Conjurer la dangerosité ou prévenir le risque ?
Par Diane ROMAN, Professeure à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris I – Panthéon-Sorbonne
Dans son célèbre essai sur La société du risque, Ulrich Beck affirme que le destin des sociétés post industrielles n’est plus placé sous le signe de la misère, mais sous celui de la peur : au « J’ai faim » aurait succédé un « J’ai peur », qui assignerait à la communauté politique un nouvel objectif : non plus tellement garantir l’égalité, mais assurer la sécurité[1]. « Les réflexes hérités d’un autre âge sont encore bien vivants : comment est-ce que je peux me protéger et protéger les miens ? »[2]. Le droit peut offrir un aperçu de cette préoccupation ancestrale : un parcours des codes juridiques révèle l’ampleur des atteintes pour la sécurité des personnes ou des biens qu’il entend conjurer. Ainsi, une recherche sur Légifrance montre que l’entrée « danger » renvoie à 972 occurrences dans les codes juridiques français ; celle de « péril » à 175 dispositions, celle de « menace » à 548 articles. Quant à la notion de « risque », elle apparait près de 5000 fois dans les codes juridiques français… Mais cette consultation révèle également l’émergence, sur un mode quantitativement mineur, d’une notion plus récente, celle de dangerosité, à laquelle était consacrée un colloque organisé en novembre 2019 par l’Université de la Réunion, à l’initiative de Cathy Pomart et François Cafarelli, et dont les actes sont reproduits ci-dessus.
Principalement mentionnée dans le Code de procédure pénale, à travers 43 articles renvoyant aux modalités d’emprisonnement (art. 717-1 CPP), de prononcé d’une mesure de sûreté (art. 723-31 CPP) ou des conditions de libération conditionnelle (art. 730-2 CPP), la dangerosité est pour le reste disséminée dans différents codes, dans des contextes divers : à propos de la classification des armes (art. L2331-1 C. défense et art. L311-2 du C. séc. intérieure), des zones d’enseignement de la voile (art. A322-66 Code du sport), des chiens en appartement (art. L211-16 du Code rural) ou des animaux errants (art. R271-9 du Code rural), de la politique de réduction des risques en matière d’usages de drogue (art. L3411-8 du C. santé publique), du contrôle de l’insuffisance professionnelle des médecins (art. R4124-3-5 du C. santé publique) ou des détenus souffrant de troubles psychiatriques (art. R3214-5 du C. santé publique), de la fabrication ou du commerce de certains micro-organismes (art. R5139-21 du C. santé publique), de la classification des dispositifs médicaux (art. R5211-7 du C. santé publique), de la gestion de déchets (art. R543-228 du C. santé publique), de la réparation des dommages environnementaux causés par la contamination des sols (art. R161-1 C environnement) ou encore à propos de la présomption de dangerosité d’un véhicule gravement accidenté (art. R327-2 Code de la route) ; et encore cette liste est loin d’être exhaustive… De cet inventaire à la Prévert, nulle cohérence ne se dégage, tant la dangerosité qu’il s’agit de minimiser est susceptible de concerner des objets divers, qu’il s’agisse de personnes, de choses, d’activités et de situations, et tant elle s’inscrit dans des champs différents : la santé et l’intégrité physique, les territoires, les activités professionnelles, parmi d’autres exemples…
Or, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, si la dangerosité est entrée dans le vocabulaire du droit, elle n’est guère connue des dictionnaires généraux. La plupart des dictionnaires ne la définissent pas, à l’exception du Larousse qui se borne à la présenter, brièvement, comme le « caractère dangereux de quelque chose, de quelqu’un ». Définir la dangerosité ne peut donc se faire que par référence à d’autres notions, avec qui elle partage l’idée de menace d’atteinte à la sécurité.
La première association est évidente, c’est celle qui unit dangerosité et danger. Un premier élément de définition serait que la dangerosité est une propriété d’une personne, d’une chose ou d’une situation de nature à causer un danger potentiel. Le danger s’apprécierait par rapport à la personne qui y est exposée, tandis que la dangerosité s’apprécierait par rapport à la personne ou à la situation dangereuse. A ce caractère extérieur s’ajouterait un caractère prédictif : la dangerosité est une potentialité ou une virtualité de danger, tandis que le danger est souvent « avéré », « réel », « établi ».
Mais une autre définition par comparaison doit être tentée, celle confrontant dangerosité et risque. Alors que la première notion apparait sur un mode mineur dans les textes juridiques, la seconde semble omniprésente en droit, sans pour autant que sa définition ne soit précisément arrêtée. Pour certains, le risque serait « un événement dommageable, dont la réalisation est incertaine »[3]; pour d’autres, le risque est « un danger d’un type bien particulier. C’est un danger dont on considère qu’il est aléatoire, sans cause. C’est un danger dont il s’agit moins d’imputer les occurrences passées à des fautifs que de prévoir les occurrences futures »[4]. A en croire cette dernière définition, le risque serait à la fois incertain et dépersonnalisé. Le rapport qu’entretiennent, en droit, dangerosité et risque mérite dès lors d’être approfondi.
La science-fiction nous y invite. Dans une société dystopique, imaginée par Philip K. Dick et mise à l’écran par Steven Spielberg dans Minority Report, les meurtres peuvent être prédits et les personnes emprisonnées pour des meurtres qu’elles auraient pu, éventuellement, commettre. Comme le dit l’un des personnages de Philip K. Dick : « Vous avez audacieusement et efficacement aboli le système punitif post-crime fondé sur l’emprisonnement et l’amende. Comme nous le savons tous, la perspective du châtiment n’a jamais été très dissuasive ; quant aux victimes, une fois mortes elles n’en tiraient guère de réconfort ». Dans ce futur cauchemardesque, la dangerosité sera abolie, la liberté aussi… Est-ce dire que conjurer la dangerosité et prévenir les risques sont, pour le droit, deux objectifs équivalents et interchangeables ? Si tous deux participent d’une recherche de sécurité, ils diffèrent pourtant dans leurs fondements et modalités. Ce point a été mis en avant, il y a près de 40 ans, par Robert Castel. Dans un article publié en 1983, le sociologue affirmait que « la dangerosité est une notion assez mystérieuse, et profondément paradoxale, puisqu’elle implique à la fois l’affirmation de la présence d’une qualité immanente au sujet («il est dangereux »), et une simple probabilité, une donnée aléatoire, puisque la preuve du danger ne sera donnée que dans l’après- coup, si le passage à l’acte a effectivement lieu »[5]. Castel croyait déceler un saut opérationnel, résultant de l’autonomisation de la notion de risque par rapport à celle de danger dans le champ médico-social, seul objet de son étude. « Un risque ne résulte pas de la présence d’un danger précis, porté par un individu ou même par un groupe concret. Il est un effet de la mise en relation de données abstraites ou facteurs qui rendent plus ou moins probable l’avènement de comportements indésirables »[6]. En d’autres termes, le risque serait une objectivation de la dangerosité : on ne constate plus une dangerosité, on la déduit d’une définition générale des risques que l’on veut prévenir. Dépersonnalisée, la dangerosité devient risque, ce qui entraine une reconfiguration des dispositifs de l’action publique, non plus tournée vers la mise à l’écart des individus dangereux, mais vers la prévention des risques.
L’analyse juridique permet-elle de confirmer l’évolution constatée par Robert Castel, substituant la notion de risque à celle de dangerosité ? Et si oui, quelles fonctions sont assignées à la désignation de la dangerosité par le droit, par rapport à celles notamment de danger ou de risque ? Enfin, quelle cohérence se dessine de la superposition de ces notions ? Pour y répondre, si la grille d’analyse dressée par Robert Castel constitue une piste de départ utile[7], elle doit toutefois être utilisée avec prudence, tant la réflexion juridique opère dans un contexte différent, car bien plus large, que celui médico-social dans lequel Castel cantonne son analyse : on l’a vu, à travers le recensement non exhaustif des occurrences du terme dans différents codes juridiques, la dangerosité est saisie par le droit dans une grande diversité de domaines, forts étrangers pour certains au champ couvert par le sociologue. Toutefois, une des prémisses du raisonnement de Castel peut être gardée, et mérite d’être transposée à l’analyse du droit : à l’ancienne antienne de la dangerosité, identifiée par la désignation d’individus « asociaux » considérés comme dangereux, semble bien s’être substituée une logique différente caractérisée d’une part par une objectivation du danger, grâce au recours à la notion de risque et une dépersonnalisation, s’intéressant moins à la source du danger qu’à la protection des victimes potentielles. Il serait toutefois erroné de penser que cette tension soit exclusive : l’idée de dangerosité n’a pas disparu du corpus juridique. Tout au contraire, elle réapparait régulièrement, favorisée par la mise en avant d’un principe récemment formalisé, celui de précaution. En d’autres termes, là où Robert Castel voit une séquence historique, marquée par l’abandon de la dangerosité au profit de l’identification du risque, il nous semble que la formation sédimentaire du droit révèle bien davantage l’existence de tensions, plus ou moins prégnantes selon les époques, mettant l’accent soit sur le risque, soit sur la dangerosité. L’émergence de la notion de dangerosité en droit, à travers les différentes contributions du colloque organisé à La Réunion en novembre 2019, semble ainsi plus révéler les tensions auxquelles le droit serait soumis, et les recompositions successives du tandem dangerosité/risque. Ce sont ces tensions et recompositions que l’on se propose d’envisager, dans leur double dimension : celle, d’une part, révélant une tentative d’objectivation de la dangerosité par le risque (I) ; celle, d’autre part, d’une subjectivation du risque par la désignation de la dangerosité (II).
I. L’objectivation de la dangerosité par le risque
« Le concept de dangerosité procède, entre autres, de la réaction sociale face à l’insécurité »[8]. Or, cette aspiration sociale à garantir la sécurité s’est incarnée dans des dispositifs évolutifs : un temps ordonnés vers le contrôle d’individus personnifiant la dangerosité et regroupés sous le label général d’antisociaux (A), les dispositifs juridiques se sont ensuite orientés vers une protection contre les risques de toute nature. En d’autres termes, à la recherche d’une garantie de sécurité, le risque aurait été la technique privilégiée par le droit pour objectiver la dangerosité (B). Risque et danger seraient ainsi deux facettes historiquement distinctes de l’atteinte à la sécurité.
A. La dangerosité, ou l’identification des « antisociaux »
Lépreux, vagabonds, criminels, prostituées, mendiants, fous, gitans… La liste est longue des individus historiquement considérés comme dangereux et pour lesquels différents procédés juridiques sont conjugués afin de réduire, voire éradiquer leur dangerosité. Les « criminels nés » pour reprendre la formule de Lombroso[9], ont longtemps incarné l’ennemi de l’intérieur et une menace pour la paix sociale, à l’encontre desquels différentes mesures juridiques s’articulaient, à des fins tout à la fois de refoulement et de contrôle.
En premier lieu, des mesures individuelles de refoulement ou de cantonnement ont été appliqués aux individus considérés comme dangereux. L’enfermement des fous, par la loi des aliénés du 30 juin 1838, est l’exemple le plus connu, la critique qu’en fit Albert Londres l’est aussi : « La loi de 38 n’a pas pour base l’idée de soigner et de guérir des hommes atteints d’une maladie mentale, mais la crainte que ces hommes inspirent à la société. C’est une loi de débarras. (…) Dans une portée de petits chats, on choisit le plus joli et on noie les autres… Les Spartiates saisissaient les enfants mal faits et les précipitaient du haut d’un rocher. C’est quelque chose dans ce genre que nous faisons avec nos fous »[10]. Le « code de l’aliénation » qu’a institué la loi de 1838, appliqué continument jusqu’à la fin du XXe siècle, n’a constitué pourtant qu’un maillage d’un réseau de mesures destinées à identifier et contrôler les individus dangereux, tissé par différentes lois adoptées sous la IIIe et la IVe République. Parmi d’autres exemples, la relégation des criminels multirécidivistes, par la loi du 27 mai 1885 condamnant les multirécidivistes à la relégation à vie en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie[11] ou encore la loi du 15 avril 1954 permettant la surveillance et l’internement par les autorités sanitaires des alcooliques dangereux illustrent ce souci du législateur de se prémunir du danger incarné par les marginaux. Fous, bagnards, prostituées[12] mais aussi nomades et bohémiens, soumis par une loi du 16 juillet 1912 à la détention d’un carnet anthropométrique enregistrant notamment leurs empreintes digitales et recensant leurs déplacements[13]… La figure de l’individu « asocial », en marge de l’ordre bourgeois et dangereux pour celui-ci, fait figure de repoussoir et justifie un contrôle renforcé, à des fins tout à la fois de prévention et de sanction. Le concept de « témibilité », forgé par la psychiatrie du XIXe siècle et transposé en criminologie, est alors employé pour désigner l’état de perversité du délinquant, sa vocation au crime donc sa dangerosité, qu’il convient de détecter, circonscrire et éradiquer[14]. Cette approche subjective, fondée sur la dangerosité intrinsèque d’individus désignés comme tels était alors relevée par Michel Foucault : « Sous le nom de crimes et de délits, on juge bien toujours des objets juridiques définis par le Code, mais on juge en même temps des passions, des instincts, des anomalies, des infirmités, des inadaptations, des effets de milieu ou d’hérédité. (…) Depuis cent cinquante ou deux cents ans que l’Europe a mis en place ses nouveaux systèmes de pénalité, les juges, peu à peu, mais par un processus qui remonte fort loin, se sont donc mis à juger autre chose que les crimes : l’“âme” des criminels »[15]. La dangerosité incarnée par certaines figures d’individus « asociaux » devient alors centrale. Pour le dire encore avec les mots de Foucault, « la grande notion de la criminologie et de la pénalité, vers la fin du XIXe siècle, a été la scandaleuse notion, en termes de théorie pénale, de dangerosité. La notion de dangerosité signifie que l’individu doit être considéré par la société au niveau de ses virtualités, et non pas au niveau de ses actes ; non pas au niveau des infractions effectives à une loi effective, mais au niveau des virtualités de comportement qu’elles représentent »[16].
Ce mouvement ne procède pas que de la loi pénale, mais bien d’une association entre juge et administration : à compter de la IIIe République se mettent en place des dispositifs juridiques caractérisés par « une répression aiguë alliée à un souci de prévention, une sophistication ; une inventivité et un bricolage (dont la loi sera l’instrument moteur) qui vont former l’identité démocratique républicaine : le Gris de la République »[17]. Car en effet, le danger ne vient pas que de catégories marginales de la population : plus généralement, au XIXe siècle, le danger est perçu comme venant du peuple. L’ouvrage pionnier de Louis Chevalier sur la grande peur du pauvre au XIXe siècle[18] souligne l’association des « classes laborieuses » aux « classes dangereuses ». Deux dispositions juridiques permettent le contrôle du prolétariat[19] : le livret d’ouvrier et le règlement d’atelier. Le premier, créé sous Napoléon[20], avait, jusqu’à son abolition en 1890, pour objectif de contrôler la mobilité ouvrière. Nécessaire à l’embauche, portant mention des dettes contractées auprès de l’employeur, c’est non seulement un instrument de contrôle pour le patronat, mais aussi pour les forces de l’ordre[21]. Quant au règlement d’atelier, Robert Castel souligne combien, par la dérogation qu’il instaure au droit commun du Code Civil, « il exprime clairement cette volonté d’absorption du public dans le privé en quoi consiste la tutelle patronale », notamment lorsqu’il contient, outre des dispositions techniques d’hygiène et de sécurité, des prescriptions à caractère moral et policier[22]. Ce strict contrôle social se justifie par des considérations de préservation de la société : dès le début du XIXe siècle, de très nombreux enquêtes et rapports soulignent la « menace à l’ordre politique et moral »[23] que constitue le paupérisme. Un paupérisme entendu par ailleurs très largement : aux débuts de l’industrialisation, la représentation sociale de la pauvreté en fait un foyer de dangerosité pour l’ordre social et moral dans lequel s’épanouit la société bourgeoise. Dangereuses, les « sinistres légions de la misère et de l’ignorance » évoquées par Eugène Sue le sont en effet : politiquement, d’abord, car toujours prêtes à se révolter contre leur état[24] ; sanitairement, ensuite, car dégradées physiquement et vivant dans des taudis infects d’où naissent les épidémies ; moralement, enfin : les écrits de l’époque dépeignent des prolétaires débauchés, alcooliques, paresseux, irresponsables et dépensiers, des individus « qui pourrissent dans la saleté », « retombés à force d’abrutissement dans la vie sauvage », dignes « plus de dégoût que de pitié », bref de « barbares »[25] selon Eugène Buret, qui, effrayé par son propre constat, ajoute : « il faut ou trouver un remède efficace à la plaie du paupérisme, ou se préparer au bouleversement du monde »[26]. Ce remède, l’Etat Providence qui se construit au XXe siècle pense l’avoir trouvé : il prend la forme de l’identification du risque.
B. La prévention du risque
François Ewald a souligné combien la notion de risque est consubstantielle à la formation de l’Etat Providence[27] : ses fondations sont posées au XIXe siècle, avec la reconnaissance du risque professionnel dans la jurisprudence administrative d’abord[28], puis généralisée grâce à l’adoption de la loi du 9 avril 1898 assurant une indemnisation aux victimes ouvrières d’accidents du travail résultant de travaux dangereux. Le XXe siècle est allé plus loin, par un phénomène d’« assurantialisation » généralisée : la vieillesse, l’invalidité, le chômage, la parentalité sont devenus des risques contre lesquels il convient d’assurer les personnes, soit par des mécanismes volontaires, soit par des mécanismes obligatoires tels que l’assurance chômage et la sécurité sociale. Comme le relève Patrick Peretti Wattel, « tout au long du XXe siècle, de plus en plus d’événements ont été « mis en risque » : les victimations (agressions, vols…) et les accidents de la circulation en agglomération sont devenus des « risques urbains diffus » ; les inondations, les avalanches et les séismes sont définis comme des « risques naturels » ; les maladresses de la ménagère ou du bricoleur font partie des « risques domestiques » ; les intoxications alimentaires relèvent des « risques sanitaires »… Le même terme désigne ainsi des dangers a priori très hétéroclites et sert en cela les intérêts de nouvelles corporations de spécialistes ès risques »[29]. Si tout est qualifiable de risque, et à ce titre susceptible d’être assuré, c’est que le danger est perçu comme omniprésent, du point de vue des personnes susceptibles d’y être exposées.
Cette irruption du risque s’est effectuée par un mouvement d’objectivation des causes de danger, qui a tendu à s’intéresser moins à l’origine du danger qu’à la situation des personnes exposées à un danger ou à la cause objective et dépersonnalisée du danger, qu’il s’agisse de situations ou de choses. L’accent sur la situation des victimes est particulièrement attesté dans différentes branches du droit, qu’il s’agisse du droit de la famille, du droit du travail. Dans la logique civiliste, d’abord, les situations subjectives de danger pour des personnes vulnérables sont mises au premier plan. Il s’agit dès lors de protéger, par exemple, l’enfant contre les risques pesant sur sa sécurité, sa santé ou sa moralité ; la personne âgée ou dépendante contre les abus de sa vulnérabilité[30]. Dans la logique du droit du travail, ensuite, l’accent est mis sur les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés, des risques physiques parfois anciens aux nouveaux risques identifiés (tels que le harcèlement moral) et à ceux non encore reconnus (épuisement professionnel ou burn-out)[31]. Dans la logique pénale, enfin, « danger », « risque », « péril » auxquels serait exposée une victime justifient l’incrimination de faits ou actions objectivement constatés[32].
A la protection des victimes s’ajoute une autre dimension, tendant à circonscrire les risques causés par des activités ou des choses dangereuses. Il s’agit alors de prévenir et, le cas échéant, de réparer. L’encadrement des activités ou substances dangereuses, car susceptibles de causer un risque pour ceux qui y sont exposés, est vu comme entrant dans les missions de la puissance publique[33]. Cela est particulièrement illustré par la catégorie des professions réglementées : métiers de bouche, prothésistes dentaires, ramoneurs ou coiffeurs sont autant de professions pour lesquels un agrément est exigé. De façon explicite, le Conseil constitutionnel a considéré que des dispositions selon lesquelles certaines activités professionnelles, susceptibles de présenter des risques pour la santé et la sécurité des personnes, ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle de celle-ci assurent une « conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre le respect de la liberté d’entreprendre et la protection de la santé ». En effet, précise le Conseil constitutionnel, « le législateur a ainsi entendu garantir la compétence professionnelle des personnes exerçant des activités économiques pouvant présenter des dangers pour ceux qui les exercent ou pour ceux qui y ont recours »[34]. Pour les substances dangereuses, une logique identique préside à l’édiction de mesures permettant d’en interdire la commercialisation[35] à condition toutefois que la nocivité du produit et la proportionnalité de l’interdiction soient établies[36]. Enfin, plus généralement, il entre dans les attributions de la police administrative de prévenir les troubles à l’ordre public qui pourraient résulter de certaines activités de nature à porter atteinte à la sécurité ou la salubrité publiques.
La régulation de ces activités, choses ou situations susceptibles de générer des risques est complétée par des dispositifs visant à réparer, a posteriori, la réalisation de ces derniers. Là encore, une liste hétéroclite de régimes juridiques de responsabilité pourrait être dressée : qu’il s’agisse de la responsabilité pour faute de la puissance publique, due à une carence dans l’exercice de son pouvoir normatif, ou de la responsabilité sans faute fondée sur la réparation du risque, le droit de la responsabilité administrative est largement orienté vers une idée de réparation des dommages causés par une activité dangereuse. Quant à la responsabilité civile, elle promeut un objectif similaire, qu’il s’agisse des principes désormais classiques de la responsabilité du fait des choses ou du fait d’autrui ou des dispositifs plus récents, à l’instar du régime de responsabilité délictuelle pour les fabricants et producteurs de produits présentant un défaut de sécurité ayant causé un dommage[37]. La tendance à une « socialisation du risque » constituerait, alors une étape ultime de cette convergence entre branches du droit, caractérisée par l’indemnisation des conséquences dommageables d’un risque « sans lien avec la responsabilité ou lorsque le financement de cette indemnisation est, soit a priori soit a posteriori, déconnecté de cotisations ou prélèvements individuels, ou encore lorsque la puissance publique est impliquée dans cette indemnisation, même en l’absence de responsabilité directe dans un dommage »[38]. Cette évolution convergente serait, à en croire le Conseil d’Etat, l’indice d’une société en quête de sécurité : « Notre société refuse la fatalité. Elle se caractérise par une exigence croissante de sécurité. Cette exigence engendre la conviction que tout risque doit être couvert, que la réparation de tout dommage doit être rapide et intégrale et que la société doit, à cet effet, pourvoir, non seulement à une indemnisation des dommages qu’elle a elle-même provoqués, mais encore de ceux qu’elle n’a pas été en mesure d’empêcher, ou dont elle n’a pas su prévoir l’occurrence »[39]. En ce sens, la notion juridique de risque aurait permis d’objectiver et dépersonnaliser les menaces pesant sur les personnes et les biens, en évacuant le détour par la dangerosité : il ne s’agit plus de mettre à l’écart des individus considérés comme « en soi » dangereux, mais de garantir une protection contre des atteintes à la sécurité. Le risque semble avoir marginalisé la dangerosité. Mais, à contre-courant de ce que les discours sur « la société du risque » pourraient laisser croire, cette évolution n’est ni avérée, ni définitive. Bien au contraire, de nouvelles figures de la dangerosité, désignées en tant que telles, émergent dans bon nombre de discours publics et de corpus juridiques.
II. La subjectivation du risque par la dangerosité
Il faut, retrouver là encore, Robert Castel : « L’affirmation que nous vivrions dans une « société du risque » repose (…) sur une extrapolation contestable de la notion. Un risque au sens propre du mot est un événement prévisible, dont on peut estimer les chances qu’il a de se produire et le coût des dommages qu’il entraînera. Il peut être ainsi indemnisé parce qu’il peut être mutualisé. L’assurance a été la grande technologie qui a permis la maîtrise des risques en en répartissant les effets au sein de collectifs d’individus rendus solidaires face à différentes menaces prévisibles » tandis que les nouveaux « risques » sont en réalité plus des dangers, imprévisibles et difficilement voire « impossiblement » mesurables face auxquels une logique d’assurance n’est pas envisageable[40]. A suivre Robert Castel, l’extension de la notion de risque pour désigner toute une série de menaces serait abusive : risque et danger ne devraient pas être confondus d’un point de vue conceptuel. Les évolutions juridiques contemporaines ne semblent pas dire autre chose : en droit, le risque n’a pas occulté la dangerosité. Tout au contraire, dans le contexte d’une « société de précaution » (A), la figure de l’antisocial dangereux, véritable ennemi de l’intérieur (B) resurgit à échéance cyclique.
A. Le droit à la sécurité ou les ambiguïtés de la société de précaution
L’idée d’une société de précaution[41] a été avancée pour caractériser la rencontre de deux principes juridiques synallagmatique : celui d’un droit à la sécurité et l’obligation corrélative de la puissance publique d’agir avec prudence.
Dans son acception juridique, la notion de sécurité est protéiforme. Elle désigne, selon le Vocabulaire juridique Cornu, « la situation de celui ou de ce qui est à l’abri des risques »[42]. La sécurité est ainsi une garantie de tranquillité. On la retrouve en bonne place dans les théories classiques du contrat social et dans les théories du droit naturel, sous le terme de sûreté, et c’est en tant que telle que la Révolution française l’a consacrée comme associée à la garantie des droits. Selon l’article 2 de la Déclaration de 1789, elle constitue l’un des quatre « droits imprescriptibles et sacrés », avec la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression et renvoie alors avant tout à l’idée d’une protection de l’individu par la société, contre le pouvoir et notamment contre les arrestations arbitraires. Ses mutations ultérieures sont aussi connues. Sortant de la perspective policière et pénale, la notion de sécurité sociale lui confère, au XXe siècle, une nouvelle signification, en renvoyant, à travers l’idée de sécurité sociale, à une garantie des moyens d’existence permettant une protection contre les « risques » de l’existence (chômage, maternité, vieillesse, etc.) et dont témoignent les droits sociaux garantis dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le Préambule de la Constitution de 1946. Ainsi, la sécurité est conçue comme une exigence sociale reposant sur l’attribution de droits sociaux, et elle suppose la mise en place d’un État de droit social. Mais, à la fin du XXe siècle, une autre lecture émerge : à partir des années 1990, c’est un « droit à la sécurité » que le législateur consacre de manière répétée, dans une perspective sécuritaire, renforcée encore après les attentats du 11 septembre 2001. Ce paradigme sécuritaire s’affirme dans une société où le besoin d’ordre et la peur mènent à l’omniprésence des forces et des régimes de police et se traduit dans l’adoption de dispositifs communs destinés à répondre à une multiplicité et une diversité de questions sociales (migrations, terrorisme, délinquance…). Par un parfait renversement de perspective, la sécurité devient un impératif de protection de la société contre l’individu.
C’est dans ce prisme sécuritaire que s’inscrit le retour de la thématique de la dangerosité : comme le note M. Delmas Marty, « La culture de la peur déforme la perception du monde en sélectionnant, comme le font certains discours politiques, les formes d’insécurité les plus spectaculaires (le fait divers si bien nommé car il détourne l’attention des autres formes d’insécurité). Et elle transforme le contrôle social car elle appelle encore et toujours plus de mesures supposées garantir une sécurité parfaite »[43]. C’est souligner ainsi le caractère fonctionnel et constructiviste de la dangerosité : le discours sur la dangerosité consiste moins à décrire une réalité observable (l’existence humaine est confrontée à certains risques) qu’à construire des représentations sociales, façonnant l’image d’une menace diffuse et permanente, laquelle justifie en retour l’action des pouvoirs publics. En ce sens, le discours sur la dangerosité peut se parer de la rhétorique des droits fondamentaux, en mettant en avant un « droit à la sécurité » ; mais il permet aussi de consacrer une intervention précoce des pouvoirs publics, légitimée par la protection de la sureté des biens, de la sécurité des individus ainsi que par l’objectif de garantie de la tranquillité de l’ordre social et politique. Dès lors, dangerosité et précaution fonctionnent en tandem, comme l’avers et le revers d’un même objectif. Le principe de précaution ne s’inscrit plus dans la logique d’action contre des risques prévisibles, mesurables et assurables. Tout au contraire, il trouve son ressort dans l’idée d’imprévisibilité et de gravité d’une menace, en l’absence de risques prévisibles, ce dont témoignent les conditions de sa naissance dans le champ environnemental. Devant la possible dangerosité d’un produit ou d’une activité, le principe de précaution suppose l’obligation d’adopter des mesures appropriées, même en l’absence de certitude scientifique. Or, tout l’enjeu est alors de caractériser la nature de la menace : devient-elle plus floue, au point de ressusciter une dangerosité probable, non traduite en fait ? Devient-elle si prégnante qu’elle justifie d’identifier non plus des objets, mais bien des personnes dangereuses ? Différents indices, témoignant de la résurgence d’un déterminisme de la dangerosité, semblent l’indiquer.
B. Le retour de la figure de l’ennemi de l’intérieur
On se souvient de l’apostrophe de Nicolas Sarkozy devant le groupement de gendarmerie départementale des Pyrénées-Atlantiques le 22 janvier 2008 : s’exprimant au sujet de l’instauration d’une rétention de sûreté, le président de la République s’interrogeait : « « À quoi cela servirait-il d’avoir le principe de précaution dans la Constitution pour protéger la nature et laisser des fauves en liberté ? ». La parole présidentielle révélait alors une tendance particulièrement marquée en droit pénal, quoique non limitée à ce champ.
Dans ses postulats libéraux, remontant au XVIIIe siècle, le droit pénal n’est pas orienté spécifiquement vers la dangerosité. Certes, il est loisible de considérer que l’incrimination d’un acte repose sur sa dangerosité pour les tiers ou la société, et que la dangerosité d’un comportement ou d’une action est de ce fait présumée. En ce sens, la dangerosité serait « l’une de ces arlésiennes qui ne laisse pas découvrir aisément, au premier regard, mais que l’on évoque sans cesse : elle transparaît, apparaît en filigrane, par capillarité ; on la devine, on la suggère, on l’imagine, on la fantasme peut-être parfois »[44]. Mais le droit pénal classique ne se préoccupe que de la dangerosité révélée par une infraction, de l’acte délictueux, et non de la personne criminelle, pourrait-on dire[45].
Or, sous l’influence du principe de précaution, les concepts clés du droit pénal, celui de l’infraction, de la responsabilité pénale et de la peine cèdent du terrain devant l’injonction de prendre toujours plus en considération la probabilité de danger[46]. D’abord, différentes mesures préventives, destinées à éviter la commission ou la récidive de la part d’individus considérés comme dangereux (à l’instar de la surveillance judiciaire, de la rétention de sûreté ou de l’injonction thérapeutique) ont désormais acquis une place centrale dans les outils judiciaires. Première entaille portée au droit pénal libéral, puisque, selon la distinction classique, si les peines sont destinées à sanctionner un comportement délictueux et sont tournées vers le passé, les mesures dites de sureté sont tournées vers le futur et ont vocation à neutraliser un comportement dangereux, alors même que la peine a été purgée[47]. Ensuite, deuxième entaille, émerge une tendance à distinguer culpabilité et responsabilité : non seulement l’incarcération des malades mentaux mais aussi la diminution des causes d’irresponsabilité pénale témoignent de l’émergence d’une culpabilité sans responsabilité[48]. Enfin, troisième entaille, apparait l’idée d’un « droit pénal de l’anticipation »[49], qui donne des droits aux individus en raison de ce qu’ils sont, et non pas de ce qu’ils font. C’est ainsi que sont désormais incriminés des actes « ultra-préparatoires », tels que l’association de malfaiteurs (art. 450-1 du code pénal), le délit d’attroupement (art. 431-4 du code pénal), de participation à un groupement en vue de commettre des violences (art. 222-14-2 du code pénal), etc., la tendance sécuritaire tendant à rendre toujours plus mince l’exigence d’un acte matériel.
Cette transformation du droit pénal n’est pas sans conséquences lourdes : d’une part, la conception de la défense sociale au sens premier du mot (i.e la défense de la société) conduit à opposer la réponse sociale aux droits de l’individu. En ce sens, le contexte sécuritaire favorise l’émergence d’un droit pénal dérogatoire, destiné à combattre la dangerosité. Les ressorts de cette approche ont été mis en évidence, et justifiés, par Günther Jakobs, lorsqu’il postule qu’il existe l’existence d’ennemis du corps social, par opposition aux « citoyens »[50]. Ces « ennemis de l’intérieur » seraient animés par une idéologie et auraient des comportements tellement hostiles au corps social qu’il serait impossible de les y (ré)intégrer, ce qui nécessiterait de les exclure du bénéfice de la Loi et donc du corps social. C’est au même constat qu’aboutit, cette fois dans une perspective critique, Geneviève Giudicelli-Delage, qui relève que « se dessinent ainsi les figures de la dangerosité et des dangereux. La liste pourrait en être longue. S’y trouveraient malades mentaux, délinquants sexuels, toxicomanes, alcooliques – peut-être – violents, membres de groupes criminels organisés ou non, membres de minorités, étrangers, terroristes mais aussi jeunes. Certaines de ces figures sont récurrentes, d’autres sont éphémères selon les lieux et les époques (par exemple le dangereux sexuel a été l’homosexuel, il est devenu le pédophile, mais il peut être aussi l’exhibitionniste). Selon les pays, les figures fortes ne sont pas forcément les mêmes, si se retrouve plus ou moins partout la même classification : incorrigibles auxquels s’adressent des mesures de rétribution/prévention/élimination ; incontrôlables et imprévisibles – dangereux par cela même sur le fondement de la prédiction d’une chose qui, par sa nature, semble imprévisible – auxquels s’adressent des mesures d’amélioration par le soin, de neutralisation par la surveillance voire par la ségrégation »[51].
Mais cette approche sécuritaire de la dangerosité ne révèle pas seulement une transformation du droit pénal ; elle traduit, d’autre part, son recul. La recherche de la « sécurité » contre « la dangerosité » révèle en effet recul du rôle du juge – acteur central du droit pénal humaniste, et une montée en puissance corrélative de l’expert et de l’administration.
L’expert d’abord : l’évaluation de la dangerosité n’est pas du seul ressort de l’administration mais plus largement des experts, renouant ainsi avec le discours scientiste qui avait caractérisé l’école de la défense sociale. L’appréciation de la dangerosité est souvent confiée à des experts psychiatriques, dont le verdict va justifier l’application de mesures de sureté. L’expertise psychiatrique de dangerosité pose pourtant un certain nombre de problèmes, au regard d’une part de la fiabilité de l’expertise, et d’autre part de la responsabilité de l’expert[52]. Ces doutes et critiques n’ont pas empêché le développement du recours à l’expertise psychiatrique, notamment dans le champ de la procédure pénale. Plus encore, une nouvelle phase semble prête à s’ouvrir, marquée par l’utilisation de données actuarielles[53] ou scientifiques : ainsi, le recours à l’imagerie médicale, de type IRM, est parfois préconisée pour pénétrer les secrets du cerveau afin de découvrir des anomalies associées à un comportement dangereux, antisocial, ou à un trouble neuropsychique. Des études menées sur des délinquants récidivistes ont permis de détecter des supports organiques au manque d’empathie, à la tendance à la violence ou à la récidive[54]… Or, le recours à l’imagerie cérébrale est peu encadré par le droit : l’article 16-14 du Code civil autorise leur utilisation en justice, pour peu que la personne y consente et n’exclut pas formellement que l’imagerie cérébrale fonctionnelle puisse être utilisée comme un « super » détecteur de mensonges[55]. Reste dès lors la crainte « que les images cérébrales n’exercent un effet de « fascination » sur les juges et les jurés, au risque de déstabiliser le bon déroulement de la justice »[56]. De même, l’utilisation à des fins probatoires des caractéristiques génétiques apparait désormais devant les tribunaux[57]. La génétique comportementale a montré la possible association de certaines caractéristiques génétiques à des comportements agressifs ou asociaux. Le caractère admissible en justice de cette « preuve génétique » commence à être reconnu, le plus souvent par la défense comme éléments d’atténuation de la responsabilité[58]. Mais on voit fort bien que ces questions sont amenées à prendre de l’ampleur, et combien l’utilisation de la technologie à des fins de sécurité s’inscrit sur la pente glissante de la logique prédictive : s’il est possible d’établir, en amont de la commission d’un acte, la dangerosité d’un individu, il devient tentant de permettre aux pouvoirs publics d’intervenir au plus tôt, voire de les y contraindre, sous la pression d’une opinion publique affolée par la menace que représentent des individus désignés comme dangereux.
L’administration ensuite : Christine Lazerges a parfaitement décrit la tendance à l’œuvre dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, marqué par « la substitution d’un droit pénal de la dangerosité à un droit pénal de la culpabilité assorti de l’extension des mesures de police administrative »[59]. La législation de l’état d’urgence antiterroriste a servi de matrice à l’élaboration d’un droit mi-pénal, mi administratif, de la dangerosité[60]. Les « raisons sérieuses de penser » que le comportement d’un individu constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, dans un contexte de lutte contre le terrorisme, peuvent justifier des mesures restrictives de liberté : assignations à résidence, rebaptisées « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (art. L. 228-1 C. séc. intérieure) ; placement sous surveillance électronique mobile (art. L. 228-3 C. séc. intérieure), visites et saisies domiciliaires (art. L. 229-1 C. séc. intérieure), Interdictions de sortie du territoire ( art. L. 224-1 C. séc. intérieure) et contrôles administratifs ou judiciaires des retours sur le territoire (art. L 225-1 et s. C. séc. intérieure). Comme le note Christine Lazerges, « dans un système où la dangerosité se substitue à la culpabilité on comprend qu’une simple note blanche puisse justifier une assignation à résidence, bien qu’il s’agisse d’un mode de preuve dégradé »[61]. Mais la prise en compte de la dangerosité pour justifier des mesures sécuritaires a largement débordé le cadre de l’action antiterroriste. Elle irrigue le droit pénitentiaire[62] et imprègne de nombreux autres domaines. C’est dans le secteur de l’action médicale et sociale que certaines figures d’individus dangereux ont en premier lieu été mises en avant : à l’individu souffrant de troubles psychiatriques se sont ajoutées certaines représentations de la jeunesse. C’est bien la thématique de l’enfance « dangereuse » qui (ré)émerge désormais, comme en témoignent les politiques publiques à l’égard de ceux que le discours médiatique a qualifié de « sauvageons »[63] ou encore les vifs débats qui ont eu lieu, au début des années 2000, autour de la pertinence du dépistage précoce des troubles psychiques de l’enfant, même en bas âge[64]. D’autres figures de la dangerosité s’incarnent ailleurs : il en va désormais de l’individu radicalisé. La lutte contre la radicalisation religieuse est devenue un élément central du discours public depuis le début des années 2010. Au sein de la fonction publique[65] comme des services publics[66], l’accent est désormais mis sur la menace causée par des « ennemis de l’intérieur », dont la détection serait possible grâce à des signaux « forts » ou « faibles » auxquels nombre d’administrations publiques sont invitées à prêter attention[67]. Le recours aux fichiers informatiques et leur interconnexion sont présentés comme un moyen de détecter la dangerosité d’individus et sont justifiés, au nom de la « prévention de la radicalisation à caractère terroriste » [68]. Le risque d’un contrôle social généralisé et « l’éventuel arbitraire qui pourrait présider à la détection des personnes radicalisées et, surtout, sur les conséquences pour des personnes considérées à tort comme radicalisées » a pourtant été souligné[69].
Ces mises en garde n’empêchent pas chaque crise d’être l’occasion d’un déploiement plus profond du « droit de la dangerosité » : la crise sociale, illustrée par le mouvement des Gilets Jaunes et la figure de l’émeutier ou du black bloc[70] ; la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus et l’adoption de dispositifs mi-pénaux, mi-administratifs de contrôle et de surveillance de personnes considérées comme susceptibles de contribuer à la propagation de l’épidémie [71]. En attendant la prochaine crise, et l’émergence de nouvelles figures de la dangerosité – ou leur non émergence, car, comme le relève Geneviève Guidicelli-Delage, « il faudrait aussi cerner les figures de la dangerosité par leur envers, les figures de la non-dangerosité ; et l’on pourrait sans doute constater que, parmi ces non-dangereux, certains font courir des risques immenses (économiques, financiers, écologiques). C’est dire que ce n’est pas le risque qui est pris en compte de manière objective, mais bien le risque que font courir certains pour ce qu’ils sont, ou pour ce que les sociétés présument qu’ils sont »[72]…
Dès lors, faut-il, pour garantir la sécurité, chercher à conjurer la dangerosité ou prévenir les risques ? C’est choisir entre les deux visions du monde de demain, magistralement dépeintes par Geneviève Guidicelli-Delage : celle, largement cauchemardesque, d’un « monde parfait », où la peur du danger est omniprésente et entretenue par des dispositifs toujours plus coercitifs, ou celle d’« un monde simplement habitable », fondé sur la liberté et la solidarité[73]. La réponse est dans la question…
[1] Ulrich Beck, La société du risque, sur la voie d’une autre modernité, Champs essai, Flammarion, réed. 2008, pp. 89 s.
[2] Ulrich Beck, id. p. 15.
[3] Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2e ed., 1990, V° Risque.
[4] Patrick Peretti Wattel, La société du risque, La découverte, 2010, p. 19.
[5] Robert Castel, « De la dangerosité au risque », Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 47-48, juin 1983. Éducation et philosophie, pp. 119-127, spé. p. 120.
[6] Id., p. 122.
[7] V., pour une démarche identique appliquée au champ du droit pénal et de la criminologie, Jean Danet, « Les politiques sécuritaires à la lumière de la doctrine de la défense sociale nouvelle », RSC, 2010, n° 1, p. 49.
[8] Emmanuelle Burgaud, « La variabilité du concept de dangerosité en droit pénal des origines à la fin du 19e siècle », in Ph. Conte et S. Tzitzis (dir.), Peine, Dangerosité. Quelles certitudes ?, Dalloz 2010, p. 207.
[9] César Lombroso, « L’homme criminel : criminel né, fou moral, épileptique », Éd. Felix Lacan, 1887.
[10] Albert Londres, Chez les fous, Albin Michel, 1925, p. 191-192.
[11] Martine Kaluszynski, « Le retour de l’homme dangereux », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. V | 2008.
[12] Marie-Hélène Renaut, « L’ordre public et la prostitution ou l’Histoire n’est qu’un perpétuel recommencement », RSC, 2006, p. 293 ; Johanne Vernier, « La répression de la prostitution à la conquête de nouveaux espaces », Archives de politique criminelle, 2010, numéro spécial « Espace public – Surveillance et répression », p. 75-92.
[13] Emmanuel Filhol, « La loi de 1912 sur la circulation des « nomades » (Tsiganes) en France », Revue européenne des migrations internationales, vol. 23 – n°2 | 2007, 135-158.
[14] V. Robert Philippe, « La crise de la notion de dangerosité », La question pénale, in Robert Philippe (dir.), Librairie Droz, « Travaux de Sciences Sociales », 1984, p. 138-160.
[15] Michel Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, Gallimard, 1975, réed. 2016, pp. 25-26.
[16] Michel Foucault, « La vérité et les formes juridiques », Dits Ecrits, 1976-1988, Gallimard, texte n°139.
[17] Martine Kaluszynski, « La république sécuritaire : Menace ou ennemi ? Le récidiviste au cœur de l’édifice pénal républicain. La loi du 27 mai 1885 ou la pérennité d’un débat entre savoir, politique et opinion publique », Jurisprudence Revue Critique, dossier « Droit pénal et politique de l’ennemi », 2015, p. 164.
[18] Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris, pendant la première moitié du XIXe siècle, Plon, 1958.
[19] V. en ce sens, Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Une chronique du salariat, Fayard, 1995, pp. 258.
[20] Loi du 12 germinal an XI et le décret 9 frimaire an XII.
[21] Deux ordonnances du 1er avril 1831 et du 30 décembre 1834 enjoignent à tout ouvrier venant chercher du travail à Paris de faire viser son livret dans les huit jours au commissariat. Le défaut de possession de livret faisant peser sur l’individu une présomption de vagabondage, lequel était pénalement sanctionné ; V. sur ce point, Gérard Aubin et Jacques Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, PUF, 1995, pp. 106-109.
[22] Robert Castel, Les métamorphoses…, précit. p. 258.
[23] Alban de Villeneuve-Bargemont, Economie politique chrétienne ou recherches sur le paupérisme, 1834, p. 25.
[24] Sur ce point, v. les comptes rendus de police cités par Louis Chevalier, précit., pp. 318 à 323.
[25] Eugène Buret, De la misère des classes laborieuses en France et en Angleterre, 1840, T. 1, p. 70.
[26] Id. p. 98.
[27] François Ewald, L’Etat Providence, Grasset, 1986.
[28] CE, Section, 21 juin 1895, Cames, n° 82490, rec. p. 509, concl. Romieu, qui insiste sur la nécessité d’indemniser le « risque professionnel résultant de l’emploi de machines dans des conditions normales ».
[29] P. Peretti Wattel, précit. p. 14.
[30] V. la contribution de Cathy Pomart, « Dangerosité et cellule familiale ».
[31] V. la contribution de Ronan Bernard Menoret, « Dangerosité et travail : Une brève présentation d’une longue évolution ».
[32] V. par ex. le délit d’exposition d’autrui à un risque (art. 223-1 C. pénal), celui de non-assistance à personne en danger (art. 223-6 c. pénal) ou des infractions de mise en péril de mineurs, énumérées aux art. 227-15 et s. du c. pénal.
[33] V. sur ce point la contribution de François Cafarelli, « Dangerosité et territoire ».
[34] Cons. Const., décision n° 2011-139 QPC du 24 juin 2011, Association pour le droit à l’initiative économique.
[35] Voir par ex. C Cons. Const., décision n° 2015-480 QPC du 17 septembre 2015 : constitutionnalité de l’interdiction de commercialisation et d’importation de produits à base de bisphénol A dans un but de santé publique (« Le législateur a entendu prévenir les risques susceptibles de résulter de l’exposition au bisphénol A pour la santé des personnes, et notamment de celles qui sont les plus sensibles aux perturbateurs endocriniens »).
[36] CE 15 mai 2009, Sté France conditionnement création et a., n° 312449, AJDA 2009, p. 1668, note Jean-Paul Markus ; CE 7 févr. 2007, Sté PPN SA, n° 292615, AJDA 2007, p. 335.
[37] Loi n°98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ; articles 1245 et suivants du code civil.
[38] Conseil d’Etat, Responsabilité et socialisation du risque, Rapport public pour 2005, p. 205.
[39] Ibid.
[40] Robert Castel, L’insécurité sociale, Qu’est-ce qu’être protégé ? Seuil, Coll. La République des Idées, 2003, p. 59.
[41] François Ewald, « L’Etat de précaution », in Responsabilité et socialisation du risque, Rapport Conseil d’Etat, 2005, pp. 359-367.
[42] Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2e ed., 1990, V° sécurité.
[43] Mireille Delmas-Marty, « Sécurité et dangerosité », RFDA 2011, p. 1096.
[44] V. la contribution de Romain Ollard, « La dangerosité en matière pénale, l’arlésienne omniprésente ».
[45] V. en ce sens : Julie Alix, « Une liaison dangereuse. Dangerosité et droit pénal en France », in G.Guidicelli et C Lazerges, La dangerosité saisie par le droit pénal, PUF, 2011, pp. 47-78.
[46] Oona Ah-Thion, Contribution à l’étude du principe de précaution en droit pénal et en politique criminelle. Thèse Droit. Université Panthéon-Sorbonne – Paris I, 2014 ; Julie Alix, Olivier Cahn, « La fin de la preuve ? La preuve dénaturée à l’épreuve du concept de dangerosité, in P. Beauvais et R. Parizot (dir.), Les transformations de la preuve pénale, LGDJ, 2018, p. 301 s.
[47] V. en ce sens Cons. Const., Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005 : « la surveillance judiciaire, y compris lorsqu’elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile (…) repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; (…) elle a pour seul but de prévenir la récidive ; (…) ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction ».
[48] Sur tous ces points, v. Julie Alix, précit., spé. pp. 61-71.
[49] Audrey Darsonville, « Le surinvestissement législatif en matière d’infractions sexuelles », Archives de politique criminelle, 2012/1, pp. 31 à 43 ; Laurence Leturmy, La répression de la délinquance sexuelle, in M. Massé, J.-P. Jean et A. Giudicelli (dir.), Un droit pénal post-moderne ? Mise en perspective des évolutions et ruptures contemporaines, PUF, collection Droit et Justice, 2009, pp. 137-147.
[50] Günther Jakobs, « Aux limites de l’orientation du droit: le droit pénal de l’ennemi », RSC 1/2009, p. 7.
[51] Geneviève Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité – Droit pénal de l’ennemi », RSC, 2010, p. 75.
[52] Arnaud Coche, « Faut-il supprimer les expertises de dangerosité ? », RSC, 2011/1, pp. 21-35.
[53] V. sur ce point, la contribution de Romain Ollard, « La dangerosité en matière pénale, l’arlésienne omniprésente ».
[54] M. Gazzaniga, « Neuroprediction of future rearrest », Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, février 2013, citée par Sonia Desmoulin-Canselier, « Jusqu’où utiliser l’imagerie cérébrale en justice? », Le journal du CNRS, 20 juin 2019, en ligne : https://lejournal.cnrs.fr/billets/jusquou-utiliser-limagerie-cerebrale-en-justice.
[55] Les travaux préparatoires au projet de loi Bioéthique, en cours d’examen au Parlement, ont insisté sur ce risque. Le projet de loi bioéthique a un temps envisagé de les cantonner à l’imagerie anatomique et d’interdire l’imagerie fonctionnelledans le domaine judiciaire, s’appuyant pour ce faire sur l’avis défavorable du CCNE (avis n° 129, contribution du CCNE à la révision de la loi de bioéthique, 25 septembre 2018 et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologies (Rapport n° 80 (2018-2019) de M. Jean-François Eliaou, député et Mme Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 25 octobre 2018, sur l’évaluation de l’application de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique). Le Sénat s’est toutefois opposé à la modification du droit existant, en relevant que non seulement la pratique ne révèle pas un tel usage, mais que de surcroit « il semble d’ailleurs douteux de déduire de l’article 16-14 du code civil qu’un tel usage serait autorisé » (Rapport n° 237 (2019-2020) de Corinne Imbert, Muriel Jourda, Olivier Henno et Bernard Jomier, fait au nom de la commission spéciale, Sénat, 8 janvier 2020, p. 159).
[56] Sonia Desmoulin-Canselier, « Usages et interprétations judiciaires des images cérébrales », RSC 2018, p. 345.
[57] Francesca Forzano et al. « Italian appeal court: a genetic predisposition to commit murder? », European Journal of Human Genetics, 18(5) 2010, pp. 519-521 ; Elisabetta Sirgiovanni, Gilberto Corbellini, et Cinzia Caporale, « A recap on Italian neurolaw: epistemological and ethical issues », Mind & Society, 16, 2017, 17–35.
[58] V. « Faut-il avoir peur de la génétique comportementale ? », France culture, 10 juin 2011, https://www.franceculture.fr/emissions/le-champ-des-possibles/faut-il-avoir-peur-de-la-genetique-comportementale .
[59] Christine Lazerges, « Les droits de l’homme à l’épreuve du terrorisme », RSC 2018, p. 761.
[60] V. sur ce point la contribution de Clément Margaine, « De la « dangerosité de la dangerosité » en droit de la peine », qui voit là un risque de « dénaturation du droit pénal » et celle Stéphanie Parassouramanaik, « La dangerosité ou l’atteinte insidieuse aux droits et libertés dans la lutte contre le terrorisme ».
[61] Id., p. 762.
[62] Comme en témoigne par exemple la possibilité de placer sous entraves physiques et menottes des détenus faisant l’objet d’une extraction en vue d’une consultation médicale à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire, lorsqu’il existe des « antécédents révélant une personnalité dangereuse » : CE, 30 mars 2005 , n° 276017– Lebon 2005 : v plus largement Jean-Claude Vimont, « Figures paradoxales d’antisociaux des années 50 », Criminocorpus, Les rebelles face à la justice, Articles, mis en ligne le 10 octobre 2014, http://journals.openedition.org/criminocorpus/2833
[63] Nicolas Sallée, « Les mineurs délinquants sous éducation contrainte. Responsabilisation, discipline et retour de l’utopie républicaine dans la justice française des mineurs », Déviance et Société, vol. vol. 38, no. 1, 2014, pp. 77-101 ; pour une perspective historique, v. Dominique Messinéo, « Faut-il (vraiment) fouetter les apaches ? Les errements de la répression de la jeunesse marginale à la charnière du XXe siècle », Jurisprudence Revue Critique, dossier « Droit pénal et politique de l’ennemi », 2015, p. 215 et s.
[64] V. sur ce point Collectif pas de 0 de conduite , Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans !ERES, « Hors collection », 2006.
[65] Olivia Bui-Xuan, « L’émergence d’un ‘droit de la fonction publique de l’ennemi’ ? », AJFP 2019. 249.
[66] V. sur cette question : Olivia Bui-Xuan (dir.), La radicalisation religieuse saisie par le droit, LGDJ/Varenne, 2018.
[67] V., sur cet enjeu et ces effets, le rapport d’information des députés Eric Diard et Eric Poulliat, sur les services publics face à la radicalisation, Ass. Nationale, n° 282, 27 juin 2019.
[68] V. par exemple l’interconnexion du fichier des personnes hospitalisées sans consentement en psychiatrie (HOPSYWEB) et celui des personnes soupçonnées de radicalisation terroriste (FSPRT), autorisée par décret et validée par le Conseil d’Etat, dans une décision du 27 mars 2020, n° 431350 (Lisa Carayon, « Quelle folie ! », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 11 juin 2020).
[69] CNCDH, Avis sur la prévention de la radicalisation, 18 mai 2017.
[70] Olivier Cahn, « La répression des « black blocs », prétexte à la domestication de la rue protestataire », Archives de politique criminelle, 2010/1 (n° 32), p. 165-218.
[71] Jean-Baptiste Perrier, « Le droit pénal du danger », Rec. Dalloz 2020, p. 937.
[72] Geneviève Giudicelli-Delage, précit., p. 75.
[73] Geneviève Guidicelli-Delage, Conclusion. Un monde (simplement) habitable, in G. Guidicelli-Delage et C. Lazerges, La dangerosité saisie par le droit pénal, PUF, 2011, pp. 47-78.