Etat d’urgence et risque d’inconstitutionnalité
Pourquoi le Premier ministre, Manuel Valls, a entrepris de convaincre les parlementaires en novembre 2015 de ne pas saisir le Conseil constitutionnel de la loi prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions ? Quel intérêt poursuit-il en préférant attendre des QPC plutôt qu’une saisine dans le cadre du contrôle a priori ? Cette absence de saisine avait pour conséquence de modérer le risque d’inconstitutionnalité, d’autant que ce risque a été – à dessein peut-être – exagéré tant actuellement le Conseil constitutionnel se montre davantage gardien des prérogatives de l’Etat plutôt que des libertés des citoyens.
Par Florian Savonitto, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux et membre du CERCCLE
« Le respect de la Constitution est non un risque mais un devoir »[1]. Ce devoir rappelé en 2005 par le Président du Conseil Constitutionnel, Pierre Mazeaud, au Garde des Sceaux de l’époque, Pascal Clément, aurait dû être remémoré, dix ans plus tard, à l’actuel Premier Ministre, Manuel Valls, lorsqu’il a exhorté les parlementaires, durant les débats portant sur l’adoption de la loi prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions[2], à ne pas saisir le Conseil Constitutionnel afin d’éviter tout contrôle a priori de constitutionnalité : « Je suis extrêmement dubitatif sur l’idée de saisir le Conseil constitutionnel. Je souhaite que nous allions vite sur la mise en œuvre des dispositifs (…) que vous allez voter, mais il y a toujours un risque à saisir le Conseil constitutionnel. Si le Conseil répondait que la loi révisée est inconstitutionnelle sur un certain nombre de points, sur un certain nombre de garanties apportées, cela peut faire tomber 786 perquisitions et 150 assignations à résidence déjà faites. Il y a y compris des mesures qui ont été votées hier à l’Assemblée nationale – je pense à celle sur le bracelet électronique, je suis dans la transparence – qui ont une fragilité constitutionnelle (…) moi je souhaite que nous allions vite car je souhaite donner (…) aux forces de l’ordre et à la justice tous les moyens de poursuivre ceux qui représentent un danger pour la Nation, la République et les Français »[3].
Certes, les circonstances précédant ces mises en garde gouvernementales ne sont pas les mêmes. En 2005, il s’agissait de lutter contre la récidive des infractions pénales et plus particulièrement celle des délinquants sexuels. En 2015, il s’agit de faire face à la série d’attentats qu’a connue la France le 13 novembre et qui a conduit le Président de la République, François Hollande, a décrété à compter du 14, en vertu de la loi du 3 avril 1955[4], l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain puis à réunir les parlementaires en Congrès à Versailles le 16 pour leur annoncer qu’avant la fin du délai de 12 jours imparti un projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour trois mois leur sera bientôt présenté ainsi qu’un projet de révision constitutionnelle destiné à répondre durablement à la « guerre » contre le terrorisme dans laquelle la France serait entrée. Les suites données à ces mises en garde diffèrent également. En 2005, 60 sénateurs ont bravé l’injonction gouvernementale en saisissant le Conseil constitutionnel qui a d’ailleurs, le 8 décembre 2005, déclaré conforme à la Constitution la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales[5]. En 2015, ni les députés ni les sénateurs n’ont déféré la loi du 20 novembre prorogeant l’état d’urgence où seulement 6 députés ont voté contre.
Pourtant le risque d’inconstitutionnalité n’était pas moins grand en 2015 qu’en 2005. Est en doute depuis l’origine la constitutionnalité du dispositif législatif de l’état d’urgence. Cet état de crise institue un régime de pouvoirs exceptionnels reposant « sur une extension limitée dans le temps et dans l’espace des pouvoirs des autorités civiles, sans que leur exercice se trouve affranchi de tout contrôle »[6]. Cette dérogation au droit commun porte temporairement atteinte aux droits et libertés. Elle a été prévue par « la loi du 3 avril 1955 pour riposter aux « évènements » ou « troubles » d’Algérie – termes destinés[7] aussi bien à dissimuler le début d’une guerre d’Indépendance dont le nom devait être tu, qu’à délégitimer les membres du Front de Libération Nationale afin qu’ils ne soient perçus ni comme des insurgés ni comme des combattants mais « comme de simples délinquants (…) dont le comportement ne pouvait être justifié par aucune cause politique dans un contexte de décolonisation »[8]. Ces circonstances expliquent que le déclenchement de ce régime d’exception n’est prévu qu’en cas, soit « de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », soit « d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Or, lors des débats parlementaires de l’époque, certains députés jugeaient déjà ce texte législatif permettant la suspension des libertés fondamentales d’« anticonstitutionnel »[9] le rapprochant des « lois scélérates »[10] que la France a pu connaître. Toutefois, faute de juge constitutionnel, aucun obstacle juridique ne s’opposait à ce dispositif législatif exceptionnel qui a été mis en œuvre, sous la IVe République, à deux reprises, pour une durée inégale : la première du 3 avril au 1er décembre 1955, c’est-à-dire du vote de cette loi jusqu’à la dissolution de l’Assemblée Nationale prononcée par Edgard Faure ; la seconde – cette fois-ci non plus seulement en Algérie mais sur l’ensemble du territoire métropolitain bien que l’insurrection des officiers militaires à laquelle il fallut répondre ait eu lieu à Alger – du 17 mai jusqu’au 1er juin 1958 date du remplacement de Pierre Pflimlin par Charles de Gaulle à la tête du dernier gouvernement de la IVe.
A la naissance de la Ve République, la constitutionnalité de la loi de l’état d’urgence est de nouveau mise en doute, faute au constituant de n’avoir constitutionnalisé que deux régimes d’exception : la concentration des pouvoirs constitutionnels au profit du Chef de l’Etat à l’article 16 et l’accroissement des pouvoirs de l’autorité militaire prévu par l’état de siège à l’article 36. L’intervention de Raymond Janot durant les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 au sujet de l’éventualité d’un contrôle juridictionnel de la loi à l’aune de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 l’illustre parfaitement : « je suis convaincu que l’adoption d’une telle disposition conduit, qu’on le veuille ou non, à l’impossibilité de certaines législations dont nous avons eu en fait besoin (je fais allusion à la loi de l’état d’urgence) et, d’autre part, qu’elle impliquerait le contrôle de constitutionnalité des lois »[11]. L’instauration du Conseil constitutionnel risquait de mettre à mal cet édifice législatif. Ce ne fut pourtant pas le cas lors de sa première application décidée par le Général de Gaulle le 22 avril 1961 suite aux « putsch des généraux » survenu la veille à Alger. Une telle situation n’est pas justifiée par l’inclusion tardive – à savoir le 16 juillet 1971 – des textes mentionnés dans le Préambule de la Constitution de 1958 – dont la DDHC de 1789 – dans les normes de références du contrôle de constitutionnalité des lois. Elle s’explique, tantôt par la mise en oeuvre concomitante de l’état d’urgence et de l’article 16, tantôt par l’habilitation référendaire du 13 avril 1962 permettant à chaque fois au Président de la République de décider la prorogation de l’état d’urgence, en lieu et place du Parlement, privant ainsi toute saisine du Conseil constitutionnel faute d’une loi parlementaire.
En revanche, lors de la seconde application de l’état d’urgence décidée le 12 janvier 1985[12] pour maintenir l’ordre public mis en péril par les émeutes opposant les Kanaks aux Caldoches sur le processus ouvert d’indépendance de l’île, 60 députés et 60 sénateurs saisissent le Conseil constitutionnel de la loi du 25 janvier 1985 qui rétablit l’état d’urgence sur ce territoire. Néanmoins, ses compétences limitées le conduisent à ne déclarer inconstitutionnelles ni la loi du 25 janvier 1985 ni la loi du 3 avril 1955 [13]. Cantonné par les termes de l’article 61 de la Constitution à contrôler les lois avant leur promulgation, seul l’examen de la première semblait être ouvert au Conseil constitutionnel. Mais en vertu d’une construction prétorienne élaborée dans cette même décision du 25 janvier 1985 dans le cadre du contrôle a priori[14] , « la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine »[15]. Toutefois, l’espoir avivé d’un contrôle de la loi de 1955 est aussitôt déchu. La loi votée de 1985 étant considérée comme « la simple mise en application »[16] de la loi promulguée de 1955, contrôler les griefs soulevés contre la première reviendrait ipso facto à contrôler la seconde, donc une loi déjà promulguée catégorie pour laquelle il est incompétent dès lors que les conditions de la jurisprudence « néo-calédonienne » ne sont pas remplies. Le juge constitutionnel suivi plus tard par le juge administratif[17] ira même jusqu’à adresser un satisfecit de principe à ce régime d’exception en « considérant que, si la Constitution, dans son article 36, vise expressément l’état de siège, elle n’a pas pour autant exclu la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence pour concilier, comme il vient d’être dit, les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public ; qu’ainsi, la Constitution du 4 octobre 1958 n’a pas eu pour effet d’abroger la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence qui, d’ailleurs, a été modifiée sous son empire »[18] notamment par l’ordonnance du 15 avril 1960[19]. Cette jurisprudence amenuisant tout espoir de contrôle au fond de la loi du 3 avril 1955, le Conseil constitutionnel n’a plus été saisi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution à l’occasion des applications ultérieures de ce régime exceptionnel, que cela soit en 1986 sur l’ensemble du territoire des îles de Walis et Futuna, en 1987 dans certains communes de la Polynésie Française ou encore en novembre 2005 sur l’ensemble du territoire métropolitain à cause des émeutes en banlieue parisienne survenues après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.
Cette position jurisprudentielle inaugurée en 1985 écartait toute déclaration d’inconstitutionnalité si le Conseil constitutionnel avait pu la maintenir en 2015. Or, la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions n’est pas une « simple mise en application » de la loi du 3 avril 1955. Autrement dit, la loi de 2015 – comme son nom l’indique – ne vise pas qu’à prolonger le régime de l’état d’urgence institué par la loi de 1955, elle vise aussi à en moderniser et en renforcer son dispositif. Sans revenir ni sur les conditions et autorités prévues pour le déclencher et le proroger, ni sur les causes susceptibles d’y mettre fin, la loi de 2015 instaure un nouveau mécanisme de contrôle parlementaire, modifie le régime d’assignation à résidence et d’astreinte domiciliaire, facilite la dissolution des associations ou groupements, élargit le champ des armes et des munitions dont la remise peut être ordonnée, réaménage le régime des perquisitions administratives, substitue au contrôle de la presse et des médias celui des informations circulant sur internet et les réseaux sociaux, supprime toute possibilité de donner compétence à la juridiction militaire de se saisir de crimes ainsi que de délits relevant, en temps ordinaire, des cours d’assises et alourdit les peines encourues en cas de violation des mesures prises en période d’état d’urgence. L’actualisation substantielle[20] de la loi de 1955 par la loi de 2015 ne permet plus de prétendre, comme en 1985, que la loi de 1955 ne s’en trouve ni modifiée, ni complétée ni affectée dans son domaine[21]. Dès lors le contrôle de constitutionnalité s’ouvre en théorie dans toute son étendue tant à l’encontre des dispositions législatives de 1955 qui instituent l’état d’urgence que celles qui la renforcent en 2015. Le risque d’une déclaration d’inconstitutionnalité n’a donc jamais été aussi grand. Le Premier ministre a donc de manière délibérée convaincu les parlementaires de ne pas saisir le Conseil constitutionnel sacrifiant ainsi sur l’autel de l’efficacité les exigences de l’Etat de droit dans lesquelles les deux têtes de l’Exécutif ne cessent de se draper[22], refusant même de le saisir directement comme ils ont pu récemment l’opérer[23]. Mais si en 2005 l’absence de saisine parlementaire mettait en échec toute remise en cause constitutionnelle du dispositif législatif de l’état d’urgence, ce n’est plus le cas en 2015 depuis l’entrée en vigueur, le 1er mars 2010, d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori de la loi sans restriction temporelle : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ainsi bien que le Premier Ministre parvienne à réitérer la situation de 2005, un risque d’inconstitutionnalité demeure toujours. Les trois QPC – l’une du 22 décembre 2015[24] posée par M. Cédric D., les deux autres du 19 février 2016[25] posées par l’association Ligue des droits de l’homme – attestent que tout risque d’inconstitutionnalité n’est pas définitivement écarté. Or, Manuel Valls n’était pas sans savoir que l’absence de saisine parlementaire n’immunisait pas le dispositif législatif de l’état d’urgence. Les débats à l’Assemblée nationale[26] et au Sénat l’ont d’ailleurs averti de la situation à laquelle il s’exposait. Pour autant, parvenir à convaincre les parlementaires de ne pas saisir le Conseil constitutionnel de la loi prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions n’était pas sans intérêt pour le Premier Ministre, cette absence de saisine avait pour conséquence de modérer le risque d’inconstitutionnalité (I), d’autant que ce risque a été – à dessein peut-être – exagéré (II) tant actuellement le Conseil constitutionnel se montre davantage gardien des prérogatives de l’Etat plutôt que des libertés des citoyens[27], ce que confirme le sort réservé aux dispositions législatives régissant l’état d’urgence contestées à l’occasion des trois QPC posées.
I- Un risque modéré
« Modérer » renvoie aussi bien à l’idée de « ralentir » qu’à celle de « contenir »[28]. Le choix de ne pas saisir le Conseil dans le cadre du contrôle a priori et d’attendre des QPC dont la probabilité est certaine permet au Premier Ministre d’atteindre ces deux buts. Tantôt le risque que des dispositions législatives du dispositif de l’état d’urgence soient déclarées inconstitutionnelles est retardé (A), ce qui n’est pas négligeable quand il est question d’un régime temporaire ; tantôt le risque d’inconstitutionnalité est circonscrit (B) dans la mesure où certaines dispositions législatives ne pourront être contestées dans le cadre du contrôle a posteriori quand d’autres ne le seront seulement si elles sont appliquées et portées devant un juge.
A- Un risque retardé
La maxime selon laquelle « dans le cas de l’état d’urgence, le juge arrive toujours trop tard »[29] se vérifie d’autant plus lorsque le Conseil constitutionnel n’est pas saisi avant que ne soit mis en œuvre ce mécanisme législatif dérogatoire au droit commun. S’il est vrai que l’exercice des pouvoirs exceptionnels par les autorités civiles ne « se trouve [pas] affranchi de tout contrôle »[30], le contrôle de constitutionnalité est susceptible d’intervenir à un moment qui le rend superflu.
En effet, l’article 3 de la loi du 3 avril 1955 impose au Parlement de fixer la durée définitive de l’état d’urgence sans pour autant empêcher qu’il soit de nouveau prorogé comme le démontre la loi du 19 février 2016 qui le perpétue trois nouveaux mois. La loi du 20 novembre 2015 prévoit donc qu’il perdure du 26 novembre au 26 février 2016. Il s’ensuit que les QPC n’ont d’effet véritablement utile pour les justiciables que si le Conseil constitutionnel peut se prononcer et abroger les dispositions législatives contraires aux droits et libertés constitutionnels dans ce délai de trois mois, le plus tôt étant bien évidemment le mieux. Or, en premier lieu, le Premier Ministre pouvait escompter que le Conseil constitutionnel diffère les effets de son abrogation, dans l’hypothèse où la disposition législative serait déclarée contraire à un droit ou une liberté constitutionnel, à une date postérieure au 26 février. Un tel pouvoir – inutilisé à l’occasion des trois QPC posées – n’est prévu par l’article 62 de la Constitution que dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a posteriori[31]. En second lieu, il pouvait espérer que les premières QPC soit traitées une fois cette période écoulée, voire près de son achèvement, ce qui n’aurait pas entravé l’efficacité des autorités civiles puisqu’elles seraient parvenues à« l’essentiel de ce qu’on pouvait (en) attendre »[32]. Cet espoir pouvait se fonder sur le mécanisme de la QPC. Si les juridictions du fond statuent sans délai sur la transmission de la QPC[33], les Cours suprêmes bénéficient en revanche d’un délai de trois mois pour se prononcer sur son renvoi[34], le Conseil disposant du même délai à compter de sa saisine[35]. En se fiant juste sur le délai moyen de jugement devant le juge constitutionnel, à savoir 70 jours[36], le Premier Ministre pouvait raisonnablement tabler que le risque d’inconstitutionnalité ne surviendrait qu’à l’issue de la durée – du moins celle initiale – fixée à l’état d’urgence. De plus, le respect de ces délais n’a pas toujours été constaté tant par les Cours suprêmes[37] que par – certes de manière très exceptionnelle – le Conseil constitutionnel[38]. Sans aller jusqu’à une telle extrémité, Manuel Valls pouvait même espérer que les juridictions jouent le « jeu » du Gouvernement en attendant les derniers jours du délai qui leur est imparti pour statuer sur les QPC soumises à leur examen. On pouvait toutefois en douter, au moins concernant le Conseil constitutionnel au regard de la situation néocalédonienne de 1985 où il s’était prononcé en moins de 4 heures[39]. D’ailleurs cette situation n’a pas eu lieu. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé en 11 jours pour la première QPC – battant ainsi son record d’une unité[40] – alors que, pour les deux suivantes, 32 jours ont été nécessaires pour qu’il statue, ce qui reste bien en deçà de sa moyenne sans pour autant révéler les signes d’une particulière célérité. Quant au Conseil d’Etat compétent pour contrôler les mesures prises sur le fondement de la loi de 1955 modifiée par celle de 2015[41] à l’exception des peines prévues à son article 13, il n’a guère tardé à se prononcer sur le renvoi des QPC. La procédure du référé-liberté prévue à l’article L.521-2 du code de justice administrative a constitué un véritable catalyseur[42] pour celle jugée le 22 décembre. C’est par cette voie que Cédric D. a pu obtenir du Conseil d’Etat qu’il statue sur le renvoi de sa QPC huit jours après l’ordonnance de rejet de sa requête tendant à demander au juge des référés du Tribunal administratif de Melun de suspendre l’arrêté du 25 décembre du Ministre de l’intérieur qui l’assigne à résidence. Malgré les efforts déployés par les juges et l’usage des procédures d’urgence par les justiciables, le bilan reste décevant. Si le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les trois QPC posées dans le délai de trois mois fixé à l’état d’urgence, pour deux d’entre elles, elles sont intervenues à sept jours de son extinction et le jour même où le Président promulguait la loi prorogeant une nouvelle fois pour trois mois l’état d’urgence, de telle sorte que les parlementaires n’ont véritablement tenu compte dans leur débat[43] que de la seule la décision rendue le 22 décembre 2015.
B- Un risque circonscrit
Le risque d’inconstitutionnalité est assurément plus faible dans le cadre du contrôle a posteriori que dans celui du contrôle a priori, ce qui a sûrement incité le Premier ministre à convaincre les parlementaires de ne pas saisir le Conseil constitutionnel. Sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, son contrôle porte « sur toutes les dispositions de la loi déférée y compris celles qui n’ont fait l’objet d’aucune critique de la part des auteurs de la saisine »[44]. S’il avait été saisi par les parlementaires, il aurait alors examiné l’ensemble de la loi. Le risque d’inconstitutionnalité pesait alors sur toutes les dispositions législatives du mécanisme de l’état d’urgence.
Dans le cadre du contrôle a posteriori, l’étendue de son contrôle est plus restreinte. En premier lieu, le Conseil constitutionnel ne peut déclarer inconstitutionnelles que les dispositions dont les justiciables soutiennent qu’elles sont contraires à un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Il est donc interdit à tout juge – y compris constitutionnel – de relever d’office le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la loi. Le Conseil rejette d’ailleurs les conclusions des justiciables qui contestent devant lui des dispositions qui ne figuraient pas dans la question renvoyée par l’une des Cours suprêmes[45]. Il est, en outre, exclu de viser un ensemble législatif disparate sans réelle précision[46]. Dès lors, est condamnée à l’échec toute QPC ayant pour objet de contester l’ensemble de la loi du 3 avril 1955 modifiée. Mettre à bas ce dispositif législatif exceptionnel nécessite alors plusieurs décisions QPC. Seulement, sur ses dix-sept articles, quatorze n’ont fait à ce jour l’objet d’aucune contestation. Seuls les articles 6, 8 et le paragraphe I du 11 ont été soumis à l’examen du Conseil, lequel a réduit encore davantage ce spectre. Dans la décision du 11 décembre 2015, il a décidé de restreindre le champ de la QPC aux 9 premiers alinéas de l’article 6 et d’écarter le dernier. Or, celui-ci porte sur le placement sous surveillance électronique mobile des personnes faisant l’objet d’une décision d’assignation à résidence. Autrement dit, le Conseil a refusé de contrôler la disposition relative au bracelet électronique dont le Premier Ministre craignait justement « la fragilité constitutionnelle ». Cette amputation du champ de la QPC – opportune pour le Chef du gouvernement – n’est pas motivée. Dans le Commentaire attachée à cette décision, il est précisé, d’une part, que « ni le requérant ni intervenants ne contestaient expressément la constitutionnalité du dernier alinéa »[47] et, d’autre part, que cette mesure ne leur a pas été appliquée. Cette double justification n’aurait pu valoir dans le cadre du contrôle a priori : la formulation des griefs ne conditionne pas l’étendue de son contrôle qui intervient au moment de la conception de la loi et donc nécessairement avant le moment de son application[48]. Pour d’autres dispositions, c’est leur absence totale d’application – et non plus uniquement à l’espèce concernée – qui les prémunit de tout contrôle de constitutionnalité a posteriori. Ainsi aucune mesure n’a été prise sur le fondement du paragraphe II de l’article 11 de la loi de 1955 pour interrompre tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. Aucun décret pris sur le fondement de l’article 6-1 de la loi du 3 avril 1955 n’a été également adopté pour dissoudre une association ou groupement de fait qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent[49]. Faute d’application, ces dispositions législatives ne peuvent être atteintes par la procédure déterminée à l’article 61-1. De même, en l’absence d’un litige porté devant un juge relevant de l’ordre judiciaire ou administratif, aucune QPC n’est rendue possible. C’est le cas des réquisitions préfectorales d’armes ou de personnes – interprètes et serruriers principalement – pour assister les perquisitions ainsi que des créations de périmètre de protection autour de sites sensibles et des interdictions de circulation autour de ces lieux. Contrairement aux assignations à résidence, perquisitions administratives et fermetures de lieux de réunion, ces mesures n’ont fait l’objet d’aucun contentieux bien que pour certaines elles aient été nombreuses[50]. En l’absence d’un litige juridictionnel auquel pourrait être liée une QPC, les articles 5, 9 et 10 sont à l’abri de tout contrôle de constitutionnalité.
En second lieu dans le cadre de la QPC, le contrôle du Conseil constitutionnel est tronqué. Il se restreint aux droits et libertés que la Constitution garantit. Toutes les violations de la Constitution ne sont donc pas sanctionnées. Seules le sont les violations substantielles, là où les vices de compétence et de procédure ne peuvent constituer le fondement autonome d’une abrogation législative. La procédure fixée à l’article 61-1 de la Constitution n’est alors ouverte aux justiciables qu’à la condition où une disposition législative est susceptible de porter atteinte à un droit ou une liberté constitutionnel. La plupart des articles de la loi du 3 avril 1955 emportent des effets – parfois au-delà de la période de l’état d’urgence[51] – sur les libertés d’aller et venir, d’association, d’expression ainsi que sur les droits au respect de la vie privée, de propriété, d’expression collective des idées et des opinions… Néanmoins certaines dispositions de cette loi n’intéressent pas le champ des « droits et libertés ». C’est le cas des articles 1 à 4 qui déterminent les conditions et autorités prévues pour déclencher l’état d’urgence, le proroger et y mettre fin. Un justiciable ne peut donc les contester par la voie de la QPC. Néanmoins, ces articles fixant le régime général de l’état d’urgence ne paraissent pas contraires à la jurisprudence constitutionnelle dans la mesure où le Conseil écarte toute abrogation implicite de la loi du 3 avril 1955 et reconnaît la possibilité pour le législateur de prévoir un régime exceptionnel pour concilier les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public[52]. En revanche, la constitutionnalité de l’article 4-1[53] est moins certaine. Il a vocation à améliorer la mission d’information des assemblées en période d’état d’urgence, et par voie de conséquence, à renforcer le contrôle parlementaire sur les mesures prises par le Gouvernement : d’une part, elles sont informées sans délai ; d’autre part, elles peuvent requérir toute information complémentaire. La disposition législative a certes un caractère temporaire et a pour objet de rassembler, de produire de l’information dans le but que les assemblées exercent leur fonction de contrôle et d’évaluation. Pour autant, « le principe même d’un suivi parlementaire, en temps réel, des mesures adoptées par l’exécutif en application de l’état d’urgence n’était jusqu’alors consacré par aucun texte »[54], y compris constitutionnel. Et cette disposition relative à l’information parlementaire s’apparente davantage à un « contrôle parlementaire d’un nouveau type »[55] instauré en dehors du cadre constitutionnel. Le Conseil constitutionnel pourrait donc considérer que cet article 4-1 n’institue pas qu’un simple mécanisme informatif, ce qui constituerait une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs[56]. De plus, la possibilité – abondamment utilisée par la commission des lois de l’Assemblée nationale[57] – de requérir[58] auprès des ministères – surtout de l’intérieur – toute information complémentaire pourrait être assimilée à une injonction adressée au Gouvernement d’informer le Parlement, ce que le juge constitutionnel a déjà pu censurer[59]. Toutefois, le risque d’inconstitutionnalité de l’article 4-1 est écarté dans le cadre du contrôle a posteriori. Une telle atteinte au principe de la séparation des pouvoirs n’est pas invocable par un justiciable en QPC, faute d’appartenir à la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ».
Le risque d’inconstitutionnalité était tellement grand que les parlementaires ne devaient pas le prendre en saisissant le Conseil constitutionnel. « Jouer » sur la peur d’une censure[60] n’a certes pas emporté que des effets négatifs[61]. Néanmoins, le Premier Ministre a surestimé volontairement ce risque afin de bénéficier immédiatement du dispositif renforcé de l’état d’urgence, quitte à ne pas s’assurer que les exigences d’un Etat de droit soient pleinement respectées. Outre un « argumentaire (…) faible et non dénué d’une certaine mauvaise foi »[62], l’exagération de ce risque est confirmée par les trois QPC contestant les dispositions de la loi du 3 avril 1955.
II- Un risque exagéré
Des trois QPC contestant les dispositions de la loi du 3 avril 1955, il en ressort « un Conseil qui cède sur son rôle de gardien des droits et libertés garantis par la Constitution »[63]. D’une part, il cède en raison de la garantie minimale offerte aux droits et libertés constitutionnels (A), ces trois décisions constituant le point d’orgue d’un mouvement jurisprudentiel davantage protecteur des prérogatives de l’Etat. D’autre part, il cède, dans ces trois décisions, son rôle de gardien des droits et des libertés à d’autres institutions. Se défaussant sur le juge administratif et le Parlement, le Conseil ventile la garantie des droits et libertés révélant par là même son impuissance à les sauvegarder (B).
A- Une garantie minimale
« Il est toujours risqué de saisir le Conseil »[64]. Ce risque d’inconstitutionnalité invoqué par le Premier Ministre n’est pas resté pure spéculation. Sa véracité a été confirmée à l’occasion des trois QPC contestant la constitutionnalité des articles 6, 8 et 11 paragraphe 1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée.
Le Conseil a, d’une part, déclaré inconstitutionnelle la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 11[65]. Assimilant à une saisie la prérogative donnée à l’administration de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d’accéder au cours de la perquisition, le juge constitutionnel abroge avec effet immédiat cette disposition contraire au droit au respect de la vie privée.
D’autre part, le Conseil pose, au détour de sa motivation, un cadre aux mesures prises en état d’urgence à destination des autorités de police.
Tout d’abord à propos des assignations à résidence[66], il précise de manière ambiguë que les raisons qui les motivent ne sont pas nécessairement celles qui ont conduit au déclenchement de ce régime d’exception[67] et que leur durée est liée à celle de l’état d’urgence, ce qui oblige à les renouveler dans l’hypothèse où le législateur prolongerait l’état d’urgence.
Ensuite, concernant les mesures tantôt de fermeture provisoire des lieux de réunion[68], tantôt d’interdiction de réunion, il signifie qu’elles doivent être justifiées et proportionnées, pour les premières, aux nécessités de la préservation de l’ordre public et, pour les secondes, par le fait que cette réunion est « de nature à provoquer ou entretenir le désordre ». Il souligne aussi que les mesures présentant un caractère individuel doivent être motivées puis rappelle que toutes ces mesures cessent également avec l’état d’urgence et doivent être renouvelées si l’état d’urgence est prolongé. Surtout, il circonscrit leur portée en reconnaissant que l’article 8 sur lesquelles elles se fondent n’a « ni pour objet ni pour effet de régir les conditions dans lesquelles sont interdites les manifestations sur la voie publique », ce qui va à l’encontre – certes trop tardivement – des décisions d’interdiction de manifestation prises par les préfets[69] qui avaient interprété plus extensivement cette disposition.
Enfin au sujet des perquisitions administratives[70], il ajoute, outre l’obligation de motivation, que celles se déroulant de nuit dans un domicile doivent être justifiées par l’urgence ou l’impossibilité de l’effectuer de jour et ouvre aux personnes perquisitionnées un recours permettant d’engager la responsabilité de l’Etat.
De ces trois QPC, deux enseignements sont à tirer. En premier lieu, le Conseil contrôle la conciliation opérée par le législateur entre d’un côté la prévention des atteintes à l’ordre public et de l’autre, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Il s’ensuit que le Conseil n’a pas renoncé à assurer une garantie aux droits et libertés constitutionnels comme en témoigne la déclaration d’inconstitutionnalité prononcée, à moins qu’elle serve à entretenir les apparences[71]. Il s’agit, en second lieu, d’une garantie a minima, le Conseil refusant manifestement d’approfondir son contrôle sur les dispositions législatives de ce régime d’exception. Plusieurs signes témoignent de cette « forme de renoncement »[72].
Premièrement sur les effets à relativiser des QPC rendues. D’une part, les précisions apportées par le Conseil sur les mesures examinées ne sont pas d’authentiques réserves d’interprétation[73] faute de figurer, à chaque fois, dans le dispositif des décisions. Ne bénéficiant pas de l’autorité de la chose jugée tirée de l’article 62 de la Constitution, leur autorité est donc amoindrie. D’autre part, le ratio plus élevé que la moyenne[74] d’une déclaration d’inconstitutionnalité pour trois QPC doit être mis en relation avec la nature de cette loi et le volume des dispositions contrôlées, à savoir un seul alinéa censuré sur les 16 examinés. Au surplus, cette abrogation n’a pas pour effet de prohiber le principe[75] de la saisie de données informatiques au cours d’une perquisition, le Conseil exigeant seulement que cette pratique soit davantage encadrée notamment à l’égard des données copiées « dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition ».
Deuxièmement, sur le périmètre réduit de son contrôle. D’une part, le champ de la première QPC restreint aux neufs premiers alinéas de l’article 6. Pourtant, rien n’imposait d’écarter le dernier alinéa relatif au bracelet électronique, sinon la complaisance envers le Premier Ministre qui redoutait sa « fragilité constitutionnelle ». D’autre part, la motivation parfois lapidaire au point que l’on puisse douter de l’examen de certains moyens d’inconstitutionnalité[76]. Le Conseil a-t-il écarté les griefs invoqués tirés de l’atteinte aux libertés de réunion et de manifestation en affirmant que l’article 6 ne méconnaît « ni la liberté d’expression et de communication ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit »[77] ? La QPC suivante sur la police des réunions et des lieux publics[78] nous fournit des éléments de réponse. A l’invocation de ces mêmes griefs, il évoque « la liberté de se réunir » et le « droit d’expression collective des idées et des opinions, protégé par l’article 11 » de la DDHC de 1789, lequel consacre, de manière plus générale, la liberté de communication et d’expression. Néanmoins à prendre au pied de la lettre le Commentaire attaché à cette décision[79], il faut conclure que le Conseil n’a pas répondu à ces moyens d’inconstitutionnalité dans la QPC sur les assignations à résidence en ne mentionnant pas ce droit spécifique.
Troisièmement sur l’intensité restreinte de son contrôle. Le Conseil se contente à chaque fois de contrôler si les atteintes portées aux droits et aux libertés constitutionnels par les dispositions contestées de la loi du 3 avril 1955 ne sont pas excessives. Dès lors, si la conciliation opérée par le législateur « n’est pas manifestement disproportionnée » entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit ou la liberté invoqué, aucune déclaration d’inconstitutionnalité n’est prononcée. Autrement dit, s’agissant d’une loi instaurant « un régime de pouvoirs exceptionnels »[80], le Conseil maintient une jurisprudence classique[81] et renonce à adopter une jurisprudence exceptionnelle aux exigences plus élevées. Moins protectrice, cette position conduit logiquement à rejeter les griefs fondés sur la liberté d’aller et venir, le droit de mener une vie familiale normale, le droit d’expression collective des idées et des opinions, la liberté d’entreprendre et le droit au respect de la vie privée, faute d’une atteinte « manifeste » ou « disproportionnée », ce qui ne signifie pas pour autant l’absence d’atteinte comme le Conseil l’affirme, à cet égard, à propos de la liberté d’association. Pourtant, la contestation de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée lui donnait l’occasion de durcir sa jurisprudence. L’enjeu consistait à déterminer si les assignations à résidence mettaient en cause soit la liberté individuelle consacrée à l’article 66 dont « l’autorité judiciaire est la gardienne » soit la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle garantie par les articles 2 et 4 de la DDHC de 1789. La première exige que ses atteintes soient « adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis » alors que la seconde admet celles non « disproportionnées ». Autrement dit, il s’agissait de savoir si un contrôle renforcé ou restreint serait exercé. Ce fondement constitutionnel – et donc le régime qui l’accompagne – varie selon que la mesure est regardée comme privative ou seulement restrictive de liberté. Or, le Conseil refuse de reconnaître que toute mesure d’assignation à résidence appartient, par principe, à l’une de ces deux catégories : privation ou restriction. Il fait basculer cette mesure dans l’une ou l’autre de ces catégories selon qu’elle excède au non une durée[82] : supérieure à douze heures, l’assignation à résidence est privative de liberté, l’atteinte à la liberté individuelle fait alors l’objet d’un contrôle renforcé ; inférieure à douze heures, elle est restrictive de liberté, l’atteinte à la liberté d’aller et venir ne fait l’objet que d’un contrôle restreint. Deux inconvénients majeurs résultent de cette jurisprudence. D’une part, quelle que soit la durée fixée aux assignations à résidence pendant l’état d’urgence, elles ne sont pas constitutionnellement interdites. Les contraintes jurisprudentielles sont juste plus élevées si une disposition législative projetait d’aller au-delà du seuil établi. D’autre part, en fixant un seuil aussi élevé, il fait le choix à la fois de restreindre le champ d’application de la liberté individuelle et de n’exercer qu’un contrôle restreint sachant que l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 prévoit – par un heureux hasard – une « limite de douze par vingt-quatre heures » aux assignations à résidence.
Le risque d’inconstitutionnalité paraît d’autant plus exagéré que cette garantie minimale des droits et libertés constitutionnels était attendue, donc prévisible. Premièrement, elle était attendue au regard de sa propre jurisprudence. Les trois QPC sur les dispositions de l’état d’urgence interviennent après les décisions du 23 juillet 2015 relative à la loi sur le renseignement[83], du 24 juillet sur l’accès administratif aux données de connexion[84], du 25 septembre 2015[85] sur les conditions de travail en prison des détenus, toutes de tendance défavorable aux droits et libertés constitutionnels[86]. Il ne fallait pas, en outre, s’attendre à un revirement à la veille d’un renouvellement de trois membres du Conseil constitutionnel, qui plus est, de son Président, ancien Ministre de l’intérieur. Deuxièmement, cette garantie minimale était attendue au regard des positions antérieures adoptées par la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil d’Etat. D’une part, la Cour de Strasbourg opère également la distinction entre mesures privatives et restrictives de liberté. La lecture de sa jurisprudence semble ranger[87] les assignations à résidence telles qu’elles ont été prévues par la loi du 3 avril 1955 modifiée dans la catégorie des restrictions de liberté. Adopter une autre position irait à l’encontre de la convergence des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité que le Conseil constitutionnel poursuit, ou du moins s’efforce d’en manifester les signes. D’autre part, l’avis délibéré par la Commission permanente du Conseil d’Etat dans sa séance du 17 novembre 2015 sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence[88] a été rendu public. Dès lors, le Conseil constitutionnel pouvait difficilement s’en écarter au risque sinon de créer une distorsion sur l’appréciation de la constitutionnalité des mesures prévues entre les juges constitutionnel et administratif. D’ailleurs l’unique déclaration d’inconstitutionnalité prononcée a porté sur la seule interrogation du Conseil d’Etat, à savoir les saisies administratives d’objets et de documents lors d’une perquisition administrative. Donner tort au juge administratif serait mal venu alors que le juge constitutionnel se défausse justement sur lui pour assurer cette garantie des droits et libertés de tous ceux qui résident sur le territoire de la République en cette période d’état d’urgence.
B- Une garantie ventilée
La remise en cause constitutionnelle de l’efficacité du dispositif législatif de l’état d’urgence était redoutée par le Premier Ministre. Cette crainte n’était pas justifiée au regard de la garantie minimale accordée aux droits et libertés par le Conseil constitutionnel. Surtout, il ne se reconnaît pas comme l’institution la plus appropriée pour assurer la protection effective des droits et libertés constitutionnels en période d’état d’urgence. Le juge administratif et le Parlement apparaissent les plus à mêmes à les garantir dans ces circonstances exceptionnelles. En se remettant alors à ces deux institutions dont l’action demeure toutefois encadrée, le Conseil paraît se défausser de son rôle de gardien des droits et libertés.
En premier lieu, le juge constitutionnel s’en remet largement au contrôle du juge administratif sur les mesures prises en état d’urgence[89]. Il entérine ainsi le choix du législateur de 2015 qui prévoit qu’à « l’exception des peines prévues à l’article 13, les mesures prises sur le fondement de la présente loi sont soumises au contrôle du juge administratif dans les conditions fixées par le code de justice administrative ». Ce choix est à saluer par rapport au dispositif initial. D’une part était prévue la substitution des juridictions militaires aux cours d’assises pour juger les crimes et les délits connexes. D’autre part était instauré le dépôt d’un recours devant une commission administrative consultative dont la composition ne présentait « pas de suffisantes marques d’indépendance par rapport au préfet »[90]. Surtout, depuis la loi du 30 juin 2000, un juge des référés administratif a été institué. Par comparaison, la protection qu’il apporte est bien supérieure car il se prononce sans attendre et ordonne si nécessaire la fin de la mesure. Dans ces circonstances, l’introduction d’un droit de recours de droit commun devant les juridictions administratives ne pouvait s’analyser « comme privant de garantie légale une exigence constitutionnelle »[91]. Cet aspect a été confirmé par le Conseil constitutionnel qui rejette le grief tiré de l’atteinte au droit au recours en énonçant, outre l’ouverture d’un recours indemnitaire susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat, que « les dispositions contestées ne privent pas les personnes à l’encontre desquelles est prononcée une assignation à résidence du droit de contester devant le juge administratif, y compris par la voie du référé, cette mesure »[92]. L’efficacité du juge des référés était d’ailleurs difficilement discutable, cette même QPC ayant été renvoyée, pour la première fois, par le Conseil d’Etat statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
En revanche, le choix de s’en remettre au juge administratif est discutable par rapport à la situation du juge judiciaire qui se trouve évincé. Cette conséquence résulte de la dualité des ordres de juridiction. Elargir la compétence de l’un revient corrélativement à réduire celle de l’autre. Dans ce jeu de vases communicants, le juge constitutionnel règle les niveaux par l’entremise de la définition de la liberté individuelle dont le juge judiciaire est le gardien exclusif. Le premier mouvement jurisprudentiel était favorable à l’ordre judiciaire. Interprété de manière extensive, le concept de liberté individuelle promu par l’article 66 intégrait « sans distinction la protection de la vie privée, l’inviolabilité du domicile ainsi que la protection contre les mesures de rétention »[93]. Un second mouvement jurisprudentiel incité par le Tribunal des conflits[94] et le Conseil d’Etat[95] est initié par le Conseil constitutionnel à partir de 1999[96]. Il réduit la notion de liberté individuelle à celle uniquement d’un « habeas corpus, une disposition constitutionnelle contre les privations arbitraires de liberté »[97], ce qui est forcément défavorable au juge judiciaire. Le mérite de ce mouvement : la cohérence. Il renoue avec les intentions du Constituant de 1958 et avec la lettre de la Constitution, l’article 66 de la Constitution évoquant « la » liberté individuelle alors que la loi du 3 juin 1958 « les libertés essentielles »[98]. Son inconvénient : il s’est révélé excessivement réducteur de la liberté individuelle. En qualifiant les assignations à résidence inférieures à douze heures de mesures de police administrative non privatives de liberté, il restreint drastiquement la compétence du juge judiciaire qui l’interprète comme un désaveu[99]. A l’inverse, le juge administratif voit sa position confortée[100] tant à l’égard de son partenaire – voire son concurrent[101] – que du Conseil constitutionnel. En effet, sa relation s’en trouve nécessairement renforcée. Cantonné à un contrôle purement abstrait, le juge constitutionnel s’efforce à chaque fois de rappeler que l’application de la loi de l’état d’urgence se fait sous le contrôle du juge administratif, y compris par la voie du référé, qui est chargé de s’assurer que la mesure contestée est motivée, « adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit »[102] ainsi que d’apprécier l’existence soit « de raisons sérieuses permettant de penser que le comportement de la personne assignée à résidence constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics »[103] soit des motifs justifiant la fermeture provisoire d’un lieu de réunion ou l’interdiction de réunions[104].
En second lieu, le Conseil constitutionnel s’en remet, plus paradoxalement, au Parlement pour assurer la garantie des droits et libertés en période d’état d’urgence. Certes, dans chacune des trois QPC, il n’est nullement mentionné l’habituel considérant selon lequel « l’article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que le Parlement »[105]. Pour autant, en affirmant qu’il appartient au législateur « d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés à tous ceux qui résident sur le territoire de la République », il reconnaît le pouvoir d’appréciation et de décision du Parlement en matière de protection des droits et libertés. Ce renvoi à la garantie parlementaire est parfois moins explicite. C’est le cas lorsqu’il rappelle la limitation dans le temps et l’espace des effets des mesures prises en état d’urgence[106]ou que « sa durée ne saurait être excessive »[107]. Par le vote des lois de prorogation de l’état d’urgence, la dérogation au droit commun portant temporairement atteinte aux droits et libertés constitutionnels est l’œuvre du Parlement. Revenir au droit commun relève donc de la responsabilité des parlementaires. Circonscrire territorialement l’état d’urgence, ne pas le prolonger ou y mettre fin serait le meilleur moyen – bien au-delà de tout contrôle juridictionnel – pour garantir les droits et les libertés en France.
Au final, « jouer » sur la peur du juge constitutionnel apparaît encore plus démesuré tant il n’occupe pas, de son propre chef, le rôle central dans la protection des libertés en période d’état d’urgence.
[1] V. MAZEAUD P., « L’erreur en droit constitutionnel », 25 octobre 2006, p. 5, http://www.conseil-constitutionnel.fr
[2] Loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, JO du 21 nov. 2015, p. 21665.
[3] M. VALLS, Séance du 20 novembre 2015, Sénat, http://www.senat.fr
[4] Loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Depuis son entrée en vigueur, cette loi a été de nombreuses fois amendée.
[5] CC, n°2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
[6] CE, Ordo, 21 novembre 2005, M. A., n°287217.
[7] BEAUD O. et GUERIN-BARGUES C., « L’Etat d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique », Jus Politicum, 2016, n°15, p. 2, http://juspoliticum.com. Se reporter à l’ensemble de l’article qui offre une analyse magistrale et approfondie de la genèse de cette loi et de ses conséquences tant juridique que théorique.
[8] SAINT-BONNET F., « Contre le terrorisme, la législation d’exception ? Entretien avec François Saint-Bonnet », http://www.laviedesidees.fr
[9] BALLANGER R., JO, Déb., Parl., AN, 31 mars 1955, p. 2164.
[10] VALS F., JO, Déb. Parl., AN, 2e séance du 30 mars 1955, p. 2138.
[11] Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. II : Le comité consultatif constitutionnel de l’avant-projet du 29 juillet 1958 au projet du 21 août 1958, La Documentation française, 1988, p. 256. Pour plus de détails v. BEAUD O. et GUERIN-BARGUES C., « L’Etat d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique », art. cit., p. 70.
[12] Son application a été décidée non par le Chef de l’Etat mais par le Haut Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, spécificité ultramarine prise en compte depuis la loi du 6 septembre 1984.
[13] CC, n°85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances.
[14] V. BONNET J., « L’épanouissement de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie », AJDA, 2014, p. 467.
[15] CC, n°85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, consi. 10.
[16] Ibid., consi. 10.
[17] « Il n’y a pas entre le régime de l’état d’urgence issu de la loi du 3 avril 1955 et la Constitution du 4 octobre 1958 une incompatibilité de principe qui conduirait à regarder cette loi comme ayant été abrogée », CE, Ordo., 21 novembre 2005, M. A., n°287217.
[18] CC, n°85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, consi. 4.
[19] Ordonnance n°60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence.
[20] Pour plus de détails v. BEAUD O. et GUERIN-BARGUES C., « L’Etat d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique », art. cit., p. 114 et s.
[21] CC, n°85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, consi. 10.
[22] HOLLANDE F., Discours du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, 16 novembre 2015, http://www.elysee.fr ; VALLS M., Séance de la commission des lois de l’Assemblée nationale, n°43, 27 janvier 2016.
[23] Pour une saisine du Président de la République, v. CC n°2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement ; pour une saisine du Premier ministre, v. CC n°2016-730 DC du 21 avril 2016, Loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections.
[24] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D.
[25] CC, n°2016-535 QPC et n°2016-536 QPC des 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme.
[26] M. SCHWARTZENBERG, Intervention devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Rapport AN, n°3237, déposé le 19 novembre 2015 : « L’existence de la question prioritaire de constitutionnalité a créé une situation nouvelle – et en l’espèce, nous ne pouvons écarter l’éventualité qu’une QPC soit déposée, puisque le texte n’est pas resté inchangé, et n’a donc pas été validé par le Conseil constitutionnel. (…) Je crois même qu’il est très probable qu’une QPC soit déposée par une de ces personnes – elles sont nombreuses, hélas ! – qui ne veulent pas que du bien à la République ».
[27] ROUSSEAU D., GAHDOUN P.-Y. et BONNET J., « Chronique de jurisprudence constitutionnelle (2015) », RDP, 2016, n°1, p. 305 et s.
[28] http://www.cnrtl.fr/definition/moderer
[29] BEAUD O. et GUERIN-BARGUES C., « L’Etat d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique », art. cit., p. 9.
[30] CE, Ordo., 21 novembre 2005, M. A., n°287217.
[31] Le Conseil l’a toutefois utilisé – rarement certes – dans le cadre de son contrôle a priori. Par exemple, CC, n°2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
[32] URVOAS J.-J., 2e communication d’étape sur le contrôle de l’état d’urgence. Réunion de la commission des lois, 13 janvier 2016, p. 9, http://www2.assemblee-nationale.fr/static/14/lois/communication_2016_01_13.pdf
[33] Article 23-2 de l’Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 pourtant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
[34] Article 23-4.
[35] Article 23-10.
[36] « Avril 2015 : Les 5 ans de la QPC au Conseil constitutionnel – Quelques chiffres », http://www.conseil-constitutionnel.fr
[37] Sur ce point, voir GOTTOT S., « Les saisines directes du Conseil constitutionnel : vers une remise en cause de l’unité procédurale de la question prioritaire de constitutionnalité ? », RFDA, 2015, n° 3, p. 589.
[38] CC, n°2011-4538 SEN du 12 janvier 2012, Sénat, Loiret ; CC, n°2013-314 QPC du 14 juin 2013, M. Jeremy F.
[39] Sur le contexte, v. BEAUD O. et GUERIN-BARGUES C., « L’Etat d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique », art. cit., p. 90-91.
[40] « Avril 2015 : Les 5 ans de la QPC au Conseil constitutionnel – Quelques chiffres », http://www.conseil-constitutionnel.fr
[41] Article 14-1 de la Loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.
[42] COSALTIER P., « Le contrôle par le juge des référés de la légalité des assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence. Note sous CE, Sect. 11 décembre 2015, n°394989, n°394990, n°394991, n°394992, n°395002, n°395009 », 14 décembre 2015, RGD, http://www.revuegeneraledudroit.eu
[43] AN, Débat, 2e séance du 16 février 2016.
[44] CC, 86-211 DC du 26 août 1986.
[45] CC, 2010-71 QPC du 26 novembre 2010.
[46] Cass. crim, 23 février 2011, n°10-85.079 ; Cass. crim. 4 mai 2011, n°11-80.618.
[47] Commentaires. Décision n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, p. 13.
[48] « Au fil du temps, en effet, la pratique révélait les insuffisances objectives du contrôle a priori : il atteint la loi au moment de sa conception alors que l’inconstitutionnalité d’une loi apparaît au moment de son application », ROUSSEAU D. et BONNET J., L’essentiel de la QPC. Mode d’emploi de la Question prioritaire de constitutionnalité, 2e éd., Gualino Lextenso éditions, 2012, p. 10.
[49] Le pouvoir exécutif a préféré utilisé des dispositions du droit commun pour parvenir aux mêmes fins plutôt des dispositions issus du dispositif de l’état d’urgence, v. MERCIER M., Rapport sur le projet de loi prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, Sénat, n°368, 3 février 2016, p. 20-21.
[50] Ibid., p. 20. Le rapport évoque – malgré des chiffres imprécis à cause d’un suivi incomplet par le ministère de l’intérieur – plus d’une centaine de réquisitions de personnes alors qu’il n’y aurait eu qu’une dizaine de fermeture de lieux de réunion.
[51] V. Article 6-1.
[52] CC, n°85-187 DC du 25 janvier 1985, consi. 4.
[53] « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ».
[54] BENETTI J., « Quel contrôle parlementaire de l’état d’urgence ? », Constitutions, 2015, n°4, p. 518.
[55] Ibid., p. 518.
[56] MATHIEU C., Le principe de séparation des pouvoirs dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Thèse dact., Montpellier, 2015, p. 178.
[57] BENETTI J., « Quel contrôle parlementaire de l’état d’urgence ? », art. cit., p. 519. Sur les suites institutionnelles données à cette « veille parlementaire continue », v. POPELIN P., Rapport sur le projet de loi (n°3847) prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, A.N., n°3495, 11 février 2016, p. 14.
[58] Le terme « requérir » et ses conséquences ne sont nullement discutés dans les débats parlementaires.
[59] Par exemple, CC n°2009-579 DC du 9 avril 2009, Loi organique relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
[60] BEAUD O. et GUERIN-BARGUES C., « L’Etat d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique », art. cit., p. 133.
[61] Des amendements trop ostensiblement contraires à la Constitution sont écartés en séance, v. ibid., p. 131.
[62] Ibid., p. 133.
[63] ROUSSEAU D., GAHDOUN P.-Y. et BONNET J., « Chronique de jurisprudence constitutionnelle (2015) », art. cit., p. 305 et s.
[64] VALLS M., Séance du 20 novembre 2015, Sénat, http://www.senat.fr
[65] CC, n°2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme.
[66] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D.
[67] BONNET J. et ROBLOT-TROIZIER A., « L’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel : contrôle vous avez dit contrôle ? », NCCC, 2016, n°51, p. 95.
[68] CC, n°2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme.
[69] « Une vingtaine d’interdiction de manifester sur la voie publique (article 8 de la loi du 3 avril 1955), MERCIER M., Rapport sur le projet de loi prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, Sénat, n°368, 3 février 2016, p. 20-21 ; Pour des exemples d’arrêtés préfectoraux interdisant des manifestations sur la voie publique, v. JOBART J.-C., « L’Etat d’urgence déclaré et renforcé en France », AJDA, 2015, p. 2321.
[70] CC, n°2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme.
[71] « Un contrôle de constitutionnalité en trompe-l’œil », cité in ROBLOT-TROIZIER, « Assignations à résidence en état d’urgence », RFDA, 2016, p. 123 et s. ; « cette annulation extrêmement partielle offre au Conseil constitutionnel l’occasion d’affirmer son contrôle et de se présenter comme le gardien des libertés, sans toucher le moins du monde au dispositif de l’état d’urgence », LETTERON R., « Etat d’urgence : première déclaration d’inconstitutionnalité », Libertés, Libertés chéries, 21 février 2016, http://www.libertescheries.blogspot.fr
[72] BONNET J. et ROBLOT-TROIZIER A., « L’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel : contrôle vous avez dit contrôle ? », art. cit., p. 98.
[73] ROUSSEAU D., GAHDOUN P.-Y. et BONNET J., « Chronique de jurisprudence constitutionnelle (2015) », art. cit., p. 305 et s.
[74] « Depuis le 1er mars 2010, le Conseil constitutionnel a rendu 395 décisions. Ces décisions se répartissent ainsi (…) 14, 6 de non-conformité totale, 9,3% de non conformité partielle », « Avril 2015 : Les 5 ans de la QPC au Conseil constitutionnel – Quelques chiffres », http://www.conseil-constitutionnel.fr
[75] LETTERON R., « Etat d’urgence : première déclaration d’inconstitutionnalité », art. cit.
[76] BONNET J. et ROBLOT-TROIZIER A., « L’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel : contrôle vous avez dit contrôle ? », art. cit., p. 96.
[77] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D.
[78] CC, n°2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme, consi. 6.
[79] « Ni la liberté de réunion ni la liberté de manifestation n’ont été expressément consacrées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. (…) Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi de griefs tirés de l’atteinte à de telles libertés, il y a répondu en examinant l’atteinte au « droit d’expression collective des idées et des opinions » », Commentaire. Décision n°2015-535 QPC du 18 février 2016, p. 7.
[80] CC, n°2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme.
[81] RICHAUD C., « QPC relatives à l’état d’urgence : les limites d’une jurisprudence normale appliquée à un régime d’exception », Gaz. Pal., 29 mars 2016, n°13, p. 30.
[82] BONNET J. et ROBLOT-TROIZIER A., « L’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel : contrôle vous avez dit contrôle ? », art. cit., p. 91.
[83] CC, n°2015-713 DC, Loi relative au renseignement.
[84] CC, n°2015-478 QPC, Association French Data Network et autres.
[85] CC, n°2015-485 QPC, M. Johny M.
[86] ROUSSEAU D., GAHDOUN P.-Y. et BONNET J., « Chronique de jurisprudence constitutionnelle (2015) », art. cit., p. 305 et s.
[87] V. ROBLOT-TROIZIER, « Assignations à résidence en état d’urgence », art. cit., p. 123 ; Commentaires. Décision n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, p. 15-16. Néanmoins, le régime des assignations à résidence en état d’urgence est plus restrictif que celui cité comme exemple dans l’arrêt de la CEDH, 20 avril 2010, Villa contre Italie. D’une part, ce n’est pas une fois par mois que l’intéressé doit se présenter à l’autorité de police mais jusqu’à trois fois par jour ; d’autre part la durée d’assignation n’est pas de 9h mais peut être de 12h ; enfin l’obligation de rester à son domicile n’est pas nécessairement prévue la nuit, elle peut être aussi de jour.
[88] CE, Commission permanente, Avis sur un projet de loi prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, n°390.786, 17 novembre 2015, http://www.assemblée-nationale.fr
[89] ROBLOT-TROIZIER, « Assignations à résidence en état d’urgence », art. cit., p. 123 ; BONNET J. et ROBLOT-TROIZIER A., « L’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel : contrôle vous avez dit contrôle ? », art. cit., p. 90 ; ROUSSEAU D., GAHDOUN P.-Y. et BONNET J., « Chronique de jurisprudence constitutionnelle (2015) », art. cit., p. 305 et s.
[90] CE, Commission permanente, Avis sur un projet de loi prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, n°390.786, 17 novembre 2015, http://www.assemblée-nationale.fr
[91] Ibid.
[92] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D.
[93] VADILLO F., « Liberté individuelle vs liberté personnelle : l’article 66 de la Constitution dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou la progressive reconnaissance d’un Habeas corpus à la française », LPA, 22 avril 2015, n°80, p. 4 et s.
[94] T. confl., 9 juin 1989, Eucat, n°02434.
[95] CE, ass., 8 avril 1987, Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation c/ Peltier.
[96] CC, n°98-405 DC du 29 décembre 1998, Loi de finances pour 1999.
[97] VADILLO F., « Liberté individuelle vs liberté personnelle : l’article 66 de la Constitution dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou la progressive reconnaissance d’un Habeas corpus à la française », art. cit., p. 4 et s.
[98] Il s’agit plus précisément des « libertés essentielles telles qu’elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l’homme à laquelle il se réfère »
[99] LOUVEL B., Discours lors de l’audience solennelle de rentrée à la Cour de cassation, 14 janvier 2016, http://www.courdecassation.fr
[100] « Avec ce renversement de conception de la liberté individuelle, le Conseil constitutionnel ne donne sans doute pas seulement satisfaction à la doctrine, mais rassure surtout le juge administratif qui voit définitivement écarté le spectre d’une dissolution de sa compétence au profit de celle du juge judiciaire », cité in DI MANNO T., « Les revirements de jurisprudence du Conseil constitutionnel français », CCC, 2006, no 20, p. 101 et s.
[101] JUVENAL, « Le Conseil d’Etat, défenseur du juge judiciaire ? », AJDA, 2016, p. 65.
[102] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D., consi. 12 ; CC, n°2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme, consi. 8 ; CC, n°2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme, consi. 10.
[103] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D., consi. 15.
[104] CC, n°2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme, consi. 14.
[105] Par exemple, CC, n°2015-501 QPC du 27 novembre 2015, M. Anis T., consi. 8.
[106] CC, n°2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme, consi. 12.
[107] CC, n°2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D., consi. 13.
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