Jouer la carte des droits de l’Homme pour sauver le climat, une stratégie peu probante. A propos de l’intérêt de l’analyse systématique de jurisprudence
L’article examine l’efficacité de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le cadre du contentieux climatique. D’abord à partir d’un examen des principales décisions françaises, il met en évidence la place marginale de cet argument, systématiquement écarté par les juridictions françaises dans les affaires climatiques les plus emblématiques. Néanmoins, pour mieux appréhender cette question, il est ensuite nécessaire d’adopter une approche plus empirique fondée sur l’analyse systématique de la jurisprudence à une plus grande échelle. Cette méthode est fondée sur la constitution d’une base de données de décisions de justice. Elle a ici pour but d’estimer statistiquement l’influence de l’invocation des droits de l’Homme. Faute de données suffisantes, l’article ne présente que des résultats partiels à partir des décisions des seules cours suprêmes au niveau global. Ceux-ci montrent néanmoins l’absence d’impact de l’argument fondé sur les droits de l’Homme sur la propension des décisions de justice à améliorer la politique climatique. Pour aller plus loin, le recours à une régression multivariée permettrait d’isoler l’effet propre de ce type d’argument.
Julien Bétaille, Professeur de droit public à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UMR TREE 6031), Membre associé de la Toulouse School of Economics et de l’École de droit de Toulouse, Membre de l’Institut universitaire de France
Le contentieux climatique et les droits de l’Homme forment-ils un mariage heureux ? La célèbre décision Urgenda rendue par la Cour suprême des Pays-Bas le 20 décembre 20191 a semblé en être un exemple probant2. Portée en étendard les requérants de toute l’Europe, elle a fait figure de modèle, non seulement des contentieux climatiques à l’encontre des États, mais aussi pour l’utilisation des droits de l’Homme en faveur du climat. Mobilisant en particulier les articles 2 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme, la Cour néerlandaise applique le raisonnement habituel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’environnement pour énoncer, à la charge de l’État, un devoir de prendre des mesures de prévention afin de protéger les citoyens vis-à-vis des changements climatiques.
Au niveau global3, il est possible d’affirmer, sans véritable hésitation, qu’il existe un mouvement dans le sens de l’utilisation croissante des droits de l’Homme au service de la cause climatique4, alors même que les contentieux climatiques semblent marquer le pas (Figure 1). Si le soufflet des contentieux climatiques semble désormais retomber5, l’utilisation des droits de l’Homme dans le cadre de ces contentieux a le vent en poupe.
Figure 1 : Évolution annuelle du nombre de contentieux climatiques (2005-2024)6
En parallèle, le contentieux climatique s’est étendu aux juridictions internationales. Si on s’en tient à celles qui sont les plus concernées par la question des droits de l’Homme, deux décisions importantes doivent être mentionnées : la décision KlimaSeniorinnen de la Cour européenne des droits de l’homme rendue le 9 avril 2024 et l’avis consultatif de la Cour internationale de justice, Obligations des États en matière de changement climatique, du 23 juillet 2025. Dans les deux cas, les juges soulignent la synergie entre les droits de l’homme et la protection de l’environnement. Les changements climatiques étant une question environnementale comme une autre, il n’est au fond pas très surprenant que ces deux décisions aient souligné les effets néfastes des changements climatiques sur les droits de l’Homme et la nécessité de politiques climatiques à la hauteur des enjeux pour préserver ces droits7. Il serait à ce stade hasardeux de prédire l’impact futur de ces décisions sur les politiques climatiques des États8 mais il faut évidemment en souligner la dimension symbolique. Elles vont également, probablement, renforcer l’argumentation de ceux qui utilisent les droits de l’Homme dans le cadre d’autres contentieux climatiques.
Plutôt que de tenter d’anticiper l’avenir, l’objectif de cette contribution est davantage de proposer une prise de recul sur le caractère décisif, ou non, de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le cadre des contentieux climatiques. Autrement dit, ces grandes décisions, aussi emblématiques soient-elles, ne constituent-elles pas, de ce point de vue, un miroir déformant de la réalité du contentieux climatique ? L’influence de ces décisions se traduit-elle nécessairement par le fait que l’invocation des droits de l’Homme serait en quelque sorte une garantie ou, du moins, un facteur de succès d’un contentieux climatique ? Cela mérite au moins d’être discuté : ces affaires ne fournissent que quelques points d’observation parmi d’autres et ne permettent pas, à elles seules, de saisir la réalité structurelle du contentieux climatique.
L’ambition de cet article n’est cependant pas d’offrir, à lui seul, une analyse systématique de l’argument fondé sur les droits de l’homme dans l’ensemble du contentieux climatique. Faute de données suffisantes, il s’agirait là d’un travail d’une ampleur considérable qui dépasse largement le cadre de ce propos. Plus modestement, il s’agit, dans un premier temps, de porter un regard rétrospectif centré sur le contentieux climatique français. L’examen des principales décisions rendues dans ce domaine montre que l’argument fondé sur les droits de l’Homme a été largement relégué au second plan par les juges français, si ce n’est ignoré (I). Mais au-delà de l’examen des seules décisions françaises, d’autres stratégies de recherche pourraient être déployées pour répondre à la question de l’influence de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans les contentieux climatiques, en particulier en procédant à une analyse systématique de jurisprudence (II). Les données disponibles permettent seulement de mener des analyses partielles mais elles tendent à montrer l’absence d’impact positif de l’argument fondé sur les droits de l’Homme. Ces résultats devraient néanmoins être complétés en ayant recours à des données exhaustives et à des stratégies de recherche plus sophistiquées comme l’analyse de régression multivariée (III).
I. Le caractère secondaire de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans les grandes décisions du contentieux climatique français
Jouer la carte des droits de l’Homme dans le cadre du contentieux climatique français n’a pas été une stratégie fructueuse, celle-ci ayant été systématiquement écartée dans les principales affaires qui ont visé l’État français. Comment l’expliquer sur le plan analytique ? D’abord en revenant sur l’histoire parallèle des droits environnementaux et du contentieux climatique (A). Ensuite en examinant de plus près la place de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans les grandes décisions du contentieux climatique français (B).
A- L’histoire parallèle des droits environnementaux et du contentieux climatique
Les années 1990 et 2000 sont à la fois le théâtre de la naissance du contentieux climatique et des droits environnementaux. Néanmoins, ces deux mouvements ont principalement évolué en parallèle, avec très peu de points de rencontre.
Le lien entre la protection de l’environnement et les droits de l’Homme a depuis longtemps été mis en avant9. La Cour européenne des droits de l’Homme a été pionnière dans ce domaine à partir, notamment, des arrêts Lopez Ostra et Guerra en 1994 et 199810. L’adoption de la convention d’Aarhus en 1998 marque aussi un tournant important. En reconnaissant, dans la lignée du principe 10 de la Déclaration de Rio, les droits à l’information, à la participation et à l’accès à la justice du public, elle s’inscrit tout autant dans le paysage du droit international de l’environnement que dans celui des droits de l’Homme. La Cour européenne des droits de l’homme ne s’y est d’ailleurs pas trompée, se référant à l’envie à cette convention au titre du « droit international pertinent »11. Par ailleurs, en garantissant de façon exigeante l’accès à la justice dans le domaine de l’environnement, l’article 9 de la convention d’Aarhus constitue finalement l’un des rares points de rencontre entre les droits de l’Homme et le contentieux de l’environnement, sinon climatique. La Charte de l’environnement adoptée en 2005 n’a pas transformé l’essai de ce point de vue, son article 7 ne portant que sur les seuls droits à l’information et à la participation. Néanmoins, en constitutionnalisant le droit de l’Homme à l’environnement, elle a en quelque sorte ponctué ce rapprochement entre les droits de l’Homme et l’environnement et, de notre point de vue, témoigné d’un mouvement de fondamentalisation des principes traditionnels du droit de l’environnement12.
Ce rapprochement entre les droits de l’Homme et l’environnement a récemment connu une étape supplémentaire lorsque le Conseil d’Etat a considéré le droit à l’environnement de l’article 1er de la Charte de l’environnement comme une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative13, y compris lorsque les enjeux ne concernent pas directement les intérêts des humains, en l’occurrence à propos de la chasse au lagopède alpin14. D’une certaine manière, c’est l’interdépendance entre les humains et la nature, telle qu’elle ressort des considérants qui précèdent la Charte de l’environnement, qui est ici prise en compte par le juge. Les droits « de l’Homme » ne sont finalement pas aussi anthropocentrés que d’aucun pourrait le penser, ils servent ici la protection de la valeur intrinsèque de la nature15.
En second lieu, le rapprochement entre les droits de l’Homme et l’environnement n’a pas immédiatement touché le domaine du contentieux climatique. Il s’est longtemps développé sans les droits de l’Homme. D’abord, contrairement à une idée reçue, le contentieux climatique n’est pas un phénomène récent. Nul besoin d’attendre l’affaire Grande Synthe pour en trouver trace dans le contentieux administratif français par exemple. En réalité il est né dans le courant des années 1990, dans le sillage de la ratification de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1994, dans le cadre de la contestation, classique, de l’autorisation de certains projets. Par exemple, le Conseil d’Etat constate, dans une décision du 4 mai 1998, que « l’étude d’impact jointe au dossier d’enquête publique comporte toutes les rubriques prévues par les dispositions précitées, à l’exception d’une étude sur les effets du projet sur le climat, dont le ministre de l’équipement fait valoir, sans être utilement contredit, qu’elle était sans objet »16. L’argument climatique est ainsi déjà présent dans le contentieux de l’environnement mais il n’est pas articulé autour des droits de l’Homme. Il est de toute façon systématiquement rejeté par le Conseil d’Etat à cette époque. Celui-ci refuse par exemple l’effet direct de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques17. Avec le temps, le contentieux climatique demeure un contentieux des grands projets d’infrastructures, déconnecté de la question des droits. Par exemple, l’argument climatique a été invoqué par des associations dans le cadre du contrôle de la déclaration d’utilité publique de l’autoroute A65 Langon-Pau. Dans un arrêt du 21 mai 2008, le Conseil d’Etat juge ainsi que « si les requérantes affirment que l’opération contribuera à accélérer les changements climatiques, (…), il ne ressort pas des pièces du dossier qu’eu égard aux précautions prises pour en limiter les effets, les inconvénients effectifs de cette opération puissent être regardés comme excessifs par rapport à l’intérêt qu’elle présente »18.
Il a ainsi fallu attendre la fin des années 2010 pour assister à une rencontre entre le contentieux climatique et les droits de l’Homme, principalement sur le terrain des droits environnementaux.
B- La place de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans les grandes décisions du contentieux climatique français
L’éclosion, aux yeux du grand public, du contentieux climatique date en France de l’année 2020 avec la première décision du Conseil d’Etat dans l’affaire Grande Synthe19. Plusieurs arguments fondés sur les droits de l’Homme ont été présentés dans cette affaire, sans succès. D’une part, s’agissant des articles 2 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme, le rapporteur public fait référence à la décision Urgenda et semble la considérer comme la manifestation d’une forme d’activisme judiciaire. Il relève par ailleurs que, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a violation ou non de la convention européenne, « c’est l’existence d’un effet néfaste sur la sphère privée ou familiale d’une personne, et non simplement la dégradation générale de l’environnement, qui permet de déterminer si, dans les circonstances d’une affaire, des atteintes à l’environnement ont emporté violation de l’un des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 8 »20. Finalement, la décision du Conseil d’État ne mentionne même pas cet argument. D’autre part, l’argument fondé sur le droit à l’environnement de l’article 1er de la Charte de l’environnement est rejeté par le rapporteur public, faute pour la requérante d’avoir correctement soutenu la méconnaissance de cet article21 et, là aussi, la décision du Conseil d’Etat n’en fait même pas mention. Les arguments fondés sur les droits de l’Homme n’ont donc eu aucun impact dans le cadre de l’affaire Grande Synthe.
S’agissant de l’affaire Oxfam, plus connue sous le nom d’affaire « du siècle », la situation est assez comparable22. Les articles 2 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme ont été invoqués par les associations requérantes mais ni les conclusions de la rapporteur publique, ni le jugement, n’y font la moindre référence. La situation est identique concernant l’invocation de l’article 1er de la Charte de l’environnement. L’argument est resté sans réponse, tout comme celui ayant pour objet de défendre l’existence d’un principe général du droit consistant dans le « droit de chacun de vivre dans un système climatique soutenable ». Là aussi, les arguments fondés sur les droits de l’Homme n’ont eu aucun impact sur l’issue de l’affaire.
Enfin, le droit à l’environnement a été invoqué devant le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle de la loi Climat et résilience en 2021 pour mettre en cause la capacité de cette loi à atteindre les objectifs climatiques de la France23. Le juge constitutionnel s’est ici contenté de répondre sèchement qu’« en tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’injonction à l’égard du législateur ». Une nouvelle fois, l’utilisation d’un argument fondé sur les droits de l’homme n’a produit aucun résultat.
Pourrait-il en aller différemment à l’avenir ? La probable subjectivisation de ce contentieux et l’émergence de la figure des « victimes climatiques » pourrait le laisser penser24. Il est évidemment difficile de le prévoir mais il y a, de notre point de vue, de quoi être sceptique, au moins pour deux raisons. D’une part parce que le contrôle des juges constitutionnel et administratif sur le respect du droit à l’environnement demeure assez souple. D’autre part parce que le juge administratif français a bien compris que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’environnement n’était opérationnelle qu’à partir d’un certain seuil de gravité des atteintes à l’environnement. En témoigne le fait que, dans l’ensemble du contentieux français de l’environnement, il n’existe à notre connaissance aucune décision qui ait déjà appliqué l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme par exemple.
In fine, l’analyse des grandes décisions du contentieux climatique français montre que l’utilisation de l’argument fondé sur les droits de l’Homme n’est, pour le moment, pas très fructueuse en matière climatique. Mais peut-on pour autant conclure à l’inefficacité pure et simple de ce type d’argument ? Cela serait de notre point de vue beaucoup trop rapide. Certes, on connaît l’importance des « grandes décisions » aux yeux de la doctrine juridique. Néanmoins, si celles-ci donnent le ton de la jurisprudence, elles ne résument pas pour autant l’ensemble du contentieux climatique, surtout si on l’envisage au-delà des frontières nationales. Pour répondre de façon plus rigoureuse à la question de l’influence de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le contentieux climatique, il convient de l’envisager de façon plus systématique.
II. L’intérêt du recours à une analyse systématique de la jurisprudence
La question de l’influence de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le contentieux climatique est de type empirique (A). Y répondre rigoureusement implique nécessairement de constituer des bases de données (B) et de mettre en œuvre une analyse systématique de la jurisprudence (C).
A- Une question empirique impliquant une adaptation des méthodes
Évaluer l’efficacité de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le cadre du contentieux climatique relève sans aucun doute du rôle des juristes universitaires. Il convient néanmoins d’être prudent et d’apporter ici quelques précisions et justifications. Pour s’en convaincre, il est possible de prendre comme point de départ la position de Michel Troper selon laquelle, au-delà de la description du droit positif, le juriste universitaire peut faire valoir son expertise juridique pour répondre à certains types de questions relevant de son champ. Michel Troper explique ainsi, en se basant sur les travaux d’Hans Kelsen, que « si [la science du droit] ne peut fixer à ceux qui créent le droit le contenu des normes juridiques qu’ils sont amenés à poser, c’est-à-dire qu’elle ne peut participer à la détermination des fins, elle peut néanmoins « déterminer les moyens spécifiquement juridiques utilisables pour les fins poursuivies par les créateurs du droit, mettre à leur disposition des formes qu’ils pourront ensuite employer » »25. Le juriste pourrait donc se prononcer sur les moyens juridiques nécessaires pour parvenir à tel ou tel objectif. Michel Troper donne l’exemple suivant : « pour obtenir un équilibre des pouvoirs, il faut confier le pouvoir législatif à plusieurs organes qui l’exerceront conjointement »26. Dans le cas du contentieux climatique, le juriste universitaire serait en mesure d’établir que l’argument fondé sur les droits de l’Homme est, ou n’est pas, utile pour obtenir satisfaction devant le juge.
Il importe néanmoins, de notre point de vue, de faire preuve de davantage de prudence. En effet, affirmer que l’argument fondé sur les droits de l’Homme est utile pour obtenir une victoire contentieuse comporte, implicitement, une inférence causale : la mobilisation de l’argument causerait la victoire. Or, les méthodes traditionnellement utilisées par les juristes, principalement dans le cadre d’une approche doctrinale du droit, ne sont pas aptes à établir, scientifiquement, une inférence causale27. Il faudrait pour cela s’engager dans une démarche empirique28, en l’occurrence par l’observation systématique du contentieux climatique. Cela permettrait alors d’analyser statistiquement le lien entre la présence d’un argument fondé sur les droits de l’Homme et le succès ou l’échec de l’action en justice.
B- La constitution de bases de données de jurisprudence
La réalisation d’une telle étude impose de recourir à la méthode de l’analyse systématique de jurisprudence (systematic case law analysis)29. Celle-ci consiste à collecter et analyser un corpus de décisions de justice selon des critères explicites et reproductibles dans le but d’en dégager des tendances, plutôt que de s’appuyer seulement sur des choix de jurisprudence illustratifs. Le caractère systématique de cette approche implique soit l’analyse de données exhaustives, c’est-à-dire l’intégralité des décisions de jurisprudence rendues dans un domaine donné, par l’ensemble des degrés de juridiction, soit l’analyse d’un échantillon rigoureusement déterminé, idéalement par tirage au sort.
Peu importe le type d’approche systématique choisie, exhaustivité ou échantillonnage, ce type d’étude implique de collecter une quantité, souvent importante, de données. En l’occurrence, il s’agit des décisions de justice rendues en matière de climat. La Law School de l’Université de Columbia aux Etats-Unis a pris l’initiative de constituer une telle base de données sur le contentieux climatique30. Regroupant plus de 3000 affaires, c’est la base de données la plus importante dans ce domaine. Son formulaire de recherche permet d’identifier les contentieux initiés contre l’État dans lesquels les droits de l’Homme sont invoqués.
Pour autant, cette base de données demeure de faible valeur sur le plan scientifique. La méthode utilisée pour la collecte et l’annotation des données est peu développée31. La collecte des décisions de justice est effectuée sur une base collaborative, par des bénévoles, sans garantie ni même recherche d’exhaustivité. Son utilisation n’offre donc aucune garantie de systématicité. L’annotation des décisions est assez pauvre. Elle ne permet pas de connaître le sens de la décision de justice, ni si elle est in fine favorable ou non au climat. Autrement dit, son utilisation requiert la réalisation d’annotations supplémentaires, ce qui implique de télécharger, de lire et de coder les décisions une par une. Ainsi, pour évaluer le caractère décisif de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le contentieux climatique, il faudrait a minima déterminer au cas par cas la présence d’un tel argument ainsi que le sens de la décision et son caractère favorable ou non.
Ce travail a été réalisé par les chercheurs du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment de la London School of Economics32, mais seulement à propos des décisions rendues par les cours suprêmes et sans comparer les contentieux fondés sur les droits de l’Homme aux autres types de contentieux. Il en ressort qu’entre 2015 et 2024, sur les 99 affaires dans lesquelles les droits de l’Homme étaient invoqués, 41 % sont considérées comme ayant renforcé l’action en faveur du climat. Cette analyse est bien sûr intéressante mais elle demeure très partielle et demande dès lors à être complétée (voir infra).
C- L’apport de l’analyse systématique de jurisprudence
La constitution d’une base de données la plus complète possible est une condition indispensable à l’analyse systématique du contentieux climatique. Il faut de ce point de vue noter la différence fondamentale qui peut exister entre une approche systématique et une « systématisation » telle qu’elle est pratiquée dans le cadre d’une approche doctrinale classique. Alors que la systématisation poursuit un objectif de mise en cohérence et de simplification de la réalité juridique, l’analyse systématique de jurisprudence a pour objectif de la modéliser pour rendre compte de sa réalité. Dans ce cadre, la simplification du réel n’est qu’une étape intermédiaire vers sa représentation la plus sophistiquée possible33. La systématisation conduit à une essentialisation alors que l’analyse systématique et la modélisation cherchent à représenter la complexité. Elles produisent des résultats partiels et simplificateur mais tournés vers un approfondissement progressif de la connaissance.
L’analyse systématique de jurisprudence constitue une forme basique de modélisation de la réalité juridique. Elle vise en particulier à établir des tendances statistiques, autrement dit à résumer, à travers des indicateurs quantitatifs, l’objet juridique étudié. Elle permet, par l’observation, d’améliorer la compréhension du réel.
Concrètement, ce type d’analyse a pour point de départ la lecture et le codage, une par une, de l’ensemble des décisions de justice qui composent l’échantillon retenu. Cela prend la forme d’un tableur où chaque ligne correspond à une décision de justice et où chaque colonne représente une variable d’intérêt. Par exemple, pour chaque décision, une colonne sera prévue pour en consigner la date, d’autres pour le nom du requérant, du défendeur, les textes invoqués, la présence de tel ou tel type de raisonnement, le succès ou l’échec de l’action, etc. Les possibilités sont ici infinies, à ceci près que ces opérations d’annotation/codage des décisions de justice sont particulièrement fastidieuses. Néanmoins, c’est sur la base d’un tel tableau qu’il devient possible de décrire statistiquement l’échantillon et de dégager des grandes tendances34.
Figure 2 : Exemple d’analyse systématique de jurisprudence concernant le contentieux administratif du loup en France entre 1997 et 2019 (diagramme de Sankey extrait de G. Chapron et al, 202235)
III. Premiers constats empiriques : l’absence d’effet mesurable de l’argument fondé sur les droits de l’Homme
L’analyse systématique de jurisprudence constitue une méthode idoine pour élucider la question de l’efficacité de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le contentieux climatique. Elle permet de mettre en œuvre plusieurs types d’analyses statistiques, plus ou moins sophistiquées. L’analyse binaire de dépendance entre variables menée ici tend à montrer l’absence d’influence de l’argument fondé sur les droits de l’Homme (A) mais, sous réserve de collecter davantage de données, une analyse multivariée par régression permettrait d’isoler l’effet propre de ce type d’argument (B).
A- L’absence d’effet détectable de l’argumentation fondée sur les droits de l’Homme (analyse binaire de dépendance entre variables)
Une première stratégie de recherche empirique consiste à examiner, à partir d’une base de données, la proportion de décisions de justice ayant une influence positive sur la politique climatique dans les cas où l’argument fondé sur les droits de l’Homme est soulevé, puis de le comparer à cette même proportion dans les cas où il ne l’est pas en utilisant des tests statistiques. Une différence statistiquement significative entre ces deux taux serait le signe que l’invocation des droits de l’Homme exerce un effet mesurable sur les chances d’obtenir des décisions de justice ayant une influence positive sur la politique climatique. Cela suggèrerait que cet argument pourrait en constituer un facteur explicatif, au moins partiel.
Cette stratégie de recherche implique le codage, pour chaque décision de justice, de deux variables :
- Un argument fondé sur les droits de l’Homme est-il soulevé dans l’affaire ?
- La décision de justice obtenue conduit-elle à une amélioration de la politique climatique ?
Ces deux variables ne sont pas codées dans la base de données constituée par le Sabin Center de l’université de Colombia mais ce travail a été réalisé par le Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment de la London School of Economics dans le cadre de la réalisation de leur rapport annuel sur les tendances du contentieux climatique36. L’accès à leur base de données permet ainsi de mener cette analyse37.
Il faut néanmoins mentionner deux limites importantes de ces données. D’une part, elles ne concernent que les décisions des cours suprêmes et, d’autre part, elles ne permettent pas d’inclure le contentieux climatique états-uniens38. L’analyse porte donc uniquement sur le contentieux tranché par les seuls cours suprêmes, en dehors des Etats-Unis. S’agissant des décisions des cours suprêmes, on peut faire l’hypothèse que la base de données est relativement complète, ces décisions étant en général publiées et dotées d’un écho relativement important mais, comme on l’a dit, la base de données du Sabin Center ne présente aucune garantie d’exhaustivité, même lorsqu’on restreint son champ sur ce type de décisions.
Sur le plan statistique, il s’agit de procéder à une analyse bivariée consistant à comparer les proportions d’affaires ayant abouti à un impact positif pour la politique climatique39 selon que les requérants invoquent ou non les droits de l’Homme. La comparaison repose sur un tableau de contingence 2×2 et sur les tests statistiques dits du « Chi2 » et « exact de Fisher ».
| Présence d’un argument fondé sur les droits de l’Homme | Pas d’amélioration | Amélioration de la politique climatique |
| Non | 36 | 36 |
| Oui | 49 | 38 |
Figure 3 : tableau de contingence (effectifs)
Lorsque les droits de l’Homme sont invoqués, 43,68 % des affaires aboutissent à une amélioration de la politique climatique. Dans le cas contraire, lorsqu’ils ne sont pas invoqués, ce taux est de 50 %.
Figure 4 : Taux d’impact positif pour les politiques climatiques en fonction de l’invocation des droits de l’Homme (diagramme en barres)
A première vue, il existe une différence tangible entre ces deux taux. Mais est-elle statistiquement significative ou s’explique-t-elle seulement par le hasard ? L’application des deux types de tests statistiques montre que cette différence n’est pas statistiquement significative, la valeur de « p » étant très largement supérieure au seuil conventionnel de 0.05.
|
Test du Chi2 |
0.404 |
|
p-value (Chi2) |
0.525 |
|
Test exact de Fisher (odds ratio) |
0.776 |
|
p-value (Fisher) |
0.523 |
Figure 5 : Résultats des tests statistiques
Ces résultats ne permettent donc pas de rejeter l’hypothèse dite « nulle » selon laquelle l’invocation des droits de l’Homme n’a aucun effet sur les chances d’obtenir des décisions de justice ayant une influence positive sur la politique climatique.
En définitive, cette première analyse bivariée suggère que l’invocation des droits de l’Homme ne produit pas d’effet mesurable sur l’amélioration des politiques climatiques résultant des décisions de justice. Toutefois, cette approche présente d’importantes limites. D’abord, l’échantillon disponible, outre qu’il n’est ni exhaustif, ni aléatoire, demeure relativement restreint, ce qui réduit la puissance statistique des tests utilisés et accroît le risque de ne pas détecter un effet pourtant réel. Ensuite, l’absence de significativité ne peut pas être interprétée comme la preuve absolue d’une absence d’effet : elle signifie simplement que, compte tenu des données actuellement disponibles, aucune différence statistiquement démontrable ne peut être établie entre les deux groupes étudiés. Enfin, ce type d’analyse ne contrôle aucun facteur de confusion et ne permet donc pas d’inférer un effet causal, ni même d’isoler l’effet propre de l’argumentation fondée sur les droits de l’Homme. Il faudrait pouvoir intégrer à l’analyse d’autres variables, susceptibles d’influencer simultanément l’usage de l’argumentation fondée sur les droits et le résultat du litige. C’est tout l’intérêt de l’analyse multivariée.
B- L’intérêt de l’analyse multivariée par régression pour prendre en compte de possibles facteurs confondants
L’usage d’une stratégie de modélisation multivariée permet d’isoler, toutes choses égales par ailleurs, l’effet propre de l’invocation des droits de l’Homme, en contrôlant simultanément l’influence d’un ensemble de variables de confusion préalablement identifiées.
Une régression multivariée se présente comme une modélisation, sous la forme d’une équation. La variable dépendante Y, que l’on cherche à expliquer, résulte de la combinaison de n variables indépendantes X, c’est-à-dire les facteurs explicatifs potentiels. L’équation d’un modèle de régression multivariée se présente de la façon suivante :
Y = β0 + β1 X1 + β2 X2 + ⋯ + βn Xn + ε
β0 est l’intercept, c’est-à-dire la valeur de Y lorsque toutes les variables indépendantes sont nulles. β1, β2, …, βn sont les coefficients de régression : ils mesurent l’effet de chaque variable indépendante X sur la variable dépendante Y. Enfin, epsilon (ε) est l’erreur résiduelle, c’est-à-dire la part de Y non expliquée par les variables X.
Ce type de modélisation peut être représentée graphiquement de la façon suivante. Il s’agit d’évaluer statistiquement le poids de chaque facteur d’explication possible de la variable Y.

Figure 6 : Représentation schématique d’un modèle de régression multivariée
Mener ce type d’analyse dans le but d’examiner l’efficacité de l’argument fondé sur les droits de l’Homme dans le contentieux climatique implique évidemment de recenser l’ensemble des autres variables susceptibles d’expliquer qu’une décision de justice soit susceptible d’avoir pour effet d’améliorer la politique climatique. Il est par exemple possible de penser aux autres types de normes juridiques invoquées (droit de l’Union européenne, normes constitutionnelles, etc.), à l’objet du recours (annulation, responsabilité, etc.), au type de juridiction (civile, pénale, administrative, constitutionnelle), au niveau de juridiction (première instance, appel, cassation), à la qualité du requérant ou encore du défendeur, à la représentation du requérant par un avocat ou non, à la qualité de l’argumentation scientifique, à l’importance des dommages liés à l’affaire, à l’écart entre le niveau des émissions de gaz à effet de serre de l’État et ses obligations internationales, et de la même manière s’agissant des entreprises, etc. Tout élément susceptible d’expliquer l’impact positif d’une décision de justice en termes d’amélioration de la politique climatique entre dans l’équation du modèle.
La régression multivariée permet d’estimer l’effet propre de chaque variable indépendante (X) sur la variable dépendante (Y), en contrôlant l’influence des autres variables du modèle. Chaque coefficient β indique de combien Y varie en moyenne lorsque X augmente d’une unité, toutes choses égales par ailleurs. À chaque variable indépendante est associée une valeur de p (p-value). Par convention, une valeur de p inférieure à 0,05 indique que l’effet estimé de la variable est statistiquement significatif, c’est-à-dire qu’il y a moins de 5 % de probabilité que cet effet soit dû au hasard. Enfin, le coefficient de détermination (R²) mesure la proportion de la variance de Y expliquée par l’ensemble des variables indépendantes. Plus R² est proche de 1, plus le modèle rend compte de la variabilité observée de Y.
En définitive, la régression multivariée permettrait de quantifier de façon rigoureuse l’effet propre de l’invocation des droits de l’Homme dans le contentieux climatique, en tenant compte de la complexité et de la pluralité des facteurs susceptibles d’influencer la décision du juge. Néanmoins, la mise en œuvre de ce type d’étude représente un travail relativement fastidieux. Cela impliquerait de collecter des décisions de justice à grande échelle et, surtout, de les annoter une par une selon une bonne dizaine de variables. A raison, par exemple, de 1000 décisions et de 12 variables, le chercheur devrait ainsi extraire 12 000 informations une par une avant d’entreprendre la moindre analyse statistique. C’est la raison pour laquelle la recherche s’oriente aujourd’hui vers l’utilisation des large language models (LLM) pour réaliser automatiquement ce type de tâche40.
Conclusion
En attendant de pouvoir mener une analyse plus complète du contentieux climatique, quelques éléments de réponse peuvent néanmoins être avancés. Au niveau français, le constat est relativement clair : le faible nombre de décisions rendues a permis de les examiner individuellement et montre sans ambiguïté que l’argument fondé sur les droits de l’Homme est largement ignoré, voire méprisé, par les juridictions. A un niveau plus global, les données disponibles, largement insuffisantes, suggèrent néanmoins que l’argument fondé sur les droits de l’Homme n’est pas déterminant quant aux chances d’obtenir des décisions de justice exerçant une influence positive sur la politique climatique.
Une autre piste de recherche consisterait à aller au-delà de la seule efficacité contentieuse pour s’interroger sur l’impact réel de ces arguments sur la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre des États visés par ces contentieux. Benoît Mayer a déjà exprimé son scepticisme à cet égard, mais son étude présente d’importantes limites méthodologiques41. Aucune recherche empirique rigoureuse n’a encore permis de mesurer l’effet du contentieux climatique – qu’il mobilise ou non les droits de l’Homme – sur les émissions de gaz à effet de serre. À ce jour, une seule étude s’est penchée sur l’impact du contentieux climatique, mais c’est en regardant uniquement son effet sur la valeur boursière des entreprises visées, sans aborder les effets environnementaux concrets42. Ce champ de recherche reste donc largement ouvert.
1 Voir Margaretha Wewerinke-Singh et Ashleigh McCoach, « The State of the Netherlands v Urgenda Foundation: Distilling best practice and lessons learnt for future rights-based climate litigation », RECIEL. 2021;30:275–283.
2 Avant cela il faut citer la décision Leghari contre Pakistan de 2018 (à cet égard, voir César Rodríguez-Garavito, Climate Change on Trial – Mobilizing Human Rights Litigation to Accelerate Climate Action, Cambridge University Press, 2025, p. 62).
3 Pour une approche doctrinale et comparative, voir Christel Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, DICE Éditions, 2020 ; Francesco Sindico (dir.), Research Handbook on Climate Change Litigation, Edward Elgar Publishing, 2024.
4 Un auteur a proposé une étude empirique de ce phénomène : voir César Rodríguez-Garavito, Climate Change on Trial – Mobilizing Human Rights Litigation to Accelerate Climate Action, Cambridge University Press, 2025, p. 32 s.
5 Cet essoufflement est confirmé par des données produites récemment concernant les affaires tranchées par les cours suprêmes (apex courts), en net recul depuis 2021 (voir Setzer J. and Higham C. (2025) Global Trends in Climate Change Litigation: 2025 Snapshot. London: Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment, London School of Economics and Political Science, Figure 1.6, p. 21).
6 Ce graphique a été réalisé en réunissant des données issues de deux bases existantes. Les données concernant l’ensemble des contentieux climatiques ont été extraites en sélectionnant les décisions dans la base de données The Climate Litigation Database produite par le Sabin Center de l’Université de Columbia (https://www.climatecasechart.com/). Les données concernant les contentieux climatiques fondés sur les droits de l’Homme ont été extraites de la base de données Climate Law Accelerator produite par la New York University (https://clxtoolkit.com/map/). Cette base de données regroupe uniquement les affaires dans lesquelles les mots « rights » et « climate change » sont présents soit dans les écritures des parties soit dans la décision juridictionnelle.
7 CEDH, 9 avril 2024, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, n° 53600/20, § 544-545 : « le champ de la protection assurée par l’article 8 de la Convention s’étend aux effets négatifs que des dommages ou risques de dommages environnementaux d’origines diverses entraînent sur la santé, le bien‑être et la qualité de vie des personnes. De même, la Cour déduit de l’article 8 l’existence d’un droit pour les individus de bénéficier de la protection effective des autorités de l’État contre les effets négatifs graves sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie qui résultent des conséquences et risques néfastes liés au changement climatique (…). En conséquence, l’obligation que l’article 8 impose à l’État est d’accomplir sa part afin d’assurer cette protection. À cet égard, le devoir primordial de l’État est d’adopter, et d’appliquer effectivement et concrètement, une réglementation et des mesures aptes à atténuer les effets actuels et futurs, potentiellement irréversibles, du changement climatique. Cette obligation découle du lien de causalité existant entre le changement climatique et la jouissance des droits garantis par la Convention, (…) et du fait que l’objet et le but de la Convention, instrument de protection des droits de l’homme, appellent à interpréter et appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les garanties concrètes et effectives, et non pas théoriques et illusoires » ; CIJ, 23 juillet 2025, Obligations des États en matière de changement climatique, n° 187, § 403 : « pour garantir la jouissance effective des droits de l’homme, les États doivent prendre des mesures pour protéger le système climatique et d’autres composantes de l’environnement. Ces mesures peuvent se traduire par des mesures d’atténuation et d’adaptation, compte dûment tenu de la protection des droits de l’homme, l’adoption de normes et de lois, et la réglementation des activités des acteurs privés ».
8 Voir Julien Bétaille et Guillaume Chapron, « KlimaSeniorinnen case: climate change legal scholarship needs empiricism, not hype », 2025, PLOS Climate 4(3): e0000589.
9 Voir notamment l’œuvre pionnière de Michel Prieur dans ce domaine (pour un aperçu voir Michel Prieur, Droit de l’environnement, droit durable, Bruylant, 2014).
10 CEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne ; JDI, 1995, p. 798, obs. Paul Tavernier ; 19 février 1998, Guerra c. Italie ; REDE, 1998, p. 319, note Jean-Pierre Marguénaud ; Jean-Pierre Marguénaud, « Droit de l’homme à l’environnement et Cour européenne des droits de l’homme », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2003, p. 18 ; Frédéric Sudre et al., Droit européen et international des droits de l’homme, 17ème éd., Classiques, PUF, 2025.
11 Voir par exemple CEDH, 10 novembre 2004, Taskin et a. c. Turquie, n° 46117/99 ; AJDA, 2005, p. 549, obs. Jean-François Flauss ; 27 janvier 2009, Tatar c. Roumanie ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 62, note Jean-Pierre Marguénaud.
12 Michel Prieur et al., Droit de l’environnement, 9ème éd., Précis, Dalloz, 2023, n° 124.
13 CE, 20 septembre 2022, n° 451129.
14 CE, 18 octobre 2024, Comité écologique ariégeois, n° 498433
15 Voir Julien Bétaille, « A Human’s Liberty to Protect Wild Animals – Challenging Nature Rights Dogmas and Renewing of European Environmental Legal Culture », Environmental Law Network International Review, Vol. 24, 2024, p. 21.
16 CE, 4 mai 1998, Collectif Alternative Pyrénéenne à l’axe européen, n° 175723.
17 Par exemple, dans un arrêt du 25 mai 1998, il considère, sans même se prononcer sur l’effet direct de la convention, considère que « le comité requérant n’apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles la construction de l’autoroute projetée empêcherait la France d’atteindre (l)es objectifs » issus de la convention (CE, 25 mai 1998, Comité Somport d’opposition totale à l’autoroute Caen-Rennes, n° 159385 ; LPA, 1999, n° 115, p. 7, chron. Jacqueline Morand-Deviller). La même position sera reprise un an plus tard : CE, 9 juin 1999, Commune de Liffre et association Verts pour une alternative à l’autoroute des estuaires, n° 162034.
18 CE, 21 mai 2008, Fédération SEPANSO, n° 301688 ; Droit administratif, 2008, n° 7, p. 27, note Éric Naim-Gesbert.
19 CE, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, n° 427301, AJDA 2021. 217, note Hubert Delzangles ; CE 1er juillet 2020, Commune de Grande-Synthe, n° 427301 ; Hubert Delzangles, « Le “contrôle de la trajectoire” et la carence de l’État français à lutter contre les changements climatiques. Retour sur les décisions “Grande-Synthe” en passant par “l’Affaire du siècle” », AJDA, 2021, p. 2115.
20 Conclusions de Stéphane Hoynck sur CE, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, n° 427301, p. 9.
21 Conclusions de Stéphane Hoynck sur CE, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, n° 427301, p. 7 : « s’agissant de l’article 1er, une telle médiation n’est pas prévue par le texte, mais comme vous l’avez jugé par une décision du 26 février 2014, Ass. Ban Abestos France et autres, n° 351514, aux T. , il appartient aux autorités administratives de veiller au respect du principe énoncé par cet article lorsqu’elles sont appelées à préciser les modalités de mise en œuvre d’une loi définissant le cadre de la protection de la population contre les risques que l’environnement peut faire courir à la santé, et il incombe au juge administratif de vérifier, au vu de l’argumentation dont il est saisi, si les mesures prises pour l’application de la loi, dans la mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n’ont pas elles-mêmes méconnu ce principe. En l’espèce, la loi est intervenue pour prévoir un régime de limitation des émissions de GES, comme nous l’indiquerons plus en détail par la suite. Il n’est pas soutenu que ce régime législatif méconnaîtrait lui-même les principes constitutionnels de la charte qui sont invoqués. Dans ces conditions vous ne pourrez que constater que les moyens sont inopérants ».
22 TA Paris, 3 février 2021, Association Oxfam et al., n° 1904967, 1904972 et 1904976/4-1, AJDA, 2021, p. 2228, note Julien Bétaille ; 14 octobre 2021, Association Oxfam et al., n° 1904967, 1904972 et 1904976/4-1.
23 CC, n° 2021-825 DC du 13 août 2021, Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; EEI, n° 7, 2022, p. 25, chron. Laurent Fonbaustier.
24 Voir Christel Cournil, « Les « victimes climatiques » au prétoire : premiers traits d’une catégorie émergente », La Pensée écologique, 2023, 10(1), 4-15.
25 Michel Troper, « Les topographes du droit – A propos de l’argumentation anti-mariage gay : que savent les professeurs de droit ? », Grief, n° 1, 2014, p. 71.
26 Michel Troper, Ibidem, p. 72
27 Voir Julien Bétaille, Réflexions épistémologiques sur la connaissance du droit de l’environnement : De la dogmatique juridique à l’empirisme méthodologique, thèse d’habilitation, droit, Toulouse, 2025, n° 108 s..
28 Sur l’empirisme méthodologique, voir Julien Bétaille, Réflexions épistémologiques sur la connaissance du droit de l’environnement : De la dogmatique juridique à l’empirisme méthodologique, thèse d’habilitation, droit, Toulouse, 2025, n° 88.
29 Voir notamment Paul Verbruggen et Lianne Wijntjens, « Methodological Accountability in Systematic Case Law Analysis: Insights from an Empirical Analysis in the Netherlands », EJELS 2(1)(2025).
30 Voir Sabin Center, Climate Litigation Database 2025 : https://www.climatecasechart.com.
31 Voir les éléments présentés sur le site de cette base de données : https://www.climatecasechart.com/methodology.
32 Voir Setzer J. and Higham C. (2025) Global Trends in Climate Change Litigation: 2025 Snapshot. London: Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment, London School of Economics and Political Science, p. 24.
33 Sur cette distinction, voir Julien Bétaille, Réflexions épistémologiques sur la connaissance du droit de l’environnement : De la dogmatique juridique à l’empirisme méthodologique, thèse d’habilitation, droit, Toulouse, 2025, n° 153.
34 Voir par exemple le travail réalisé à propos du contentieux administratif du loup : Guillaume Chapron, Julien Bétaille et Gavin Marfaing, « Patterns of litigation in France during two decades of recovery of a large carnivore », Preprint, octobre 2022 : https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.10.11.511781v1
35 Extrait de Guillaume Chapron, Julien Bétaille et Gavin Marfaing, « Patterns of litigation in France during two decades of recovery of a large carnivore », Preprint, octobre 2022.
36 Voir Setzer J. and Higham C. (2025) Global Trends in Climate Change Litigation: 2025 Snapshot. London: Grantham Research Institute.
37 Nous tenons à remercier les auteurs de cette base de données de l’avoir mise à notre disposition pour réaliser ces analyses, en particulier Emily Bradeen, Tiffanie Chan, Joana Setzer et Catherine Higham.
38 Le codage des données concernant les affaires états-uniennes est incomplet, le taux de données manquantes étant supérieur à 70 %.
39 Le jeu de données que nous avons pu exploiter ne comprend pas de dictionnaire des variables. On peut néanmoins faire l’hypothèse que cette variable correspond aux décisions de justice qui tranchent en faveur de demandes visant à améliorer la politique climatique. Par exemple, si une entreprise émettant beaucoup de gaz à effet de serre est condamnée, sur le plan civil ou pénal, cela aura probablement un effet positif sur sa politique interne et, indirectement, aura un effet dissuasif vis-à-vis des autres entreprises du secteur. De la même manière, lorsqu’une décision administrative préjudiciable au climat est annulée, cela produit théoriquement un effet positif en termes de politique climatique. Il en va de même lorsque la responsabilité de l’Etat est engagée en raison de l’insuffisance de sa politique climatique.
40 Voir Farid Ariai, Joel Mackenzie et Gianluca Demartini, « Natural Language Processing for the Legal Domain: A Survey of Tasks, Datasets, Models, and Challenges », ACM Comput. Surv. 1, 1 (July 2025) : https://arxiv.org/abs/2410.21306
41 Benoit Mayer, « The Contribution of Urgenda to the Mitigation of Climate Change », Journal of Environmental Law, 2023, 35, 167–184.
42 Voir Sato, M., Gostlow, G., Higham, C. et al. Impacts of climate litigation on firm value. Nat Sustain 7, 1461–1468 (2024).


