Le droit du travail en Grèce à l’épreuve du droit international et européen
La République Hellénique est confrontée à une contradiction découlant de l’obligation d’appliquer des décisions d’institutions européennes contraires au droit de l’Union européenne et au droit international. Obligée d’appliquer ces décisions en application de Mémorandums imposés par ses créanciers, la Grèce se trouve en situation de violation de ses engagements internationaux en matière de Droits de l’Homme dans le travail. Ainsi, la situation actuelle du droit du travail en Grèce pose de façon emblématique la question des articulations entre les sources du droit, internationales, européenne et interne, dans un contexte de redéfinition d’ampleur des règles du travail au sein de nombreux États. Des modes d’articulation peuvent permettre d’assurer l’effectivité des droits de l’Homme, en Grèce et dans l’ensemble de l’Union européenne, la nature juridique de l’Union étant en jeu.
Michel Miné est professeur associé de droit (HDR) au Conservatoire national des Arts et Métiers, responsable nationale de l’ue droit social international et européen, Lise/Cnam/Cnrs 1.
Les droits de l’Homme doivent être garantis par les États en particulier au moment où les personnes sont le plus en difficulté. Les droits de l’Homme ne sont pas un luxe pour les périodes de prospérité 2. Or, l’expert indépendant des Nations Unies, « chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, » a souligné que les conditions exigées par les bailleurs de fonds internationaux risquaient d’entraver les possibilités de garantir un niveau de vie conforme aux normes des droits de l’Homme pour un nombre considérable de Grecs. Ainsi, les réformes du marché du travail ont entraîné une aggravation du chômage et une augmentation du nombre de sans-abri, de pauvres et d’exclus et ont considérablement restreint l’accès aux services publics tels que les soins de santé et l’éducation. Ces mesures ont eu des conséquences particulièrement graves les groupes les plus vulnérables 3. En effet, en application de « Mémorandums » successifs, le gouvernement grec, à la demande de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire internationale, a engagé des réformes d’ampleur. Il a accepté depuis 2010 les conditions posées par ces instances, pour mettre en œuvre des réductions drastiques des dépenses publiques et des réformes structurelles afin de pouvoir recevoir un emprunt d’urgence ; dans ce cadre, il a adopté des réformes portant sur des règles importantes de droit du travail. Or, la nature et le contenu de ces réformes du droit du travail entrent en contradiction avec des engagements souscrits par la République hellénique, avec des textes du droit international du travail ratifiés et avec des textes du droit européen. Il s’agit notamment en droit international de Conventions de l’Organisation Internationale du Travail et de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (Turin, 1961) ; la Charte sociale européenne et les Conventions de l’O.I.T. (en particulier les Conventions fondamentales) constituent des instruments essentiels du droit international des droits de l’Homme, dans son versant droits sociaux et économiques. Il s’agit également en droit européen de dispositions des Traités, du Traité de Lisbonne, et de directives de l’Union européenne.
Les droits de l’Homme, ces droits fondamentaux de la personne humaine dans l’emploi et le travail, ont inspiré et continuent d’inspirer des législations internes d’États. Cependant, dans la période actuelle, de réforme du droit du travail, des législations internes de certains États entrent en confrontation avec ces droits fondamentaux. Dans cette problématique Droits de l’Homme versus dérégulation législative des règles du travail, la situation de la Grèce constitue une illustration d’actualité emblématique 4. Par conséquent, il convient d’examiner les textes internes, européens et internationaux en confrontation. Et il s’agit également de se référer aux décisions et rapports adoptés par les organes chargés de contrôler l’application des textes internationaux par les États (le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe et les Comités d’experts de l’O.I.T., notamment le Comité de la Liberté Syndicale). En effet, le respect de ces textes est assuré par les systèmes de contrôle du droit international : ces organes de contrôle sont destinataires de rapports adressés par les États, sur l’application des textes qu’ils ont ratifiés, et, de plaintes, concernant les textes internes et les pratiques, formulés par des organisations syndicales et par des organisations non-gouvernementales.
Que disent le droit international et le droit de l’Union européenne sur les réformes internes du droit du travail grec et sur les décisions européennes qui ont imposé ces réformes ? L’examen des textes et décisions portera donc sur des réformes internes (I) et sur des décisions européennes (II).
I. – Des décisions internes contraires au droit international et au droit de l’Union européenne
Le Comité européen des droits sociaux, du Conseil de l’Europe (de Strasbourg), affirme des positions de principe quant au respect des droits de l’Homme en période de crise, économique, financière, sociale et par conséquent politique. Il délivre ainsi un message aux gouvernements, notamment aux pouvoirs publics grecs, qui réforment leurs droits du travail internes 5. Pour le Comité, « la crise économique ne doit pas se traduire par une baisse de la protection des droits reconnus par la Charte. Les gouvernements se doivent dès lors de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces droits soient effectivement garantis au moment où le besoin de protection se fait le plus sentir ».
Le Comité admet des réformes qui peuvent réduire des droits et des garanties ; cependant ces réformes ne doivent pas dépasser certaines limites qu’il convient d’identifier. En effet, la régression des droits en deçà des garanties apportées par les doits fondamentaux de la personne porte atteinte à l’essence de la Cité, la régression sociale devient alors également régression sociétale. Pour le Comité, « ce qui vaut en matière de droit à la santé et de protection sociale ne vaut pas moins en matière de droit de travail (…) si la crise peut légitimement conduire, (…) à des réaménagements des dispositifs normatifs et des pratiques en vigueur en vue de limiter certains coûts pour les budgets publics ou d’alléger les contraintes pesant sur les entreprises, ces réaménagements ne sauraient se traduire par une précarisation excessive des bénéficiaires de droits reconnus par la Charte. ». Ainsi, pour le Comité, « une plus grande flexibilité dans le travail pour lutter contre le chômage ne peut pas conduire à priver de larges catégories de salariés, singulièrement ceux qui ne sont pas depuis longtemps titulaires d’emplois stables, de leurs droits fondamentaux en matière de travail, contre l’arbitraire de l’employeur ou les aléas de la conjoncture. » Les salariés les plus précarisés ne doivent pas subir une détérioration de leurs droits face au pouvoir de l’employeur et dans une situation sociale dégradée.
Le Comité rappelle les principes à l’œuvre : « C’est à l’instauration et au maintien de tels droits, sur les deux terrains précités, que tendent justement les dispositions de la Charte. Renoncer à ces garanties aurait, au surplus, non seulement pour effet de faire porter aux salariés une part indûment excessive des conséquences de la crise, mais encore, d’accepter des effets procycliques de nature à aggraver la crise (…) ». Ce faisant, le Comité prend position sur les effets économiques et sociaux de réformes « excessives » ; le respect des droits de l’Homme est aussi nécessaire sur ce terrain socio-économique à la sortie de « la crise ».
Dans cette confrontation entre les droits fondamentaux et des dispositions législatives de « régression sociale », plusieurs options sont possibles. Le Comité considère que « le principe de non-régression ne répond pas à l’effet cliquet (…) mais à un effet plancher ». Des réductions de droit sont admissibles mais à la condition de ne pas porter atteinte à « la substance des droits fondamentaux » 6. Le principe de non-régression n’est donc pas intégral, il est relatif. Les droits de l’Homme n’interdisent pas toute régression des droits ; en revanche, les droits de l’Homme interdisent la réduction des droits en deça d’un certain niveau minimal.
Le Comité européen des droits sociaux avait déjà été amené à rappeler aux États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe leurs obligations découlant de la Charte sociale européenne. Le Comité a formulé une « Observation liminaire sur le lien entre le droit de l’Union européenne et la Charte sociale européenne » 7. Le Comité contribue ici à éclairer la délicate question des relations entre les deux ordres juridiques européens et énonce que : « lorsque les Etats membres de l’Union européenne décident de mesures contraignantes qu’ils s’appliquent à eux-mêmes par le moyen d’une directive qui influence la manière dont ils mettent en œuvre les droits énoncés dans la Charte, il leur appartient, tant lors de l’élaboration dudit texte que de sa transposition dans leur droit interne, de tenir compte des engagements qu’ils ont souscrits par la ratification de la Charte sociale européenne. » ; s’agissant de dispositions législatives internes adoptées par des États, « la circonstance que les dispositions en question s’inspirent d’une directive de l’Union européenne ne les soustraient pas à l’empire de la Charte ». Dans la confrontation des textes de l’UE avec la Charte, « le Comité considère qu’il ne résulte ni de la place des droits sociaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne, ni des procédures d’élaboration du droit dérivé leur égard qu’une présomption… puisse être retenue, même de manière réfragable, s’agissant de la conformité des textes juridiques de l’Union européenne à la Charte sociale européenne » 8. Le même raisonnement peut être appliqué mutadis mutandis dans le cas de la situation en Grèce : le gouvernement ne pouvait pas s’affranchir de ses obligations découlant de la Charte en mettant en œuvre les Décisions du Conseil de l’UE (prises en application des Mémorandums).
Cette question sera abordée sur les terrains des droits des personnes (1) et des relations sociales (2).
1.1. Droits des personnes
La violation des droits fondamentaux des personnes concerne en particulier les jeunes travailleurs (a). Des dispositions concernent l’ensemble des salariés (b).
a. Droits des jeunes travailleurs
Le Gouvernement soulignait la nécessité de mettre en œuvre des politiques permettant de remédier au grave problème du chômage des jeunes entre 15 et 24 ans. Les dispositions légales contestées sont considérées par le Gouvernement comme les piliers de ces politiques. Cependant, dans la décision du Comité européen des droits sociaux, sont relevées plusieurs violations de la Charte sociale européenne de 1961 9.
* Droit aux congés annuels payés
Avec la loi n° 3863 du 15 juillet 2010 sur les « contrats spéciaux d’apprentissage », les jeunes concernés sont exclus du champ d’application de la législation du travail et ils n’ont pas droit à trois semaines de congés payés annuels.
Droit du Conseil de l’Europe. Selon la Charte sociale européenne (article 7), « Partie I : « Les enfants et les adolescents ont droit à une protection spéciale contre les dangers physiques et moraux auxquels ils sont exposés. » et « Partie II : En vue d’assurer l’exercice effectif du droit des enfants et des adolescents à la protection, les Parties s’engagent : (…) à fixer à quatre semaines au minimum la durée des congés payés annuels des travailleurs de moins de 18 ans ».
Le Comité analyse la législation et interroge de façon déterminée et méthodique le gouvernement, dont les réponses varient dans le temps. Il apparaît ainsi que le droit du travail ne s’applique pas aux jeunes de 15 à 18 ans sauf en ce qui concerne les règles relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs. Le Comité conclut à la violation de la Charte (§ 32 de la Décision).
Droit de l’Union européenne. Le droit de l’UE prévoit « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines (…) » 10, aucune dérogation n’étant prévue 11. L’État grec ne satisfait donc pas à cette obligation, qui concrétise un droit prévu dans la Charte (lorsqu’il met en œuvre le droit de l’Union, l’État doit respecter les droits prévus par la Charte des droits fondamentaux de l’UE 12).
* Droit à la formation professionnelle
La nouvelle réglementation relative aux ‘contrats spéciaux d’apprentissage’ (loi n° 3863 du 15 juillet 2010) ne fixe qu’une durée maximale d’un an et ne prévoie « aucune obligation patronale », elle ne prévoit aucune obligation pour l’employeur concernant la formation des jeunes embauchés et se contente d’affirmer que les ‘contrats spéciaux d’apprentissage’ sont conclus ‘en vue d’acquérir des dextérités’, sans rien dire sur les moyens de les acquérir, sans établir un rapport quelconque avec le système grec d’apprentissage ou avec n’importe quel autre système de formation des jeunes (§ 34 de la Décision).
Le gouvernement ne répond pas à ces griefs, affirmant que « les contrats d’apprentissage (…) visent exclusivement l’acquisition d’une expérience professionnelle par l’emploi et ceci indépendamment de la question de savoir si les personnes concernées suivent un programme éducatif. » (§ 37 de la Décision)
Droit du Conseil de l’Europe. Selon la Charte sociale européenne (article 10) : « Partie I : « Toute personne a droit à des moyens appropriés de formation professionnelle. » et « Partie II : En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la formation professionnelle, les Parties s’engagent : … § 2. à assurer ou à favoriser un système d’apprentissage et d’autres systèmes de formation des jeunes garçons et filles, dans leurs divers emplois ; ».
Pour le Comité, l’apprentissage implique « une « formation qui repose sur un contrat passé entre le jeune et l’employeur » régie par un ensemble de règles qui gouvernent la durée de l’apprentissage, la répartition du temps entre théorie et pratique (…) ». Exception faite de la durée de l’apprentissage et de la rémunération, la nouvelle disposition légale « ne règle pas les autres aspects clés de la relation d’apprentissage, mentionnés ci-dessus » (§ 37 de la Décision).
Par conséquent le Comité considère que dans la mesure où les dispositions de la loi (article 74§9) ne prévoient pas un système d’apprentissage adéquat et d’autres systèmes de formation des jeunes garçons et filles, dans leurs diverses formes d’emploi, elles ne sont pas conformes à l’article 10§2 de la Charte. Le Comité conclut à la violation de la Charte (§§ 40 et 41 de la Décision).
* Droit à une rémunération équitable et à la non-discrimination :
La rémunération porte ici sur la nouvelle législation concernant le salaire minimum pour les jeunes de moins de 25 ans (la réduction de 32% du salaire minimum s’appliquant à tous les travailleurs âgés de moins de 25 ans) (l’article 1§1 de l’acte du Conseil ministériel n°6 du 28 février 2012, l’article 74§8 de la Loi n° 3863/2010, préc.).
Pour le Gouvernement, « grâce à la législation en question », « il a été possible de mettre en place un moyen capable d’encourager les entreprises à employer des jeunes âgés de moins de 25 ans, ce qui représente une nécessité afin de faire face au grave problème du chômage subi par les personnes appartenant à cette tranche d’âge en comparaison à d’autres catégories de personnes. » (§ 55 de la Décision).
Droit du Conseil de l’Europe. Au regard du droit à un salaire équitable, selon la Charte sociale européenne (article 4) : « Partie I : « Tous les travailleurs ont droit à une rémunération équitable leur assurant, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie satisfaisant. » et « Partie II : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à une rémunération équitable, les Parties s’engagent : §1. à reconnaître le droit des travailleurs à une rémunération suffisante pour leur assurer, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie décent; (…) ».
Au regard du droit à un salaire équitable, le Comité « estime que le salaire doit se situer au-dessus du seuil de pauvreté du pays concerné, fixé à 50% du salaire moyen national (…) » (§ 57 de la Décision). Des aménagements sont possibles. Ainsi, le Comité considère qu’il est possible de payer un salaire minimum moins élevé aux jeunes dans certaines circonstances (par exemple lorsqu’ils suivent une formation d’apprentissage ou sont engagés dans une formation professionnelle). Une telle réduction du salaire minimum peut favoriser l’accès des jeunes travailleurs au marché du travail (…). Cependant, « une telle réduction du salaire minimum ne doit pas aller en deçà du seuil de pauvreté du pays concerné. » (§60).
Le Comité souligne que les nouvelles dispositions (article 74§8 de la Loi n° 3863 du 15 juillet 2010) prévoient « le versement d’un salaire minimum à tous les travailleurs de moins de 25 ans qui est en deçà du seuil de pauvreté. » (§§ 64-65 de la Décision). Ainsi, l’effet plancher n’est pas respecté, la baisse du salaire porte atteinte à l’essence même des droits de l’Homme en la matière. Pour le Comité, « l’importance de la réduction du salaire minimum, et la façon dont elle est appliquée à tous les travailleurs de moins de 25 ans, est disproportionnée même en faisant référence aux circonstances économiques particulières en question. » (§ 68 de la Décision).
Au regard du droit à la non discrimination liée à l’âge, le Préambule de la Charte affirme que « (…) la jouissance des droits sociaux doit être assurée sans discrimination (…) ». Or, le versement d’un salaire minimum moins élevé aux travailleurs âgés de moins de 25 ans implique une différence de traitement fondée sur l’âge. Cette différence de traitement est-elle justifiée et les moyens mis en œuvre sont-ils pertinents ? Le Comité se montre libéral au regard de l’objectif affirmé par le gouvernement. Il admet que le versement d’un salaire minimum moins élevé aux jeunes travailleurs peut poursuivre un but légitime de la politique de l’emploi, à savoir l’intégration des jeunes travailleurs sur le marché du travail dans une période de grave crise économique. En revanche, le Comité se montre très exigeant quant aux moyens mis en œuvre pour atteindre cet objet et quant à leur adéquation avec le but affirmé. Ainsi, le Comité « considère que l’importance de la réduction du salaire minimum, et la façon dont elle est appliquée à tous les travailleurs de moins de 25 ans, est disproportionnée même en faisant référence aux circonstances économiques particulières en question. » (§ 68 préc.). Le Comité conclut donc ici également à la violation de la Charte au regard de la règle de non discrimination (§ 70 de la Décision).
Droit international de l’Organisation international du travail. Concernant l’application de la Convention O.I.T. n° 95 sur la protection du salaire, la Commission d’experts pour le contrôle des conventions et recommandations de l’OIT (CEACR) se déclare « gravement préoccupée par l’effet cumulatif » que les mesures (réduction du salaire minimum, coupes budgétaires, etc.) « ont sur les revenus et le niveau de vie des travailleurs ainsi que sur le respect des normes du travail relatives à la protection du salaire » 13.
Dans le rapport 2015 de la Commission note la poursuite de l’application des taux réduits pour le salaire minimum. Ainsi, « la commission demande au gouvernement d’examiner la possibilité d’adopter de nouvelles mesures propres à éviter tout nouvel impact négatif sur les droits des travailleurs afférents à la protection du salaire. La commission demande également à nouveau au gouvernement de consulter pleinement les représentants des employeurs et des travailleurs avant l’adoption de toute nouvelle mesure d’austérité et de continuer à donner des informations sur toute nouvelle mesure prise ou envisagée dans ce domaine et sur les résultats obtenus. [Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2015.] » 14.
Les mesures d’austérité sont facteurs d’aggravation des discriminations. Concernant l’application de la Convention O.I.T. n° 100 sur l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, « la commission demande au gouvernement de prendre sans délai, en coopération avec les partenaires sociaux et les services du Médiateur et sur la base de statistiques adéquates, des mesures permettant de suivre l’évolution et l’impact des mesures d’austérité sur la rémunération des hommes et des femmes dans les secteurs public et privé, en vue de déterminer les moyens les plus appropriés pour faire reculer les disparités de rémunération entre les hommes et les femmes. » 15. Des demandes comparables sont formulées concernant les minorités ethniques et religieuses au regard de la Convention n° 111.
Droit international de l’Organisation des Nations Unies. Selon le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de 1966, «Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment :
a. La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs:
i. Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune (…) ;
ii. Une existence décente pour eux et leur famille conformément aux dispositions du présent Pacte (…) » (art.7). L’État grec ne satisfait donc pas ici à ses obligations.
Droit de l’Union européenne. Le droit de l’UE interdit la discrimination liée à l’âge 16 et la jurisprudence du juge de Luxembourg en matière de discrimination liée à l’âge est abondante 17. L’État grec ne satisfait donc pas à cette interdiction. Le principe général du droit de l’UE concernant l’interdiction de discrimination liée à l’âge qui permet au juge interne d’aller jusqu’à une interprétation contra legem du droit interne pourrait avoir ici un effet utile concernant la situation des jeunes travailleurs 18, en particulier sur différents violations de la Charte sociale européenne relevées par le Comité européen des droits sociaux. Comme cela a été rappelé, lorsqu’il met en œuvre le droit de l’Union, l’État doit respecter les droits prévus par la Charte des droits fondamentaux de l’UE 19).
b. Droits des salariés
Une illustration du non respect du droit international par la législation interne :
* Indemnité de préavis et indemnité de licenciement.
Etait ici en cause la Loi n° 3899 du 17 décembre 2010 (art. 17§5) qui ne prévoit pas de délais de préavis ni d’indemnité de licenciement dans les cas d’interruption d’un contrat de travail qualifié par elle de « à durée indéterminée » pendant une période probatoire qu’elle étend à un an (§ 27 de la Décision).
Droit du Conseil de l’Europe. Selon la Charte sociale européenne (article 4) : « Partie I : Tous les travailleurs ont droit à une rémunération équitable leur assurant, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie satisfaisant. » et « Partie II : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à une rémunération équitable, les Parties s’engagent : (…) §4 à reconnaître le droit de tous les travailleurs à un délai de préavis raisonnable dans le cas de cessation de l’emploi; (…). »
Le Comité réaffirme que « le droit à un délai de préavis raisonnable en cas de cessation d’emploi s’applique à toutes les catégories de salariés indépendamment de leur qualité, y compris à ceux qui se trouvent dans une relation de travail atypique. Il vaut également en période d’essai. La législation nationale doit être d’une portée telle qu’aucun travailleur ne soit laissé sans protection » Seul le licenciement pour faute grave peut justifier l’absence de préavis (§ 25 de la Décision). Pour le Comité, quelle que soit la qualification qu’est susceptible de recevoir le contrat dont il s’agit, « l’article 17§5 de la Loi n° 3899 du 17 décembre 2010 constitue une violation de l’article 4§4 de la Charte de 1961 ». (§ 28 de la Décision 20).
Droit international de l’Organisation Internationale du Travail. La disposition législative interne apparaît également en contradiction avec la Conventions de l’OIT n° 158 « concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur » qui prévoit des droits minimums pour le salarié licencié (un préavis – art.11, des indemnités – art. 12) 21.
À la suite de ces Décisions du Comité européen des droits sociaux concernant la violation par l’État grec de la Charte sociale, sur plusieurs points, il a été répondu par le gouvernement que « les autorités grecques ne contestent pas les conclusions du CEDS et acceptent le fait que les textes spécifiques de 2010 sur le droit du travail (…) n’étaient pas en conformité avec la Charte. ». Cependant, le gouvernement n’a pris aucun engagement pour se mettre en conformité. Il indique seulement être « déterminé à retirer ces mesures dès que la situation économique du pays le permettra » 22. Ce faisant, l’État défaillant ne prend aucun engagement concernant sa mise en conformité.
Concernant le Rapport de la Grèce sur l’application de la Charte sociale européenne, en matière de « Droit à une rémunération équitable », sur la question de la « Rémunération décente », le Comité européen des droits sociaux conclut que « la situation de la Grèce n’est pas conforme à l’article 4§1 de la Charte de 1961 aux motifs que :
• le salaire minimum applicable aux agents contractuels de la fonction publique ne suffit pas à assurer un niveau de vie décent ;
• le salaire minimum applicable aux travailleurs du secteur privé ne suffit pas à assurer un niveau de vie décent ;
• les dispositions de l’article 74 alinéa 8 de la loi n° 3863/2010 et de l’article 1 alinéa 1er de l’acte du Conseil des Ministres n° 6/2012 prévoient le versement d’un salaire minimum à tous les travailleurs de moins de 25 ans qui est en-deçà du seuil de pauvreté ;
• les dispositions de l’article 74 alinéa 8 de la loi n° 3863/2010 et de l’article 1 alinéa 1er de l’acte du Conseil des Ministres n° 6/2012 sont discriminatoires à l’encontre des travailleurs de moins de 25 ans. » 23
Sur la question du « Délai de préavis raisonnable en cas de cessation d’emploi », « le Comité conclut que la situation de la Grèce n’est pas conforme à l’article 4§4 de la Charte de 1961 aux motifs que :
• les indemnités de licenciement versées aux travailleurs manuels sont insuffisantes ;
• les délais de préavis et les indemnités de licenciement sont exclus en cas de cessation d’emploi au cours de la période d’essai et la violation constatée par la décision sur le bien-fondé de la réclamation collective n° 65/2011 n’a pas été levée. »
1.2. Relations sociales
Droit international de l’Organisation Internationale du Travail. Les Conventions n° 87, n° 98 et n° 154 de l’O.I.T., ratifiées par la Grèce 24, sont des Conventions fondamentales de l’O.I.T. portant sur le droit d’association et le droit de négociation collective. Selon ces Conventions les États sont débiteurs d’obligations de faire ; les États ne doivent pas seulement respecter le droit syndical et le droit de la négociation collective, ils doivent agir pour assurer la réalisation effective de ces droits au bénéfice de leurs destinataires (les travailleurs) 25. Ces droits sont inscrits dans les textes constitutionnels de l’O.I.T., au Titre XIII du Traité de Versailles de 1919 26 et dans la Déclaration de Philadelphie de 1944 27. Ces droits ont été rappelés comme étant essentiels dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998 28.
Le droit d’association avec le droit de négociation collective, qui en découle, constituent le cœur du droit international du travail. Ces droits sont les vecteurs de réalisation des autres droits prévus par les Conventions de l’O.I.T. Dans cette perspective, le dialogue social, comme la démocratie, est une ressource irremplaçable pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent ; le dialogue social n’est pas un problème mais au contraire un élément essentiel de la solution.
Des organisations syndicales ont formulé une plainte concernant les lois n° 3833/2010, 3845/2010, 3863/2010, 3899/2010 29, 3896/2011, 4024/2011 et 4046/2012 30… La plainte porte notamment sur « l’ingérence du gouvernement dans le système de négociation et de conventions collectives », la décentralisation des négociations collectives, la négociation avec des « associations de personnes », la suspension du « principe de clause préférentielle en cas d’application simultanée d’un accord d’entreprise et d’une convention collective sectorielle », la période de validité des conventions collectives à durée indéterminée ramenée à 3 ans, l’annulation et l’interdiction de toute future extension des conventions collectives.
En réponse, « Le gouvernement souligne que cette politique législative est sans précédent en Grèce, comme l’est la crise financière qui touche l’économie du pays. La complexité des questions économiques et politiques en cause, les consultations politiques avec les organisations internationales (UE et FMI) et les Etats membres de l’UE et, plus généralement, les conditions posées au Plan européen de soutien à l’économie grecque ne permettaient pas la tenue de consultations préalables avec les organisations syndicales. » (§ 967). Ainsi, dans cette réponse du gouvernement, les règles essentielles de la démocratie sociale en droit international sont reléguées à un rôle secondaire, périphérique.
Dans son rapport, le Comité de la Liberté syndicale, de l’O.I.T., admet des réformes législatives liées à une situation de crise grave mais exige que des règles fondamentales demeurent respectées : en premier lieu, la libre négociation, vecteur de réalisation des autres droits et élément fondamental de paix sociale et de cohésion sociale 31. La pression extérieure (du FMI et de l’UE) ne saurait justifier par un État le non-respect de ses engagements concernant un doit fondamental. Ici, l’O.I.T. délivre un message aux gouvernements sur la question du respect des droits fondamentaux, garantis par l’O.I.T., par les États en période de crise économique grave. Ces Conclusions du Comité décline des dispositions de la Déclaration de l’O.I.T. sur la justice sociale pour une mondialisation équitable (juin 2008).
Ainsi, en matière de négociation collective, « (…) le comité recommande au gouvernement de promouvoir et renforcer le cadre institutionnel pour la négociation collective et le dialogue social et demande instamment qu’un dialogue social permanent et approfondi soit établi sur toutes les questions soulevées dans la plainte afin d’élaborer une vision globale commune des relations professionnelles dans le pays, en pleine conformité avec les principes établis concernant la liberté syndicale et la reconnaissance effective de négociation collective (…) » (§ 989). En résumé, « (…) le comité constate (…) la présence de nombreuses et sérieuses atteintes à la liberté de négociation collective et au principe de l’inviolabilité des conventions collectives librement conclues. (…) ».
Concernant les interventions législatives autoritaires dans le champ des relations professionnelles, « Le recours répété à des restrictions législatives de la négociation collective ne peut, à long terme, qu’avoir un effet néfaste et déstabilisant sur le climat des relations professionnelles, compte tenu que de telles mesures privent les travailleurs d’un droit fondamental et d’un moyen de promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux. » Ainsi, pour le Comité, la recherche de solutions à la situation de grave crise passe par un processus de négociation et non par son exclusion même temporaire.
Dans cette politique de réformes du gouvernement, le Comité souligne l’atteinte portée à l’autonomie collective et à l’indépendance des organisations syndicales garanties par les Conventions fondamentales de l’O.I.T. « Une intervention des autorités publiques visant essentiellement à garantir que les parties qui négocient subordonnent leurs intérêts à la politique économique nationale du gouvernement, que celle-ci recueille ou non leur agrément, n’est pas compatible avec les principes généralement acceptés selon lesquels les organisations de travailleurs et d’employeurs devraient avoir le droit d’organiser librement leurs activités et de formuler leurs programmes, (…) » (§ 995).
Le Comité reprend le contenu des différentes réformes opérées par le gouvernement et donne sa position.
Concernant la possibilité de conclure des accords d’entreprises pouvant déroger, dans un sens défavorable aux travailleurs, aux conventions collectives sectorielles, le Comité considère que « (…) la décentralisation imposée par les autorités et l’affaiblissement général de la négociation collective sont susceptibles – au-delà de la seule question des salaires – de laisser les travailleurs sans filet de sécurité minimal quant à leurs conditions de travail. » (§ 996). « (…) Le comité souligne que la mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective (…) » (§ 997).
Dans ce cadre, ces accords d’entreprise peuvent être conclus avec des « associations de personnes », et non plus uniquement avec les organisations syndicales de travailleurs. « (…) le comité est d’avis que l’octroi de droits de négociation collective à ces associations risque d’affaiblir sérieusement la position des syndicats en tant que porte-parole des travailleurs dans les négociations collectives. (…) » (§ 998)
Concernant « les réductions de salaires successives dans le secteur public, (…) », le Comité « a également considéré, dans certains cas, que des restrictions à la négociation collective pendant trois ans ont une durée excessive et que les autorités publiques devraient promouvoir la libre négociation collective et ne pas empêcher l’application des accords collectifs librement conclus, cela étant d’autant plus vrai lorsque ces mêmes autorités agissent à titre d’employeurs (…) », y compris s’ « il n’existait qu’un choix très limité quant aux mesures à prendre, ces dernières ayant été clairement identifiées dans les protocoles joints au mécanisme international de soutien financier, (…) » (§ 990).
Dans ses Conclusions, « Le comité estime primordial que le gouvernement et les partenaires sociaux se réunissent d’urgence pour examiner toutes les mesures précitées et leur impact non seulement sur les relations professionnelles dans le pays (…) Le comité espère fermement qu’ils pourront élaborer un système de relations professionnelles viable et propice à la reconstruction de l’économie. (…) le comité s’attend à ce que les partenaires sociaux soient pleinement associés, dans le cadre des accords conclus avec la Commission européenne, le FMI et la Banque centrale européenne (BCE), à toute modification future touchant les aspects fondamentaux des droits de l’homme, de la liberté syndicale et de la négociation collective qui constituent l’essence même de la démocratie et de la paix sociale. » (§ 1002). Ces conclusions du Comité d’experts de la liberté syndical ont été approuvées par le Conseil d’administration de l’O.I.T. (novembre 2012).
Dans sa Recommandation, « (…) le comité recommande au gouvernement de promouvoir et de renforcer le cadre institutionnel pour la négociation collective et le dialogue social et demande instamment de manière générale qu’un dialogue social permanent et approfondi soit établi sur toutes les questions soulevées dans la plainte et dans les conclusions du comité afin d’élaborer une vision globale commune des relations professionnelles dans le pays, en pleine conformité avec les principes établis concernant la liberté syndicale et la reconnaissance effective de la négociation collective ainsi qu’avec les conventions pertinentes de l’OIT ratifiées par la Grèce. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation sur tous ces aspects. (…) » (§ 1003. a).
Dans le rapport 2015 de la Commission des experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR), sont confirmées les préoccupations précédentes. Concernant l’application de la Convention n° 98 sur la négociation collective, « Rappelant l’importance de la promotion de la négociation collective avec les organisations de travailleurs et par conséquent de l’amélioration de la couverture de la négociation collective, la commission prie de nouveau le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour promouvoir la négociation collective avec les syndicats à tous les niveaux, y compris en envisageant, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de former des sections syndicales dans les petites entreprises. » 32
Droit du Conseil de l’Europe. La Charte sociale européenne prescrit des dispositions en matière de négociation collective ; cependant, les dispositions concernées n’ont pas été ratifiées par la Grèce 33. Concernant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales 34, la Cour européenne des droits de l’Homme (le Juge de Strasbourg) développe une jurisprudence exigeante : il veille au respect par les États du droit de négociation collective et de leur obligation de promouvoir l’exercice de ce droit 35, en s’appuyant sur les différentes sources internationales en la matière (notamment la Charte sociale européenne et les Décisions du Comité européen des droits sociaux 36 et les Conventions fondamentales de l’O.I.T. sur la négociation collective 37). Il pourrait être saisi, de nouveau, au regard des conclusions du Comité de l’O.I.T.
II. Des décisions européennes contraires au droit international et au droit européen
Il convient de définir et de préciser quel est le corpus juridique applicable aux décisions imposées à la Grèce. La question se limitera ici à l’applicabilité des textes internationaux et européens aux institutions de l’Union européenne (dans le cadre de ce bref article la situation du Fonds monétaire international qui relève d’une autre problématique ne sera pas abordée 38).
En application de Mémorandums 39, sur proposition de la Commission, le Conseil 40 a adopté des Décisions 41 imposant des mesures législatives contraignantes à l’État grec 42. Or, ces Décisions, prises sur le fondement des seules dispositions du droit primaire en matière de politique économique et monétaire, porte sur des questions essentielles de droit du travail. Pourtant, ces Décisions ignorent les dispositions pertinentes du droit primaire de l’Union en matière de politique sociale et notamment de droit du travail. Il convient donc de confronter sur le terrain du droit du travail le contenu de ces Décisions avec les règles applicables du droit international et du droit de l’Union européenne.
Droit international de l’Organisation Internationale du Travail. Il apparaît que les institutions européennes (ici la Commission, le Conseil et la Banque centrale européenne) ont méconnu les idées fortes ayant présidé à la création de l’Organisation internationale du travail, au lendemain de la première guerre mondiale :
– la « paix ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ; »
– « il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger, et (…) il est urgent d’améliorer ces conditions (…) » ;
– « la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays » 43.
Les institutions européennes ont également ignoré les principes posés par la Déclaration de Philadelphie, au lendemain de la seconde guerre mondiale 44 :
« a) le travail n’est pas une marchandise ;
b) la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu ;
c) la pauvreté, ou qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous ;
d) la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation, et par un effort international continu et concerte dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d’égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun. »
Ainsi, « une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale » et « tous les êtres humains, quels que soit leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales ». Par conséquent, « la réalisation des conditions permettant d’aboutir à ce résultat doit constituer le but central de toute politique nationale et internationale », « tous les programmes d’action et mesures prises sur le plan national et international, notamment dans le domaine économique et financier, doivent être appréciés de ce point de vue et acceptés seulement dans la mesure ou ils apparaissent de nature à favoriser, et non à entraver, l’accomplissement de cet objectif fondamental (…) ».
Dans ce texte, la Conférence reconnaît l’obligation pour l’O.I.T. de seconder la mise en œuvre parmi les différentes nations du monde de programmes propres à réaliser en particulier :
– « la possibilité pour tous d’une participation équitable aux fruits du progrès en matière de salaires et de gains, de durée du travail et autres conditions de travail, et un salaire minimum vital (…) (III d) » ;
– « la reconnaissance effective du droit de négociation collective (…) (III e) 45.
Certes l’Union européenne n’est pas membre de l’Organisation internationale du travail. Cependant, tous les États membres de l’UE sont membres de l’O.I.T. Et le droit de l’UE s’inspire et se réfère aux textes de l’O.I.T. Il en est ainsi concernant des Conventions de l’O.I.T. dans des instruments du droit dérivé 46 et dans la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier des avis des avocats généraux 47.
Droit du Conseil de l’Europe. L’Union européenne n’est pas membre en tant que tel du Conseil de l’Europe. Ainsi, les Décisions du Comité européen des droits sociaux, du Conseil de l’Europe, s’adressent aux États signataires de la Charte sociale européenne ; ces décisions ne s’adressent pas à l’UE, ni à ses institutions, en tant que tels. Cependant, le droit primaire fait explicitement référence à la Charte sociale européenne, depuis l’adoption du Traité d’Amsterdam ; cette référence est présente dans ses deux Traités le T.U.E. 48 et le T.F.U.E. 49. Le juge de Luxembourg fait mention de cette Charte dans les raisonnements de ses décisions 50.
Concernant l’autre texte fondamental du Conseil de l’Europe ayant trait au droit du travail, il est prévu que « L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. » 51 Certes, le projet d’acte d’adhésion n’est pas encore validée 52.
Cependant, sans attendre l’effectivité de cette adhésion, le droit primaire se réfère à plusieurs reprises à des dispositions de Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF). Ainsi, « Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (…) font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. » 53 La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union se réfère à cette Convention et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Par conséquent, les droits garantis par la CESDHLF, tels qu’interprétés par la Cour EDH, sont mobilisables en droit de l’UE. D’une part, l’UE doit les mettre en oeuvre et, d’autre part, a fortiori, l’UE ne doit pas adopter de décision allant à leur encontre.
Droit de l’Union européenne. Il apparaît que les institutions européennes (spécialement la Commission européenne et le Conseil 54) ont agi à l’encontre du droit de l’UE, du droit primaire et du droit dérivé 55. Sur certains sujets, elles n’ont pas respecté leurs compétences : en les ignorant, en s’abstenant, et en les outrepassant, en imposant certaines mesures de régression sociale (au regard de leurs contenus, de leurs modalités et de leurs intensités). Il en est notamment ainsi pour la Commission 56.
En effet, la politique sociale, notamment dans le domaine du droit du travail, relève de la compétence des États. L’Union ne peut intervenir que pour soutenir et compléter l’action des États et uniquement dans certaines matières 57. Ce domaine de compétence partagée est très encadré par le droit primaire de l’UE 58.
D’une part, l’Union intervient ici à titre subsidiaire et doit donc respecter les principes d’attribution, de subsidiarité et de proportionnalité 59.
D’autre part, quand l’Union intervient, avec les États, en complément, elle ne peut le faire qu’au regard des objectifs déterminés par le droit primaire de l’Union :
* de façon générale, « Dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine. » 60 ;
* dans le domaine spécial de la politique sociale, « L’Union et les États membres (…) ont pour objectifs la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions. » 61
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 62 a la même valeur que les Traités 63, depuis la mise en œuvre du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. La Charte s’impose aux décisions des institutions de l’UE. En effet, « Les dispositions de la Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union ». « En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives. » 64. Chaque institution est en permanence concernée, dans tous ses domaines de compétences et dans ses différentes modalités d’action. Des limitations à l’exercice des droits et libertés, prévus par la Charte, ne sont possibles que quand elles sont justifiées et mises en œuvre de façon proportionnée 65.
« Gouvernance économique » de la zone euro. Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG du 2 mars 2012), au sein de l’union économique et monétaire, ne change rien à cette répartition des compétences entre l’Union et les États membres, ni au contenu du droit de l’Union dans le domaine de la politique sociale 66.
Original et complexe sur le plan juridique, le Traité instituant le Mécanisme économique de stabilité (MES) crée une institution financière internationale, entrée en vigueur en 2012 pour la zone euro. Le MES est doté d’un Conseil des gouverneurs qui peut décider « f) l’octroi d’un soutien à la stabilité du MES, y compris la conditionnalité de politique économique établie dans le protocole d’accord visé à l’article 13, paragraphe 3 (…) ». Dans ce cadre est prévue une « Procédure d’octroi d’un soutien à la stabilité » : un protocole d’accord est négocié par la Commission européenne avec l’État membre concerné. Ce « protocole d’accord doit être pleinement compatible avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le TFUE, notamment avec tout acte de droit de l’Union européenne, incluant tout avis, avertissement, recommandation ou décision s’adressant au membre du MES concerné » 67.
Il a été jugé que dans le cadre du MES « les États membres ne mettent pas en œuvre le droit de l’Union » 68 ; ce droit ne serait pas opposable à un État lorsqu’il met en œuvre une politique définie dans le cadre de ce MES. Cependant, en tout état de cause, ce Traité ne permet pas aux institutions de l’Union, notamment à la Commission, de s’affranchir des règles du droit primaire de l’UE 69 ; comme cela a été très justement souligné : « en sa qualité d’institution de l’Union, la Commission demeure entièrement liée par le droit de celle-ci, y compris par la Charte des droits fondamentaux, même lorsqu’elle agit dans le cadre du MES. » 70
Cette confrontation entre les décisions des institutions européennes versus le corpus juridique applicable peut être étudiée, en matière de droit du travail, sur les terrains des droits des personnes et des relations sociales.
2.1. Droits des personnes
Parmi les droits des personnes mis en cause en matière de droit du travail par les Décisions du Conseil, en application des Mémorandums, la question des rémunérations mérite de retenir l’attention. La Commission européenne, dans le cadre des Mémorandums a imposé à l’État grec une baisse du salaire minimum et une baisse supplémentaire pour les jeunes travailleurs de moins de 25 ans, et par Décisions, le Conseil a imposé à l’État grec des réductions du salaire minimum (supra Partie I) 71.
Droit de l’Union européenne. La politique sociale, notamment le droit du travail, relève de la compétence des États membres de l’Union européenne (supra).
L’Union européenne agit dans les limites des compétences qui lui sont explicitement confiées. Selon cette compétence d’attribution, elle n’exerce ses compétences que dans les domaines limitativement mentionnés dans les traités pour lesquels les États ont opéré un transfert de compétences. Le principe de subsidiarité a pour finalité de préserver les compétences des États contre une intervention non justifiée des institutions européennes (supra).
Dans ce cadre, l’UE peut soutenir et compléter l’action des États membres, en matière de droit du travail, dans les domaines suivants : l’amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs; les conditions de travail; la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail; l’information et la consultation des travailleurs; la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs; les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union; l’égalité entre les femmes et les hommes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail 72.
De manière encore plus remarquable, il convient de souligner que le droit primaire de l’UE prévoit ici explicitement que la question des rémunérations est exclue de la compétence de l’Union européenne : les dispositions de l’article du Traité indiquant que l’Union soutient et complète l’action des États membres « ne s’appliquent ni aux rémunérations (…) » 73.
Ainsi, la question des rémunérations ne figure pas dans la liste des domaines où l’UE peut compléter l’action des États, alors que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. » 74 Et la compétence de l’UE est spécialement exclue sur ce sujet.
Les dispositions concernant la politique économique et monétaire de l’UE, bases des Décisions du Conseil des ministres des finances de la zone euro, ne donnent aucune compétence à l’UE en matière de rémunération 75.
Par conséquent, aucun acte juridique de l’Union (directive, règlement, décision 76) ne pouvait et ne peut être adoptée par l’UE sur ce sujet essentiel du droit du travail. Les institutions européennes (Commission, Conseil, BCE) ont ici adopté des actes juridiques illégaux au regard du droit de l’UE.
Cette réduction du salaire minimum décidée par les institutions européennes (Commission, Conseil, BCE), à travers des instruments juridiques contraignants, est contraire au corpus juridique applicable. Ainsi, les institutions européennes ont ici outrepassé leurs compétences, elles ont excédé les limites de leurs attributions définies par les Traités 77.
De plus, ces décisions sont contraires aux finalités des Traités 78 (en effet, les Traités prescrivent plusieurs dispositions qui ne sont pas ici respectées en matière notamment de respect des droits de l’homme 79, de rôle de l’UE en matière de « progrès social », de cohésion sociale 80, d’égalisation des conditions de vie et de travail dans le progrès 81).
A fortiori, ces décisions des institutions européennes en matière de rémunération sont contraires aux prescriptions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que les institutions de l’UE doivent respecter quand elles adoptent des dispositions juridiques. Elles constituent une violation des dispositions sur les « Conditions de travail justes et équitables », affirmant que « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. » (article 31, § 1). L’atteinte au droit à un salaire permettant de vivre dignement, notamment à un salaire d’un montant minimum garanti, constitue une atteinte à des conditions de travail justes et équitable et en particulier à la dignité de la personne du travailleur. Cette atteinte aux droits de l’Homme en matière de droit à un salaire équitable n’est pas justifiée (elle est également disproportionnée) 82.
Ces décisions des institutions européennes en matière de rémunération sont également contraires aux prescriptions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en matière de « Non-discrimination » (article 21). Sur le fondement de ces prescriptions, du droit primaire de l’UE, la Cour de justice de l’UE reconnaît comme principe général du droit de l’UE l’interdiction de la discrimination liée à l’âge, principe qui trouve sa concrétisant dans la directive n° 2000/78 interdisant la discrimination 83. Ainsi, ces décisions fixant un salaire minimum encore plus réduit pour les jeunes travailleurs violent ces dispositions du droit européen, du droit primaire et du droit dérivé 84.
2.2. Relations sociales
La Commission européenne, dans le cadre des Mémorandums a imposé à l’État grec une transformation de la négociation collective, quant à ses finalités et à ses modalités, et par Décisions, le Conseil a imposé à l’État grec des réformes structurelles du dialogue social (supra Partie I).
Droit de l’Union européenne. La politique sociale, notamment le droit du travail, relève de la compétence des États membres de l’Union européenne (supra).
Cependant, le dialogue social, entre les organisations représentants les travailleurs et les organisations d’employeurs, constitue la colonne vertébrale de l’Europe sociale. Ainsi, le droit primaire prévoit la promotion du rôle des partenaires sociaux, à travers plusieurs dispositions 85.
D’une part, l’UE entend favoriser le rôle de ces acteurs à son niveau de compétence : « L’Union reconnaît et promeut le rôle des partenaires sociaux à son niveau, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux. Elle facilite le dialogue entre eux, dans le respect de leur autonomie. Le sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi contribue au dialogue social » 86.
D’autre part, dans son intervention complémentaire à l’action des États, en vue de réaliser les objectifs de l’Union en matière de Politique sociale 87, « l’Union soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants : (…) f) la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion (…) » 88. Ici, l’Union et les États membres ont pour « objectifs (…) le dialogue social (…). À cette fin, l’Union et les États membres mettent en œuvre des mesures qui tiennent compte de la diversité des pratiques nationales, en particulier dans le domaine des relations conventionnelles (…)» 89.
Par conséquent, la finalité de l’Union est ici clairement de développer la négociation collective entre les partenaires sociaux.
Cet objectif consubstantiel à la construction européenne, depuis le Traité de Maastricht (Protocole social de 1992), est encore conforté par les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne affirmant en matière de « Droit de négociation et d’actions collectives » : « Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève. » (article 28).
Comme la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention 90. La disposition de la Charte pourrait ainsi utilement être interprétée selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui veille à la mise en œuvre effective du droit de la négociation collective au sein des États 91.
Concernant le rôle de la négociation collective dans la Cité, il a été jugé que « le respect du principe de la démocratie, sur lequel l’Union est fondée, requiert — en l’absence de participation du Parlement européen au processus d’adoption d’un acte législatif — que la participation des peuples à ce processus soit assurée de manière alternative, en l’occurrence par l’intermédiaire des partenaires sociaux (…) » 92.
Le rôle de l’UE, à travers ses institutions, notamment la Commission et le Conseil, est de compléter l’action des État pour développer le dialogue social, c’est-à-dire la négociation collective authentique respectant la liberté contractuelle et l’autonomie des partenaires sociaux 93.
Or, à l’inverse de cet objectif du droit primaire, les institutions européennes ont contraint l’État grec à réduire très sensiblement la fonction de la négociation collective (pour l’orienter vers une négociation de dérogation défavorable, in pejus) et à l’instrumentaliser au service de la seule politique étatique interne définie par ces institutions européennes (définition du salaire minimum par un acte ministériel, etc.). Pourtant, aucune disposition des Traités n’autorise les institutions européennes à adopter des mesures juridiques contraignantes en matière de dialogue social à l’encontre d’un État membre. Et cela a été imposé de façon autoritaire sans dialogue social avec les partenaires sociaux 94.
Ainsi, à l’opposé de la lettre et de l’esprit des textes du droit primaire de l’UE, les Décisions successives des institutions européennes (Commission, Conseil, BCE) en matière de dialogue social, dans les entreprises, les secteurs professionnels et au niveau national interprofessionnel, ont dénaturé la fonction de la négociation collective (supra Partie I, le rappel des réformes législatives imposées à l’État grec et l’analyse critique de l’O.I.T.).
Cette transformation de la nature de la négociation collective décidée par les institutions européennes et mise en oeuvre par le biais d’instruments juridiques contraignants, imposés à l’État grec, est contraire au corpus juridique applicable.
Par conséquent, les institutions européennes ont ici outrepassé leurs compétences en adoptant des décisions contraires aux finalités des Traités 95. En particulier, la Commission, gardienne des Traités, a ignoré sa compétence en ne faisant pas respecter le contenu et les objectifs des Traités 96. Les Décisions des institutions européennes sont de fait ici en contradiction avec certaines préconisations de la Commission elle-même 97.
***
Les pouvoirs publics grecs, en premier lieu le gouvernement, ont l’obligation de réformer le droit du travail grec pour mettre la République hellénique en conformité avec ses engagements internationaux et européens en la matière. Pour ce faire, le gouvernement peut faire appel à l’assistance technique du Bureau international du travail (B.I.T.) 98 pour assurer une réforme du droit du travail répondant aux exigences des Conventions de l’O.I.T. 99 ; cette assistance de l’organisation internationale ouvrira alors un nouvel espace de discussion multipolaire pertinent et novateur (entre le gouvernement, le Conseil des ministres de l’UE et l’O.I.T.).
Les règles internes, adoptées en application de Décisions des institutions européennes et des Mémorandums, quand elles sont contraires à ce droit international et européen doivent être écartées par le juge interne dans les contentieux qui lui sont soumis, entre employeurs et salariés. Afin d’assurer l’effectivité des droits de l’Homme au sein de l’État, le juge interne peut ici utilement invoquer les textes du droit international, ratifiés par la Grèce, accompagnés des interprétations des comités d’experts de l’O.I.T. et du Conseil de l’Europe 100, et bien entendu les textes de l’Union européenne, notamment la Charte.
Ces textes internationaux et européens pourraient utilement être de nouveau mobilisés devant les instances juridictionnelles :
– la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg 101;
– la Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg 102.
et devant les instances non juridictionnelles :
– les Comités d’experts de l’O.I.T. 103 ;
– le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe 104.
Ces contentieux pourraient se développer au sujet :
– d’une part, de litiges dans la relation horizontale entre particuliers travailleurs et employeurs 105, et,
– d’autre part, au vu des défaillances de l’État grec dans le respect de ses engagements, dans sa relation verticale avec les organisations internationales (O.I.T. et Conseil de l’Europe).
Des décisions des institutions européennes pourraient utilement être contestées, au regard de certaines de leurs dispositions contraires aux prescriptions des Traités et de la Charte des droits fondamentaux. Cette mise en cause est possible :
– directement en déférant des décisions récentes devant la Cour de Luxembourg 106, (recours en annulation),
– directement en engageant la responsabilité de l’Union devant la Cour de Luxembourg (recours en indemnisation) 107,
– et, surtout au vu des délais de recours, indirectement, par le biais de questions préjudicielles, posées à la Cour de Luxembourg, concernant la mise en œuvre de textes internes d’application de ces décisions européennes 108.
Notes:
- M. Miné (dir.), Le droit social international et européen, 2ème éd., 2013, Eyrolles, Paris (spéc. Chapitres V – droits des personnes et VI – relations sociales) – (l’ouvrage a obtenu la mention spéciale du Prix Francis Blanchard 2013 décerné par l’Association française pour l’Organisation Internationale du Travail) ↩
- Ce texte développe et actualise une communication prononcée lors du colloque international « L’accès à la justice sociale » (Bordeaux, 7 juin 2013, Comptrasec/Cnrs/Association internationale des revues de droit social – Actes in Revue de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale, 2014/1) ↩
- ONU – Conseil des droits de l’homme – 25ème session – 2014 – Rapport de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure – Mission en Grèce (A/HRC/25/50/Add.1), spec. § 34 sur les réformes du droit du travail (négociation collective, salaire, etc.) et §§ 44-46 sur leurs conséquences sur les droits de l’Homme dans le travail ; §§ 90-91 sur les Conclusions ; § 92 sur les Recommandations au gouvernement pour rétablir le respect des droits de l’Homme (salaire minimum, etc.) et § 93 sur les Recommandations aux prêteurs (notamment pour envisager l’élaboration d’un nouveau programme d’ajustement pour la Grèce prévoyant de meilleures conditions permettant de s’attaquer à ses problèmes de déficit et de dette sans nuire à la jouissance des droits de l’homme). ↩
- Matina Yannakourou and Chronis Tsimpoukis, Flexibility without security and déconstruction of collective bargaining : the new paradigm of labour law in Greece, Labor Law & Pol’Y Journal, 2014. C. Papadimitriou, « Le droit du travail grec face à la crise : un passage dangereux vers une nouvelle physionomie juridique », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2012/2, p. 6 et 2013/1, p. 116. ↩
- Décision du 23 mai 2012 sur la Réclamation n° 65/2011, spéc. §§ 16, 17 et 18 ; Décision du 23 mai 2012 sur la Réclamation n° 66/2011, spéc. §§ 12, 13 et 14. C. Deliyanni-Dimitrakou, « La Charte sociale européenne et les mesures d’austérité grecques : à propos des décisions n° 65 et 66/2012 du Comité européen des droits sociaux fondamentaux », Revue de Droit du Travail 2013, p. 457. ↩
- J.-P. Marguénaud et J. Mouly, « Le Comité européen des droits sociaux face au principe de non-régression en temps de crise économique » , Droit social avril 2013, p. 339. ↩
- Décisions du 23 juin 2010, rendues publiques le 14 janvier 2011, portant sur les Réclamations collectives n° 55/2009 et n° 56/2009 (le Comité européen des droits sociaux a conclu à la violation par la France de la Charte sociale européenne révisée). M. Miné, « Le droit du temps de travail à la lumière de la Charte sociale européenne», Semaine Sociale Lamy, 17 janvier 2011, n° 1475, p. 7. ↩
- Décision n° 55/2009, préc., spéc. §§ 32-35. ↩
- Décision du 23 mai 2012 sur la Réclamation collective n° 66/2011, rendue publique le 19 octobre 2012, préc. ↩
- Art. 7 de la Directive n° 2003/88/CE du 4 nov. 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, JOUE 2003 L 299, p. 9–19. ↩
- CJUE 20 janv. 2009, grande chambre, Schultz-Hoff, C-350/06, et Stringer e.a., C-520/06, Rec. I-179, point 24. ↩
- CDFUE, art. 51 § 1 (CJUE 14 déc. 2001, Corpul Naţional al Poliţiştilor, C‑434/11, Rec. I-196). Sur le droit à congés payés : CDFUE, art. 31 § 2. ↩
- Rapport 2013 (Conférence Internationale du Travail, 102ème session, juin 2013), Grèce, spéc. p. 748. ↩
- Rapport 2015, Grèce, spéc. p. 461-462 (Conférence internationale du travail, 104ème session, juin 2015) ; Rapport 2013, spéc. p. 750 (« la commission rappelle la responsabilité qu’a le gouvernement de renforcer – et non d’affaiblir – les normes du travail liées à la protection des salaires, en particulier en temps de crise, c’est-à-dire lorsque le besoin de justice sociale et de sécurité du revenu se fait le plus sentir. »). ↩
- Rapport 2015, Grèce, spéc. p. 299-300 ; Rapport 2013, spéc. p. 511-515 (« La commission demande au gouvernement d’indiquer l’impact des mesures de réforme structurelle déployées dans le cadre du mécanisme de soutien sur l’application dans la pratique de l’article 4(1) de la loi no 3896/2010, en précisant notamment comment les conventions collectives apportent leur garantie institutionnelle au principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. »). ↩
- Directive n° 78/2000/CE du 27 nov. 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, JOCE 2000 n° L 303, p. 0016 – 0022. ↩
- Voir not. concernant les questions de rémunération (salariés jeunes) : CJCE 18 juin 2009, David Hütter, C-88/08, Rec. I-5325, point 51 (exclusion de «la prise en compte des périodes d’emploi accomplies avant l’âge de 18 ans aux fins de la détermination de l’échelon» de classification), CJUE 19 janv. 2009, gde ch., Seda Kücükdeveci, C-555/07, Rec. I-365, point 43 (non-prise en compte des périodes de travail accomplies avant l’âge de 25 ans dans le calcul du délai du préavis de licenciement – effet défavorable pour les jeunes ayant commencé à travailler tôt), CJUE 8 sept. 2011, Sabine Hennigs et Alexander Mai, C-297/10 et C-298/10, Rec. I-7965, point 78 (une convention collective ne peut prévoir que les salariés sont rémunérés en fonction de leur âge lors du recrutement), CJUE 28 janv. 2015, C-417/13, non encore publié au Recueil, point 40 (discrimination dans l’avancement liée à l’âge d’entrée dans la vie professionnelle). ↩
- CJCE 22 nov. 2005, Mangold, C-144/04, Rec. I-9981, point 78 ; CJUE 19 janv. 2010, Seda Kücükdeveci, C-555/07, préc., points 51 à 56, « Il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers, d’assurer le respect du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la réglementation nationale (…). ». ↩
- CDFUE, art. 51 § 1, préc. Sur le droit à des conditions de travail justes et équitables : CDFUE, art. 31 § 1. ↩
- Décision du 23 mai 2012 sur la Réclamation collective n° 65/2011, rendue publique le 19 oct. 2012, préc. ↩
- Sur la violation de cette Convention par la France, voir : l’affaire du Contrat nouvelle embauche (CNE) qui permettait l’absence de justification, par l’employeur, à la rupture de ce contrat de travail pendant une durée de deux ans en violation de l’art. 4 de la Convention – le juge interne a écarté cette disposition législative contraire à un instrument au droit international ratifié par la France (Cour de cassation, chambre sociale, 1er juillet 2008, PBRI, n° 07-44124, Bulletin 2008, V, n° 146). ↩
- Résolution CM/ResChS(2013)2 et Résolution CM/ResChS(2013)3. ↩
- Conclusions pour l’année 2014 (décembre 2014), diffusées en janvier 2015. ↩
- Convention n° 87, ratifiée par la Loi 4204/1961 ; Convention n° 98, ratifiée par le Décret législatif 4205/1961 ; Convention n° 154, ratifiée par la Loi n° 2403/1996. ↩
- Voir notamment la Convention n° 87, spéc. l’art. 11, la Convention n° 98, spéc. l’art. 4, la Convention n° 154, spéc. « Partie III. Promotion de la négociation collective ». ↩
- « Clauses des Traités de Paix relatives au Travail »-« Section II – Principes généraux. Article 427 » – (…) Parmi ces méthodes et principes, les suivants paraissent aux Hautes Parties Contractantes être d’une importance particulière et urgente : (…) 2. Le droit d’association en vue de tous objets non contraires aux lois, aussi bien pour les salariés que pour les employeurs. » ↩
- « La Conférence affirme à nouveau les principes fondamentaux sur lesquels est fondée l’Organisation, à savoir notamment : (…) b) la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu ; ». « La Conférence reconnait l’obligation solennelle pour l’Organisation internationale du Travail de seconder la mise en oeuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser: (…) e) reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main d’oeuvre pour l’amélioration continue de l’organisation de la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l’élaboration et à l’application de la politique sociale et économique ». ↩
- « (…) l’ensemble des Membres,… ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser,… les principes concernant les droits fondamentaux…, à savoir : a) la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective (…). » ↩
- Loi permettant la négociation in pejus par accord d’entreprise, préc. ↩
- Loi supprimant la « convention collective générale » qui fixait notamment le salaire minimum. ↩
- 365ème Rapport du Comité de la Liberté Syndicale – 316ème session, Genève, 1-16 nov. 2012 – Cas n° 2820 Grèce : Rapport où le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation.
http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:50002:0::NO:50002:P50002_COMPLAINT_TEXT_ID:3087085 ↩ - Rapport 2015, préc., Grèce, spéc. p. 92-93 ; Rapport 2014, spéc. p. 113 ; Rapport 2013, spéc. p. 112-116. ↩
- La Grèce a ratifié la Charte sociale européenne de 1961 (avec la loi n° 1426/1984), mais en excluant les articles 5 et 6 sur le droit syndical et le droit de négociation collective (la Grèce a signé la Charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 mais ne l’a pas encore ratifiée). Décision du 23 mai 2012 sur la Réclamation collective n° 65/2011, préc. ↩
- Art. 11 sur le droit syndical. ↩
- CEDH, gr. ch., 12 nov. 2008, M. Demir et Mme Baykara c/ Turquie, requête n° 34503/97, spéc. §§ 147 et suivants (spéc. §§ 149, 154 et 166). ↩
- Cette jurisprudence (CEDH 12 nov. 2008, « Demir et Baykara c/ Turquie ») permet de contourner la difficulté liée à l’absence de ratification des articles 5 et 6 de la CSE par la Grèce. ↩
- Conventions de l’O.I.T. n° 87 et n° 98. ↩
- ONU, Rapport de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, préc., spéc. Recommandations aux prêteurs : § 93 f « With particular reference to IMF, to ensure that debt sustainability assessments take into consideration the other demands on the Government’s available resources, particularly those required for social investment and establishment of the conditions for the full realization of all human rights, particularly economic, social and cultural rights. » ↩
- The Economic Adjustment Programme for Greece (On 2 May 2010). En dernier lieu, cf. The Second Economic Adjustment Programme for Greece (On 14 March 2012), Fourth Review – April 2014, spéc. p. 47, « 3.4.1. Labour market reforms », « Box 11. Measuring labour market reform intensity in Greece » – « Examples of major labour reform measures since 2010 include : Wage setting »
« • Suspension of the extension of occupational and sector collective agreements (2011).
• Suspension of the favourability clause (2011).
• Allowing for workers’ representatives other than trade unions to negotiate firm-level collective agreements, as far they
represent at least three-fifths of the undertaking workforce (2011).
• Setting the maximum duration of collective agreements at 3 years (2012).
• Revising the regime of ‘after effects’ of expired collective agreements to a maximum period of 3 months after expiration (2012).
• Reducing and subsequently freezing minimum wages (2012).
• Creating apprenticeships contracts sub-minima wages for the youth (2010, 2011 and 2012).
• Reforming the minimum wage framework to make it statutory and set by the government after consultation with social
partners (2013). »
http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2014/pdf/ocp192_en.pdf ↩ - Ici il s’agit du Conseil des ministres des finances (zone euro – « Eurogroupe »). ↩
- TFUE, art. 126 et 136. ↩
- Voir en particulier les Décisions suivantes : Décision du Conseil du 8 juin 2010 adressée à la Grèce en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire et mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (2010/320/UE) (voir not. art. 2 § 1 ; art. 2 § 3 c « loi réformant le système des salaires dans le secteur privé », d « loi sur les salaires minimums », e « législation sur la protection de l’emploi »), Décision du Conseil du 12 juillet 2011 adressée à la Grèce en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire et mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (refonte) (2011/734/UE) (voir not. art. 2 § 2 m « loi réformant le système de négociation des salaires dans le secteur privé », n « législation sur la protection de l’emploi »). ↩
- Titre XIII du Traité de Versailles de 1919, « Section I Organisation du travail. » (Préambule). ↩
- Déclaration concernant les buts et objectifs de l’Organisation internationale du Travail, adoptée à l’unanimité, à Philadelphie, 17 mai 1944 (26ème session de la Conférence internationale du Travail), intégrée dans la Constitution de l’O.I.T. ↩
- Dans sa Déclaration du 18 juin 1998, la Conférence internationale du travail « Déclare que l’ensemble des membres (…) ont l’obligation (…) de respecter, promouvoir et réaliser (…) les principes concernant les droits fondamentaux (…) : a) la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective ; (…). » ↩
- Voir les directives dans les domaines de la Politique sociale (exemple : Directive n° 2003/88 du 4 nov. 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, préc., considérant 6). ↩
- Pour une illustration : Conclusions de l’Avocat général Mme V. Trstenjak, présentées le 24 janvier 2008, dans l’affaire C‑350/06, spéc. §§ 66-68. ↩
- TUE, Préambule : les chefs des États membres de l’UE « Confirmant leur attachement aux droits sociaux fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 (…). » ↩
- TFUE, art. 151 « L’Union et les États membres, conscients des droits sociaux fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la Charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961 (…) ont pour objectifs la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions. (…) ». ↩
- CJUE 19 sept. 2013, RX-II‑579/12, point 27. ↩
- TUE, art. 6 § 2. ↩
- CJUE 18 déc. 2014, Ass. plén., Avis 2/13 (rejet du projet d’acte d’adhésion de l’UE à la CESDHLF). ↩
- TUE, art. 6 § 3. ↩
- Conseil des ministres des finances de l’ « Eurogroup ». ↩
- TUE, art. 13 § 2 : « Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. » ↩
- TUE, art. 17 § 1, « La Commission (…) veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. (…) Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. (…) ». ↩
- Infra 2.1. Droits des personnes et 2.2. Relations sociales. ↩
- TFUE, art. 2 et art. 4, spéc. § 2 « b) la politique sociale, pour les aspects définis dans le présent traité ». ↩
- TUE, art. 5 not. § 2 « En vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. » V. art. 12 sur le rôle des Parlements nationaux (notamment b). ↩
- TFUE, art. 9. ↩
- TFUE, art. 151 § 1. ↩
- La Charte fût proclamée à Nice le 7 décembre 2000 : « Le Parlement européen, le Conseil et la Commission proclament solennellement en tant que Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne le texte repris ci-après. » (Charte publiée au Journal officiel des Communautés européennes C 364/1). ↩
- TUE, art. 6 § 1. « L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités. (…) » ↩
- Charte, art. 51 § 1. ↩
- CDFUE, art. 52 § 1. ↩
- TSCG, voir « Titre II Cohérence et relation avec le droit de l’Union », spéc. art. 2 § 1. « Le présent traité est appliqué et interprété par les parties contractantes conformément aux traités sur lesquels l’Union européenne est fondée (…) »et § 2. « Le présent traité s’applique dans la mesure où il est compatible avec les traités sur lesquels l’Union européenne est fondée et avec le droit de l’Union européenne. (…) ». ↩
- MES, art. 13, spéc. § 3 (TFUE, art. 136 § 3). ↩
- CJUE 27 nov. 2012, Thomas Pringle c/ Government of Ireland, C‑370/12, publié au Recueil numérique, points 178 à 182 (position au regard du principe général de protection juridictionnelle effective). ↩
- TUE, art. 13, § 2 – première phrase, préc., sur les fonctions dévolues aux institutions de l’UE, et Charte, préc. ↩
- Prise de position de l’Avocat général J. Kokott, du 26 oct. 2012, point 176, sous CJUE 27 nov. 2012, Thomas Pringle, préc. Voir sur « la substance même de ces droits » garantis par la Charte à préserver (art. 35 Protection de la santé, al. 2) : CJUE 6 sept. 2012, C-544/10, publié au Recueil numérique, point 54 (a contrario supra la réponse de la Commission, juridiquement mal fondée, à la question de l’expert indépendant de l’ONU). ↩
- The Second Economic Adjustment Programme for Greece – First Review – December 2012, p. 44 « 3.5. Strengthen Labour Market Institutions and promoting employment », spéc. § 75, et p. 116 – Table A10 – Labour market – Exceptional legislative measures on wage setting – « Prior to the disbursement, the following measures are adopted :
– The minimum wages established by the national general collective agreement (NGCA) will be reduced by 22 percent compared to the level of 1 January 2012; for youth (for ages below 25), the wages established by the national collective agreement will be reduced by 32 percent without restrictive conditions.
– Clauses in the law and in collective agreements which provide for automatic wage increases, including those based on seniority, are suspended. » – (Law 4046/2012 Official Gazette 28/A/14.02.2012 – A cabinet act Official Gazette 38/A/28.02.2012 – Joint Ministerial Decision 3800/359/01.03.2012 Official Gazette 565/B/02.03.2012 – Circular 4601/304/12.03.2012).
http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2012/pdf/ocp123_en.pdf ↩ - TFUE, art. 153. ↩
- TFUE, art. 153 § 5. ↩
- TUE, art. 4 § 1. ↩
- TFUE, art. 126 et art. 136 (Dispositions propres aux États membres dont la monnaie est l’euro). ↩
- TFUE, art. 288. ↩
- TUE, art. 13 § 2, préc. ↩
- TUE, art. 13 § 2, préc. ↩
- TUE, art. 2. ↩
- TUE, art. 3. ↩
- TFUE, art. 151. ↩
- CEDS, Décision du 23 mai 2012 sur la Réclamation collective n° 65/2011, préc. et Conclusions 2014, préc. ↩
- CJUE 19 janv. 2010, Seda Kücükdeveci, C-555/07, préc. ↩
- La Directive n° 2000/78 a été adoptée en application du TFUE art. 19 disposant que « le Conseil (…) peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur (…) l’âge (…). » ↩
- TFUE Titre X – Politique sociale. ↩
- TFUE, art. 152 ; voir également art. 154 et 155. CJUE 15 juill. 2010, Commission c/ Rép. féd. d’Allemagne, C-271/08, Rec. I-7091, points 38-39 et 66. ↩
- TFUE, art.151, préc. ↩
- TFUE, art. 153 §1. ↩
- TFUE, art. 151. ↩
- CDFUE, art. 52 § 2. ↩
- CEDH, gr. ch., 12 nov. 2008, M. Demir et Mme Baykara c/ Turquie, préc. ↩
- TPICE 17 juin 1998, T-135/96, UEAPME c/ Conseil, points 89 et s. ↩
- L’« Union européenne respecte l’autonomie des partenaires sociaux » (CJUE 28 juin 2012, Georges Erny, C‑172/11, publié au Recueil numérique, point 50). ↩
- Rapport OIT 2012, préc. ; TPI 17 juin 1998, T-135/96, UEAPME c/ Conseil, points 89 et s., préc. ; Rapport ONU, préc., spéc. § 93 e (Recommandations aux prêteurs – « To ensure transparency in their dealings with the Government of Greece in a manner that fully respects the rights of the people of Greece, including the right to public participation”). ↩
- TUE, art. 13 § 2, préc. ↩
- TUE, art. 17 § 1 (trois premières phrases), préc. ↩
- Communication de la Commission du 18.04.2012 (COM(2012) 173 final), « Vers une reprise génératrice d’emplois », spéc. “§ 2.1.2. Mobilisation de tous les acteurs pour une plus grande efficacité, Renforcement du dialogue social” – “ (…) Les pays dont les marchés du travail ont davantage résisté à la crise se caractérisent par un dialogue social constructif. (…) » et « § 3.2. Associer davantage les partenaires sociaux » « (…) -L’autonomie du dialogue social ne saurait être remise en question et les pratiques nationales sont respectées (conformément à l’article 152 et à l’article 153, paragraphe 5, du TFUE) (…) ». ↩
- Constitution de l’O.I.T., spéc. art. 10 § 2 b. ↩
- Dans ce sens, la lettre du 23 févier 2015 du ministre des finances grec au Conseil des ministres de l’Eurogroup, spéc. § Μεταρρυθμίσεις στην αγορά Εργασίας (Réformes du marché du travail). ↩
- C. Deliyanni-Dimitrakou, art. préc., spéc. « III. L’efficacité interne des décisions du CEDS ». Le 23 juin 2014, le Conseil d’État a jugé inconstitutionnelle la baisse des salaires dans trois secteurs de la fonction publique. ↩
- En matière de relations sociales : pour violation de l’article 11 (droit syndical) de la CESDHLF tel qu’interprété par le juge de Strasbourg (dans la décision de la CEDH 7 mai 2003, Grèce, req. 57665/12, le fondement de la plainte était différent). En matière de droits des personnes : pour violation du droit à des biens – rémunérations, etc. (Protocole n° 1 à la CESDHLF). ↩
- Par le biais de questions préjudicielles (notamment au regard des règles sur le temps de travail : Directive n° 94/33 du 22 juin 1994, Directive n° 2003/88 du 4 nov. 2003 ; au regard des règles sur la non discrimination : Directive n° 2000/78, préc., Directive n° 2006/54 sur l’égalité de traitement dans l’emploi entre les femmes et les hommes ; etc.). ↩
- Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et Comité de la liberté syndicale. ↩
- Une nouvelle Réclamation collective n° 111/2014 a été formulée contre l’État grec en date du 10 octobre 2014 (elle porte notamment sur le non respect de l’article 4 de la CSE – droit à une rémunération équitable). ↩
- CEDH 3 oct. 2013, I.B. c/ Grèce, Requête n° 552/10, Revue de Droit du Travail 2014, p. 120, note M. Miné. ↩
- TFUE, art. 263. V. d’emblématiques illustrations : TPICE 17 juin 1998, T-135/96, UEAPME c/ Conseil, préc.; CJCE 12 nov. 1996, Royaume –Uni c/ Conseil, C-84/94, Rec. I-5755, point 37. Voir pour une première procédure contre deux Décisions du Conseil (sur d’autres fondements que ceux cités ici) : Trib. UE 27 nov. 2012, ADEDY e.a. c/ Conseil (soutenu par la Commission), T‑541/10 (recours jugé irrecevable au regard de l’art. 263 al. 4). ↩
- TFUE, art. 340 (al. 2). Voir notamment CJCE 4 juill. 2000, Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm SA et a. c/ Commission, C-352/98, Rec. I-05391, points 39 et 43. ↩
- CJUE 5 févr. 2015, Grima Janet Nisttahuz Poclava, C‑117/14, non encore publié au Recueil, points 30 et s., et CJUE 26 juin 2014, Sindicato Nacional dos Profissionais de Seguros e Afins c/ Fidelidade Mundial-Companhia de Seguros, C-264/12, non encore publié au Recueil, point 19 (la CJUE s’est déclarée incompétente – la décision de renvoi doit contenir des éléments concrets permettant de considérer qu’une loi contestée visait à mettre en œuvre le droit de l’Union et relevait donc du champ de compétence de la Charte, le lien entre la décision européenne et la loi interne contestée doit être explicitement exposé) ; voir déjà CJUE 10 mai 2012, C‑134/12, publié au Recueil numérique, points 12-13, et CJUE 14 déc. 2011, C-434/11, Rec. I-196, points 14 à 16 (affaires venant de Roumanie). ↩