Discours de haine et droit pénal dans les pays arabes
Par Farah Safi, Professeure à l’Université Clermont Auvergne
Traiter des discours de haine dans les pays arabes peut surprendre en ce que cela nécessite d’avoir le courage[1] de surmonter deux a priori que l’on peut retrouver malheureusement aujourd’hui dans la société française. Car, il faut l’avouer, tout en luttant contre ce que l’on dénomme « discours de haine » – sans pour autant jamais vraiment savoir de quoi il s’agit -, la politique menée par nos gouvernements successifs devient de plus en plus vecteur de haine, d’intolérance et de rejet de l’« autre ».
Deux acquis trompeurs donc à dépasser pour construire une étude juridique sur la lutte contre les discours de haine dans le monde arabe.
Le premier acquis erroné relève du sentiment de « haine »[2] – la même contre laquelle nous luttons… – et de mépris à l’égard du « monde arabe »[3], issu le plus souvent d’une ignorance de la législation de ces pays ou encore d’une incompréhension de leurs cultures et traditions[4]. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce qui caractérise les pays arabes et les unit, ce n’est ni la religion[5] ni les traditions[6], mais la langue. Tout pays dont la langue officielle est l’arabe est un pays arabe[7]. Ce n’est donc pas le lieu géographique qui importe : c’est ainsi que si le Liban, la Palestine ou la Syrie se trouvent en Asie proche-orientale, l’Égypte, le Soudan ou encore l’Algérie sont des pays arabes d’Afrique, les pays des Émirats arabes unis, le Qatar ou le Koweït étant, quant à eux, des pays asiatiques du Golfe persique. Cette précision n’est pas sans intérêt puisqu’elle permet de comprendre que, tout comme il n’est guère aisé d’évoquer « LE » droit des pays européens, chaque État européen ayant conservé, malgré « l’intégration » dans un ordre supranational, certaines spécificités et particularités[8], il est erroné de croire que les pays arabes ont en commun une politique législative, surtout en matière pénale. Dès lors, si l’étude de la réaction du droit pénal aux discours de haine dans les pays arabes permettra sans doute de relever certaines similitudes entre les législations de ces différents pays, elle révèlera également des divergences justifiées tantôt par des raisons politiques, tantôt par des considérations religieuses. Toutefois, au regard de l’impossibilité de procéder à une étude exhaustive de toutes les législations de tous les pays arabes si distincts les uns des autres, seront principalement traités ici les droits libanais, tunisiens et égyptiens[9].
Le second acquis erroné qu’il convient d’éluder est celui qui consiste à croire que les discours de haine sont tolérés voire encouragés dans les pays arabes. Rien de tel en effet, et ce, qu’il s’agisse de pays de droit musulman[10] ou de droit civil[11]. Il n’en reste pas moins que les législations des pays arabes ne luttent pas contre les discours de haine avec les mêmes moyens, les mêmes méthodes ni les mêmes objectifs que ceux que l’on connait en France ou en Europe. Cela ne devrait pourtant ni choquer ni surprendre au regard des différences culturelles, politiques et historiques, ces pays n’étant en majorité pas des démocratie libérales – tout comme la société française ne manifeste aucune surprise ni dédain à l’égard de la conception américaine de la liberté d’expression. C’est toute la grandeur et tout l’intérêt du droit comparé : comme le disait le Président Ancel[12], il s’agit de permettre au juriste en explorant d’autres droits, de mieux connaître le sien, de mieux le comprendre afin de se convaincre de ses vertus, ou alors de chercher à l’améliorer. La comparaison doit, cependant, prendre en considération les différences de culture et, s’agissant des pays objets de cette étude, de « développement », puisque nul ne peut nier qu’une grande partie des pays arabes sont aujourd’hui des États en voie de développement et dont la construction sociétale et politique sont encore des processus en cours. Les multiples printemps arabes le prouvent : certains pays arabes sont en train de découvrir des formes de libéralisme politique et d’émancipation démocratique[13], et il faut croire que le 21ème siècle est le siècle des Lumières arabes et de la Révolution contre les royautés, les dictatures et tout ce qui en découle en termes de censure et d’oppression. Par conséquent, le droit pénal étant par nature politique et le reflet du régime politique d’un pays, la définition du discours de haine en devient à son tour tributaire. Dans ces pays en quête d’un État de droit[14], est considéré comme discours de haine celui qui traduit une hostilité ou une quelconque opposition au pouvoir politique en place, à la religion dominante ou aux règles de bonnes mœurs y afférentes[15]. Cette définition réaliste[16] devrait d’ailleurs d’ores et déjà interpeller le juriste et lui ouvrir les yeux sur la dangerosité de la notion de haine, facilement manipulable et source d’arbitraire[17]. La répression des discours de haine devient alors un moyen fort utile pour instaurer le conformisme tous domaines confondus et étouffer la liberté d’expression.
C’est que la notion de haine est une notion floue[18], fuyante et impossible à définir. La haine, on le sait, est un sentiment, et ne devrait en aucun cas, tout comme l’amour, craindre les foudres de la répression pénale[19]. Seules devraient donc nous intéresser l’expression d’une idéologie parmi celles considérées comme « agressives » par le législateur ainsi que celle ayant pour effet la réalisation d’un acte motivé par une idéologie « agressive »[20]. C’est le respect de la liberté d’expression, largement consacré dans les législations arabes, qui l’exige.
Par conséquent, c’est au nom de la liberté d’expression que toute personne a le droit d’extérioriser son opinion, bien que choquante[21], ou contraire à celle de la majorité dominante, ce qui permet de relever une grande similitude avec l’esprit du droit français et celui de la Convention européenne en la matière. Il n’en reste pas moins que si, comme en France, tout discours n’est pas toléré et que la liberté d’expression supporte des limites, il semble possible d’affirmer que la consécration de cette dernière est illusoire en ce qu’elle est régulièrement violée. La lutte contre les discours de haine dans les pays arabes permet ainsi d’établir le constat d’une liberté d’expression consacrée en apparence dans les textes (I) mais bien souvent bafouée dans la pratique, ce qui révèle, ici comme ailleurs, la difficile et arbitraire qualification juridique de ce qui relève des propos haineux (II).
I. La liberté d’expression consacrée
Pour la plupart, les pays arabes consacrent la liberté d’expression. C’est ainsi que l’article 32 de la Charte arabe des droits de l’homme de 2004 consacre la liberté d’opinion et d’expression, la liberté d’être informé et de s’informer par tous moyens dans les limites précisées par la loi pour la sauvegarde des droits d’autrui, de son honneur ou sa considération, de la protection de l’intérêt général, de la santé et des bonnes mœurs. De plus, les droits internes des différents pays arabes consacrent, à leur tour, la liberté d’expression et la placent au rang des libertés à valeur constitutionnelle. C’est le cas pour le Liban : l’article 13 de la Constitution libanaise reconnaît « la liberté publique de communication des pensées et des idées » et garantit « la liberté d’exprimer sa pensée par la parole ou par la plume (…) dans les limites fixées par la loi ». Il en va de même de la Constitution tunisienne dont l’article 37 dispose : « Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication sont garanties. Aucun contrôle préalable ne peut être exercé sur ces libertés ». La Constitution égyptienne ne dit pas autre chose en affirmant en son article 47 que « la liberté d’opinion est garantie. Toute personne a le droit d’exprimer son opinion et de la propager par la parole, par l’écrit, par l’image ou par tout autre moyen d’expression, dans les limites de la loi. L’autocritique et la critique constructive sont une garantie de la sécurité de l’édifice national ». L’article 9 du de la Constitution du Maroc proclame à son tour la liberté d’opinion et d’expression « sous toutes ses formes » avec des restrictions possibles dans les seuls cas prévus par la loi.
C’est donc un peu le même schéma que celui que l’on retrouve à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : le principe c’est la liberté, l’exception c’est les restrictions apportées à la liberté d’expression qui doivent impérativement être prévues par la loi et nécessaires à la sauvegarde d’un autre intérêt légitime.
En outre, la liberté d’expression est tellement précieuse, semble-t-il, que non seulement elle est directement consacrée au sein de la Constitution – à l’instar du Premier amendement de la Constitution américaine, et contrairement au « simple » renvoi au préambule et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour la France -, mais encore, par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et, plus précisément, son article 29-2°, qui a, au Liban, une valeur constitutionnelle. C’est ainsi que les seules restrictions possibles à toute liberté, y compris la liberté d’expression, sont celles qui ont pour objectif d’assurer la reconnaissance et le respect « des droits et libertés d’autrui », et de satisfaire aux « justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ». On retrouve le même esprit en droit tunisien, puisque l’article 55 de la Constitution précise que les seules restrictions possibles à la liberté d’expression sont celles prévues par la loi pour répondre « aux exigences d’un régime démocratique et en vue de sauvegarder les droits d’autrui ou pour répondre aux impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale ou de la santé publique ».
On comprend alors qu’à l’image de ce que dicte l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la liberté d’expression est consacrée dans la plupart des pays arabes, tout en supportant des limites nécessaires à la sauvegarde d’autres intérêts légitimes. C’est ainsi que les législations arabes répriment les abus de la liberté d’expression souvent sous couvert de la lutte contre les discours de haine. Certaines incriminations nous sont familières en France, comme par exemple la provocation aux crimes et aux délits ou encore la diffamation et l’injure. En effet, ces agissements sont considérés, dans la plupart des législations pénales des pays arabes, comme des abus de la liberté d’expression méritant ainsi la sanction pénale. Par exemple, l’article 245 du code pénal tunisien réprime « toute allégation ou imputation publique d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps constitué », l’article 53 du code de la presse visant, quant à lui, la diffamation raciale ayant pour but « d’exciter à la haine entre les citoyens et les habitants ». De plus, la loi organique tunisienne du 23 octobre 2018 a pour objectif d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale. Est, par exemple, puni d’un an à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de mille à trois mille dinars, ou de l’une de ces deux peines[22], quiconque aura incité « à la haine, à la violence et à la ségrégation, à la séparation, à l’exclusion ou la menace de le faire à l’encontre de toute personne ou groupe de personnes fondé sur la discrimination raciale ». Encourt la même peine celui qui diffuse « des idées fondées sur la discrimination raciale ou sur la supériorité raciale ou sur la haine raciale, par quelque moyen que ce soit » ou qui fait « l’éloge des pratiques de discrimination raciale par quelque moyen que ce soit »[23]. Le droit égyptien suit la même logique, en incriminant l’incitation à la discrimination contre un groupe de personnes en raison de la race, de l’origine, de la langue ou de la croyance, si cette incitation déstabilise la paix publique[24]. L’article 39 bis du code de la presse marocain incrimine, à son tour, l’incitation « à la discrimination raciale, à la haine ou à la violence contre une ou plusieurs personnes à raison de leur race, leur origine, leur couleur ou leur appartenance ethnique ou religieuse ». On retrouve ainsi les incriminations connues en France de diffamation, de provocation à la haine raciale ou à la discrimination pour mobile raciste ou encore d’apologie[25].
D’autres ont – fort heureusement – disparu de notre législation française[26]. C’est le cas du blasphème[27], défini comme le fait de blasphémer publiquement le nom de Dieu et largement incriminé dans la grande majorité des pays arabes[28]. C’est également le cas pour les infractions contre la chose publique ou l’autorité publique tels que l’outrage au chef de l’État. Par exemple, l’article 384 du code pénal libanais incrimine encore aujourd’hui « tout outrage au chef de l’État », tout comme l’article 67 du code pénal tunisien réprime l’« offense contre le chef de l’État »[29]. De plus, à l’aune de la particularité de la société libanaise multiconfessionnelle et, sans doute, au regard du poids de la guerre civile pour mobile religieux, le code pénal libanais incrimine le fait de porter atteinte à l’unité nationale ou de troubler l’harmonie entre les divers éléments de la population. Constitue par exemple un délit, « tout acte, tout écrit, tout discours dont le but ou l’effet est d’exciter l’esprit du corps confessionnel ou ethnique et de susciter des conflits entre les communautés ou les différents éléments de la population »[30]. L’étude de ce délit permet de démontrer la dangerosité de la notion de lutte contre la haine, quel que soit le pays et quelles que soient les traditions. En effet, que faut-il entendre par « esprit du corps confessionnel ou ethnique » ? Comment déterminer les discours ou écrits permettant de « susciter des conflits entre les communautés »[31] ? L’inquiétude est d’autant plus légitime que le plus souvent, c’est la peine d’emprisonnement qui est prévue pour ce type d’infractions. C’est le cas pour une incrimination censée assurer la protection de la pudeur publique et des bonnes mœurs qui punit d’un an d’emprisonnement l’outrage à la pudeur publique[32] ou encore aux bonnes mœurs[33]. Contrairement aux apparences, les discours de haine sont bien concernés par ces textes, avec une définition circonstanciée et arbitraire de ce qui est haineux, comme le révèle l’article 534 du code pénal libanais qui réprime « toute conjonction charnelle contre l’ordre de la nature ». L’incrimination des discours de haine devient alors le moyen d’imposer une morale sociale – ici la lutte contre l’homosexualité – souvent utilisée comme moyen de représailles à l’encontre des personnes manifestant une quelconque opposition au régime dominant. Par exemple, ont été poursuivis et condamnés pour diffamation, des journalistes ou encore des militant libanais ayant critiqué des représentants de l’État[34].
C’est dire que si la liberté d’expression est consacrée dans les pays arabes et que les limites pouvant lui être apportées sont encadrées par les textes, elle demeure, en pratique, largement bafouée, en raison d’une interprétation opportuniste et politique du discours de haine – ce qui n’est, malheureusement, pas une particularité du monde arabe[35].
II. La liberté d’expression bafouée
La difficulté de la lutte contre les discours de haine réside, on l’a dit, dans l’absence de définition objective de ce type de discours. Leur qualification dépend donc du pouvoir politique ou juridictionnel, et est difficilement transposable d’un État à l’autre et d’une époque à l’autre. Par exemple, est considérée comme discours haineux en Algérie l’incitation tendant à convertir un musulman à une autre religion[36].
Cette difficulté qui n’est, on le sait, pas propre aux pays arabes, trouve sa manifestation la plus évidente dans deux domaines qui permettent de nous éclairer sur la manière dont la liberté d’expression est, dans les pays arabes, bafouée au nom de la lutte contre les discours de haine. Il s’agit notamment de l’étude de la liberté d’expression dans le domaine artistique, d’une part, et dans le domaine politique, d’autre part.
D’une part, et s’agissant du contrôle de la liberté d’expression au nom de la lutte contre les discours de haine dans le domaine artistique, il est malheureux bien que réaliste de constater que, dans les pays arabes, le système de la censure est la règle pour tout ce qui relève du cinéma et de la chanson. C’est ainsi qu’au Liban, en plus du pouvoir de l’administration, plusieurs infractions pénales sont prévues dans le but d’intimidation et donc d’auto-censure, et ce notamment dans la loi n° 382 du 4 novembre 1994 sur la diffusion télévisée et radiophonique. Juge administratif et juge pénal se relaient donc pour limiter les discours de haine.
L’exemple du Liban est intéressant en ce qu’il s’agit de l’un des premiers producteurs de films et de chansons dans les pays arabes. Pourtant, malgré la consécration de la liberté d’expression, et en dépit d’une société parmi les plus « modernes » des pays arabes, le domaine artistique libanais n’échappe pas à la censure ni à la répression. On y retrouve un régime préventif poussé dans le domaine cinématographique[37] à l’origine du Conseil national des médias audiovisuels[38]. Il faut alors, en pratique, franchir un certain nombre d’obstacles pour faire un tournage : d’abord une autorisation pour tourner les scènes du film avec un contrôle minutieux du script[39] ; ensuite, une autorisation par la Sûreté générale pour importer et distribuer des films[40]; enfin, l’obligation d’obtenir un visa d’exploitation[41]. A ces lourdes formalités administratives, s’ajoutent de nombreux motifs de censure, énumérés à l’article 4 de la loi du 27 novembre 1947 sur le contrôle des films cinématographiques : respecter l’ordre public et les bonnes mœurs, respecter les sentiments du public et éviter de susciter l’esprit de corps ethnique ou religieux et préserver l’autorité de l’État et s’opposer à toute publicité contraire à l’intérêt du Liban. La liste permet donc facilement de toucher à tout ou presque, en fonction des idées politiques ou religieuses admises par l’administration. Par exemple, certaines scènes de films ont été censurées en raison d’un langage sexuel jugé trop cru, choquant et, par conséquent, haineux. De même, le film « The walker » a été confisqué en 2009 au motif qu’il relatait sur un ton encourageant une relation homosexuelle[42], tout comme l’interdiction du film « Barbie » au Liban mais également au Koweït et en Algérie pour cause de « promotion de l’homosexualité et de la transsexualité ». En plus du poids de la religion et des « bonnes mœurs », il faut également composer avec le pouvoir politique. C’est ainsi que comme le précise un auteur, « les cas recensés révèlent essentiellement la volonté de l’administration de limiter la diffusion des œuvres cinématographiques portant sur les aspects douloureux de la guerre civile libanaise »[43]. C’est le cas pour le film intitulé « Civilisées » censuré en 1999 en ce qu’il évoque la guerre civile au Liban[44]. En raison de la sensibilité du sujet, tout propos relatif à la guerre civile est considéré comme haineux ou provoquant à la haine et portant atteinte à la paix sociale[45]. Les exemples sont marquants : en 2009, le film « Al Yawm » n’a pu obtenir un visa d’exploitation qu’après suppression de la scène comportant un passage relatant des accrochages entre le mouvement Amal (chiite) et l’armée libanaise. De la même manière, le documentaire « Chou sar » évoquant un massacre commis par les membres d’un parti politique libanais dans le village de son réalisateur a été censuré. Plus récemment en 2015, le film documentaire sur les déplacés de la guerre civile « In this land lay graves of mine » a été interdit par la Sûreté générale au motif qu’il susciterait la discorde confessionnelle et politique et perturberait la paix civile. On comprend alors que « l’autorisation administrative apparaît en réalité, dans un refoulement collectif regrettable, comme la gardienne de tous les tabous de la société libanaise : la sexualité, la religion et la mémoire de la guerre »[46].
Toutefois, il est intéressant de noter que le juge pénal libanais a réussi, dans certaines – rares – affaires, à faire triompher la liberté d’expression et à requalifier ce que certains avaient présenté comme discours de haine. L’une des affaires qui a beaucoup fait parler d’elle concerne le célèbre chanteur et compositeur libanais Marcel Khalifé – connu notamment pour ses chansons révolutionnaires -, qui a repris dans une de ses chansons, écrite par le poète palestinien Mahmoud Darwish, « je suis Youssef, Oh Père », un extrait d’un verset du Coran. Il fut poursuivi pour blasphème et accusé d’avoir insulté les valeurs religieuses. Après de longues péripéties, le juge pénal a, par une décision courageuse du 15 décembre 1999, relaxé le chanteur, se référant au principe de légalité criminelle : les paroles ne comportant aucun outrage ou mépris au culte, le juge a refusé de sanctionner un comportement du seul fait de sa non-conformité avec une prescription religieuse.
Il n’en reste pas moins que les affaires faisant triompher la liberté d’expression sont très rares et la solution élaborée par un juge n’est pas toujours objective ni indépendante des pouvoirs politiques. Par exemple, nombreuses sont encore les condamnations pour mépris des cultes manifesté par des œuvres caricaturales. Il demeure néanmoins possible d’évoquer une sorte de « dissonance » entre les jurisprudences administrative et judiciaire quant au traitement des affaires liées à la liberté d’expression et au discours de haine, le juge judiciaire étant bien plus protecteur de cette liberté que le juge administratif. La comparaison de deux décisions rendues, en moins d’un mois d’intervalle, respectivement par le juge pénal et le juge administratif, le montre aisément. En effet, alors que le juge pénal de Tripoli refuse, par une décision du 19 janvier 2012, la dissolution judiciaire d’une association et la condamnation de ses membres prônant le retour du califat islamique, le juge administratif a, quant à lui, le 7 mars 2012, confirmé la dissolution administrative d’une autre association prônant le retour du même califat. Pour le juge pénal, les prévenus exprimaient leur croyance pacifiquement sans commettre d’illégalité et sans aucune menace pour l’ordre public, pour le juge administratif, au contraire, il s’agissait d’œuvrer pour la réalisation du califat islamique ce qui violait la Constitution et les principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel et politique, ainsi que du pacte national au Liban.
Par conséquent, on le voit, dans le domaine artistique, les discours de haine sont une arme précieuse et efficace entre les mains de l’administration pour étouffer la liberté d’expression et limiter toute critique et toute menace du régime politique.
Le bilan n’est pas plus joyeux, d’autre part, s’agissant du domaine politique, comme le prouvent les soulèvements populaires dans plusieurs pays arabes, connus sous le nom de « printemps arabe ». Ici encore, la définition du discours de haine est centrale. Or, il semble qu’est haineux, tout ce qui n’est pas conforme aux règles de bonnes mœurs imposées par le pouvoir ou encore toutes les idées qui ne sont pas partagées par le régime politique dominant. Les révoltes arabes ont alors été conçues comme un grain d’espoir pour ceux qui sont attachés aux libertés, toutes les libertés, et plus précisément la liberté d’expression. Internet a joué un rôle très important[47], puisque la censure exercée par le pouvoir n’a pas pu couper l’accès à l’information. L’exemple tunisien est particulièrement parlant. Le printemps arabe tunisien a débuté en décembre 2010 et a permis de réaliser un certain nombre d’avancées dans la consécration de la liberté d’expression et dans la limitation de l’oppression et de la censure. On l’a dit, la liberté d’expression est désormais garantie à l’article 37 de la Constitution tunisienne et ne supporte des limites que « pour répondre aux exigences d’un État civil et démocratique, et en vue de sauvegarder les droits d’autrui ou les impératifs de la sûreté publique de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications »[48]. En dépit de ces consécrations textuelles, la question principale demeure celle de savoir ce qui reste aujourd’hui de ce printemps arabe. Peut-on tout dire ou risque-t-on de voir son discours qualifié de discours de haine en fonction des opinions de ceux qui sont au pouvoir ? La parole longtemps « confisquée »[49] a-t-elle été réellement rendue au peuple tunisien ?
Il semble que le dérèglement climatique soit passé par là en supprimant deux saisons, l’été et l’automne : on est ainsi passé du printemps à un hiver tellement froid que certains auteurs expliquent que la législation post-printemps arabe est bien plus restrictive des libertés – et notamment de la liberté d’expression – que celles contre lesquelles les révolutionnaires arabes se sont battus[50]. En effet, si un décret-loi a prévu l’abrogation des textes antérieurs contraires à la liberté de la presse, tout en visant, à titre d’exemple, le code de la presse, la jurisprudence a pu interpréter ce renvoi comme excluant les infractions du code pénal. C’est ainsi que depuis cette révolte, le juge renvoie d’une manière de plus en plus récurrente aux dispositions du code pénal pour limiter la liberté d’expression, notamment à l’encontre des journalistes. Par exemple, c’est au visa de l’article 226 bis du code pénal tunisien[51] que deux personnes ont été condamnées pour avoir posté sur leur page Facebook des caricatures considérées comme haineuses et portant atteinte au sentiment religieux. De même, l’article 86 du code des télécommunications tunisien permet de limiter la liberté d’expression en prévoyant une peine d’emprisonnement à l’encontre de quiconque « sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ». Encore un texte « ouvert » qui permet de tout saisir au nom de la perturbation de la quiétude, notion purement subjective et rebelle à toute définition. Un syndicaliste a par exemple été condamné le 7 février 2017 à de la prison ferme pour avoir publié sur Facebook un message accusant certains juges de partialité dans leurs traitements des affaires terroristes. Ce message a été considéré comme provoquant à la haine et au terrorisme, et perturbant la quiétude d’une personnalité publique.
Par conséquent, il est possible d’affirmer que dans le domaine des discours de haine et de la protection de la liberté d’expression, dans le monde arabe comme ailleurs, les textes ne permettent en rien de préjuger de l’effectivité et de la réalité de la protection de la liberté d’expression. L’essentiel demeure dans l’interprétation jurisprudentielle, ce qui exige d’avoir des textes clairs et précis, notamment dans des Etats où la séparation des pouvoirs n’est vraie que d’apparence, et où les juges sont en grande partie soumis, et souvent malgré eux, au pouvoir politique. Ce constat exige de rappeler l’importance pour tout homme, quelle que soit son origine, quel que soit son pays, qu’il soit dans le monde arabe ou ailleurs – même dans le « monde universitaire » -, de la lutte pour la liberté, sans laquelle, comme le disait Voltaire, « de notre être, en un mot, rien ne serait à nous »[52].
[1] Ce qui ne manque pas à l’organisatrice du colloque à l’origine de cette contribution, le Professeur Valérie Malabat, que je tiens à remercier chaleureusement de son invitation, de sa confiance et donc de son courage !
[2] V. sur le racisme anti-arabes, le rapport de 2022 de la CNCDH qui, en plus des statistiques sur ce type de racisme, montre l’existence de « stéréotypes » et de « préjugés racistes » associés à l’origine arabe ou à la religion musulmane. C’est ainsi que « le « garçon arabe » serait ainsi par nature et par culture violent, sexiste, voire misogyne et homophobe. Dans cette perspective, la femme maghrébine musulmane, en particulier voilée, est perçue tout à la fois comme une victime de sa culture et un risque pour la nôtre du fait des vêtements qu’elle porte, supposés constituer une menace pour les « valeurs françaises » ». CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, Rapport 2022, p. 270.
[3] Certains ne continuent-ils pas à croire que les arabes se déplacent encore aujourd’hui sur des dromadaires ? Sur ces a priori, v. par exemple : F. Safi, Le droit pénal musulman est-il vraiment archaïque ?, Dr. Pen. 2018, étude n° 6. V. également : E. Picard, La politique dans le monde arabe, Paris, Armand Colin, 2006, p. 8 (l’auteur plaide pour une étude du droit des pays arabes en se libérant « d’une perception culturaliste, qui tend à les considérer comme a-historiques ») ; N. Bernard-Maugiron, Le droit contemporain des pays arabes, Sirey 2023.
[4] Un auteur évoque « l’imaginaire occidental » entretenant le « spectre d’un conflit de civilisations », L. Gannagé, Synthèse, in L’enfant en droit musulman, colloques, n° 11, Société de législation comparée, 2008, p. 418.
[5] On retrouve par exemple au Liban 18 communautés religieuses : 5 musulmanes (sunnite, chiite, alaouite, druze et ismaélite), 12 chrétiennes (maronite, grec-orthodoxe, grec-catholique, arménienne apostolique, syrienne-orthodoxe, syrienne-catholique, chaldéenne, assyrienne, copte, orthodoxe, latine et protestante) et une juive. En revanche, cette mosaïque religieuse ne se retrouve pas dans tous les pays arabes. Par exemple, les égyptiens sont en grande majorité musulmans, la communauté copte ne représentant que 8% de la population. Par ailleurs, certains pays arabes sont des pays musulmans, c’est-à-dire que la religion officielle de l’Etat est l’Islam. Tel est le cas pour la Tunisie (en dépit de la consécration de la liberté religieuse), du Maroc ou encore de l’Arabie Saoudite.
[6] Ni, pour provoquer ceux qui pensent être les plus instruits parmi nous, le terrorisme : que ceux-là ne soient pas déçus d’apprendre que les parents des enfants palestiniens ne sont pas nécessairement des barbares et n’envoient pas volontairement leurs enfants à la mort…V. sur les a priori négatifs qui circulent dans la société française, le rapport de la CNCDH de 2022 : les arabes souffrent de « l’image négative qu’a aujourd’hui l’islam en France, associé dans l’imaginaire collectif au terrorisme et au djihad », CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, Rapport 2022, p. 198.
[7] Cela couvre ainsi l’Afrique du Nord, le Proche-Orient ainsi que les pays du Golfe.
[8] La Cour européenne des droits de l’homme le rappelle régulièrement pour justifier le principe de la marge d’appréciation des États membres : « la Cour se doit de prendre en compte le fait que l’Europe est caractérisée par une grande diversité entre les États qui la composent, notamment sur le plan de l’évolution culturelle et historique », CEDH Lautsi et autres c./ Italie, 18 mars 2011, n° 30814/06, §68.
[9] Ce choix est en partie dicté, l’auteur l’avoue, par ses origines. Il est également, et surtout, justifié par la difficulté d’accès aux sources des textes et de la jurisprudence d’un grand nombre des autres États arabes.
[10] En Égypte, par exemple, la Constitution reconnait l’Islam comme religion de l’État, dont les principes constituent « la source principe de la législation », Art. 2 de la Constitution égyptienne. Il en va de même de la Constitution Marocaine dont l’article 6 reconnait l’Islam comme religion de l’Etat, tout en garantissant à tous le libre exercice des cultes.
[11] Contrairement à l’Égypte, le Liban ne reconnait aucune religion d’État – ce qui ne signifie pas pour autant que ce soit un État laïc.
[12] M. Ancel, Utilité et méthodes du droit comparé, Neuchatel, 1971, p. 10.
[13] N’enseigne-t-on pas, par exemple, que le droit pénal libanais, très fortement inspiré par le code napoléonien, correspond aujourd’hui à l’« ancien » droit pénal français, c’est-à-dire à un droit qui est resté figé dans le temps, sans aucune évolution – en raison sûrement de préoccupations d’une autre nature qui ont pu, à juste titre, retenir l’attention du législateur et de la société libanais.
[14] V. sur ce processus d’étatisation du droit et d’évolution des législations dans les pays arabes : N. Bernard-Maugiron, Le droit contemporain des pays arabes, Sirey 2023, n° 10 et s. et, pour une étude spécifique sur l’évolution du droit pénal, n° 3206 et s.
[15] Ne retrouve-t-on pas, en effet, parmi les premières manifestations de la lutte contre la haine, la loi scélérate du 9 septembre 1985 réprimant « toute provocation à la haine entre les diverses classes de la société » ?
[16] Ne fut-il pas une époque où « A bas le roi » était considéré comme un discours haineux et dangereux justifiant la répression pénale ? D’ailleurs, les cris et chants séditieux constituent encore en France une infraction pénale réprimée à l’article 24 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881.
[17] Il s’agit d’une notion « fluide, dont le contenu est susceptible de varier au gré des contextes sociétaux », T. Besse, Les discours de haine dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, in Les discours de haine, Mare&Martin, 2023, p. 45.
[18] V. Valérie Malabat, Quelles qualifications pénales pour les discours de haine ?, RDLF 2024, chron. n° 10.
[19] F. Safi, La haine en ligne et le délit de mise en danger d’autrui, Dr. Pén 2024, n° 4, étude 6.
[20] Sur cette distinction, voir : F. Safi, Le prosélytisme intellectuel et le droit pénal, Thèse Varenne, 2012.
[21] CEDH Handyside c./ Royaume-Uni, 7 décembre 1976, Requête n° 5493/72, §49 : la liberté d’expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ».
[22] Art. 9 de la loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018, relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
[23] Le code pénal tunisien va même plus loin en qualifiant d’actes de terrorisme « les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels que soient les moyens utilisés » (art. 52 bis du code pénal tunisien). De même, l’article 44 du code de la presse tunisien réprime « celui qui aura directement, soit incité à la haine entre les races ou les religions ou les populations, soit à la propagation d’opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l’extrémisme religieux, soit provoqué à la commission de l’offense au Président de la République ou envers l’un des cultes dont l’exercice est autorisé, soit incité la population à enfreindre les lois du pays ».
[24] Art. 176 du code pénal égyptien.
[25] On retrouve également l’équivalent en droit pénal libanais. C’est ainsi que l’article 385 incrimine la diffamation et l’injure publiques, une circonstance aggravante étant prévue à l’article 386 lorsque les propos visent le chef de l’Etat, les cours et les tribunaux, les corps constitués, l’armée ou les administrations publiques.
[26] Même si à l’époque de la montée de l’intolérance au nom de laquelle nous luttons contre les discours de haine, rien ne permet de garantir qu’elles ne soient pas ressuscitées. Un exemple peut être pris du tout récent projet de loi « visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique » à l’origine d’un nouveau délit d’outrage en ligne (futur art. 222-33-1-2 du CP) pour réprimer le fait de diffuser en ligne « tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard à caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
[27] V. R. Parizot, Le blasphème est-il pénalement qualifiable ?, in Le blasphème dans une société démocratique, Dalloz 2016, p. 107.
[28] Quelques exemples non exhaustifs : art. 473 du code pénal libanais : « Toute personne qui blasphèmera publiquement le nom de Dieu sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an » ; art. 144 bis 2 du code pénal algérien : « est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50 000 DA à 100 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen » ; art. 309 du code pénal du Bahreïn qui punit « quiconque porte atteinte à l’une des religions reconnues ou ridiculise ses rites » ; art. 98.f du code pénal égyptien qui réprime le fait de promouvoir oralement ou par écrit des opinions extrêmes afin d’attiser des troubles ou d’insulter l’une des religions célestes ou l’une des communautés religieuses ; art. 362 du code pénal des Émirates arabes unis qui réprime l’offense à l’un des cultes ou des rites sacrés islamiques, ou l’insulte d’une religion céleste reconnue, ou le fait d’encourager à commettre un péché.
[29] L’article 59 vise, quant à lui, « l’offense commise publiquement envers les chefs d’Etats et les membres des gouvernements étrangers ».
[30] Art. 317 du code pénal libanais.
[31] La critique est d’autant plus légitime que c’est la peine de 1 à 3 ans d’emprisonnement qui est prévue en plus d’une amende de 100 000 à 800 000 livre libanaise
[32] Art. 531 du code pénal libanais.
[33] Art. 532 du code pénal libanais.
[34] Un des procès qui a fait couler beaucoup d’encre est celui de la journaliste Dima Sadek condamnée à une peine de prison pour avoir émis des critiques sur Twitter sur la politique d’un des représentants du pays – pourtant tous corrompus et méritant, eux, la peine de prison. Cette affaire a même conduit Amnesty international a diffusé le 8 août 2023 un communiqué demandant au parlement libanais d’abolir toutes les lois incriminant la diffamation et l’injure : « les lois libanaises relatives aux insultes et à la diffamation sont conçues pour protéger les personnes au pouvoir contre toute forme de critique ».
[35] Et ce qui devrait donc nous faire réfléchir, grâce à la comparaison, aux risques de l’intégration des discours de haine dans notre « jargon » juridique et à la dangerosité de sa manipulation, même dans une démocratie.
[36] Art. 11 de l’ordonnance de 2006 relative aux cultes autres que musulmans.
[37] Comme par exemple l’obligation d’obtenir une autorisation administrative préalable à toute diffusion.
[38] Ce conseil a entre autres pour mission de contrôler le contenu de tout support audiovisuel avant diffusion.
[39] Exigence d’origine française, datant d’un arrêté du haut-commissaire français du 18 octobre 1934 – c’est là où on comprend mieux le fait que le droit libanais d’aujourd’hui est une image de l’ancien droit français.
[40] Art. 9 du décret n° 2873 du 16 décembre 1959 relatif à l’organisation de la Sûreté générale.
[41] Loi du 27 octobre 1947 sur le contrôle des films cinématographiques.
[42] On relève une nouvelle fois le caractère relatif de la notion de haine qui est étroitement lié à une société donnée à une époque donnée : tenir un discours favorable à l’homosexualité est haineux dans le monde arabe, alors que tenir des propos hostiles à l’homosexualité est qualifié d’homophobe et donc d’haineux en France.
[43] Marie-Claude Najm, Censure préalable et liberté d’expression cinématographique au Liban, in La liberté d’expression et ses juges : nouveaux enjeux, nouvelles perspectives, CEDROMA, 2017.
[44] Le Monde, Randa Chahal Sabbag, censurée par le pouvoir au Liban, 13 décembre 1999.
[45] Cela dépasse parfois la limite du raisonnable, comme le montre le programme scolaire au Liban, les livres d’histoire ne faisant aucune allusion à la guerre civile, l’histoire du Liban s’arrêtant juste avant dans ce cursus.
[46] Marie-Claude Najm, Censure préalable et liberté d’expression cinématographique au Liban, in La liberté d’expression et ses juges : nouveaux enjeux, nouvelles perspectives, CEDROMA, 2017.
[47] La société française ainsi que la plupart des dirigeants français ont largement montré leur soutien aux peuples arabes qui se révoltaient au nom des libertés et des droits de l’homme. Pourtant, en parallèle, l’exécutif affiche sa volonté de bloquer les réseaux sociaux pendant les émeutes. Faut-il alors craindre, en parallèle de la marche vers la démocratie des pays arabes, un recul des libertés en France, au nom de la sécurité ?
[48] Art. 55 de la Constitution tunisienne.
[49] S. Hamrouni Gaddes, La liberté d’expression sur internet en Tunisie : texte libéral, jurisprudence répressive, in Actes du colloque des 2 et 3 mars 2017, CEDROMA, La liberté d’expression et ses juges : nouveaux enjeux, nouvelles perspectives.
[50] Le climat de répression et d’oppression en Egypte en est une triste preuve.
[51] « Est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amande de mille dinars quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d’une façon qui porte atteinte à la pudeur ».
[52] Voltaire, Discours en vers sur l’homme, De la liberté, 1734, in œuvres complètes de Voltaire, Garnier, 1877, tome 9, p. 388.