Les MARD (modes alternatifs de résolution des différends) au prisme des droits fondamentaux substantiels
La loi pour la justice du XXIème siècle a renforcé le recours aux MARD (modes alternatifs de résolution des différends) en incitant, voire en obligeant les parties à les utiliser pour tenter d’aplanir un nombre croissant de différends. Si la prise en compte des droits fondamentaux processuels par les MARD ne fait plus guère de doute, la question se pose néanmoins de savoir quel niveau de garantie ces processus accordent aux droit fondamentaux substantiels des parties qui les mobilisent.
Par Romain DUMAS, Maître de conférences HDR en Droit privé à l’Université de Limoges et Directeur adjoint du CREOP (Centre de Recherche sur l’Entreprise, les Organisations et le Patrimoine ; EA 4332)
Introduction
1.-Les alternatives à la saisine du juge connaissent un véritable essor afin de résoudre un nombre croissant de différends. Ce mouvement constitue davantage qu’un simple effet de mode car il perdure en France depuis plus de deux décennies[1]. En outre, il a connu une accélération certaine sous l’effet combiné de deux réformes, l’une assez timorée, à savoir le décret de 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, et l’autre plus ambitieuse, en l’occurrence la loi pour la Justice du XXIème siècle, dite loi J-21[2]. Cette dernière consacre une conception extensive des modes alternatifs de résolution des différends (MARD). En effet, elle les appréhende comme toute alternative à la saisine d’une juridiction étatique et ce, qu’il s’agisse de techniques purement amiables de résolution des différends[3], voire de certains modes juridictionnels[4].
2.-Ainsi, les MARD se déploient sous le signe du pluralisme. Certains sont orchestrés par un tiers, tantôt détenteur d’un pouvoir juridictionnel lui permettant de trancher le litige entre les parties en disant le Droit[5], tantôt jouant le rôle d’un pacificateur, œuvrant au rapprochement des parties[6]. D’autres reposeront au contraire sur une confrontation directe entre les parties, conduites à effectuer des concessions réciproques[7], formalisées dans un contrat, ou à négocier un accord avec l’assistance obligatoire de leurs avocats respectifs[8]. Enfin, si certains MARD présentent une nature judiciaire, leur mise en œuvre étant préconisée ou prescrite par le juge, d’autres ont une essence purement conventionnelle[9].
3.-Le développement des MARD tient à leur capacité à satisfaire l’intérêt des pouvoirs publics et des parties, même si celui-ci présentera une nature très différente dans l’un et l’autre cas. D’un côté, les MARD illustreraient donc la volonté des pouvoirs publics de lutter contre l’encombrement des prétoires et les délais déraisonnables de procédure en incitant, voire en obligeant, les litigants à explorer d’autres méthodes que la seule voie judiciaire pour tenter d’aplanir leurs différends[10]. D’un autre côté, leur développement démontre que les parties sont de plus en plus désireuses de jouer un rôle actif dans la résolution de leurs différends. De parties passives devant la justice étatique, elles aspirent donc à devenir d’actives actrices de la résolution de celui-ci[11].
4.-Face au développement de la résolution des différends hors des prétoires, se pose inévitablement la question de la place accordée aux droits et libertés fondamentaux dans de tels processus. En effet, les MARD constituent-ils une terre irriguée par de telles prérogatives ou demeurent-ils au contraire un territoire assez aride en la matière ?
5.-Certes, une telle problématique n’est pas nouvelle. Or, elle a très souvent été abordée sous l’angle des seuls droits fondamentaux processuels. En effet, la plupart des MARD a été conçue tel un processus structuré, de nature à aplanir un différend et permettre aux parties de parvenir à un accord. Afin de tenter d’aboutir au résultat le plus légitime possible, il est donc logique que les MARD soient organisés autour de la prise en compte d’un certain nombre de grands principes procéduraux[12]. Une doctrine majoritaire estime donc que les MARD, juridictionnels comme amiables, doivent se dérouler dans le respect de plusieurs garanties processuelles fondamentales, énoncées en particulier à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (Convention EDH)[13], relatif au procès équitable. Cette disposition offre notamment des garanties quant aux qualités attendues du tiers chargé, le cas échéant, d’animer le MARD et au bon déroulement de celui-ci. Quant au tiers, celui-ci se doit notamment d’être indépendant et impartial au cours de sa mission et de garantir l’égalité des armes entre les personnes désireuses d’utiliser cette voie d’apaisement, en dépit de leur situation conflictuelle. Quant au déroulement du MARD, celui-ci devra ménager en particulier une garantie processuelle fondamentale : le principe du contradictoire entre les parties[14].
6.- Toutefois, au-delà de la nécessaire prise en compte des droits fondamentaux processuels par les MARD[15], la question peut également se poser de savoir si, à l’heure actuelle, ceux-ci prennent également en considération les Droits et libertés fondamentaux substantiels des parties et, en cas de réponse positive, s’ils les prennent suffisamment en compte. Ces interrogations présentent une particulière importance car la loi J-21 tend de plus en plus à les imposer comme une voie incontournable de résolution d’un nombre significatif de différends[16].
8.-D’emblée, il apparaît que les MARD, dans leur acception large, ne sauraient rester totalement insensibles aux droits fondamentaux substantiels des parties qui les emploient. En effet, ces processus possèdent une origine conventionnelle en ce que leur mise en œuvre résulte de la volonté des parties, laquelle sera formalisée dans une convention. Dès lors, une première liberté fondamentale, la liberté contractuelle, trouve donc à s’appliquer en la matière. En outre, un principe transversal à tous les MARD, la confidentialité, peut être appréhendé comme une condition favorable, voire essentielle, de la réalisation effective d’au moins deux autres droits fondamentaux substantiels des parties : le droit au respect de leur vie privée, familiale et interne ainsi que leur liberté d’expression. Par conséquent, de par leur organisation même, les MARD ne sauraient rester hermétiques aux droits fondamentaux substantiels. En outre, étant donné leur fonction de règlement juridictionnel ou amiable d’un différend, ils peuvent également avoir vocation à constituer des techniques de résolution des atteintes aux droits et libertés fondamentaux alléguées par l’une des parties et dont l’autre serait à l’origine, même si les résultats engrangés par ce biais pourront apparaître limités.
9.-En définitive, la relation entretenue entre les Droits et libertés fondamentaux substantiels des parties et les MARD se situe à un double niveau. D’une part, les MARD constituent une technique de prise en compte intrinsèque des prérogatives substantielles des parties (I.). D’autre part, ces processus peuvent constituer des méthodes, certes imparfaites, de lutte contre les atteintes aux droits fondamentaux subies par les parties et justifiant leur utilisation (II.).
I. Les MARD : techniques de prise en compte intrinsèque des droits fondamentaux substantiels des parties
10.-Deux manifestations de cette orientation des MARD peuvent être relevées. D’une part, et de manière transversale, tous les MARD présentent une origine contractuelle. Par conséquent, plusieurs étapes de leur déroulement seront marquées par la mise en œuvre de la liberté contractuelle des parties qui consentent à les utiliser (A.). En outre, un principe d’organisation commun à tous les MARD, la confidentialité, offre d’intéressantes potentialités dans la prise en compte d’autres droits fondamentaux substantiels des parties (B.).
A. La liberté contractuelle des protagonistes des MARD
11.-Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que la liberté contractuelle figure au rang des droits et libertés fondamentaux de valeur constitutionnelle.
Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel l’ont expressément reconnu, en se fondant notamment sur l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen[17].
Or, cette liberté constitue le fondement de tous les MARD puisque tous ont une origine contractuelle[18]. Concrètement, la liberté contractuelle des parties se manifestera à deux niveaux. En premier lieu, celles-ci auront le libre choix de recourir à un MARD, lequel sera alors formalisé dans une convention. Ce libre choix se prolongera parfois quant à la désignation du ou des tiers qui interviendront pour animer le MARD (1.). En second lieu, si une solution a pu émerger du MARD mobilisé, celle-ci pourra alors être formalisée dans un accord contractuel (2.).
1. Le libre choix de recourir aux MARD
12.-Dans la plupart des cas, le choix des parties d’utiliser un MARD s’exprime par le biais d’une convention, à laquelle elles devront librement consentir[19].
13.-En matière d’arbitrage interne ou international, la convention utilisée consistera en une clause compromissoire ou en un compromis d’arbitrage[20]. La clause compromissoire figure en général dans un contrat principal établi entre les parties et ce, avant la naissance de tout litige entre elles, mais en vue de couvrir cette hypothèse[21]. Le champ d’application de cette clause a été considérablement élargi par la loi J 21[22]. En effet, l’article 2061 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi J 21, ne permettait son usage que « dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle », son insertion dans toute autre convention aboutissant à ce qu’elle soit déclarée nulle[23]. Or, le nouvel alinéa 1er de l’article 2061 du code civil dispose désormais que « la clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose ». Autrement dit, une clause compromissoire peut maintenant être opposée à la partie l’ayant acceptée et ce, indépendamment du type de contrat dans lequel elle figure et de la qualité des parties à celui-ci. Dès lors, un pan de plus en plus important de litiges contractuels pourra trouver une issue par le biais du recours à l’arbitrage, ce qui accroît en conséquence la liberté contractuelle des parties en la matière. Un auteur estime ainsi que « les contrats d’assurance, de bail et plus généralement tous les contrats conclus entre particuliers peuvent désormais recevoir une clause compromissoire »[24]. Les parties pourront également rédiger un compromis d’arbitrage une fois que leur litige sera né[25]. Leur liberté contractuelle apparaît particulièrement large en la matière. En effet, outre leur libre choix de faire trancher leur litige par le biais de cette justice privée, la liberté des parties se prolongera quant au mode d’arbitrage qu’elles sélectionneront : arbitrage ad hoc ou arbitrage institutionnel. Dans l’arbitrage ad hoc, les parties bénéficient du libre choix du ou des arbitres qui composeront leur tribunal arbitral[26].
En outre, dans l’arbitrage international, la liberté contractuelle des parties englobera également le libre choix de la loi applicable à leur litige[27] et elles pourront enfin exercer une option quant à la manière de statuer du tribunal arbitral, soit en droit, soit en vertu de l’amiable composition[28].
14.-La liberté contractuelle irrigue également la médiation et la conciliation conventionnelles[29]. Le recours à ces MARD pourra également être anticipé par les parties en vue d’aplanir un éventuel et futur différend. Elles agiront alors en ce sens par le biais d’une clause, qualifiée de manière générique de clause de différend, insérée dans une convention principale. Il s’agira de clauses dites de médiation ou de conciliation prévoyant qu’en cas de survenance d’un litige, les parties auront l’obligation de tenter de le régler de manière amiable avant toute saisine d’une juridiction. Le non-respect de telles clauses, une fois le litige né, est assorti d’une sanction procédurale. En effet, la partie qui se tournerait vers le juge, en méconnaissance de la clause de médiation ou de conciliation préalable, se verrait opposer une fin de non-recevoir, à condition toutefois que l’usage de ce MARD, avant toute saisine du juge, apparaisse non équivoque[30]. En outre, la situation justifiant le prononcé d’une fin de non-recevoir n’est pas régularisable[31]. A l’instar de l’arbitrage, les médiations et conciliations conventionnelles, résultant d’une clause de différend préalable, ou mises en œuvre après la survenance d’un litige, offrent également une grande liberté aux parties quant au choix du tiers dont les bons offices seront sollicités[32].
15.-La procédure participative et la transaction présentent également une essence conventionnelle. La mise en œuvre d’une procédure participative résulte ainsi d’une convention de procédure participative, c’est-à-dire d’un contrat spécial encadré par le code civil[33]. Les parties négocieront entre elles en étant obligatoirement assistées de leur avocat[34]. La transaction constitue également un contrat écrit par lequel les parties s’engagent à effectuer des concessions réciproques en vue de remédier à un litige né ou à naître[35]. Le recours à la transaction peut également faire l’objet d’une clause de différend insérée dans un contrat principal.
2. Le libre choix de formaliser dans un accord la décision issue du MARD
16.-Exception faite de l’arbitrage, dans lequel le litige opposant les parties sera tranché par le tribunal arbitral, au moyen d’une sentence arbitrale revêtue de l’autorité de la chose jugée, les modes amiables de résolution des différends pourront échouer ou réussir. Autrement dit, les parties seront libres de parvenir ou non à un accord et, en cas de succès, de le formaliser par écrit.
Quant à la transaction, des négociations abouties déboucheront obligatoirement sur la rédaction d’un contrat de transaction, dans lequel chaque partie sera tenue d’effectuer des concessions réciproques[36], par exemple en renonçant chacune à une part de leur liberté d’expression[37]. Pour les autres modes amiables, l’accord entre les parties pourra être formalisé par un écrit d’intensité variable. Ainsi, il pourra s’agir, notamment en cas de conciliation ou de procédure participative, d’un simple constat[38] de l’accord trouvé entre les parties. Ce document devra être signé par les parties et le conciliateur. Le constat écrit sera en revanche obligatoire si l’accord issu de la conciliation conduit à la renonciation à un droit[39]. Les parties à une médiation, une conciliation ou encore une procédure participative pourront enfin concrétiser leur accord sous la forme d’une transaction, comportant ici aussi des concessions réciproques.
17.-En définitive, l’accord issu d’un MARD amiable pourra être renforcé par les parties en demandant son homologation judiciaire, afin de lui conférer la même valeur qu’un titre exécutoire. Dès lors, l’accord homologué deviendra un contrat judiciaire, doté de la force exécutoire, laquelle autorisera ensuite le recours par l’une des parties aux voies d’exécution si son adversaire ne le respectait pas. Ce contrat judiciaire, en tant qu’acte juridique privé homologué judiciairement, ne pourra cependant prétendre au statut d’un jugement susceptible de voies de recours. L’article 1565 du Code de procédure civile pose ainsi le principe de l’homologation de l’accord auquel sont parvenues les parties au terme d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative. L’article 1567 dudit code étend quant à lui cette faculté à l’accord transactionnel qui n’aurait pas été précédé d’un autre MARD[40]. Certaines dispositions spécifiques précisent les modalités de l’homologation selon le MARD concerné. Ainsi, quant à l’homologation de l’accord issu d’une médiation conventionnelle, il est expressément prévu que la demande « est présentée au juge par requête de l’ensemble des parties à la médiation ou de l’une d’elles, avec l’accord exprès des autres »[41]. Pour la conciliation conventionnelle, la même règle s’appliquera si l’accord met fin à un différend transfrontalier. Dans les autres cas, la demande d’homologation de l’accord issu d’une conciliation sera présentée au juge d’instance, par requête de l’une des parties à moins que l’autre s’y oppose[42]. Concernant la convention de procédure participative, le principe est que le juge pourra homologuer l’accord qui en est issu[43]. Dans le cas de l’arbitrage, la sentence arbitrale rendue aura pour effet de trancher le litige et sera revêtue de l’autorité de la chose jugée. Elle ne pourra acquérir la force exécutoire que par le biais d’une demande d’exequatur, formulée auprès du juge compétent. Au plan matériel, en France, il s’agit du TGI, statuant à juge unique. Au plan territorial, le juge compétent sera celui dans le ressort duquel la sentence a été rendue ou bien le TGI de Paris si elle a été prononcée à l’étranger[44]. Qu’il s’agisse d’homologuer l’accord amiable issu d’un MARD ou d’accorder l’exequatur à une sentence arbitrale, la juridiction saisie exercera bien sûr un contrôle au terme duquel, elle ira dans le même sens que la volonté de parties ou bien refusera de la consacrer si l’accord lui apparaît illégal ou si la sentence apparaît en contrariété avec l’ordre public interne ou international[45].
B. La confidentialité, vecteur de protection de certains droits fondamentaux substantiels des acteurs des MARD pendant et après sa mise en œuvre
18.-D’après le Vocabulaire juridique, la confidentialité est envisagée, parmi plusieurs acceptions, comme ce « qui doit être accompli en secret »[46]. En outre, elle constitue une « garantie essentielle »[47], quasi-commune à tous les MARD, puisque l’organisation d’une grande majorité d’entre eux a été expressément structurée autour de ce principe.
19.-Tel est le cas pour l’arbitrage interne[48], la conciliation et la médiation, conventionnelles[49]comme judiciaires[50]. Tous les participants à ces MARD seront débiteurs du respect de cette obligation. La confidentialité s’imposera donc à la fois aux personnes opposées par le différend, à leurs éventuels conseils, ainsi qu’au(x) tiers animant le MARD (conciliateur, médiateur ou tribunal arbitral). La méconnaissance de cette exigence par l’un de ses débiteurs constitue dès lors un cas classique de responsabilité civile pour faute, laquelle consiste en un manquement à l’obligation de ne pas faire, en l’occurrence à l’obligation de ne pas révéler[51].
20.-En revanche, ni la procédure participative, ni la transaction n’imposent expressément un devoir de confidentialité à leurs participants. Or, la liberté contractuelle pourra ici utilement pallier le silence du législateur en offrant aux parties la faculté d’insérer une clause de confidentialité quant au contenu de leurs échanges et de l’accord auquel elles seront parvenues et ce, tant dans la convention de procédure participative que dans la transaction[52].
21.-La principale vertu prêtée à la confidentialité, dans le cadre des MARD, est de permettre, en cas d’échec de ces processus et de saisine ultérieure d’un juge, de ne pas faire état devant lui de ce qui s’est dit ou a été constaté au cours du MARD. Outre cet avantage processuel, la confidentialité peut également être appréhendée comme un standard de nature à favoriser la protection de plusieurs prérogatives substantielles des parties à un MARD. Plus précisément, deux droits fondamentaux, dont chaque partie est titulaire, pourront trouver une protection indirecte à travers la confidentialité et donc une garantie de leur réalisation concrète et effective. Il s’agit respectivement du droit au respect de la vie privée, familiale et interne des protagonistes des MARD[53] (1.) et de leur liberté d’expression[54] (2.).
1. La confidentialité : garantie du droit au respect de la vie privée familiale et interne des acteurs des MARD
22.-En premier lieu, dans le cadre des MARD familiaux, la confidentialité permet la préservation concrète de l’intimité de la vie privée des acteurs du différend, en évitant que celui-ci se trouve exposé sur la place publique. Il en est par exemple ainsi des différends entre des parents, liés à l’exercice de l’autorité parentale sur leurs enfants[55]. Bien évidemment, et à l’instar de la plupart des Droits fondamentaux, la confidentialité, agissant ici tel le vecteur du droit au respect de la vie privée, familiale et interne, ne saurait présenter un caractère absolu. Elle peut en effet être rompue dans certaines hypothèses légales. Ainsi, l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995[56] permet de sortir de la confidentialité afin de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’intégrité des personnes, lorsque ceux-ci ont pu subir des maltraitances, révélées à l’occasion d’une médiation[57]. La même exception est prévue pour les médiations organisées par le Défenseur des Droits. Celles-ci se dérouleront en principe de manière totalement confidentielle, « sauf si la divulgation de l’accord est nécessaire à sa mise en œuvre ou si des raisons d’ordre public l’imposent »[58]. En définitive, tout se passe comme si le droit au respect de la vie privée des protagonistes du MARD subissait une ingérence prévue par la loi, poursuivant un but légitime et qui soit proportionnée à ce but, donc qui pourrait tout à fait satisfaire au contrôle à triple détente des ingérences, préconisé et suivi par la Cour EDH[59].
23.-La confidentialité est également l’un des critères déterminant dans le choix opéré en faveur de l’arbitrage interne ou international par les acteurs de la vie des affaires. En effet, la confidentialité est présentée en la matière comme la garantie de la protection effective du secret des affaires. Les acteurs de la vie des affaires ne seront donc pas insensibles à ce que leur litige soit tranché par une juridiction arbitrale, soucieuse de préserver un tel secret, et donc de protéger leurs informations sensibles, notamment des yeux et oreilles indiscrètes de tiers concurrents. En revanche, les juridictions étatiques, soumises en principe à la publicité des débats[60], peuvent sembler beaucoup moins efficaces en la matière. D’après une directive européenne adoptée en 2016[61], le secret des affaires se compose d’informations techniques ou commerciales répondant à trois conditions : être secrètes, donc inconnues des personnes appartenant au même milieu professionnel que leur détenteur, avoir une valeur commerciale liée à leur caractère secret et avoir fait l’objet par leur détenteur de mesures raisonnables pour rester secrètes[62].
24.-Or, ces informations ayant vocation à rester non divulguées peuvent être appréhendées comme autant d’éléments de la vie privée d’institutions telles que les sociétés commerciales.
De telles structures peuvent en effet être considérées comme titulaires d’un droit au respect de leur vie interne[63], qualifiable de vie privée sociétaire, de nature à protéger à la fois les relations qui se nouent en leur sein ou avec des partenaires contractuels, donc leurs relations professionnelles, ainsi que toutes les informations s’échangeant à cette occasion[64]. Dans le même ordre d’idées, la survenance de différends impliquant une société commerciale, qu’ils soient internes (ex. conflit entre un salarié et sa direction) ou externe (conflit d’une société avec un fournisseur ou un distributeur) n’auront pas vocation à être connus des tiers à ce différend. Dès lors, la confidentialité offerte par l’arbitrage interne et international, agira ici aussi comme le vecteur de la protection effective de la vie privée sociétaire.
2. La confidentialité : source d’épanouissement de la liberté d’expression des acteurs des MARD
25.-La confidentialité est également de nature à favoriser une expression libre entre les protagonistes des MARD. En effet, qu’il s’agisse des MARD en général et de la médiation en particulier, il faut souligner la constance avec laquelle des maîtres mots tels que « dialogue » ou « communication » sont employés pour décrire le déroulement de ce processus[65].
26.-Ainsi, la médiation, à l’instar des autres MARD, permet l’échange entre l’émetteur d’un propos et un récepteur, les rôles s’inversant au gré des arguments échangés et ce, sous l’égide d’un tiers, le médiateur, dont le rôle consiste à favoriser de tels échanges, à les encadrer et à en éviter les dérives même si les parties ne doivent pas hésiter à livrer ce qu’elles peuvent avoir sur le cœur. Il s’agit donc d’une mise en œuvre concrète de la liberté d’expression reconnue à chacune des parties. Les MARD sont notamment propices, étant donné le différend à l’origine de leur mise en œuvre, à l’exercice d’un droit à la critique réciproque des parties qui s’opposent, celui-ci demeurant dans des limites raisonnables, grâce aux bons offices du tiers mobilisé ou des avocats des parties. Dans ce contexte, la confidentialité peut lever bien des barrières et permettre à la parole des parties de se libérer sans crainte[66] qu’elle soit captée par des tiers, totalement extérieurs au conflit ou que la teneur des propos tenus soit divulguée à l’extérieur.
La confidentialité des MARD offre ainsi l’environnement idoine à la mise en œuvre de la liberté d’expression des protagonistes des MARD, laquelle ne subira que peu d’entraves au cours du déroulement du MARD.
27.-En revanche, certaines limites à la liberté d’expression apparaitront totalement justifiées au terme de l’accord, en ce qu’elles conditionneront à la fois le succès et la durabilité de celui-ci.
Un arrêt rendu par la chambre sociale de la cour de cassation, le 14 janvier 2014, l’illustre parfaitement. En l’espèce[67], un ancien et célèbre salarié de la chaîne TF1, ayant notamment assuré la présentation du journal de 20 heures, avait fait l’objet d’un licenciement. Il avait alors conclu avec son ancien employeur une transaction le 17 septembre 2008. Une clause de celle-ci prévoyait un engagement réciproque des parties de s’abstenir de tout propos critiques ou dénigrants envers l’autre et ce, pendant une période de 18 mois. Or, à peine quelques mois après la formation de la transaction, l’ancien salarié avait publié un ouvrage dans lequel son ancien employeur avait décelé des propos méconnaissant cette obligation transactionnelle. Il forma alors une assignation en dommages et intérêts devant le conseil des prud’hommes. L’ancien salarié invoqua alors la nullité de la clause transactionnelle comme excessivement attentatoire à sa liberté d’expression. Or, la cour d’appel de Versailles ne fut pas convaincue par cette argumentation. Saisie sur pourvoi, la Cour de cassation, devant laquelle était notamment invoquée la violation de l’article 10 de la Convention EDH, relatif à la liberté d’expression, a alors approuvé la solution des juges du fond, rejetant ainsi le pourvoi de l’ancien salarié. L’on mesure donc ici qu’un MARD, en l’occurrence une transaction, aura non pas pour objet de remédier à l’atteinte portée à un droit fondamental substantiel de l’un des protagonistes du MARD par l’autre, mais au contraire de restreindre une liberté fondamentale de chacune des parties à la transaction. Plus précisément, la concession réciproque effectuée ici, et permettant d’aplanir le différend, consiste à restreindre la liberté d’expression des protagonistes du MARD puisque c’est à ce prix que le litige aurait pu s’éteindre. Une telle restriction s’avère tout à fait possible dès lors qu’elle est prévue par la loi, motivée par un but légitime et qu’elle est proportionnée à celui-ci, ce qui était le cas en l’espèce.
II. Les MARD, méthodes imparfaites de lutte contre les atteintes aux droits fondamentaux substantiels des parties
28.-La question qui se pose ici est celle de savoir si les MARD pourront remédier à des atteintes aux droits fondamentaux substantiels, invoquées par des parties, souhaitant qu’il y soit mis fin par ce biais. Autrement dit, les MARD constituent-ils une méthode efficace, mobilisable en vue d’apporter une solution à une atteinte aux droits fondamentaux substantiels des parties, laquelle représenterait sinon le cœur de leur différend, du moins l’un des points importants de celui-ci ?
29.-La réponse à cette interrogation nous semble affirmative. En effet, les MARD peuvent être envisagés comme un moyen alternatif de lutte potentielle contre des atteintes aux droits fondamentaux substantiels par rapport à la saisine d’une juridiction étatique, s’opérant classiquement en la matière (A.). Cependant, si les MARD peuvent potentiellement être mobilisés en tant que modes de résolution d’atteintes à des droits fondamentaux substantiels, leur applicabilité et leur efficacité en vue de mettre fin à une telle atteinte ne sont cependant pas garanties. Partant, le recours aux MARD dans un tel contexte présente des résultats limités (B.).
A. Les potentialités des MARD comme méthodes de lutte contre les atteintes aux droits fondamentaux substantiels
30.-Les parties qui souhaitent tenter de résoudre leur différend par le biais d’un MARD pourront le faire, quand bien même ce différend consisterait en la violation de l’un ou plusieurs droits fondamentaux d’une partie par l’autre. Partant, il est permis d’envisager le tribunal arbitral comme un organe juridictionnel de sanctions des atteintes aux droits fondamentaux substantiels (1.). Dans le même ordre d’idées, des modes amiables, notamment des médiations et transactions spécifiques, constitue des moyens de lutte contre les violations affectant certaines prérogatives substantielles des parties (2.).
1. Le tribunal arbitral, organe juridictionnel de sanction des atteintes aux droits fondamentaux substantiels
31.-Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que le tribunal arbitral soit compétent afin de vérifier qu’un contrat litigieux porte ou non atteinte aux droits fondamentaux substantiels de l’une des parties à cette procédure. Plus précisément, le tribunal arbitral pourra contrôler la conformité des conventions litigieuses aux règles nationales et supranationales[68]. Parmi celles-ci, figurent certaines dispositions de valeur constitutionnelle, d’autres issues de la Convention EDH ou encore celles du Droit de l’Union européenne. In fine, rien ne s’oppose donc à ce qu’il sanctionne l’une des parties pour avoir commis une atteinte excessive à une prérogative substantielle de l’autre[69]. En effet, l’arbitrage interne comme l’arbitrage international se doit d’accorder une particulière importance aux règles relevant respectivement de l’ordre public interne et international auxquels les Droits et libertés fondamentaux peuvent être rattachés. Les procédures d’arbitrage interne et international peuvent donc protéger certains droits fondamentaux substantiels de l’une des parties en conflit.
32.-Dans cet ordre d’idées, la jurisprudence arbitrale a eu l’occasion de valider une clause de non-réaffiliation contenue dans un contrat de franchise comme conforme à la liberté du commerce et de l’industrie et de sanctionner l’ancien franchisé ne l’ayant pas respectée[70]. En l’espèce, deux sociétés commerciales avaient conclu un contrat de franchise portant sur l’exploitation d’un fonds de commerce d’alimentation. L’article 8 de ce contrat comportait une clause de non-réaffiliation imposant au franchisé, au terme du contrat de franchise, de s’abstenir d’intégrer le réseau de distribution d’une enseigne concurrente pendant les 3 ans suivant la fin de l’accord et ce, dans un rayon de 5 km. L’article 12 dudit contrat comportait quant à lui une clause compromissoire prévoyant de confier à un tribunal arbitral tout litige relatif à l’interprétation et à l’exécution de cet acte juridique. Or, après résiliation du contrat aux torts du franchisé, ce dernier a continué à exercer son activité sous une enseigne exploitée par une société concurrente de son ancien franchiseur. Se tournant alors vers un tribunal arbitral, l’ancien franchiseur reproche notamment à son ancien franchisé d’avoir méconnu la clause de non-réaffiliation. Le tribunal arbitral, par une sentence en date du 25 avril 2001, a retenu cette violation et condamné le franchisé au paiement de dommages et intérêts. Ce dernier a alors exercé un recours en annulation contre cette sentence devant la Cour d’appel de Caen. Les juges du fond, par arrêt du 10 décembre 2002, ont confirmé la sentence, d’où un pourvoi en cassation formé par l’ancien franchisé. Ce dernier a notamment contesté la validité de cette clause au regard d’un règlement européen de 2008 et de la loi française de 1791 proclamant la liberté du commerce et de l’industrie. Il a notamment estimé que la clause avait été stipulée pour une durée excessive et apparaissait disproportionnée aux intérêts légitimes qu’elle devait protéger, notamment les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur et le maintien de la réputation de son réseau. Or, aucun de ces griefs n’a été retenu par la Cour de cassation, laquelle rejette donc le pourvoi. Elle a notamment estimé que : « c’est à bon droit que la cour d’appel, qui a constaté que la décision arbitrale était motivée, a retenu que cette clause ne violait aucune règle d’ordre public et a rejeté le recours en annulation ». En définitive, ni la Cour d’appel, compétente pour connaitre du recours en annulation formé contre la sentence du tribunal arbitral[71], ni ce dernier n’ont constaté que la clause de non-réaffiliation litigieuse aurait constitué une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie du franchisé.
33.-Quant à la Convention EDH, un tribunal arbitral ne sera formellement tenu de se conformer ni à ses dispositions, ni aux interprétations jurisprudentielles qu’en délivrent la Cour EDH. En effet, la Cour de cassation a estimé que la Convention EDH s’avérait inapplicable aux tribunaux arbitraux car, selon elle, l’instrument conventionnel « ne concerne que les Etats et les juridictions étatiques »[72]. Or, la Cour EDH, par le biais de l’interprétation évolutive et dynamique qu’elle délivre des termes de la Convention, n’hésite pas au contraire à rattacher la juridiction arbitrale au tribunal établi par la loi, au sens de l’article 6 § 1[73]. En définitive, si un tribunal arbitral ne saurait être formellement assujetti au respect des dispositions de l’instrument conventionnel, en tant que juge privé, extérieur aux ordres juridiques étatiques des Etats membres du Conseil de l’Europe, il sera cependant conduit à prendre en compte matériellement les dispositions de la Convention EDH. Il agira ainsi qu’il s’agisse bien entendu de l’article 6 § 1, afin de garantir l’équité procédurale de ce mode juridictionnel privé de règlement des différends[74], mais aussi des droits fondamentaux substantiels qu’elle édicte, ceux-ci constituant également l’une des manifestations des principes primordiaux relevant de l’ordre public. Le Professeur Jarosson ne dit pas autre chose lorsqu’il estime que les principes contenus dans la Convention EDH, en matière d’arbitrage international « peuvent être invoqués comme principes généraux particulièrement impératifs, comme l’expression d’un ordre public véritablement international »[75]. Par conséquent, les sentences rendues par divers tribunaux arbitraux ont parfois l’occasion de se prononcer sur le caractère avéré ou non d’une atteinte à un ou plusieurs droits fondamentaux substantiels de l’une des parties à un arbitrage, en se fondant sur des dispositions issues de l’instrument conventionnel. Ainsi la jurisprudence arbitrale a pu assurer la protection du droit de propriété de l’une des parties, garanti par l’article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention EDH, contre des atteintes portées par l’autre partie à celui-ci. Tel est le cas dans le domaine des investissements internationaux, lorsqu’une personne privée, ayant investi sur le territoire d’un autre Etat que celui dont il est ressortissant, est la victime de « spoliations ou confiscations illicites dans le cadre d’expropriations ou de nationalisations »[76].
34.-Des tribunaux arbitraux spécifiques peuvent également être conduits à vérifier si l’une des parties aurait méconnu certains Droits et libertés fondamentaux de son adversaire. Dans cet ordre d’idées, le tribunal arbitral du sport de Lausanne (TAS) a eu l’occasion de se livrer à un tel contrôle à l’occasion d’un litige entre la FIFA (fédération internationale de football) et un club de football belge[77], au sujet d’une réglementation de la fédération visant à interdire les contrats TPO[78]. Or, l’article 18 ter du RSTJ (Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs), édicté par la FIFA et entré en vigueur en 2015, vise à lutter contre de telles conventions en les interdisant et en prévoyant le prononcé de sanctions disciplinaires envers les clubs qui s’y adonneraient malgré tout. Or, alors qu’il avait été sanctionné pour avoir conclu un tel contrat (amende de 150 000 francs suisses, soit environ 130 000 €, et interdiction temporaire de recrutement), le club belge a contesté la licéité de ce règlement devant le TAS. Il estimait notamment que ce texte allait à l’encontre de plusieurs libertés reconnues par l’Union européenne (liberté de circulation des personnes et des capitaux, liberté de prestation de service) et la Convention EDH (notamment le droit au respect de la vie privée et le droit au respect des biens), en ce que l’existence de contrats TPO relèverait de celle-ci et leur remise en cause constituerait une atteinte au droit de propriété. En l’espèce, si le TAS a confirmé l’applicabilité des différents textes invoqués au différend porté devant lui, il a cependant conclu que l’interdiction des contrats TPO n’apparaissait attentatoire à aucun des droits et libertés fondamentaux qu’ils proclamaient. La sanction prononcée contre le club a donc été maintenue. L’on mesure donc ici qu’un tribunal arbitral spécifique n’hésite pas à contrôler si la violation alléguée par l’une des parties de ses Droits et libertés fondamentaux, notamment substantiels, apparaît fondée ou non.
2. Les dispositifs amiables spécifiques de lutte contre certaines violations de droits fondamentaux substantiels
35.-Certains dispositifs amiables ont été conçus directement tels des moyens de mettre fin à des violations de droits fondamentaux substantiels subies par les parties. Ainsi, une médiation a été spécialement mise au point, en Droit du travail, en vue de faire cesser des situations de harcèlement moral[79]. De même, le Défenseur des Droits peut également mobiliser plusieurs techniques amiables pour tenter de mettre fin à certaines situations litigieuses dont il est saisi.
36.-En Droit du travail, l’article L. 1152-6 du code du travail permet ainsi d’organiser une médiation destinée à tenter de faire cesser un harcèlement moral[80]. Ce mécanisme, dont la jurisprudence a précisé qu’il possédait un caractère facultatif[81], poursuit un double objectif car « il permet de mettre fin à la situation et d’éviter le passage à la phase contentieuse »[82]. L’article L. 1152-6 al. 1er prévoit, ratione personae, une assez large saisine du médiateur. Celle-ci pourra en effet être effectuée par toutes les personnes concernées par le harcèlement moral, soit le salarié se prétendant victime de celui-ci ou la personne mise en cause, cette dernière pouvant être l’employeur ou un autre salarié. Le médiateur tentera alors de concilier les parties et leur soumettra des propositions écrites en vue d’anéantir la situation de harcèlement moral si elle lui semble avérée et non contestée[83]. S’il échoue dans sa mission, une obligation d’information pèsera alors sur lui, à destination des intéressés. Elle consistera à leur indiquer les sanctions encourues en matière de harcèlement moral et les garanties procédurales offertes à la victime[84]. La possibilité d’une telle médiation, prévue par le législateur, illustre ainsi la faculté des MARD à agir comme de potentielles techniques de résolution des atteintes aux droits fondamentaux substantiels des parties.
37.-Devant le Défenseur des droits, plusieurs dispositifs amiables peuvent être mis en œuvre, afin d’éviter toute saisine d’une juridiction[85]. Dans cet ordre d’idées, l’article 26 de la loi organique lui permet d’appréhender un tel différend par le bais de la médiation. Sur le même modèle que d’autres MARD, cette médiation est organisée autour d’une obligation de confidentialité, celle-ci ne pouvant être levée qu’avec le consentement des acteurs du différend ou pour des raisons d’ordre public, voire en cas de procédure pénale ultérieure. Outre la médiation, le Défenseur des droits pourra également tenter de se tourner vers un règlement en équité (art. 25 loi organique) ou encore recommander que la médiation ou le règlement débouchent sur un accord transactionnel et ce, en vertu de l’article 28, I. de la loi organique.
38.-Des décisions du Défenseur des droits illustrent régulièrement cette invitation faite aux parties de tenter de déboucher sur un accord transactionnel. De la sorte, cette autorité a été saisie par une candidate à un recrutement, sur un poste à pourvoir dans une commune[86]. Or, sa candidature a été rejetée en raison de son état de grossesse, la commune lui reprochant d’avoir déclaré trop tardivement celle-ci, alors que le processus de recrutement était déjà bien avancé. En l’espèce, deux candidatures avaient été présélectionnées, dont celle de la partie ayant agi devant le Défenseur des droits. Or, sa candidature a été écartée le jour même de l’annonce de sa grossesse. Elle s’estimait dès lors victime d’une discrimination, la collectivité concernée soutenant quant à elle que la grossesse de l’intéressée n’avait pas joué un rôle prépondérant dans le rejet de sa candidature. Selon la commune, sa décision se fondait uniquement sur le manque de sincérité de l’intéressée. Le Défenseur des droits a alors recommandé au maire de la commune de se rapprocher de la candidate évincée afin qu’ils étudient ensemble les modalités de réparation du dommage qu’elle avait subi, étant donné le caractère discriminatoire de la décision. Le 15 décembre 2016, les parties ont finalement signé un protocole transactionnel, lequel prévoyait l’octroi d’une indemnisation de 13000 € pour la réclamante.
B. Des méthodes aux résultats limités
39.-Si les MARD permettent une prise en compte effective des atteintes aux droits fondamentaux substantiels des parties, celles-ci auront cependant des résultats limités et ce, qu’il s’agisse de l’arbitrage ou des modes amiables de résolution des différends. Plus précisément, il apparaît qu’un tribunal arbitral se trouve privé de certains attributs essentiels quant à la garantie des droits fondamentaux substantiels des parties et ce, en comparaison avec les juridictions étatiques (1.). De même, les médiations spécifiques, tentant de remédier aux violations de droits fondamentaux substantiels des parties, possèdent un champ d’application ratione materiae, relativement faible (2.).
1. Le tribunal arbitral : organe juridictionnel privé d’attributs quant à la garantie des droits fondamentaux substantiels des parties
40.-Bien que l’arbitrage constitue un mode juridictionnel de règlement des litiges, les tribunaux arbitraux apparaissent cependant privés de certaines compétences, dont disposent les juridictions étatiques, pourtant fort utiles en vue d’assurer la protection des Droits et libertés fondamentaux des parties à un litige. Plus précisément, certaines questions s’avèrent non-arbitrables. Or, parmi celles-ci, certaines intéressent directement la protection des droits et libertés fondamentaux substantiels (a.). En outre, la jurisprudence, tant interne qu’européenne, dénie au tribunal arbitral, notamment d’origine conventionnelle, la possibilité d’utiliser la QPC ou la question préjudicielle, alors que de tels mécanismes pourraient l’aider à se prononcer sur de potentielles violations des droits fondamentaux substantiels des parties (b.).
a/ Le caractère non-arbitrable de certaines questions en lien avec les droits fondamentaux substantiels des parties
41.-Considérées comme non-arbitrables, certaines questions relèveront des seules juridictions étatiques. Ainsi, l’article 2059 C. civ dispose que « toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition ». Interprété a contrario, ce texte empêche les parties de compromettre sur des droits dont elles n’auraient pas la libre disposition.
Par exemple, un compromis d’arbitrage portant sur un bien commun à deux époux, donc intéressant leur droit de propriété, ne pourra pas être signé par un seul des conjoints sans l’accord de l’autre. Un tel litige ne pourrait donc être résolu par un tribunal arbitral, sollicité en application d’un compromis d’arbitrage, qu’à la seule condition que les conjoints y consentent mutuellement[87].
42.-En outre, l’article 2060 du code civil énumère plusieurs domaines dans lesquels le recours à l’arbitrage sera proscrit. Ce texte interdit ainsi le recours à l’arbitrage pour les questions d’état des personnes et de capacité, ainsi que pour toutes celles concernant le divorce et la séparation de corps. Or, beaucoup de litiges liés à ces questions pourraient porter, en tout ou partie, sur une atteinte à un droit fondamental substantiel de l’une des parties, par exemple son droit au respect de la vie privée ou son droit de propriété[88]. L’article 2060 prohibe enfin le recours à l’arbitrage dans toutes les matières relevant de l’ordre public. Or, une application littérale de cette dernière règle reviendrait à exclure le recours à l’arbitrage dans de très nombreux domaines. Afin d’atténuer sa rigueur, la jurisprudence a alors élaboré un régime d’arbitrabilité des litiges particulièrement souple, notamment en matière d’arbitrage international. Elle a pu ainsi décider qu’un litige n’était pas inarbitrable du seul fait qu’une réglementation d’ordre public serait applicable au fond du litige[89]. En effet, exclure tout litige en la matière d’une résolution par la voie arbitrale revenait là aussi à priver les arbitres de plusieurs occasions d’avoir à se prononcer, par exemple, sur l’atteinte au droit de propriété de l’une des parties, donc sur une prérogative substantielle. Dès lors l’arbitre pourra non seulement se prononcer sur de telles atteintes, mais il pourra aussi sanctionner civilement, par l’allocation de dommages et intérêts, la violation de règles d’ordre public[90].
43.-Si l’ordre public ne constitue désormais qu’un obstacle relatif à l’arbitrabilité des litiges, il existe cependant des domaines juridiques dans lesquels l’arbitre ne pourra intervenir que sur certains aspects. Tel est le cas du Droit de la propriété intellectuelle[91]. S’il est communément admis qu’un tribunal arbitral est compétent pour se prononcer sur un contrat dont l’objet consiste en la cession ou l’octroi d’une licence sur un bien intellectuel, l’arbitrabilité du contentieux portant sur le titre de propriété intellectuelle est en revanche bien plus discutée[92].
Dès lors, le litige portant uniquement sur la validité d’un droit de propriété intellectuelle ne pourra pas être, en principe, porté devant un tribunal arbitral[93].
Or, la question de la validité du droit de propriété pourra cependant naître indirectement, notamment lors d’un contentieux contractuel. En ce sens, un arrêt du 28 février 2008, rendu par la cour d’appel de Paris, a ainsi retenu que « la question de la validité d’un brevet débattue de manière incidente à l’occasion d’un litige de nature contractuelle peut, ainsi que le relève l’arbitre, lui être soumise, l’invalidité éventuellement constatée n’ayant pas d’autorité de la chose jugée car elle ne figure notamment pas au dispositif, qu’elle n’a d’effet qu’à l’égard des parties »[94]. Partant, le tribunal arbitral pourra donc incidemment être conduit à se prononcer aussi sur cette question. Outre le brevet, certains auteurs sont favorables à l’extension de cette solution, par analogie, à la totalité des droits de propriété intellectuelle[95].
b/ L’impossibilité du tribunal arbitral de transmettre des QPC et des questions préjudicielles
44.-La QPC est le mécanisme par lequel une partie à un litige demande au Conseil constitutionnel de se livrer à un contrôle a posteriori de la constitutionnalité d’une norme qui lui est applicable, avec un filtrage préalable par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation de cette QPC, selon qu’elle est soulevée devant une juridiction de l’ordre administratif ou judiciaire[96]. La question préjudicielle permet quant à elle à des juridictions des Etats membres de l’Union européenne de demander à la CJUE d’interpréter certaines dispositions du droit européen ou de vérifier la conformité des normes internes à celui-ci[97]. Or, la jurisprudence interne et européenne a privé les tribunaux arbitraux conventionnels de la possibilité d’utiliser de tels mécanismes. Ainsi, la Cour de cassation a explicitement dénié à un tribunal arbitral la possibilité de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel au motif que « l’arbitre investi de son pouvoir juridictionnel par la volonté commune des parties ne constitue pas une juridiction relevant de la Cour de cassation […] »[98] Quant aux questions préjudicielles, la CJCE a également fermé cette voie aux arbitres[99].
45.-Or, cette mise à l’écart de l’arbitre des usagers de la QPC et de la question préjudicielle apparaît critiquable. En effet, le tribunal arbitral se trouve privé de la possibilité d’utiliser deux mécanismes qui pourraient pourtant s’avérer très utiles lorsqu’il est confronté à un litige dans lequel une partie estime que l’un de ses droits fondamentaux substantiels a été méconnu par son adversaire, lequel aurait appliqué ou se serait appuyé sur une disposition anticonstitutionnelle ou méconnaissant les droits fondamentaux reconnus par l’Union européenne[100]. Cette double privation apparaît donc génératrice d’insécurité juridique, non seulement quant au contenu, mais aussi quant à la pérennité de la sentence arbitrale.
En effet, le tribunal arbitral se trouvera confronté à un choix cornélien : soit substituer sa propre interprétation à celle du Conseil constitutionnel ou de la CJUE, quant à la QPC ou la question préjudicielle soulevée devant lui, soit écarter purement et simplement celles-ci des débats en se déclarant incompétent en la matière. Or, quel que soit le choix finalement opéré, le tribunal arbitral sera exposé au risque de remise en cause de sa sentence. En effet, l’une des parties pourra exercer un recours en annulation de la sentence arbitrale, soit en reprochant aux arbitres une violation de l’ordre public interne ou international quant à leur appréciation de la constitutionnalité d’une norme interne ou de sa conformité au droit de l’Union, soit en lui faisant grief de s’être déclaré à tort compétent ou incompétent pour se prononcer sur la QPC ou la question préjudicielle. Dans le même ordre d’idées, les mêmes motifs pourront justifier le refus judiciaire de la délivrance de l’exequatur à une sentence arbitrale[101].
46.-En dépit de ces risques, un arrêt de la Cour de cassation a toutefois estimé implicitement que les arbitres pourraient être compétents pour statuer sur la légalité d’une loi française au regard des règles de l’Union européenne[102]. Un tel raisonnement pourrait, par analogie, être étendu à la QPC. Or, permettre à l’arbitre d’interpréter lui-même le droit constitutionnel ou le droit de l’Union européenne lui confèrerait un immense pouvoir puisqu’il deviendrait alors l’égal du Conseil constitutionnel ou de la CJUE, ce qui paraît très excessif pour un juge privé. Dès lors, pour remédier à ces excès, il semble nécessaire de favoriser l’ouverture de la QPC et de la question préjudicielle aux tribunaux arbitraux, soit de manière directe[103], soit de manière indirecte, par le biais du juge d’appui[104]. Cette dernière solution nous semble la plus pertinente en ce qu’elle permettrait à une juridiction étatique d’opérer un filtrage des QPC et questions préjudicielles[105]. Sur un plan processuel, il y aurait donc une analogie avec les QPC transmises par une juridiction administrative ou judiciaire au Conseil constitutionnel avec un premier tri opéré par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat. Enfin, conférer la possibilité aux tribunaux arbitraux de transmettre des QPC ou des questions préjudicielles obligerait à garantir la confidentialité inhérente à l’arbitrage et donc à déroger au caractère public des décisions QPC.
2. Les limites des médiations amiables pour résoudre les atteintes aux droits fondamentaux
47.-Quant aux médiations, elles couvrent un assez faible champ en matière de droits substantiels.
Ainsi, la médiation prévue et organisée par l’article L. 1152-6 du Code du travail se cantonne, ratione materiae, aux seules situations de harcèlement moral, excluant ainsi sa mise en œuvre aux cas de harcèlement sexuel[106]. En outre, la rédaction assez laconique du texte, ainsi que certains choix qu’il opère, laissent planer des doutes sur les garanties offertes par une telle médiation et in fine sur son efficacité. L’alinéa 2 de l’article L. 1152-6 laisse ainsi aux parties le choix du médiateur puisque le texte se contente d’exiger un accord entre elles sur la personne qui officiera en tant que tel. Il pourra dès lors s’agir aussi bien d’une personne extérieure à l’entreprise que d’un membre du personnel. Or, dans ce dernier cas, il n’est pas incongru de s’interroger quant au degré d’indépendance et d’impartialité dont jouira le médiateur, notamment dans le cas où la personne mise en cause serait l’employeur lui-même[107]. De même, avant d’essayer de concilier les parties, le médiateur devra s’enquérir l’état de leurs relations, aux termes du 3ème alinéa de l’article 1152-6 du Code du travail. Or, le texte demeure silencieux sur les modalités concrètes d’obtention d’une telle information. Ainsi, la question se pose de savoir si le médiateur doit se cantonner aux seuls propos rapportés par les parties ou s’il disposera également d’un pouvoir d’audition d’autres salariés, afin de mieux cerner les rapports entre les parties à la médiation[108]. Enfin, puisque cette médiation n’est pas encadrée par la confidentialité, il sera envisageable, en cas d’échec, de fournir au juge l’écrit rédigé par le médiateur, afin que le magistrat puisse établir une présomption de harcèlement ou de non-harcèlement ou disposer d’un commencement de preuve par écrit du harcèlement moral ou du non-harcèlement[109]. Dès lors, la médiation de l’article 1152-6 du code du travail s’apparente davantage à une phase précontentieuse qu’à un véritable MARD.
48.-Les discriminations portées à la connaissance du Défenseur des droits et qui seront totalement avérées, pourront être réglées par la voie transactionnelle. Or, il s’agira uniquement d’une transaction pénale puisqu’une infraction aura été mise en évidence[110]. Dans ce cas, le médiateur disposera du pouvoir, si ces faits n’ont pas déjà entraîné le déclenchement de l’action publique, de proposer à l’auteur de la discrimination le versement une amende de nature transactionnelle de 3000 € maximum pour une personne physique et 15 000 € maximum pour une personne morale ainsi qu’à l’éventuelle indemnisation de la victime[111]. Cette transaction pénale sera encadrée par les dispositions de l’article D. 1-1 du code de procédure pénale. En ce sens, une transaction pénale a été adoptée dans une affaire concernant la propriétaire d’un logement, refusant de le louer aux candidats portant un nom de famille à consonance maghrébine. Un test téléphonique a permis de prouver le caractère discriminatoire du refus de location. L’avocate de la propriétaire mise en cause a alors accepté la transaction pénale, suggérée par le Défenseur des droits, afin d’éviter des poursuites judiciaires contre sa cliente[112]. Avec ce mécanisme, les frontières de l’amiable sont donc totalement franchies, puisqu’il s’agit de la mise en œuvre d’un processus, certes décentralisé auprès du Défenseur des droits, mais consistant ni plus ni moins en la mise en œuvre du droit répressif.
[1] Afin de fixer un point de départ à l’essor contemporain de ces modes alternatifs, on peut se référer à la loi n° 95-125 du 8 février 1995, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative (JO du 9 février 1995), comportant plusieurs dispositions visant à développer la conciliation et la médiation.
[2] Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends (JO 14 mars 2015) et Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, relative à la modernisation de la justice du 21ème siècle, dite loi J. 21 (JO du 19 nov. 2016).
[3] Il s’agit de la conciliation, de la médiation lesquelles peuvent être judiciaires (art. 128 et s. C. pr. civ pour la conciliation judiciaire et 131 et s. pour la médiation judiciaire) ou conventionnelles (art. 1530 à 1541 C. pr. civ), de la procédure participative (art. 1542 à 1567 C. pr. civ. et art. 2062 à 2068 C. civ. sur la convention de procédure participative) et de la transaction (art. 2044 à 2052 C. civ.).
[4] Que l’arbitrage soit interne ou international ; cf. art. 1442 à 1527 C. pr. civ et art. et 2059 à 2061 C. civ. sur les conventions d’arbitrage.
[5] Telle est la fonction du tribunal arbitral.
[6] Ce sont les rôles respectifs du médiateur et du conciliateur.
[7] Ceci est l’objectif de la transaction
[8] Tel est l’objet de la convention de procédure participative.
[9] Tel est le cas des conciliations et médiations judiciaires d’un côté et des conciliations et médiations conventionnelles de l’autre.
[10] Le développement des MARD constituerait ainsi l’une des illustrations de la déjudiciarisation, lancée il y a une dizaine d’années environ. La déjudiciarisation poursuit en effet l’ambition, peut-être plus supposée que réelle, de réaliser « une double économie. Économie de temps puisqu’elle désengorgerait certaines juridictions, permettant ainsi aux juges de se concentrer sur les affaires complexes. Économie d’argent, surtout, puisqu’elle mobiliserait moins de juges et moins de ressources tout en diminuant substantiellement la part des contentieux bénéficiant de l’aide juridictionnelle ». Cf. S. Amrani-Mekki : « La déjudiciarisation » ; Gaz. Pal. 2008, n° 157, p. 2, spéc. n° 2.
[11] Comme l’a relevé le Professeur Cadiet, « cette transformation s’inscrit dans un changement plus général de paradigme des modes de régulation sociale, qu’on a pu caractériser, il y a près de trente ans déjà, comme le passage d’un ordre juridique imposé à un ordre juridique négocié, corrélé au déclin du légicentrisme ». V. L. Cadiet : « Construire ensemble une médiation utile », concl. colloque du 19/05/2015, « La médiation judiciaire : déjà 20 ans » ; Gaz Pal, 18/07/2015, n° 199, p. 10 et s., spéc. n° 15.
[12] En ce sens, v. not. L. Cadiet et Th. Clay : « Les modes alternatifs de règlement des conflits » ; Dalloz, Coll. Connaissance du Droit, 2ème éd., 2017, spéc. p. 122 et s.
[13] Toutefois, les auteurs formant cette doctrine majoritaire développent diverses approches quant aux fondements de l’assujettissement des MARD à l’article 6 § 1 de la Convention EDH. Pour certains, « si l’article 6 § 1 Conv. EDH n’est pas applicable formellement, en tant que tel, aux modes de solution extrajudiciaire des litiges, il n’en demeure pas moins que certaines exigences du procès équitable valent, rationnellement pour les règlements alternatifs » (L. Cadiet et Th. Clay : « Les modes alternatifs de règlement des conflits » ; op. cit., p. 123). Ils en concluent dès lors qu’il faut adapter les garanties du procès équitable aux spécificités et au contexte des MARD, de sorte qu’« au droit à un procès équitable, doit ainsi répondre le droit à une conciliation équitable » (L. Cadiet et Th. Clay ; op. cit. p. 133). Pour d’autres, le procès équitable constituerait un modèle universel d’organisation des procédures ayant vocation à s’exporter hors les juridictions et notamment en direction des modes amiables de résolution des litiges et de l’arbitrage (en ce sens, cf. X. Lagarde, in « Droit processuel-Droits fondamentaux du procès », par S. Guinchard et alii ; Précis Dalloz ; 9ème éd., 2017, n° 582 et s. V. cependant contra., J. Timsit : « La médiation : une alternative à la justice et non une justice alternative » ; Gaz. Pal. 15 nov. 2001, chron., p. 53.
[14] L. Cadiet et Th. Clay : « Les modes alternatifs de règlement des conflits », préc., p. 123 et s.
[15] La Cour EDH elle-même estime d’ailleurs qu’une obligation légale imposant, imposée par un Etat partie à la Convention EDH à des parties de tenter de parvenir à une solution amiable de leur différend avant d’agir devant une juridiction civile et ce, sous peine d’irrecevabilité de la demande, ne constitue pas une atteinte substantielle à leur droit d’accès à un tribunal dès lors que ce mode de résolution amiable a pour effet de suspendre le cours de la prescription et qu’au cas où il échouerait, les parties conserve la possibilité de s’adresser au juge étatique compétent. Cf. Cour EDH : 26 mars 2015, Momcilovic c/ Croatie, n° 11239/11 ; Procédures n° 5, mai 2015, comm. 159, n. N. Fricero.
[16] A titre d’illustration, la loi J-21 prévoit ainsi, par le biais de son article 4, que pour tout litige d’un montant inférieur à 4 000 €, il ne sera possible de saisir le tribunal d’instance par déclaration (art. 58 al. 2 C. pr. civ.). qu’après une tentative de conciliation. A défaut, la demande sera alors en principe frappée d’irrecevabilité.
[17] La première décision en ce sens date de l’année 2000. Cf. Cons. Const. : 19 décembre 2000 ; n° 2000-437 DC ; LPA 20 août 2001, p. 21 obs. B. Mathieu et C. de la Mardière ; RTD Civ. 2001, p. 229, n. N. Molfessis. Plus récemment, v. Cons. Const. : 13 juin 2013, n° 2013-672 DC ; RTD Civ. 2013, p. 832, obs. H. Barbier ; Dr. soc. 2013, p. 673, étude J. Barthélémy et p. 680, étude D. Rousseau et D. Rigaud ; JCP éd G, 2013, n. J. Ghestin.
[18] V. récemment en ce sens, N. Fricero : « Médiation et contrat », AJ Contrat 2017, p. 356 ; B. Mallet-Bricout : « Les modes alternatifs de règlement des différends dans la loi « Justice du XXIème siècle » : un nouveau souffle », RTD Civ. 2017, p. 221.
[19] D’ailleurs, pour certains auteurs, « le consentement des parties est la pierre angulaire des MARC (modes alternatifs de règlements des conflits), sans lequel ils perdent toute légitimité et toute efficacité ». V. L. Cadiet et Th. Clay : « Les modes alternatifs de règlement des conflits », op. cit., p. 132.
[20] Art. 1442 al. 1er C. pr. civ.
[21] Art. 1442 al. 2 C. pr. civ.
[22] v. Th Clay : « L’arbitrage, les modes alternatifs de règlement des différends et la transaction dans la loi « Justice du 21ème siècle » » ; JCP éd. G, 2016, doctr. 1295, spéc. n° 12 et s.
[23] Cass. civ. 2ème : 16 juin 2011 ; CCC 2011, § 206, obs. L. Leveneur.
[24] Th. Clay : « L’arbitrage, les modes alternatifs de règlement des différends et la transaction, dans la loi « Justice du XXIe siècle » » ; préc., n° 19.
[25] Art. 1442 al. 3 C. pr. civ.
[26] Pour l’arbitrage institutionnel, l’institution sollicitée pourra effectuer elle-même la composition du tribunal arbitral en cas de pluralité de parties, à moins que les celles-ci en aient convenu autrement. En ce sens, v. par ex. l’article 16, 2., du règlement d’arbitrage de la CAIP (Chambre Arbitrale Internationale de Paris), applicable depuis le 1er septembre 2015 qui dispose que « s’il y a plus de deux parties en cause, le Président de la Chambre Arbitrale Internationale de Paris désigne tous les membres composant le Tribunal Arbitral, à moins que les parties n’aient convenu d’autres modalités de désignation ».
[27] Art. 1511 C. pr. civ.
[28] Art. 1512 C. pr. civ.
[29] Pour la conciliation judiciaire, il s’agira d’un choix du juge s’il délègue cette mission à un conciliateur de justice (art. 129-2 C. pr. civ.) et pour la médiation judiciaire, d’un choix du juge après que les parties aient consenti à utiliser ce MARD (art. 131-1 C. pr. civ.).
[30] Cass. Ch. mixte : 14 février 2003, n°00-19.423 et n°00-19.424 ; D. 2003. 1386, n. P. Ancel et M. Cottin et p. 2480, obs. T. Clay ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages.
[31] En effet, la chambre mixte a eu l’occasion de préciser, un peu plus de 10 ans après son arrêt sanctionnant d’une fin de non-recevoir la méconnaissance d’une clause de conciliation, que « la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance ».v. Cass. ch. Mixte : 12 décembre 2014, n° 13-19.684 ; D. 2015, p. 298, n. C. Boillot et p. 287, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2015., p. 131, obs. H. Barbier et p. 187, obs. Ph. Théry.
[32] Il a ainsi été relevé, au sujet du médiateur, que celui-ci pouvait être « un expert, un avocat, un ancien magistrat, un universitaire, ou tout autre professionnel ayant une certaine expérience du conflit, une formation adaptée à la technique de la médiation ». V. P. Garbit : « Liberté contractuelle et modes alternatifs de règlement des conflits » ; AJDI 2014, p. 108 et s., spéc. p. 110.
[33] Art. 2062 et s. C. civ.
[34] Art. 2064 C. civ.
[35] Art. 2044 C. civ., dans sa rédaction issue de la loi J 21.
[36] La loi J. 21 a permis la réécriture de l’article 2044 pour y ajouter enfin cette précision essentielle, consacrée depuis bien longtemps par la jurisprudence. V ; par ex. Cass. civ. : 13 mars 1922, DP 1925, I, p. 139. Adde, sur le sujet, Ch. Jarosson : « Les concessions réciproques dans la transaction », D. 1997, chron. p. 267 ».
[37] V. Cass. soc. : 14 janvier 2014, n° 12-27.284 ; Bull. civ., V, no 6 ; RTD Civ. 2014, p. 360, obs. H. Barbier et p. 400, obs. P-Y. Gautier ; D. 2014, p. 179, obs. B. Mathieu ; RLDA 2014, n° 98, 1er nov. 2014, obs. J. Mestre et A-S. Mestre-Chami ; JCP éd. E, 2014, no 19, 358, n. J-B. Perrier. Cf. aussi nos développements, infra, n° 27.
[38] Art. 1540, al. 1er C. pr. civ. pour la conciliation et 1555, 3° al. 2 pour la procédure participative.
[39] Par exemple, la renonciation à l’exercice d’une action en justice. Cf. art. 1540, al. 2 C. pr. civ.
[40] Dans ce cas, le juge de l’homologation sera saisi par la partie la plus diligente ou par l’ensemble des parties à la transaction d’après l’art. 1567 al. 2 C. pr. civ.
[41] Art 1534 C. pr. civ.
[42] Art. 1541 C. pr. civ.
[43] Art. 2066 al. 1er C. civ.
[44] Art. 1516 C. pr. civ.
[45] Sur ces questions, cf. pour les MARD familiaux, N. Fricero : « Accord des parties, homologation, octroi de la force exécutoire : quel rôle pour le juge ? » ; RJPF janv. 2010, p. 8. Pour l’exequatur des sentences arbitrales rendues en France, v. J. Béguin et J. Ortscheidt : « La sentence arbitrale est rendue : comment l’exécuter ? » ; JCP éd. G, 2010, 60 et pour les sentences arbitrales rendues à l’étranger, cf. D. Mouralis : « Le contentieux des sentences arbitrales internationales devant le juge de l’exécution » ; Cah. Dr. arb. 2017, n° 2, p. 189.
[46] Cornu : « Vocabulaire juridique », Ass. H. Capitant, éd. Quadrige/PUF, 2000, p. 192.
[47] L. Cadiet et Th. Clay : « Les modes alternatifs de règlement des conflits », préc., p. 129.
[48] Art. 1464 al. 4 C. pr. civ. Concernant l’arbitrage international, le code de procédure civile reste cependant silencieux quant à la confidentialité de la procédure arbitrale ou à l’absence de celle-ci. La doctrine s’est alors divisée quant à l’interprétation de cette absence. Certains auteurs estiment alors que la confidentialité constituerait le principe non-écrit applicable en la matière et qu’il ne peut y être dérogé que dans les domaines où le caractère public de l’arbitrage international constitue l’usage (ex. arbitrage en matière sportive ou d’investissements ; v. Ch. Jarrosson et J. Pellerin : « Le droit français de l’arbitrage après le décret du 13 janvier 2011 » ; Rev. arb. 2011, p. 5). En revanche, d’autres auteurs avancent au contraire qu’à défaut de précision sur le caractère confidentiel de l’arbitrage international dans le code de procédure civile, celui-ci serait public. Dès lors, seule une clause des parties, insérée dans leur convention d’arbitrage, et stipulant le caractère confidentiel de leur procédure d’arbitrage international permettrait sa garantie effective (E. Gaillard et P. de Lapasse : « Le nouveau droit français de l’arbitrage interne et international » ; D. 2011, p. 175, spéc. n° 28).
[49] Art. 1531 C. pr. civ.
[50] Art. 129-4 al. 2 C. pr. civ. pour la conciliation judiciaire et 131-14 C. pr. civ. pour la médiation judiciaire.
[51] Cass. civ. 1re : 31 mai 2007 ; D. 2007, p. 2784, n. C. Lisanti.
[52] En ce sens, pour la procédure participative, v., S. Sauphanor : « La convention de procédure participative : aspects pratiques », GP 18 janv. 2011, p. 47, spéc. p. 50 et, pour la transaction, cf. C. Caseau-Roche : « La clause de confidentialité » ; AJCA 2014, p. 119.
[53] Il est notamment reconnu par l’article 8 de la Convention EDH.
[54] Ce droit substantiel est consacré notamment à l’art. 10 de la Convention EDH.
[55] En ce sens, l’art. 373-2-10, al. 2 C. civ. dispose ainsi qu’« à l’effet de faciliter par les parents la recherche d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ».
[56] Op. cit.
[57] Ce texte prévoit également la rupture de la confidentialité, et donc une atteinte tolérable au droit au respect de la vie privée, lorsque « la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution ».
[58] Art. 26 al. 2 de la Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits.
[59] V. art. 8 § 2 de la Convention EDH.
[60] Art. 22 C. pr. civ.
[61] Résolution législative du Parlement européen du 14 avril 2016 (P8_TA-PROV (2016)0131) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, relative à la protection des secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
[62] Art. 2 de la directive.
[63] Plusieurs décisions émanant de juridictions de l’Union Européenne se sont prononcées en faveur de la reconnaissance d’un droit au respect de la vie privée au profit des personnes morales. V. not. CJCE : 14 février 2008, Varec / Belgique ; C-450/06 ; § 48 et TPI : ordonnance du 11 mars 2013 ; Pilkington Group Ltd , T-462/12 ; §44. Cf. contra, se prononçant cependant sur le seul fondement de l’art. 9 du Code civil relatif à la vie privée, Cass. civ. 1ère : 17 mars 2016, n° 15-14072, P. ; RDLF 2016, chron. n°16, comm. X. Dupré de Boulois. La Cour EDH n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la reconnaissance éventuelle de ce droit substantiel au profit des personnes morales.
[64] Cf. R. Dumas : « Les interactions entre le renouvellement des sources et des pratiques encadrées en Droit des affaires », RRJ 2017-3, à paraître, spéc. n° 29.
[65] Ainsi, pour certains auteurs, « la médiation est une justice de dialogue […] », qui favorise « la poursuite d’une discussion permettant de de dépasser le conflit autrement que par une décision à la fois imposée et tranchée » (expressions empruntées à G. Deharo, in « Médiation, une justice équitable et durable ? » ; Gaz. Pal., 22 août 2006, n° 234, p. 2 et s.). Pour d’autres, elle est de nature à encourager « une écoute mutuelle » entre les parties (J. Gautier et D. Corvee : « De la nécessité de penser le processus de médiation ou comment réellement développer les modes alternatifs de règlement des conflits » ; LPA, 9 juin 2017, n° 115, p. 21 et s.), « avec l’aide d’un tiers spécialiste de la communication […] » (N. Fricero : « Médiation et contrat », op. cit., spéc. n° 2, in fine ; c’est nous qui surlignons les différentes expressions utilisées).
[66] V. not. N. Dion : « L’aventure de la médiation », LPA, 29 juill. 2003, p. 4.
[67] Cass. soc. : 14 janvier 2014, n° 12-27.284 ; préc.
[68] CA Paris : 29 mars 1991, Ganz ; Rev. arb. 1991, p. 478, n. L. Idot.
[69] En revanche, il sera bien plus délicat, voire impossible pour le tribunal arbitral de vérifier que l’atteinte à l’un de ses droits fondamentaux substantiels, invoquée par l’une des parties, trouve son origine dans une législation nationale. En effet, le tribunal arbitral se trouve notamment dénué de la faculté de transmettre des questions préjudicielles à la CJUE ou des QPC au Conseil constitutionnel. En outre, il pourrait s’avérer périlleux qu’il effectue lui-même un tel contrôle de conformité. Sur ces questions, cf. cet article, infra n° 45 et s.
[70] Cass. com. : 17 janv. 2006, nº 03-12.382 ; CCC 2006, comm. n° 67, n. M. Malaurie-Vignal.
[71] Art. 1494 C. pr. civ., pour l’arbitrage interne, et art. 1519 C ; pr. civ., pour l’arbitrage international.
[72] Cass. civ. 1ère : 20 février 2001 ; Bull. civ. 2001, I, n° 39 ; Rev. arb. 2001, p. 511, n. Th. Clay ; Rev. crit. DIP, 2002, p. 124, n. Ch. Séraglini.
[73] Cour EDH : 3 avril 2008, Regent compagny c/ Ukraine ; aff. n° 773/03 ; Rev. arb. 2009, p. 797, n. J-B. Racine.
[74] Th. Clay : « L’arbitre » ; Nouvelle Bibl. thèses, Dalloz, 2001 ; cf. n° 255 et s.
[75] Ch. Jarrosson : « L’arbitrage et la Convention européenne des Droits de l’Homme » ; Rev. arb., 1989, p. 573 et s., spéc. p. 600.
[76] Cf. A. Mourre : « Le droit français de l’arbitrage international face à la Convention européenne des droits de l’homme » ; Gaz Pal, 02/12/2000 ; n° 337 p. 16 et s., spéc. n° 37. Adde, J-B. Racine : « L’arbitrage commercial international et l’ordre public » ; LGDJ, 1999, spéc. les illustrations jurisprudentielles, p. 401 et s.
[77] Cf. TAS : 9 mars 2017, RFC Seraing c/ FIFA, n° 2016/A/4490 ; JCP éd. G 2017, doctr. 544, n° 9, obs. B. Haftel.
[78] Le contrat TPO (Third Party Ownership) est la convention par laquelle un club sportif professionnel consent à céder, à titre onéreux à une société, une partie des droits financiers qu’il possède sur l’un des joueurs de son effectif.
[79] L’interdiction du harcèlement moral est précisée par l’art. L. 1152-1 C. trav. et constitue un délit défini et sanctionné par l’art. 222-33 C. pén.
[80] Ce texte dispose en effet qu’ : « une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.
Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties.
Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.
Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime ».
[81] CA Montpellier : 12 septembre 2007, n° 07/00050.
[82] Cf. C. Minet-Letalle : « La médiation intra-entreprise. L’exemple des conflits de travail » ; Cah. Dr. Entr., mai 2016, n° 3, dossier 19, spéc. p. 4 (version PDF téléchargée sur Lexis 360).
[83] Art. L. 1152-6 al. 3 C. trav.
[84] Art. L. 1152-6 al. 4 C. trav.
[85] Cf. not. F. Chopin : « Défenseur des droits », Rep. Dr. pén. et pr. pén., Dalloz, 2017, spéc. n° 208 et s.
[86] Défenseur des droits : déc. n° 2016-26 ; Rapp. annuel d’activité 2016, p. 57.
[87] Civ. 1re : 8 févr. 2000 ; Bull. civ. I, n° 3 ; Defrénois 2000, p. 1179, obs. G. Champenois.
[88] A ce titre, peut être citée la règle figurant à l’article 274, 2° du C. civ. selon laquelle le juge peut décider, qu’en cas de divorce des époux, la prestation compensatoire versée par l’un au profit de l’autre pourra prendre la forme de l’attribution d’un bien en propriété. Au sujet de sa rédaction antérieure à 2004, la Cour EDH a estimé que l’absence de choix offert au débiteur de la prestation compensatoire quant au moyen de s’acquitter de celle-ci, le débiteur ayant été contraint à un abandon forcé de la propriété d’un bien propre en l’espèce, constituait une violation au droit au respect des biens énoncée à l’art. 1 du premier protocole additionnel à la Convention EDH (Cour EDH : 10 juillet 2014, Milhau c/ France ; AJDA 2014, p. 1763 obs. L. Burgorgue-Larsen ; RTD Civ. 2014, p. 841, obs. J-P. Marguénaud et p. 869, obs. J. Hauser). Quant à la rédaction actuelle de cette disposition, le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation, selon laquelle l’atteinte au droit de propriété que constitue la cession forcée d’un bien au titre de la prestation compensatoire ne sera tolérable qu’à condition de constituer une modalité subsidiaire du versement en capital de cette prestation (Cons. Const. : 13 juillet 2011, n° 2011-151 QPC ; Dr. fam. 2001, 148, n. V. Larribau-Terneyre ; RTD Civ. 2011, p. 565, obs. Th. Revet et p. 750, obs. J. Hauser).
[89] Il s’agissait d’une loi de police en l’espèce. V. Cass. civ. 1ère : 8 juill. 2010, n° 09-67.013 ; D. 2010, p. 2884, n. M. Audit et O. Cuperlier ; Rev. crit. DIP, p. 743, obs. D. Bureau et H. Muir-Watt.
[90] V. not. CA Paris : 29 mars 1991, Ganz ; op. cit.
[91] En la matière, les actions civiles et les demandes relatives aux divers droits de propriété intellectuelle peuvent être tranchées par le recours à l’arbitrage. V. les arts. L. 331-1 C. prop. intell. pour la propriété littéraire et artistique, L. 521-3-1 pour les dessins et modèles, L. 615-17 pour les brevets d’invention, L. 623-31 pour les obtentions végétales, L. 716-4 pour les marques de fabrique et L. 722-8 pour les indications géographiques.
[92] V. not., T. Azzi : « Arbitrabilité et validité du titre en droit français » ; Rev. arbitrage 2014, n° 2, p. 319 et s.
[93] En ce sens, cf. N. Binctin : « Le renouveau du contentieux international de la propriété intellectuelle » ; JDI (Clunet), avr. 2016, n° 2, doctr. 3, p. 381 et s.
[94] CA Paris : 28 févr. 2008, Sté Liv Hidravlika DOO c/ SA Diebolt ; Propr. industr. 2009, comm. 2, n. J. Raynard ; Prop. intell. n° 29, oct. 2008, p. 476, n. J.-C. Galloux ; Rev. arb. 2008, p. 712, n. T. Azzi ; RTD com. 2008, p. 518, obs. E. Loquin.
[95] N. Binctin : « Le renouveau du contentieux international de la propriété intellectuelle », op. cit., spéc. p. 402.
[96] Cf. E. Cartier (dir.) « La QPC, le procès et ses juges. L’impact sur le procès et l’architecture juridictionnelle », étude réalisée dans le cadre de la Mission de recherche « Droit et Justice », Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2013.
[97] Sur la question préjudicielle, cf. not. O. Dubos : « Les juridictions nationales, juge communautaire », préf. J-C. Gutron, Dalloz, Nouvelle bibl. des thèses, 2001.
[98] Cass. com., QPC : 28 juin 2011, n° 11-40.030 ; RTD com. 2011, p. 628, obs. B. Bouloc ; D. 2011, p. 3025, obs. T. Clay ; RTD civ. 2011, p. 557, n. P-Y. Gautier ; JCP G 2011,1432, § 8, obs. J. Ortscheidt ; Rev. arb. 2012, p. 66, n. G. Samper-Le Breton ; D. 2012, p. 159, obs. A. Bénadent.
[99] CJCE : 23 mars 1982, Nordsee ; aff. 102/81, Rec. CJCE 1982, I, p. 1095 ; Rev. arb. 1982, p. 349, obs. X. de Mello ; D. 1983, p. 633, n. J Robert. Cependant, un tribunal arbitral pourra poser une question préjudicielle à la CJUE seulement s’il peut être assimilé une « juridiction d’un des Etats membres » (art. 267 TFUE). Autrement dit, il est nécessaire que le tribunal arbitral ait une origine légale, qu’il rende des décisions contraignantes pour les parties et que sa compétence ne résulte pas d’un accord entre elles mais qu’elle soit au contraire obligatoire.
- CJCE : 17 oct. 1989, Danfoss ; aff. C-109/88, Rec. CJCE 1989, p. 3199 ; Dr. soc. 1990, p. 472, chron. J. Boulouis et, plus récemment, CJUE : 13 février 2014 ; aff. C-555/13, D. Actu 10 mars 2014, obs. X. Delpech.
[100] Il peut ainsi s’agir d’une ou plusieurs prérogatives substantielles énoncées par la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.
[101] A ce sujet, V. C. Jalicot : « QPC et questions préjudicielles : quel avenir pour l’arbitrage » ; Journal de l’arbitrage, Université de Versailles, n° 1, oct. 2015, étude 2, spéc. p. 4 (version PDF téléchargée sur Lexis 360).
[102] Cass. civ. 1ère : 29 juin 2011, n° 10-16.680, Société Smeg : D. 2011, p. 1910, obs. X. Delpech ; ibid., p. 2434, obs. L. d’Avout et ibid. p. 3023, obs. Th. Clay ; JCP 2011, 1064, § 8, obs. C. Nourissat ; Procédures 2011, p. 306, n. L. Weiller ; LPA 2011, n° 227, § 8, obs. J. Jourdan-Marques.
[103] Ainsi, en Italie, les tribunaux arbitraux peuvent transmettre une question à la Cour constitutionnelle italienne si au cours de l’instance une partie soulève une question relative à la contrariété d’une loi à la Constitution ; Cf. P. Mayer, « L’arbitre international et la hiérarchie des normes », Rev. arb. 2011, p. 361 et s., not. § 4.
[104] V. obs. L. d’Avout, sous Cass. civ. 1ère : 29 juin 2011, préc., not. p. 2440.
[105] En France, il s’agira du président du TGI, dans le ressort duquel la sentence a été rendue (art. 1487 C. pr. civ.) et du président du TGI de Paris en matière d’arbitrage international (art. 1521 C. pr. civ.), soit des juridictions soumises à l’autorité de la Cour de cassation.
[106] Si une telle exclusion a pour effet de restreindre le champ d’application de cette médiation, elle apparaît cependant légitime. Elle a en effet été décidée à la suite de revendications d’associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Pour ces dernières, un simple traitement amiable de situations graves aurait constitué une régression sur le plan des principes et un déni des violences imposées aux victimes de telles pratiques. Cf. C. Leborgne-Ingelaere : « Harcèlement et stress au travail », Jurisclass. trav., fasc. 20-50, spéc. n° 112 et s.
[107] Afin d’écarter ce risque, la rédaction initiale de l’article L. 1152-6 figurant dans le projet de loi ayant conduit à l’adoption de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003, imposait aux parties de choisir une personnalité extérieure à l’entreprise comme médiateur, sur une liste dressée par le préfet. V. C. Minet-Letalle : « La médiation intra-entreprise. L’exemple des conflits de travail », préc., spéc. p. 4 (version PDF téléchargée sur lexis 360).
[108] V. P. Adam : « Harcèlement moral », Rép. Dr. trav., Dalloz, spéc. n° 286 à 294.
[109] C. Minet-Letalle : « La médiation intra-entreprise. L’exemple des conflits de travail », op. cit.
[110] S. Detraz : « Le rôle du Défenseur des droits en matière pénale : un nouveau « tout en un » procédural » ; Dr. pénal 2011, étude 8.
[111] Art. 28, II., de la loi organique, préc.
[112] V. Décision défenseur des droits : 7 avril 2015 ; MLD-2015-013 ; Rapp. annuel d’activité 2015, p. 44.