L’irréductible flou de l’obligation de réserve des fonctionnaires
Identifié dès les années 1970 comme un problème à résoudre, le flou de l’obligation de réserve des fonctionnaires pousserait ces derniers à s’autocensurer. Ne pouvant connaître à l’avance l’étendue de cette obligation, les fonctionnaires auraient tendance à privilégier le silence plutôt que l’expression de leurs opinions. L’imprécision persistante du régime juridique de l’obligation de réserve ferait alors du fonctionnaire un citoyen diminué. Maintes fois critiqué, ce flou n’a toutefois jamais été résorbé. Face à l’impuissance du juge, la consécration textuelle de l’obligation de réserve a été présenté comme un remède possible. Néanmoins, ni la reconnaissance statutaire de ce devoir ni la multiplication des chartes de déontologie n’apportent de solution réellement satisfaisante.
Par Camille Moisan, doctorante à l’Université Panthéon-Assas Paris 2 (Institut Michel Villey)
Le 21 avril dernier, Valeurs actuelles publiait une tribune de militaires dont le contenu, dénonçant le « délitement qui frappe notre patrie »[1], a suscité de très vives réactions. La violation du devoir de réserve qui s’impose aux militaires, y compris à ceux relevant de la seconde section[2], ne laisse guère de place au doute dans cette affaire. Dans de nombreuses autres situations, en revanche, il est moins évident de déterminer si les limites qui s’imposent à l’expression des fonctionnaires civils ou militaires sont franchies par ces derniers. Pour cette raison, dans un article publié par Le Monde diplomatique en novembre 2020, deux hauts fonctionnaires soulignaient et critiquaient l’« autocensure » que l’obligation de réserve des agents publics entraîne dans la fonction publique[3]. Ils appelaient de leurs vœux, « plutôt que de graver le devoir de réserve dans le marbre de la loi, […] d’y inscrire la liberté d’expression des agents publics, hors de l’exercice de leurs fonctions »[4].
La liberté d’expression des fonctionnaires, en effet, « n’appartient pas au vocabulaire statutaire »[5]. Elle constitue pourtant une manifestation de leur liberté d’opinion, laquelle est consacrée par le statut général de la fonction publique depuis 1983[6]. De plus, le fonctionnaire, en tant qu’individu, a droit à la protection de sa liberté d’expression, laquelle vaut, selon la lettre de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, pour « toute personne » et comprend notamment la liberté « de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ». La liberté d’expression du fonctionnaire ne va cependant pas de soi. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, « les citoyens peuvent légitimement escompter qu’à l’occasion de leurs démarches […], ils seront conseillés par des fonctionnaires politiquement neutres et tout à fait détachés du combat politique »[7], ce qui est justifié par le rôle du fonctionnaire dans un État démocratique : « aider le gouvernement à s’acquitter de ses fonctions [sans opposer] d’obstacles au gouvernement démocratiquement élu »[8].
Le rôle particulier du fonctionnaire impose par conséquent de trouver un « juste équilibre entre des valeurs concurrentes : le droit fondamental du fonctionnaire à la liberté d’expression, d’une part, et l’intérêt légitime d’un État démocratique à veiller à ce que sa fonction publique œuvre en respectant la confiance des administrés, d’autre part »[9]. Cette conciliation s’opère différemment en fonction de la situation dans laquelle le fonctionnaire se trouve. En matière de déontologie, le droit français distingue la situation du fonctionnaire dans le cadre du service et en dehors du service. L’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, modifiée par la loi du 20 avril 2016, dispose que, « dans l’exercice de ses fonctions, [le fonctionnaire] est tenu à l’obligation de neutralité ». Dans ce cas, la liberté d’expression du fonctionnaire fait plutôt figure d’exception, le principe de neutralité imposant à l’agent de ne manifester aucune conviction personnelle. En dehors du service, en revanche, la liberté d’expression redevient de principe, le fonctionnaire « retrouve sa qualité de citoyen »[10]. Néanmoins, même dans ce cas, la liberté d’expression du fonctionnaire reste plus limitée que celle d’un citoyen ordinaire. Si le principe de neutralité n’a pas vocation à s’appliquer directement, le fonctionnaire reste soumis à une obligation de réserve[11].
L’obligation de réserve, procédant de « la vieille tradition du secret héritée des vieilles procédures inquisitoires »[12], apparaît dès la loi de 1883 sur la réforme de l’organisation judiciaire, sous la forme d’une interdiction, pour les magistrats de l’ordre judiciaire, de « toute manifestation ou démonstration d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République »[13]. Pour le reste des fonctionnaires, son développement fut jurisprudentiel[14]. On en retrouve la première mention expresse dans la décision Bouzanquet rendue par le Conseil d’État le 11 janvier 1935[15]. Malgré l’ajout de plusieurs règles déontologiques dans le statut par la loi de 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, l’obligation de réserve est toujours absente du statut général de la fonction publique. En revanche, elle a été introduite dans certains statuts particuliers[16].
Si ces statuts mentionnent la réserve qui s’impose aux fonctionnaires, ils n’en donnent aucune définition. Le même constat naît de la lecture de la jurisprudence administrative. Tentant de procéder à la détermination plus précise du contenu de l’obligation de réserve, plusieurs auteurs ont entrepris de délimiter la notion d’obligation de réserve en la distinguant d’obligations voisines. Moins stricte que l’obligation de neutralité, l’obligation de réserve n’interdirait pas l’expression des opinions, notamment politiques, de l’agent. Elle lui imposerait simplement de les exprimer avec modération. Elle se distinguerait aussi du secret professionnel et de l’obligation de discrétion[17], lesquelles portent sur la révélation de faits ou de documents, tandis que l’obligation de réserve concernerait l’expression des opinions personnelles de l’agent, notamment politiques[18]. Par ailleurs, l’obligation de réserve devrait être distinguée de l’obligation de respect de la hiérarchie. L’expression des opinions d’un agent serait susceptible de porter atteinte à la première obligation si elle avait des effets sur l’administration de manière générale alors qu’elle ne porterait atteinte à l’obligation de respect de la hiérarchie que si, comme son l’indique, elle visait les supérieurs hiérarchiques tant dans le service qu’en dehors du service[19]. Ces efforts de délimitation permettent certes de déterminer avec plus de précision ce que l’obligation de réserve n’est pas mais cela ne suffit pas à identifier ce qu’elle recouvre exactement.
Or, Jean Rivero, en 1977, soulignait le risque que le « flou »[20] de l’obligation de réserve impliquait pour la liberté d’expression des agents publics. Si le propre d’un système libéral, « c’est la netteté des limites qu’il assigne à la liberté »[21], l’imprévisibilité de ces limites ouvre, à l’inverse, la voie à l’arbitraire. Or, l’imprécision de la notion d’obligation de réserve estompe justement la frontière entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. D’après Jean Rivero, « l’insécurité juridique qui en résulte pour les citoyens paralyse chez les timides, qui sont les plus nombreux, l’exercice de la liberté »[22]. Autrement dit, le flou de cette notion conduit au risque d’une application démesurée de l’obligation de réserve.
Une telle situation serait incompatible avec la figure du fonctionnaire-citoyen qui prévaut depuis la refonte du statut général des fonctionnaires en 1983, à l’initiative du ministre de la fonction publique de l’époque, Anicet Le Pors. A la suite de la reconnaissance progressive du droit de grève et de la liberté syndicale[23], le statut général des fonctionnaires serait « né pour consolider la conception du fonctionnaire-citoyen, qui s’oppose à celle du fonctionnaire-sujet qui a prévalu du XIXe siècle à la première moitié du XXe »[24] et selon laquelle le fonctionnaire est « homme de silence ; il travaille, il sert et il se tait »[25].
L’incompatibilité entre l’autocensure éventuellement provoquée par le flou de l’obligation de réserve et la figure du fonctionnaire-citoyen s’observe à double titre. D’abord, en devenant fonctionnaire, l’agent public ne renonce pas pour autant à sa qualité de citoyen. Certes, alors que la liberté d’expression du citoyen doit bénéficier d’une protection particulière dès lors qu’elle est politique[26], il est compréhensible que la tendance s’inverse si le citoyen revêt aussi le costume de l’agent public. Cela s’explique par le rapport particulier qu’il entretient avec l’État[27]. Néanmoins, en cas d’autocensure des agents publics, de soumission excessive à l’obligation de réserve, le statut de citoyen du fonctionnaire risque de s’effacer complètement derrière celui du fonctionnaire-sujet.
Ensuite, la conception du fonctionnaire-citoyen, dont Anicet Le Pors a précisé les contours dans plusieurs entretiens au journal L’Humanité, implique que « jamais [le fonctionnaire] ne se comporte en obéisseur soumis à des ordres. Il a la responsabilité de se conformer aux instructions, mais n’est pas délié de sa propre responsabilité »[28]. Par suite, « le fonctionnaire doit avoir tous les attributs de la citoyenneté française, en rendant compte à la nation de l’exercice de sa mission »[29]. L’enjeu dépasse ici la seule question des droits du fonctionnaire-citoyen. La précision du contenu de l’obligation de réserve concerne dans ce cas l’ensemble des citoyens, même non fonctionnaires. En ce sens, Michel Reydellet soulignait dans sa thèse que « l’ambiguïté de la réserve […] et la menace qu’elle fait peser sur les agents peuvent en faire le meilleur garant du silence et du secret »[30]. De cette façon, l’obligation de réserve devient un obstacle à l’information des citoyens, laquelle « doit [pourtant] leur permettre d’exercer un certain contrôle sur l’administration »[31].
Cependant, le flou, identifié comme problématique dans les années 1970, continue de caractériser l’obligation de réserve. La pérennité de cette imprécision et la menace qu’elle constitue pour l’agent public mènent à s’interroger sur les raisons de cette instabilité durable. Pourquoi ne semble-t-il exister aucun remède à la relativité de l’obligation de réserve ?
Face à l’impuissance de la jurisprudence administrative (I), la piste de la codification de cette obligation a pu être considérée comme un remède envisageable, mais celle-ci paraît aussi insuffisante (II), mettant ainsi en lumière l’irréductible flou de l’obligation de réserve.
I : L’impuissance de la jurisprudence administrative
L’obligation de réserve, telle qu’elle se dessine dans la jurisprudence, est caractérisée par sa relativité structurelle (A). Cette relativité impose au juge de tenir compte d’une multiplicité de critères, rendant la jurisprudence portant sur l’obligation de réserve difficile, voire impossible à systématiser en raison de son caractère composite (B).
A : La relativité structurelle de la notion jurisprudentielle d’obligation de réserve
La jurisprudence administrative relative à l’obligation de réserve des fonctionnaires se caractérise par une double incertitude inhérente à cette obligation. D’abord, la réserve de l’agent public revêt la forme d’un standard jurisprudentiel. Or, il résulte nécessairement une certaine imprécision de la technique du standard. Ensuite, l’objet de l’obligation de réserve – il s’agit essentiellement de discours – implique aussi une marge d’incertitude a priori dans la mesure où un discours ne peut pas être analysé en dehors de son contexte d’énonciation. Il convient d’expliquer ces deux difficultés successivement.
Le standard, d’abord, peut se définir comme « une technique de formulation de la règle de droit qui a pour effet une certaine indétermination a priori de celle-ci. […] Le standard vise à permettre la mesure de comportements et de situations en termes de normalité »[32]. Or, comme le relève Stéphane Rials dans sa thèse portant sur Le juge administratif français et la technique du standard, « la réserve du fonctionnaire […] se conçoit mal en dehors d’une certaine conception de ce qu’est l’attitude normale d’un fonctionnaire d’un type donné »[33].
La jurisprudence administrative traduit tout à fait cette nature de la réserve des fonctionnaires. Par exemple, pour ne citer que des affaires parmi les plus récemment jugées par le Conseil d’État, un fonctionnaire qui diffuse des courriels et vidéos contenant de vives critiques à l’encontre de son ministère et de la fonction publique ainsi que des injures à l’égard de certains de ses membres viole l’obligation de réserve à laquelle « sont tenus les fonctionnaires, particulièrement ceux relevant d’un corps tel que le corps des administrateurs civils »[34]. Un militaire qui publie sur internet des articles « critiquant en des termes outranciers et irrespectueux l’action de membres du Gouvernement et la politique étrangère et de défense française » viole « l’obligation de réserve à laquelle sont tenus les militaires »[35]. Un policier qui dénonce les dysfonctionnements du fichier STIC en en communicant des extraits à un journaliste viole les « obligations de réserve et de discrétion professionnelle des fonctionnaires de police »[36]. Administrateur civil, militaire, policier, à chaque type de fonctionnaire correspond un comportement normal en matière de réserve à partir duquel le juge peut contrôler chaque situation individuelle.
Cependant, la technique du standard implique une certaine indétermination du contenu de la règle ou, plus précisément, du comportement considéré comme normal. Yves Gaudemet soulignait bien que « l’échelon médian, celui qui fixe le comportement moyen auquel se réfère le juge a sans doute toujours le même aspect, mais rien n’assure qu’il soit toujours situé à la même hauteur ; l’expression qui correspond au standard retenu par le juge est toujours la même, mais elle peut changer de contenu : le « bon père de famille » d’aujourd’hui ne reconnaîtrait pas toujours son aïeul d’il y a cent cinquante ans »[37]. De même, ce qui apparaît comme le comportement normal d’un agent public n’est probablement pas comparable à ce que cela recouvrait au début du XXème siècle, lorsque le Conseil d’État a commencé à employer l’expression de « réserve » dans sa jurisprudence. Au-delà de la seule obligation de réserve, il suffit de se rappeler le commentaire de Maurice Hauriou à propos de l’arrêt Winkell rendu par le Conseil d’État en 1909[38] pour constater la transformation de la normalité dans la fonction publique. Ne serait-il pas en effet anormal aujourd’hui de considérer, à propos de la fonction publique, que « les gens qui se trompent sont ceux qui, de ce que le droit de grève existe, en concluent qu’il est normal »[39] ?
Cette variation de la normalité fait réapparaître le danger lié à l’obligation de réserve en tant que danger résultant de la technique du standard. Yves Gaudemet explique ainsi qu’est « mis en lumière le danger fondamental que comporte l’utilisation de la technique du standard : celui de donner l’apparence de l’objectivité pour ne traduire en fait que les préférences de celui qui s’y réfère »[40], à savoir, dans un premier temps, l’autorité administrative puis, dans un second temps, le juge.
Le même constat peut être établi à propos de la finalité de l’obligation de réserve. En 1977, dans le but de préciser le contenu de l’obligation de réserve, Jean Rivero appelait de ses vœux une clarification de la finalité de l’obligation de réserve. Cette finalité devait être, selon lui, « ni le caractère sacré du Prince, ni l’intérêt ou l’amour-propre des corps administratifs, mais les nécessités du bon fonctionnement du service et elles seules »[41]. Selon lui, « le risque d’arbitraire […] serait sérieusement diminué si le bon fonctionnement du service, et lui seul, fournissait à l’obligation sa finalité, son fondement et sa mesure »[42]. C’est effectivement cette finalité que le juge administratif semble poursuivre lors de son contrôle[43], même si cela est rarement mentionné de manière expresse[44].
Néanmoins, identifier le bon fonctionnement du service comme seule finalité acceptable de l’obligation de réserve ne modifie en rien le problème initial. Qu’est-ce que le bon fonctionnement du service public, sinon un standard supplémentaire ? Les imprécisions et incertitudes résultant de la technique du standard réapparaissent dès lors qu’il s’agit de déterminer ce que recouvre le bon fonctionnement du service. Par conséquent, la nature même de l’obligation de réserve implique une marge d’imprécision quant à sa signification ou à son contenu. A cette imprécision s’en ajoute une autre, liée à l’objet régulé par l’obligation de réserve, et qu’il convient désormais d’examiner, les discours des agents publics.
Si l’expression des fonctionnaires est susceptible de recouvrir des formes très diverses, il s’agit, dans la plupart des cas soumis à l’office du juge, de discours. Or, la signification d’un discours est toujours dépendante de son contexte d’énonciation. Ainsi, pour déterminer comment se situe un discours par rapport à ce qui est considéré comme « normal », il est indispensable pour le juge de tenir compte d’un ensemble élargi de facteurs liés aux circonstances dans lesquelles le discours litigieux a été exprimé. Cela justifie de n’apprécier un discours qu’en fonction de sa publicité, des fonctions de l’agent, des circonstances de temps et de lieu, de la violence éventuelle du ton employé ou encore des fonctions syndicales potentiellement exercées par l’agent, bref, de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Chaque facteur est susceptible de modifier l’effet du discours analysé et d’en moduler la portée.
Le rôle du contexte d’énonciation est très clairement souligné par Gwénaële Calvès à propos d’autres limites à la liberté d’expression, l’injure et la diffamation. Dans son ouvrage intitulé Envoyer les racistes en prison ?, à propos des procès des insulteurs de l’ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira, elle explique que « les actes de langage […] ne prennent leur sens que dans une situation de discours »[45]. Elle ajoute, en conséquence, que « ce n’est donc pas en ouvrant un dictionnaire qu’un juge pourra décider que tel ou tel mot forme l’invective, le terme de mépris ou l’expression outrageante qui caractérisent, aux termes de la loi de 1881, l’injure. Il lui faut examiner une situation de communication, pour rechercher si, dans le contexte où il a été proféré, le propos litigieux est de nature à offenser une personne dotée d’une sensibilité « normale » ou « moyenne » »[46].
Si, dans le cas de l’obligation de réserve, la sanction n’est pas pénale mais seulement administrative, le problème qui se présente au juge est le même. Le contenu exact des discours contrôlés par le juge n’est certes jamais retranscrit dans ses décisions, mais celles-ci comportent des éléments en faveur d’une telle analyse[47]. Par exemple, dans l’affaire Wahnapo, jugée par le Conseil d’État en 1981, le maire de Lifou en Nouvelle-Calédonie avait été révoqué à la suite d’un discours prononcé lors de la cérémonie commémorative du 11 novembre 1918. Dans sa décision du 27 février 1981 reconnaissant la légalité de la révocation du maire, le Conseil d’État prend la peine de mentionner que le discours avait été prononcé « en présence du représentant du Gouvernement et des membres d’associations d’anciens combattants » et souligne que les « circonstances de temps et de lieu » permettent de justifier la décision de révocation[48]. Le discours, considéré abstraitement, ne constitue pas, en lui-même, une violation de l’obligation de réserve.
Ainsi, cette double incertitude résultant de la technique du standard et du caractère inévitablement circonstanciel de l’analyse des discours a nécessairement vocation à contrarier toute tentative de précision du contenu de l’obligation de réserve à partir de l’étude de la jurisprudence des juridictions administratives.
B : Une jurisprudence nécessairement composite
La double incertitude inhérente à l’obligation de réserve occasionne une jurisprudence particulièrement complexe. Certes, une constante apparaît dans la jurisprudence à propos des expressions visées. En effet, aucune forme d’expression n’échappe à l’obligation de réserve, ni les propos tenus à l’oral[49], publiés dans la presse[50], exprimés sur les réseaux sociaux[51], même sous pseudonyme[52], ni la participation à une manifestation[53] ou encore l’organisation du congrès constitutif d’un mouvement politique chez soi[54]. En revanche, la portée de l’obligation de réserve des fonctionnaires varie en fonction d’une multitude de facteurs : la nature des fonctions de l’agent, son rang hiérarchique, le sujet abordé, la publicité fournie aux propos de l’agent, le lieu, l’époque, ou encore le lien entre les propos tenus et les fonctions de l’agent[55].
Ces critères constituent autant de facteurs faisant fluctuer l’intensité avec laquelle l’obligation de réserve s’impose aux fonctionnaires. Ils sont notamment susceptibles d’amplifier la contrainte pesant sur l’agent public. L’affaire Guigue de 2009 est tout à fait exemplaire de cette articulation possible entre les différents critères. Le Conseil d’État a considéré qu’un sous-préfet d’arrondissement avait pu être légalement révoqué parce qu’il avait publié « sous sa signature un article dans lequel il s’exprimait de manière vivement polémique à l’égard tant de différentes personnalités françaises que d’un État étranger et alors même qu’il traitait de questions sans rapport avec l’exercice quotidien de son activité de sous-préfet »[56]. Peu importe, dans cette affaire, qu’aucun lien ne puisse être établi entre les propos de l’agent et les fonctions qu’il exerce. Sa place élevée dans la hiérarchie, la publicité de ses déclarations et le caractère polémique des propos suffisent à justifier la sanction. Parfois, le constat d’un seul des éléments susmentionnés peut suffire à caractériser le manquement à l’obligation de réserve. Dans un arrêt rendu en 1997, le Conseil d’État avait ainsi pu considérer que la violence des propos tenus par un agent de police permettait, à elle seule, de constater leur incompatibilité avec l’obligation de réserve de l’agent[57].
En plus de ces divers facteurs de variation, le juge doit encore tenir compte de deux facteurs particuliers, non pas susceptibles d’aggraver la menace mais, au contraire, d’atténuer la portée de l’obligation de réserve. Il s’agit des cas du fonctionnaire représentant syndical et du fonctionnaire lanceur d’alerte.
A propos du premier, la libre critique du service est essentielle pour lui permettre de mener à bien sa mission de défense des intérêts professionnels. Par conséquent, l’obligation de réserve s’impose avec moins de force à l’agent public exerçant une fonction de représentant syndical[58]. Néanmoins, cette qualité de représentant syndical n’anéantit pas complètement la contrainte qui pèse sur l’agent public et, même dans ce cas, le juge continue de tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce pour apprécier la portée du devoir de réserve s’imposant à l’agent. C’est ainsi que le Conseil d’État a pu considérer, dans l’affaire Delle Obrego de 1972, que la requérante avait bien violé l’obligation de réserve qui lui était imposée malgré son mandat de représentante syndicale[59]. Cette violation ne résultait pas, d’après le juge, du caractère désobligeant des termes employés mais de la diffusion de la protestation contre une décision du Président de la juridiction à laquelle elle appartenait. Ainsi, face au facteur aggravant constitué par la diffusion de la critique, le mandat syndical de la requérante n’a pas suffi à la mettre à l’abri des contraintes associées au devoir de réserve.
Encore récemment, dans un arrêt du 27 janvier 2020, le Conseil d’État a rappelé l’articulation entre la liberté syndicale et l’obligation de réserve de la façon suivante : « si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques. En particulier, des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire »[60]. Au bout du compte, la qualité de représentant syndical du fonctionnaire, si elle ne peut avoir d’effets que dans le sens d’une atténuation de l’obligation de réserve, ne constitue qu’un facteur supplémentaire de variation de l’intensité de ce devoir, au même titre que les autres critères pris en compte par le juge. Ce facteur ne modifie pas particulièrement « le caractère subjectif et impressionniste »[61] de l’appréciation jurisprudentielle de l’obligation de réserve.
Quant au fonctionnaire lanceur d’alerte, il bénéficie désormais d’une protection particulière, laquelle a été introduite en droit français par la loi dite « Sapin 2 » de 2016, dans le but d’assurer plus de transparence et d’« étayer la confiance des citoyens et de la société civile en l’action publique »[62]. L’agent public lanceur d’alerte est celui qui « révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance »[63]. Le signalement opéré par le fonctionnaire lanceur d’alerte ne peut toutefois être rendu public que dans deux cas : en dernier ressort, à défaut de traitement de l’information par les organismes compétents dans un délai de trois mois ou bien en cas de « danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles »[64]. Ce système de protection est donc limité car il n’autorise la divulgation publique des informations que dans de rares cas et le cadre procédural est particulièrement contraignant pour l’agent public[65].
En outre, ce dispositif n’est pas destiné à protéger le fonctionnaire qui souhaiterait simplement émettre publiquement une appréciation critique de l’institution à laquelle il appartient. Par conséquent, malgré la nouvelle protection accordée aux fonctionnaires lanceurs d’alerte, il y a de fortes chances pour que la jurisprudence postérieure à la loi « Sapin 2 » reste similaire à ce qu’elle était auparavant. Or, six mois avant l’adoption de cette loi, le Conseil d’État expliquait, à propos d’un magistrat, qu’il lui appartenait, « même lorsqu’il [estimait] être un » lanceur d’alerte « , de respecter les obligations déontologiques inhérentes à son statut »[66]. Ainsi, si le juge doit tenir compte du statut de lanceur d’alerte dont le fonctionnaire est susceptible de bénéficier, cela n’exclut pas le respect de l’obligation de réserve par l’agent public. Il ne s’agit, dans ce cas aussi, que d’un facteur supplémentaire que le juge doit prendre en compte dans son analyse.
Les exemples pourraient être encore multipliés mais tous montreraient la même chose : « la relativité qui affecte l’obligation [de réserve] »[67]. Cette relativité du contenu de l’obligation de réserve provoque nécessairement des incertitudes. Le jeu entre les multiples facteurs à prendre en compte empêche l’agent public de connaître pleinement le risque de sanction en cas d’expression d’opinions critiques à l’égard de l’institution. En effet, s’il est possible d’identifier assez aisément les facteurs de variation de l’obligation de réserve dans la jurisprudence, ils sont trop nombreux et leur association peut mener à des hypothèses trop variées pour que le résultat de leur prise en compte par le juge puisse être prévisible. En outre, comme l’exprime Emmanuel Aubin, « peut-on croire, sérieusement, que les agents peuvent connaître l’étendue d’une obligation que l’on trouve seulement dans les considérants des décisions juridictionnelles »[68], d’autant plus lorsque la jurisprudence est à ce point dépendante d’une multitude de facteurs ? On conçoit alors sans peine pourquoi l’agent public est susceptible de « choisir finalement, en toute liberté bien sûr, de s’autocensurer »[69]. Dans le doute, il vaudrait mieux se taire plutôt qu’être sanctionné disciplinairement.
Face à l’impuissance du juge administratif pour préciser le contenu et la portée de l’obligation de réserve, et pour remédier au risque d’autocensure, la codification de l’obligation de réserve sous diverses formes a pu être envisagée comme une solution. Néanmoins, celle-ci ne présente qu’un intérêt très limité.
II : La codification de l’obligation de réserve, une solution insuffisante
Un remède au flou du contenu de l’obligation de réserve pourrait résider dans sa consécration textuelle. Deux voies sont alors susceptibles d’être empruntées, la reconnaissance légale ou réglementaire de l’obligation de réserve – la voie du « droit dur » – ou bien par une précision du contenu au sein de chartes de bonne conduite ou de déontologie – la voie du « droit souple ». Néanmoins, ni la reconnaissance statutaire de l’obligation de réserve (A), ni la multiplication des chartes dans la fonction publique (B), même interprétées par des collèges spéciaux, ne paraissent résoudre la difficulté liée à la relativité de cette obligation.
A : L’effet modéré de la reconnaissance statutaire de l’obligation de réserve
L’inscription de l’obligation de réserve dans la loi ou dans les actes réglementaires permettant d’édicter les divers statuts des fonctions publiques peut avoir pour effet d’en renforcer l’application. Ce renforcement aurait pour corollaire une plus grande précision du contenu de l’obligation de réserve. C’est en tout cas de cette façon que les choses ont été présentées par les parlementaires à plusieurs reprises, qu’il s’agisse de statuts particuliers ou du statut général.
L’idée d’une aggravation de l’obligation de réserve par sa consécration textuelle apparaît par exemple nettement dans les raisons évoquées pour la reconnaissance légale de l’obligation de réserve des magistrats de la Cour des comptes en 2006[70]. Le devoir de réserve avait alors été inscrit au sein du Code des juridictions financières par l’introduction de l’article L120-4, lequel imposait notamment que « tout membre de la Cour des comptes, en service à la cour ou chargé de fonctions extérieures, doit s’abstenir de toute manifestation de nature politique incompatible avec la réserve que lui imposent ses fonctions ». Cet ajout a été voté sans rencontrer la moindre opposition parmi les parlementaires ou de la part du Gouvernement. Il résultait d’un amendement proposé par le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, Etienne Blanc.
La justification apportée par celui-ci est sans équivoque : les magistrats de la Cour des comptes exercent, « outre des fonctions juridictionnelles, une mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement. Ils devraient donc être soumis à une obligation de réserve qui dépasse le simple respect du secret professionnel prévu par le statut de la fonction publique »[71]. La reconnaissance légale de l’obligation de réserve des magistrats de la Cour des comptes semble donc résulter de la volonté de les soumettre à une réserve plus forte que celle qui s’impose aux agents dont la situation est régie par le statut général complété par la jurisprudence administrative.
Par ailleurs, le refus, en 1983, puis en 2016, d’inscrire l’obligation de réserve dans la loi par crainte d’un renforcement trop important de l’obligation de réserve tend à démontrer a contrario la potentialité d’un tel effet. En 1983, la consécration législative de l’obligation de l’obligation de réserve aurait entre autres été refusée pour « ne pas affaiblir l’inclusion formelle de la liberté d’opinion »[72]. En 2016, Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale et clairement opposée à la reconnaissance légale de l’obligation de réserve pour le statut général de la fonction publique, exprimait aussi sa crainte d’une restriction des libertés d’opinion et d’expression de l’agent public par l’inscription de l’obligation de réserve dans la loi[73].
Cependant, le lien entre l’inscription de l’obligation de réserve dans les statuts particuliers et son intensité est ambigu. Il est vrai que les statuts qui consacrent l’obligation de réserve concernent des fonctionnaires dont la liberté d’expression apparaît beaucoup plus limitée que celle des autres agents publics. Le cas de l’armée, celle que l’on appelle « la Grande Muette », est évidemment le plus significatif. L’article L4121-2 du Code de la défense autorise certes l’expression des opinions philosophiques, religieuses ou politiques en dehors du service mais « avec la réserve exigée par l’état militaire ». Or, la réserve que l’état militaire impose peut être particulièrement forte. Dans l’affaire Matelly par exemple, la violation de l’obligation de réserve a été constatée malgré les « termes mesurés, sans caractère polémique »[74] de la critique émise par l’officier Matelly, en sa qualité de chercheur associé au CNRS, à l’encontre de la politique d’organisation des deux grands services français dédiés à la sécurité publique.
Toutefois, deux interprétations du lien entre l’inscription de l’obligation de réserve dans les statuts particuliers et son intensité sont possibles. Dans la première hypothèse, l’inscription a pour effet de renforcer les limites à la liberté d’expression de l’agent. Dans la seconde hypothèse, en revanche, l’inscription ne ferait que reconnaître la particularité des fonctions des agents considérés, particularité justifiant une réserve renforcée, que celle-ci soit inscrite dans la loi ou pas. Autrement dit, il est difficile de dire si l’inscription de l’obligation de réserve dans certains statuts a une fonction constitutive ou ne revêt qu’une fonction recognitive.
En outre, si l’intensité de l’obligation de réserve peut éventuellement paraître renforcée par sa consécration législative, cela ne permet éventuellement de préciser que très faiblement son contenu, malgré ce qu’il est, là aussi, possible de lire dans les travaux parlementaires. En effet, outre le renforcement de l’obligation, la seconde motivation des opposants à l’inscription de la réserve dans la loi, au premier rang desquels Anicet Le Pors l’a fait entendre dès 1983, est le risque d’une application indifférenciée de l’obligation de réserve à l’ensemble des agents de la fonction publique. Au cours de la séance du 3 mai 1983, en réponse à Emmanuel Hamel qui lui demandait si l’obligation de réserve allait être abolie, Anicet Le Pors répondit, outre qu’une abolition était impossible dans la mesure où l’obligation de réserve n’avait jamais figuré dans le texte du statut général, qu’il était « apparu inopportun de fixer dans un texte les limites de la liberté d’expression d’un fonctionnaire, sous peine d’interdire au juge d’apprécier au cas par cas […] la portée de l’obligation de réserve, ou de figer les évolutions possibles »[75].
La même idée a animé les parlementaires lors des débats relatifs à l’adoption de la loi n°2016-483 portant sur la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et la lecture des travaux parlementaires est particulièrement éclairante à cet égard. Inscrite à l’article 1er de l’avant-projet de loi, l’obligation de réserve est encore mentionnée à propos des membres des juridictions administratives et financières dans le projet finalement débattu au Parlement à partir de 2015 mais a disparu de la partie relative au statut général. A l’initiative du sénateur René́ Vandierendonck et des membres du groupe socialiste et républicain, la commission des lois du Sénat a proposé de réintégrer la mention de la réserve à l’article 1er de la loi consacrant les grands principes déontologiques de la fonction publique. Au cours des discussions à l’Assemblée nationale, au Sénat, puis au sein de la commission mixte paritaire, l’introduction de la réserve qui s’impose aux magistrats des juridictions administratives et financières, n’est pas du tout débattue. En revanche, l’introduction de la réserve dans le statut général a été discutée jusqu’à la fin de la procédure.
Les parlementaires qui s’opposent à la reconnaissance légale de l’obligation de réserve dans le statut général adoptent une position similaire à celle défendue par Anicet Le Pors en 1983. L’inquiétude, exprimée à plusieurs reprises, est celle de conférer de la sorte « une portée générale et absolue »[76] à l’obligation de réserve, de l’imposer « de manière indifférenciée et absolue à l’ensemble des fonctionnaires »[77]. Autrement dit, reconnaître légalement l’existence de l’obligation de réserve pour l’ensemble des fonctionnaires reviendrait, selon la majorité des parlementaires qui se sont exprimés sur le sujet, à rigidifier l’obligation, à lui conférer un caractère absolu qui empêcherait de l’adapter ensuite aux différentes situations.
Cela aurait certes pour effet de stabiliser le contenu de l’obligation de réserve et présenterait l’intérêt de régler le problème du flou de l’obligation mais une telle analyse n’est pas particulièrement convaincante. En effet, Fabrice Melleray, favorable à une codification du devoir de réserve, soulignait en 2013, à juste titre, que la reconnaissance de la réserve par la loi « n’aurait nullement empêché le juge de continuer à adapter, suivant les circonstances de l’espèce, les exigences déduites de cette obligation »[78]. Que l’interprétation soit conçue comme un acte de connaissance ou comme un acte de volonté[79], un énoncé aussi vague que l’obligation de réserve amène nécessairement le juge à en rechercher la signification. Dans les deux cas, tout en maintenant un minimum de cohérence et de constance[80], il reste en mesure d’adapter les effets de l’obligation de réserve aux circonstances de chaque espèce.
Par conséquent, si l’inscription de l’obligation de réserve semble en renforcer l’intensité, sans que l’on puisse véritablement déterminer si c’est bien l’inscription de la loi qui produit cet effet ou si elle n’en constitue que le résultat, cela ne peut avoir pour conséquence de clarifier le contenu de l’obligation, l’énoncé inscrit dans la loi restant très général. Les chartes de bonne conduite ou de déontologie sont en revanche plus détaillées et peuvent sembler, à première vue, mieux à même de préciser le contenu de l’obligation de réserve.
B : La multiplication inefficace des chartes de déontologie
La déontologie a constitué l’un des domaines dans lesquels les outils de droit souple se sont développés en droit français. Dans les années 2000, les chartes de déontologie se sont multipliées, comme le code de déontologie des membres du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en 2003, la charte de déontologie de ses agents en 2008, la charte de déontologie de la Haute Autorité de Santé la même année ou encore la charte des membres de la juridiction administrative adoptée à la fin de l’année 2011. Selon le Conseil d’État, dans son rapport relatif au droit souple publié en 2013, « ces chartes n’ont pas pour objet de créer de nouvelles règles de droit mais de favoriser la bonne application du droit existant »[81]. Plus précisément, les chartes de déontologie « vont souvent jusqu’à décrire les implications concrètes, le cas échéant dans des cas pratiques, des grands principes de neutralité, de réserve, ou de prévention des conflits d’intérêt que doivent respecter les fonctionnaires »[82].
Présentées ainsi, les chartes de déontologie semblent constituer le remède idéal au flou de l’obligation de réserve. Elles permettraient de préciser l’application de cette obligation dans les cas concrets et règleraient le problème résultant de la généralité de la loi et du caractère vague de ses énoncés. Par ailleurs, leur modulation aisée assurerait aux agents publics l’application d’un droit toujours adapté aux dernières techniques d’expression des opinions, sur les réseaux sociaux notamment[83]. Les chartes permettraient de diffuser une « culture de la déontologie » [84] dans la fonction publique et leur mention dans la loi, à l’instar de la charte de déontologie de la juridiction administrative[85], permettrait à la fois de renforcer ce phénomène[86] tout en apportant aux agents publics, par l’association du « droit dur » au « droit souple », une plus grande sécurité juridique[87].
A partir de l’exemple fourni par la charte de déontologie de la juridiction administrative, il est toutefois possible de nuancer cette affirmation. La multiplication des chartes ne semble pas remédier de manière satisfaisante au flou tant critiqué de l’obligation de réserve, pour deux raisons au moins.
En premier lieu, la mention de la charte de déontologie dans la loi de 2016 ne fait pas disparaître les incertitudes quant à la valeur juridique et aux effet précis de ces actes de droit souple. La charte de déontologie de la juridiction administrative se compose de deux types de dispositions, le rappel de principes déjà applicables d’une part et des recommandations et bonnes pratiques destinées à guider les agents dans leur action d’autre part. Par exemple, dans le chapitre de la charte relatif au devoir de réserve dans l’expression publique, il est rappelé, au titre des principes, que « l’expression publique de leurs opinions est, comme il est dit aux articles L. 131-2 et L. 231-1-1 du code de justice administrative, soumise au respect de l’obligation de réserve, principe qui revêt, eu égard à la nature des fonctions exercées, une acuité particulière en ce qui concerne les membres des juridictions, administratives comme judiciaires »[88]. Parmi les bonnes pratiques exposées par la charte afin de garantir ce principe, il est conseillé aux membres de la juridiction administrative « de ne pas mentionner leur qualité de magistrat ou de membre du Conseil d’État lorsqu’ils renseignent leur profil »[89] sur un réseau social, ou encore « de faire preuve non pas seulement de modération dans les propos qu’ils sont conduits à tenir sur les réseaux sociaux, mais d’une vigilance équivalente à celle qu’impliquerait leur publication dans une revue scientifique ».
La valeur de ces recommandations et bonnes pratiques semble peu certaine. Lors de l’adoption de la loi de 2016 relative aux droits et obligation des fonctionnaires, Alain Vasselle, rapporteur au Sénat, justifiait la mention de la charte de déontologie de la juridiction administrative dans la loi en considérant que « la reconnaissance législative de cette charte devrait lui conférer un caractère opposable, susceptible éventuellement de motiver une action disciplinaire en cas de manquement grave »[90]. La jurisprudence du Conseil d’État est plus ambiguë. Le Conseil d’État a, certes, déjà reconnu la réalité des effets des recommandations et bonnes pratiques que peuvent contenir les chartes de déontologie[91]. Il a cependant considéré, dans un arrêt du 25 mars 2020 relatif à la charte de déontologie de la juridiction administrative, que les dispositions de la charte étaient « susceptibles d’être prises en compte » sur le plan disciplinaire, mais « sans pour autant que leur méconnaissance ne soit, en elle-même, constitutive d’un manquement disciplinaire »[92], suivant ainsi les conclusions du rapporteur public[93].
Mais, comme le remarque Sylvain Mérenne dans son commentaire de cet arrêt du 25 mars 2020, il devient ainsi impossible « de savoir si une disposition particulière de la charte constitue un rappel ou une précision d’une obligation préexistante, une simple recommandation, ou un « indice » qui sera pris en compte au cas par cas, c’est-à-dire de façon imprévisible »[94]. Cette incertitude liée à la valeur particulière des dispositions de la charte de déontologie, même si ces dernières n’ont pas nécessairement de valeur contraignante, compromet l’éventuel bénéfice des chartes en matière de précision du contenu de l’obligation de réserve. En effet, même si la méconnaissance des recommandations n’est pas « à elle seule et par elle-même passible de sanction disciplinaire »[95], le fait que cela soit tout de même « un indice important en ce sens »[96] suffit à dissuader l’agent public d’agir. On retrouve ainsi le risque d’autocensure des agents, faute de savoir exactement quel comportement est passible de sanction.
En second lieu, si la charte permet de préciser certains aspects de l’obligation de réserve, elle ne fait pas disparaître l’ensemble des incertitudes provoquées par cette dernière. A la lecture de la charte, il apparaît par exemple très clairement que les réseaux sociaux sont des espaces présumés publics. La rédaction de l’article 47-1 de la charte est à cet égard absolument univoque. Il y est inscrit que « le compte d’un réseau social doit être regardé par son utilisateur, qui y agit en tant qu’éditeur de contenu, comme relevant par principe de l’espace public […] et ce, quels que soient le réseau social, les paramétrages utilisés ou le nombre de contacts du titulaire du compte ».
D’autres recommandations sont, à l’inverse, sujettes à des interprétations plus variées. A titre d’illustration, il est possible de relever que la charte distingue les réactions des magistrats administratifs à l’actualité politique et sociale, d’une part, et à l’actualité juridique et administrative d’autre part. Concernant la première, le magistrat administratif est invité à ne pas utiliser les réseaux sociaux pour la commenter. A propos de la seconde, le magistrat est simplement invité à faire preuve d’une grande vigilance, équivalente à celle qu’il adopterait en écrivant dans une revue scientifique[97]. Or, distinguer l’actualité politique et sociale de l’actualité juridique et administrative n’est pas chose aisée.
L’affaire Wille c. Liechtenstein dont la Cour européenne des droits de l’homme a eu à connaître en 1999 est tout à fait exemplaire de cette difficulté[98]. A l’occasion d’une série de conférences, Herbert Wille, alors président du Tribunal administratif du Liechtenstein, avait affirmé que la Cour constitutionnelle était compétente pour statuer sur « l’interprétation de la Constitution en cas de désaccord entre le prince (le gouvernement) et le Parlement », provoquant ainsi l’ire du Prince du Liechtenstein[99]. Ce dernier lui adressa une lettre dans laquelle il expliquait que, compte tenu de son comportement, le Prince refuserait de le nommer à nouveau à une fonction publique. Les propos tenus par Herbert Wille étaient présentés par lui-même comme « « un simple commentaire, fait par un universitaire, sur l’interprétation à donner à l’article 112 de la Constitution », tandis que le Gouvernement considérait qu’ils revêtaient « un caractère très politique »[100].
Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle admit que « dès l’instant où elle portait sur certains points de droit constitutionnel, et plus particulièrement sur la question de savoir si l’un des souverains de l’État était soumis à la juridiction d’un tribunal constitutionnel, la conférence du requérant avait forcément des implications politiques »[101], notamment dans la mesure où « par leur nature même, les questions de droit constitutionnel ont pareilles implications »[102]. Ainsi, distinguer l’actualité politique et l’actualité juridique n’est pas nécessairement simple, le constat opéré par la Cour à propos du droit constitutionnel pouvant sans peine être étendu au droit administratif. Or, le comportement du magistrat administratif devant varier en fonction de l’actualité commentée, il se retrouve à nouveau dans une situation d’incertitude quant aux propos qu’il peut être autorisé à tenir.
Ainsi, les chartes de déontologie ne constituent pas une solution tout à fait satisfaisante. Elle permettent certes de préciser certains détails mais elles créent, dans le même temps, de nouvelles incertitudes pour l’agent public. Reste alors la possibilité de faire appel aux collèges de déontologie[103]. La charte de déontologie de la juridiction administrative prévoyait dès 2011 l’institution d’un collège de déontologie « chargé d’éclairer les membres de la juridiction administrative sur l’application des principes et bonnes pratiques »[104] en rendant des avis et recommandations.
Ces avis et recommandations du collège pourraient constituer, ainsi que le conçoit Jérôme Michel, une « soft jurisprudence », laquelle, « par sa diffusion publique et anonyme, présentée comme autant de cas pratiques, [éclairerait] l’ensemble des membres de la juridiction administrative sur ce que le collège considère comme relevant des bonnes pratiques »[105]. La masse des avis et recommandations du collège de déontologie permettrait donc d’apporter un degré de précision supplémentaire par rapport à la charte et tendrait, ainsi, à réduire le flou entourant l’obligation de réserve.
Néanmoins, la seule analyse des avis et recommandations rendus par le collège de déontologie de la juridiction administrative permet d’identifier trois limites, qu’il conviendra de présenter successivement mais qui sont étroitement liées.
Premièrement, le collège de déontologie a rappelé dans un avis rendu en 2019 que, « de façon usuelle, la portée de l’obligation de réserve s’apprécie au regard de l’ensemble des circonstances de temps et de lieu dans lesquelles le magistrat s’exprime ainsi que des caractéristiques concrètes de ses attributions »[106]. En cela, le collège ne se distingue pas des juridictions administratives. Plus largement, le collège de déontologie a, dès son entrée en fonction, expliqué sa démarche et celle-ci ne correspond pas à celle d’une détermination, pour chaque cas, du comportement précis à adopter par l’agent. En effet, dans la première recommandation rédigée par le collège en 2012, il précisait bien que, si cette recommandation énonçait « quelques principes généraux, elle ne saurait à elle seule donner de réponse claire à chacune des situations individuelles »[107]. Cela s’explique notamment par le fait que le collège se prononce avant que le comportement douteux ne soit adopté. Il ne dispose pas, par conséquent, de l’ensemble des données factuelles nécessaires. Le collège de déontologie ne prétend donc pas déterminer a priori la façon exacte dont l’agent devra ensuite se comporter. L’appréciation que le collège fournit est une appréciation in abstracto qui rend difficile, sinon impossible, de répondre avec la plus grande précision aux questions qui lui sont posées[108].
Deuxièmement, certaines des expressions limitées par l’obligation de réserve ne peuvent pas être soumises à l’avis préalable d’un collège de déontologie pour la simple raison qu’elles se caractérisent par leur spontanéité. Les avis rendus par le collège de déontologie concernent, pour la plupart, l’engagement politique des agents[109] ou l’exercice, par le magistrat ou un proche, d’une autre fonction non politique éventuellement incompatible avec la qualité de membre de la juridiction administrative[110]. En revanche, les expressions critiques, orales ou sur les réseaux sociaux, qui constituent le cœur du problème lié au flou de l’obligation de réserve, ne font pas l’objet de saisines préalables du collège de déontologie.
Troisièmement, les avis et recommandations du collège de déontologie de la juridiction administrative n’ont qu’une très faible valeur juridique. Dans un jugement rendu le 5 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a en effet déclaré irrecevable un recours tendant à faire annuler un avis du collège de déontologie au motif que ces avis ne constituaient pas des décisions faisant grief[111]. Ainsi, si la valeur juridique des chartes de déontologie est en débat, il est admis que les actes adoptés par les collèges de déontologie sont quasiment dépourvus d’effet. Dès lors, il devient difficile de compter sur cette « jurisprudence souple » pour sortir de l’incertitude. L’absence d’effet contraignant des avis et recommandations du collège de déontologie de la juridiction administrative n’est cependant pas nécessairement regrettable. Dans le cas contraire, une fois le collège saisi, cela rapprocherait le régime de la liberté d’expression des agents publics d’un régime d’autorisation préalable, allant alors à rebours du caractère plutôt libéral du droit français en la matière[112].
Le flou de l’obligation de réserve, bien que menaçant pour le fonctionnaire, semble donc en être une caractéristique indépassable. La multiplication des tentatives pour le résorber s’avère en partie inefficace. Ni la jurisprudence, ni l’inscription dans les statuts, ni la création de chartes, ni la multiplication des avis et recommandations ne peuvent permettre à l’agent public de connaître a priori les limites de sa liberté d’expression, notamment en dehors du service. Cela ne signifie pas que la solution résiderait dans la suppression pure et simple de l’obligation de réserve. Celle-ci reste indispensable afin d’empêcher des « interventions intempestives qui pourraient empêcher l’État de mettre en œuvre une politique définie par les institutions démocratiques »[113]. La protection de la liberté d’expression des agents publics réside dès lors ultimement dans l’orientation libérale de la jurisprudence administrative qui semble ne sanctionner que les propos les plus outranciers[114].
[1] « “Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants” : 20 généraux appellent Macron à défendre le patriotisme », Valeurs actuelles, 21 avril 2021. URL : https://www.valeursactuelles.com/politique/pour-un-retour-de-lhonneur-de-nos-gouvernants-20-generaux-appellent-macron-a-defendre-le-patriotisme/. Consulté le 1 mai 2021.
[2] Jean-Christophe Videlin, « Le devoir de réserve s’applique aux militaires de réserve », Le Club des juristes, 28 avril 2021. URL : https://blog.leclubdesjuristes.com/le-devoir-de-reserve-sapplique-aux-militaires-de-reserve/. Consulté le 1 mai 2021.
[3] Arnaud Bontemps et Grégory Rzepski, « Devoir de réserve, un effet d’intimidation », Le Monde diplomatique, 1 novembre 2020, p. 20.
[4] Ibid.
[5] Geneviève Koubi, « Liberté d’expression et droit des fonctions publiques », in Charles Fortier (dir.), Le statut général des fonctionnaires, trente ans, et après ?, Paris : Dalloz, 2014, p. 230.
[6] Article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
[7] CEDH, 2 septembre 1990, n°22954/93, Ahmed et autres c. Royaume-Uni, §53.
[8] CEDH, 12 février 2008, n°14277/04, Guja c. Moldova, §71.
[9] Marc Verdussen, « Le devoir de réserve au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Le devoir de réserve : l’expression censurée ? Actes de la table ronde du 17 octobre 2003 tenue à la Maison du barreau de Bruxelles, Bruxelles : Bruylant, 2004, p. 23.
[10] Clara Bacchetta, « Du droit de parler à l’obligation de se taire », in Roseline Letteron (dir.), La liberté d’expression des fonctionnaires en uniforme, Paris : Economica, 2000, p. 70.
[11] Marcel Pochard, Les 100 mots de la fonction publique, 1ère éd., Paris : PUF, 2011, p. 33 ; Jean Rivero, « Sur l’obligation de réserve », AJDA, 1977, p. 580.
[12] Michel Chabin, Jean-Noël Lallement, René Bidouze et Serge Salon, Histoire de la fonction publique en France. Les XIXe et XXe siècles, Paris : G.-V. Labat, 1993 (vol. 3), p. 93.
[13] Article 14 de la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l’organisation judiciaire.
[14] Chabin et al., op. cit. (note 12), p. 303.
[15] CE, 11 janvier 1935, n° 40842, Bouzanquet, Lebon p. 44.
[16] L’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, s’inscrivant dans le sillage de la loi de 1883, dispose en son article 10 que « toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ». De même, l’article L4121-2 du Code de la défense, dispose, concernant les militaires, que « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire ». Par ailleurs, l’article R434-29 du Code de la sécurité intérieure impose le devoir de réserve aux agents de la police et de la gendarmerie nationales tandis que l’article R515-15 du même code l’impose aux agents de police municipale. Enfin, la loi n°2016-483 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a inséré la mention de la réserve qui s’impose aux membres du Conseil d’État, aux magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et des chambres régionales des comptes aux articles L131-2 et L231-1-1 du Code de justice administrative et à l’article L220-4 du Code des juridictions financières. Quant à la Cour des comptes, la réserve s’impose à ses agents en vertu de l’article L120-4 du Code des juridictions financières tel qu’il résulte de la loi n° 2006-769 du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes.
[17] Rivero, op. cit. (note 11), p. 580 ; Pierre Lambert, « Le devoir de réserve et les notions voisines : le secret professionnel et l’obligation de discrétion », in Le devoir de réserve : l’expression censurée ? Actes de la table ronde du 17 octobre 2003 tenue à la Maison du barreau de Bruxelles, Bruxelles : Bruylant, 2004, p. 16.
[18] Rivero, op. cit. (note 11), p. 581.
[19] Frédéric Colin, « De l’obligation de tout agent public de respecter sa hiérarchie », AJFP, no 2, 2012, p. 93.
[20] Rivero, op. cit. (note 11), p. 581.
[21] Ibid., p. 582.
[22] Ibid.
[23] Sur ce dernier point, v. la longue étude de René Bidouze, Les fonctionnaires sujets ou citoyens ? Le syndicalisme des origines à la scission de 1947 – 1948, Paris : Editions sociales, 1979, 375 p.
[24] Anicet Le Pors, « “Le fonctionnaire doit être citoyen et non sujet”. Entretien réalisé par Aurélien Soucheyre », L’Humanité, 14 mai 2019.
[25] Michel Debré, La mort de l’État républicain, Paris : Gallimard, 1947, p. 217.
[26] V. en droit français Cass. crim., 26 février 2020, n° 19-81.827, publié au Bulletin.
[27] V. supra.
[28] Le Pors, op. cit. (note 24).
[29] Anicet Le Pors, « [Trente ans après la loi de 1983]. Entretien réalisé par Nicolas Dutent », L’Humanité, 15 juillet 2013.
[30] Michel Reydellet, L’obligation de réserve des agents publics, Université Aix-Marseille, [s.l.], 1977, p. 950.
[31] Ibid.
[32] Stéphane Rials, Le juge administratif français et la technique du standard. Essai sur le traitement juridictionnel de l’idée de normalité, Paris : LGDJ, 1980, p. 120.
[33] Ibid., p. 100.
[34] CE, 9ème et 10ème chambres réunies, 15 octobre 2020, n°438488, M. A. ; inédit.
[35] CE, 7ème et 2ème chambres réunies, 27 juin 2018, n° 412541, M. A.B., aux Tables Lebon ; AJDA 2018, p. 2260, note M. Lavaine ; AJFP 2018, p. 365, comm. F. Tesson.
[36] CE, 5ème et 4ème chambres réunies, 31 mars 2017, n° 392316, M. A., aux Tables Lebon.
[37] Yves Gaudemet, Les méthodes du juge administratif (1972), Paris : LGDJ, 2013, p. 47.
[38] CE, 7 août 1909, n°37317, Winkell, Lebon p. 826 et 1296, concl. Tardieu ; S. 1909 n°3, p.145, note M. Hauriou ; RDP 1909 p. 494 , note G. Jèze.
[39] Maurice Hauriou, ‘ Révocation de fonctionnaires publics se mettant en grève et communication préalable du dossier, Note sous Conseil d’État, 7 août 1909, Winkell ; 7 août 1909, Rosier, S. 1909.3.145 ‘ : Revue générale du droit online, 2014, numéro 14160 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=14160).
[40] Gaudemet, op. cit. (note 37), p. 47.
[41] Rivero, op. cit. (note 11), p. 583.
[42] Ibid.
[43] Laurent Pech, Hugo Flavier et Sébastien Platon, « Fonction publique – Liberté d’expression des agents publics », JurisClasseur Collectivités territoriales, no 762, 2020, pt. 37 ; Reydellet, op. cit. (note 30), p. 733 ; Christian Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques. Droits – obligations – garanties – discipline, 2ème éd., Paris : Dalloz, 2012, p. 442.
[44] La jurisprudence du Conseil d’État offre tout de même quelques exemples. V. notamment CE, 12 décembre 1997, n°134341, M. Serge X., inédit ; CE, Sect., 23 avril 1997, n°144038, M. Philippe X., aux Tables Lebon.
[45] Gwénaële Calvès, Envoyer les racistes en prison ? Le procès des insulteurs de Christiane Taubira, Paris : LGDJ, 2015, p. 35.
[46] Ibid., p. 35 et s.
[47] Pour une étude approfondie des différentes circonstances prises en compte dans le cadre de l’obligation de réserve, v. Reydellet, op. cit. (note 30), p. 725 et s. ; V. également Vigouroux, op. cit. (note 43), p. 444 et s.
[48] CE, Ass., 27 février 1981, n° 14361, 12112, Wahnapo, Lebon p. 111.
[49] CE, 3ème et 5ème sous-sections réunies, 28 avril 1989, n° 87046, M. X., aux Tables Lebon.
[50] CE, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 24 septembre 2010, n° 333708, Girot de Langlade, inédit.
[51] CE, 4ème et 1ère chambres réunies, 25 mars 2020, n°411070, M. J.-M. Le Gars, n° 421149, Syndicat de la juridiction administrative ; RFDA 2020, p. 1113, concl. R. Chambon ; AJDA 2020, p. 703, note S. Mérenne ; AJFP 2020, p. 221 comm. E. Aubin.
[52] CE, 7ème et 2ème chambres réunies, 27 juin 2018, n° 412541, M. A.B., aux Tables Lebon ; AJDA 2018, p. 2260, note M. Lavaine ; AJFP 2018, p. 365, note F. Tesson.
[53] CE, 7ème et 2ème chambres réunies, 22 septembre 2017, n° 404921, M. P., aux Tables Lebon ; AJDA 2018, p. 229, note J. Charruau.
[54] CE, 3ème et 5ème sous-sections réunies, 10 novembre 1999, n°179962, M. Aloïso, aux Tables Lebon.
[55] Pech et al., op. cit. (note 43), pt. 37 ; Louis Dutheillet de Lamothe, Nicolas Labrune et Marc Firoud (dirs.), L’essentiel de la jurisprudence du droit de la fonction publique. Recueil de commentaires de jurisprudences applicables aux agents publics, Paris : Direction générale de l’administration et de la fonction publique et Conseil d’État, 2020, p. 75 et s.
[56] Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23 avril 2009, n°316862, Guigue, Lebon p. 165; AJDA 2009, p. 1373, concl. I. De Silva ; AJFP 2010, p. 100, comm. B. Camguilhem.
[57] CE, 5ème et 3ème sous-sections réunies, 23 avril 1997, n°144038, M. B, Lebon p. 901.
[58] CE, 18 mai 1956, n° 15589 M. Boddaert.
[59] CE, Sect., 1er décembre 1972, n°80195, Delle Obrego, Lebon p. 771 ; AJDA 1973, p. 37, concl. S. Grevisse ; p. 31, chron. Cabanes et Leger ; D. 1973, note J. Robert.
[60] CE, 7ème et 2ème chambres réunies, 27 janvier 2020, n°426569, Mme A., aux Tables Lebon ; AJDA 2020, p. 1436, note J.-B. Sibileau et C. Duez-Gündel ; AJFP 2020, p. 163, comm. E. Aubin ; AJCT 2020, p. 377, obs. S. Penaud.
[61] Emmanuel Aubin, « La liberté d’expression du représentant syndical », AJCT, no 1, 2021, p. 14.
[62] Exposé des motifs de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
[63] Article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
[64] Article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
[65] Samuel Dyens, « Le lanceur d’alerte dans la loi “Sapin 2” : un renforcement en trompe-l’oeil », AJCT, no 3, 2017, p. 132 et s.
[66] CE, 6ème et 1ère chambres réunies, 11 mai 2016, n°388152, M. Y, inédit.
[67] Rivero, op. cit. (note 11), p. 582 ; V. également, à propos de l’affaire Matelly, Olivier Beaud, « Obligation de réserve ou devoir de parler ? Deux conceptions de la fonction publique », AJDA, no 16, 2010, p. 865.
[68] Emmanuel Aubin, « L’entrée de la déontologie dans le titre Ier du statut général. Vers une meilleure prévention des risques dans la fonction publique ? », AJDA, no 26, 2016, p. 1435.
[69] Jean-Hugues Matelly, « L’incertaine liberté critique du militaire », AJDA, no 39, 2005, p. 2160.
[70] Article 3 de la loi n° 2006-769 du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes.
[71] Etienne BLANC, Compte rendu intégral de la 2ème séance du mardi 13 juin 2006 à l’Assemblée nationale, Journal officiel du 14 juin 2006, p. 4167.
[72] Anicet Le Pors et Gérard Aschieri, La fonction publique du XXIe siècle, Ivry-sur-Seine : Les Editions de l’Atelier, 2015, p. 89.
[73] Françoise DESCAMP-CROSNIER, dans Françoise Descamps-Crosnier et Alain Vasselle, Rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, Paris : Assemblée nationale ; Sénat, 2016, p. 6.
[74] CE, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 12 janvier 2011, n°338461, Matelly, Lebon p. 3 ; AJDA 2011, p. 623, note E. Aubin.
[75] Anicet LE PORS, Compte rendu intégral de la 2ème séance du 3 mai 1983 à l’Assemblée nationale, Journal officiel du 4 mai 1983, p. 799.
[76] Françoise DESCAMPS-CROSNIER, dans Descamps-Crosnier et Vasselle, op. cit. (note 73), p. 7.
[77] Gaby CHARROUX, Compte rendu intégral des séances du 5 avril 2016 à l’Assemblée nationale, Journal officiel du 6 avril 2016, p. 2692.
[78] Fabrice Melleray, « L’impossible codification de l’obligation de réserve des fonctionnaires ? », AJDA, no 28, 2013, p. 1593 ; V. également, du même auteur, Droit de la fonction publique, 5ème éd., Paris : Economica, 2020, p. 401.
[79] V. à ce sujet Michel Troper, « Interprétation », in Denis Alland et Stéphane Rials (dirs.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris : PUF, 2003, p. 843‑847.
[80] Ibid., p. 847.
[81] Conseil d’État, Le droit souple, Paris : Conseil d’État, 2013, p. 97.
[82] Ibid., p. 98.
[83] En ce sens, v. Ibid., p. 10.
[84] En ce sens, v. Jérôme Michel, « L’émergence d’une culture de la déontologie du juge : l’exemple de la juridiction administrative », Les Cahiers de la Justice, no 3, 2014, p. 483 et s. ; Plus sceptique à cet égard, v. Fabien Matras et Olivier Marleix, Rapport d’information sur la déontologie des fonctionnaires et l’encadrement des conflits d’intérêts, Paris : Assemblée nationale, 2018, p. 28 et s.
[85] Celle-ci est mentionnée à l’article 12 de la loi n°2016-483 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
[86] Michel, op. cit. (note 84), p. 486.
[87] Ludovic Lombard, « La liberté d’expression des agents publics et l’utilisation des réseaux sociaux », AJFP, no 5, 2018, p. 264.
[88] Charte de déontologie de la juridiction administrative. Principes et bonnes pratiques, Paris : Conseil d’État, 2020, p. 31.
[89] Ibid., p. 34.
[90] Alain VASSELLE, Rapport n°274 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif à̀ la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, Paris : Sénat, 2015, p. 80.
[91] CE, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 27 avril 2011, n°334396, FORMINDEP, Lebon p. 168 ; JCP A 2011, p., comm. M.-L. Moquet-Anger.
[92] CE, 4ème et 1ère chambres réunies, 25 mars 2020, n°411070, M. J.-M. Le Gars, n° 421149, Syndicat de la juridiction administrative ; RFDA 2020, p. 1113, concl. R. Chambon ; AJDA 2020, p. 703, note S. Mérenne ; AJFP 2020, p. 221 comm. E. Aubin ; JCP A 2020, n°43, p. 31, comm. E Fraysse.
[93] Raphaël Chambon, « La Charte de déontologie de la juridiction administrative devant le Conseil d’État. Conclusions sur Conseil d’État, 25 mars 2020, M. J.-M. Le Gars, n°411070 et Syndicat de la juridiction administrative, n°421149 », RFDA, no 6, 2020, p. 1117.
[94] Sylvain Mérenne, « La liberté d’expression des magistrats administratifs », AJDA, no 24, 2020, p. 1373.
[95] Chambon, op. cit. (note 93), p. 1117.
[96] Ibid.
[97] L’article 47-4 de la charte de déontologie de la juridiction administrative dispose que, « compte tenu du caractère présumé public et de la spécificité des réseaux sociaux numériques, il est recommandé aux membres de la juridiction administrative de ne pas utiliser ces supports aux fins de commenter l’actualité politique et sociale. S’agissant de l’actualité juridique et administrative, il convient pour les membres de la juridiction administrative de faire preuve non pas seulement de modération dans les propos qu’ils sont conduits à tenir sur les réseaux sociaux, mais d’une vigilance équivalente à celle qu’impliquerait leur publication dans une revue scientifique. En ce qui concerne plus particulièrement la jurisprudence administrative, qu’il s’agisse ou non de celle de la juridiction à laquelle on appartient, il est recommandé de n’émettre à son égard que des commentaires mesurés ».
[98] CEDH, 28 octobre 1999, Wille c. Liechtenstein, n° 28396/95.
[99] Ibid., pts. 8 et s.
[100] Ibid., pt. 66.
[101] Ibid., pt. 67.
[102] Ibid., pt. 67.
[103] Ces instances sont de types divers et prennent des noms variés – commissions, autorités, comités, collèges.
[104] Article 72 de la charte de déontologie dans son édition 2020.
[105] Michel, op. cit. (note 84), p. 492.
[106] Avis n°2019/2 du 20 mai 2019 relatif à un magistrat dont le conjoint exerce des fonctions ministérielles.
[107] Recommandation n°2012-1 du 4 juin 2012 relative à l’appartenance passée d’un membre de la juridiction administrative à un cabinet ministériel.
[108] Mickaël Lavaine, « Le discours de la déontologie de la juridiction administrative », Juspoliticum, no 18, 2017, p. 362 et s.
[109] V. sur la période 2019-2020, Avis n°2019/4 du 2 juillet 2019 relatif à l’expression par un magistrat de son soutien à l’organisation d’un référendum d’initiative parlementaire ; Avis n°2019/2 du 20 mai 2019 relatif à une campagne électorale.
[110] V. sur la période 2019-2020, Avis n°2020/1 du 9 mars 2020 relatif à la désignation d’un membre de la juridiction administrative en tant que membre d’un collège de déontologie ministériel ; Avis n°2019/5 du 15 août 2019 relatif à la mention de la qualité d’ancien membre du Conseil d’État dans le cadre de l’exercice d’une activité privée de conseil ; Avis n°2019/3 du 3 juin 2019 relatif à l’association d’un membre de la juridiction administrative à une démarche de publicité commerciale ; Avis n°2019/1 du 18 février 2019 relatif à l’exercice d’activités privées accessoires par des conseillers d’État en service extraordinaire nommés pour exercer des fonctions consultatives ; Avis n°2018/4 du 18 janvier 2019 relatif à des prestations rémunérées d’enseignement au bénéfice de cabinets d’avocats.
[111] TA Paris, 5 mars 2020, n° 1709594/4-1 et 1709595/4-1, M. J. L..
[112] V. par exemple CE, 1ère et 2ème sous-sections réunies, 29 décembre 2000, n° 213590, Syndicat SUD Travail, aux Tables Lebon.
[113] Pech et al., op. cit. (note 43), pt. 56.
[114] V. la décision la plus récente, CE, 9ème et 10ème chambres réunies, 15 octobre 2020, n° 438488, M. A., inédit.