Les libertés économiques en période de crise sanitaire : un premier état des lieux
Par Arnaud Sée, Professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre
En période de crise sanitaire, les libertés économiques n’apparaissent pas comme un sujet d’analyse prioritaire. D’autres libertés plus fondamentales sont évidemment en cause cette période de pandémie de coronavirus : le droit à la vie et à la santé, évidemment[1], mais aussi et principalement la liberté d’aller et venir et la liberté de réunion, du fait des mesures de confinement décidées[2]. Reste que la question des libertés économiques demeure importante pour plusieurs raisons. Celle, d’abord, du maintien des activités économiques essentielles à la vie de la Nation en période de suppression de la liberté d’aller et venir. Celle, ensuite, de la pérennité de l’activité économique en général. L’urgence sanitaire justifie en effet de fortes restrictions aux libertés fondamentales, dont les libertés économiques font partie en droit positif[3]. Ces restrictions peuvent être directes, comme la fermeture d’établissements accueillant du public par l’arrêté du ministre de la santé du 14 mars 2020[4]. Elles peuvent être indirectes. La limitation de la liberté d’aller et venir résultant du confinement par le décret du 16 mars 2020 interdit de facto l’exercice de nombreuses activités économiques. L’impact de la crise sanitaire sur l’économie en général n’est pas anodin, et a d’ailleurs conduit l’Union européenne à suspendre le pacte de stabilité[5].
Fondement du pouvoir de police sanitaire. Le fondement du pouvoir de police sanitaire a évolué au fil de la crise du coronavirus. Il a d’abord été exercé par le ministre de la santé, autorité de police spéciale, sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique[6], qui prévoit les mesures applicables en cas de « menace sanitaire grave ». C’est sur ce fondement qu’ont été édictés les premiers arrêtés relatifs à la crise sanitaire, dont l’arrêté du 14 mars 2020 modifié à plusieurs reprises à un rythme presque quotidien.
Puis, la menace n’en étant plus une et la crise s’étant produite, c’est le Premier ministre qui est intervenu par le décret du 16 mars 2020[7] édicté sur le fondement de la théorie des circonstances exceptionnelles, ainsi qu’en témoignent les visas du décret et que l’a confirmé le Conseil d’Etat, au consultatif[8] et au contentieux[9]. Cette théorie permet, on le sait, un bouleversement de la légalité au point de remettre en cause les règles de compétence[10]. Edicté au double visa du code de la santé publique et des « circonstances exceptionnelles », le premier ministre a édicté un acte règlementaire qui relevait de la compétence du ministre de la santé.
Le droit français de la crise sanitaire relève désormais d’un état d’urgence sanitaire, dont les conditions ont été calquées sur l’état d’urgence issu de la loi de 1955[11]. Depuis l’adoption de la loi sur l’état d’urgence sanitaire le 23 mars 2020, la compétence en matière de police sanitaire est répartie entre deux organes, le Premier ministre et le ministre de la santé[12]. La déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tous biens et services nécessaires afin de mettre fin à la catastrophe sanitaire[13]. C’est sur fondement qu’a été édicté le décret du 23 mars 2020, qui codifie et précise les règlements antérieurs[14]. Le ministre de la santé dispose d’une compétence résiduelle pour appliquer ces mesures par arrêté[15].
Plus encore, le gouvernement dispose d’une habilitation à édicter par ordonnance un grand nombre de mesures dérogatoires à l’ensemble du droit économique[16]. Le titre II de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 est relatif aux mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie et comporte une série d’habilitations à légiférer dans des domaines variés. Il comprend des mesures en faveur des activités économiques non essentielles touchées par les restrictions de circulation et de réunion. Vingt-six ordonnances ont ainsi été prises le 25 mars 2020. Ce pouvoir d’édicter des ordonnances en période d’urgence étonne. Il n’a jamais été prévu sous l’empire de la loi de 1955 modifiée, et fait fortement penser à un usage se rapprochant des ordonnances de l’article 16 de la constitution, sans pour autant que cette disposition ait été mise en oeuvre. Pour autant, et comme pour les ordonnances de l’article 16, les ordonnances prises sur le fondement de la loi d’urgence sanitaire pourront faire l’objet d’un contrôle du juge.
Les autorités de police locales disposent en outre du pouvoir d’aggraver les mesures nationales « compte tenu du contexte local »[17]. La police spéciale nationale n’est ici pas exclusive, en raison du « péril imminent »[18]. Des arrêtés locaux plus ou moins étonnants ont été édictés sur ce fondement: couvres feus (Nice, Mulhouse), interdiction de la vente alcool fort pour combattre les violences conjugales (Aisne, mais abrogé), arrêté interdisant de se déplacer à plus de dix mètres de chez soi (Sanary-sur-Mer, abrogé). Bien évidemment, l’ensemble de ces autorités à l’obligation d’exercer son pouvoir de police sanitaire[19].
Contentieux économique de l’état d’urgence sanitaire. Les mesures prises pour la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire pourront faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. La juridiction administrative est compétente[20]. Le juge administratif s’est lui-même reconnu compétent pour examiner une demande d’injonction dans le cadre du référé-liberté[21], et a admis à cette occasion sa compétence pour contrôler les mesures de mise en œuvre du futur état d’urgence sanitaire[22]. Il faudra ajouter à ce contentieux de la mise en œuvre de l’urgence sanitaire celui des futures ordonnances édictées sur le fondement de la loi urgence. La juridiction administrative, et précisément le Conseil d’Etat, sera compétente pour contrôler les ordonnances non ratifiées. Le Conseil constitutionnel devrait examiner pour sa part les lois de ratification des ordonnances, a priori ou en QPC. Mais une suspension des délais de traitement des QPC a été décidée par le législateur organique, ce qui risque de renvoyer à plusieurs mois le jugement des affaires[23]. Cette situation, qui pose un réel problème au regard du droit à un recours effectif[24], a pourtant été jugée conforme à la Constitution, « au regard des circonstances particulières » et au prix de l’éviction des règles procédurales[25].
Les juridictions administratives comme constitutionnelles exerceront un contrôle de proportionnalité sur les atteintes aux libertés économiques[26]. Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé que « ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux, comme la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion ou encore la liberté d’exercice d’une profession doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent. ». Reste que, s’agissant de mesures de mise en œuvre de l’état d’urgence, le contrôle juridictionnel est cantonné à l’erreur manifeste de la puissance publique. Plus encore, « le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a, dans ce cadre, déjà prises »[27]. Dans ces conditions, des mesures extrêmement liberticides pourront être considérées comme régulières, la gravité de la situation justifiant ici la gravité des atteintes aux libertés fondamentales.
La portée du pouvoir de police sanitaire sur les libertés économiques pendant la crise du coronavirus. Les mesures de police sanitaire ont conduit à de fortes restrictions à l’exercice d’activités économiques. Ces mesures réglementaires très nombreuses ont été adoptées à un rythme quasi-quotidien. Leur valeur juridique a progressé au fur et à mesure de la crise, le pouvoir exécutif édictant d’abord des arrêtés, puis des décrets et enfin des ordonnances. Toutes les libertés économiques sont concernées à ce stade : la liberté d’entreprendre, du fait de l’impossibilité d’exercer la plupart des activités économiques, mais aussi la liberté contractuelle ou encore le droit de propriété, mis en cause par certaines mesures de réquisition[28]. Les mesures de mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire ont pour conséquence de suspendre la liberté d’entreprendre (I) et d’adapter la liberté contractuelle (II). Des mesures de soutien financier à l’activité économique décidées dans la loi urgence permettent de déroger à la liberté de la concurrence (III).
I – La suspension de la liberté d’entreprendre
En période d’urgence sanitaire, la liberté n’est pas la règle et l’interdiction n’est pas l’exception[29]. La liberté d’entreprendre est suspendue : tant les mesures prises pour prévenir la menace sanitaire, que celles visant à instaurer l’état d’urgence sanitaire, restreignent fortement l’exercice des activités économiques, en raison de la fermeture des établissements accueillant le public. Ce n’est que par dérogation que certaines activités économiques peuvent se poursuivre, en raison de leur caractère essentiel (A). Cette impossibilité d’exercer une activité économique conduit à s’interroger sur l’indemnisation des préjudices économiques liés à cette crise (B).
A – Les restrictions à l’exercice des activités économiques
La fermeture des établissements accueillant du public. L’exercice des activités économiques est limité aux activités essentielles en période de crise sanitaire. L’arrêté du 14 mars 2020, modifié à plusieurs reprises, a procédé au niveau national à la fermeture des établissements accueillant du public pour limiter la propagation du virus[30]. L’exercice de l’activité économique n’est pas directement remise en cause par le pouvoir réglementaire – seul l’accueil du public est prohibé. Mais, de facto, l’activité économique ne peut être exercée, du fait de l’impossibilité d’accomplir des actes de commerce. La liste des établissements fermés a été complétée à plusieurs reprises[31]. Elle comprend notamment les salles de spectacles, de conférences ; les magasins et centre commerciaux, « sauf pour leurs activités de livraisons et de retrait de commandes » ; les restaurants et débit de boissons, là encore dans la limite des activités de livraison ; les discothèques, salles de sport, musées, activités exercées sous chapiteau, établissements de plein air, centres de loisirs.
Les marchés méritent une place particulière dans cette énumération. Particulièrement nécessaire à l’approvisionnement, les marchés ont dans un premier temps été laissés ouverts. Mais le juge lui-même avait stigmatisé le « fonctionnement des marchés ouverts, sans autre limitation que l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes dont le maintien paraît autoriser dans certains cas des déplacements et des comportements contraires à la consigne générale »[32]. Face à l’agglomération de personnes sans respect des distances barrières, le gouvernement a décidé de leur interdiction générale[33]. Toutefois, conscient de leur importance dans certaines zones du territoire, le premier ministre a laissé aux autorités de police locales que sont les préfets et les maire le soin d’autoriser la tenue du marché dans certaines communes. Ainsi, « le représentant de l’Etat dans le département peut, après avis du maire, accorder une autorisation d’ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir le respect des dispositions de l’article 1er et de l’article 7»[34]. Cette règle de concours de police surprend. Elle signifie tout d’abord que l’autorité de police inférieure, le préfet, peut assouplir la règle nationale de l’autorité supérieure en autorisant la tenue du marché. Plus encore, cela implique que le maire donne son avis à l’autorité supérieure qu’est le préfet. Un référé-liberté, demandant la réouverture de tous les marchés, a été formé le 25 mars mais a été rejeté par le Conseil d’Etat[35].
Le maintien des activité économiques essentielles. Ce n’est que par dérogation que certaines activités économiques sont autorisées. Ces activités que l’on pourrait qualifier d’essentielles sont identifiées par la loi urgence comme étant celles des « secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale ». Les activités « essentielles » sont exercées dans les établissements pouvant encore accueillir du public de façon dérogatoire.
C’est le ministre de la santé qui détermine quelles activités économiques sont essentielles[36]. L’arrêté du 14 mars modifié puis codifié dans le décret du 23 mars 2020 dresse la liste exhaustive des activités autorisées à recevoir du public: commerces d’alimentation[37] ; évidemment, pharmacies, services funéraires ; banques et assurances; transports individuels (notamment des personnels sanitaires) ; commerces liés à l’automobile, aux motocycles, cycles, engins été matériels agricoles, stations essence. Les commerces liés à la continuité des activités économiques et sociales (sic) continuent aussi d’être ouverts. Il en va ainsi des commerces permettant la continuité numérique[38], ou encore le maintien activités nécessaires aux activités agricoles et de construction[39]. Les hôtels peuvent aussi rester ouverts afin de permettre l’hébergement de ceux qui y logent habituellement[40]. On remarque enfin des curiosités, comme l’ouverture des papeteries et marchands de journaux (mais pas les libraires), des cavistes et des blanchisseries-teintureries. Afin de permettre l’exercice de ces activités économiques vitales, des dérogations aux restrictions à la liberté d’aller et venir sont admises pour se rendre à son lieu de travail. Sont ainsi autorisés les « trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés »[41].
Le maintien de ces activités n’empêche pas l’exercice du pouvoir de police sanitaire sur ces activités. Des règles spécifiques d’hygiène peuvent ainsi être imposées, comme la désinfection des transports publics[42], ou des restrictions de vente imposées aux pharmacies[43]. Mais, plus encore, ces activités essentielles se voient soumises à un régime très dérogatoire au droit du travail. Le titre II de la loi urgence sanitaire habilite le gouvernement à édicter des ordonnances pour « permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles du code du travail et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ». Une ordonnance a été édictée en ce sens le 25 mars 2020[44].
B – La réparation des conséquences économiques de l’état d’urgence sanitaire
La question de l’indemnisation des préjudices économiques nés de la crise ou des mesures permettant de la combattre se posera avec une acuité certaine à l’issue de la pandémie. L’éventualité d’une mise en œuvre de la responsabilité de la puissance publique doit ici être évoquée. Il est à noter qu’une telle responsabilité ne pourra être envisagée qu’à la fin de la crise sanitaire, à un moment ou les dommages seront certains.
A ce titre, le régime de responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques du fait d’un acte règlementaire ou législatif régulier ne devrait pas trouver à s’appliquer, en raison du défaut de spécialité des préjudices subis par l’ensemble des opérateurs économiques dont l’activité a été empêchée par les mesures de confinement. Un tel régime ne pourrait en réalité trouver à s’appliquer qu’aux opérateurs économiques exerçant une activité essentielle. Certes, ils ne sont pas en petit nombre, mais on sait que la jurisprudence avait quelque peu assoupli l’interprétation stricte de la condition de spécialité[45]. Au demeurant, la force majeure n’est pas exonératoire dans les régimes de responsabilité sans faute.
L’hypothèse de la mise en œuvre d’un régime de responsabilité pour faute mérite discussion[46]. Un tel régime pourrait être pertinent s’il était démontré dans l’avenir une faute de la puissance publique dans la prévention du risque sanitaire[47]. La carence fautive de la puissance publique pourrait résulter de la mauvaise gestion des stocks de masques[48], de gels hydroalcooliques, de tests, de l’insuffisance de lits de réanimation, ou encore de la démonstration d’une mauvaise gestion de la crise. Mais un tel régime pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses à l’heure actuelle.
D’abord, concernant le degré de la faute exigée en matière de carence de l’autorité de police sanitaire, la jurisprudence s’était orientée vers la faute simple ces dernières années[49]. Mais, eu égard à la difficulté de la tâche en l’espèce, le juge pourrait très bien revenir à un régime de faute lourde, et tenir compte en tout état de cause des moyens mis à la disposition de l’administration[50]. Il pourrait en outre s’inspire du régime de présomption de faute mise en place dans le contentieux de la prévention des risques liés à l’amiante[51].
Ensuite, concernant le préjudice réparable, la réparation d’autres dommages que le préjudice économique pourrait être envisagée, comme les dommages corporels, matériels ou encore le préjudice d’anxiété[52]. Il est possible de se demander si le préjudice d’anxiété pourrait être transposé au domaine économique, la crise induisant des craintes sérieuses pour l’avenir des opérateurs économiques. Ceci étant, le juge administratif pourrait tout autant considérer que le préjudice subi par la population et les opérateurs constitue un préjudice collectif, dont on sait qu’il ne peut faire l’objet que d’une indemnisation morale et symbolique[53].
En tout état de cause, l’établissement du lien de causalité posera difficulté. La puissance publique pourrait tout d’abord s’exonérer par la faute de la victime, si cette dernière avait accepté de prendre des risques comme maintenir une activité économique dans un secteur non essentiel. Surtout, la force majeure, qui semble caractérisée en l’espèce[54], pourrait exonérer partiellement ou totalement la puissance publique de sa responsabilité. Enfin, on peut penser qu’une loi pourrait être adoptée afin de limiter ou d’exclure l’indemnisation de certains préjudices liés à la crise.
Se pose alors, dans ces conditions, la question de l’indemnisation des préjudices économiques par les assureurs. L’article L. 125-1 du Code des assurances permet à toute personne ayant souscrit un contrat d’assurance « garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France » d’être garanti « contre les effets des catastrophes naturelles ». Cette disposition précise que « si l’assuré est couvert contre les pertes d’exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant ». Il reviendrait au gouvernement de déclarer un état de catastrophe naturel, ce qui est probable en l’espèce puisque la crise actuelle remplit les trois conditions de la catastrophe naturelle : un phénomène naturel dommageable, d’une intensité anormale, dont les conséquences ne sont pas assurables. En cas de refus, il serait possible de saisir le Conseil d’État afin d’engager la responsabilité de l’État[55]. Si l’état de catastrophe naturelle était déclaré, il reviendrait à la Caisse centrale de réassurance d’assurer la réassurance des conséquences économiques de la pandémie[56]. Mais pour l’heure, ce scénario est loin d’être envisagé. La Fédération française des sociétés d’assurances, dans un communiqué du 24 mars 2020, a relevé que « la quasi-totalité des contrats couvrant les entreprises exclut l’évènement d’épidémie ». Pour la FFSA, « une épidémie peut affecter tous les secteurs et avoir un impact sur l’activité économique globale, rendant ainsi ses conséquences économiques inassurables ». La réparation des préjudices économiques liés à la crise demeure donc, pour l’heure, une interrogation.
II – L’adaptation de la liberté contractuelle
En raison des mesures de police sanitaire, et particulièrement du confinement, la plupart des contrats en cours, publics et privés, ne peuvent être exécutés. Ils doivent être suspendus. Le droit des contrats, privé et public, semble applicable à ce type de situation exceptionnelle : l’application des théories de la force majeure et de l’imprévision permet a priori de suspendre les obligations contractuelles. En réalité, le droit « commun » des contrats doit être adapté afin de faire échec aux aménagements conventionnels à ces théories. La liberté contractuelle est dans ce cas réduite (A). Mais parallèlement, le droit de la commande publique est aménagé afin de faciliter la satisfaction des besoins urgents de la puissance publique. Il en résulte un renforcement de la liberté contractuelle des personnes publiques (B).
A – Les restrictions à la liberté contractuelle
L’application du droit des contrats. Afin de faire face à la situation urgente et exceptionnelle, l’application de deux théories existant tant en droit privé qu’en droit public est à envisager.
C’est d’abord la théorie de l’imprévision qui pourrait trouver à jouer, dans l’hypothèse dans laquelle les obligations contractuelles pourraient être poursuivies, mais à un coût exorbitant pour l’un des cocontractants[57]. La crise du coronavirus était imprévisible : elle ne pouvait être raisonnablement prévue lors de la conclusion du contrat, à l’exception, évidemment, des contrats conclus après le débit de la crise. La crise est en outre extérieure aux parties au contrat[58] et échappait nécessairement au contrôle des cocontractants. Enfin, et surtout la crise sanitaire est susceptible de provoquer dans certaines conventions un bouleversement de l’économie du contrat, dans l’hypothèse dans laquelle le contrat peut toujours être exécuté mais à des conditions particulièrement onéreuses.
Mais il se peut que les obligations contractuelles soient totalement inexécutables, en raison de la pandémie mais surtout des mesures pour y faire face. Le 29 février 2020, le ministre de l’économie et des finances, a expliqué que le coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier dans les marchés publics de l’État, justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles. Dans le même sens, une note de la DAJ du ministère de l’économie recommande aux personnes publiques de « ne pas hésiter à reconnaitre » que les difficultés issues de la crise du coronavirus relèvent d’un cas de force majeure[59]. On rappellera que la force majeure rend impossible l’exécution des obligations contractuelles : le contrat est suspendu, et les parties sont exonérées de toute faute contractuelle. Elles peuvent même le résilier si la situation s’avérait définitive – ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Les conditions de la force majeure sont les mêmes en matière de contrats publics et privés, même si la théorie de la force majeure a été autonomisée en droit administratif[60]. L’article 1218 du code civil, créé par la réforme du droit des contrats de 2016, dispose qu’« il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ». Ces trois conditions d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité semblent remplies en l’espèce. C’est le cas des conditions d’imprévisibilité et d’extériorité, communes aux deux théories de la force majeure et de l’imprévision.
L’irrésistibilité, propre à la force majeure, renvoie à un évènement dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. La force majeure empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Là encore, cette condition semble remplie pendant la crise du coronavirus. Certes, en jurisprudence, une épidémie n’est pas nécessairement un cas de force majeure. Des juges du fond en effet déjà refusé de qualifier de force majeure des épidémies de peste, les épidémies de grippe H1N1 en 2009, le virus la dengue ou encore celui du chikungunya, en raison des risques limités (connaissance de la maladie, risques de diffusion, absence de létalité)[61]. Mais la gravité de la crise sanitaire du coronavirus tend toutefois à opter pour la qualification de force majeure, qualification il est vrai plus fréquemment admise par la juridiction administrative[62]. Le coronavirus est létal, sa diffusion est massive, et il n’existe à ce jour aucun vaccin ni traitement. Le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le covid-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Pour la DAJ, en matière de contrats publics, la situation de force majeure est caractérisée au regard de la crise sanitaire qui « entraine pour les entreprises des difficultés exceptionnelles d’exécution des contrats » et « qui peuvent constituer de situations de force majeure ». Suite aux mesures de confinement issues du décret du 16 mars 2020, les entreprises « seront dans l’incapacité de respecter tout ou partie de leurs engagements contractuels ». Les mesures de confinement légalement décidées rendent ainsi l’épidémie et ses conséquences irrésistibles. La qualification de force majeure de l’épidémie a été confirmée par les juridictions du fond et le législateur délégué. Les juridictions judiciaires du fond sont allées dans ce sens concernant la pandémie en elle-même[63]. Le confinement est lui aussi considéré comme un cas de force majeure. En outre, pour l’appréciation de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, les mesures de restriction de circulation et de confinement sont constitutives d’une circonstance de la force majeure[64].
La neutralisation des effets contractuels de la force majeure. Une difficulté importante tient à ce que les théories de la force majeure et de l’imprévision ne sont pas d’ordre public. L’indemnité d’imprévision peut être fixée ou même écartée par voie conventionnelle. Les effets de la force majeure peuvent être écartés par le contrat, qui peut prévoir la continuation de l’obligation ou le versement de pénalités de retard. Or, « en application du principe général de liberté contractuelle, les parties peuvent parfaitement décider que, même dans l’hypothèse de la survenance d’un cas de force majeure, les stipulations contractuelles doivent s’appliquer et notamment les frais et pénalités liées au dédit d’une partie »[65]. C’est tout l’objet de la loi urgence, que de « neutraliser » de telles stipulations contractuelles le temps du confinement.
En matière de contrats publics, la loi a habilité le gouvernement à édicter par ordonnances des règles destinées à adapter les règles de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, et notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues le code de la commande publique, ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».[66] C’est ce qui a été fait avec l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020[67], applicable à l’ensemble des contrats publics (art. 1),en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmenté d’une durée de deux mois. L’ordonnance prévoit des dispositions « qui ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ». Ces dispositions dérogatoires s’appliquent « en cas de difficultés d’exécution du contrat », et nonobstant toute stipulation contraire, à l’exception des stipulations qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat. L’imprévision y est d’abord aménagée. En effet, « lorsque le titulaire ne peut pas respecter le délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations du contrat ou que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive, ce délai est prolongé d’une durée au moins équivalente à celle mentionnée à l’article 1er, sur la demande du titulaire avant l’expiration du délai contractuel ». Il en va de même de la force majeure. En cas d’impossibilité d’exécuter le contrat, « le titulaire ne peut pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif ».
Des dispositions similaires sont prévues pour certains contrats de droit privé. Le gouvernement peut, par ordonnance, « modifier, dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs, ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties, en particulier en ce qui concerne les contrats de vente de voyages et de séjours mentionnées au II et au III de l’article L. 211-14 du code de tourisme ». Ainsi, en cas de résolution d’un contrat de voyage qui ne peut être honoré, « l’organisateur ou le détaillant peut proposer, à la place du remboursement de l’intégralité des paiements effectués, un avoir que le client pourra utiliser dans les conditions prévues par les dispositions des III à VI du présent article »[68]. En outre, le gouvernement peut décider de « reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie »[69].
Cette adaptation du droit des contrats à la période de crise sanitaire ne semble pas incompatible avec la liberté contractuelle, qui a valeur constitutionnelle, y compris pour les personnes publiques.Pour les juridictions administratives comme constitutionnelle, « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 »[70]. Concernant la crise du coronavirus, le Conseil d’Etat estime que l’intérêt général qui s’attache à la prévention de la défaillance d’entreprises causée par la crise sanitaire actuelle est susceptible de justifier une telle atteinte aux contrats en cours[71].
B – Le renforcement de la liberté contractuelle des personnes publiques
Parallèlement, la liberté contractuelle des personnes publiques est renforcée afin de leur permettre la satisfaction de leurs besoins urgences
Afin de garantir la continuité du service public, les personnes publiques pourront exercer leur pouvoir de substitution d’action. Une note de la DAJ précise ains que « les acheteurs peuvent, lorsqu’une entreprise titulaire d’un marché public est empêchée de réaliser les prestations auxquelles elle s’est engagée, faire réaliser ces prestations par d’autres entreprises sans que cela constitue une faute contractuelle. » Cette possibilité est réaffirmée par l’ordonnance 2020-319 du 25 mars 2020[72].
Pour ce faire, les personnes publiques pourront satisfaire leurs besoins urgents en procédant à une passation simplifiée des contrats de la commande publique. Selon la note de la DAJ, le code de la commande publique permet déjà aux acheteurs publics de satisfaire des besoins urgents, et ce de deux façons[73]. Les acheteurs peuvent d’abord les délais réduits de publicité, dans le cadre d’une mise en concurrence[74]. Ils peuvent aussi et surtout mettre en œuvre la procédure sans publicité ni mise en concurrence préalable prévue en cas d’urgence impérieuse[75], si l’urgence est telle qu’elle est incompatible avec le délai de satisfaction du besoin. La note de la DAJ précise que « de tels achats ne doivent être effectué que pour les montants et a durée strictement nécessaires à a satisfaction des besoins urgents. Ils pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger »[76].
L’ordonnance 2020-319 du 25 mars 2020 aménage outre les procédures de passation en cours. Les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours sont prolongés d’une « durée suffisante » pour permettre la candidature ou la soumission[77]. Les procédures peuvent être aménagées en cours de procédure « lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues en application du code de la commande publique dans les documents de la consultation des entreprises ne peuvent être respectées par l’autorité contractante ». Cela doit être fait dans le respect du principe d’égalité de traitement entre candidats[78]. L’ordonnance prévoit enfin la possibilité de prolonger par avenant les contrats arrivés à leur terme pendant la crise sanitaire, quand l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre[79].
III – Les dérogations à la libre concurrence
L’urgence sanitaire implique de déroger à la libre concurrence.
D’abord, car la libre concurrence ne peut de facto être protégée pendant cette période : les autorités de concurrence nationales, tout comme la Commission européenne, ne sont pas en mesure de garantir les délais d’examen des litiges, en raison de l’impossibilité de collecter des informations auprès des tiers. L’Autorité de la concurrence, comme la Commission européenne, ont invité les opérateurs économiques à retarder leurs opérations de concentrations[80].
Ensuite, car des mesures de contrôle des prix ont dû être mises en place ; elles ne concernent que les gels hydroalcooliques pour l’instant[81].
Enfin, et surtout car la loi urgence permet un renforcement des aides aux activités économiques. Suivant son Titre II, le gouvernement a été habilité à édicter des ordonnances visant à « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du virus covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et ses incidences sur l’emploi ». Trois programmes d’aides ont été institués par le gouvernement. Les autres mesures générales ouvrant des dérogations au droit du travail et au droit des sociétés ne sont pas qualifiables d’aide, en raison de l’absence de spécificité de ces mesures.
Les aides directes et indirectes. Le gouvernement a tout d’abord décidé de prendre des mesures d’aide directe ou indirecte aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces entreprises ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions. L’ordonnance 2020-317 du 25 mars 2020 institue « pour une durée de trois mois un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation »[82]. Ce fonds est financé par l’Etat et peut l’être également par les régions, les collectivités d’outre mer et toute autre collectivité territoriale ou EPCI. Des aides économiques directes pourront en outre être attribuées par les régions, « dans la limite des crédits ouverts au titre des aides aux entreprises », dans le cadre « d’un régime d’aides préalablement défini par le conseil régional », et « dans la limite de 100 000 euros par aide octroyée[83].
Les garanties d’emprunt de l’Etat par l’intermédiaire de la BPI. Le gouvernement a ensuite renforcé la capacité de la Banque publique d’Investissement à accorder des garanties d’emprunt, en adaptant les dispositions relatives à l’organisation de la BPI. Suivant l’art 6 I de la loi 2020-289 du 23 mars 2020 de finance rectificative pour 2020 « la garantie de l’Etat peut être accordée aux prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement, à compter du 16 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus, à des entreprises non financières immatriculées en France. » Cette garantie s’exerce dans la limite d’un encours total garantie de 300 milliards d’euros.
Les nationalisations. La nationalisation d’opérateurs économiques nationaux et locaux a été évoquée par le gouvernement, et demandée par certains opérateurs. Contrairement à ce qui a été décidé en Allemagne, aucune mesure en ce sens n’a pour l’instant été mise en oeuvre.
La compatibilité des aides avec le marché intérieur en période de crise. Les aides en période de crise sont autorisées par le Traité. L’article 107, § 3, point b), du TFUE déclare « compatibles avec le marché intérieur […] les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ». La dérogation doit être accordée par la Commission, ce qui implique de lui notifier le projet d’aide. Cela semble avoir été le cas pendant la crise du coronavirus : la Commission a annoncé le 21 mars 2020 avoir approuvé trois régimes d’aides publiques françaises destinées à soutenir l’économie française face à l’épidémie de coronavirus (300 milliards)[84]. Cette autorisation a été donnée en application du nouvel encadrement temporaire des aides d’Etat adopté par la Commission le 19 mars 2020[85].
Les développements qui précèdent ont permis de faire l’état des lieux de la cohorte des mesures décidées en matière économique au 1er avril 2020. Mais l’état du droit est encore appelé à évoluer rapidement et le juge administratif devra se prononcer dans les jours qui viennent sur les différentes mesures nationales et locales adoptées. Un bilan de l’impact de la crise sanitaire sur les libertés économiques devra nécessairement être dressé à l’issue de la crise, qu’on espère la plus brève possible.
[1] V. CE, ord., 22 mars 2020, Syndicat des jeunes médecins [demande de confinement total], n° 439674.
[2] Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, modifié.
[3] D’un point de vue positiviste, les libertés économiques sont fondamentales depuis que leur a été reconnue une valeur constitutionnelle. Cet état du droit positif n’empêche pas d’y voir, d’un point de vue théorique, des libertés de second rang. V., sur ce point, V. Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », in S. Torcol (dir.) Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marché, actes de la journée AFDC du 20 novembre 2015, Revue des DH, 1/01/2017, n°11.
[4] Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.
[5] Conseil de l’UE, 23 mars 2020, Déclaration des ministres des finances de l’UE sur le pacte de stabilité et de croissance à la lumière de la crise du COVID-19.
[6] « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. »
[7] Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, préc. Il est à noter que le premier ministre a modifié ce texte par un décret motivé par la simple « urgence » (Décret n° 2020-279 du 19 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19).
[8] CE, avis, 18 mars 2020, sur le projet de loi urgence.
[9] CE, ord., 22 mars 2020, préc.
[10] CE, 28 juin 1918, Heyries, n°63412.
[11] Sur cet aspect, v. S. Slama, « Etat d’urgence « loi de 1955 » versus état d’urgence sanitaire, une contamination des libertés par la logique d’exception ? », https://www.youtube.com/watch?v=pWAWNZdGOVI&t=4s.
[12] Loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19
[13] Art. L. 3131-23 du code de la santé publique issu la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19
[14] Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
[15] Art. L. 3131-24 du code de la santé publique issu de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19
[16] Titre II de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
[17] CE, ord., 22 mars 2020, préc.
[18] CE, 22 janvier 1965, Consorts Alix, n°56871.
[19] CE, 23 octobre 1959, Doublet, n°40922 ; CE, ord., 22 mars 2020, préc. : « Dans cette situation, il appartient à ces différentes autorités de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie ».
[20] Art. L. 3131-18 du code de la santé publique, issu de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Il est à noter que le législateur a limité la compétence juridictionnelle aux seuls référés suspension et liberté. Cela s’explique peut-être par la suspension de l’activité au fond des juridictions administratives. Mais le référé suspension n’est pas autonome et nécessite une demande au fond.
[21] CE, ord., 22 mars 2020, préc. : « lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence. » (v. déjà CE, Sect., ord., 16 novembre 2011, Ville de Paris, n°353172).
[22] CE, ord., 22 mars 2020, préc.
[23] Loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
[24] P. Cassia, « Le Conseil constitutionnel déchire la Constitution », Blog Médiapart, 27 mars 2020.
[25] Conseil constitutionnel, décision n°2020-799 du 26 mars 2020, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
[26] Comme le rappelle fréquemment le Conseil constitutionnel, « il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (Conseil constitutionnel, décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l’archéologie préventive). Le même type de contrôle de proportionnalité est effectué depuis quelques années concernant les atteintes à la liberté contractuelle (Conseil constitutionnel, 14 mai 2012, décision n°2012-242 QPC, Association Temps de Vie [Licenciement des salariés protégés]) ou pour contrôler la constitutionnalité des limitations du droit de propriété (Conseil constitutionnel, décision n°2013-666 DC du 11 avril 2013, « bonus-malus énergétique »).
[27] CE, ord., 22 mars 2020, préc.
[28] Art. 1er du Décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19; Art. 1 du Décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19.
[29] Corneille, concl. sous CE, 10 août 1917, Baldy, n°59855.
[30] Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.
[31] L’ensemble de ces arrêtés a été codifié dans un décret pris sur le fondement de l’ état d’urgence sanitaire : Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
[32] CE, ord., 22 mars 2020, préc.
[33] Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, préc.
[34] Décret n°2020-293 du 23 mars 2020, préc., art. 8 III.
[35] CE, ord., 1er avril 2020, Fédération nationale des marchés de France, n°439762.
[36] Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 : les activités « essentielles » sont celles qui « demeurent autorisées par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique»
[37] Surgelés, alimentation générale, supérettes et autres formes de supermarchés, commerce de détail de produits alimentaires, boucheries, boulangeries, pâtisseries, poissonneries, cavistes ( !), mais aussi distribution alimentaire effectuée par les associations caritatives, ainsi que pour les animaux de compagnie ; commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés
[38] Commerce de détail et de réparation d’équipements informatiques et de communication électronique.
[39] Commerce de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé ; Location et location-bail d’autres machines, équipements et biens, notamment agricoles et pour la construction.
[40] Airbnb est toutefois interdit :seul est autorisé l’« hébergement touristique et autre hébergement de courte durée lorsqu’il constitue pour les personnes qui y vivent un domicile régulier ». Une même solution est posée pour les terrains de camping.
[41] Art. 1er al. 2 du Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.
[42] Art. 7 ter de l’arrêté du 14 mars 2020 : règles applicables aux transport public collectif
[43] Art. 6 bis de l’arrêt du 14 mars 2020 : « Eu égard à la situation sanitaire, la dispensation par les pharmacies d’officine de spécialités composées exclusivement de paracétamol est, en l’absence d’ordonnance, limitée à deux boîtes pour les patients déclarant présenter des symptômes de type fièvre ou douleurs et une boîte dans les autres cas.
[44] Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos.
[45] CE, Sect., 11 février 2011, Mme Susilawati, n°325253.
[46] S. Hennette-Vauchez, « Covid-19 et responsabilité de la puissance publique », www.rdlf.com (Lien vers la vidéo).
[47] A. Jacquemet-Gauché, « Pénurie de masques : une responsabilité pour faute de l’État ? », Le Club des juristes, 24 mars 2020.
[48] Les plus grosses difficultés proviennent de la pénurie de masques. Comme le relève A. Jacquemet-Gauché, « Celle-ci révèle un mensonge de la puissance publique : alors que Agnès Buzyn, le 26 janvier 2020 estimait que « nous avons des dizaines de millions de masques en stock en cas d’épidémie, ce sont des choses qui sont d’ores et déjà programmées », son successeur au ministère de la santé, Olivier Véran, considérait au contraire le 17 mars 2020 qu’« en fonction de la durée de l’épidémie, nous ne savons pas si nous en aurons suffisamment à terme ». ( A. Jacquemet-Gauché, « Pénurie de masques : une responsabilité pour faute de l’État ? », préc.)
[49] CE, 9 novembre 2016, Faure, n°393902.
[50] CE, ord., 22 mars 2020, préc.
[51] CE, Ass., 3 mars 2004, Botella, n°241152.
[52] CE, 9 novembre 2016, Bindjouli, n°393108
[53] CE, avis, Ass., 16 février 2009, Hoffmann Glemane, n°315499.
[54] V. infra II. Pour une position contraire, v. A. Jacquemet-Gauché, « Pénurie de masques : une responsabilité pour faute de l’État ? », Le Club des juristes, 24 mars 2020.
[55] CE, 10 février 1993, n° 91418.
[56] Art 6 de la loi 2020-289 du 23 mars 2020 de finance rectificative pour 2020 : La caisse centrale de réassurance, agissant avec la garantie de l’Etat, est habilitée à pratiquer les opérations d’assurance ou de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques d’assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire situées en France ainsi que des engagements pris au titre du g de l’article L. 231-13 du code de la construction et de l’habitation. La garantie de l’Etat mentionnée au présent article est accordée pour un montant maximal de 10 milliards d’euros.
[57] Art. L6 du code de la commande publique ; CE, 30 mai 1916, Compagnie d’éclairage du gaz de Bordeaux, n°59928, concl. Chardenet.
[58] Cette condition est évidemment remplie s’agissant des contrats de droit privé. Reste la question de l’extériorité de l’évènement aux parties dans les contrats publics. Les mesures de confinement ont été décidées par la puissance publique elle-même. Mais il ne s’agit pas nécessairement de la personne publique cocontractante : la théorie du fait du prince ne devrait donc pas trouver à s’appliquer.
[59] Ministère de l’économie, note de la DAJ, La passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire.
[60] En droit administratif, la théorie a été rattachée à la théorie de l’imprévision (v. L. Jegouzo, L’application de la force majeure en droit des contrats, Mélanges L. Richer : LGDJ, 2013, p. 355). Mais les conditions de la force majeure sont les mêmes qu’en droit privé, même si le juge ne se fonde pas directement sur le Code civil (concl. Tardieu sur CE, 29 janvier 1909, Cie des messageries maritimes : DP 1910, 3, p. 89).
[61] CA Paris, 25 septembre 1996, n° 1996/08159. ; CA Besançon, 8 janvier 2014, n° 12/0229. ; CA Nancy, 22 novembre 2010, n° 09/00003. ; CA Basse-Terre, 17 décembre 2018, n° 17/00739.
[62] Pour le juge administratif, ont été qualifié de cas de force majeure des intempéries d’une intensité exceptionnelle (CE, 27 novembre 1935, Établissements Descours et Cabaud ), un raz-de-marée (CE, 11 décembre 1991, SARL Niçoise pour l’extension de l’aéroport) ou encore des inondations consécutives à une pluviosité d’une extrême intensité (CE, 27 mars 1987, Sté grands travaux Marseille).
[63] CA Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098.
[64] Ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics.
[65] L. Landivaux, Coronavirus : un cas de force majeure ? », Dalloz actualités, 20 mars 2020.
[66] Titre II de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
[67] Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
[68] Article 1 de l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeur.
[69] Titre II g) de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
[70] Conseil constitutionnel, décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007; CE, Ass, 8 avril 2009, Compagnie générale des eaux et commune d’Olivet, n° 271737
[71] CE, avis du 18 mars 2020, préc.
[72] « L’acheteur peut conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d’exclusivité et sans que le titulaire du marché initial ne puisse engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l’acheteur ; l’exécution du marché de substitution ne peut être effectuée aux frais et risques de ce titulaire ».
[73] Ministère de l’économie, note de la DAJ, La passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire.
[74] Art. R. 2161-8, 3°du code la commande publique.
[75] Art. R. 2122-1 du code la commande publique.
[76] Ministère de l’économie, note de la DAJ, La passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire.
[77] Art. 2 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
[78] Art. 3 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
[79] Art. 4 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19. La prolongation peut durer jusqu’à la fin de la période sanitaire augmentée de deux mois.
[80] Autorité de la concurrence, communiqué du 17 mars 2020 portant adaptation des procédures de contrôle des concentrations en raison du Coronavirus Covid-19.
[81] Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
[82] Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. Le fonds a été institué par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
[83] Art. 1er de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19.
[84] Commission européenne, 21 mars 2020, Aide d’État SA.56709 (2020/N) – France – COVID-19: Plan de sécurisation du financement des entreprises.
[85] Le 19 mars 2020, après avoir consulté les 27 Etats membres, la Commission européenne a adopté un encadrement temporaire pour les aides d’État destinées à soutenir l’économie face à l’épidémie de COVID-19. Dans un premier temps, il est prévu de mettre en œuvre cet encadrement jusqu’à la fin du mois de décembre 2020. La Commission évaluera alors s’il est nécessaire de le prolonger. L’encadrement prévoit cinq types d’aides.