Droit civil patrimonial et libertés : influences réciproques
A la différence d’autres branches du droit, le droit civil patrimonial ne semble subir qu’à la marge l’influence des droits fondamentaux. Cette influence minime, qu’il ne s’agit pas pour autant d’ignorer, invite à s’interroger sur la spécificité de la matière quant à son articulation avec les droits fondamentaux susceptibles d’y trouver leur terrain d’élection 1
A peine énoncé, le sujet laisse entrevoir plusieurs séries de questions. Des questions de périmètre déjà : le droit civil patrimonial, les libertés, que faut-il bien entendre par là ?
Au sein du droit civil patrimonial, on trouvera ce droit civil auquel importe par priorité les intérêts bassement matériels des individus : leurs richesses. Richesses acquises comme celles dont se préoccupe le droit des biens, richesses en voie d’acquisition comme celles dont se préoccupe le droit des contrats, richesses malmenées enfin comme celles que le droit de la responsabilité tente de rétablir. Biens et obligations, voilà le cœur du droit civil patrimonial. De ces préoccupations d’ordre matériel, les libertés semblent a priori bien loin d’autant qu’elles sont par principes rétives à toute appropriation d’ordre patrimonial. Ce serait pourtant oublier que les libertés ne se limitent aux anciennes libertés publiques, elles s’accompagnent aussi de droits fondamentaux qui ont vocation à se déployer dans la plupart des secteurs du droit positif au sein desquels, du fait de leur caractère fondamental elles ont vocation à prévaloir ou du moins à faire prévaloir certains intérêts des sujets de droit. En outre, le droit de propriété, l’une des expressions les plus évidentes qui soit de la richesse matérielle bénéficie du statut de droit fondamental. Les points de contact entre les droits et libertés fondamentaux et les biens et obligations n’ont ainsi rien d’exceptionnel.
Le qualificatif de fondamental pour certains droits et libertés et la primauté qui en découle posent alors une question : les biens et les obligations relevant de la loi, et pour l’essentiel du Code civil, leur confrontation aux droits et libertés fondamentaux ne laisseraient guère de place au suspens. La cause, entendue, serait celle d’une soumission du droit civil patrimonial aux impératifs des droits fondamentaux. Il n’y aurait ici qu’influence à sens unique, toute réciprocité serait exclue et il faudrait se résoudre à exposer la longue litanie des remises en cause des solutions les plus certaines du Code civil au nom des droits fondamentaux. Sans empiéter sur la suite, on peut d’ores et déjà se risquer au constat contraire : d’une manière générale, les droits fondamentaux, dont on sait pourtant l’importance contentieuse et théorique croissante, n’ont pas entrainé de bouleversement de la matière.
Ce faisant, des questions de périmètre, on dérive plus certainement vers les questions de fond. Si déjà, contrairement à ce que leur nature fondamentale laissait entendre les droits et libertés fondamentaux n’ont pas emporté de bouleversement du droit positif, la formulation du sujet laisse entendre par l’idée de la réciprocité des influences que le droit civil patrimonial pourrait en réalité avoir quelque effet sur les droits fondamentaux, et ce à rebours donc de leur aptitude naturelle à prévaloir. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les droits et libertés fondamentaux n’aient pas bouleversé ce droit civil patrimonial qui en définitive les influence. Bien plus même, une telle influence à contre-courant serait de nature à perpétuer les solutions existantes au point que l’on peut se demander si celles-ci finiront par évoluer.
En somme donc, en droit civil patrimonial, on tâchera de montrer que la révolution des droits fondamentaux n’a pas eu lieu (I), puis l’on se demandera si elle peut véritablement avoir lieu (II).
I. La révolution n’a pas eu lieu
La révolution n’a pas eu lieu car l’architecture globale du droit civil patrimonial demeure du point de vue des droits fondamentaux la même : c’est le principe d’une indifférence générale qui prévaut (A), les évolutions en cause étant simplement ponctuelles (B), et cela semble-t-il, même lorsque le juge judiciaire change sa méthode pour se livrer à appréciation du caractère proportionné des atteintes aux droits fondamentaux (C).
A. Une indifférence générale
Ce n’est pas le moindre des euphémismes que de dire que la réglementation des obligations ne date pas d’hier. Puisant aux sources fécondes du droit romain, de l’Ancien Droit et du droit intermédiaire, le droit civil patrimonial n’avait dans sa lettre, guère évolué depuis 1804. Mais depuis le 1er octobre 2016, le droit des contrats repose désormais sur des dispositions rénovées et la responsabilité civile est en passe de l’être[1]. S’agissant du droit des biens, il a fait l’objet, il y a quelques années d’un avant-projet de réforme qui n’a finalement pas abouti. Il est remarquable qu’aucun de ces projets ne mentionne explicitement les droits et libertés fondamentaux. La tentative a pourtant eu lieu puisque s’agissant de la réforme du droit des contrats puisque les dispositions liminaires du projet prévoyaient que les contrats ne peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux. La formule a cependant été biffée du texte définitif, les droits fondamentaux ayant été subsumés sous l’ordre public[2] auquel bien évidemment les actes juridiques doivent être conformes. S’il est évident que les effets d’un texte ne se mesurent pas uniquement à l’aune de sa lettre, et que de ce fait il ne faut sans doute pas sur interpréter la lettre désormais silencieuse du Code sur ce point, on peut se risquer à trois observations.
La première procède du fait que ce silence du Code n’a rien de nouveau puisqu’auparavant, les droits fondamentaux n’y figuraient pas non plus. Or, cette absence antérieure de référence n’a jamais signifié – et c’est heureux – que les droits fondamentaux pussent être négligés en matière de contrat[3]. La seconde, conséquence de la première, consiste à remarquer que si les droits fondamentaux sont pris en compte en matière contractuelle, et ce, en dépit du silence des textes, c’est donc que leur protection relève du seul office du juge du contrat, le juge ordinaire, qui se chargera de vérifier qu’aucune atteinte disproportionnée ne leur est portée. Alors, certes, sans doute ce juge ordinaire ne dispose-t-il pas d’un guide textuel exposant clairement les modalités de la prise en compte des droits fondamentaux[4], mais à l’opposé, le silence qu’a voulu conserver le législateur en la matière montre bien que la liberté du juge n’est pas pour lui déplaire et qu’un contrôle de proportionnalité judiciaire n’aurait donc ici rien de contre-nature. La troisième consiste à souligner qu’à défaut de mention explicite des droits fondamentaux, leur prise en compte par le juge pourra, comme auparavant, se faire d’une manière implicite par le truchement du recours à l’ordre public, ce qui n’interdit nullement que le litige fasse l’objet d’une appréciation circonstanciée[5], ou de façon explicite par leur prise en compte expresse, suscitant alors des évolutions judiciaires ponctuelles.
B. Des évolutions judiciaires ponctuelles
On l’a compris, dans le silence des textes, c’est au juge qu’il est revenu de prendre en compte les droits fondamentaux, et ce, de façon nécessairement ponctuelle. Cela a été fait en matière contractuelle dans des termes suffisamment connus pour que l’on se dispense de les exposer plus avant[6]. On se contentera simplement de relever, après d’autres, que cette prise en compte ponctuelle souffre nécessairement des inconvénients de ses avantages : parce qu’elle est ciblée et spécifique, son régime juridique demeure pour une large part incertain. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler les difficultés que l’on peut éprouver à mettre en œuvre le critère moderne de distinction des nullités, désormais consacré par le Code, lorsque la clause d’un contrat méconnait les droits fondamentaux[7]. Ces incertitudes concernant la sanction des atteintes aux droits fondamentaux n’ont d’ailleurs rien d’exceptionnel puisqu’elles affectent aussi le vecteur habituel de réparation des dommages subis, la responsabilité civile dont la fonction réparatrice semble s’effacer en cas d’atteinte aux droits fondamentaux[8]… Qu’il s’agisse de la question des nullités ou de celle des fonctions de la responsabilité civile, il est indéniable que la prise en compte des droits fondamentaux s’avère perturbatrice. Mais ces effets perturbateurs peuvent être relativisés car plus qu’à une remise en cause globale du droit positif, ils ne sont que des facteurs ponctuels d’incertitudes. Incertitudes techniques d’abord comme en matière de nullité, incertitudes dogmatiques ensuite s’agissant des fonctions de la responsabilité civile.
Les incertitudes techniques d’abord ne doivent évidemment pas être minorées. Ainsi, s’agissant des nullités, le débat technique repose sur le critère de distinction entre nullité absolue et nullité relative. La nullité absolue sanctionnant les actes juridiques contrevenant aux dispositions protégeant l’intérêt général, et la nullité relative les actes juridiques contrevenant aux dispositions protégeant un intérêt particulier, lorsqu’une clause méconnait un droit ou une liberté fondamentale, il parait difficile de considérer que seul un intérêt particulier est en cause, la nullité absolue devrait donc s’imposer… Or, la distinction entre nullité relative et nullité absolue conditionne par ailleurs la détermination des titulaires de l’action en nullité et leur éventuelle propension à confirmer l’acte nul. Dans la nullité relative, seules les personnes dont l’intérêt est protégé par la règle méconnue peuvent agir en nullité et de ce fait confirmer l’acte nul. Ainsi, choisir la nullité absolue, comme l’a fait la Cour de cassation[9] revient à exclure de toute confirmation de l’acte sans même s’être posé la question, pourtant essentielle, de savoir si la liberté fondamentale en cause aurait pu faire l’objet d’une renonciation… Mais ces incertitudes techniques doivent moins à l’imprécision des droits fondamentaux qu’à la faiblesse du critère de distinction dit moderne des nullités[10]. Il n’échappera à personne que la caractérisation de l’intérêt protégé par une règle de droit est nécessairement incertaine : le propre d’une règle de droit est de viser la protection de l’intérêt général tout en étant mise en œuvre au service d’intérêts particuliers… Les droits fondamentaux ne font donc ici que révéler une incertitude avérée du droit positif.
Mais il est vrai qu’ils peuvent aussi être la cause d’incertitudes nouvelles : telle est le cas s’agissant encore des restitutions consécutives l’annulation d’un acte contrevenant à une liberté fondamentale. La jurisprudence a eu à connaître de cette difficulté à propos des clauses d’adhésion forcée aux associations en charge de l’animation des galeries commerciales liant les commerçants y étant installés. Ces clauses contreviennent à la liberté d’association telle qu’elle procède de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Constatant l’illicéité desdites clauses, la Cour de cassation a durant un temps estimé que les restitutions, conséquences de la rétroactivité de la nullité d’une clause d’adhésion forcée, devaient être exclues[11], car la restitution en valeur des prestations reçues par la victime de l’adhésion forcée s’apparentait peu ou prou au paiement des cotisations exigées. Or, cela revenait, au moins en apparence à donner quelque effet à cette adhésion forcée au titre des restitutions, et ce au mépris de leur illicéité[12]. La solution a finalement été abandonnée et la rétroactivité de la nullité rétablie[13].
Ces incertitudes d’ordre technique ne sont cependant pas propres à l’appréhension judiciaire des droits fondamentaux, toute évolution du droit positif traine dans son sillage une multitude d’atteintes à la sécurité juridique. Pour cette raison, on se gardera bien, à ce stade, de dénoncer l’insécurité juridique causée les droits fondamentaux, d’autant qu’il faut bien avouer que sans insécurité juridique, nos missions universitaires d’enseignement et de recherche seraient bien moins nécessaires.
Les incertitudes dogmatiques ensuite, que provoquent les droits fondamentaux n’ont sans doute pas toujours d’impact concret. Cela ne signifie pas non plus qu’elles soient pour autant négligeables. Et de fait, certaines sont tout à fait spectaculaires. Ainsi, il est évident que la reconnaissance d’un préjudice inhérent à la seule violation des droits fondamentaux[14], ou la satisfaction équitable accordée en sus des dommages-intérêts obtenus heurtent la fonction réparatrice de la responsabilité civile[15]. Au-delà du seul droit européen des droits de l’homme, en droit des biens, la persistance du Conseil constitutionnel à recourir au concept de propriété des créances[16] – quelle que soit par ailleurs sa pertinence – est à rebours de la tradition dogmatique majoritaire[17].
Au-delà du constat voir du procès en acculturation, ces bouleversements dogmatiques que peuvent produire les droits fondamentaux invitent surtout à s’interroger sur la positivité des concepts de la dogmatique juridique. Prégnants en droit des obligations, encore plus en droit des biens, ces concepts facilitent l’enseignement et à la mise en œuvre de la matière, activités impossibles à réaliser sans un minimum de systématisation. Ils procèdent alors d’un raisonnement inductif. Mais par la force de l’habitude, on en vient à les croire structurants de la matière qui en serait alors simplement déduite. Et ce, alors qu’ils ne figurent dans aucun texte. Leur confrontation aux droits fondamentaux a au moins le mérite de conduire, notamment en droit privé, à s’interroger sur leur positivité. Mais il serait bien malvenu de les tenir pour indifférents sous prétexte qu’ils n’en ont apparemment aucune…
Ces évolutions judiciaires ponctuelles n’ont rien d’anodin mais leur portée ne doit pas être exagérée : parce qu’elles sont ponctuelles, l’essentiel du droit civil patrimonial demeure intact. Le constat peut-il être le même lorsque le juge tend met en œuvre une méthode propre aux droits fondamentaux, celle du contrôle de la proportionnalité des atteintes qu’ils subissent ? Là encore, les évolutions restent marginales.
C. Des évolutions méthodologiques marginales
L’une des plus évolutions les plus marquantes en droit civil patrimonial concerne l’irruption du principe ou de la méthode, c’est selon, de la proportionnalité. Le recours à ce contrôle de proportionnalité ne s’est pas, initialement produit en droit civil patrimonial. Mis en œuvre à l’occasion de l’examen de la validité d’un mariage incestueux alors que le délai pour en demander la nullité était encore pendant, il a conduit la Cour de cassation à écarter la nullité au motif que celle-ci contreviendrait à l’article 8 de la Convention européenne[18]. A la suite de cette décision fraichement reçue, le Premier président de la Cour de cassation a expressément affirmé vouloir généraliser la méthode du contrôle de proportionnalité inhérent aux atteintes aux droits fondamentaux[19], ce qui naturellement devrait conduire à modifier considérablement la fonction juridictionnelle de la Cour de cassation[20].
C’est dans ce contexte que par une décision largement diffusée et relative à la remise en état d’un terrain sur lequel avait été édifiée une maison individuelle du fait notamment de la nullité du contrat de construction, la Haute juridiction a estimé, contrairement à sa jurisprudence antérieure qui semblait requérir la démolition de l’ouvrage improprement réalisé[21], que les juges du fond devaient vérifier si cette démolition constituait « une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités » constatées[22]. Par la suite, la solution a été réitérée en matière d’urbanisme s’agissant de la demande d’enlèvement de constructions précaires réalisées en toute illégalité, la Haute juridiction visant cette fois-ci explicitement l’article 8 de la Convention européenne, et justifiant cette appréciation du caractère proportionné de la mesure de démolition et d’enlèvement par le droit au respect de la vie privée et du domicile des occupants[23].
On ne peut nier que ce raisonnement en termes de balance des intérêts diffère au moins en apparence du raisonnement syllogistique qui préside habituellement aux décisions de la Haute juridiction[24]. On peut toutefois relativiser l’importance de la critique en rappelant que le raisonnement syllogistique n’est pas, indépendamment de toute référence aux droits fondamentaux, systématiquement et mécaniquement mis en œuvre. Il suffit pour s’en persuader de se souvenir que les inversions du syllogisme n’ont pas attendu les droits fondamentaux pour exister. Par ailleurs, si la Cour de cassation incite à mesurer le caractère proportionné de l’atteinte aux droits fondamentaux, force est de constater que la balance des intérêts ne penche pas toujours du même côté à savoir s’agissant des affaires de démolition du côté des contrevenants[25]. Ainsi, dans une affaire où des constructions précaires avaient été édifiées le long d’une voie rapide dans des conditions d’insalubrité manifestes, la Cour de cassation a validé la balance des intérêts opérée en appel au regard de l’article 8 de la Convention, et ce bien que le contrôle de proportionnalité réalisé ce soit soldé par une décision ordonnant la démolition[26].
De plus, cette balance des intérêts n’échappe pas en elle-même aux contraintes propres à l’instance de cassation. Ainsi dans une affaire où la juridiction pénale statuait sur une grave infraction aux règles d’urbanisme et avait en conséquence ordonné la démolition de la construction irrégulière, la Chambre criminelle a relevé d’une part que l’article 8 de la Convention n’avait pas été invoqué devant les juges du fond et d’autre part que les faits allégués au soutien d’une méconnaissance de cette disposition n’avaient pas été pas établis lors de l’instance au fond[27]. Autrement dit si dans les affaires de construction ou d’urbanisme une démolition est encourue, il ne suffira pas aux plaideurs de brandir l’article 8 au stade de la cassation pour éviter la destruction de la construction irrégulière : cette balance des intérêts devra, et c’est heureux, suivre le cheminement habituel propre à l’instance et elle sera comme telle soumise aux principes procéduraux habituels.
Il n’empêche que la mobilisation de l’article 8 lorsqu’une démolition est encourue pourrait avoir en droit des biens un écho remarquable car elle pourrait servir de fondement à la remise en cause de la jurisprudence classique et semble-t-il intangible[28] en vertu de laquelle un empiètement, en matière immobilière se solde nécessairement par la destruction de la partie de la construction empiétant sur le terrain d’autrui[29]. Tel ne semble pourtant pas être le cas car précisément, dans une affaire d’empiètement et plus précisément s’agissant de la liquidation de l’astreinte ordonnée en complément de la démolition de la construction irrégulière, la Cour de cassation a d’une part refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité relative au principe de la destruction systématique[30] et d’autre part écarté sans prendre la peine de motiver son rejet les moyens du pourvoi relatifs entre autres, à la méconnaissance de l’article 8[31].
A un premier niveau de lecture, on pourrait critiquer cette décision qui passe sous silence la question des droits fondamentaux, au motif quelque peu artificiel selon lequel seules seraient en cause les dispositions relatives à l’astreinte. Et cela d’autant plus que celles-ci permettent parfaitement de prendre en compte les circonstances de l’empiètement voire d’en atténuer la sanction[32]. Un examen plus approfondi de la décision et de son contexte factuel montre néanmoins que cette critique serait sans fondement. En effet, en l’espèce, l’astreinte en cause avait été considérablement réduite au moment de sa liquidation, au grand dam de la victime de l’empiètement, mais elle avait été maintenue partiellement du fait de la persistance de points d’empiètement dont il n’était pas démontré que la suppression aurait été spécialement problématique pour l’auteur de l’empiètement. Autrement dit, la mise en œuvre du droit commun suffisait à la solution du litige et le recours à l’article 8 n’aurait sans doute rien changé au fond.
Pour en revenir à la question de la sanction de l’empiètement, cela signifie que le recours aux droits fondamentaux n’a aucune raison d’être systématique, et quand bien même il le serait, il n’a aucune raison d’être systématiquement déterminant. Pour le dire autrement, il nous semble que les dispositions du droit des biens, et plus largement du droit civil patrimonial sont suffisamment éprouvées pour condamner les droits et libertés fondamentaux à ne jouer que ponctuellement, et de fait rendre illusoire toute révolution juridique menée en leur nom.
II. La révolution n’aura pas lieu
Le caractère ponctuel des évolutions s’appuyant sur les droits fondamentaux démontre la remarquable résilience du droit civil patrimonial (A), et parallèlement invite à s’interroger sur la propension des droits fondamentaux à bouleverser le droit positif : sont-ils réellement suffisants ? (B)
A. La résilience du droit civil patrimonial
Si les décisions de la Cour de cassation mobilisant la question des droits fondamentaux sont désormais scrutées avec attention, il convient pour commencer de souligner qu’elles sont loin d’être les plus fréquentes. Ainsi, une recherche en ligne rapide révèle que pour l’année 2015, la Convention européenne n’était invoquée que dans environ 5 % des affaires jugées par la Haute juridiction, et l’immense majorité d’entre elles relevait de la chambre criminelle. Ce pourcentage d’ailleurs ne semble pas forcément varier de façon significative depuis le début des années 2000, alors cependant qu’il était deux voire trois fois moindre au début des années 1990. Statistiquement, on ne peut donc pas parler d’un raz de marée causé par le droit européen des droits de l’homme, et à plus forte raison en droit civil patrimonial car proportionnellement très peu de décisions des chambres civiles y sont confrontées[33]. Du coté de la question prioritaire de constitutionnalité, on ne peut pas non plus parler de tsunami, celle-ci donnant lieu à quelques centaines de décisions par an. Cela dit, l’importance des droits fondamentaux ne se réduit pas à leur occurrence statistique. En revanche, on peut conjecturer que les droits fondamentaux, désormais bien connus des plaideurs et de leurs auxiliaires, ne sont pas systématiquement invoqués car ils n’ont tout simplement aucun intérêt s’agissant de la solution du litige en cours. Cela ne signifie bien évidemment pas qu’ils soient inutiles, mais simplement que dans l’immense majorité des cas, les règles habituelles suffisent à sa solution sans que l’une ou l’autre des parties éprouve le besoin ou ait intérêt à placer le débat sur le terrain des droits fondamentaux.
On peut l’expliquer par le fait que les règles applicables au litige, qui proviennent du Code civil pour le droit civil patrimonial réalisent une conciliation des intérêts en présence suffisamment efficiente pour être acceptée par les plaideurs sans que ceux-ci n’éprouvent le besoin d’en appeler aux droits fondamentaux, que ceux-ci soient proclamées au niveau européen ou encore au niveau interne. Cela n’a rien d’étonnant : si les règles en vigueur méconnaissaient ouvertement et systématiquement les droits de l’une des parties au litige, on peut gager que leur espérance de vie serait fort limitée, et qu’elles n’auraient sans doute pas survécu jusqu’à ce jour. Pour le dire autrement, il nous semble que les dispositions actuelles permettent, la plupart du temps, de réaliser une conciliation des intérêts opposés acceptable par les uns et les autres. Cela est d’autant plus surprenant que ces règles sont la plupart du temps fort anciennes : rappelons ici que jusqu’à il y a peu, le droit civil patrimonial relevant du Code civil n’avait pas subi de modifications d’ampleur depuis 1804. On peut alors tenter de l’expliquer d’au moins deux manières, sans doute complémentaires.
La première consisterait à dire qu’en 1804, les rédacteurs du Code, dans leur recherche d’une législation efficiente ont nécessairement dû tenir compte un minimum des intérêts essentiels et fondamentaux des individus, ceux-là même que les droits et libertés fondamentaux ont depuis sanctuarisé. On peut alors se réjouir de la clairvoyance des quatre rédacteurs du Code. La seconde interprétation consisterait plutôt à remarquer que les règles anciennes, celles du Code, sont d’une manière générale, assez imprécises, ce que la doctrine contemporaine n’a d’ailleurs pas manqué de dénoncer pour justifier au prétexte de l’accessibilité du droit la réforme du droit des obligations. Or, nous sommes convaincus que plus que le contenu même des dispositions du Code, leur imprécision a été le gage de leur pérennité parce qu’elle a permis, durant deux siècles, de les adapter aux circonstances de l’époque. Cette adaptation a résulté, en droit civil patrimonial de l’œuvre créatrice de la jurisprudence, et il est certain, là encore dans un souci d’efficience, que cette adaptation a nécessairement dû prendre en compte les intérêts fondamentaux réciproques des individus.
Cette nécessaire prise en compte des intérêts fondamentaux des individus, au nom de l’efficience du droit, n’est pas l’apanage, bien heureusement, des rédacteurs du Code civil, elle existe aussi, a minima dans la législation contemporaine. On pourrait ici prendre de multiples exemples, mais l’on se contentera d’un seul, au carrefour du droit des contrats et du droit des biens, celui de la législation relative aux baux d’habitation. C’est un lieu commun que de dire que cette législation opère, par la force des choses, une conciliation entre deux intérêts divergents : celui du bailleur et celui du locataire. Bien entendu le curseur a pu selon les époques favoriser davantage l’un ou l’autre mais dans l’ensemble, il a bien fallu que le législateur équilibre la balance entre ces intérêts divergents. Or, comme l’on s’en doute, cette opposition d’intérêts n’est au fond guère différente de celle qui oppose le droit de propriété à un droit à un logement décent ou au droit à une vie familiale normale. Pour ces raisons, il n’est pas étonnant que l’irruption des droits fondamentaux n’ait pas conduit à remettre en cause de façon profonde l’architecture du droit civil patrimonial : ils s’intègrent au corpus des dispositions existantes plus qu’ils ne les modifient[34]. Et à vrai dire, il y a peu chance qu’il en aille différemment à l’avenir. Faut-il dès lors en déduire que les droits fondamentaux sont inutiles compte tenu de la clairvoyance des auteurs du Code et du législateur contemporain ?
Ce serait commettre une grave erreur. Et cela pour plusieurs raisons. D’une part, si les droits fondamentaux ne modifient que de façon marginale (quantitativement) les solutions du droit civil patrimonial, il est indéniable que certaines matières subissent bien plus leur influence. Pour rester dans le champ du droit privé, il suffit ici de mentionner le droit civil extrapatrimonial ou encore le droit et la procédure pénale qui concentrent la plupart des décisions mobilisant les droits fondamentaux. Sans doute s’agit-il de matières dans lesquels les intérêts fondamentaux des individus sont davantage susceptibles d’être méconnus, ce qui justifie que les droits fondamentaux y trouvent leur terrain d’élection.
D’autre part, au sein même du droit civil patrimonial, si l’on peut dire que d’une manière générale la conciliation des intérêts fondamentaux des uns et des autres n’a pas attendu les droits fondamentaux pour être réalisée, il ne faut pas pour autant faire preuve d’angélisme quant aux capacités ou aux desiderata des rédacteurs du Code et du législateur contemporain. Si l’on quitte ici l’habit du juriste pour celui de simple citoyen, on peut affirmer qu’il est parfaitement logique que le législateur ait, en droit civil patrimonial, réalisé un arbitrage entre les intérêts fondamentaux des uns et des autres qui, d’une manière générale fonctionne, parce qu’il « couvre » la majorité des cas. Cependant, cet arbitrage qui fonctionne dans la majorité des cas n’est pas exempt de ratés dans lesquels l’application d’une règle générale, prévue pour les situations médianes, a des effets désastreux pour celles et ceux qui ne sont pas justement dans la situation médiane. Dans ces situations, les droits fondamentaux ont, selon nous, une importance capitale. Pour le dire plus clairement, il nous semble que le législateur peut par exemple sanctionner de nullité les mariages entre alliés, interdire l’édification de cabanons disgracieux dans les zones naturelles ou laisser au bailleur le pouvoir de déterminer les clauses d’un bail. En revanche, il ne nous semble pas qu’il ait pu envisager la situation du beau-père marié avec sa belle-fille pendant plus de 20 ans, celle de celui qui a installé une caravane et une terrasse sur un terrain classé zone agricole pour pouvoir vivre avec sa famille, ou celle de celui qui se voit dénier par les clauses du bail le droit d’héberger ses proches. Dans ces situations, nécessairement marginales, l’application mécanique de la règle semble à juste titre modérée par le recours aux droits fondamentaux. En forçant quelque peu le trait, on pourrait presque dire qu’en matière de droit civil patrimonial le recours aux droits fondamentaux et l’appréciation du caractère proportionné de l’atteinte qu’ils subissent remplit la fonction de « soupape » de l’arrêt d’espèce, peu orthodoxe et destiné à rester isolé. De ce fait, il nous semble qu’ils remplissent ici une fonction d’ajustement de la règle aux situations individuelles parfaitement opportune.
Pour cette raison, on ne peut que rester dubitatif face à la volonté exprimée par le premier Président de la Cour de cassation de concentrer son office autour de la question des droits fondamentaux. Dans certaines disciplines[35], et notamment celles du droit civil patrimonial, dans lesquelles les droits fondamentaux n’ont finalement qu’une importance quantitative mesurée, le risque serait alors de voir s’opérer un retrait de l’influence de la jurisprudence de la Cour de cassation. Or, c’est précisément cette jurisprudence qui a façonné la matière, en permettant son adaptation à l’évolution des circonstances selon les époques. Pour le dire autrement, il nous semble que la résilience du droit civil patrimonial tient pour beaucoup de la Cour de cassation et de ses fonctions habituelles d’unification de la jurisprudence et d’adaptation des règles écrites. Sous cette réserve, la révolution portée par les droits fondamentaux ne devrait donc pas avoir lieu d’autant que parallèlement, on peut se demander s’ils sont suffisamment opératoires pour la permettre…
B. L’insuffisance des droits fondamentaux ?
Si les droits fondamentaux ne provoquent la plupart du temps que des évolutions assez limitées en matière de droit civil patrimonial, leur impact pourrait cependant être beaucoup plus important lorsque leur objet-même constitue le cœur de la discipline : les biens. Les biens font en effet l’objet d’une protection spécifique, et cela tant au regard de la Convention européenne et de son 1er protocole additionnel que de la Constitution. Pourtant dans l’un et l’autre cas, l’impact des droits fondamentaux demeure modeste.
Concernant le droit de la Convention, la protection résulte de l’article 1er du 1er protocole et de son fameux droit au respect des biens. Ce droit fondamental, évidemment, a vocation à permettre la protection du droit de propriété, tel que l’article 544 du Code civil le reconnait. Mais la congruence entre les deux est loin d’être parfaite dans la mesure où la Cour de Strasbourg a une appréhension de la notion de bien différente de celle du droit interne, allant jusqu’à affirmer l’indépendance presque totale de la protection européenne à l’égard des qualifications nationales[36]. L’indépendance des concepts européens à l’égard des qualifications nationales est d’ailleurs parfaitement légitime : si la Cour était tenue par la définition du droit de propriété du droit interne, le champ de la protection offerte serait considérablement réduit. Ainsi, ce qui n’est pas reconnu comme l’objet d’un droit de propriété en droit interne peut parfaitement faire l’objet d’une protection européenne par le biais de cette disposition et les exemples abondent de situations dans lesquelles un bien au sens européen a été reconnu alors qu’il n’y avait rien de tel en droit interne[37].
Cette reconnaissance de nouveaux biens ne se fait d’ailleurs pas qu’à Strasbourg. Ainsi, la Cour de cassation elle-même n’hésite pas à s’approprier la conception européenne de la notion de bien pour la mettre en œuvre elle-même. Cela a notamment été le cas à l’occasion d’une affaire dans laquelle une créancière se voyait concrètement privée de la possibilité d’obtenir paiement de la part de son débiteur car ce dernier, après avoir organisé son insolvabilité, se prévalait d’une disposition prévoyant une insaisissabilité de ses revenus[38]. Or, cette disposition, l’ancien article L 30 du Code des pensions de retraire des marins[39] prévoyait que seules certaines catégories de créanciers pouvaient saisir les revenus en cause, catégories auxquelles la créancière n’appartenait pas. La Cour de cassation en déduit que la disposition litigieuse constituait « en l’espèce[40] en l’espèce une mesure discriminatoire, portant une atteinte non justifiée par un but légitime au droit de propriété » de la créancière. La décision est intéressante car elle montre que sollicitée sur le fondement de la Convention européenne, la Cour de cassation s’approprie les méthodes de raisonnement de la Cour de Strasbourg et mobilise les concepts propres aux instruments conventionnels. Mais dès lors que la Convention n’est pas en cause, la Cour de cassation en revient aux concepts traditionnels du droit civil en vertu desquels une créance n’est pas l’objet d’un droit de propriété, au nom de l’habituelle distinction entre droits réels et droits personnels[41]. En effet, si au sens du droit européen, une créance est un l’objet d’un droit de propriété, en droit interne, cette créance reste soumise au régime juridique habituel de toutes créances…
Du côté du droit constitutionnel, l’impact sur l’architecture de la matière est aussi limitée mais pour des raisons strictement inverses. A la différence de la Cour européenne qui reste attachée à l’idée d’indépendance des concepts, le Conseil constitutionnel tente, au moins en matière de biens et d’obligations, de reprendre à son compte les concepts habituels de la matière. Cela est particulièrement net en droit des biens puisque le Conseil se refuse, notamment pour se démarquer de la Cour européenne, d’assurer la protection d’une créance au titre de l’article 17, afin de conserver « une notion de propriété, aussi proche que possible de la notion de propriété privée en droit français »[42]. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a procédé à plusieurs reprises à la constitutionnalisation de principes classiques. En droit des biens, c’est le cas du droit de demander le partage à tout moment pour les indivisaires[43]. En droit des obligations, on mentionnera le principe de la liberté contractuelle[44] ou encore le droit de résiliation unilatérale dans les contrats à durée indéterminée[45]… Dans ces conditions, il est évident que le droit constitutionnel des droits de l’homme n’a évidemment pas vocation à bouleverser le droit civil patrimonial[46] : il en est une émanation. D’autant que le Conseil, par tradition semble répugner à bouleverser les équilibres préexistants du droit positif[47].
C’est d’ailleurs peut-être sur ce dernier point que l’insuffisance des droits fondamentaux à bouleverser le droit positif apparait car à constitutionnaliser ce qui existe déjà en droit civil, le Conseil constitutionnel se condamne à subir les mêmes critiques que celles que l’on formule contre le droit existant. Cela est particulièrement net s’agissant du droit de propriété dont on dénonce aujourd’hui parfois les excès[48]. Et de fait, en s’attachant à défendre un droit de propriété similaire à celui du droit des biens, à savoir un droit de propriété individuel, absolu et exclusif, le Conseil constitutionnel s’érige surtout en protecteur des propriétaires, c’est-à-dire en protecteur des richesses acquises individuellement.
Indépendamment de toute réflexion sur la légitimité de cette propriété individuelle, il faut remarquer que cette prépondérance de la propriété individuelle, qui figure dans le logiciel initial du droit des biens du Code civil, n’est cependant pas tout à fait conforme à la réalité statistique de l’appropriation. Il n’y a pas besoin d’observer pendant bien longtemps pour comprendre qu’en matière immobilière, la propriété individuelle que promeut le Conseil constitutionnel n’est face à la copropriété, à l’indivision, à la mitoyenneté ou même à la location ou aux propriétés publiques qu’une exception statistique. Est-ce bien opportun qu’au nom de la prépondérance de la propriété individuelle, ces appropriations collectives n’aient pas de traduction en termes de droits fondamentaux ?[49]
Enfin et surtout, on peut, après d’autres, relever que cette constitutionnalisation du droit de propriété de l’article 544 conduit à sanctuariser et à faire prévaloir les intérêts individuels du propriétaire au détriment de l’intérêt des tiers ou même de l’intérêt collectif. Sans même aborder ici la question du droit au logement[50], on peut, après d’autres, regretter que la préséance de la propriété individuelle en matière constitutionnelle conduise à délaisser les préoccupations sociales ou environnementales[51]… Au regard du contenu traditionnel du droit des biens, là serait la véritable révolution. Mais si révolution il y a, il est peu probable, et sans doute est-ce souhaitable, qu’elle soit initiée par les juges des droits fondamentaux…
[1] Un avant-projet de réforme a en effet été soumis à consultation publique en avril 2016.
[2] Article 1102. nouv. du Code civil.
[3] Pour une recension de leur prise en compte, v. notamment, Fr. Chénedé, Y. Lequette, Fr. Terré, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 2, 13ème édition, Dalloz, 2015, n° 273-274, p. 688 & suiv..
[4] V. sur ce point, F. Marchadier, Le contrôle du contrat au regard des droits fondamentaux : une question qui ne se pose pas et dont la réponse est évidente ? Revue des contrats, 2016, n° 3, p. 518 & suiv. ; A-A. Hyde, Contrat et droits fondamentaux : propos critiques sur le « membre fantôme » de l’article 1102 al. 2 nouveau du Code civil, RDLF, 2016, chr. n° 20.
[5] V. sur ce point, Fr. Chénedé, Y. Lequette, Fr. Terré, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 2, 13ème édition, Dalloz, 2015, n° 273-274, spéc. p. 695 & suiv..
[6] Pour une recension de leur prise en compte, v. notamment, Fr. Chénedé, Y. Lequette, Fr. Terré, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 2, 13ème édition, Dalloz, 2015, n° 273-274, p. 688 & suiv..
[7] V. ainsi nos observations, Quelle(s) nullité(s) pour les atteintes aux droits fondamentaux ?, RDLF, 2013, chron. n° 1.
[8] V. ainsi à propos notamment de la condition du dommage : Ch. Quézel-Ambrunaz, « La contraction des conditions de la responsabilité civile en cas d’atteinte à un droit fondamental », RDLF 2012, chron. n°27.
[9] V. ainsi s’agissant de la clause d’adhésion forcée à une association chargée de l’animation commerciale au sein d’une galerie marchande : Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-17587 et en dernier lieu Cass. Civ. 1ère, 2 octobre 2013, pourvoi n° 12-24867.
[10] Ce critère de distinction a été consacré à l’occasion de la réforme du droit des obligations. Il figure désormais à l’article 1179 du Code civil.
[11] Cass. Civ. 1ère, 20 mai 2010, pourvoi n° 09-65045.
[12] Il a cependant été justement relevé que la mise en œuvre du principe de paralysie des restitutions en application de la maxime Nemo auditur permettrait de résoudre très opportunément cette difficulté : v. ainsi, S. Gerry-Vernières, Nullité de la clause d’adhésion forcée à une association : le droit à restitution de l’association pour le passé, l’absence de droit pour l’avenir, Note sous Cass. Civ. 3ème, 23 novembre 2011, Les Petites Affiches, 30 avril 2012, n°86, p. 11 & suiv., spéc. n° 7.
[13] La Haute juridiction assure l’effectivité de la sanction de l’atteinte à la liberté d’association en permettant que la restitution en valeur des prestations fournies se compense avec celle des cotisations indument perçues. V. en ce sens, Cass. Civ. 1ère, 2 octobre 2013, pourvoi n° 12-24867. Ce faisant, le caractère rétroactif de la nullité se trouve réduit à sa portion congrue.
[14] Ch. Quézel-Ambrunaz, La contraction des conditions de la responsabilité civile en cas d’atteinte à un droit fondamental, RDLF, 2012, chron. n° 27.
[15] Ch. Quézel-Ambrunaz, Des dommages-intérêts octroyés par la Cour européenne des droits de l’homme, RDLF, 2014, chron. n° 5.
[16] V. par exemple, Cons. Const., 27 septembre 2013, 2013-343 QPC.
[17] Sur cette question, v. V. Mazeaud, Droit réel, propriété et créance dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, RTD. civ., 2014, p. 29 & suiv. V. aussi nos observations, Propriété des créances : le point sur l’argument supralégal, RDLF, 2013, chron. n° 22.
[18] Cass. Civ. 1ère, 4 déc. 2013, pourvoi n° 12-26066.
[19] B. Louvel, Réflexions à la Cour de cassation, D., 2015, p. 1326.
[20] Fr. Chénedé, Contre révolution tranquille à la Cour de cassation, D., 2016, p. 796 & suiv., spéc. n° 6 & suiv.
[21] Cass. Civ. 3ème, 26 juin 2013, pourvoi n° 12-18121.
[22] Cass. Civ. 3ème, 15 octobre 2015, pourvoi n°14-23612. A la lecture du Rapport annuel 2015, on comprend d’ailleurs que ce contrôle de proportionnalité vise surtout à lutter contre les demandes de démolition déraisonnables au regard des vices constatés.
[23] Cass. Civ. 3ème, 17 décembre 2015, pourvoi n° 14-22095.
[24] V. en ce sens, P.Y. Gautier, La « balance des intérêts » au secours de l’entrepreneur : pas de démolition de l’ouvrage mal construit, en application d’un contrat nul, RTD civ., 2016, p. 140.
[25] V. par ailleurs, s’agissant de la question du prohibition du mariage entre alliés : Cass. Civ. 1ère, 8 décembre 2016, pourvoi n° 15-27201.
[26] Cass. Civ. 3ème, 22 octobre 2015, pourvoi n° 14-11776. Ce que confirme d’ailleurs explicitement l’analyse de la décision dans le Rapport annuel de l’année 2015.
[27] Cass. Crim., 16 février 2016, pourvoi n° 15-82732.
[28] V. pour une illustration caricaturale à propos d’un empiètement de 0,5 cm : Cass. Civ. 3ème, 20 mars 2002, pourvoi n° 00-16015
[29] V. en ce sens, notamment J.-P. Chazal, Raisonnement juridique : entre évolution pragmatique et (im)posture dogmatique, D., 2016, p. 121 ; L. Neyret, obs. sous Cass. Civ. 3ème, 15 octobre 2015, Chronique de droit des biens, D., 2016, p. 1179 & suiv.,
[30] Cass. Civ. 3ème, 11 février 2016, pourvoi n° 15-21949. La Cour de cassation estime ici que le litige n’était relatif qu’à la question de la liquidation de l’astreinte, ce dont elle déduit que l’article 545, fondement de la destruction systématique en matière d’empiètement n’était pas applicable à l’espèce.
[31] Cass. Civ. 3ème, 10 novembre 2016, pourvoi n° 1521949.
[32] V. sur ce point, la décision (isolée) suivante : Cass. Civ. 2ème, 12 février 2004, pourvoi n° 02-13016.
[33] V. en ce sens, Fr. Chénedé, La « fondamentalisation » du droit des contrats : discours et réalité, Revue de Droit d’Assas, n° 11, octobre 2015, p. 51 & suiv., spéc. p. 53.
[34] A cet égard, dans son Rapport annuel 2015, la Cour de cassation prend bien soin de préciser qu’en matière de démolition et d’enlèvement de construction illicite, le contrôle de proportionnalité de la mesure s’effectue dans le cadre de l’appréciation du danger imminent à laquelle se livre le juge des référés. Il ne s’agit donc pas d’un contrôle « hors-sol ».
[35] V. ainsi, B. Louvel, Réflexions à la Cour de cassation, D., 2015, p. 1326.
[36] V. sur ce point, CEDH, Grd. Chambre, 30 novembre 2004, Oneryildiz c/ Turquie, req. 48939/99, RTD. Civ., 2005, p. 422 & suiv. Obs. T. Revet.
[37] V. sur ce point, Ch. Quézel-Ambrunaz, L’acception européenne du « bien » en mal de définition (à propos des arrêts Depalle et Brosset-Triboulet), D., 2010, p. 2024 & suiv.
[38] Cass. Civ. 2ème, 2 mai 2007, pourvoi n° 05-19439.
[39] Il semblerait que cette disposition figure désormais à l’article R21 du même code.
[40] Il semblerait donc que l’inconventionnalité de la disposition ait davantage résulté des circonstances que d’un conflit de normes abstrait.
[41] V. toutefois, P. Berlioz, L’insaisissabilité d’une chose peut porter atteinte au droit de propriété des créanciers de son propriétaire, Les Petites Affiches, 9 janvier 2008, n° 7, p. 10 & suiv.
[42] V. sur ce point le commentaire de la décision 2011-118 QPC, 8 avril 2011. Sur cette question, v. plus largement nos observations, propriété des créances : le point sur l’argument supralégal, RDLF, 2013, chron. n° 22.
[43] Cons. Const., 9 novembre 1999, 99-149 DC.
[44] Cons. Const., 19 décembre 2000, 2000-437 DC.
[45] Cons. Const., 9 novembre 1999, 99-149 DC
[46] V. en ce sens, Fr. Chénedé, La « fondamentalisation » du droit des contrats : discours et réalité, Revue de Droit d’Assas, n° 11, octobre 2015, p. 51 & suiv., spéc. p. 53.
[47] V. sur ce point, relevant l’existence de « transactions collusives », N. MOLFESSIS, Le conseil constitutionnel et le droit privé, Thèse Paris II, préface M. GOBERT, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, Tome 287, 1997, n° 606.
[48] JP. CHAZAL, La propriété : dogme ou instrument politique, préc., RTD.civ., 2014, p. 763 & suiv.
[49] V. sur ce point, nos observations : la propriété collective : une lacune constitutionnelle ?, RDLF, 2015, chron. n° 16.
[50] Sur laquelle, v. par exemple JB. Seube, Th. Revet, L’article 544 du Code civil déclaré conforme à la Constitution, obs. sous Cons. Const., 30 septembre 2011, 2011-169 QPC, Revue Lamy Droit civil, 2011, p. XXX.
[51] V. sur ce point, W. Dross, La fondamentalisation du droit des biens, Revue de droit d’Assas, n° 11, octobre 2015, p. 45 & suiv., spéc. in fine.
Notes:
- Le style oral de la communication a été, pour partie, conservé. ↩