Les audaces de la Chambre criminelle en matière de filtrage des QPC
En quoi consiste aujourd’hui l’office de juge du filtre des QPC de la Chambre criminelle de la Cour de cassation ? Près de quinze ans après l’entrée en vigueur de cette voie de droit, le traitement des QPC relève d’une pratique hebdomadaire de la Chambre criminelle. Son acculturation aux normes constitutionnelles, son appréhension des critères de recevabilité et de renvoi des QPC au Conseil constitutionnel, comme son pouvoir d’interprétation conforme de la loi à la Constitution, révèlent combien elle fait désormais preuve d’audace dans sa pratique du filtrage des QPC. Audacieuse dans ses interprétations et dans la motivation de ses arrêts de renvoi et de non-renvoi depuis 2015, la Chambre criminelle a su tirer profit de cette voie de droit, afin de renforcer, de manière stratégique, sa position de gardienne des droits et libertés.
Pauline Gervier, Maître de conférences en droit public (CERCCLE – UR 7436), Université de Bordeaux
Il y a quelques années encore, analyser les audaces de la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son office de juge du filtre des questions prioritaires de constitutionnalité aurait été, si ce n’est embarrassant, à tout le moins surprenant.
L’observateur de la pratique du filtrage des QPC soulignait volontiers, lors des premiers temps de vie de cette voie de droit, l’attitude avant tout réservée, voire réfractaire, de la Cour de cassation à exercer son nouvel office. Manifestant une forme de « résistance »1 à la QPC, notamment quant à son caractère prioritaire vis-à-vis de la primauté du droit de l’Union européenne2, faisant preuve de « prudence » dans l’appréciation du caractère sérieux de la question posée lors du renvoi au Conseil constitutionnel3, exprimant une « réticence » à voir son interprétation de la loi contestée en QPC4 ou encore, révélant une certaine « esquive » du débat constitutionnel, la question soulevée en QPC pouvant parfaitement être résolue grâce à la loi elle-même et à son application sans renvoi au Conseil5, quitte à contourner le contrôle de constitutionnalité par la voie du contrôle de conventionnalité6 : les signes de retenue de la Cour de cassation à pleinement investir sa fonction de filtrage et à jouer le jeu de la QPC ont été, dès le départ, tangibles. Bien des raisons ont pu l’expliquer. Dans un contexte global de confiscation de son interprétation et de son application de la loi depuis le début des années 2000 aux yeux de certains7, la Cour de cassation démontrait ici sa volonté de placer sa jurisprudence à l’abri des critiques du Conseil constitutionnel, de garder la main sur des notions patiemment travaillées et ainsi, de conserver « la souveraineté de son pouvoir d’interprétation de la loi et de sa fonction unificatrice en la matière »8.
En l’espace de quelques années pourtant, un glissement sémantique très net peut s’observer dans l’analyse doctrinale du filtrage réalisé par la Cour suprême de l’ordre judiciaire. Du point de vue de privatistes comme de constitutionnalistes, la défiance initiale de la Chambre criminelle à l’égard de la QPC laisse désormais la place à un « usage audacieux »9 de son pouvoir de filtrage, à des politiques jurisprudentielles « audacieuses »10 et « pionnières » en comparaison à celles de son homologue de l’ordre juridictionnel administratif mais aussi des autres chambres de la Cour de cassation11, ces dernières emboitant le pas de la chambre criminelle dans sa pratique du filtrage. Désormais, la Chambre criminelle ose aller « bien plus loin »12 dans l’examen des critères de renvoi des QPC au Conseil constitutionnel.
Dès lors, en quoi consiste précisément cette audace ?
L’audace renvoie à l’« hardiesse qui ne connait ni obstacle ni limite »13, au courage « à accomplir des actions difficiles, à prendre des risques pour réussir une entreprise considérée comme impossible »14. En ce sens, une certaine audace de la part de la Cour de cassation était déjà perceptible dès les premiers mois de pratique de la QPC. Pour ne s’en tenir qu’à quelques exemples ayant marqué les esprits, sa prise de risque à procéder à des revirements de jurisprudence in situ de nature à éviter le renvoi de QPC au Conseil constitutionnel15, ou encore sa persistance, en dépit des efforts des requérants, à ne pas renvoyer des QPC dont beaucoup soulignaient les potentielles inconstitutionnalités, à l’instar de celles relatives à la loi Gayssot16, en témoignent. L’audace de la Chambre criminelle résidait alors dans le caractère surprenant de ses décisions et l’exercice de sa liberté à ne pas renvoyer. Aujourd’hui, en revanche, son audace s’entend bien davantage dans son sens premier : celui du courage et de l’assurance dans l’exercice du filtrage, dans sa pratique non seulement du non-renvoi mais aussi et surtout du renvoi des QPC au Conseil constitutionnel.
Car, indéniablement, l’audace de la Cour de cassation en matière de filtrage des QPC a changé.
En soi, il n’y a rien d’étonnant à ce que des ajustements ou changements dans la conception du filtrage des QPC par les Cours suprêmes surviennent. L’on sait en effet toute la plasticité des critères de recevabilité et de renvoi des QPC au Conseil constitutionnel prévus par le législateur organique, qui invite nécessairement les Cours à en ajuster l’interprétation au gré des questions soulevées et à en appréhender, chacune à leur manière, la signification. Des modifications tenant à l’acception de la disposition législative applicable au litige, de la précédente déclaration de conformité à la Constitution, du changement de circonstances ou encore du caractère sérieux des QPC, sont donc prévisibles, tout autant que des confusions, latentes, sur la portée des critères de transmission des QPC, notamment par les juges du premier filtrage17, persistent aujourd’hui. Plus encore, il n’y a rien de surprenant à ce que des évolutions opérées spécifiquement par la Chambre criminelle dans les contours de son office de juge du filtre interviennent. Dans le prolongement des premières années de cette voie de droit18, filtrer les QPC relève d’une pratique quasi hebdomadaire de la Chambre criminelle. La matière pénale reste « le terrain privilégié des QPC »19. En 2022, sur les 218 décisions QPC rendues par la Cour de cassation, plus de 70% relèvent ainsi de la matière pénale20. En 2023, la Cour de cassation a statué sur 245 QPC dont 175 en matière pénale21 et, pour le seul mois de mai 2024, 19 décisions QPC ont été rendues par la Cour. Les occasions pour la Chambre criminelle de faire évoluer son appréhension des critères du filtrage, son interprétation des normes constitutionnelles et des dispositions législatives litigieuses, sont par conséquent multiples.
Ce qui est particulièrement remarquable en revanche, c’est de voir à quel point la Chambre criminelle s’est imposée comme un acteur-clé de la procédure QPC. Tel est le cas d’un point de vue quantitatif, puisque près d’un tiers des décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel le sont aujourd’hui sur renvoi de la Chambre criminelle22. Tel est aussi et surtout le cas d’un point de vue substantiel, tant la conception même de son office de juge du filtre des QPC s’est transformée23. Certes, le filtrage consiste toujours à trier les questions et rejeter celles dénuées de pertinence à ses yeux, mais il ne peut plus être présenté simplement comme une étape préalable au contrôle a posteriori de constitutionnalité des lois. Sa teneur, sa densité et sa portée se sont enrichies : la Cour exerce un contrôle de constitutionnalité des lois à part entière, tant le filtrage, particulièrement lorsqu’il aboutit à un renvoi, révèle une orientation appuyée des motifs qui conduiront le Conseil constitutionnel à prononcer l’inconstitutionnalité de la loi litigieuse ou bien sa conformité, sans ou sous réserves d’interprétation. Autrement dit, il ne s’agit plus d’un renvoi simple qui est réalisé, mais presque d’un renvoi conforme, de fait : en quelque sorte, les motifs de ses arrêts tentent de lier le Conseil constitutionnel sur la solution in fine retenue.
Près de quinze années de vie de procédure de la QPC ont indéniablement aguerri la Chambre criminelle aux questions de constitutionnalité. Si celles-ci ont toujours été au cœur de l’activité de la Cour de cassation depuis sa création, ainsi que l’ont montré les données historiques du rapport de la Cour à la Constitution mises en lumière par Jean-Louis Mestre, comme son maniement de la norme constitutionnelle pour construire et appliquer des principes cardinaux de droit pénal et de procédure pénale24, l’analyse de ses décisions QPC révèle comment, à partir de 2015 et plus encore, de 2018, elle a su tirer son épingle du jeu de cette voie de droit, afin de renforcer sa position de gardienne des droits et libertés. Plusieurs facteurs l’expliquent. Dans un contexte institutionnel marqué par une répartition des compétences peu favorable au juge judiciaire, sous l’effet conjugué d’une conception étroite de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution retenue par le Conseil constitutionnel25, du développement d’un arsenal législatif de prévention des atteintes à l’ordre public26 et de mise en œuvre d’états d’urgence sécuritaire puis sanitaire placés à titre principal sous le contrôle du juge administratif27 – dont se sont émues à maintes reprises les plus hautes instances judiciaires dès 201528 –, la manière dont la Chambre criminelle redessine son office de juge du filtre des QPC ne doit en effet rien au hasard. De même, son « accoutumance » à la pratique de la confrontation de la loi à la Constitution29, comme la réforme du mode de rédaction des arrêts de la Cour et le déploiement d’une motivation enrichie30, participent de ces changements.
Ainsi, la Chambre criminelle n’hésite plus à rendre des décisions QPC particulièrement audacieuses, de nature à la positionner comme juge majeur des droits et libertés, comme juge de la fondamentalité. Afin de le mesurer, il convient d’appréhender les formes que prend l’audace de la Chambre criminelle, autrement dit ses visages (I), avant d’en analyser ses effets, sa portée, c’est-à-dire son rayonnement (II).
I – Les visages de l’audace
L’audace de la Chambre criminelle se décèle à chaque étape du filtrage des QPC, tant l’ensemble des leviers à sa disposition sont exploités afin d’exercer pleinement son office. Son audace est tout d’abord interprétative, dans l’appréhension des modalités du filtrage (A) ; elle est ensuite argumentative, pour soutenir le résultat du filtrage (B).
A – L’audace interprétative
Depuis plusieurs années, la Chambre criminelle use de sa liberté pour préciser et ajuster la signification des critères de recevabilité et de renvoi des QPC. En retenant des interprétations inédites, singulières par rapport à celles du Conseil d’Etat ou pionnières vis-à-vis des chambres civiles, sociale et commerciale, la Chambre criminelle se démarque : soit en maintenant, avec assurance, certaines conceptions restrictives des critères de recevabilité des QPC ; soit, plus encore, en adoptant, avec courage, des conceptions dynamiques et ouvertes des conditions de transmission. Dans ces deux facettes de l’audace, elle prend un risque et l’assume.
Au titre de la première, l’on peut mettre en avant l’appréciation du lien que la Chambre criminelle exige entre la QPC soulevée devant elle et le pourvoi en cassation déposé, qui témoigne de quelques réminiscences à admettre l’ouverture de son prétoire. Elle livre à cet égard une lecture inattendue de l’article 23-5 alinéa 2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, en vertu duquel la Cour doit se prononcer par priorité sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Dans un arrêt du 5 octobre 2022, elle retient, de manière inédite, que la question présentée de manière subsidiaire n’est pas recevable31. En somme, le caractère prioritaire de la QPC exclurait sa nature subsidiaire. Comme le souligne Maxime Brenaut, « le P de prioritaire serait ainsi synonyme de principal »32, ce qui peut apparaître comme une interprétation étroite de l’article 23-5 alinéa 2, tant il semble que la priorité concerne l’examen de la QPC, bien plus que sa présentation.
Le choix d’une conception étroite, voire stricte, des critères de recevabilité des QPC se retrouve au stade de l’appréciation de l’applicabilité au litige de la loi litigieuse. On sait que, conformément à sa jurisprudence, la Cour de cassation exige que la résolution de la question de constitutionnalité soulevée par le requérant ait « une incidence sur la solution de l’affaire »33, là où le Conseil d’Etat exige, de manière plus souple, qu’elle ne soit pas « dénuée de rapport avec les termes du litige »34. La rigueur dans l’appréhension de ce critère franchit une étape supplémentaire, lorsque la Chambre criminelle considère que la QPC porte sur des dispositions qui ne sont pas applicables au litige, dans la mesure où la question vise une « étape distincte de la procédure » au cours de laquelle la QPC est posée35. En l’espèce, celle-ci était soulevée à l’encontre des modalités de saisine du juge des libertés et de la détention et de placement en détention provisoire d’un mineur, à l’occasion d’un pourvoi formé par le ministère public contre un arrêt statuant sur la régularité du recours à la procédure de l’audience unique devant le Tribunal pour enfants par le Procureur. La Chambre criminelle assume ici une appréhension étroite de ce critère, soucieuse de ne pas trop ouvrir la porte à des QPC déliées du cœur des pourvois qui lui sont adressés.
Mais plus révélatrice de l’audace de la Chambre criminelle, aujourd’hui, est sa seconde facette.
S’agissant de la recevabilité de la QPC, tout d’abord, la Chambre criminelle a fait évoluer son interprétation de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, selon lequel « le moyen d’inconstitutionnalité peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation ». Alors qu’elle en retenait jusqu’alors une interprétation étroite, selon laquelle « la QPC ne peut être posée devant la Cour de cassation qu’à l’occasion d’un pourvoi »36, la Chambre assume pleinement un revirement de jurisprudence en 2022, et retient une conception désormais plus ouverte de l’article 23-5. Elle considère qu’une telle « restriction doit être abandonnée », l’article 23-5 ne limitant pas la « nature de l’instance au cours de laquelle une QPC peut être présentée » : dès lors, une QPC peut être présentée « à l’occasion d’une requête formée devant la Cour de cassation »37, en l’occurrence, une requête en renvoi pour cause de suspicion légitime.
Ensuite, la Chambre criminelle retient de nouvelles interprétations de la notion de disposition législative, combinées à celle du changement de circonstances de droit, pouvant être contestées par la voie de la QPC. L’on pense ici à un arrêt remarqué de la Cour du 5 avril 2022, dans lequel elle admet qu’une disposition législative, telle qu’en vigueur et applicable au litige à l’issue d’une déclaration d’inconstitutionnalité assortie d’un effet différé prononcé par le Conseil constitutionnel et accompagnée d’une réserve transitoire, soit contestée en QPC. Elle considère en effet, au sujet des conséquences qui découlent du défaut de notification du droit de se taire par le juge des libertés et de la détention imposées par la norme transitoire, que l’obligation ainsi créée « fait corps avec le texte législatif » et qu’en ce sens, la jurisprudence constante qu’une Cour suprême pourrait dégager à partir de celle-ci, après la décision du Conseil constitutionnel, peut faire l’objet d’une QPC38.
Enfin, l’un des critères révélant le dynamisme interprétatif de la Chambre criminelle de la Cour de cassation est certainement celui de la précédente déclaration de conformité à la Constitution et celui tenant au changement de circonstances de droit. Les arrêts de non-renvoi et de renvoi révèlent ici l’audace de la Chambre criminelle, qui assume à cette occasion pleinement l’imbrication des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité de la loi. Pour elle, les droits et libertés et la conformité de la loi aux textes de valeur juridique supérieure s’appréhendent de manière combinée et non désolidarisée. Ce faisant, elle n’hésite pas à surmonter l’autorité absolue de chose jugée dont sont revêtues les décisions du Conseil constitutionnel, grâce au levier du changement de circonstances de droit. Dès 2014, elle admet qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il concerne la France39 ou un autre Etat40, puis de la Cour de justice de l’Union européenne41, constituent des changements de circonstances de droit, de nature à réexaminer la conformité de la loi pénale à la Constitution.
Cette manière d’orienter l’interprétation des critères de renvoi des QPC se retrouve également, et certainement plus encore, dans celle d’argumenter ses décisions QPC, au soutien du non-renvoi comme du renvoi des questions soulevées devant elle.
B – L’audace argumentative
Ces dernières années révèlent une motivation substantiellement enrichie des décisions QPC rendues par la Chambre criminelle de la Cour et ce, non plus seulement dans ses arrêts de non-renvoi mais aussi dans ses arrêts de renvoi. Cela s’analyse particulièrement au regard du degré et de la précision du contrôle réalisé. Son audace réside dans la conception très active qu’elle retient de son office du juge du filtre, qui ne s’en tient pas seulement à répondre à la question de savoir si la QPC est pertinente, mais aussi à prendre part au débat de constitutionnalité soulevé devant elle, en prenant position sur la conformité de la loi à la Constitution.
Cela ressort, en premier lieu, de ses arrêts de non-renvoi, dans lesquels la Chambre criminelle procède de manière parfois très explicite à un véritable examen de la conciliation opérée par le législateur, pour répondre au caractère sérieux de la QPC soulevée.
Ainsi, dans un arrêt du 11 octobre 202242, alors qu’elle avait à se prononcer sur l’article 230-20 du Code de procédure pénale qui donne compétence au procureur de la République d’autoriser et de contrôler la mise en œuvre de logiciels de rapprochement judiciaire dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance sans contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante, et dont la version initiale de la loi avait déjà fait l’objet d’une déclaration de conformité sous réserve par le Conseil constitutionnel en 201143, la Cour s’appuie non seulement sur les motifs retenus par le Conseil dans sa précédente décision pour préciser la portée de la loi contestée et modifiée en 2018, puis sur sa propre interprétation des implications de celle-ci pour cerner ce que peut faire le procureur de la République – dont elle rappelle d’ailleurs qu’il s’agit d’un magistrat de l’ordre judiciaire. A la manière du Conseil constitutionnel, la Chambre criminelle considère alors que « les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée »44. La teneur du raisonnement déployé, comme l’emploi du présent de l’indicatif, sont particulièrement éclairants : de manière explicite, elle clôt le débat sur la constitutionnalité de la loi.
Tel est encore le cas des arrêts de non-renvoi dans lesquels la Chambre criminelle s’appuie, de manière assez remarquable, sur sa propre jurisprudence ainsi que sur celle du Conseil constitutionnel pour assoir son interprétation conforme de la loi. A l’occasion de l’examen de plusieurs dispositions du Code de procédure pénale relatives à la notification du droit au silence et à l’assistance de l’avocat lors d’une perquisition, elle souligne expressément que « le Conseil constitutionnel, comme la Cour de cassation, prohibent l’interrogatoire ou le recueil de déclarations de la personne qui serait réalisé en dehors du cadre légal de l’audition de garde à vue et ferait l’objet, dans la procédure, d’un acte de transcription des propos tenus à cette occasion »45. Ce faisant, elle se positionne au même niveau que le Conseil pour interpréter la loi conformément à la Constitution et souligne, à dessein, l’unité de vue entre Cour de cassation et Conseil constitutionnel sur ces dispositions.
Et ce chœur à deux voix pour procéder au contrôle de constitutionnalité de la loi se retrouve, en second lieu, dans les arrêts de renvoi de la Chambre criminelle au Conseil constitutionnel.
Grâce à un enrichissement de l’argumentation déployée par la Chambre criminelle au soutien du renvoi, elle n’hésite pas à identifier précisément en quoi la loi souffre d’inconstitutionnalités dans ses décisions, en allant parfois jusqu’à prédéterminer les motifs, voire le dispositif, de la décision du Conseil constitutionnel. Ce faisant, la Chambre criminelle « assume de participer de manière active au jugement de la constitutionnalité des lois par la technique des renvois directifs »46. La question posée ne soulève pas seulement un doute raisonnable dans son esprit, elle emporte la conviction de la Cour que la loi contestée est contraire à la Constitution.
La motivation qu’elle déploie en atteste. En identifiant avec précision les lacunes de la loi pénale47, en caractérisant expressément, de manière plus régulière qu’avant, le caractère sérieux des QPC, en mettant notamment en avant les lacunes de la loi comme ses contradictions48, elle engage directement le débat sur la constitutionnalité de la loi. Et elle y procède y compris lorsqu’au cœur de la QPC, se trouve une interprétation constante d’une loi retenue par la Chambre criminelle elle-même. Si elle a mis du temps à admettre la contestation en QPC de ses interprétations constantes de la loi et, pis, à renvoyer au Conseil constitutionnel des QPC où celles-ci étaient contestées49, elle n’hésite désormais plus à se remettre elle-même en question dans ses propres interprétations et à soutenir les griefs d’inconstitutionnalité formulés à l’encontre de sa propre jurisprudence, afin de soutenir le renvoi au Conseil constitutionnel.
En témoigne un arrêt de renvoi de la Chambre criminelle du 6 septembre 2023, dans lequel était contestée sa jurisprudence relative à l’article 706-30-1 alinéa 1er du Code de procédure pénale, portant sur l’échantillonnage avant destruction au cours de la procédure des produits saisis qui n’est applicable que dans le cadre de l’information judiciaire, et non pas lors de l’enquête préliminaire ou de flagrance. Dans la mesure où la différence de traitement identifiée peut « être sans rapport » avec la différence des situations et l’objet du texte, et ainsi « porter une atteinte excessive » au principe d’égalité des citoyens devant la loi50, la Cour assume la répartition des rôles de chacun des juges constitutionnels. Son interprétation de la loi ne suffit pas à résoudre la question ainsi soulevée, de sorte qu’elle ne « retient pas » le débat de constitutionnalité et joue pleinement le jeu de la QPC en procédant au renvoi.
Que de chemin parcouru depuis près de quinze ans ! Si l’audace de la chambre criminelle se traduit par conséquent par une pluralité de facettes, reste à analyser la portée de la témérité déployée, autrement dit les effets de telles audaces.
II – La portée des audaces
Quel est le rayonnement de l’audace déployée par la Chambre criminelle ? Cette question invite à mesurer les conséquences des interprétations retenues par la Cour, et des argumentations mobilisées dans le cadre de la procédure de la QPC. Dans quelle mesure sont-elles suivies par le Conseil constitutionnel ? Dans quelle mesure sont-elles décisives sur l’affaire au fond, à l’occasion de laquelle le requérant a soulevé la QPC ? Il convient en ce sens de tenter de mesurer la récompense de l’audace, ses retombées, pour répondre à la question de droit (A), puis d’identifier les hypothèses dans lesquelles, à l’inverse, l’audace ne paie pas, est refoulée, démentie et, in fine, tempérée (B).
A – L’audace récompensée
L’audace déployée par la Chambre criminelle est récompensée à deux titres. D’une part, de manière plus explicite encore aujourd’hui, son interprétation de la loi et des principes constitutionnels, de même que les motifs de ses décisions de renvoi, sont non seulement pris en compte mais aussi parfois suivis par le Conseil constitutionnel, ce qui la conduit à participer pleinement à la résolution de la question abstraite soulevée. D’autre part, ses arrêts de non-renvoi peuvent avoir un impact décisif sur l’affaire en cours, en étant déterminants pour le requérant qui obtient une interprétation de la loi de nature à résoudre favorablement le litige auquel il est partie. L’audace de la Cour revêt alors une dimension concrète, ce qui nourrit les stratégies contentieuses développées dans le cadre de la QPC.
En premier lieu, ses nouvelles appréhensions des critères de recevabilité des QPC, comme les motifs déployés dans ses décisions, peuvent être retenus par le Conseil constitutionnel. Tel est le cas de l’autorité de chose jugée attachée aux décisions du Conseil constitutionnel, dans la mesure où la Chambre criminelle a initié le retour à une conception formelle de celle-ci51 et invité le Conseil constitutionnel à renoncer à l’autorité de chose jugée par analogie d’objet, ce qu’il a fait. Ainsi, bien qu’une partie d’un dispositif normatif ait été déclarée contraire à la Constitution dans une précédente décision, cela ne vaut que pour la loi concernée : si cette même partie du dispositif normatif, c’est-à-dire les mêmes mots, se retrouve dans une autre rédaction de l’article concerné, il n’y a pas précédente déclaration d’inconstitutionnalité, de sorte que la QPC est recevable52.
En outre, l’audace argumentative de la Chambre criminelle pour répondre aux griefs d’inconstitutionnalité formulés par le requérant au sein d’une QPC est reprise, parfois expressément, dans les motifs de la décision même du Conseil constitutionnel : son audace oriente, au fond, le dispositif même de la décision. Par exemple, dans une décision du Conseil constitutionnel du 6 mars 202453, étaient contestées la conformité de deux dispositions du Code de procédure pénale et du Code pénal, qui ne prévoient pas de double degré de juridiction pour le tiers propriétaire qui sollicite la restitution de son bien confisqué lorsque la peine de confiscation a été prononcée par une juridiction criminelle ou de second degré, au principe d’égalité devant la loi et au droit à un recours effectif. Au terme d’une motivation particulièrement riche, qui s’étend sur neuf paragraphes pour identifier la portée de la loi, la Chambre criminelle identifie expressément une différence de traitement, entre les propriétaires pour qui la confiscation de biens a été prononcée par un tribunal correctionnel et ceux pour qui elle a été prononcée par une cour d’assises, « susceptible de procéder à une distinction injustifiée (…) et de méconnaitre le principe d’égalité devant la justice »54. La motivation retenue par la Chambre criminelle emporte la conviction du Conseil constitutionnel, qui s’appuie sur l’interprétation par la Cour des dispositions contestées pour en saisir la portée, reprend son argumentation quant à la différence de traitement et conclut, comme l’y invitait la Chambre criminelle, à l’existence d’une distinction injustifiée méconnaissant le principe d’égalité devant la justice55. D’autres décisions peuvent également être citées, dans lesquelles le Conseil constitutionnel rejoint la Cour dans la caractérisation d’une différence de traitement non justifiée56. La jurisprudence constitutionnelle de la Chambre criminelle est prise au sérieux par le Conseil : la Cour n’est pas uniquement perçue comme un filtre, elle l’est bien plus comme un juge portant une première appréciation argumentée sur les griefs d’inconstitutionnalité formulés à l’égard de la loi pénale. Les décisions du Conseil rendues lors du 1er trimestre de l’année 2024 sur renvoi de la Chambre criminelle l’encouragent d’ailleurs à poursuivre cette audace, les deux renvois ayant conduit à deux déclarations de non-conformité totale57.
En second lieu, la pratique des interprétations conformes de la loi retenues par les Cours suprêmes, et soutenues par des argumentations audacieuses de la Chambre criminelle, peut se révéler fort bénéfique pour le requérant ayant soulevé la QPC. Il y a là un effet utile de la QPC encore peu connu, mais bien saisi par certains avocats ayant développé de minutieuses stratégies contentieuses afin d’obtenir un revirement de jurisprudence de la part des Cours suprêmes, tendant non pas uniquement à obtenir le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel mais bien à obtenir une interprétation précise et conforme de la loi, favorable à la résolution du litige en cours, délivrée par la Cour suprême58. Par la voie de la QPC, la Chambre criminelle a pu ainsi mettre un terme à la volonté d’un Parquet d’interpréter dans un sens donné une disposition du Code pénal – interprétation qui était contestée par le requérant – et a ainsi expressément considéré qu’il n’y avait pas de jurisprudence constante de la Cour conférant une telle portée à la loi pénale. Bien que le requérant n’obtienne pas le renvoi de la QPC au Conseil, la décision de la Cour démentant l’existence d’une telle jurisprudence constante est bénéfique à l’auteur de la QPC, cette interprétation de la loi ne pouvant ainsi plus être retenue dans le litige au fond.
Pour autant, l’audace de la Chambre criminelle n’est pas toujours synonyme de succès ou de prospérité : dans ces hypothèses, l’audace est bel et bien refoulée.
B – L’audace refoulée
Audace refoulée, audace démentie : il s’agit de l’une des conséquences de la prise de risque inhérente à l’audace. La Chambre criminelle ose mais ne gagne pas toujours. Ce démenti peut alors être soit implicite, dans la mesure où il n’est pas – ou pas encore – expressément confirmé par le Conseil, soit explicite, eu égard au sens des décisions in fine rendues.
Au titre des audaces refoulées implicitement, tout d’abord, l’on pense aux interprétations singulières du changement de circonstances de droit retenues par la Chambre criminelle, sur le fondement d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne59. A ce jour, le Conseil constitutionnel ne les a ni démenties, ni retenues. Il faut dire que l’audace déployée à cette occasion a parfois pu s’accompagner de confusions. Ainsi, là où la Chambre criminelle avait retenu un changement de circonstances de droit à partir d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne pour justifier le renvoi d’une QPC, le Conseil précise que l’autorité de chose jugée n’avait en l’espèce pas à être surmontée, dans la mesure où la version de la disposition contestée était issue d’une loi postérieure à la précédente déclaration de conformité (relative à une autre version, donc), de sorte qu’il était inutile d’identifier un changement de circonstances60.
Au titre des audaces refoulées explicitement, ensuite, l’on songe aux hypothèses dans lesquelles le Conseil constitutionnel, parfois agacé par la témérité de la Cour, réfute son appréciation du caractère sérieux de la QPC ou celle qu’elle pourrait retenir. Tel a été le cas à l’occasion du contentieux relatif aux conditions indignes de détention. Alors que la QPC soulevée devant la Chambre criminelle l’invitait à retenir son caractère sérieux eu égard aux motifs tirés de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt J.M.B. c. France du 30 janvier 202061 et que la Cour décida de la renvoyer au Conseil constitutionnel62, celui-ci rejette la possibilité de prendre appui sur un argument d’inconventionnalité. Précisant que « le juge appelé à se prononcer sur le caractère sérieux d’une question prioritaire de constitutionnalité ne peut, pour réfuter ce caractère sérieux, se fonder sur l’interprétation de la disposition législative contestée qu’impose sa conformité aux engagements internationaux de la France (…) », il scelle sa position en soulignant qu’« il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur les dispositions contestées indépendamment de l’interprétation opérée par la Cour de cassation dans ses arrêts […] pour les rendre compatibles avec les exigences de la Convention »63. Le Conseil exclut donc expressément l’hybridation des arguments d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité dans le cadre du contentieux QPC.
De même, peuvent être soulignées les hypothèses dans lesquelles le Conseil constitutionnel n’est en définitive pas convaincu de l’argumentation déployée par la Chambre criminelle. Malgré une motivation enrichie à l’appui du renvoi de la QPC, la Cour subit un revers en ce qu’elle n’est pas suivie par le Conseil constitutionnel dans ses motifs et le dispositif de ses décisions. Ont ainsi été retoquées les tentatives par la Chambre criminelle, sur le fondement de la nouveauté de la QPC, de faire reconnaitre par le Conseil des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, à l’instar de celui tenant à la participation des jurés au jugement des crimes de droit commun à l’occasion d’une QPC relative aux cours criminelles départementales64 et de celui de procédure spéciale applicable aux délits de presse, à l’occasion d’une QPC contestant la conformité des articles 397-6 du Code de procédure pénale, ouvrant la possibilité de recourir à la procédure de comparution immédiate pour certains délits de presse, et 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, allongeant le délai de prescription de certains délits de presse de trois mois à un an, à la Constitution65. Ont encore été retoqués des griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, à rebours de décisions de renvoi de la Chambre criminelle qui avait précisément et avec assurance pointé les lacunes de la loi pénale66. En ce sens, une différence persiste entre leurs offices et leur appréciation de la conformité de la loi à la Constitution.
Alors, audace oui, excès non ! A bien des égards, l’audace de la Chambre criminelle, étayée, demeure modérée : non seulement parce qu’elle n’outrepasse pas son office – elle n’admet, par exemple, ni de nouveaux griefs d’inconstitutionnalité formulés pour surmonter l’autorité de chose jugée, ni de soulever d’office des moyens d’inconstitutionnalité, ni de dégager elle-même de nouvelles normes constitutionnelles ni, encore, de s’immiscer dans l’appréciation des effets dans le temps des déclarations d’inconstitutionnalité prononcées par le Conseil – mais aussi, parce que persistent des retenues dans l’exercice du filtrage des QPC67 voire, des « îlots de résistance » sur certains griefs d’inconstitutionnalité, tels que le principe de clarté et de précision de la loi punitive issu de l’article 8 de la Déclaration de 178968. Son audace n’est d’ailleurs plus si singulière désormais puisqu’elle se retrouve au sein des autres chambres de la Cour, qui déploient une motivation enrichie et courageuse à l’appui de certains arrêts de renvoi ou de non-renvoi69. Sous l’impulsion de la Chambre criminelle, c’est bien la Cour de cassation dans son ensemble qui s’est repositionnée de manière stratégique et décisive dans son rôle de gardien des droits et libertés constitutionnels, insufflant un renouveau dynamique et pluriel de l’exercice de la justice constitutionnelle en France.
1 N. Molfessis, « La résistance immédiate de la Cour de cassation à la QPC », Pouvoirs, 2011, n°137, pp. 83-99, spéc. p. 88 ; F. Chenedé, « QPC et interprétation jurisprudentielle : entre ralliements officiels et résistances ponctuelles de la Cour de cassation, JCP-G, 2011, n°45, p. 1975.
2 C. Cass., Ass. Plén., 29 juin 2010, n°10.40-001. Voir notamment, P. Blachèr, « Propos introductifs. Un an de politique jurisprudentielle de la Cour de cassation en matière de QPC », in A. Martinon et F. Petit (dir.), Le juge judiciaire et la Constitution, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2012, pp. 3-9, spéc. p. 6.
3 G. Toulemonde, I. Thumerel, D. Galati, « Les juridictions suprêmes renforcées dans leur office de cour suprême », in E. Cartier (dir.), La QPC, le procès et ses juges. L’impact sur le procès et l’architecture juridictionnelle, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2013, pp. 283-302, spéc. p. 301.
4 G. Hilger, « Le contrôle de l’interprétation de la loi pénale par le Conseil constitutionnel : la position sibylline de la Chambre criminelle », in E. Cartier (dir.), La QPC, le procès et ses juges. L’impact sur le procès et l’architecture juridictionnelle, préc., pp. 319-335, spéc. p. 321. Et ce, à rebours de la position de principe adoptée par le Conseil constitutionnel dès les premières décisions QPC : Cons. const., décision n°2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mme Isabelle D. et Isabelle B. ; Cons. const., décision n°2010-52 QPC du 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau.
5 P. Egéa, « Les Cours suprêmes, « contre-pouvoirs » face au Conseil constitutionnel ? », in X. Magnon, P. Espuglas, W. Mastor, S. Mouton (dir.), Question sur la Question 3 (QSQ). De nouveaux équilibres institutionnels ?, LGDJ, Université Toulouse 1 Capitole, coll. Grands colloques, 2014, pp. 167-184, spéc. p. 177.
6 Voir notamment, C. Cass., Ch. Crim., 17 août 2011, n°11-90063 ; C. Cass., Ch. Crim, 19 novembre 2013, n°13-84909 ; C. Cass. Ch. Crim., 22 octobre 2013, n° 13-81945.
7 M. Billiau, « Quel rôle pour la Cour de cassation au XXIe siècle ? », in Justice et droits fondamentaux, Etudes offertes à J. Normand, Litec, Paris, 2003, pp. 31-41, spéc. p. 31.
8 G. Hilger, « Le contrôle de l’interprétation de la loi pénale par le Conseil constitutionnel : la position sibylline de la Chambre criminelle », préc, p. 321. Voir également : T. Fossier, « Comprendre les refus de transmission des QPC par la chambre criminelle de la Cour de cassation », Constitutions, 2012-1, p. 95 ; N. Maziau, « Les bonnes raisons de la Cour de cassation », Recueil Dalloz, 2011, pp. 1775-1779 ; N. Molfessis, « La résistance immédiate de la Cour de cassation à la QPC », préc.
9 D. Rousseau, P.-Y. Gahhoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, LGDJ, 13e édition, 2023, p. 259.
10 D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2019 », RDP, 2020, n°1, p. 309.
11 D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 263.
12 M. Brenaut, F. Safi, « QPC – Un an de question prioritaire de constitutionnalité en matière pénale (septembre 2022-Août 2023) Droit pénal, n°10, octobre 2023, chron. 10.
13 Dictionnaire Larousse, [en ligne].
14 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, [en ligne].
15 J.-B. Perrier, « La pratique du non-renvoi par la Cour de cassation : le droit pénal commun », in N. Droin, A. Fautré-Robin (dir.), Le non-renvoi des QPC. Unité ou diversité des pratiques de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, Institut Universitaire Varenne, coll. Colloques et Essais, 2018, pp. 135-149, spéc. p. 148.
16 N. Droin, « Le non-renvoi des QPC et la loi sur la presse du 29 juillet 1881 », in N. Droin, A. Fautré-Robin (dir.), Le non-renvoi des QPC. Unité ou diversité des pratiques de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, Institut Universitaire Varenne, coll. Colloques et Essais, 2018, pp. 151 et s.
17 Des enchevêtrements entre les critères du précédent et de la nouveauté sont encore relevés. A titre d’exemple, T.J. de Créteil, ord. réf., 5 septembre 2023, Association Robin des lois c. Etat français, n°RG 23/00673 [accessible sur le portail QPC 360° du Conseil constitutionnel]. Voir plus généralement, A. Chauvet, P. Gervier, F. Savonitto, Dix ans de QPC devant les juridictions de première instance et d’appel. Etude à partir des ressorts des Cours d’appel de Bordeaux et d’Agen et de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, Imprimerie de Bordeaux, 2023, 363 p., spéc. pp. 266 et s. Voir aussi, sur les confusions inhérentes au critère du précédent : D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2021 », RDP, 2022, n°1, p. 307.
18 A. Darsonville, « La Chambre criminelle de la Cour de cassation », in E. Cartier (dir.), La QPC, le procès et ses juges. L’impact sur le procès et l’architecture juridictionnelle, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2013, pp. 446-460 ; J.-B. Perrier, « La pratique du non-renvoi par la Cour de cassation : le droit pénal commun », op. cit., spéc. p. 138.
19 Il s’agit là d’une « tendance lourde » selon les mots de la Cour. Voir : Cour de cassation, Rapport annuel 2022, La Documentation française, Paris, 2023, spéc. p. 255.
20 Cour de cassation, Rapport annuel 2022, préc.
21 Cour de cassation, Rapport annuel 2023, La Documentation française, Paris, 2024, spéc. p. 255.
22 En 2022, 32% des décisions QPC du Conseil constitutionnel ont été rendues sur renvoi de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (soit 22 renvois de la Chambre criminelle sur 67 décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel) ; en 2023, 26% des décisions QPC du Conseil constitutionnel le sont sur renvoi de la Chambre criminelle (soit 12 renvois sur 45 décisions QPC du Conseil constitutionnel). En 2024, la tendance s’affaisse légèrement, puisqu’elle s’élève à 23% (soit 10 renvois sur 42 décisions QPC du Conseil constitutionnel).
23 Voir ici, M. Haulbert, L’interprétation normative par les juges de la QPC, Dalloz, 2020.
24 J.-L. Mestre, « La Cour de cassation et le contrôle de constitutionnalité. Données historiques », in La Cour de cassation et la constitution de la République. Actes du colloque des 9 et 10 décembre 1994, PUAM, Aix-Marseille, 1995, pp. 35-67 ; Voir également, D. Commaret, « L’application de la Constitution par la Cour de cassation : la jurisprudence de la chambre criminelle », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n°22, juin 2007, [en ligne].
25 Depuis 1999 (Cons. const., décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. 45) et de manière plus explicite, depuis 2003 (Cons. const., décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi sur la sécurité intérieure, cons. 8), le Conseil constitutionnel distingue, d’un côté, la liberté d’aller et venir, le respect de la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, « protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 », et, de l’autre, la liberté individuelle, « que l’article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l’autorité judiciaire ». Depuis, le Conseil ne retient le grief tiré de la méconnaissance de l’article 66 de la Constitution qu’à l’égard des mesures privatives de liberté, les mesures restrictives de liberté relevant du champ de protection de la liberté d’aller et venir, du droit au respect de la vie privée ou de l’inviolabilité du domicile : ces dernières échappent au domaine de l’article 66, de sorte que l’intervention de l’autorité judiciaire n’est plus constitutionnellement exigée.
26 P. Gervier, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l’ordre public, LGDJ, 2014, pp. 127 et s.
27 Conseil d’Etat, Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes. Etude annuelle 2021, La documentation française, Paris, spéc. pp. 113 et s.
28 Voir notamment, « Le premier président de la Cour de cassation s’inquiète du pouvoir croissant du Conseil d’Etat », Le Monde, 21 décembre 2015 ; allocution du premier président de la Cour de cassation, audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, 14 janvier 2016 [en ligne] ; B. Louvel, « Pour l’unité de juridiction », tribune du premier Président de la Cour de cassation, 25 juillet 2017, [en ligne]. Sur cette « guerre des juges » : D. Rousseau, J. Bonnet, P.-Y. Gahdoun, Droit du contentieux constitutionnel, préc., pp. 737-738.
29 D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2023 », Questions constitutionnelles, 28 février 2024, p. 3 [en ligne].
30 Rapport de la commission de réflexion de la réforme de la Cour de cassation, avril 2017, [en ligne] ; voir également, https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/comprendre-une-decision-de-la-cour/mode-de-redaction-et-motivation-des
31 C. Cass, Ch. Crim, 5 octobre 2022, n°22-84.113.
32 M. Brenaut, F. Safi, « QPC – Un an de question prioritaire de constitutionnalité en matière pénale (septembre 2022-Août 2023), préc., n. 5.
33 C. Cass., Ch. Crim., 11 juillet 2012, n°11-88430.
34 Conseil d’Etat, 20 juin 2012, Association comité rapidement anti-corrida Europe, n°357798.
35 C. Cass, ch. Crim., 4 octobre 2023, n°23-81.794, §§ 11-13.
36 C. Cass., Ch. Crim., 16 décembre 2014, pourvoi n° 14-88.038.
37 C. Cass, Ch. Crim., 16 novembre 2022, n°22-85.167 : « La présente question n’est pas posée à l’occasion d’un pourvoi mais d’une requête présentée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Si cette juridiction a jugé qu’une question prioritaire de constitutionnalité ne pouvait être posée qu’au soutien d’un pourvoi en cassation (C. Cass., Ch. Crim., 16 décembre 2014, pourvoi n° 14-88.038, Bull. crim. 2014, n° 274), une telle restriction doit être abandonnée. 3. En effet, l’article 61-1 de la Constitution et l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, pris pour son application, ouvrent la faculté de contester la constitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, y compris pour la première fois en cassation, sans limiter la nature de l’instance au cours de laquelle une question prioritaire de constitutionnalité peut être présentée. 4. Ainsi une question prioritaire de constitutionnalité peut-elle être présentée à l’occasion d’une requête formée devant la Cour de cassation. ». Voir ici : M. Brenaut, F. Safi, « QPC – Un an de question prioritaire de constitutionnalité en matière pénale (septembre 2022-Août 2023), préc., n. 1.
38 C. Cass., Ch. Crim., 5 avril 2022, n°22-80.434. En revanche, en l’espèce, ce n’était pas le cas, dans la mesure où l’interprétation jurisprudentielle de l’article 145 alinéa 6 du Code de procédure pénale visée par la question était antérieure à la décision du Conseil constitutionnel.
39 C. Cass., Ch. Crim., 20 août 2014, n°14-80494 ; C. Cass., Ch. Crim., 28 janvier 2015, n°14-90049 ; C. Cass., Ch. Crim., 26 juillet 2017, n°16-87749.
40 En l’espèce, l’Italie : voir C. Cass., Ch. Crim., 17 décembre 2014, n°14-90034.
41 C. Cass., Ch. Crim., 9 juin 2021, n°20.86-652.
42 C. Cass., Ch. Crim., 11 octobre 2022, pourvoi n° 22-90.014.
43 Cons. const., décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 67-73.
44 C. Cass., Ch. Crim., 11 octobre 2022, préc., point 9 (nous soulignons).
45 Nous soulignons. Voir : C. Cass, Ch. Crim., 20 avril 2022, n°22-90.002.
46 D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2021 », RDP, 2022, n°1, p. 307. Voir également : D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2023 », préc..
47 C. Cass., Ch. Crim., 2 mars 2021, n°20-90.032 ; C. Cass., Ch. Crim., 23 juin 2021, n°21-80.682.
48 C. Cass., Ch. Crim., 23 juin 2021, préc : après avoir déployé en deux temps les motifs au soutien du renvoi de la QPC devant le Conseil constitutionnel, la Chambre criminelle conclut qu’« il s’ensuit que l’article 226-2-1, alinéa 2, du code pénal, qui ne définit pas de manière claire et précise les éléments constitutifs de l’infraction, au regard notamment des textes auxquels il fait expressément référence, est susceptible de méconnaitre le principe de légalité des délits et des peines ».
49 Supra, note 4. Voir aussi, D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, préc., spéc. pp. 215 et s ; « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2021 », préc. Plus encore, voir le renvoi par la Cour d’une interprétation de la loi opérée à l’occasion de sa décision QPC : C. Cass., Ch. Crim., 8 juin 2021, n°21-90.012.
50 C. Cass., Ch. Crim., 6 septembre 2023, n°23-81.209.
51 C. Cass., Ch. Crim., 4 février 2020, n°19-86.945, au sujet de la portée d’une déclaration d’inconstitutionnalité à l’égard d’une loi rédigée dans les mêmes termes que celles censurées par le Conseil constitutionnel : or, pour la Cour, les mêmes mots n’ont pas nécessairement les mêmes effets et la même portée d’une loi à l’autre.
52 Cons. const., décision n°2020-836 QPC du 30 avril 2020, M. Maxime O. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d’audiences relatives au contentieux de la détention provisoire II], § 7 : selon le Conseil, « si, dans sa décision du 20 septembre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions de l’article 706-71 du code de procédure pénale identiques à celles contestées dans la présente procédure, les dispositions déclarées inconstitutionnelles figuraient dans une autre rédaction de cet article 706-71 ».
53 Cons. const., décision n°2023-1080 QPC du 6 mars 2024, Société de la Fontaine [double degré de juridiction pour l’examen d’un incident contentieux relatif à l’exécution d’une peine de confiscation].
54 C. Cass., Ch. Crim., 29 novembre 2023, n°23-82-769, points 5-14.
55 Cons. const., décision n°2023-1080 QPC du 6 mars 2024, préc., §§ 6-13.
56 Voir notamment, au sujet de l’examen d’une demande de relèvement de mesures pénales prévues en application des article 702-1 alinéa 1er et 703, alinéa 4, du Code de procédure pénale : C. Cass., Ch. Crim., 11 mai 2023, n°22-83.579 et Cons. const., décision n°2023-1057 QPC du 7 juillet 2023, M. José M. [Double degré de juridiction pour l’examen d’une demande de relèvement d’une interdiction, d’une déchéance, d’une incapacité ou d’une mesure de publicité], §§ 6-12 ; ou encore, sur l’existence d’une différence de traitement entre la personne poursuivie et la partie civile devant le tribunal de police : C. Cass., Ch. Crim., 2 mars 2021, préc et Cons. const., décision n°2021-909 QPC du 26 mai 2021, Mme line M. [impossibilité d’obtenir devant le tribunal de police la condamnation de la partie civile pour constitution abusive], §§ 6-9.
57 Cons. const., décision n°2023-1076 QPC du 18 janvier 2024, M. Moussa H. [absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé en cas de défèrement] ; Cons. const., décision n°2023-1080 QPC du 6 mars 2024, préc.
58 C. Cass., Ch. Crim., 8 mars 2022 n°21.90-045. Sur ce point, J. Bonnet, « Le potentiel contentieux de la QPC », La lettre d’actualité de la QPC n°2, janvier 2024, [en ligne sur le Portail QPC 360° du Conseil constitutionnel] ; D. Rousseau, J. Bonnet, P.-Y. Gahdoun, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2023 », préc., spéc. p. 4.
59 C. Cass., Ch. Crim., 20 août 2014, préc. ; C. Cass., Ch. Crim., 28 janvier 2015, préc. ; C. Cass., Ch. Crim., 26 juillet 2017, préc. ; C. Cass., Ch. Crim., 17 décembre 2014, préc ; C. Cass., Ch. Crim., 9 juin 2021, préc.
60 Cons. const., décision n°2021-930 QPC du 23 septembre 2021, M. Jean B. [Recours à la géolocalisation sur autorisation du procureur de la République], § 8 : (…) « la présente question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions de l’article 230-33 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019, que le Conseil constitutionnel n’a pas déclarées conformes à la Constitution. Dès lors, il y a lieu de procéder à l’examen des dispositions contestées, sans qu’il soit besoin de justifier d’un changement des circonstances ».
61 Cour EDH, 30 janv. 2020, J.M.B. et autres c. France, Req. n° 9671/15 et 31 autres. Sur ce contentieux, voir notamment J. Schmitz, « La surpopulation carcérale et la guerre des offices : le juge judiciaire comme nouveau gardien des conditions d’exécution de la détention provisoire », RFDL, 2020, chron. n°63.
62 C. Cass., Ch. Crim., 8 juillet 2020, n°20-81.731 et C. Cass., Ch. Crim., 8 juillet 2020, n°20-81.739.
63 Cons. const., décision n°2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, M. Geoffrey F. et autre [conditions d’incarcération des détenus], §§ 8-11 (nous soulignons).
64 C. Cass., Ch. Crim., 20 septembre 2023, n° 23-84.320 et Cons. const., décision n°2023-1069/1070 QPC du 24 novembre 2023, M. Sekou D. et autre [Cours criminelles départementales], §§ 14-17. Voir ici, M. Brenaut, F. Safi, « Un an de QPC en matière pénale (septembre 2023-août 2024), Droit pénal, n°10, octobre 2024.
65 C. Cass., Ch. Crim., 13 février 2024, p. 23-90.018 et Cons. const., décision n°2024-1088 QPC du 17 mai 2024, Mme Juliette P. [Procédure applicable en matière de délits de presse], §§ 7-9.
66 Voir par exemple, C. Cass., Ch. Crim., 23 juin 2021, préc. et Cons. const., décision n°2021-933 QPC du 30 septembre 2021, Mme Saadia K. [Diffusion d’enregistrements ou de documents portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel].
67 Persistent en effet des motivations succinctes du caractère sérieux, voir par exemple : C. Cass., Ch. Crim., 4 décembre 2024, n°24-90.014.
68 Contra : C. Cass, Ch. Crim., 16 octobre 2024, n°24-84.384, où la Chambre renvoie au Conseil une QPC dans laquelle était contestée la conformité d’un délit au regard du principe de légalité des délits et des peines, faute de clarté et de précision suffisante (voir, Cons. const., décision n°2024-117/118 QPC du 17 janvier 2025, M. Andrei I. et autre [incrimination de la participation à une entreprise de démoralisation de l’armée en vue de nuire à la défense nationale].
69 L’on pense, par exemple, à l’interprétation de la norme constitutionnelle par la 1e chambre civile de la Cour de cassation, qualifiant de manière audacieuse le droit de s’alimenter de « droit fondamental » sur le fondement de l’article 1er du préambule de la Constitution de 1946. Voir : C. Cass., 1e Civ.., 28 février 2024, n° 23-40.017.