purement nationales ou identitaires.
En deuxième lieu, les alliances et les accointances du parti trahissent elles aussi la continuité.
Le rapprochement avec la Fédération de Russie est probablement le plus gênant depuis l’agression de l’Ukraine en février 2022. Marine Le Pen et les cadres du parti faisaient jusqu’alors une apologie décomplexée de Vladimir Poutine alors même que celui-ci était en conflit ouvert avec le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme52. Avant d’être chassé de l’organisation en mars 2022 (avec prise d’effet en septembre), la Douma avait même adopté une loi n°7-KFZ du 4 décembre 2015 permettant d’écarter l’exécution d’un arrêt de la Cour en cas de contrariété avec une norme constitutionnelle, sans compter la suspension du droit de siéger à l’Assemblée parlementaire consécutive à l’annexion de la Crimée53. Outre le flou persistant autour de la question des prêts russes en 2014 à hauteur de 11 millions d’euros, il est encore possible de mettre en exergue la similitude des éléments de langage entre l’égérie du Rassemblement national et le président russe54. Les liens, a minima idéologiques, restent solides puisque le 3 juillet 2024, par le truchement de Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères de la Fédération, la Russie s’est félicitée du bon résultat obtenu par le Rassemblement au premier tour des élections législatives. Enfin, le groupe Patriotes pour l’Europe, anciennement Europe des Nations et des libertés puis Identité et démocratie, auquel sont rattachés les élus du Rassemblement national au Parlement de l’Union européenne, entretient des accointances notoires avec la Russie notamment via la fondation ID55.
A l’Ouest, Marine Le Pen a tenté plusieurs fois, en vain, de rencontrer Donald Trump. En 2016, elle n’a même pas attendu les résultats officiels de l’élection présidentielle américaine pour adresser ses « félicitations au nouveau président des États-Unis Donald Trump et au peuple américain, libre » tandis que Louis Alliot, alors vice-président du parti, saluait un « bras d’honneur à une élite arrogante »56. L’absence remarquée de Marine Le Pen ainsi que celle de Jordan Bardella à la cérémonie d’investiture du 20 janvier 2025 et au triomphe de l’alt-right américaine est sans doute plus tactique qu’idéologique. Une délégation du Rassemblement dont Louis Alliot faisait partie s’est tout de même rendue sur place. Ici, les traits communs avec le trumpisme entrent en contradiction avec la volonté historique de se distancier de la sphère d’influence des Etats-Unis. Comme l’observait Jean-Yves Camus en 2016, « les onze axes de politique étrangère proposés par le parti suggéraient un partenariat militaire et énergétique approfondi et une alliance stratégique plus poussée avec la Fédération de Russie »57.
Au niveau européen, les députés du Front national comme du Rassemblement national ont toujours été proches des formations de la mouvance populiste, autoritaire, illibérale et eurosceptique, voire europhobe sans toutefois s’allier avec des formations se réclamant du néonazisme comme le parti grec Aube dorée, le parti hongrois Jobbik, le parti allemand NPD ou encore le parti polonais KNP. Aujourd’hui, le Groupe Patriotes pour l’Europe fondé par Victor Orban et présidé par Jordan Bardella rassemble, outre les élus du parti français, les députés allemands de l’AFD, les députés autrichiens du FPÖ, les députés belges du Vlaams Belang, les députés italiens de la Ligue du Nord, les députés néerlandais du PVV et les députés polonais du KNP.
Le Rassemblement national tient indubitablement une place importante dans l’internationale ultraconservatrice, souverainiste et nationaliste qui érode et attaque de plus en plus de démocraties dans le monde.
Reste en troisième lieu l’étude, hautement révélatrice des slogans, des déclarations et des comportements. Dans un essai intitulé « Les Français d’abord », Valérie Igounet a analysé l’évolution des slogans du parti58. L’autrice constate certes l’évolution et l’adaptation de leur forme mais le maintien du fond. Tandis que les électeurs campent sur les obsessions traditionnelles – de « 1 million de chômeurs, c’est 1 million d’immigrés de trop ! La France et les Français d’abord ! » (1976-1978) à « On est chez nous » (slogan xénophobe privilégié par les militants lors de la campagne présidentielle de 2017 qualifié de « cri du cœur et cri d’amour » par Marine Le Pen59 – les slogans officiels sont maîtrisés afin d’élargir la base électorale du parti60. Celui retenu pour les élections législatives de 2024, « Libertés libertés chéries », en est le meilleur exemple. Ce choix de communication poétique qui ferait se retourner Paul Éluard dans sa tombe, marque une accélération dans la stratégie de dissimulation qui va désormais jusqu’à présenter le parti comme le premier défenseur des libertés alors que, dans le même temps, il les dénigre de manière atavique et remet systématiquement en cause les institutions chargées de les protéger, Cour européenne des droits de l’homme et Conseil constitutionnel en tête61.
Les déclarations spontanées et les comportements sont encore plus significatifs, notamment sur les réseaux sociaux, déversoirs des passions tristes. Ils trahissent presque systématiquement la fixation sur l’identité et la préférence ou priorité nationales62. S’agissant plus spécifiquement de la Cour, on se souviendra du tweet de Jordan Bardella du 25 janvier 2019 en réaction à l’édiction d’une mesure provisoire dans l’affaire Ali Meguimi c. France : « La Cour européenne des droits de l’homme nous interdit d’expulser des terroristes algériens vers l’Algérie : ils risqueraient des mauvais traitements, les pauvres choux… Cette cour européenne des droits des terroristes, ça commence à bien faire ! ».
Totalement inopinée du fait de la dissolution, la campagne des élections législatives de juin 2024 s’est transformée en festival de débordements, le parti n’ayant pas eu le temps de former suffisamment de candidats à la nouvelle stratégie et aux éléments de langage incidents63. Malgré le « damage control » mis en place par la direction du parti, l’illusion ne tient plus et révèle ce que celui-ci prend grand soin de secondariser depuis plus d’une décennie afin d’accéder au pouvoir : sa franche hostilité à l’égard de l’Etat de droit64.
II. L’insolubilité du Rassemblement national dans l’ordre public européen
Nombre des projets du Rassemblement national heurtent de plein fouet la Convention telle qu’interprétée par son juge naturel. La primauté de la sécurité sur la liberté et le goût immodéré pour l’ordre et l’autorité risquent de mettre la France en délicatesse avec la Cour dans bien des cas mais ne sont pas les obstacles les plus problématiques65. Contrairement au rejet des droit international (A.) et la passion de la discrimination (B.), ils ne sont d’ailleurs pas l’apanage du parti.
A. La fascination pour la souveraineté et le rejet des traités
Le Rassemblement national ne possède pas d’inclination pour les traités, c’est un euphémisme, particulièrement des traités relatifs aux droits humains dotés d’un caractère objectif qui les fait échapper à l’orthodoxie du droit international général sous bien des aspects. Le souverainisme et le nationalisme font rarement bon ménage avec le multilatéralisme et les organisations internationales surtout lorsqu’elles érodent l’exercice de la souveraineté, fusse pour établir, à l’instar du Conseil de l’Europe, la démocratie, la prééminence du droit et la garantie des droits fondamentaux. L’Etat qui a tous les droits vaut mieux que l’Etat de droit.
Même s’il ne s’agit plus, à première vue, de dénoncer la Convention, le parti milite pour une réécriture afin de préciser les contours de certains droits et de redéfinir les compétences de la Cour. Pourtant, le temps où Marine Le Pen appelait à sortir de la « camisole » de la Convention n’est pas très ancien. En 2018, les débats relatifs à la ratification du protocole n°16, lui avait servi de prétexte pour exprimer toute son hostilité à l’égard du système conventionnel alors même que ce protocole renforce la subsidiarité en instituant un mécanisme de demande d’avis au bénéfice des hautes juridictions des Etats parties : « … j’avoue avoir toujours du mal à comprendre ce qui pousse les dirigeants français à donner des pans de notre souveraineté à des organismes supranationaux. Ont-ils peur du pouvoir ? Ou, plus grave, pensent-ils que la France, qui a inventé les droits de l’homme, a besoin d’une structure supranationale pour lui en rappeler l’obligation de respect du fond et de la forme ? Le protocole n°6, dont vous nous demandez aujourd’hui d’autoriser la ratification, est incontestablement une nouvelle atteinte à la souveraineté de la France, une nouvelle atteinte à l’indépendance nationale et une preuve de défiance à l’égard de notre pays. En effet, il renforce la place de la Cour européenne des droits de l’homme dans notre ordre judiciaire, déjà exorbitante. Plus grave, il renforce sa place dans le domaine législatif et réglementaire car, désormais, presque toute action réalisée par le pouvoir sera in fine soumise au bon vouloir de ces juges étrangers ». Et de conclure : « Entre souveraineté et soumission, mon choix est vite fait (…). Nous ne voterons pas ce texte car nous refusons que des juges étrangers fassent et défassent la loi en France. Nous ne voterons pas ce texte car nous sommes bien trop attachés à la souveraineté et à l’indépendance de la France ». La même année, lors de ses vœux à la presse, la présidente du Rassemblement national appelait explicitement à quitter le système conventionnel, jugeant la Cour « impossible à faire évoluer »66.
Nonobstant l’adoucissement du discours de Marine Le Pen et de ses séides, il persiste de nombreuses ambiguïtés autour de cette question67. A l’encontre même de l’esprit et de la nature de la Convention, Marine Le Pen s’obstine à l’appréhender en tant que texte philosophique donc dépourvu de valeur contraignante. Le discours a évolué par étapes.
Il a tout d’abord été envisagé de ne sortir que « d’un certain nombre d’articles de la Convention européenne des droits de l’homme »68. Cette proposition trahit une méconnaissance crasse du système conventionnel qui ne comprend pas de clause opt-out à l’inverse du droit de l’Union européenne. Une alternative, également examinée, consiste à dénoncer la Convention pour y ré-adhérer en l’assortissant de nouvelles réserves. Cette idée, également formulée par Bruno Retailleau, n’a aucun sens69. C’est ignorer tout d’abord que l’adhésion n’est pas un droit et que la manœuvre ne serait probablement pas acceptée par le Conseil de l’Europe et les partenaires européens de la France. C’est oublier ensuite que la Cour exerce un contrôle, certes minimal, mais un contrôle dynamique tout de même sur les réserves au titre de l’article 57 de la Convention (Réserves)70. Quant à la modification de la Convention par voie d’un protocole additionnel régressif, elle est bien peu réaliste que ce soit du point de vue de son élaboration, de son adoption ou de son entrée en vigueur qui nécessiterait la ratification par au moins dix Etats. L’échec du protocole n°12, dernier protocole normatif en date, progressif de surcroît, en est la preuve flagrante.
Face au caractère fantaisiste d’une renégociation de la Convention ou de la portée de l’engagement de la France, l’axe privilégié consiste désormais à agir sur l’ordonnancement juridique interne. La doctrine proche des idées du parti d’extrême droite a pu ainsi proposer l’idée d’un « lit de justice », c’est-à-dire la possibilité de bloquer l’exécution des arrêts qui fâchent par l’adoption d’une loi71. Sous l’angle du droit international, cette technique ne fait pas disparaître la responsabilité de l’Etat. Bien au contraire, la France ne ferait que multiplier les résolutions intérimaires du Comité des ministres et s’exposerait à une nouvelle saisine de la Cour sur le fondement de l’article 46 § 4. Pour Jordan Bardella, la France doit néanmoins être capable de s’opposer aux décisions européennes contraires à sa souveraineté72. Entérinée par une loi ou spontanée, il s’agit ni plus ni moins que de désobéissance et d’un manquement aux obligations de l’Etat au sens des articles 1er (Obligation de respecter les droits de l’homme) et 46 (Force obligatoire et exécution des arrêts) de la Convention73.
Le Rassemblement national a pu également suggérer d’établir la primauté de la loi sur les engagements internationaux dans la Constitution, particulièrement sur la Convention européenne. Jordan Bardella est limpide sur ce point : « Les lois françaises doivent être supérieures aux lois européennes »74. Or comme le souligne Xavier Dupré de Boulois, indépendamment de l’article 55, « la loi est assortie d’une sorte de clause de sauvegarde ou de clause de réserve en faveur de la Convention »75. Celle-ci postule sa propre primauté sur la loi et, ce qui irrite encore plus les souverainistes et les nationalistes, sur la Constitution76. La jurisprudence de la Cour regorge d’exemples mettant en exergue l’incompatibilité de lois internes, voire de normes constitutionnelles avec la Convention ou l’obligation pour les instances nationales d’interpréter ces dernières conformément aux exigences conventionnelles.
La réécriture de l’article 55, que ce soit pour affirmer la supériorité de la loi ou celle des normes constitutionnelles sur la Convention et les faire échapper à l’emprise de la jurisprudence européenne, sera tout aussi inopérante sur la capacité de la Cour à condamner la France et sur l’engagement de sa responsabilité internationale.
Cette évidence n’a pas empêché Marine Le Pen et les députés affiliés au Rassemblement national de déposer deux propositions de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale.
La première, en date du 13 avril 2018 recommande de faire chuter la Convention dans la hiérarchie des normes à un niveau infra-législatif77.
La seconde, en date du 25 janvier 2024 invite à réécrire plusieurs articles de la Constitution : l’article 1er afin de rappeler le caractère suprême de cette dernière et d’instituer une obligation de désobéissance aux décisions juridictionnelles internationales qui la mettraient en cause ; l’article 54 afin d’interdire la conclusion d’engagements internationaux contraires à la Constitution. La nouvelle version de l’article 55 envisagée vise quant à elle directement la Convention et la Cour. Elle prévoit que la détermination de l’autorité des traités et des accords internationaux en droit interne et la fixation les conditions dans lesquelles les citoyens peuvent invoquer leurs clauses à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction afin d’écarter une disposition législative se font par des lois organiques78. Il s’agit pour les signataires de « mettre fin à la dérive jurisprudentielle, constatée depuis trois décennies, qui a retiré à un pouvoir politique résigné toute possibilité de décider librement de la maîtrise des flux migratoires au nom d’une prétendue suprématie de normes extérieures à notre droit, souvent de nature jurisprudentielle ». La proposition renforce par ailleurs la réciprocité ce qui est une absurdité en droit international des droits humains compte tenu du caractère universel et impératif des normes concernées.
Dans les deux cas, ces révisions auraient pour effet de neutraliser la Convention et de ruiner toute l’effectivité du système à telle enseigne que la dénoncer ou non n’a plus guère d’importance. C’est d’ailleurs le but recherché.
B. La passion de la discrimination
Le rejet de l’autre et l’angoisse de la perte d’identité confinent à la pathologie sociale79. Le biais de favoritisme pro-endogroupe, parfois doublé d’une approche ethno-différencialiste, est irrémédiablement incompatible avec la tolérance, principe éminent de la société démocratique.
Le Rassemblement national est obsédé de manière maladive par la défense de « l’identité nationale, les valeurs et les traditions de la civilisation française » (91ème des 144 engagements de Marine Le Pen lors des élections présidentielles de 2017). La peur de l’altérité, matinée à l’occasion de haine, est omniprésente. Elle concerne les migrants au premier chef mais pas uniquement. Ceux dont les représentations politiques ou l’orientation sexuelle ne correspondent pas à ce que le parti présume être compatible avec le mode de vie de la communauté principale, bref tous ceux dont les habitudes et les mœurs ne sont pas jugés conformes aux normes sociales majoritaires, sont concernés.
Le Rassemblement national promeut ainsi une vision traditionnelle de la famille et résiste aux révolutions amorcées en matière de genre, de droits des femmes et d’évolution des mœurs80. Quelques députés du parti à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement de l’Union européenne ont créé une association destinée à lutter contre la menace transgenre, les théories du genre et le wokisme81. Or, depuis l’arrêt Konstantin Markin c. Russie du 22 mars 2012, la Cour a bel et bien adopté la notion de genre comme un outil parmi d’autres pour lutter contre les discriminations82. Elle s’est aussi employée de longue date à favoriser la reconnaissance des droits et de la dignité des personnes transsexuelles et intersexuelles83.
La dépréciation de la différence constitue le pivot dogmatique du Rassemblement national et précédemment du Front national : la préférence ou priorité nationale. On a pu observer une recrudescence glaçante des comportements et des agressions racistes à la faveur de ses récents succès électoraux84. Là est sa colonne vertébrale. On la retrouve à tous les étages de son programme officiel. Dans la proposition de loi constitutionnelle n°2120 déposée le 25 janvier 2024, il est indiqué distinctement qu’elle sera autorisée, « notamment dans l’accès à l’emploi dans le secteur privé ou dans le secteur public et dans l’accès au logement social » ; « elle constituera un droit constitutionnellement invocable ». A titre de comparaison, le programme officiel du Rassemblement national comporte 44 pages sur l’immigration alors qu’il n’en compte que 15 pour l’éducation. Même la sécurité, autre obsession du parti, ne comporte que 23 pages.
C’est précisément sur ce point que le Rassemblement cesse de faire illusion. Selon Sylvain Crépon, s’il est impossible de nier une certaine évolution, le parti n’est pas sorti de l’ornière de l’extrême droite et conserve les fondements de sa famille politique en totale contradiction avec les valeurs égalitaristes républicaines et les valeurs d’intégration qui irriguent également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme85.
Cette priorisation des nationaux se traduit par une secondarisation des personnes migrantes et des étrangers même en matière de libertés et de droits fondamentaux ce qui, ici aussi, est totalement contraire à la Convention européenne. La doctrine du parti établit un lien de causalité entre les migrants, et par extension les étrangers, et toutes les difficultés qui traversent la société : sécurité et terrorisme, délinquance, santé, chômage, dette publique et même environnement86…
Dans le détail, plusieurs libertés conventionnelles risquent d’être directement impactées, voire anéanties, par l’application du programme du Rassemblement national.
Premièrement, le parti envisage de limiter la liberté de circulation au sein de l’Espace Schengen en omettant les difficultés que cela posera sous l’angle de l’article 2 § 1 du protocole n°4 aux termes duquel « Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler et d’y choisir librement sa résidence ».
Deuxièmement, comme l’a indiqué Marine Le Pen dès 2011, il s’agit de permettre le refoulement des migrants dans les eaux internationales ce qui contrevient directement à l’article 4 du protocole n°4. L’expérience a été tentée par l’Italie puis par Chypre au prix de condamnations retentissantes à Strasbourg87.
Troisièmement, le Rassemblement propose de restreindre à une peau de chagrin le regroupement familial en l’assortissant de conditions si restrictives qu’il devient impossible en pratique. Cela contredit ouvertement la jurisprudence européenne, relative à la France d’ailleurs, qui exige en la matière, sous l’angle de l’article 8 de la Convention, de la souplesse et de la célérité88.
Quatrièmement, le parti souhaite pouvoir expulser librement les délinquants de nationalité étrangère indépendamment des risques qu’ils peuvent encourir dans le pays de destination qui est envisagé89. Outre la remise en cause de tout un pan de l’effet extraterritorial de la Convention, cela revient à envoyer les intéressés se faire torturer, voir se faire pendre ailleurs et s’oppose frontalement à une jurisprudence bien établie depuis l’arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989. C’est une violation de l’article 3 de la Convention90. Se posera également de manière incidente la question du respect des mesures provisoires dont la transgression est susceptible d’entraîner une violation de l’article 34 de la Convention91.
Cinquièmement, le Rassemblement souhaite réserver toute une série de prestations sociales, dont les allocations familiales, aux seuls citoyens. Bien que la Cour soit assez compréhensive avec les Etats sur ce point, une rigueur trop importante expose à une violation de l’article 8 et de l’article 14 de la Convention92. Quant à la disparition de l’Aide Médicale de l’État pour les personnes migrantes, leur mise en danger et leur précarisation pourraient engendrer des violations consécutives au non-respect des obligations positives qui pèsent sur les Etats.
Même les citoyennes et les citoyens d’origine étrangère sont frappés de suspicion. Marine Le Pen et Jordan Bardella souhaitent leur réserver un traitement spécifique, notamment dans le domaine de la fonction publique et en matière de droits politiques, différenciations qui n’obtiendront probablement pas l’assentiment de la Cour européenne. L’arrêt Tanase c. Moldova du 7 avril 2010 relatif au droit à des élections libres leur offre une piste de réflexion. En effet, conformément au Code de bonne conduite en matière électorale élaboré par la Commission de Venise, la Cour estime que la déchéance de mandat liée au refus d’abandonner la binationalité viole l’article 3 du protocole n°1 (droit à des élections libres)93. En règle générale, la plupart des différences fondées sur la possession d’un double lien national exposerait les autorités à une violation de l’article 14 sur le fondement de l’interdiction de la discrimination en raison de la nationalité.
On assiste à une hystérisation des positions lorsque l’islam est impliqué. La figure du musulman cristallise toutes les peurs, tous les ressentiments. La plupart des cadres et des électeurs du Rassemblement national adhèrent sans retenue à la théorie de Renaud Camus du « grand remplacement » et de la « grande dénaturation » alors que celle-ci ne repose sur aucune réalité scientifique. On est ici au cœur d’un processus de projection et de paranoïa plus ou moins poussé à l’extrême qui joue le rôle de plus petit dénominateur commun et permet de rassembler des courants parfois très éloignés94. Cette partie de la population, considérée comme non nationale ou suspecte, sera sans aucun doute exposée à des tentatives de discriminations multilatérales en cas de prise du pouvoir par la Rassemblement national. Interrogée en 2022 sur le hijab, Marine Le Pen a confirmé son souhait de l’interdire ou au moins d’en limiter la visibilité dans l’espace public95. Une telle prohibition se heurtera nécessairement à l’article 9 de la Convention (liberté de conscience et de religion)96. Les autorités nationales doivent assurer un juste traitement aux croyants. Il pèse sur elles une obligation positive qui consiste à préserver l’esprit de tolérance entre les différents cultes, à respecter un devoir de neutralité et d’impartialité97. Même la pénalisation du port de la burqa sous le prétexte de dissimulation du visage dans l’espace public n’a été acceptée par la Cour que du bout des lèvres98.
Corolaire de cette islamophobie plus ou moins latente, le Rassemblement promet une chasse à l’« islamo-gauchisme » en cas de conquête du pouvoir notamment dans les écoles et dans les universités. Mis à part la genèse de cette notion, forgée sur le même modèle que le judéo-bolchévisme, son absence de contenu et d’utilité (en dehors d’amalgamer des cibles politiques en tentant de leur conférer une cohérence fantasmagorique), l’inquisition qu’elle suggère possède un potentiel non négligeable de violation des libertés académiques et donc de l’article 10 de la Convention européenne99.
Ce tableau sommaire et non exhaustif, prouve s’il le fallait encore que l’entrée en vigueur du programme du Rassemblement national nécessiterait, quoiqu’en dise Marine Le Pen, une sortie du système conventionnel et une dénonciation de la Convention européenne.
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En conclusion, si les efforts du Rassemblement national pour se notabiliser, se présenter comme les parangons de la véritable liberté, suffisent à tromper une partie de l’électorat fragilisée par la mondialisation, déçue par l’offre politique républicaine, cela ne suffira probablement pas devant le juge européen.
Comme le souligne Peter Leuprecht, « l’arbre planté il y a soixante-dix ans, la Cour européenne des droits de l’homme, est encore vivant. Nombreux sont ceux qui veulent l’abattre. Aura-t-il la force de résister aux intempéries et changements climatiques à venir ? Il faut espérer qu’il va s’affirmer et s’affermir »100. Malgré une nette tendance au self restraint dans un contexte de crise de légitimité, la Cour garde néanmoins le cap sur l’essentiel.
N’en déplaise au Rassemblement national, à Marine Le Pen, Jordan Bardella et bien d’autres… « Let Europe arise ! »101.
1 « Mort de Jean-Marie Le Pen : l’extrême droite réunie pour l’hommage public organisé à Paris », France 24, 16 janvier 2025 : « Outre les membres du Rassemblement national, son président Jordan Bardella en tête, toutes les chapelles de l’extrême droite avaient fait le déplacement, y compris l’adversaire de Marine Le Pen, Éric Zemmour, mais aussi Bruno Mégret, ancien numéro deux du FN qui avait rompu avec Jean-Marie Le Pen en 1998, ou Carl Lang, également dissident. Philippe de Villiers était également présent ».
2 Voir respectivement APCE, rec. 1438 (2000), 25 janvier 2000, Menace des partis et mouvements extrémistes pour la démocratie en Europe et APCE, res. 1344 (2003), 29 septembre 2003, Menace des partis et mouvements extrémistes pour la démocratie en Europe.
3 APCE, res. 1308 (2002), 18 novembre 2002, Restrictions concernant les partis politiques dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
4 AN, 15ème législature, séance du 15 février 2018, discussion du projet de loi autorisant la ratification du protocole n°16 à la Convention.
5 É. Zemmour, Le coup d’Etat des juges, Paris, Grasset, 1997, 222 p.
6 AN, 15ème législature, séance du 15 février 2018.
7 https://rassemblementnational.fr/post/la-france-encore-condamnee-par-la-cedh-linsupportable-dictature-des-juges
8 AN, 15ème législature, séance du 15 février 2018.
9 « GPA: Marine Le Pen souhaite que la France quitte la CEDH », Le point, 5 octobre 2014 : S’autoproclamant titulaire de la parole du peuple, Marine Le Pen estime que « la France devrait « couper le cordon » avec la Convention européenne des droits de l’homme (…) car le traité et sa juridiction contribuent selon elle à imposer des visions que le peuple rejette ».
10 Parallèlement une partie de la doctrine juridique a soutenu l’idée d’une sortie du système conventionnel comme Anne-Marie le Pourhiet (« La CEDH, tu l’aimes ou tu la quittes », Causeur, 6 novembre 2021).
11 Peut-être Marine Le Pen est-elle également sensible à l’évolution sociologique de la Cour et la nomination croissante de juges conservateurs plus proche de ses idées. On peut ainsi trouver sur le site du parti un étonnant communiqué de Jean-Pierre Garraud, porte-parole de Marine Le Pen, qui se félicite de la décision du 1er février 2022 rendue par la Cour dans l’affaire Johansen c. Danemark qui conclut à la conventionnalité de la déchéance de nationalité des terroristes binationaux (https://rassemblementnational.fr/communiques/49416).
12 « Marine Le Pen ne juge plus «utile» de quitter la CEDH », Le Figaro, 25 mai 2021.
13 AN, Proposition de loi constitutionnelle « Citoyenneté-Identité-Immigration », n°2120, déposée le jeudi 25 janvier 2024.
14 S. Hennette-Vauchez, A. Vauchez, « Quand le RN dépouille droits et libertés », AOC, 27 juin 2024.
15 V. Valentin, « Remarques sur les mutations de la laïcité. Mythes et dérives de la « séparation » », RDLF, 2016, chron. n°14. L’auteur évoque l’émergence d’une « laïcité de contrôle ».
16 Voir à ce sujet l’étude de Xavier Duprès de Boulois, « Politiquement correct » et liberté d’expression, RDLF, 2020, chron. n°01. A titre d’exemple, en 2021, Marine Le Pen a littéralement volé au secours du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire en invoquant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, en l’espèce l’arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976 lequel invite, au nom de la liberté d’expression dans une société démocratique, à protéger les idées qui heurtent ou qui choquent (liberation.fr/france/2021/01/27/marine-le-pen-defenseuse-des-droits-de-l-homme-quand-ca-l-arrange).
17 Tous Politique, France inter, 5 octobre 2014 : « Toutes ces institutions internationales qui partaient probablement d’un bon sentiment se retrouvent aujourd’hui par l’intermédiaire de leurs jurisprudences à aller contre l’avis des peuples, à imposer aux peuples une vision que celui-ci rejette ». Voir également « CEDH: Marine Le Pen veut sortir de la «camisole» des droits de l’homme », L’opinion, 18 janvier 2019 : « Marine Le Pen veut sortir de la «camisole» des droits de l’homme Au nom de la lutte contre le terrorisme et du refus de la charia, le RN réclame un retrait de la France de la Cour de Strasbourg. Ou comment une histoire d’héritage en Grèce s’est invitée dans la campagne des européennes… ».
18https://rassemblementnational.fr/tribunes-libres/il-faut-reformer-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme. Voir également https://rassemblementnational.fr/tribunes-libres/conflits-dinterets-a-la-cedh-de-pire-en-pire. Il est loin le temps où Gilles Lebreton alertait dans son manuel sur les dangers que représentait le Front national (Libertés publiques et droits de l’homme, Paris, Dalloz, 2008, 8ème éd., 569 p. : « Cette pensée doit être analysée parce qu’elle constitue désormais une menace réelle pour l’avenir de nos libertés publiques. Elle n’est, en effet, rien d’autre qu’une philosophie de l’exclusion d’autant plus dangereuse qu’un parti politique français, le Front national, s’en est emparée »).
19 L’appel a également été publié dans les pages de Valeurs Actuelles le 7 mai 2020. A titre d’exemples, on citera : Stéphanie Dô (candidate du Rassemblement dans la circonscription 67-3 aux élections législatives de 2024) et son second Nicolas Bauer ; Grégoire Belmont, responsable d’émission sur Radio Courtoisie c’est-à-dire d’une des tribunes publiques privilégiée du Rassemblement national et, de manière générale, des mouvements d’extrême droite ; André Bonnet (candidat du Rassemblement dans la circonscription 84-2 aux élections législatives de 2024) ; Christophe Boutin, membre d’action française et soutien de Marine Le Pen en 2022, Gilles Lebreton ; Anne-Marie Malandrino (candidate du Rassemblement dans la circonscription 38-4 aux élections législatives de 2024) ; Gerbert Rambaud (candidat du Rassemblement dans la circonscription 42-4 aux élections législatives de 2024) ; Frédéric Pichon (cadre de la Manif pour tous, proche du bloc identitaire et candidat sur la liste du Front national en Ile-de-France aux élections européennes de 2014) ; Jean-Paul Garraud, eurodéputé du Rassemblement, également auteur d’une tribune sur le même sujet sur le site internet du Rassemblement . A ces partisans officiels, il faut ajouter toutes celles et tous ceux qui gravitent autour du parti : René Boustany, membre de l’équipe de campagne d’Éric Zemmour en 2022 ; Jean-Luc Coronel de Boissezon professeur d’histoire du droit à Montpellier, révoqué à la suite de l’évacuation musclée d’étudiants ; Aude Mirkovic, figure emblématique du rock identitaire ; Eric Noual, anciennement avocat du syndicat FN-RATP…
20 Occident université, 1965, n°5
21 JO du 16 mai 1958, p. 4720
22 Pour une histoire de l’extrême droite en France voir Histoire de l’extrême droite en France (dir. M. Winock), Paris, Points, 2015, 336 p.
23 P. Ecuvillon, Le phénomène Le Pen : analyse relationnelle, historique et esthétique (dir. P. Tacussel), Montpellier III, 2015, p. 180 : « Le manifeste Pour une critique positive, signé par Dominique Venner et paru en 1962, a pour ambition d’assumer les conséquences des erreurs du passé » et de rendre le nationalisme fonctionnel. Voir également R. Dély, L’assiégé – Dans La Tête De Dominique Venner, le gourou caché de l’extrême droite, Paris, JC Lattès, 2024, 272 p.
24 Bruno Gollnisch parle d’un « intellectuel extrêmement brillant (…) qui s’est donné la mort pour exprimer une protestation contre la décadence de notre société » (BFMTV, https://institut-iliade.com/jean-marie-le-pen-raconte-dominique-venner-lintellectuel-samouraique/).
25 G. Kauffmann, « Les origines du Front national », Pouvoirs, 2016, n°57, pp. 5-15.
26 V. Vardabasso, « La Convention européenne des droits de l’homme », Relations internationales, 2007, n°131, pp. 73-90.
27 Voir Respectivement, Conseil de l’Europe, AC, 1ère session, tome II, Comptes rendus de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe et P. Leuprecht, « La Convention européenne des droits de l’homme face à la contestation de ses valeurs fondamentales. » RQDI, 2020, hors-série, pp. 69–77
28 W. J. Ganshof Van der Meersch, « La Convention européenne des droits de l’homme et les limites que leur assignent l’intérêt général et les droits d’autrui », Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, 1985 tome 71, pp. 138-156, spé 149.
29 Com. EDH, 11 janvier 1961, Autriche c. Italie (déc.), n°788/60.
30 Pensée en réaction « aux loups déguisés en agneaux » cette « clause de sauvegarde » ou de « démocratie combattante » vise à prévenir l’abus des droits garantis par la Convention à des fins contraires à ses principes fondamentaux, tels que la démocratie, l’égalité et la dignité humaine. Nonobstant, elle pose plus de problèmes qu’elle n’en résout car elle favorise un contrôle à deux vitesses entre ceux qui méritent la protection de la Cour et les autres et, partant, permet aux requérants écartés de se victimiser. Voir M. Sztulman « La Cour européenne des droits de l’homme et la notion de tolérance : de l’esprit de sacrifice au sacrifice de l’esprit » in Tolérance et droit (dir. X. Bioy, B. Lavergne, M. Sztulman), Paris, LGDJ, 2018, pp. 113-133.
31 Pour une application directe voir par exemple : CEDH, 13 décembre 2005, Witzsch c. Allemagne (n°2) (déc.), n°7485/03 ; CEDH, 25 novembre 2003, R.L. c. Suisse (déc.), n°43874/98 ; CEDH, 5 mars 2013, Varela Geis c. Espagne, n° 61005/09. Pour une application indirecte voir : Com. EDH, 12 mai 1988, Kühnen c. Allemagne (déc.), n°12194/86 ; Com. EDH, 13 décembre 1963, X. c. Autriche, 1963, n°1747/62 ; Com. EDH, 11 octobre 1979, Glimmerveen et Hagenbeek c. Pays-Bas, n° 8348/78 et 8406/78 ; Com. EDH, 12 octobre 1989, H., W., P. et K. c. Autriche, n° 12774/87 ; Com. EDH, 2 septembre 1994, Ochensberger c. Autriche, n°21318/93 ; CEDH, 1er février 2000, Schimanek c. Autriche, n° 32307/96.
32 CEDH, 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni c. France, n°24662/94, § 55.
33 CEDH, 10 mai 2005, Le Pen c. France (déc.), n° 55173/00.
34 CEDH, 20 avril 2010, Le Pen c. France (déc.), n° 18788/09.
35 CEDH, 13 septembre 2016, Le Pen c. France (déc.), n° 52672/13.
36 CEDH, 28 février 2017, Le Pen c. France (déc.), n° 45416/16.
37 CEDH, 7 juin 2011, Gollnisch c. France (déc.), n°48135/08.
38 CEDH, 22 octobre 2007, Lindon Otchakovsky-Laurens et July c. France, n° 21279/02 et 36448/02, § 53.
39 CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72, § 49.
40 CEDH, 13 août 1981, Young, James et Webster c/ Royaume-Uni, n°7601/76 et 7806/77, § 63.
41 H. Lee, « La société ouverte et ses nouveaux ennemis » (trad. N. Albert), Diogène, 2014, n°248, pp. 49-58. Voir également M. Brudny, « Karl Popper et la destructivité ». Revue d’histoire de la Shoah, 2017, n°207, pp. 283-291.
42 Y. Lécuyer, « La subversion du droit par les idées d’extrême droite : les nouvelles lois scélérates », RDLF, 2023, chron. n°50.
43 APCE, res. 1344 (2003), Menace des partis et mouvements extrémistes pour la démocratie en Europe, 29 septembre 2003 : « L’Assemblée est consciente que la lutte contre l’extrémisme place les démocraties devant un dilemme, car elles doivent, d’une part, garantir la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, et permettre l’existence et la représentation politique de tout groupe politique, et, d’autre part, se défendre et établir des garde-fous face à l’action de certains partis extrémistes bafouant les principes démocratiques et les droits de l’homme ».
44 Y. Lécuyer, « L’histoire et la tradition dans le contentieux relatif aux partis politiques devant la Cour européenne des droits de l’homme », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, 2018, n°16, pp. 101-111.
45 CEDH, 13 février 2003, Refah Partisi et a. c. Turquie, n°41340/98 et a., § 102.
46 Ibid., § 101 : « La Cour estime aussi que les statuts et le programme d’un parti politique ne peuvent être pris en compte comme seul critère afin de déterminer ses objectifs et intentions. L’expérience politique des Etats contractants a montré que dans le passé les partis politiques ayant des buts contraires aux principes fondamentaux de la démocratie ne les ont pas dévoilés dans des textes officiels jusqu’à ce qu’ils s’approprient le pouvoir. C’est pourquoi la Cour a toujours rappelé qu’on ne saurait exclure que le programme politique d’un parti cache des objectifs et intentions différents de ceux qu’il affiche publiquement. Pour s’en assurer, il faut comparer le contenu de ce programme avec les actes et prises de position des membres et dirigeants du parti en cause. L’ensemble de ces actes et prises de position, à condition de former un tout révélateur du but et des intentions du parti, peut entrer en ligne de compte dans la procédure de dissolution d’un parti politique ».
47 CA Versailles, 9 février 2018, n°16/085411.
49 CE, 11 mars 2024, n°488378.
50 D. Rousseau, « L’inquiétant projet de Marine Le Pen qui s’attaque aux droits de l’homme », Challenges, 31 mars 2022.
51 Voir par exemple CEDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, n°17371/90, § 42 ; CEDH, 30 septembre 2003, Koua Poirrez c. France, n°40892/98, § 46 ; CEDH, 18 février 2009, Andrejeva c. Lettonie, n°55707/00, § 87.
52 Même si certains se sont désolidarisé du président russe ou on modéré leurs positions depuis l’agression armée de l’Ukraine, on peut compter parmi les membres du Rassemblement concernés : Thierry Mariani (eurodéputé depuis 2024) ; Jacques Myard (candidat investi conjointement par les Républicains et le Rassemblement national dans la circonscription 78-5, membre think tank pro-russe Centre français de recherche sur le renseignement) ; Pierre Gentillet (candidat aux élections législatives dans la circonscription 18-3, fondateur think tank pro-Russe Cercle Pouchkine) ; Rémy Berthonneau (candidat dans la circonscription 33-12 et fondateur du site Français Libres destiné à faire « entendre la voix des Français de Russie ») ; Françoise Billaud (candidat dans la circonscription 22-1) ; Jean-Lin Lacapelle (candidat dans la circonscription 45-5) ; Agnès Pageard (candidate dans la circonscription 75-10)…
53 Voir C. Giannopoulos, « Jurisprudence constitutionnelle russe. Désobéir pour servir une cause. Considérations sur la première application de la nouvelle compétence de la Cour constitutionnelle russe pour filtrer l’exécution des décisions de la Cour EDH », Revue française de droit constitutionnel, N° 109(1), 255-268
Désobéir pour servir une cause. Considérations sur la première application de la nouvelle compétence de la Cour constitutionnelle russe pour filtrer l’exécution des décisions de la Cour EDH », RFDC, 2017, n°109, pp. 255-268.
54 « Russia is working to subvert French support for Ukraine », Washington Post, 30 décembre 2023.
55 La profession de foi en ligne de cette fondation indique qu’elle est « convaincue que la souveraineté des États et des peuples repose sur la coopération entre les nations et rejette par conséquent toute politique visant à créer un modèle supranational ou supranational. L’opposition à tout transfert de souveraineté nationale vers des instances supranationales et / ou des institutions européennes est l’un des principes fondamentaux qui unit les membres de la Fondation ».
56 « Marine Le Pen félicite Donald Trump avant même les résultats officiels », France 24, 11 novembre 2016.
57 J-Y. Camus, « Le Front national et les relations internationales », Fondation Jean Jaurès, 31 août 2016.
58 V. Igounet, Les Français d’abord Slogans et viralité du discours Front national (1972-2017), Paris, Dernière marge, 2017, 144 p.
59 « FN: le slogan « On est chez nous », cri du cœur et d’amour selon Marine Le Pen », Public Sénat, 17 février 2017.
60 « La voix du peuple, l’esprit de la France » (élections présidentielles 2012) ; « Au nom du peuple » (élections présidentielles, 2017) ; « La France qu’on M » (élections présidentielles, 2022).
61 Y. Lécuyer, « Les critiques ataviques à l’encontre de la Cour européenne des droits de l’homme », RDLF, 2019, chron. n°53 ; L. Burgorgue-Larsen, « La CEDH ne mérite pas d’être le bouc-émissaire du réductionnisme de la pensée », RDLF, 2020, chron. n°73.
62 Voir par exemple le Guide de l’élu du Rassemblement national rédigé par des cadres du parti dont Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont. 17 juin 2024 qui invite les élus à défendre la priorité nationale notamment dans l’accès aux logements sociaux. Voir également les propos de Jordan Bardella ou de Jean-Philippe Tanguy sur les « Français d’origine étrangère », les « Français de papier » ou les « Français de fraîche date » dans divers médias.
63 Pour un florilège non exhaustif : « Dans le Rassemblement National, nous avons des juifs, des musulmans, des espagnols (…) J’ai comme ophtalmo un juif. Et j’ai comme dentiste un musulman » (Paule Veyre de Soras, circ. 53-1, 2024, Youtube) ; tweet d’une photographie, avec un sous-texte évident, représentant quatre personnes dont trois racisées en attente de comparution dans les couloirs de la Cour d’assises de Bobigny (Grégoire Houdan, circ. 76-1, 2024, X) ; « Toutes les civilisations ne se valent pas, celles qui n’ont aucun humanisme et ne respectant pas les femmes, au nom d’une religion sont juste restées au-dessous de la bestialité dans la chaîne de l’évolution » ; « Si on lui (à propos de Prisca Thévenot, alors porte-parole du gouvernement et originaire de l’île Maurice) dit de retourner sur son île on va être taxé de racisme, on ne peut même pas lui répondre ! » (Marie-Christine Sorin, 65-1) : « Le bois de Boulogne retient son souffle. Franky (en réponse à un tweet de Franck Riester alors ministre délégué chargé du Commerce extérieur) dit la pompe ou la turlutte pourrait s’y reconvertir », « Juif (en réponse à un tweet du socialiste Julien Dray) qui parle, bouche qui ment disait Voltaire » (Louis-Joseph Gannat Peche, Meurthe et Moselle, 54-5, 2024, X) ; « Après avoir « génocidé » les enfants français à raison de 200 000 par an (référence au nombre d’avortement), on doit maintenant les remplacer à tour de bras par des migrants » (Caroline Parmentier, circ. 62- 9, anciennement attachée de presse de Marine Le Pen, 2022, Présent) ; « Le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah » (Joseph Martin, circ. 56-1, 2018, X), « Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux » (Daniel Genon, 89-1, Yonne Républicaine, 2024) ; « D’après Olivier Véran, porte propagande du gouvernement, les punaises de lit, c’est en raison du réchauffement climatique. Rien à voir avec les arrivées massives de tous les pays d’Afrique donc… » (René Lioret, circ. 21-5, X, 2023) ; « Hiérarchiser les races est un travail scientifique. Je ne suis pas un scientifique » (Christophe Bentz, cric. 52-1, 2023, X) ; « Pendant que nos retraités font les poubelles, les immigrés eux, touchent une retraite à taux plein sans jamais avoir cotisé » (Sandrine Chadourne, circ. 33-10, 2015, Facebook) ; « On se demande si ce Parlement est Français ou Africain » (Ivanka Dimitrova, circ. 77-2, 2024, X)… Que dire également de Julie Apricena, suppléante de Pierre Gentillet (circ. 18-3) dont on retrouve une photographie vêtue d’un t-shirt suprématiste, de Frédéric Boccaletti (circ. 83-7 ) condamné à un an de prison dont six mois ferme pour « violence en réunion avec arme » pour avoir ouvert le feu sur des personnes d’origine sub-saharienne lors d’un collage d’affiches, de Gilles Bourdouleix (circ. 49-5) condamné en première instance pour avoir considéré à propos du voyage qu’Hitler n’en avait « peut-être pas tué assez », condamnation cassé au motif que ces propos ont été tenus « dans des circonstances exclusives de toute volonté de les rendre publics » (cass. crim., 15 décembre 2015, n° 14-86.132), de la photo publiée par Victor Catteau (circ. 59-5) laquelle suggère qu’il préfère son chien aux migrants ou encore de la vidéo intitulée « On va casser du pd » publiée par Pierre-Nicolas Nups (circ. 54-5), la dénonciation de la « propagande LGBTQ », c’est-à-dire de la « transidentité, fin du modèle masculin /féminin, promotion du modèle queer, gender fluide, transféminisme » par Laure Lavalette (circ. 83-2), de la pancarte « untermensch » (sous-homme) brandie par Thomas Lutz en avril 2024 en pleine Assemblée nationale, de la « quenelle » effectuée par Brice Bernard (circ. 73-4)… Que dire enfin du groupe Facebook baptisé « Rassemblement national (direction 2027) », auquel appartenaient jusqu’à récemment 15 députés du Rassemblement national et sur le mur duquel était régulièrement publié des contenus racistes et islamophobes ?
64 France bleu 3 juin 2024, Jordan Bardella : « Il peut arriver qu’il y ait des brebis galeuses au sein du Rassemblement national (…) mais dans 99,9 % des cas, il n’y a absolument aucune difficulté ».
65 Voir par exemple la tribune de Nicolas Bauer, membre de l’ECJL et suppléant pour le Rassemblement national dans la circonscription 67-3, Valeurs actuelles, 2 avril 2022 : « Certaines mesures proposées par Éric Zemmour et Marine Le Pen sont en effet contraires à la jurisprudence de la CEDH. C’est par exemple le cas du rétablissement de la peine de perpétuité réelle incompressible pour les criminels les plus dangereux. La Grande Chambre de la CEDH a jugé en 2013 qu’une telle peine était un traitement inhumain et dégradant, interdit par le droit européen ».
66 Vœux de Marine Le Pen à la presse, 16 janvier 2018.
67 Il est difficile de déterminer les implications précises de l’expression utilisée par Jordan Bardella en 2023 lorsqu’il invite à faire « sauter les verrous juridiques qui empêchent l’Etat de lutter contre l’immigration » et à « s’affranchir de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme » (Grand Rendez-vous, Europe 1 – CNews, 22 octobre 2023).
68 Le Grand Jury, RTL, 25 octobre 2020.
69 « La France pourrait-elle « sortir temporairement » de la CEDH ? », Le Figaro, 2 juin 2021.
70 CEDH, 29 avril 1988, Belilos c/ Suisse, n°10328/83.
71 Voir A-M. Le Pourhiet, « La Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie », Constitutions, 2018 p. 205. Voir également l’essai de Jean-Éric Schoettl, La démocratie au péril des prétoires : de l’état de droit au gouvernement des juges, Paris, Gallimard, 2022, 256 p.
72 « Unanimité, désobéissance aux traités : les candidats aux européennes répondent à notre questionnaire », Marianne, 7 juin 2024.
73 B. Mathieu, cela n’empêche pas de considérer la désobéissance comme possible et nécessaire (« S’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme ? C’est possible et justifié », Le Figaro, 18 novembre 2016).
74 Le Grand Matin, Sud Radio, 8 février 2023.
75 X. Dupré de Boulois, « Le juge, la loi et la Convention européenne des droits de l’homme », RDLF, 2015, chron. n°08.
76 CEDH, 16 septembre 1996, Süssman c. Allemagne, n°20024/92. Pour la France voir CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzales et a. c. France, n°24846/94 et a..
77 AN, Proposition de loi constitutionnelle sur le rétablissement de la maitrise souveraine de la politique migratoire et la protection de la nationalité française, n°879, déposée le 13 avril 2018.
78 AN, Proposition de loi constitutionnelle « Citoyenneté-Identité-Immigration », n°2120, déposée le jeudi 25 janvier 2024.
79 P. Wagner-Egger, « Catégorisation, stéréotypes et préjugés en psychologie sociale », Tangram, 2020, n°44, p. 51 : « De nombreuses études en psychologie sociale ont également montré que si on sépare des gens qui ne se connaissaient pas en deux groupes, la plupart d’entre eux ont tendance à favoriser les membres de leur groupe, même sans interagir, en leur attribuant un peu plus de points, par exemple. Les groupes dominants dans la hiérarchie sociale font de surcroît davantage de discrimination envers les groupes plus bas dans la hiérarchie sociale, qui peuvent de leur côté parfois intérioriser la discrimination ».
80 Les 4 vérités, France 2, 8 mars 2012 : Marine Le Pen estime que les « avortements de confort » doivent être déremboursés. Autre exemple, même si elle a rassuré ne pas vouloir revenir sur cet acquis, Marine Le Pen ainsi que la plupart des élus du Rassemblement ont voté contre le mariage pour tous en 2016. Dernier élément mais non des moindres, Marine Le Pen n’a cessé de clamer son opposition virulente à l’établissement d’un lien de filiation avec le parent d’intention pour les enfants nés d’une GPA et aux arrêts de la Cour qui condamnent la France sur ce point depuis les arrêts Mennesson et Labasse c. France du 26 juin 2014. Il s’agit pour elle « d’une dérive mortelle pour notre société, les êtres humains ne sont pas des objets de consommation » (BFMTV, 11 mars 2021).
81 Voir également la diatribe au Parlement de l’Union européenne contre la notion de genre par Gilles Lebreton (https://rassemblementnational.fr/interventions/gilles-lebreton-defend-les-femmes-mais-pas-le-gaspillage-ni-la-theorie-du-genre).
82 Y. Lécuyer, « L’utilisation « retenue » de la notion de genre par la Cour européenne des droits de l’homme », RDP, 2015, pp. 1327-1356.
83 CEDH, 25 mars 1992, B. c. France, n°13343/87 ; CEDH, 11 juillet 2002, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, n°79885/12 ; CEDH, 6 avril 2017, Garçon et Nicot c. France, n°79885/12 et a. ; CEDH, 9 juillet 2020, Y.T. c. Bulgarie, n°41701/16 ; CEDH, 11 octobre 2018, S.V. c. Italie, n°55216/08 ; CEDH, 19 janvier 2021, X. et Y. c. Roumanie, n°2145/16 et 20607/16 ; CEDH, 1er décembre 2022, A.D. et a. c. Géorgie, n°57864/17 ; CEDH, 11 juillet 2024, W.W. c. Pologne, n° 31842/20. La Cour a néanmoins rejeté la requête d’une personne biologiquement intersexuée qui souhaitait que la mention « neutre » ou « intersexe soit inscrite sur son acte de naissance à la place de celle « sexe masculin » (CEDH, 31 janvier 2023, Y c. France, n°76888/17).
84 F. Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Paris, Seuil, 2024, 240 p.
85 Crépon, S., « Le FN est-il républicain ? » Revue Projet, 2016, n°354, pp. 29-34.
86 C. Wihtol de Wenden « Figures de l’Autre. Perceptions du migrant en France », Hommes et migrations, 2022, n°1339, 220 p.
87 CEDH, 23 février 2012, Hirsi Jamaa et a. c. Italie, n°27765/09 ; CEDH, 8 octobre 2024, M.A. et Z.R. c. Chypre, n°39090/20.
88 CEDH 10 juillet 2014, Tanda-Muzinga c. France, n°2260/10, Mugenzi c. France, n°52701/09 et Senigo Longue et a. c. France, n°19113/09.
89 Marine Le Pen, Twitter-X, 18 février 2022 : « Les délinquants français seront mis en prison et les délinquants étrangers dans l’avion ! » ; Jordan Bardella, Twitter-X, 24 juin 2024 : « Je souhaite mettre fin au laxisme judiciaire et expulser les délinquants et criminels étrangers avec le rétablissement de la double peine ».
90 Pour une application récente concernant la France, voir CEDH, 7 septembre 2023, Compaoré c/ France, n°37726/21.
91 CEDH, 4 février 2005, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, n°46827/99 et 46951/99.
92 CEDH, 8 avril 2014, Dhahbi c. Italie, n°17120/09. La Cour juge que le bénéfice d’une allocation familiale ne peut pas être refusé à un ressortissant tunisien résidant légalement en Italie uniquement en raison de sa nationalité. Par ailleurs, il est fort probable que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 décembre 2024 dans l’affaire C-664/23, Caisse d’allocations familiales des Hauts-de-Seine, encourage la Cour européenne dans cette voie. En effet, la Cour de justice estime elle aussi qu’un Etat membre ne peut refuser les allocations familiales à un travailleur étranger dont les enfants, nés dans un pays tiers, ne justifient pas être entrés régulièrement sur son territoire.
93 CEDH, 7 avril 2010, Tanase c. Moldova, n°7/08.
94 Marine Le Pen, Meeting de Clairvaux-les-Lacs, 17 février 2017 : « Petit à petit, notre identité nationale est attaquée, rongée, par le communautarisme et le fondamentalisme islamiste ! ». Voir également la tribune signée par Jordan Bardella sur le site du rassemblement national, 12 novembre 2019 : « De quelle « islamophobie » parle-t-on ? Dans les années 1970, la France comptait une centaine de mosquées sur son territoire. Aujourd’hui, elle en compte près de 2400. Elle voit l’intégralité de ses abattoirs libellés « halal » sur la seule région Île-de-France, ainsi que des commerces communautaires s’imposer comme une norme dans des centaines de quartiers » (https://rassemblementnational.fr/tribunes-libres/islamophobie-de-quoi-parle-t-on).
95 Des candidats et des jeunes, France inter, 22 février 2022 : « Le voile est « un marqueur d’une idéologie que j’entends combattre avec la plus grande virulence, qui est l’islamisme, qui n’est pas une religion, qui est une idéologie totalitaire (…) Je la crois aussi dangereuse que le nazisme ».
96 CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, n°14307/88, § 31 : « Telle que la protège l’article 9 (art. 9), la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l’une des assises d’une ‘société démocratique’ au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme – chèrement conquis au cours des siècles – consubstantiel à pareille société ».
97 CEDH, 13 décembre 2001, Église métropolitaine de Bessarabie et a. c. Moldova, n° 45701/99, § 123. Pour une étude complète, voir la contribution de Gérard Gonzalez, « Pluralisme et religions dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Droit et Religions en Europe, Strasbourg, PUS, 2019, pp. 131-141.
98 CEDH, 1er juillet 2014, SAS c. France, n°43835/11.
99 CEDH, 23 juin 2009, Sorguç c. Turquie, n°17089/03, § 35 : « la Cour souligne l’importance de la liberté académique, qui autorise notamment les universitaires à exprimer librement leurs opinions sur l’institution ou le système au sein duquel ils travaillent ainsi qu’à diffuser sans restriction le savoir et la vérité »
100 P. Leuprecht, « La Convention européenne des droits de l’homme face à la contestation de ses valeurs fondamentales. » RQDI, 2020, hors-série, pp. 69–77.
101 Discours de Winston Churchill, Université de Zurich, 19 septembre 1946.