La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées (article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure) : l’arme de dissolution massive
À la croisée de la police administrative spéciale et générale, la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, aujourd’hui abrogée mais reprise telle quelle à l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, est un dispositif exceptionnel permettant aux plus hautes autorités de l’État de dissoudre de façon purement administrative et unilatérale des associations et groupements de fait dangereux. Alors qu’elle est souvent présentée comme un dispositif idoine de défense de la République, l’analyse approfondie de cette législation sur le long terme fournit un résultat beaucoup plus ambivalent. Du point de vue historique, il apparaît que la loi du 10 janvier 1936 a en réalité servi bien davantage à la défense des différents intérêts de l’État qu’à la défense de la République, et parfois pour le pire. Du point de vue juridique, le régime attaché à ce dispositif reste encore aujourd’hui exceptionnel dans le sens où il lui arrive de déroger aux principes fondamentaux de la police administrative. Cependant, malgré ce bilan mitigé du point de vue des libertés, ou peut-être grâce à lui selon le point de vue que l’on adopte, cette police est aujourd’hui plus forte que jamais, consacrée et sécurisée par une série de jurisprudences du Conseil d’État rendues en 2014. Le présent article se propose de faire le récit du destin hors du commun de cette arme de dissolution massive.
Romain Rambaud est Professeur de droit public, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ), Groupe de recherche sur l’Etat, l’administration et le territoire (GREAT), http://droitelectoral.blog.lemonde.fr
Introduction
I. Analyse historique : un dispositif instrumentalisé
A. Les origines
1. L’adoption
2. Les premières utilisations
3. Le premier dévoiement
B. Les avatars de la seconde guerre mondiale
1. Les contournements
2. Les modifications
C. La ductilité des années 60 à nos jours
1. Les utilisations multiples des années 60
2. La tâche de la décolonisation
a. La lutte contre les indépendances
b. Le revirement
3. Les utilisations contemporaines
II. Analyse juridique : une police d’exception
A. Les conditions de mise en œuvre
1. La légalité interne
a. La dissolution des associations violentes
b. La dissolution des associations antirépublicaines
c. La dissolution des associations racistes
2. La légalité externe
a. La compétence
b. La motivation
c. Le contradictoire
B. Les effets
1. La disparition juridique et factuelle
2. La sanction pénale
3. La dissuasion patrimoniale
C. Le contrôle juridictionnel
1. La validité du dispositif
a. La constitutionnalité
b. La conventionnalité
2. L’étendue du contrôle du juge
a. La position de la CEDH
b. Le contrôle du Conseil d’État
« Quand on vote, avec une certaine hâte, des lois qui ont un peu le caractère de lois de circonstance, il faut être particulièrement attentif. Légiférant aujourd’hui avec l’intention de défendre les libertés républicaines, gardons-nous de donner au Gouvernement le moyen de les étrangler (…) Ne redoutez-vous pas que certains groupements soient déclarés licites ou illicites au gré des Gouvernements qui passent et qui changent ? » 1
Introduction
Le droit naît souvent des faits et parfois des faits divers. Clément Méric, un jeune militant antifasciste, est mort tué par de jeunes skinheads à Paris le 5 juin 2013. Ce drame provoqua une émotion nationale et la réaction politique ne se fit pas attendre dans le contexte particulier des « manifs pour tous » organisées contre la loi n°2013-404 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe adoptée le 17 mai 2013. Après que le Président de la République François Hollande ait demandé à ce que les groupes dont faisaient partie les assassins soient réprimés si leur responsabilité était avérée, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault demanda au ministre de l’intérieur de l’époque, Manuel Valls, d’engager immédiatement une procédure visant à faire disparaître ces groupes 2. Un débat s’est alors engagé sur les voies de droit à utiliser. Ce sera finalement celle de l’article L.212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), issu de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combats et milices privées, qui sera choisie 3.
En vertu de cet article, « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait: 1o Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue; 2o Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées; 3o Ou qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement; 4o Ou dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine; 5o Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration; 6o Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence; 7o Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article, ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l’organisation d’un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section IV du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal ». Il s’agit donc d’une police administrative, au croisement de la police générale et de la police spéciale, tant sur le fond que sur la forme, dont la mise en œuvre se trouve relayée au niveau pénal par les articles 431-13 et s. du code pénal.
Dès le 11 juin, Jean-Marc Ayrault annonça à l’Assemblée Nationale la dissolution de Troisième voie et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, groupes dont étaient proches les agresseurs. « Les conditions, très restrictives, pour engager une procédure contradictoire de dissolution sont réunies », expliquait alors un de ses conseillers 4. Le 12 juillet était adopté un décret portant dissolution d’une association et de deux groupements de fait, qui, au terme d’une argumentation juridique serrée afin de répondre aux conditions posées par la loi, prononça la dissolution des groupements de fait Troisième Voie et Jeunesses nationalistes révolutionnaires et de l’association Envie de rêver, exploitant d’un bar servant de lieu de réunion de l’ultra-droite parisienne et notamment des groupements visés par le décret 5.
Mais les choses ne s’arrêtèrent pas là, car très vite, la lutte contre certains groupuscules d’extrême-droite devint un objectif politique en tant que tel. Sans qu’ils n’aient été impliqués semble-t-il dans l’affaire Méric, de nouveaux groupes furent visés par deux décrets du 25 juillet 2013. Le premier procéda à la dissolution de l’Œuvre française, au motif notamment que ce groupe faisait l’apologie du maréchal Pétain. Le second utilisa les mêmes arguments pour dissoudre une autre organisation créée en 2011, les Jeunesses nationalistes, dont l’objet était de défendre les « français de souche » 6.
C’est ainsi que la France entière allait (re)découvrir les potentialités de la loi du 10 janvier 1936. Car cette fois, il ne s’agissait pas seulement de « tailler en pièces », selon les mots de Jean-Marc Ayrault devant le Sénat 7, les groupuscules ayant causé la mort de Clément Méric, mais de s’attaquer plus largement à l’extrême-droite. Au-delà de la volonté légitime de lutter contre de tels groupuscules, cet arsenal était mis en œuvre à des fins politiques. Il s’inscrivait plus largement dans un schéma visant à ancrer l’action présidentielle, gouvernementale mais aussi ministérielle « à gauche », alors que celle-ci était contestée du point de vue économique et social. Ce fut particulièrement évident lors de l’Université d’été du parti socialiste des 23, 24 et 25 août 2013 à la Rochelle, laquelle mit au centre du débat la question de la lutte contre l’extrême-droite.
« Faire gagner la démocratie contre l’extrême droite » était le thème de l’assemblée plénière du samedi 24 août, la plus importante et la plus médiatisée. Selon le Parti socialiste, l’objectif était ici de « dénoncer le Front national non seulement sur le terrain des valeurs, mais aussi sur le terrain social, en déconstruisant son nouveau discours politique et sa stratégie d’intoxication des Français » et notamment sa « complicité coupable avec des groupuscules d’extrême droite violents » 8. Le ministre de l’intérieur Manuel Valls, dont le discours était très attendu, déclara alors qu’il fallait « Faire gagner la démocratie contre l’extrême-droite. Mais plus encore, faire gagner la gauche. […] Alors, bien sûr, il faut condamner inlassablement les discours et les agissements de l’extrême-droite. Il faut les combattre par tous les moyens légaux, comme je l’ai fait en proposant au président de la République et au Premier ministre la dissolution de groupuscules violents, xénophobes, antisémites, antimusulmans, homophobes ; groupuscules qui, en exaltant un passé où la France se reniait, où la France n’était plus elle-même, salissaient notre idéal, salissaient nos valeurs et n’avaient pas leur place dans la République. C’est nous qui l’avons fait. C’est ce gouvernement qui l’a fait et cela mérite encore une fois d’être souligné ! ». Cela lui permettait de lancer, quelques minutes après, que « ce gouvernement est un gouvernement de gauche ; le ministre de l’Intérieur, il est de gauche, il est socialiste et il est fier de l’être et de mener cette politique ! » 9. Une telle instrumentalisation politique du droit ne pouvait manquer d’interroger et de provoquer une recherche.
De surcroît, ces affaires ont produit un intérêt juridique certain en tant qu’elles ont conduit le juge administratif suprême à se pencher de nouveau de façon approfondie sur ce dispositif, pour en consacrer la constitutionnalité autant que l’efficacité.
Les décrets de dissolution de Troisième Voie, Jeunesses nationalistes révolutionnaires et d’Envie de rêver furent attaqués par les intéressés. Faisant suite à une ordonnance de référé-liberté infructueuse pour les requérants 10, le Conseil d’État adopta au fond une position de principe par un arrêt Association « Envie de rêver » et autres du 30 juillet 2014 11. Constatant que l’article L.212-1 CSI, étant issu d’une ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012 non encore ratifiée, présentait un caractère réglementaire 12, le juge a considéré qu’« eu égard aux motifs susceptibles de conduire, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, au prononcé de la dissolution d’associations ou de groupements de fait », cette disposition répond « à la nécessité de sauvegarder l’ordre public, compte tenu de la gravité des troubles qui sont susceptibles de lui être portés par les associations et groupements visés par ces dispositions ». Il a alors estimé que le gouvernement a opéré, dans le cadre de l’article 38 de la Constitution et au regard du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d’association, « la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré » et qu’ainsi « les dispositions de l’article L.212-1 CSI ne portent pas une atteinte excessive au principe de la liberté d’association » 13. Or, cette solution est juridiquement fondatrice car c’est la première fois qu’est explicitement actée la constitutionnalité de la loi du 10 janvier 1936.
Cinq mois après, ce dispositif accédait à la pleine valeur législative avec la ratification de l’ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure opérée par l’article 24 de la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
En outre, la contestation parallèle de la dissolution de l’Œuvre française et des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires eut aussi son utilité sur le plan des principes. En rejetant les deux référés-suspension formés par les groupes intéressés 14, puis en acceptant par les deux nouveaux arrêts Œuvre française et Jeunesses nationalistes du 30 décembre 2014 15 la dissolution de ces associations de droite extrême sur le fondement de l’incitation à la haine et de l’apologie de la collaboration, dont la qualification juridique fut précisée, le Conseil d’État renforça encore l’efficacité de cette police.
Le dispositif peut donc aujourd’hui être considéré comme verrouillé, au grand bénéfice du gouvernement, si ce n’est de la République. Eu égard à cette actualité, il y a, bien sûr, un intérêt à s’intéresser à ce dispositif en tant que tel, car peu d’études d’ensemble récentes lui sont consacrées 16. Par ailleurs, le commentaire au coup par coup des arrêts du Conseil d’État n’est pas pleinement satisfaisant car il ne permet pas de porter une appréciation globale sur le dispositif 17.
Bien entendu, les problématiques classiques en matière de police sont touchées par l’étude de cette législation particulière : libertés publiques, droit fondamentaux, liberté d’association, liberté d’expression, ordre public, terrorisme, contrôle du juge, etc. Les questions posées sont bien connues. Les réponses le sont sans doute moins.
En effet, c’est la recherche elle-même qui révèle la véritable problématique posée par la loi du 10 janvier 1936, aujourd’hui l’article L. 212-1 CSI. Le traitement des données juridiques et historiques démontre que bien loin d’être un instrument irréprochable de protection de la République, cette police est un dispositif exorbitant dont l’utilisation révèle la ductilité, la capacité à se déformer sans se rompre, c’est-à-dire la capacité à servir à tout et son contraire en fonction des circonstances. Derrière les apparences, qui font de cette loi un outil de défense de la République contre la violence qui entendrait la renverser, se cache un instrument efficace de protection des intérêts de l’Etat, variables dans le temps, voire un dispositif instrumentalisé par les politiques. Un « négatif de la vie politique française », disait Gustave Peiser dans son article paru en 1963 18. Les choses n’ont pas changé depuis.
Certes, le propos pourra paraître excessif et il l’est peut-être partiellement. Il n’en reste pas moins qu’il doit être tenu pour prendre enfin la mesure de la véritable nature de cette police finalement trop méconnue. Le test historique de la loi du 10 janvier 1936 n’est en effet pas à son avantage (I). Il en est de même de l’examen de son régime juridique (II).
I. Analyse historique : un dispositif instrumentalisé
Les choses pourraient être univoques et la loi du 10 janvier 1936 présentée comme un outil juridique exorbitant de défense de la République française. Toutefois, elles ne sont pas aussi si simples et il semble que l’Histoire ait été bien plus cynique que cela. Plusieurs périodes peuvent être distinguées : après la création et les premières utilisations de la loi de 1936, non dénuées de toute considération politique, apparaît assez rapidement son premier dévoiement (A). Après le temps particulier des avatars de la seconde guerre mondiale (B), l’Histoire montre toute la ductilité dont cette loi a su faire preuve, y compris durant les périodes les plus troubles de notre histoire contemporaine (C).
A. Les origines
Dès les origines, la loi de 1936 a révélé son ambiguïté, sans doute consubstantielle à un processus de dissolution administrative. Après son adoption (1), ses premières utilisations furent certes politisées mais conformes à son objectif initial (2). Cependant elle ne tarda pas à connaître son premier dévoiement (3).
1. L’adoption
La loi du 10 janvier 1936 a des racines lointaines dont la compréhension est fondamentale à la logique d’ensemble qui justifie l’adoption de cette loi dans les années 1930 : il s’agit de l’enracinement récent mais définitif de la République en France, qui connaît progressivement une consécration juridique. Il n’est pas utile de revenir ici sur cette longue histoire : il suffit de rappeler que la République fut définitivement consacrée sous la IIIème République par la révision constitutionnelle du 14 août 1884 19, en vertu de laquelle « le paragraphe 3 de l’article 8 de la même loi est complété ainsi qu’il suit : – » La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision. – » Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République », principe qui sera repris sous la IVème République 20 et qui est aujourd’hui consacré par l’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 selon lequel « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Cette consécration au plus haut niveau de la hiérarchie des normes était toutefois techniquement dépourvue d’efficacité en l’absence de contrôle de constitutionnalité des lois.
Les pouvoirs publics comprirent cependant rapidement la nécessité de trouver un relais législatif à ces principes. Celui-ci fut mis en œuvre dans la loi sur la liberté d’association du 1er juillet 1901 selon laquelle, dans son article 3, « toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement est nulle et de nul effet ». Le juge judiciaire était donc – et est toujours – compétent pour constater la nullité d’une association ayant pour objet de remettre en cause la République. Une procédure de dissolution judiciaire par le Tribunal de Grande Instance était – et est toujours – organisée par l’article 7 de cette loi 21.
Néanmoins, cette procédure allait s’avérer inutile face aux contestations très violentes de la République par les ligues lors de la crise des années 30, dans laquelle la loi du 10 janvier 1936 trouve ses origines. La crise économique, qui connut son apogée de 1931 à 1935 et qui se prolongea jusqu’à la défaite de 1939, engendra une crise politique très forte. Le système institutionnel de la IIIème République était paralysé par l’instabilité ministérielle et totalement discrédité à cause de scandales politico-financiers. Cette double crise renforçait les forces d’extrême-droite. De 1919 à 1924, en raison des évènements de la première guerre mondiale, la droite avait gouverné le pays par l’intermédiaire du « bloc national », tandis que la gauche était divisée en raison de l’attitude à adopter face à la révolution bolchévique et la création de l’URSS. Cependant, la situation évolua à partir de 1924 avec le retour au pouvoir du « cartel des gauches », date à partir de laquelle les manifestations d’extrême-droite se multiplièrent. Les « ligues », c’est-à-dire des groupes d’action composés d’anciens combattants et de jeunes radicaux visant à renverser le système parlementaire par la force si nécessaire, proliférèrent à côté du système politique. C’était le « temps des ligues » 22.
Dans ce contexte, la loi du 10 janvier 1936 trouve ses origines immédiates dans la fameuse « journée des ligues » du 6 février 1934. Suite à l’affaire politico-financière « Stavisky » qui fit tomber le gouvernement Chautemps et alors que le nouveau gouvernement Daladier devait être investi par l’Assemblée Nationale, de nombreuses ligues, en premier lieu les royalistes de l’Action française, attaquèrent le Palais-Bourbon pour empêcher cette investiture. Ce fut une véritable tentative de coup de force, voire de coup d’État. Si elle échoua finalement, notamment en raison du refus de la ligue des Croix de Feu d’attaquer l’Assemblée Nationale, elle convainquit les parlementaires de l’époque de prendre des dispositions pour que de tels évènements ne se reproduisent plus 23.
Cependant, l’adoption de la loi du 10 janvier 1936, presque deux ans après les faits, fut moins rapide et moins consensuelle qu’on ne pourrait le croire, car elle engageait des questions fondamentales liées aux libertés. Ces questions se posaient hier comme elles se posent aujourd’hui : le débat parlementaire de 1936 contient déjà presque tous les éléments fondamentaux du débat juridique contemporain. Il se structurait notamment autour de la loi de 1901 et de la question des risques que pouvait présenter, pour les libertés publiques, la création d’une dissolution administrative et non judiciaire 24. L’analyse des débats démontre que les députés savaient parfaitement qu’ils adoptaient une loi mettant en place un régime exceptionnel, mais qu’ils en avaient accepté le risque au nom de la défense de la République 25.
Ainsi fut adoptée, promulguée et publiée la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées. À l’origine, elle ne prévoyait que les trois premières hypothèses de dissolution que l’on trouve aujourd’hui à l’article L.212-1 CSI. Son article 1er disposait que « seront dissous, par décret rendu par le Président de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue ; 2° Ou qui, en dehors des sociétés de préparation au service militaire agréées par le Gouvernement, des sociétés d’éducation physique et de sport, présenteraient, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ; 3° Ou qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ». Son article 2 prévoyait un dispositif de répression pénale en cas de maintien ou de reconstitution d’association dissoute, son article 3 un dispositif de confiscation des biens et armes du groupe ainsi qu’un régime de liquidation, et son article 4 précisait son applicabilité en Algérie et dans les colonies 26
2. Les premières utilisations
La loi remplit parfaitement son office au départ, même si la politique ne fut jamais loin. Dès le 11 janvier 1936, Léon Blum présentait le programme du Front populaire dans le journal Le populaire : défense de la paix, liberté de la presse, liberté syndicale, droits sociaux, mais aussi dissolution des ligues fascistes. Mais c’est un évènement politique concomitant, d’ailleurs digne d’un excellent roman, qui entraîna la première application de cette loi : par un « malheureux hasard », le 13 février 1936, la voiture de Léon Blum quittant le Palais-Bourbon croisa le convoi funèbre du célèbre historien Jacques Bainville organisé par l’Action française, dont il était un actif soutien par ses thèses favorables à la monarchie. L’automobile fut encerclée et le chef de la SFIO échappa au lynchage grâce à l’intervention d’ouvriers travaillant sur un chantier voisin 27.
Cet évènement servit de prétexte à la première mise en œuvre de la loi du 10 janvier 1936, par un décret en date 13 février 1936, soit le jour même. D’après le rapport précédant le décret au Journal officiel, « des évènements récents viennent toutefois de démontrer, une fois de plus, que certains groupements n’entendaient nullement » respecter l’ordre public, ce qui fait allusion à l’attaque dont avait été victime Léon Blum 28. Le décret procéda alors à la dissolution de la Ligue d’Action Française, de la Fédération nationale des Camelots du Roi et de la Fédération nationale des étudiants d’Action Française 29, structures de l’Action française impliquées dans la journée du 6 février 1934.
Une telle utilisation de la loi du 10 janvier 1936, conforme à son objet mais non dénuée de toute considération politique, reçut immédiatement l’aval juridictionnel du Conseil d’État par l’arrêt d’Assemblée publique Sieurs de Lassus, Pujo, et Real del Sarte du 4 avril 1936. Le juge administratif, considérant qu’il était possible de se fonder autant sur des faits antérieurs et postérieurs à la loi de 1936 que sur l’activité générale du groupement, estima qu’il n’était pas nécessaire que le dessein d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement soit suivi d’actes d’exécution pour justifier une dissolution. Puisqu’il ressortait du dossier que « la doctrine constante de l’ »Action française » tend au rétablissement de la monarchie par tous moyens, notamment par l’emploi de la force » et que « les trois groupements dissous concourent par leur activité à la réalisation de cet objet », la dissolution fut validée 30.
L’Action française réagit vivement en menant une campagne de presse véhémente. Le 5 avril 1936, elle publia un texte selon lequel « Le Conseil d’État jouissait d’une certaine réputation d’indépendance […] L’arrêt d’hier montre quelle est la réalité. Lorsque l’intérêt du régime est en jeu, tout le monde se ressaisit » et dans les jours suivants, Charles Maurras prit directement la plume pour attaquer Théodore Tissier, vice-président du Conseil d’État. Dans une lettre adressée au garde des Sceaux du 25 avril 1936, ce dernier écrivait cependant : « je ne m’émeus pas de cette campagne sans scrupules et même je m’en réjouis et je m’en félicite, car ces attaques forcenées d’adversaires de la République sont le plus beau brevet que pût souhaiter un magistrat républicain, fort de sa conscience et de sa droiture comme de son loyalisme envers le régime » 31. Sans doute trouve-t-on ici un exemple d’une partialité politique possible du Conseil d’État, comme il en a existé d’autres dans l’histoire 32.
La deuxième vague de dissolutions eut lieu après les élections d’avril et mai 1936 et la formation du gouvernement Blum le 4 juin 1936, conformément au programme électoral du Front populaire, par quatre décrets du 18 juin 1936. Le premier procéda à la dissolution du Mouvement Social Français des Croix de Feu au motif que celui-ci « par son organisation, ses permanences, ses formations en sections, placées sous les ordres de chefs, les moyens de concentration rapides dont elle dispose, la subordination complète des ligueurs à leurs supérieurs, ainsi que les consignes qui leur sont adressées, revêt sans contestation possible le caractère de groupes de combat ou de milices privées », décret qui fut ensuite précisé par un autre décret du 23 juin pour viser le Mouvement Social Français des Croix de Feu, Les Croix de Feu et Briscards, et les Fils de Croix de Feu et Volontaires Nationaux » 33. Le deuxième entraîna la dissolution du Parti National Populaire, parti fondé en décembre 1935 mais qui n’était rien d’autre que la reconstitution de l’ancienne Ligue des Jeunesses Patriotes, laquelle est qualifiée de groupe de combat auteur de démonstrations violentes et organisée de façon hiérarchisée et disciplinée. Le troisième mit en œuvre la dissolution du Parti Franciste, autant pour son objectif, « la conquête du pouvoir par la destruction du parlementarisme », que pour son caractère de groupe de combat. Enfin, le quatrième procéda à la dissolution du Parti National Corporatif Républicain, reprenant le groupe de combat Solidarité Française, dont le « programme consiste en la réforme de la Constitution de 1875, selon des modalités qui constituent des menaces contre l’ordre public » et qui pratiquait « une propagande de violence et de combat contre les institutions légales du pays. » 34.
Les décrets procédant à la dissolution des Croix de Feu et du Parti national populaire firent l’objet de recours contentieux, qui n’eurent pas davantage de succès qu’en février. Si les Croix de Feu réussirent à obtenir le sursis à exécution de leur dissolution seulement en tant qu’elle empêchait la mise en œuvre de leur action d’œuvre sociale 35, les décrets de dissolution furent validés par les deux arrêts d’Assemblée Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux et Association Parti national populaire du 27 novembre 1936 36.
Ainsi, dès le départ, même lorsque la loi de 1936 fut utilisée conformément à son objectif initial, la politique n’était jamais loin. Il n’est dès lors malheureusement guère étonnant que cette loi ait pu connaître si rapidement son premier dévoiement, lequel se révélera précurseur de tant d’autres du même genre quelques années plus tard.
3. Le premier dévoiement
Par dévoiement, il faut entendre ici l’hypothèse où la loi du 10 janvier 1936, conçue pour défendre la République contre les groupes qui entendaient la renverser par la violence, a été détournée de son objet afin d’atteindre d’autres buts moins louables. Or, force est de constater qu’un tel détournement s’est produit très tôt dans l’histoire de cette loi, ce qui laissait présager du risque de son instrumentalisation politique récurrente.
On peut considérer que le premier dévoiement de la loi du 10 janvier 1936 s’est produit avec la dissolution d’un mouvement algérien nationaliste radical, l’Étoile Nord-Africaine, par un décret du 26 janvier 1937 37.
Dirigé par Messali Hadj, l’Étoile Nord-Africaine est à cette époque le seul mouvement à revendiquer ouvertement l’indépendance de l’Algérie, le retrait des troupes d’occupation et la réunion d’une assemblée constituante élue au suffrage universel. Cette association avait déjà fait l’objet d’une mesure de dissolution le 20 novembre 1929, sur le fondement de la loi de 1901 et donc par voie judiciaire (TGI de la Seine), au motif qu’elle portait atteinte à l’intégrité du territoire national. L’organisation se reconstitua cependant pour s’opposer frontalement à la politique du Front populaire concernant l’Empire colonial et notamment au projet Blum-Violette, qu’elle analysait comme un instrument du maintien de la politique de colonisation. Le Front populaire n’hésita pas, en réaction, à enclencher une véritable politique de répression 38.
C’est pour cela que l’Étoile-Nord-Africaine fut dissoute le 26 janvier 1937, non plus par voie judiciaire sur le fondement de la loi de 1901, mais bien par le gouvernement Blum, en conseil des ministres, sur le fondement de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées. Cependant, contrairement aux dissolutions précédentes, aucun rapport ne vint cette fois précéder le décret pour expliquer les motifs de la dissolution 39.
La loi de 1936 venait donc d’être utilisée non plus pour défendre la République, mais bien pour défendre l’Empire. L’absence de référence à cette dissolution dans les travaux récents relatifs à la dissolution administrative des associations montre bien qu’une telle instrumentalisation politique de la loi de 1936 confine au tabou historique 40. Il faut remonter loin en arrière pour trouver dans la doctrine, avec un article de Gustave Peiser de 1963, une trace de ce passé sulfureux 41.
Alors, certes, juridiquement, cette dissolution pouvait être justifiée par le 3° visant notamment les groupes « qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ». Cependant, il faut noter que l’utilisation de cette procédure pour dissoudre des groupes indépendantistes en Algérie et dans les colonies n’est guère évoquée dans les débats parlementaires, la mention selon laquelle cette loi peut être utilisée contre les groupes qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ayant été adoptée surtout par souci de parallélisme avec les dispositions de l’article 3 de la loi de 1901, qui elle-même répondait essentiellement au traumatisme lié à la perte de l’Alsace-Lorraine suite à la défaite de 1870. Certes, il est vrai que les difficultés posées par la dissolution judiciaire de l’Étoile Nord-Africaine ont pu servir d’argument en faveur de l’adoption de la loi et de son système de dissolution administrative 42. Il reste que son utilisation pour préserver l’Empire colonial, qui deviendra massive dans les années 60, n’avait pas été mise en avant en tant que telle au stade de l’élaboration de la loi 43.
En conclusion de cette première période de création et d’utilisation de la loi du 10 janvier 1936, il apparaît que les craintes du député Georges Pernot, mises en exergue, se sont révélées fondées très peu de temps après l’adoption de la loi. Créée pour sauvegarder la République, elle a été instrumentalisée très rapidement à des fins politiques, d’abord dans le cadre de son dessein initial puis, ce qui est plus grave, au-delà en faveur de la politique de colonisation. Présente dès l’origine, l’ambiguïté originelle de la loi de 1936 ne se démentira plus.
B. Les avatars de la seconde guerre mondiale
La seconde guerre mondiale fut un excellent révélateur de l’ambiguïté de la loi de 1936. Au-delà du caractère tout à fait extraordinaire de l’évènement, une telle ambiguïté semble consubstantielle à un système de dissolution administrative aux mains d’un gouvernement, quel qu’il soit. Mais sur ce point, il est tout à fait crucial de constater que la loi du 10 janvier 1936 n’a finalement rien perdu de sa superbe malgré la multiplication de ses avatars. La jurisprudence du Conseil d’État, en effet, s’est évertuée pendant cette période (ou plutôt un peu après la fin de la guerre) à protéger les associations en réintégrant au maximum dans le jeu le juge judiciaire, la loi de 1936 conservant alors son statut de procédé de dissolution administrative par excellence. Les nombreux contournements (1) ou modifications (2) de la loi du 10 janvier 1936 pendant cette période le démontrent.
1. Les contournements
La loi du 10 janvier 1936 fut d’abord utilisée dans la panique d’avant-guerre dans toutes les directions. Trois décrets en date du 21 avril 1939 procédèrent à la dissolution des groupes Association d’éducation populaire (Elsaessischer Volksbildungsverein), Bund Erwin von Steinbach et Parti des Alsaciens-Lorrains (Jugmannschaft), dont l’objectif était de séparer les territoires d’Alsace-Lorraine de la France pour les rattacher à l’Allemagne 44. Un décret du 19 octobre 1939 procéda à la dissolution du groupement Parti national breton, parti nationaliste qui avait dérivé vers le fascisme 45. Dans une autre optique, déjà connue, on peut relever la dissolution du Parti du peuple algérien par un décret du 26 septembre 1939 46.
Cependant, différents avatars de la loi de 1936, c’est-à-dire des procédures de dissolution administrative d’associations parallèles à celle-ci, furent créés sur le fondement d’une loi d’habilitation du 19 mars 1939, autorisant le gouvernement à prendre, jusqu’au 30 novembre 1939, par décrets délibérés en Conseil des ministres, les mesures nécessaires à la défense du pays 47. Néanmoins, ils n’ont pas remis en cause l’efficacité du système de dissolution administrative, ni même l’efficacité spécifique de la loi du 10 janvier 1936.
D’une part, un décret portant dissolution des organisations communistes fut adopté le 26 septembre 1939, qui interdit et procéda à la dissolution de plein droit du Parti communiste et des associations et groupements s’y rattachant ainsi que des associations ou groupements liés à la Troisième internationale communiste. La liquidation des biens fut fixée par le ministre de l’intérieur et des sanctions pénales furent prévues 48. Cette dissolution juridiquement exceptionnelle s’expliquait par l’attitude changeante du parti communiste de l’époque, suite au revirement stratégique de l’URSS après la conclusion du pacte germano-soviétique fin août 1939 et l’invasion de la Pologne 49. À celle-ci s’ajouta d’autres mesures telles que la suspension des municipalités communistes ou l’arrestation de parlementaires et de syndicalistes. Cette dissolution participa à l’effondrement du parti communiste à partir de l’année 1939 qui entraîna son entrée en clandestinité pendant la guerre 50. En pratique, ce décret entraîna donc la dissolution du parti communiste français et d’organisations satellites, telles que la Fédération des jeunesses communistes de France, l’Union des jeunes filles de France, l’Union des jeunesses agricoles de France, le Secours populaire de France, et le groupe Paix et libertés 51.
Cependant, sa portée fut limitée par le Conseil d’État dans un important arrêt Association Républicaine des Anciens Combattants et sieur Sartres du 26 (ou 27) octobre 1945 52. Le juge administratif décida qu’en l’absence de dispositions conférant à l’autorité administrative le pouvoir de constater la nullité des associations dissoutes de plein droit par l’effet de ce décret, il n’appartenait qu’à l’autorité judiciaire d’assurer l’application de ces dispositions, le ministre de l’intérieur étant incompétent. Cette solution conduisit à l’annulation de la dissolution prononcée par arrêté ministériel de l’Association Républicaine des Anciens Combattants 53. Elle fut confirmée par plusieurs arrêts rendus en 1947 qui annulèrent la dissolution du syndicat des cheminots de Paris-Lyon-Méditerranée prononcée par arrêté préfectoral 54. Le Conseil d’État a ainsi limité la portée de cette procédure d’exception en la faisant revenir dans le giron du juge judiciaire. Cet exemple montre bien la plus-value que représente encore la loi du 10 janvier 1936 y compris par rapport à l’un de ses avatars, dans la mesure où elle reste l’authentique outil de dissolution administrative.
D’autre part, un décret-loi du 12 avril 1939 modifia la loi de 1901 afin de créer un régime plus rigoureux pour les associations étrangères, soumises à une autorisation préalable 55, lequel sera modifié par un décret-loi du 1er septembre 1939 pour permettre le retrait de l’autorisation non plus seulement par décret mais aussi par arrêté 56. Cet avatar allait donc dans le sens du renforcement et de la facilitation du procédé de la dissolution administrative. Il servira à de nombreuses reprises par la suite, jusqu’à sa disparition dans les années 1980 57.
La seule fois où la loi du 10 janvier 1936 fut frontalement contestée se produisit lors la « parenthèse » vichyssoise, mais le principe de la dissolution administrative ne fut pas remis en cause, bien au contraire. En effet, sous Vichy, en raison de son esprit même jugé trop républicain, le régime abandonna la loi de 1936 et adopta le 11 juillet 1941 une loi relative à la dissolution des groupements et associations dont les agissements se seront révélés contraires à l’intérêt général du pays 58. Mais d’autres dispositifs entrainèrent aussi la dissolution de nombreuses associations, l’exemple le plus spectaculaire ici étant sans doute la dissolution des francs-maçons par l’intermédiaire de la loi du 13 août 1940 portant interdiction des associations secrètes 59.
D’autres avatars furent inventés par le gouvernement français en exil. Notamment, une ordonnance du 2 octobre 1943 du gouvernement d’Alger portant statut provisoire des groupements sportifs et de jeunesse créa une procédure de dissolution par arrêté du commissaire de l’intérieur pour les associations ayant une activité contraire à la liberté de conscience et de culte ou ayant une activité dirigée contre les institutions républicaines 60. Un grand nombre de groupements vichystes furent dissous sur cette base 61.
Cependant, à la fin de la guerre, l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental remit en vigueur la loi de 1936. Certes, son article 10 prononça la dissolution d’un grand nombre de groupes liés à la collaboration : « la légion française des combattants, le service d’ordre légionnaire, la milice, le groupe collaboration, la phalange africaine, la milice antibolchévique, la légion tricolore, le parti franciste, le rassemblement national populaire, le comité ouvrier de secours immédiats, le mouvement social révolutionnaire, le parti populaire français, les jeunesses de France et d’outre-mer », ainsi que tous les « organismes similaires et annexes » 62. Toutefois, comme il l’avait fait pour le décret de 1939, le Conseil d’État a estimé dans un arrêt Sieur Le Porte du 20 janvier 1954 qu’en l’absence de disposition législative donnant pouvoir à l’autorité administrative, il ne revenait qu’à l’autorité judiciaire de se prononcer sur les circonstances de fait qui permettaient de faire application aux groupements visés des prescriptions de l’ordonnance et de constater la nullité de l’association, le Préfet de police étant incompétent. L’arrêté plaçant sous séquestre les biens du groupe Le Club de l’Empire, non directement visé par l’ordonnance, fut annulé 63. Le Conseil d’État redonna donc son pouvoir au juge judiciaire en dehors de la seule procédure de la loi du 10 janvier 1936, réarmant cette loi en tant que procédure exorbitante de dissolution des associations.
2. Les modifications
Les choses revinrent donc à la normale à la fin de la guerre et la loi du 10 janvier 1936 redevint la procédure normale de dissolution des associations. Cependant, celle-ci fut modifiée à plusieurs reprises, révélant sa capacité à épouser opportunément les changements de circonstances.
Tout d’abord, une ordonnance du 30 décembre 1944 portant modification de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées ajouta pour la première fois à la loi une hypothèse de fond de dissolution. Ce texte ajouta en effet un 4° visant les groupements dont « l’activité tendrait à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité république » 64. Cette nouvelle faculté ne tarda pas à être utilisée : le 4 janvier 1945 furent adoptés trois décrets de dissolution qui visèrent l’Association française des propriétaires de biens aryanisés, ayant pour objet de regrouper et défendre les acquéreurs de biens juifs contre toute revendication, l’Association des administrateurs provisoires de France regroupant des personnes s’étant prêtées à des spoliations illégales dans le but de faire échec aux ordonnances portant rétablissement la légalité républicaine et enfin l’Association nationale intercorporative du commerce, de l’industrie et de l’artisanat dont l’activité réelle était de regrouper des propriétaires de biens ayant profité des lois de spoliation 65. Un décret du 13 juin 1945 prononça la dissolution de plusieurs associations ou groupements : la Renaissance du Foyer français, la Fédération des locataires de bonne foi, l’Union des commerçants, industriels et artisans français 66, qui furent pour deux d’entre elles validées par le Conseil d’État 67.
Par ailleurs, c’est un aspect méconnu dont l’importance juridique est grande pourtant, l’ordonnance du 30 décembre 1944 portant modification de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées modifia l’article 3 de la loi, prévoyant désormais que « Les biens mobiliers et immobiliers des mêmes associations et groupements seront placés sous séquestre et leur liquidation sera effectuée par l’administration des domaines dans les formes et conditions prévues pour les séquestres d’intérêt général » 68. Par une ordonnance du 23 juillet 1945, l’État s’attribua les produits de la liquidation des biens des groupements dissous 69. Ces modifications furent extrêmement importantes pour garantir l’effectivité de la loi, dans la mesure où elles ont eu pour effet d’entraîner des conséquences patrimoniales directes à la dissolution, très dissuasives pour les groupes considérés 70.
Par la suite, la loi du 10 janvier 1936 continua d’être utilisée afin de lutter contre les derniers soubresauts de la guerre. Un décret du 5 mars 1949 prononça la dissolution du groupe d’extrême-droite Mouvement socialiste d’Unité française 71, un décret du 3 mai 1949 prononça la dissolution de l’Union réaliste 72 et un décret du 28 janvier 1950 procéda à la dissolution de la Société de préparation militaire dénommée Formation Antoine de Saint-Exupéry 73. La dissolution du Mouvement socialiste d’Unité française fit l’objet d’un recours contentieux mais fut validée par le Conseil d’État qui prit une position de principe. Dans un arrêt d’Assemblée Mouvement socialiste d’Unité française du 4 avril 1952, celui-ci, considérant que le Président du Conseil disposait en vertu de la Constitution de 1946 des compétences détenues autrefois par le Président de la République sous l’empire de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, estima que le 4° avait « un caractère permanent » permettant, « même après le rétablissement de la légalité républicaine, de procéder à la dissolution des groupements dont le but est de faire échec aux mesures qui ont contribué au rétablissement de la légalité républicaine ». Cela étant le but de ce groupement, la dissolution se trouvait justifiée 74.
Enfin et dans la continuité de ces différentes évolutions, une loi du 5 janvier 1951 cherchant à solder le passé vichyste modifia de nouveau la loi pour y insérer un 5° visant cette fois les associations et groupements de fait « qui auraient pour but, soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration » 75. Cette disposition était le pendant de l’infraction pénale nouvelle créée par la loi et insérant, dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, des infractions pénales visant à punir l’apologie des crimes de guerre ou des crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi 76.
En conclusion, la période de la seconde guerre mondiale révèle toutes les potentialités d’un système de dissolution administrative d’associations et notamment de la loi de 1936. Certes, celle-ci n’a pas été utilisée dans toutes les hypothèses et a parfois été complétée en raison du caractère exceptionnel des évènements, mais sa modification à deux reprises durant cette période, ainsi que le retour au juge judiciaire organisé par le Conseil État pour toutes les procédures exceptionnelles hormis celle de la loi de 1936, démontrent les faiblesses des garanties que celle-ci est en mesure d’apporter contre l’arbitraire d’un gouvernement.
Cependant, l’histoire démontre que la ductilité de la loi de 1936 n’était pas liée qu’aux circonstances exceptionnelles de la période. Elle apparaît au contraire consubstantielle à un dispositif de dissolution administrative, comme le révèle son utilisation depuis les années 60 et jusqu’à nos jours.
C. La ductilité des années 60 à nos jours
Par la suite, la loi de 1936 va faire la preuve à de nombreuses reprises de sa forte ductilité, depuis les années 60 (1) jusqu’à nos jours (3), en passant par ce qui restera comme une tâche importante, mais méconnue, de sa longue histoire, à savoir son utilisation massive lors du processus de décolonisation, qui mérite un traitement particulier (2).
1. Les utilisations multiples des années 60
Les années 1960 constituent une période intéressante de l’histoire de la loi de 1936 car elles confirment, dans un contexte certes moins exceptionnel que la seconde guerre mondiale mais traversé de nombreuses crises, l’utilisation de celle-ci à des fins politiques par l’État et sa grande capacité à servir ses intérêts, quand bien même ceux-ci seraient changeants voire contradictoires dans le temps, sans même s’attarder ici sur son utilisation dans le contexte particulier de la décolonisation.
Bien sûr, après la seconde guerre mondiale, les utilisations classiques de la loi de 1936 continuèrent. Comme il l’avait fait juste à la fin de la guerre, le général de Gaulle n’hésita pas, après l’adoption de la Constitution de 1958 et une fois revenu au pouvoir, à réutiliser cette procédure contre de nombreux groupes radicaux : un décret du 13 février 1959 procéda à la dissolution du Parti Nationaliste 77, groupuscule d’extrême-droite 78 dont la dissolution fut validée par le Conseil d’État 79 et un décret du 31 mars 1960 prononça la dissolution de l’Association des victimes de l’épuration d’Alsace et de Lorraine et de l’Elsass Lothringische Wehrbund 80.
Mais la loi du 10 janvier 1936 servit également d’arme au bénéfice de l’État dans le contexte particulier de la crise de mai 1968. Ainsi, un décret du 12 juin 1968 procéda à la dissolution d’un seul coup de nombreux groupes d’extrême-gauche : Jeunesse Communiste Révolutionnaire, Voix ouvrière, Groupe Révoltes, Fédération des étudiants révolutionnaires, Comité de liaison des étudiants révolutionnaires, Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, Parti communiste internationaliste, Parti communiste marxiste-léniniste de France, Fédération de la jeunesse révolutionnaire, Organisation communiste internationaliste et, enfin, le Mouvement du 22 mars 81.
L’extrême-droite ne fut toutefois pas en reste puisqu’un décret du 31 octobre 1968 procéda à la dissolution du groupement Occidental 82, mieux connu sous le nom d’Occident, groupe d’extrême-droite favorable à l’Algérie française qui s’était illustré pendant les évènements de mai 1968 dans de violentes échauffourées contre les groupes d’extrême-gauche 83.
Les pouvoirs publics décidèrent donc d’utiliser la loi du 10 janvier 1936 tant contre des groupes d’extrême-gauche que des groupes d’extrême-droite, qui tous utilisaient la violence au-delà de leurs objectifs particuliers et divergents. Certes, il s’agissait ici d’une utilisation de la loi de 1936 conforme à son objet initial, principal et légitime, à savoir la défense de la République contre des groupes qui entendent la renverser, en tant que régime, par la violence. Cependant, cette période fut aussi celle d’un des très rares accidents rencontrés par l’État dans la mise en œuvre de sa politique par l’intermédiaire de la loi du 10 janvier 1936 et illustre la frontière parfois tenue existant entre la lutte légitime de la République contre des groupes violents et la volonté de faire disparaître des associations pour des raisons politiques. Le rôle du juge prit aussi une autre dimension.
Le Conseil d’État eut à juger de la légalité de ces différentes dissolutions dans quatre arrêts d’Assemblée du 21 juillet 1970. Dans trois de ces arrêts, il accepta la dissolution fondée sur le 1°. Dans un arrêt Sieurs Krivine et Franck, il accepta la dissolution des groupements Jeunesse Communiste Révolutionnaire et Parti communiste internationaliste 84, dans un arrêt Sieur Jurquet, il accepta la dissolution du Parti communiste marxiste léniniste de France 85 et dans un arrêt Sieur Schroedt, il accepta la dissolution du groupe Voix ouvrière 86. Cependant, dans un quatrième arrêt Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, le Conseil d’État a annulé la dissolution de l’Organisation communiste internationaliste, du groupe Révoltes et de la Fédération des étudiants révolutionnaires : pour le juge administratif suprême, il ne ressortait pas des pièces du dossier que ces groupes aient provoqué à des manifestations armées dans la rue ou aient eu pour but d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement 87. Il s’agit d’un des rares cas d’annulation d’un décret de dissolution par le Conseil d’État. Sauf à ce que le dossier ait été mal étayé en l’espèce par le Gouvernement, cette décision peut révéler une tentation du Gouvernement, pour des raisons politiques, à aller au-delà de ce permet à la lettre la loi du 10 janvier 1936.
Ce mouvement continua cependant par la suite. À gauche, un décret du 27 mai 1970 prononça la dissolution du groupement Gauche prolétarienne, connu également sous les noms de Parti communiste révolutionnaire prolétarien et de Nouvelle résistance populaire 88, dont la dissolution fut validée par le Conseil d’État 89 et un décret du 28 juin 1973 procéda à la dissolution de la Ligue communiste 90, laquelle fut validée par le Conseil d’État sur le fondement du 1°, la provocation à des manifestations armées dans la rue 91. À droite, fut dissous par un autre décret du 28 juin 1973 le groupe d’extrême droite Ordre Nouveau 92, dissolution qui fut acceptée par le juge à la fois sur le fondement du 1° mais aussi sur le fondement du nouveau 6°, l’incitation à la haine raciale, point sur lequel on reviendra car il marque l’entrée dans la période contemporaine d’utilisation de la loi de 1936 93. Le même parallélisme des extrémismes fut donc respecté.
Si l’utilisation de la loi de 1936 dans les années 1960 montre donc la souplesse dont elle peut faire preuve, l’exemple le plus frappant de son instrumentalisation possible par le Gouvernement, mais dans le même temps le plus méconnu, est son utilisation dans le cadre du processus de décolonisation. Véritable tabou doctrinal, sauf exception 94, ce précédent historique éclaire d’une lumière particulière le caractère exorbitant de la loi de 1936.
2. La tâche de la décolonisation
L’atteinte à l’intégrité du territoire national au sens du 3° de la loi de 1936 a été une arme redoutable dans le cadre de la lutte de l’État contre le processus de décolonisation, notamment sous la IVème République (a). Pour autant, la loi du 10 janvier 1936 sut encore faire par la suite la démonstration de sa plasticité, dans le sens où elle servit tout aussi bien à lutter contre ceux qui se battaient encore, une fois le processus de décolonisation enclenché, pour le maintien de l’Empire français (b).
a. La lutte contre les indépendances
Le fait est méconnu, voire tabou, mais la loi de 1936 a servi de moyen de lutte massif contre les velléités indépendantistes des colonies. De nombreuses zones furent concernées.
En premier lieu, ce fut bien sûr le cas pour l’Algérie française. L’atteinte à l’intégrité du territoire national avait déjà servi de fondement juridique à des dissolutions, au moins à deux reprises, pour maintenir l’Empire colonial français avant la seconde guerre mondiale : en janvier 1937, avec la dissolution de l’Étoile Nord-Africaine 95 ou en septembre 1939 avec la dissolution du Parti du peuple algérien 96. Ce mouvement s’est renforcé suite à l’accession à l’indépendance d’autres colonies françaises, notamment en Indochine. Ainsi, un décret du 5 novembre 1954 procéda à la dissolution du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques ainsi que des organisations qui en émanent ou s’y rattachent directement, ce mouvement n’étant que la reprise du Parti du peuple algérien dissous en application du décret du 26 septembre 1939 97. Un décret du 12 septembre 1955 procéda à la dissolution du Parti communiste algérien 98 et un autre décret du 29 juin 1957 prononça la dissolution du Mouvement national algérien et du Front de libération nationale, lesquels émanaient du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques précédemment dissous 99. Le 27 janvier 1958, c’est l’Union générale des étudiants musulmans algériens qui fut dissoute 100 et enfin, le 23 août 1958, fut dissoute l’Amicale générale des travailleurs algériens résidant en France 101. L’utilisation de la loi de 1936 fut donc massive, avant que la politique française, sous l’impulsion du général de Gaulle, ne se retourne.
En deuxième lieu, ce fut le cas de l’Indochine, qui constitue un exemple très intéressant tant par l’utilisation massive de cette procédure pendant la guerre que pour le soutien qu’a apporté le Conseil d’État à la mise en œuvre de cette politique. La loi du 10 janvier 1936 fut d’abord utilisée à de nombreuses reprises. Un décret du 18 octobre 1945 procéda à la dissolution du groupe de fait Délégation générale des indochinois 102. Un décret du 14 juin 1950 prononça la dissolution de l’Association générale des étudiants vietnamiens en France 103 et un décret du 28 septembre 1950 celle de l’Union des vietnamiens de France 104. Enfin, vers la fin de la guerre, deux décrets du 16 avril 1953 prononcèrent la dissolution de l’Association nationale des rapatriés d’Indochine et de l’Association France-Vietnam 105, ces deux groupes n’ayant cessé, d’après Le Monde de cette époque, de « témoigner une sympathie active au Vietminh, réclamant l’arrêt des hostilités à n’importe quel prix et le rembarquement immédiat du corps expéditionnaire » 106.
Cette hypothèse conduisit en outre à une intéressante prise de position jurisprudentielle. La jurisprudence du Conseil d’État, quoique tardive, se montra en effet favorable à une telle utilisation de la loi de 1936. Certes, dans un premier arrêt du 18 décembre 1957 qui n’est d’ailleurs que mentionné aux tables et non reproduit, le Conseil d’État a considéré que l’Association France-Vietnam ne pouvait être dissoute au nom de l’intégrité du territoire national, « les pièces du dossier ne révélant pas que l’association ait en fait poursuivi un tel objectif » 107, celle-ci présentant un objet humanitaire 108. Cependant, si le juge administratif fit ici preuve d’une certaine fermeté et imposa le garde-fou d’une interprétation stricte de la lettre de la loi dans les circonstances de cette espèce, il ne faudrait pas en déduire la mise en œuvre d’une politique jurisprudentielle défavorable aux intérêts de l’État. En effet, le décret de 1945, procédant à la dissolution de l’association de fait dite Délégation générale des indochinois fit l’objet d’un recours contentieux, donnant lieu à un arrêt Sieurs Hoang-Xuan Man de Section du 9 janvier 1959, rendu près de 15 ans après la promulgation du décret. Nul doute que la solution rendue a validé a posteriori l’utilisation de la loi de 1936 dans le cadre du processus de décolonisation à cette époque, le Conseil d’État ayant considéré que la dissolution était justifiée sur le fondement du 3°, l’atteinte à l’intégrité du territoire national, « dès lors que cette association s’était livrée à une propagande hostile au maintien de la souveraineté française sur la Fédération indochinoise, – au sein de laquelle était compris la Cochinchine, qui avait à la date du décret attaqué statut de colonie française et dont le territoire faisait partie du territoire national », et ce même si ce dessein n’avait été suivi d’aucun acte d’exécution 109. Si cette position peut se comprendre en toute rigueur juridique, elle ne manque pas de révéler néanmoins une forme de politique jurisprudentielle.
En troisième lieu, ce constat est vrai aussi pour Madagascar. Trois décrets du 10 mai 1947 prononcèrent la dissolution de groupes indépendantistes malgaches, le Parti national malgache ou Panama, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (en France) et le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (à Madagascar) et l’organisation dite Jeunesse Nationaliste 110.
En quatrième lieu, les autres pays de l’Afrique ne furent pas en reste. Un décret du 13 juillet 1955 procéda à la dissolution de l’Union des populations du Cameroun ainsi que de toutes organisations qui en émanent ou s’y rattachent directement, ainsi de la Jeunesse démocratique camerounaise et de l’Union démocratique des femmes camerounaises 111. Le Conseil d’État fit preuve d’une grande compréhension dans cette affaire. Dans un arrêt d’Assemblée du 12 juillet 1956 Sieurs M’Paye, N’Gom et Moumie, le Conseil considéra d’abord que la loi du 10 janvier 1936 était bien applicable au Cameroun, en vertu du mandat français sur le Cameroun en date du 20 juillet 1922 et de l’article 4 A-1° de l’accord de tutelle pour le territoire du Cameroun approuvé par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 14 décembre 1946 et publié au Journal officiel de la République française le 27 janvier 1948, et ensuite que les associations considérées provoquaient à des manifestations armées dans la rue et constituaient des groupes de combat 112. On peut également citer un décret du 13 juillet 1967 portant dissolution du parti Mouvement populaire de la Côte française des Somalis 113.
En cinquième lieu, on peut faire référence ici à la dissolution de groupes qui ont défendu l’indépendance de certaines parties du territoire français qui ne sont pas devenues indépendantes par la suite. Peuvent être mentionnées ici la dissolution par un décret du 22 juillet 1961 d’un groupement autonomiste antillais, le Front commun antillo-guyanais 114 et la dissolution par deux décrets du 5 novembre 1963 du Rassemblement démocratique des populations tahitiennes et du « parti politique dénommé Pupu Tiama Maohi » 115, dissolution acceptée par le Conseil d’État dans un arrêt du 15 juillet 1964, Dame Tupua et autres au motif que ce « parti indépendant tahitien » avait pour programme d’instaurer « en Polynésie une république indépendante, dont notamment la Polynésie française aurait fait partie, cessant ainsi de constituer un territoire d’Outre-mer de la République française », et portait ainsi atteinte à l’intégrité du territoire national, et ce « sans qu’il soit nécessaire que ce dessein ait été suivi d’actes d’exécution» conformément à sa jurisprudence classique 116.
Enfin, par ailleurs, les pouvoirs publics n’hésitèrent pas non plus à faire usage, à cette fin, de la procédure parallèle de dissolution des associations étrangères. De nombreux groupes furent visés, comme par exemple, l’Amicale des vietnamiens et Associations des intellectuels vietnamiens en 1951 117, la Confédération nord-africaine des étudiants en 1958 118, l’Union des populations du Cameroun en 1963 119, etc.
En conclusion, nul ne s’en prévaudra à la défense de la loi du 10 janvier 1936 ou de l’article L.212-1 CSI, mais c’est pourtant un fait : cette loi a servi de fondement massif à la politique de l’État français pour maintenir son Empire colonial. Certes, d’un point de vue strictement juridique, le 1°, 2° ou 3° pouvaient servir de fondement à de telles dissolutions, et l’on pourrait se prévaloir de la neutralité juridique de la règle. Mais ce n’est que pour mieux constater sa ductilité politique. Celle-ci est encore confirmée par le constat que cette loi a ensuite pu être utilisée dans un sens politique inverse, lorsque la France a accepté le processus de décolonisation.
b. Le revirement
En effet, à front renversé, la même loi a été utilisée pour dissoudre les groupements de partisans de l’Algérie française, notamment après que la politique de l’État français ait changé sur ce point après l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir.
Ce fut le cas tout d’abord pendant la crise du 13 mai 1958. L’éphémère gouvernement Pflimlin tenta de faire face à la situation en prononçant la dissolution de quatre organisations putschistes par quatre décrets du 15 mai 1958 : le Front d’action nationale, le Mouvement Jeune Nation, la Phalange française et le Parti patriote révolutionnaire 120. On sait que le succès ne fut pas au rendez-vous.
Après son retour au pouvoir le général de Gaulle n’hésita pas à utiliser la loi du 10 janvier 1936 cette fois dans le sens de la décolonisation et contre les partisans de l’Algérie française. Non seulement un décret fut adopté le 17 décembre 1960 afin de dissoudre le Front de l’Algérie française 121, mais une ordonnance n° 60-1856 fut adoptée le 22 décembre 1960 sur le fondement de la loi n°60-101 du 4 février 1960 autorisant le gouvernement à prendre, en application de l’article 38 de la Constitution, certaines mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sauvegarde de l’État, à la pacification et à l’administration de l’Algérie 122, qui confirma l’applicabilité de la loi de 1936 à l’Algérie et en augmenta même la sévérité en permettant la dissolution d’associations ayant manifesté leur solidarité avec des organismes faisant ou ayant fait l’objet de mesures de dissolution 123. Sur ce fondement furent dissoutes de nombreuses organisations favorables à l’Algérie française : le Front National pour l’Algérie française par un décret du 23 décembre 1960 124, le Front national combattant par un décret du 28 avril 1961 125, le Comité d’entente pour l’Algérie française par un décret du 1er juillet 1961 126, le Mouvement national révolutionnaire par un décret du 26 juillet 1961 127, le Comité de Vincennes par un décret du 27 novembre 1961 128, l’Organisation de l’armée secrète par un décret du 7 décembre 1961 129, le Regroupement national par un décret du 20 mars 1962 130, le Conseil National de la Résistance par un décret du 11 septembre 1962 131
En fonction des circonstances, la loi du 10 janvier 1936 put donc servir des objectifs politiques opposés, au profit des gouvernements qui « passent et qui changent », comme le disait le député Georges Pernot 132. Ce constat n’a pas changé depuis.
3. Les utilisations contemporaines
Les années 1970 peuvent sans doute être considérées comme le début de la période contemporaine dans l’utilisation de la loi de 1936. Les grands évènements historiques étant passés, l’utilisation de la loi va suivre les évolutions de la société et de la politique étatique, au gré des besoins du moment, lesquels s’avéreront nombreux et diversifiés. Elle s’enrichira aussi de nouvelles hypothèses de fond justifiant les dissolutions.
En premier lieu, cette loi continua d’être utilisée pour lutter contre les associations séparatistes. Un décret du 30 janvier 1974 procéda à la dissolution d’un certain nombre de groupements de fait sur le fondement de l’atteinte à l’intégrité du territoire, basques, bretons ou corses : Enbata, le Front de Libération de la Bretagne – Armée républicaine bretonne, le Front de Libération de la Bretagne – Pour la libération nationale et le socialisme- Armée de libération de la Bretagne et le Front patriotique corse de libération (Fronte Païsanu Corsu di Liberazione) 133. Un peu plus tard, un décret du 27 août 1975 procéda à la dissolution de l’Action pour la renaissance de la Corse 134, laquelle fut validée par le Conseil d’État sur le fondement du 1° dans un arrêt Siméoni de 1977 135. Ce type d’utilisation s’est poursuivi dans les années 80. Un décret du 5 janvier 1983 procéda à la dissolution du Front de libération nationale de la Corse 136, un décret du 27 septembre 1983 procéda à la dissolution du Consulte des comités nationalistes, groupe indépendantiste corse 137 et un décret du 9 mai 1984 procéda à la dissolution du groupe Alliance révolutionnaire Caraïbe 138. À la fin des années 80, un décret du 22 janvier 1987 procéda à la dissolution du Mouvement corse pour l’autodétermination 139 et un décret du 5 juin 1987 procéda à la dissolution de l’association A Riscossa, une association corse, ainsi que ses sections locales 140. Le Conseil d’État, validant la dissolution du Mouvement corse pour l’autodétermination, pratiqua une politique jurisprudentielle qui autorisa ce type de dissolution sur le fondement de l’atteinte à l’intégrité du territoire 141.
En deuxième lieu, cette période est marquée par le renouveau de la lutte contre les groupements d’extrême-droite. Cela s’explique largement par une évolution importante de la loi avec l’adoption de l’article 9 de la loi n°72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, ayant créé les premières infractions pénales pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence. Cette loi inséra un nouveau motif permettant de se servir de la loi de 1936, un 6°, en vertu duquel peuvent être dissous les groupements qui « provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence » 142. Ce fondement nouveau fut utilisé très tôt par un décret du 28 juin 1973 prononçant la dissolution du groupe d’extrême droite Ordre Nouveau 143. Celle-ci fut acceptée par le Conseil d’État dans un arrêt Robert du 9 avril 1975 dont le fichage est parfaitement explicite : « L’association « Centre de recherche et de documentation pour l ‘avènement d’un ordre nouveau dans le domaine social, économique et culturel », connue sous le nom « d’Ordre nouveau », ayant, par la diffusion de tracts et par sa participation à des actes de violence dont elle a revendiqué la responsabilité, appelé à des manifestations armées dans la rue et propagé, notamment dans une publication, des idées tendant à encourager la discrimination, la haine ou la violence à l’égard de groupes de personnes à raison de leur race, de leur nationalité ou de leur religion, légalité du décret prononçant la dissolution de cette association » 144. Le juge administratif a donc rendu immédiatement opératoire ce nouveau fondement de dissolution. Or il s’agit d’une évolution particulièrement importante de la loi dans la mesure où, à l’instar du 3°, c’est une hypothèse dans laquelle la seule idéologie peut entraîner la disparition d’une association.
Par la suite, les 1°, 2° et 6° de la loi du 10 janvier 1936 ont très souvent été utilisés de façon alternative ou cumulative pour lutter contre des groupes d’extrême-droite en fonction des circonstances. Un décret du 3 septembre 1980 procéda à la dissolution de l’association Fédération d’action nationale et européenne, dite F.A.N.E 145, groupuscule néo-nazi 146. Un décret du 3 août 1982 procéda à la dissolution du groupe Service d’action civique 147, laquelle fut validée par le Conseil d’État 148, un décret du 24 août 1982 procéda à la dissolution d’Action directe 149 et un décret du 2 septembre 1993 à la dissolution du groupement de fait Heimattreue Vereinigung Elsass – HVE, ou Association de fidélité à la partie alsacienne 150, organisation nazie 151. Bien plus médiatisé, un décret du 6 août 2002 prononça la dissolution du groupe Unité radicale 152, rendu célèbre parce que l’un de ses militants, Maxime Brunerie, avait tenté d’assassiner le président de la République Jacques Chirac lors du défilé du 14 juillet 2002 153. Plus folklorique, un décret du 19 mai 2005 a procédé, sur le fondement exclusif du 6°, à la dissolution du groupe Elsass Korps, qui se livrait à la propagation d’idées et de théories nazies, racistes et antisémites 154 : en réalité il s’agissait d’un groupe de black métal, raison pour laquelle il ne fut dissous que sur le fondement du 6° 155. Moins amusantes, peuvent être mentionnées les dissolutions du groupe suprémaciste noir et fortement antisémite Tribu Ka dissous par un décret du 28 juillet 2006 156, validée par le Conseil d’État 157, puis du groupement de fait Jeunesse Kémi Seba, qui n’était que la reconstitution de la Tribu Ka, par un décret du 15 juillet 2009 158. Dans l’air du temps, on peut citer le décret du 1er mars 2012 ayant procédé à la dissolution du groupement de fait Fosane Alizza, groupe de combat ayant pour objet de remettre en cause la forme républicaine du gouvernement en « appelant à l’instauration du califat et à l’application de la charia en France » et remettant ainsi « en cause le régime démocratique et les principes fondamentaux de la République que sont la laïcité et le respect de la liberté individuelle », sur les fondements des 2° et 3° de la loi de 1936 159.
Parallèlement, les dernières évolutions législatives sont revenues à des choses sans doute plus proches de l’esprit initial de la loi de 1936 en s’étendant au terrorisme. La loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme a ajouté un 7° visant les groupements qui « se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger » 160. Cet alinéa fut utilisé tout d’abord par un décret du 26 juin 1987 procédant à la dissolution de l’association Ahl Elbeit car elle se livrait sur le territoire français, ou à partir du territoire français, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme 161. Il fut également utilisé par le décret du 17 juillet 1987 portant dissolution du groupement de fait Iparretarak, lequel avait pour objet de soustraire les Pyrénées-Atlantiques à la souveraineté française et pour ce faire se livrait à des actes de terrorisme 162. Des groupes terroristes kurdes furent aussi visés : deux décrets du 2 décembre 1993 procédèrent à la dissolution de la Fédération des associations culturelles et des travailleurs patriotes du Kurdistan en France – Yekkom Kurdistan, des associations qu’elle regroupe et du Comité du Kurdistan 163. Ces dissolutions furent considérées comme légales par le Conseil d’État dans un arrêt Comité du Kurdistan du 8 septembre 1995 164.
Enfin, bien sûr, ont été adoptés le décret du 12 juillet 2013 portant dissolution d’une association et deux groupements de fait qui vise les groupes Troisième Voie, Envie de rêver et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires, fondé sur le 2° et le 6° de l’actuel article L. 212-1 CSI et les deux décrets du 25 juillet 2013 ayant procédé à la dissolution de l’Œuvre française et des Jeunesses nationalistes, prenant appui sur le 2°, le 5°, et le 6°. Ces différentes dissolutions, à l’exception de celle de l’association Envie de rêver qui, gérant un bar, ne répondait pas directement ou indirectement aux critères de l’article L. 212-1 CSI, ont été jugées légales par le Conseil d’État dans l’arrêt Association « Envie de rêver » et autres du 30 juillet 2014 165 et par les arrêts Œuvre française et Jeunesses nationalistes du 30 décembre 2014 166. Cependant, les circonstances de l’adoption de ces décrets et notamment leur utilisation politique par le ministre de l’intérieur de l’époque ne manquent pas de souligner l’omniprésence de l’instrumentalisation de cette procédure 167.
En conclusion, l’analyse historique démontre donc que la loi du 10 janvier 1936 est un dispositif juridique politiquement équivoque. Loin de se réduire à la défense objective de la République, cette loi a fourni à l’État un instrument très efficace pour poursuivre ses intérêts, dans un sens ou dans un autre, dans pratiquement toutes les circonstances.
Ce résultat est étayé par les chiffres qui ressortent de l’étude historique. On peut donc compter environ 124 dissolutions prononcées sur le fondement de la loi du 10 janvier 1936 et sur des avatars de celle-ci. Sur ces 124 dissolutions, 39 environ ont fait l’objet d’un recours juridictionnel, 29 ont été acceptées par le Conseil d’État et 10 ont été annulées. Sur ces 10 annulations, 7 concernent directement la loi de 1936. 2 sont des annulations prononcées pour des motifs de légalité externe. Seules 5 dissolutions prononcées sur le fondement de la loi de 1936 ont été annulées sur le fond 168, moins de 5% du total. Ce chiffre démontre à lui seul la grande efficacité de la loi du 10 janvier 1936 et/ou de ses avatars 169.
Alors, bien sûr, au regard de ce résultat, la question se pose de savoir s’il est pertinent de maintenir le principe même d’une dissolution administrative alors que le principe de la liberté d’association, aujourd’hui comme hier, appelle plutôt une dissolution judiciaire 170. Évidemment, les États démocratiques ont besoin, pour se protéger, d’une procédure permettant de dissoudre les associations dangereuses. Mais les données politiques et juridiques contemporaines ne sont pas celles des années 1930 et ne justifient peut-être plus, au regard des libertés, le maintien d’une procédure à ce point flexible. C’est d’ailleurs la solution adoptée par la loi n°2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, qui a consacré la compétence du juge judiciaire alors que l’intégration d’un nouvel alinéa à la loi du 10 janvier 1936 avait été discutée 171.
Cependant, nous n’en sommes pas là. Au contraire, un tel constat historique s’explique aussi juridiquement. En effet, la loi du 10 janvier 1936 apparaît comme un dispositif assez exceptionnel et dérogatoire du point de vue du droit de la police administrative, ce qui le rend d’autant plus utile pour les pouvoirs publics.
II. Analyse juridique : une police d’exception
En droit positif, la loi du 10 janvier 1936 est aujourd’hui abrogée et intégrée dans l’article L. 212-1 CSI. Cette loi a eu vocation à entrer dans le champ du code de la sécurité intérieure dès que la décision d’adopter ce dernier, « regroupant l’ensemble des textes qui intéressent la sécurité publique et la sécurité civile », a été prise par la loi LOPSSI en 2002 172. La loi LOPPSI 2 adoptée en 2011, habilitant le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à la codification des dispositions législatives relatives à la sécurité publique et à la sécurité civile sur le fondement de l’article 38 de la Constitution 173 permit à ce dernier d’adopter le code de la sécurité publique par l’ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012, qui abrogea les articles 1 et 2 de la loi du 10 janvier 1936 (article 19) pour les remplacer par l’article L.212-1 CSI. Cinq mois plus tard, ce dispositif a acquis pleine valeur législative avec la ratification de l’ordonnance opérée par l’article 24 de la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
Cette codification s’est faite à droit constant et n’a pas changé le régime juridique de ce dispositif de dissolution administrative qui apparaît à maints égards exceptionnel, expliquant ainsi en partie la plasticité de son utilisation. On le constate s’agissant des conditions de mise en œuvre de la dissolution (A), des effets de la dissolution (B) et enfin du contrôle du juge administratif sur les mesures adoptées (C).
A. Les conditions de mise en œuvre
L’utilisation de l’article L. 212-1 CSI répond à des conditions de légalité interne (1) et de légalité externe (2).
1. La légalité interne
L’article L.212-1 CSI prévoit aujourd’hui sept motifs de dissolution. Ceux-ci répondent à des critères fixés par la jurisprudence et contrôlés par le juge. Si toutes les associations visées par ce texte peuvent être qualifiées d’associations dangereuses, on peut les regrouper par commodité dans trois catégories: la dissolution des associations violentes (a), des associations antirépublicaines (b) et des associations racistes (c).
a. La dissolution des associations violentes
L’article L.212-1, 1° et 2°, du CSI, selon lequel « sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ; 2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées » vise les hypothèses les plus classiques de dissolution, à savoir les associations violentes.
Le 1° s’apprécie de façon finaliste et matérielle. Dès lors qu’un groupe appelle à des manifestations armées dans la rue, il peut faire l’objet d’une dissolution administrative. Le juge utilise un faisceau d’indices pour vérifier que le groupement appelle effectivement à de telles manifestations : diffusion de tracts et d’affiches, publication d’articles et de journaux, consignes données aux militants, participation à des manifestations avec revendication de responsabilité 174. Un exemple assez folklorique peut être trouvé dans la jurisprudence : dans un arrêt Siméoni du 2 février 1977, le Conseil d’État a estimé que l’occupation de la cave d’un viticulteur par un groupe de militants armés de fusils de chasse, alors même qu’elle est exercée sur un lieu privé, devait être au regard des circonstances de l’espèce considérée comme une manifestation armée dans la rue au sens du 1° : les occupants avaient rendu publique l’occupation, ouvert la cave à la population, appelé à y tenir un « grand meeting populaire » et s’étaient enfuis les armes à la main à l’arrivée des forces de l’ordre 175.
Le 2° s’apprécie de la même manière. Les critères du groupe de combat et de la milice privée, en pratique confondus dans la jurisprudence, ont été posés par les conclusions des commissaires du gouvernement Detton et Josse sur les deux arrêts du 27 novembre 1936 Associations Le mouvement social des Croix de feu, Les Croix de feu et briscards, Les fils de Croix de feu et volontaires nationaux et Association Parti national populaire 176 lesquelles ont élaboré un faisceau d’indices. Celui-ci s’attache à l’objet de l’association, à la présence de groupes organisés selon une hiérarchie caractérisée par l’existence de grades, à la présence éventuelle d’uniformes, au maintien d’une discipline et enfin au développement de stratégies paramilitaires, notamment l’organisation d’exercices en vue de la préparation au combat 177. Ce faisceau d’indices a été utilisé par la chambre criminelle de la Cour de cassation dès 1939 178 et réitéré dans la jurisprudence postérieure du Conseil d’État 179. Il doit par ailleurs être mis en parallèle aujourd’hui avec la définition du groupe de combat donnée à l’article 431-13 du Code pénal selon lequel « constitue un groupe de combat, en dehors des cas prévus par la loi, tout groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d’une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l’ordre public ». Enfin, on peut noter que le juge a eu l’occasion de considérer de façon implicite que la prise en considération par le Gouvernement et par le juge d’un rapport parlementaire rendu public, pour estimer qu’une organisation présentait le caractère d’une milice privée ou d’un groupe de combat, ne violait pas la règle de séparation des pouvoirs 180.
En dernière analyse, ce sont bien ces indices qui sont utilisés par le Conseil d’État dans ses arrêts les plus récents de 2014. Dans l’arrêt Envie de rêver du 30 juillet 2014, le Conseil d’État a constaté, à propos du groupe Jeunesses nationalistes révolutionnaires, que celui-ci « constituait une organisation hiérarchisée, rassemblée autour de son chef, M.A…, avec comme devise : » Croire, combattre, obéir » ; que ses membres étaient recrutés selon des critères d’aptitude physique pour, le cas échéant, mener des actions de force en cas » d’affrontement » et qu’enfin, ceux-ci procédaient à des rassemblements, notamment sur la voie publique, en uniformes et en cortèges d’aspect martial » et qu’ainsi ce groupe constituait une milice privée avec le groupe Envie de rêver, avec lequel il était imbriqué de façon indissociable 181. Il en est de même dans l’arrêt Œuvre française du 30 décembre 2014, dans lequel ce groupe est qualifié de milice privée en raison de « l’existence « de camps de formation paramilitaire, physique et idéologique » », même si l’association n’en est pas directement l’organisatrice car il ressort « des pièces du dossier que, lors de ces camps, est arboré par les participants l’emblème de l’association » L’Œuvre française » et que la publication » Jeune C… », qui organise ces camps, constitue l’émanation de cette association ; qu’en outre, si les requérants soutiennent que l’association dispose d’un simple service d’ordre, il ressort également des pièces du dossier que l’organisation de celui-ci fait, en tout état de cause, apparaître l’existence d’un encadrement et d’une aptitude à l’action de force tels, eu égard aux exercices d’entraînement pratiqués au cours des camps de formation, que l’association » L’Œuvre française » pouvait être regardée comme une milice privée au sens du 2° de l’article L. 212-1 » 182. Le même faisceau d’indices est donc toujours mobilisé depuis 1936.
Enfin, correspond à cette catégorie des associations violentes la plus récente modification de la loi du 10 janvier 1936, le 7° de l’article L. 212-1 CSI en vertu duquel sont dissoutes les associations qui « se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger ». Le Conseil d’État recherche dans ce cas la présence d’une propagande terroriste particulière et la perpétuation d’attentats, en plus des critères propres à qualifier le 1° et le 2° qui pourront être facilement caractérisés dans une telle hypothèse 183.
b. La dissolution des associations antirépublicaines
La catégorie d’associations antirépublicaines est la plus large des trois et vise des cas de figure très différents les uns des autres. Elle a cependant pour ancrage commun de menacer les groupements qui véhiculeraient des objectifs contraires à l’article 1 de la Constitution en vertu duquel « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Si, historiquement, ce fondement a été largement utilisé pour justifier des dissolutions, il semble qu’il soit peu utilisé aujourd’hui et réservé à des circonstances exceptionnelles.
La première hypothèse ici est celle de l’article L.212-1 3°, qui vise la dissolution des groupes « qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ». Cet alinéa vise donc lui-même deux hypothèses nettement distinctes, qui présentent une caractéristique commune exceptionnelle.
S’agissant de l’atteinte à l’intégrité du territoire national, si les exemples d’application dans la pratique furent nombreux 184, la jurisprudence se positionna avec l’arrêt de Section Sieurs Hoang-Xuan Man du 9 janvier 1959, le Conseil d’État estimant le critère du 3° rempli « dès lors que cette association s’était livrée à une propagande hostile au maintien de la souveraineté française sur la Fédération indochinoise, – au sein de laquelle était compris la Cochinchine, qui avait à la date du décret attaqué statut de colonie française et dont le territoire faisait partie du territoire national » 185. Cette solution a été confirmée par l’arrêt Dame Tupua et autres du 15 juillet 1964, la dissolution étant acceptée au motif que le parti en cause avait pour programme d’instaurer « en Polynésie une république indépendante, dont notamment la Polynésie française aurait fait partie, cessant ainsi de constituer un territoire d’Outre-mer de la République française » 186, puis par un arrêt Association Enbata et autres du 8 octobre 1975, selon lequel la dissolution était justifiée dans la mesure où l’association « s’était donnée pour but la « libération » du pays basque français de la « domination » de l’État français et sa réunification avec les provinces basques d’Espagne en une unité politique nouvelle reconnue sur le plan international et assurant au peuple basque le plein exercice de son droit à se gouverner lui-même » 187.
Cette solution est appliquée aussi lorsque l’atteinte à l’intégrité du territoire s’analyse en termes de « peuple ». Ainsi, le Conseil d’État a admis la dissolution du Mouvement corse pour l’autodétermination au motif que ce groupement de fait « s’était donné pour but, dans la continuité de l’action menée par les organisations précédemment dissoutes intitulées « Front de Libération Nationale de la Corse » et « Consulte des Comités Nationalistes », « la reconnaissance du peuple corse et de ses droits nationaux par la lutte de libération nationale » » et « qu’un tel but est de nature à porter atteinte à l’intégrité du territoire national » 188. On rejoint ici la problématique bien connue de l’absence de reconnaissance du peuple corse justifiée par le caractère indivisible du peuple français en tant que « concept juridique » 189.
Si le 3° justifie donc la dissolution de groupes indépendantistes, la question de la dissolution de groupes simplement autonomistes reste posée. Il n’existe pas d’exemple récent qui permettrait de se positionner avec certitude sur ce point, mais on peut imaginer qu’un groupe défendant une forme de régionalisme sans remettre en cause la souveraineté de la France sur le territoire en cause pourrait ne pas être considéré comme entrant dans ce cas de figure. C’est bien l’indivisibilité du territoire de la République qui est ici en cause.
S’agissant de la volonté d’attenter à la forme républicaine du Gouvernement par la force, il s’agit de fonder la dissolution d’associations dont le programme politique est de renverser par la violence la République en tant que régime politique au profit d’autres types de régimes, à condition de pouvoir établir que tel est vraiment leur objectif 190. Cette hypothèse a fait l’objet d’une clarification jurisprudentielle ancienne puisque c’est précisément à cette fin qu’a été créée la loi du 10 janvier 1936. Sont ainsi visés les groupes qui tendent au « rétablissement de la monarchie par tous moyens, notamment par l’emploi de la force » 191. Il en est de même des groupes d’extrême-droite tels que l’association Parti Nationaliste qui « avait pour but la destruction du régime républicain et était disposée à utiliser la force, le cas échéant, pour parvenir à ses fins » 192. Dans le même ordre d’idée, s’il avait fait l’objet d’un recours contentieux, il ne fait guère de doute que le décret du 1er mars 2012 ayant procédé à la dissolution du groupement de fait Fosane Alizza aurait été validé dans la mesure où ce groupe avait pour objet de remettre en cause la forme républicaine du gouvernement en « appelant à l’instauration du califat et à l’application de la charia en France » et remettait ainsi « en cause le régime démocratique et les principes fondamentaux de la République que sont la laïcité et le respect de la liberté individuelle » 193.
Ces deux hypothèses de dissolution d’associations antirépublicaines ont, malgré leur différence d’objet, un point commun qui rend leur régime juridique exceptionnel, démontrant à quel point la défense de la République constituait le cœur de la loi de 1936 mais aussi à quel point la politique jurisprudentielle du Conseil d’État s’est avérée favorable à une utilisation maximale de ce dispositif par le Gouvernement. En effet, la jurisprudence du Conseil d’État a très tôt posé le principe, dans l’arrêt d’Assemblée publique Sieurs de Lassus, Pujo, et Real del Sarte du 4 avril 1936, selon lequel la dissolution pouvait être mise en œuvre sur le fondement du 3° de la loi de 1936 même en l’absence d’actes matériels d’exécution. Alors que l’Action française faisait valoir qu’elle n’avait pas recours à la force pour imposer la monarchie, que « la loi ne pourrait être appliquée que si, pour porter atteinte à la forme républicaine du gouvernement, les groupements visés avaient eu effectivement recours à la force, et qu’aucun desdits groupements, qui seraient d’ailleurs distincts, ne remplirait cette condition », le Conseil d’État estima au contraire que « la loi prévoit la dissolution de tous groupements ayant pour but d’attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement, sans qu’il soit nécessaire que ce dessein ait été suivi d’actes d’exécution » 194. Cette jurisprudence a été confirmée tant en ce qui concerne la volonté d’attenter à la forme républicaine du gouvernement 195 qu’en ce qui concerne la volonté de porter atteinte à l’intégrité du territoire 196. Sur le fondement du 3°, la loi du 10 janvier 1936 apparaît donc comme une police purement idéologique, ne nécessitant pas d’actes matériels. Il n’est pas certain que cette solution serait reprise telle quelle aujourd’hui.
Enfin, une hypothèse très différente d’association antirépublicaine susceptible de faire l’objet d’une procédure de dissolution est l’association d’obédience vichyste. Cette hypothèse est prévue par les articles L. 212-1 CSI 4° et 5° qui visent à sanctionner les associations « dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine » ou « qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ». Évidemment, ces hypothèses sont surtout historiques, l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ayant fait l’essentiel du travail à la sortie de la seconde guerre mondiale 197.
Concernant le 4°, sa caractérisation a été consacrée par la jurisprudence mais elle est purement tautologique : dans l’arrêt d’Assemblée Mouvement socialiste d’Unité Française du 4 avril 1952, le Conseil d’État s’était contenté, à propos de la dissolution des groupements dont le but est de faire échec aux mesures qui ont contribué au rétablissement de la légalité républicaine, de constater qu’il ressortait « tant des statuts que des publications versées au dossier que tel était le but poursuivi » par ce mouvement 198. Cette solution fut confirmée en 1955 199.
Concernant le 5°, ce fondement est parfois utilisé pour fonder une dissolution 200 mais le cas de figure est aujourd’hui rarissime. Il s’est pourtant produit récemment, en juillet 2013, avec la dissolution de l’Œuvre française 201, ce qui a permis au Conseil d’État de faire œuvre de jurisprudence. C’est en effet seulement dans l’arrêt Œuvre Française du 30 décembre 2014, et donc très tardivement, que le 5° a été directement précisé par le Conseil d’État. Celui-ci a développé un faisceau d’indices composé d’« éléments précis et concordants » qui peuvent être les suivants : participation aux commémorations de la mort de Philippe Pétain, organisation de camps d’été placés sous la haute figure de celui-ci, commémoration ou référence dans les publications de l’association à des personnalités favorables à la collaboration avec l’ennemi pendant la seconde guerre mondiale, choix d’emblèmes rappelant ceux utilisés par le régime de l’État Français, participation à certains événements organisés par une association d’individus condamnés pour délit de négationnisme, etc. 202.
c. La dissolution des associations racistes
Enfin, le caractère exceptionnel de l’article L. 212-1 CSI, notamment dans son aspect de dispositif de sanction idéologique, se retrouve dans son 6°, en vertu duquel peuvent être dissous les groupements qui « provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». De ce point de vue, l’article L. 212-1 6° CSI préfigurait, certes dans un cas de figure spécifique, la solution rendue dans les affaires Dieudonné, intégrant dans l’ordre public et la dignité humaine de la police administrative générale l’incitation à la haine et à la discrimination 203.
Pour déterminer si ce critère est rempli, le juge utilise un faisceau d’indices purement administratif. Ainsi, la circonstance qu’aucune infraction pénale n’ait été punie s’agissant des auteurs de tels propos est sans incidence sur leur qualification au sens du 6° de l’article L. 212-1 CSI d’après la jurisprudence du Conseil d’État 204. La question de savoir quels sont les éléments composant ce faisceau d’indices reste cependant délicate.
Dans la jurisprudence ancienne, la qualification n’était pas très précise et confinait parfois à la simple reprise du texte de la loi 205. Dans d’autres arrêts, le juge a fait preuve de plus de précision au moins en ce qui concerne les éléments matériels sur lesquels se baser pour déterminer l’incitation à la haine raciale : ainsi dans l’arrêt du Conseil d’État Capo Chichi du 17 novembre 2006 ayant à connaître de la dissolution de la Tribu Ka, le Conseil constate « qu’il ressort des pièces du dossier que par leurs déclarations, leurs communiqués de presse et les messages diffusés sur leur site internet, ainsi que par une action collective à caractère antisémite, concertée et organisée, commise le 28 mai 2006, rue des Rosiers, à Paris, les membres de la « Tribu Ka » ont provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence envers des personnes à raison de leur appartenance à une race ou une religion déterminée, et propagé des idées ou théories à caractère raciste et antisémite » 206.
Cependant, un tel raisonnement n’était toujours pas suffisamment précis, ainsi qu’en atteste la solution surprenante rendue dans l’arrêt Envie de rêver. Dans cet arrêt, le Conseil d’État a considéré « qu’il ne ressortait pas des pièces versées au dossier que Troisième Voie et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires auraient, par leurs activités, leurs écrits, leurs déclarations ou leurs actions collectives, provoqué à la haine, à la discrimination ou à la violence au sens du 6° ». Si on reconnaît ici le faisceau d’indices utilisé dans l’arrêt Capo Chichi, il reste que le Conseil d’État utilisa un considérant remarquablement bref et expéditif, sans justifier réellement sa décision. Par ailleurs, il considéra également que l’association Envie de rêver n’incitait pas elle-même à une telle discrimination 207. Or cette solution n’allait pas de soi, dans la mesure où le décret attaqué s’appuyait sur des éléments absolument édifiants, tels que l’objet de l’association, faire la « promotion de l’idéologie nationaliste révolutionnaire », l’utilisation du salut nazi ou la diffusion d’idées discriminatoires envers les personnes à raison de leur non-appartenance à la nation française et de leur qualité d’immigré 208. Certes, le rapporteur public Edouard Crepey faisait état d’un dossier « particulièrement mal étayé sur ce point ». Alors que la jurisprudence exige des éléments précis comme des publications, des messages diffusés sur internet, des discours ou des déclarations, il constatait que peu d’éléments nourrissaient le dossier en l’espèce: ici, une interview au journal Rivarol dans laquelle Serge Ayoub professait un discours antisystème radical mais qui ne contenait pas de provocation à la haine ou à la discrimination 209. Cependant, ce que l’on sait en général de ces groupes incite à penser qu’ils pourraient relever du 6° : présence massive de skinheads, références antisémites, promotion de l’idée de suprématie de la race blanche, etc. En outre, l’association Envie de rêver gère Le local, considéré comme un bar servant de quartier général à cette partie de l’ultra-droite parisienne 210. Sur ce point d’ailleurs, l’argumentation du rapporteur public n’emporte guère la conviction : autant les thèmes des conférences données au Local (œuvre sociale de Napoléon III, Staline, doctrine sociale de l’Église, Jacques Bainville, le coup d’Etat de 1958, Poutine et l’occident, la crise grecque, l’immigration, l’identité, la Nation, la tentation du cosmopolitisme, Poujade avait raison, les conquêtes musulmanes du VIIe siècle à nos jours), que les intervenants (Robert Ménard, Paul-Marie Couteaux, Serge Ayoub) indiquent clairement l’orientation de l’organisation 211. À tout le moins, on pouvait donc attendre que le Conseil d’État établisse plus solidement son argumentation.
Le juge administratif suprême a semble-t-il répondu à cette attente dans les deux arrêts Œuvre française et Jeunesses nationalistes du 30 décembre 2014. Il exige désormais des « éléments précis et concordants » pour qualifier les faits. Pour l’Œuvre française, il s’agit d’articles ou d’entretiens, de communiqués de l’association diffusés sur son site internet, comportant directement ou indirectement, par référence à des auteurs de théories ou de publications à caractère raciste ou antisémite, des éléments provoquant à la discrimination ou justifiant cette discrimination, ainsi que certains évènements non organisés par l’association directement mais ne pouvant être imputés qu’à elle eu égard à l’étroite imbrication entre cette association et les organisateurs directs des évènements 212. Pour les Jeunesses nationalistes, il s’agit de communiqués et de déclarations en ce sens. Le décret notait que l’association Jeunesses Nationalistes avait pour objet de promouvoir le nationalisme français, s’attaquait surtout à l’immigration musulmane et que les membres de cette association se qualifiaient eux-mêmes de « souchiens » 213.
La jurisprudence est donc de plus en plus précise sur la qualification d’incitation à la haine raciale. Cependant, à l’instar de la jurisprudence pénale en la matière sur le fondement de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, elle n’est pas encore dénuée de toute incertitude de fond, s’exerçant beaucoup au cas par cas, et devra encore gagner en précision.
En conclusion, il ressort des éléments qui précèdent que les motifs de dissolution prévus par la loi de 1936 sont larges et répondent à des conditions de mise en œuvre souples sur le fond, centrées sur des faisceaux d’indices, lesquels peuvent dans certaines circonstances être dénués de toute considération matérielle et toucher la seule idéologie. Une telle plasticité juridique, bien entendu, n’est pas sans lien avec la ductilité historique qui caractérise la loi de 1936. On la retrouve s’agissant de la légalité externe.
2. La légalité externe
Si la loi accorde substantiellement beaucoup de pouvoir au gouvernement, il est possible de trouver une consolation dans l’encadrement formel de cette procédure et notamment sur les trois points suivants : compétence (a), motivation (b) et contradictoire (c). Ces points sont certes classiques mais néanmoins fondamentaux pour le dispositif : c’est en effet parce que « par ailleurs, le prononcé d’une telle dissolution, qui doit être motivé par application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir, en vertu des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, qu’au terme d’une procédure contradictoire permettant aux représentants de l’association ou du groupement de fait en cause de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales », que les dispositions de l’article L.212-1 CSI ont été considérées comme ne portant pas « une atteinte excessive au principe de la liberté d’association » et donc déclarées conformes à la Constitution par le Conseil d’État dans l’arrêt Envie de rêver du 30 juillet 2014 214.
a. La compétence
En termes de compétence, la dissolution des associations dangereuses relève des plus hautes autorités administratives et politiques de l’État. La loi du 10 janvier 1936 prévoyait explicitement dans son article 1er que « Seront dissous, par décret rendu par le Président de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait… ». Désormais, l’article L. 212-1 CSI prévoit que « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations et groupements… » mais le résultat est bien entendu le même en vertu des règles bien connues de répartition du pouvoir réglementaire sous la Vème République.
Dans un arrêt Sieur Marcellin et autres du 20 mars 1946, le Conseil d’État a considéré qu’une autorité administrative ne disposait pas du pouvoir de dissoudre une association en dehors d’une disposition législative le prévoyant, en visant la loi du 10 janvier 1936 215. Cette solution fut confirmée en 1960 216. Il est particulièrement important de rappeler la spécificité de la loi du 10 janvier 1936 sur ce point. Comme il a été vu précédemment, toutes les fois qu’avait été mis en place un avatar de la loi de 1936, le Conseil d’État s’était montré protecteur de la liberté d’association en redonnant finalement au juge judiciaire le pouvoir de constater les effets concrets de l’avatar sur les associations 217. A contrario, la loi du 10 janvier 1936 puis l’article L. 212-1 CSI constituent donc des dispositifs exceptionnels dérogeant à la compétence du juge judiciaire au profit de la compétence de l’autorité administrative.
Depuis que le régime des associations étrangères créé en 1939, qui permettait une dissolution par arrêté 218, a été définitivement abrogé 219, cette solution conduit en pratique à réserver aujourd’hui au Président de la République et au Premier ministre, par l’intermédiaire de l’article L. 212-1 CSI, le pouvoir de dissolution administrative des associations.
Le décret de dissolution doit par ailleurs être contresigné par le ministre responsable en vertu des articles 13 et 19 de la Constitution. Il s’agit du ministre de l’intérieur, selon une jurisprudence bien établie d’après laquelle la lutte contre les groupes de combat, le maintien de l’ordre, le contrôle des associations et des groupements, relèvent des prérogatives du ministère de l’intérieur. Le ministre de la Justice n’est pas une autorité intéressée devant contresigner le décret, quand bien même un ou plusieurs membres de ces organisations auraient été impliqués dans des affaires criminelles. Il s’agit d’une manifestation formelle du caractère strictement administratif, et donc exorbitant, du régime de dissolution de l’article L. 212-1 CSI 220.
Les autorités administratives disposent d’un pouvoir très fort quant à l’opportunité des dissolutions à mettre en œuvre mais aussi des dissolutions à ne pas mettre en œuvre. Ce principe a été posé par le Conseil d’État dans l’arrêt d’Assemblée Sieurs de Lassus, Pujo, et Real del Sarte du 4 avril 1936. Le juge, répondant à un moyen soulevé par l’Action française arguant d’un détournement de pouvoir, a considéré que « s’il est allégué par les requérants, à l’appui de ce moyen, que des groupements autres que l’Action française, qui seraient sujets à être dissous en vertu de la loi du 10 janvier 1936, ne l’ont cependant pas été, cette circonstance n’est pas de nature à entacher d’illégalité le décret attaqué ; qu’il n’est pas établi qu’en prenant ledit décret le gouvernement ait eu un but autre que la sauvegarde de l’intérêt public» 221. Ce principe a été confirmé par les deux arrêts d’Assemblée du 27 novembre 1936 concernant la dissolution des Croix de Feu et du Parti national populaire 222 et plus récemment par l’arrêt Capo Chichi du 17 novembre 2006 en vertu duquel « la circonstance, à la supposer établie, que d’autres groupes extrémistes auraient provoqué à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale sans faire l’objet d’un décret de dissolution sur le fondement de l’article 1er de la loi du 10 janvier 1936, est sans incidence sur la légalité du décret attaqué » 223.
La question s’est posée de savoir quel sort réserver à d’éventuelles décisions refusant de prononcer une dissolution. Dans un arrêt Ligue contre le racisme et l’antisémitisme du 20 décembre 1995, le Conseil d’État a estimé qu’il n’était pas compétent pour connaître des refus d’adopter des décrets de dissolution en renvoyant au tribunal administratif de Paris. Il a ainsi rejeté la requête de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme dirigée contre la décision implicite de refus du Président de la République de dissoudre l’Œuvre française en considérant que « le décret portant dissolution d’une association pris par le Président de la République en conseil des ministres n’est pas un acte ayant un caractère réglementaire ; que la décision implicite ou explicite de rejet de la demande de prendre un tel décret n’a pas davantage de caractère réglementaire ; que le champ d’application de cet acte ne s’étend pas au-delà du ressort du tribunal administratif dans lequel se trouve le siège de l’association ; que, dès lors, le Conseil d’État n’est pas compétent pour connaître en premier et dernier ressort les conclusions de la requête de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme dirigée contre la décision de refus de prendre un tel décret » 224. Il s’agit ici d’une application classique de la jurisprudence administrative, en vertu de laquelle les recours dirigés contre les refus de prendre des décrets relèvent de la compétence des tribunaux administratifs et non du Conseil d’État en premier et dernier ressort 225 sauf lorsque le décret adopté aurait revêtu un caractère réglementaire, auquel cas le Conseil d’État est compétent, non pas sur le fondement de sa compétence pour connaître des décrets mais de sa compétence pour connaître directement des actes réglementaires des ministres 226. Cette jurisprudence est donc appliquée à la dissolution : le refus de dissoudre n’étant ni un décret, ni un acte réglementaire, il ne relève pas de la compétence du Conseil d’État mais du tribunal administratif.
Enfin, s’il peut sembler évident que la dissolution n’appartient qu’aux seules autorités administratives compétentes et que le juge administratif ne saurait la prononcer lui-même, cette évidence a été rappelée dans la jurisprudence récente. Dans un arrêt La Grande Loge Nationale Française (GLNF) du 2 janvier 2012, le Conseil d’État, confronté à la demande d’« ordonner que soit prononcée la dissolution administrative » de la section polynésienne de l’association La Grande Loge Nationale Française, a rejeté la requête comme manifestement irrecevable au sens de l’article L.522-3 CJA en estimant logiquement que les conclusions de la requérante « ne mettent en cause aucune décision d’une autorité administrative susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale » et « qu’ainsi elles ne se rattachent ou ne sont susceptibles de se rattacher à aucun litige relevant de la compétence du Conseil d’État » 227.
b. La motivation
Pendant longtemps et conformément aux principes généraux du droit administratif en vigueur à l’époque, la motivation des actes de dissolution n’était pas obligatoire. Ainsi l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’État Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte du 4 avril 1936 posa le principe en vertu duquel « la loi du 10 janvier 1936 ne fait pas au gouvernement une obligation d’énoncer dans le corps des décrets pris en application de ladite loi, et portant dissolution d’associations ou de groupements de fait, les motifs de cette mesure » 228. Dès lors, même si en 1936 les décrets de dissolution étaient précédés d’un rapport expliquant les raisons de leur adoption et que cette motivation était selon le juge administratif bienvenue 229, cela ne s’est plus reproduit par la suite jusqu’au début des anées 80.
C’est l’entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public qui va changer les choses. Le 3 septembre 1980, un décret portant dissolution de l’association Fédération d’action nationale et européenne était adopté mais ne comportait aucune motivation 230. Il s’agissait en réalité d’un groupuscule antisémite et néo-nazi qui sera suspecté de participation à des attentats racistes et antisémites 231. Cette dissolution sera annulée par le Conseil d’État sur le motif de la violation de l’obligation de motivation dans un arrêt Fédération d’action nationale et européenne (FANE) du 31 octobre 1984, en vertu duquel les décisions de dissolution comptent « au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions » de la loi du 11 juillet 1979 232. Suite à cette annulation, le gouvernement adopta un deuxième décret de dissolution le 24 janvier 1985, cette fois motivé 233
La motivation est aujourd’hui obligatoire, c’est-à-dire que l’administration doit exposer les considérations de droit et de fait qui justifient l’adoption de la décision de dissolution. Cependant cette obligation ne va pas jusqu’à obliger l’administration à reprendre, dans sa motivation écrite, les arguments invoqués par les requérants dans le cadre de leurs observations orales, ainsi que le Conseil d’État l’a précisé dans l’arrêt Œuvre française 234.
On constate que les décrets de dissolution sont aujourd’hui, et notamment depuis 2012, très motivés. Alors que la motivation de certains décrets de dissolution, notamment dans les années 2000, s’était affaiblie 235, les décrets récents, notamment le décret du 1er mars 2012 procédant à la dissolution de Fosane Alizza et encore davantage les décrets de juillet 2013 portant dissolution de Troisième Voie, d’Envie de rêver, des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, de l’Œuvre française et des Jeunesses nationalistes sont remarquables par le caractère très approfondi de leur motivation.
Ce renforcement de la motivation n’est pas sans lien avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci a en effet considéré, dans un arrêt de 2010, que la dissolution d’une association sans que soient précisées les raisons qui justifient ces mesures était condamnable 236. Dans un arrêt du 22 février 2011 relatif à la dissolution d’une association sportive en France, l’arrêt Association Nouvelle des Boulogne Boys c. France, la Cour a considéré que le grief tiré de la mauvaise motivation d’une décision de dissolution devait être rejeté dès lors qu’il est fait « mention de plusieurs événements violents dans lesquels plusieurs membres de l’association requérante ont pris part, événements qui ont tous été commis en relation ou à l’occasion de manifestations sportives » 237. Le développement de cette jurisprudence a sans doute joué en faveur du renforcement de la motivation des décisions de dissolution rendues sur le fondement de l’article L. 212-1 CSI.
c. Le contradictoire
La dernière garantie formelle entourant le prononcé de la dissolution est le respect du principe du contradictoire. Certes, par trois arrêts d’Assemblée rendus le 21 juillet 1970, le Conseil d’État a d’abord refusé de faire application du principe du contradictoire au motif que le décret de dissolution dans le cadre de la loi de 1936 relevait d’une mesure de police et qu’ainsi le contradictoire n’avait pas à être respecté « en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires prescrivant au gouvernement de recueillir les observations des associations ou groupements dont il entend prononcer la dissolution » 238. Ce principe avait ensuite été confirmé dans l’arrêt Sieur Geismar du 13 janvier 1971 239.
Toutefois, comme pour la motivation, l’évolution du droit administratif non contentieux a modifié ces paramètres et c’est une nouvelle fois l’affaire Fédération d’action nationale et européenne qui a servi de terrain d’expérimentation. Après la première annulation pour défaut de motivation du premier décret 240, le deuxième décret du 24 janvier 1985 fut lui-même annulé par un autre arrêt Fédération d’action nationale et européenne (FANE) en date du 26 juin 1987. Cette fois, c’est l’entrée en vigueur du décret du 28 novembre 1983 qui changea les choses, ce décret prévoyant que « Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l’ordre public et de la conduite des relations internationales (…) les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé ait été mis à même de présenter des observations écrites ». Par voie de conséquence, dans la mesure où le décret de dissolution comptait au nombre des décisions devant être motivées sur le fondement de la loi de 1979, l’intervention de ce décret était « subordonnée au respect de la procédure contradictoire prévue par l’article 8 du décret du 28 novembre 1983 sous la seule réserve des exceptions définies audit article ». Constatant que l’adoption du décret n’avait pas été précédée d’une procédure contradictoire et que les conditions de mise en œuvre des exceptions n’étaient pas réunies en l’espèce, le Conseil d’État prononça son annulation 241. Cela n’empêcha pas le gouvernement d’adopter un troisième décret le 17 septembre 1987 qui reprit exactement la même motivation mais qui prit soin de viser les observations que cette fois le secrétaire général de l’association fut invité à faire 242.
Cependant le contradictoire connaît des limites. Le juge a précisé dans l’arrêt Œuvre française que ce principe ne suppose pas la tenue d’un procès-verbal contradictoire ni sa communication aux parties à la procédure 243 et dans l’arrêt Jeunesses nationalistes qu’un requérant ne saurait se prévaloir de son propre comportement négligent pour avancer qu’il n’a pas été en mesure de présenter des observations, comme en l’espèce où le dirigeant ne s’était pas rendu aux entretiens proposés par l’administration sous le faux motif qu’il n’était pas présent en France à ce moment-là, et s’est vu refuser à bon droit une nouvelle demande plus d’un mois après le début de la procédure 244.
Enfin, dans certaines circonstances, l’urgence peut justifier le non-respect du principe du contradictoire. Le gouvernement l’a considéré à plusieurs reprises 245. Notamment, le principe du contradictoire ne fut pas respecté concernant l’adoption de deux décrets du 2 décembre 1993 procédant à la dissolution de la Fédération des associations culturelles et des travailleurs patriotes du Kurdistan en France – Yekkom Kurdistan et du Comité du Kurdistan 246 et le Conseil d’État l’accepta en « raison de l’urgence et des nécessités de l’ordre public ». En effet, ces organisations provoquaient à des manifestations armées dans la rue par des saccages, des dégradations de locaux et des jets d’engins explosifs, s’organisaient en groupes de combat et milices privées, se livraient à une propagande en faveur d’une organisation terroriste, provoquaient des actions violentes et se livraient sur le territoire de la France à des agissements en vue de provoquer des actes terroristes en France ou à l’étranger 247.
B. Les effets
La dissolution produit immédiatement ses effets juridiques (1). Cependant, pour être véritablement effective elle doit être relayée par un ensemble de dispositifs : d’abord un volet pénal (2) mais aussi un régime dissuasif du point de vue patrimonial (3).
1. La disparition juridique et factuelle
La dissolution d’une association entraîne sa disparition d’un point de vue juridique, ce qui entraîne la perte de sa capacité juridique. Par ailleurs, la dissolution a aussi pour effet de faire disparaître en fait le groupement, qui n’a plus le droit d’exister. Si le principe est simple en théorie, un certain nombre de précisions peuvent être apportées.
Tout d’abord, on peut souligner que la procédure de dissolution administrative a ceci de spécifique qu’elle permet de dissoudre tout groupement, y compris des partis politiques. Ceci est tout à fait remarquable dans la mesure où l’article 131-39 du code pénal prévoit que la peine de dissolution n’est pas applicable « aux partis ou groupements politiques ni aux syndicats professionnels ». Seul l’article L. 212-1 CSI permet donc de procéder à de telles dissolutions vis-à-vis d’associations qui répondraient à la définition du parti politique établie par la jurisprudence du Conseil d’État, c’est-à-dire qui se placeraient volontairement sous l’empire de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 248.
La disparition d’une association, son autodissolution, ou encore son intégration dans un autre groupe qui n’en serait que la reprise avec un nom différent, y compris un parti politique, n’empêchent pas la mise en œuvre de la dissolution en vertu d’une jurisprudence ancienne 249 confirmée récemment dans l’arrêt Envie de rêver. En effet, il est essentiel que la décision de certaines associations de s’auto-dissoudre, laquelle le plus souvent n’a « d’autre objet que d’éviter l’application des incriminations pénales prévues par l’article L.212-1 », ne produise aucun effet afin que la loi garde son effectivité. Cela semble être une question de bon sens 250.
Par ailleurs, une entité peut être dissoute en raison d’un lien particulièrement étroit avec une autre entité visée par une dissolution. Le juge a posé ce principe dans l’arrêt Associations Le mouvement social des Croix de feu, Les Croix de feu et briscards, Les fils de Croix de feu et volontaires nationaux, en vertu duquel les associations en cause, « eu égard aux conditions dans lesquelles elles sont organisées, forment un ensemble indivisible » 251 et confirmé par la jurisprudence postérieure, notamment l’arrêt Geismar de 1971 252. Cette solution avait même été rendue encore plus aisée pendant la guerre d’Algérie par l’ordonnance n°60-1856 du 22 décembre 1960 car la dissolution pouvait viser des associations ayant simplement manifesté leur soutien à des associations dissoutes, principe que le Conseil d’État n’avait pas hésité à accepter 253.
On trouve une application voisine de ce raisonnement dans l’arrêt Œuvre française. Il a en l’espèce été pris en compte, pour justifier la dissolution de l’association, de l’organisation d’évènements par une autre entité, mais dont la proximité avec l’Œuvre française conduit à ce que l’organisation de ces évènements ne pouvait être imputée qu’à l’Œuvre française elle-même : « si le décret prend en considération certains évènements dont l’association n’est pas formellement l’organisatrice, il ressort néanmoins des pièces du dossier que, eu égard à l’étroite imbrication entre cette association et les organisateurs de ces évènements, les activités qui s’y sont tenues peuvent être imputées à l’association elle-même » 254.
Cependant, on constate dans la jurisprudence récente du Conseil d’État une tendance à être plus exigeant sur ce point. Dans l’arrêt Envie de rêver du 30 juillet 2014, le juge a décidé d’annuler la dissolution de l’association Envie de rêver en refusant d’admettre qu’elle constituerait avec les groupes Troisième Voie et Jeunesses nationalistes révolutionnaires un ensemble indissociable, qui justifierait sa dissolution à ce seul titre 255. Cette solution manifeste le souci du juge de ne pas accepter trop facilement les assimilations de groupements. Sur ce point, le fichage de la décision est parfaitement clair, lequel fait référence aux associations « accueillant les réunions de membres de milices privées mais dont les activités n’ont pas ce seul objet ». La décision est toutefois laconique sur les critères utilisés, ce que l’on peut regretter. Par ailleurs, cette solution peut présenter un certain nombre d’effets pervers du point de vue de l’effectivité de la loi, notamment d’un point de vue patrimonial, sur lesquels on reviendra.
Enfin, il faut préciser que le projet de loi relatif au renseignement en discussion fait de la « prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l’article L. 212-1 » l’une des sept hypothèses dans lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent, dans l’exercice de leurs missions, être autorisés à recourir aux techniques prévues par le code de la sécurité intérieure 256. L’article L. 212-1 CSI justifie donc l’utilisation des services de renseignement. Si cette disposition ne fait en réalité que confirmer une situation factuelle, elle n’en consiste pas moins un renforcement juridique du dispositif.
Cependant, la seule dissolution juridique ne peut suffire à garantir l’effectivité de la loi, a fortiori pour les groupements de fait qui par définition n’ont pas d’existence juridique. C’est la raison pour laquelle la dissolution administrative s’accompagne d’un régime de sanction pénale.
2. La sanction pénale
La loi dispose d’un volet pénal qui vient tirer toutes les conséquences de la dissolution administrative. Dès l’origine, l’article 2 de la loi du 10 janvier 1936 punissait d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 16 à 5000 francs « quiconque aura participé au maintien ou à la reconstitution directe ou indirecte de l’association ou du groupement dissous ». Par ailleurs, le tribunal devait prononcer l’interdiction du territoire français dans le cas où le coupable de l’infraction était un étranger 257. Ce régime pénal a été abrogé par la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal. Les sanctions sont aujourd’hui prévues par les articles 431-13 à 431-21 du code pénal 258.
Un premier type de sanctions pénales concerne exclusivement les groupes de combat et s’exerce donc sans qu’il soit besoin qu’une dissolution ait été exécutée 259. L’article 431-13 du code pénal définit ce qu’il faut entendre par groupe de combat : « constitue un groupe de combat, en dehors des cas prévus par la loi, tout groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d’une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l’ordre public ». L’existence d’un groupe de combat est caractérisée pénalement selon le même faisceau d’indices qu’en matière administrative 260.
Selon l’article 431-14 du code pénal, le fait de participer à un groupe de combat est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. Les leaders sont frappés plus durement. Ainsi, selon l’article 431-16 du Code pénal, le fait d’organiser un groupe de combat est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Un deuxième type de sanctions pénales concerne spécifiquement les groupes dissous en application de la loi du 10 janvier 1936. La réalisation de ces infractions suppose donc que le groupement ait été valablement dissous par décret au préalable : la Cour de cassation a estimé dans un arrêt du 30 mars 1971 que la légalité du décret de dissolution d’un groupement n’est pas un élément constitutif du délit de reconstitution de ce groupement, mais bien une condition préalable à l’existence de cette infraction. Dès lors, l’exception d’illégalité du décret de dissolution doit faire l’objet d’une décision préalable à la déclaration de culpabilité et motivée, et il ne peut être statué sur cette exception par la réponse à la question relative à la culpabilité du prévenu 261.
Les peines encourues sont les suivantes. Selon l’article 431-15 du code pénal, le fait de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d’une association ou d’un groupement dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Lorsque le groupe dissous est un groupe de combat, la peine encourue est portée à cinq ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende. Enfin, la sanction est toujours plus sévère pour les leaders : selon l’article 431-17, le fait d’organiser le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d’un groupe de combat dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100000 euros d’amende. Les sanctions sont donc lourdes et garantissent une application effective de la loi.
Par ailleurs, le juge facilite la caractérisation des éléments constitutifs de l’infraction. Bien sûr, il sanctionne une personne qui prend part à une manifestation dont les auteurs ont défilé derrière l’emblème d’un groupement dissous et l’effigie de son chef, au sein d’un cortège qui en arborait les mots d’ordre 262. Mais davantage, le juge doit examiner si un nouveau groupement, dont le prévenu a diffusé les mots d’ordre, ne constitue pas la reconstitution directe ou indirecte d’un mouvement politique dissous. Il ne peut ainsi se borner, pour prononcer une relaxe, à énoncer que ledit groupement n’avait fait l’objet d’aucune mesure propre de dissolution 263. L’interprétation n’est donc pas particulièrement restrictive.
Il existe en outre des peines complémentaires, prévues par l’article 431-18 du code pénal. Il s’agit de : 1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 ; 2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci, dans les conditions prévues par l’article 221-10 ; 3° L’interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31. L’article 431-19 prévoit que l’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable. D’après l’article 431-21, les personnes coupables des infractions précédentes encourent également 1° la confiscation des biens mobiliers et immobiliers appartenant à ou utilisés par le groupe de combat ou l’association ou le groupement maintenu ou reconstitué et 2° la confiscation des uniformes, insignes, emblèmes, armes et tous matériels utilisés ou destinés à être utilisés par le groupe de combat ou par l’association ou le groupement maintenu ou reconstitué.
Enfin, des dispositions spécifiques concernent les personnes morales. En vertu de l’article 431-20 du code pénal, les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions présentées ci-dessus encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par l’article 131-39, soit la dissolution, l’interdiction d’exercer des activités professionnelles ou sociales, le placement sous surveillance judiciaire, etc. Selon l’article 431-21 du code pénal, elles encourent également la peine de confiscation des biens applicable aux personnes physiques.
Par ailleurs, la loi de 1936 peut depuis la loi du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme être rattachée aux dispositions pénales relatives au terrorisme. En effet, selon l’article 421-1 3° du code pénal, les infractions sanctionnées par les articles 431-13 à 431-17 « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur », ce qui justifie un régime de sanctions pénales renforcées en vertu de l’article 421-3 du code pénal. La sanction est portée au double lorsque l’infraction est punie d’un emprisonnement de trois ans au plus (article 431-14 du code pénal, le fait de participer à un groupe de combat et article 431-15, le fait de participer au maintien ou à la reconstitution d’une association dissoute autre qu’un groupe de combat), à sept ans d’emprisonnement là où le code pénal prévoit une sanction de cinq ans (article 431-15 du code pénal, le fait de participer à un groupe de combat dissous ; article 431-16 du code pénal, le fait d’organiser un groupe de combat) et à dix ans lorsque l’infraction est punie de sept ans (article 431-17 du code pénal, le fait d’organiser le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d’un groupe de combat dissous en application de la loi du 10 janvier 1936).
On peut noter, enfin, que le code de la sécurité intérieure prévoit un régime spécifique concernant les interceptions de correspondances pour les groupes dissous en application de la l’article L. 212-1 CSI. L’article L. 241-2 CSI prévoit que « Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l’article L. 242-1, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de l’article L.212-1 ». Il faudra désormais ajouter à cela les dispositions prévues par le projet de loi relatif au renseignement.
3. La dissuasion patrimoniale
Enfin, si la loi du 10 janvier 1936 a été un instrument efficace, ce n’est pas seulement lié aux effets de la dissolution en tant que telle, ou à la menace de sanctions pénales en cas de maintien ou de reconstitution. C’est aussi grâce aux conséquences qui sont attachées à la dissolution du point de vue de la liquidation des biens de l’association dissoute.
En effet, le régime de la liquidation des biens des associations dissoutes a longtemps été dérogatoire au droit commun et très sévère. L’article 3 de la loi de 1936 prévoyait que « les biens mobiliers et immobiliers » des groupes dissous « seront liquidés dans les conditions de l’article 18 de la loi du 1er juillet 1901 », c’est-à-dire par voie judiciaire par un liquidateur nommé par le tribunal 264. Le régime a été plus sévère encore de 1944 à 1993. L’ordonnance du 30 décembre 1944 portant modification de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées modifia l’article 3 de la loi, prévoyant désormais que « Les biens mobiliers et immobiliers des mêmes associations et groupements seront placés sous séquestre et leur liquidation sera effectuée par l’administration des domaines dans les formes et conditions prévues pour les séquestres d’intérêt général » 265. Par une ordonnance du 23 juillet 1945, l’État n’hésita pas à s’approprier les produits de la liquidation des biens des groupements dissous 266. Il a été mis fin à ce régime par l’article 372 de la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, lequel a abrogé les articles 2 et 3 de la loi de 1936.
Cependant, le régime de la dissolution des biens des associations dissoutes reste dissuasif. Le droit commun de la loi du 1er juillet 1901 empêche que les biens de l’association, hormis les apports, soient distribués à ses membres, au risque que la gestion ne soit plus considérée comme désintéressée et qu’un régime fiscal dissuasif ne s’applique 267. En outre, la menace de la confiscation des biens existe toujours. En effet, l’article 431-21 du code pénal prévoit que les personnes physiques ou morales coupables des infractions prévues par cette section du code pénal « encourent la confiscation des biens mobiliers et immobiliers appartenant à ou utilisés par le groupe de combat ou l’association ou le groupement maintenu ou reconstitué ». Deux cas de figure existent alors. Si le groupe en question est un groupe de combat, la confiscation peut être directe car la participation à un groupe de combat est en elle-même une infraction. Dans les autres cas de figure, c’est-à-dire quand un groupe a déjà été dissous, la confiscation interviendra dans un deuxième temps, s’il y a une participation à l’organisation, au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d’une association ou d’un groupement dissous en application de la loi de 1936 268.
Sur ce point, on peut noter que la solution dégagée par l’arrêt Envie de rêver, refusant de voir dans cette dernière une structure indissociable des associations dissoutes, peut présenter un danger. En effet, le raisonnement du Conseil d’État crée une faille du point de vue de l’effectivité de la loi dans son volet patrimonial. Aujourd’hui, il suffirait peut-être de créer une association « accueillant les réunions de membres de milices privées mais dont les activités n’ont pas ce seul objet » et d’utiliser cette association comme porteuse principale de biens, afin d’éviter les conséquences matérielles de la participation et/ou de la dissolution des groupes de combat et milices qui y sont, mais non exclusivement, associés. La jurisprudence devra répondre à ce problème. Le juge devrait adopter ici comme indice fondamental, entre autres, la question de la distribution des biens et de leur utilisation par les différentes parties prenantes 269.
En conclusion, l’article L. 212-1 CSI s’accompagne aujourd’hui d’un dispositif de mise en œuvre complet. La dissolution juridique exclut de l’univers du droit de telles associations, a des conséquences très importantes du point de vue financier pour les personnes morales concernées et les personnes physiques membres et s’accompagne d’un volet pénal qui garantit une sanction sévère en cas de non-respect.
Cette efficacité se trouve enfin renforcée par un contrôle juridictionnel qui, s’il garantit certes l’absence d’abus flagrant, se révèle en pratique suffisamment compréhensif pour maintenir le caractère exceptionnel de cette procédure.
C. Le contrôle juridictionnel
Le Conseil d’État a-t-il été, s’agissant de la loi du 10 janvier 1936, ce défenseur des droits fondamentaux dont on chante si souvent les louanges ? L’article L. 212-1 CSI est une hypothèse dans laquelle il n’est pas sûr que ce soit le cas. Même s’il existe comme on l’a vu des hypothèses d’annulation de décisions de dissolution au fond, celles-ci sont fort rares, puisqu’on en compte 5 pour plus de 120 dissolutions et presque 40 recours 270. Historiquement et juridiquement, le Conseil d’État semble s’être monté bien plus sensible aux intérêts variables de l’État qu’à la défense attentive des droits fondamentaux. Très récemment, il a considéré que ce dispositif, malgré son caractère exceptionnel, est conforme à la hiérarchie des normes (1). Par ailleurs, le contrôle qu’il exerce paraît aujourd’hui en deçà de ce qu’il serait nécessaire de faire pour s’assurer de la garantie des droits fondamentaux (2).
1. La validité du dispositif
L’article L. 212-1 CSI a été jugé conforme à la Constitution (a) et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après conv. EDH) (b), ce qui vient valider presque définitivement le dispositif. Celui-ci ne semble plus pouvoir être remis en question par les voies juridictionnelles, au moins internes.
a. La constitutionnalité
Si cela peut paraître étonnant, la constitutionnalité de la loi du 10 janvier 1936 n’avait jamais été actée jusqu’à l’arrêt Envie de rêver de 2014. Adoptée sous la IIIème République, elle n’avait bien sûr pas fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité et par la suite toute tentative de soulever l’inconstitutionnalité d’un décret de dissolution se serait nécessairement vue opposer l’écran législatif 271. Aucun contentieux n’était intervenu après l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité le 1er mars 2010, malgré l’adoption du décret n°2012-292 du 1er mars 2012 portant dissolution du groupe islamiste Fosane Alizza. Jusqu’ici, toute tentative d’apprécier la constitutionnalité de la loi de 1936 relevait donc du pur effort doctrinal 272.
L’arrêt Envie de rêver du 30 juillet 2014 273 a enfin acté la constitutionnalité du dispositif. En effet, la QPC n’était pas invocable dans cette affaire puisque l’article L. 212-1 CSI est issu d’une ordonnance de codification de 2012 à l’époque non ratifiée, laquelle n’avait donc pas valeur législative et ne pouvait pas faire l’objet d’une QPC 274. Cela a cependant rendu possible le contrôle par le juge administratif parce que, l’ordonnance n’ayant pas été ratifiée, « les dispositions de l’article L.212-1 de ce code de la sécurité intérieure, issues de l’ordonnance du 12 mars 2012 (…) présentent de ce fait un caractère réglementaire » 275, situation qui ne prit fin qu’avec la ratification de l’ordonnance opérée par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme 276.
En l’espèce, pour répondre sur le fond au grief tiré de l’atteinte à la liberté d’association, le Conseil d’État décida de se positionner du point de vue du « principe de la liberté d’association, tel qu’il résulte des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901, qui constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution », dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision Liberté d’association 277. S’appuyant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle la loi d’habilitation ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés 278, et reprenant sa jurisprudence selon laquelle une « conciliation […] doit être opérée entre l’exercice des libertés constitutionnellement reconnues et les besoins de la recherche des auteurs d’infractions et de la prévention d’atteintes à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, nécessaires, l’une et l’autre, à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle » 279, le Conseil d’État a estimé « qu’il appartient au Gouvernement, lorsqu’il est habilité par le Parlement à intervenir dans le domaine de la loi sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré » 280. Le juge administratif suprême a donc transposé, dans le cadre de son contrôle des ordonnances non ratifiées, la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de lois.
L’application de ces principes à l’article L. 212-1 CSI a conduit à la reconnaissance de sa constitutionnalité. La haute juridiction a considéré qu’« eu égard aux motifs susceptibles de conduire, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, au prononcé de la dissolution d’associations ou de groupements de fait, les dispositions de l’article L.212-1 du code de la sécurité intérieure répondent à la nécessité de sauvegarder l’ordre public, compte tenu de la gravité des troubles qui sont susceptibles de lui être portés par les associations et groupements visés par ces dispositions ; que, par ailleurs, le prononcé d’une telle dissolution, qui doit être motivé par application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir, en vertu des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, qu’au terme d’une procédure contradictoire permettant aux représentants de l’association ou du groupement de fait en cause de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales ; que, dans ces conditions, les dispositions de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ne portent pas une atteinte excessive au principe de la liberté d’association » 281.
Le Conseil d’État a donc acté pour la première fois de la constitutionnalité de la loi du 10 janvier 1936, fermant en droit le débat sur la validité de cette loi au regard des principes attachés aux libertés. Même si l’ordonnance a aujourd’hui été ratifiée et faite loi, il est très peu probable que le Conseil d’Etat laisse passer une question prioritaire de constitutionnalité et accepte de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Toute QPC n’est certes pas impensable, par exemple venant de la Cour de cassation, mais une réussite au fond paraît aujourd’hui bien improbable. Cela est d’autant plus vrai que le dispositif est également protégé du point de vue de la conventionnalité.
b. La conventionnalité
La question de la compatibilité de l’article L. 212-1 CSI avec la conv. EDH se pose évidemment. Mais pour le Conseil d’État, la réponse est entendue. Certes, le contrôle de conventionnalité opéré ici est en théorie un contrôle concret dans les circonstances de chaque espèce et non un contrôle abstrait de confrontation de norme à norme. Cependant, pour le moment, force est de constater qu’aucune annulation pour incompatibilité avec la conv. EDH n’est intervenue.
Dans l’arrêt Battisti du 16 octobre 1992, saisi d’une requête contestant la légalité du décret du 22 janvier 1987 portant dissolution du Mouvement Corse pour l’Autodétermination, le Conseil d’État, au demeurant sans effort d’argumentation, considéra que « la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne comporte aucune disposition à laquelle porterait atteinte le décret attaqué » 282. Dans l’arrêt Comité du Kurdistan du 8 septembre 1995, le Conseil d’État examina la compatibilité du décret de dissolution avec l’article 11 de la conv. EDH protégeant la liberté d’association. Il se fonda alors sur l’article 11§2 de la conv. EDH, selon lequel l’exercice du droit d’association « ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent les mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des crimes, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui … » pour considérer que le décret était légal dans la mesure où si « la dissolution critiquée a constitué, dans les circonstances de l’espèce, une restriction à l’exercice du droit d’association, cette restriction est justifiée par la gravité des dangers pour l’ordre public et la sécurité publique résultant de l’activité des associations requérantes » 283. Dans l’arrêt Capo Chichi du 17 novembre 2006, le juge a examiné la légalité du décret de dissolution de la Tribu Ka du 28 juillet 2006 avec l’article 10 de la conv. EDH relatif à la liberté d’expression en considérant que le décret, « eu égard aux considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé » n’avait pas méconnu la conv. EDH et qu’en particulier, la dissolution était justifiée « par la gravité des dangers pour l’ordre public et la sécurité publique résultant des activités du groupement concerné » 284.
Cette solution a été confirmée par les arrêts récents. Dans l’arrêt Association « Envie de rêver », le Conseil d’État a considéré que les dissolutions de Troisième Voie et Jeunesses nationalistes révolutionnaires n’étaient pas contraires aux stipulations des articles 10 et 11 conv. EDH car « si les dissolutions critiquées constituent une restriction à l’exercice de la liberté d’expression, celle-ci est justifiée par la gravité des dangers pour l’ordre public et la sécurité publique résultant des activités des groupements en cause » 285. Il en va de même dans les arrêts Œuvre française et Jeunesses nationalistes : le Conseil d’État a considéré qu’« eu égard aux considérations de fait et de droit sur lesquelles la mesure de dissolution est fondée, le décret attaqué ne méconnaît pas les articles 9, 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’en particulier, si la dissolution critiquée constitue une restriction à l’exercice des libertés d’expression et d’association, celle-ci est justifiée par la gravité des dangers pour l’ordre public et la sécurité publique résultant des activités de l’association en cause » 286. On peut noter que l’article 9 de la conv. EDH sur la liberté de pensée, de conscience et de religion s’ajoute ici à la liste de l’arrêt Envie de rêver, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation ayant jugé le délit d’incitation à la haine raciale conforme à la conv. EDH 287.
Si la position du Conseil d’État semble entendue, que faut-il en penser au regard de la jurisprudence de la CEDH elle-même ? La CEDH encadre dans sa jurisprudence la question de la dissolution des associations, notamment politiques. Le dispositif français est-il conforme à cette jurisprudence ? Sur ce point, on peut penser que le bilan est mitigé. Si l’article L. 212-1 CSI répond à ces conditions sur certains aspects, d’autres posent plus de difficultés.
La conv. EDH protège les associations politiques dans la plupart des cas. La CEDH a en effet exclu à de nombreuses reprises l’application de la théorie de l’abus de droit de l’article 17, lequel empêche pour les groupes le commettant de se prévaloir de la liberté d’expression ou de la liberté d’association protégées par la conv. EDH 288. Certes, la Cour a considéré dans différentes affaires que le négationnisme 289, l’islamophobie et l’antisémitisme 290, la justification de crimes de guerre ou d’exécutions sommaires 291 pouvaient relever de l’article 17. Cette théorie peut s’appliquer à des groupes tels que les partis politiques 292 ou les associations 293. Cependant, selon la jurisprudence de la CEDH, l’« article 17 ne trouve à s’appliquer qu’à titre exceptionnel et dans des hypothèses extrêmes » 294 et cette théorie s’applique pour l’instant surtout dans le cadre de la liberté d’expression protégée par l’article 10, et moins dans le cadre de la liberté de réunion protégée par l’article 11, qui en la matière constitue la Lex specialis qui trouve d’abord à s’appliquer 295. La position de principe aujourd’hui en matière de dissolution d’associations et de partis politiques résulte de l’arrêt de Grande Chambre du 13 février 2003, Refah Partisi [Parti de la Prospérité] et a. c/ Turquie, lequel a privilégié l’application de l’article 11 et refusé de faire application de l’article 17 296. La jurisprudence de la CEDH est donc protectrice des droits des structures associatives et politiques. On peut le constater dans une affaire Fáber c. Hongrie du 24 juillet 2012, où le déploiement d’un drapeau fasciste en marge d’une manifestation n’avait pas été considéré comme justifiant le recours à l’article 17 297, ou encore, plus récemment, dans un arrêt Vona c. Hongrie du 9 juillet 2013, qui concerne directement la problématique de la dissolution d’une association xénophobe organisant des défilés quasi-militaires 298.
Dès lors que la théorie de l’abus de droit est écartée, les principes de liberté d’association et de réunion vont trouver à s’appliquer. Cependant, ils admettent des exceptions rendant compatible avec la conv. EDH la possibilité de dissoudre des associations. La CEDH admet des restrictions à la liberté d’association et de réunion s’il y a un but légitime, parmi ceux qui sont visés par l’article 11§2 de la convention, soit « la sécurité nationale, (…) la sûreté publique, (…) la défense de l’ordre et (…) la prévention des crimes, (…) la protection de la santé ou de la morale ou (…) la protection des droits et libertés d’autrui ». Ces buts légitimes autorisent la dissolution d’associations : n’est pas incompatible avec la conv. EDH la dissolution d’un parti ou d’une association prônant l’instauration d’un régime inspiré de la charia 299, ou d’un parti soutenant la violence et faisant l’éloge de personnes liées au terrorisme, en l’espèce basque 300. Dans l’arrêt Vona c. Hongrie du 9 juillet 2013, la CEDH a admis la dissolution d’un groupe proche du Jobbik hongrois portant un discours xénophobe contre les roms et procédant à des marches d’intimidation dans des villages de cette communauté 301. L’article L. 212-1 CSI semble compatible avec cette jurisprudence pour la plupart de ses motifs : 1°, 2°, une partie du 3°, 4° et 5°, 6°, 7°.
Par ailleurs, la Cour fait une interprétation large de la possibilité de dissoudre en tant que, à l’instar du droit français, elle sanctionne non le recours effectif à la force mais la seule intention de recourir à la force dans le discours politique des dirigeants, voire seulement l’absence de désolidarisation des dirigeants vis-à-vis de certains cadres lorsqu’un tel discours est prononcé par ces derniers. Selon la Cour, cette action préventive s’explique dans la mesure où « on ne saurait exiger de l’État d’attendre, avant d’intervenir, qu’un parti politique s’approprie le pouvoir et commence à mettre en œuvre un projet politique incompatible avec les normes de la Convention et de la démocratie » 302. Un tel positionnement est conforme à la logique de l’article L. 212-1 CSI 303.
En revanche, n’est pas justifiée la dissolution d’un parti qui ne développe pas un programme politique de nature à compromettre le régime démocratique en tant que tel 304. Or, de ce point de vue, certains aspects de la loi du 10 janvier 1936 peuvent poser problème. C’est notamment le cas du 3° visant la volonté de porter atteinte à l’intégrité du territoire. La CEDH a en effet considéré qu’était disproportionnée la dissolution d’un parti dont le projet politique était de promouvoir la sécession ou l’autonomie d’une région, motifs qui ne suffisent pas à autoriser la dissolution 305. Une décision fondée sur la seule première partie du 3° de l’article L. 212-1 CSI pourrait donc s’avérer incompatible avec la conv. EDH.
En conclusion, il apparaît que l’article L. 212-1 CSI semble compatible, sous réserve de la première partie du 3°, avec la conv. EDH. Cependant, il existe une raison de douter de la conventionnalité du dispositif tel qu’il est appliqué aujourd’hui : celle-ci concerne l’étendue du contrôle du juge.
2. L’étendue du contrôle du juge
L’ambivalence consubstantielle de l’article L. 212-1 CSI se retrouve à propos du rôle du juge administratif. En effet, si le juge exerce bien entendu un contrôle sur les décisions de dissolution, il n’est pas certain que ce contrôle soit suffisant (b), notamment au regard de la position de la CEDH sur ces questions (a).
a. La position de la CEDH
La position de la CEDH sur le contrôle que le juge doit mettre en œuvre sur des décisions de dissolution est parfaitement claire : il doit en principe exercer un véritable contrôle de la proportionnalité de ces décisions 306. Ce contrôle de proportionnalité répond à des critères précis, établis dans la jurisprudence de la CEDH.
D’une part, le danger doit être suffisamment proche : en principe, pour un parti politique, on exige la démonstration « d’indices montrant que le risque d’atteinte à la démocratie, sous réserve d’être établi, est suffisamment et raisonnablement proche » 307. Cette position a cependant été assouplie dans l’arrêt Vona c. Hongrie du 9 juillet 2013 pour ce qui concerne les associations à but politique : la CEDH a considéré que l’atteinte imminente à la démocratie n’est pas exigée, mais seulement un préjudice suffisamment imminent aux droits d’autrui qui lui-même atteint aux valeurs fondamentales de la démocratie 308
D’autre part, la mesure de dissolution doit être la seule mesure permettant de répondre à ce danger, eu égard à l’importance de la liberté d’association qui doit être protégée 309. L’opinion concordante du juge Pinto de Albuquerque dans l’arrêt Vona c. Hongrie le montre bien. Selon lui, la dissolution d’une association est l’ultime mesure et l’État, avant de prendre cette mesure drastique, doit envisager d’autres mesures plus douces. Il pourrait s’agir de l’interdiction de se rassembler, de la suppression de subventions publiques, du placement sous surveillance judiciaire, etc. Il faut donc prévoir des mesures alternatives. Dans le cas d’espèce, les autorités hongroises avaient donné à l’association l’opportunité de s’amender et de se conformer à ses propres statuts et à la loi, opportunité qu’elle n’a pas saisie, ce qui justifie la réaction : d’une certaine manière, le gouvernement avait accordé une « période d’essai » qui, n’ayant pas donné lieu à un abandon de ses pratiques illégales de la part de l’association, ne pouvait conduire qu’à sa dissolution. La dissolution est la mesure à prendre en dernier recours.
Ainsi, si la CEDH accepte la dissolution administrative, c’est au prix d’un contrôle fort du juge. Or, de ce point de vue, il n’est pas certain que le droit positif français soit satisfaisant, ce qui achève de démontrer le caractère exceptionnel de l’article L. 212-1 CSI.
b. Le contrôle du Conseil d’État
Le Conseil d’État est compétent pour connaître des décisions de dissolution en premier et dernier ressort. Cette compétence était prévue par la loi du 10 janvier 1936 explicitement, qui disposait : « le Conseil d’État, saisi d’un recours en annulation du décret prévu par le premier alinéa du présent article, devra statuer en urgence » 310. Ce dernier principe ne fut respecté qu’avant la seconde guerre mondiale. Par la suite, au contraire, certains délais furent particulièrement longs : ainsi, le Conseil d’État n’a examiné le décret du 13 juin 1945 ayant dissous l’Union des commerçants, industriels et artisans français et l’Association La renaissance du foyer français qu’en 1955 311 et le décret du 18 octobre 1945 ayant dissous la Délégation générale des indochinois qu’en 1959 312 ! Aujourd’hui, cette compétence directe résulte des principes de l’article R. 311-1 CJA.
Il n’existe semble-t-il pas d’originalité du point de vue de l’intérêt à agir. Ont intérêt à agir l’association dissoute bien sûr, qui peut déférer au juge de l’excès de pouvoir la décision prononçant sa dissolution 313, ainsi que ses membres en tant que personnes physiques 314. En revanche, n’a pas intérêt à agir contre le décret de dissolution d’une association une autre association qui n’est pas visée par le décret 315. La solution est assez classique.
Sur le fond, le contrôle du Conseil d’État est un contrôle normal de la qualification juridique des faits. Depuis 1936 et l’arrêt de principe Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, il faut mais il suffit que les faits énoncés entrent dans l’une des catégories prévues par la loi pour que la dissolution puisse être prononcée. Cependant le juge ne vérifie pas si la mesure de dissolution est proportionnée aux risques de troubles considérés, ou s’il n’existe pas de solution moins radicale que la dissolution pour faire face à ces troubles, contrairement à la solution rendue dans l’arrêt Benjamin de 1933 316. Cette solution a été confirmée par les arrêts Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux et Association Parti national populaire, du 27 novembre 1936, le juge se contentant ici de vérifier que les associations « présenta[ie]nt » les « caractères » des groupements visés par la loi 317.
Les rares cas d’annulation au fond de décrets de dissolution ont toujours été justifiés par le fait que l’association en cause ne répondait pas aux critères prévus par la loi et jamais sur le motif tiré de la disproportion de la décision de dissoudre l’association au regard du trouble causé à l’ordre public 318. Le caractère normal du contrôle du Conseil d’État a en dernière analyse été confirmé par l’arrêt Œuvre française, selon lequel « les moyens tendant à contester la matérialité et la qualification des faits retenus par le décret attaqué doivent être écartés » 319. Une telle formulation, axée sur la matérialité et la qualification des faits, caractérise un contrôle normal et donc l’absence de véritable contrôle de proportionnalité.
Certes, du point de vue de la conventionnalité, le Conseil d’État a considéré dès 1995 que « la dissolution (…) est justifiée par la gravité des dangers pour l’ordre public et la sécurité publique résultant de l’activité des associations requérantes » 320, formulation reprise dans les arrêts récents 321 et qui pourrait laisser penser qu’un contrôle de proportionnalité est mis en œuvre. Cependant, ce caractère « justifié » de la mesure au regard des restrictions apportées aux libertés protégées par la conv. EDH annoncé par le Conseil d’État ne conduit pas, pour le moment, à un réel contrôle de la proportionnalité de la mesure par rapport à la gravité des actes commis. Il s’agit seulement de rhétorique. L’article L.212-1 CSI, et son contrôle, sont parfaitement binaires : l’inscription dans une des catégories prévues par le texte entraîne automatiquement la dissolution, et inversement. Ce système ne respecte pas le principe de proportionnalité en réalité.
Sur ce point, il suffit de comparer la solution rendue sur le fondement de l’article L. 212-1 CSI avec le régime de la dissolution des associations ou groupements de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive prévu par l’article L. 212-2 CSI 322. Dans ce dernier cas, le Conseil d’État met en place un véritable contrôle de proportionnalité, en examinant si « la mesure de dissolution […] ne constitue pas une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques pour l’ordre public que présentaient les agissements de certains membres du groupement de fait et, dès lors, n’a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l’article 11 » conv. EDH 323. Quant à la CEDH, elle a admis la conventionnalité de ce dispositif parce qu’il poursuit le but légitime de défendre l’ordre public et de prévenir le crime et qu’il existe un contrôle de proportionnalité 324. Le contraste avec la solution de l’article L. 212-1 CSI est ici édifiant, mais il s’explique aussi parce que l’article L. 212-2 CSI et les articles L. 332-16-1 et s. du code du sport prévoient de multiples sanctions avant la dissolution, comme la possibilité de suspendre les associations de supporters, la possibilité donnée au préfet de limiter la liberté d’aller et venir des supporters dangereux, régime accepté par le Conseil constitutionnel 325. Sans doute l’article L. 212-1 CSI, en ne permettant pas de solutions alternatives à la dissolution, empêche le Conseil d’Etat de mettre en œuvre un véritable contrôle de proportionnalité. Il y aurait là une piste d’amélioration, mais elle n’a pas été retenue ni même pensée lorsque le législateur a décidé de ratifier l’ordonnance de 2012.
Très largement, donc, le juge administratif a permis à la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées de conserver sa pureté et par conséquent sa facilité d’utilisation pour l’État. Le privilège de juridiction a correctement fait son office.
Conclusion
L’article L. 212-1 CSI, issu de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, doit donc être considéré comme un dispositif tout à fait exceptionnel. S’il sert les intérêts de l’État français, il pose autant de problèmes aux libertés fondamentales. Certes, dans le contexte de paix actuel, son utilisation semble restreinte à des cas particuliers et, sans doute, justifiés. Cependant, il ne faut pas négliger le fait que sa très grande plasticité politique et juridique le rend facilement utilisable par les plus hautes autorités de l’État en fonction des circonstances, sous le contrôle trop limité du juge administratif. Existe-t-il des alternatives ? C’est poser de nouveau la question de la dissolution judiciaire, en une sorte de retour aux débats parlementaires de 1936…
Il faut cependant espérer que l’histoire ne se répètera pas plus que cela. Si la loi du 10 janvier 1936 a bien servi d’arme de dissolution massive au bénéfice de l’État, elle n’a pas pu empêcher le renversement de la République lors de la seconde guerre mondiale. Pourvu que sa réactivation récente ne soit pas annonciatrice de nouveaux troubles… dans un monde de nouveau très dangereux.
De ce point de vue, les recherches ne sont pas terminées. Il faudrait les approfondir encore. Par la sociologie du droit, afin d’examiner de façon plus précise les conséquences de l’application de cette législation. Par la science politique, pour analyser les effets de ce dispositif sur la vie politique de manière générale. Par le droit comparé, enfin, afin de mieux appréhender la spécificité de la situation française du point de vue du traitement des libertés. L’Histoire continue.
ANNEXE : tableau des dissolutions (depuis 1936)
Notes:
- Georges Pernot, député, Session extraordinaire de 1935, 2ème séance du 6 décembre 1935, JO du 7 décembre 1935, Débats parlementaires n°68, Chambre des députés 15ème législature, p. 2405. ↩
- Le Monde, 20 juin 2013. ↩
- Le Monde, 11 juin 2013. ↩
- Le Monde, 11 juin 2013. ↩
- Décret du 12 juillet 2013, JO du 13 juillet 2013, n°11. ↩
- décrets du 25 juillet 2013 portant dissolution d’une association, JO n°0173 du 27 juillet 2013. ↩
- Le Monde, 6 juin 2013. ↩
- Site internet du parti socialiste : voir http://www.parti-socialiste.fr/evenement/2013-07-26-faire-gagner-la-democratie-contre-lextreme-droite [19/09/2013] ↩
- Vidéo « Discours de Manuel Valls contre le Front National /UEPS », 24 août 2013. ↩
- CE, Association Envie de rêver et M. C, 23 juillet 2013, n°370305 ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- Ibid., cons. 4. ↩
- Ibid., cons. 5. ↩
- CE, 25 octobre 2013, Association l’Œuvre française et M.B, n°372321, et Association Jeunesses Nationalistes et M.C, n°372319. ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322 ; CE, Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320. ↩
- Mbongo P., « Actualité et renouveau de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées », RDP, 1998, n°3, pp. 715-744 ; Damarey S., « La liberté d’association à l’épreuve de la dissolution administrative », AJDA 2012, p. 921. ↩
- Rambaud R., « La loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées à la croisée des chemins : quel bilan après l’arrêt du Conseil d’Etat, Envie de rêver et autres, du 30 juillet 2014 (req. n°370306, 372180) ? », AJDA, n°38-2014, 10 novembre 2014, p. 2167 ; Rambaud R., « Le contrôle du Conseil d’Etat sur la dissolution des associations dangereuses », AJDA, n°16-2015, 11 mai 2015, p. 939. ↩
- Peiser G, D., 1963, chron. p. 60. ↩
- Morabito M., Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours, Paris, Montchrestien, 12ème Ed., pp. 297-320. ↩
- article 95 de la Constitution du 27 octobre 1946. ↩
- JO, 2 juillet 1901, n°177, p. 4025. ↩
- Berstein S., La France des années 30, Armand Colin, 2011, 5ème Ed., pp. 29-92 ; Tartakowsky D., Les droites et la rue. Histoire d’une ambivalence, de 1880 à nos jours, Paris, La découverte, 2014, p. 92. ↩
- Bonnevay L, Les journées sanglantes de février 1934, Paris, Flammarion, 1935, pp.15-22 ; Pellissier P., 6 février 1934. La République en flammes, Paris, Perrin, 2001, 352 p. ↩
- JO du 7 décembre 1935, Débats parlementaires n°68, Chambre des députés 15ème législature, Session extraordinaire de 1935, séance du 6 décembre 1935, p. 2399 et s. ↩
- Doublet J., D. 1936, IV, 169. ↩
- JO du 12 janvier 1936, p. 522. ↩
- Borne D., Dubief H., La crise des années 30, Edition du Seuil, 1989, pp. 135-138. ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ; Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42. V., également Tartakowsky D., Les droites et la rue. Histoire d’une ambivalence, de 1880 à nos jours, op. cit., p. 92. ↩
- JO du 14 février 1936, p. 1882. ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ; Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42. ↩
- Fougère L., (dir.), Le Conseil d’État, son histoire à travers les documents d’époque, 1799-1974, Paris, CNRS Editions, 1974, pp. 735-737. ↩
- Loschak D., Le rôle politique du juge administratif français, Paris, LGDJ, 1972, pp. 245-248 ; Weidenfeld K., Histoire du droit administratif, Paris, Economica, 2010, p. 97. ↩
- Décret du 18 juin 1936, JO du 19 juin 1936, p. 6427 et s. ; Décret du 23 juin 1936, JO du 24 juin 1936, p. 6587 ↩
- JO du 19 juin 1936, p. 6427 et s. ↩
- CE, Ass., Mouvement social français des Croix de feu, 17 juillet 1936, n°54.992 ; CE, Ass., Les fils de Croix de feu et les volontaires nationaux, 17 juillet 1936, n°55.207 ; CE, Ass., Les fils de Croix de feu et Briscards, 17 juillet 1936, n°55.208 ↩
- CE, Ass., Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux, 27 novembre 1936, n°54.992, 55.207 et 55.208, Rec. 1039 ; CE, Ass., Association Parti national populaire, 27 novembre 1936, n°55.760, Rec. 1040. ↩
- JO du 27 janvier 1937, p. 1077 ↩
- Stora B., Messali Hadj (1898-1974), pionnier du nationalisme algérien, Paris, 1986, L’Harmattan, pp. 45-156. ↩
- JO du 27 janvier 1937, p. 1077 ↩
- Mbongo P., « Actualité et renouveau de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées », RDP 1998, n° 3, pp. 735-736 ; Hermier G., Grasset B., Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les agissements, l’organisation, le fonctionnement, les objectifs du groupement de fait dit « Département Protection Sécurité » et les soutiens dont il bénéficierait, Assemblée Nationale, 11ème législature, n° 1622, 26 mai 1999. ↩
- Peiser G, D., 1963, chron. p. 60. ↩
- Doublet J., D. 1936, IV, 169. ↩
- Chambre des députés, 15ème législature, débats parlementaires n°68, session extraordinaire de 1935, séance du 6 décembre 1935, JO du 7 décembre 1935, p. 2399 et s. ↩
- JO du 25 avril 1939, p. 5296. ↩
- JO du 20 octobre 1939, p. 12490. ↩
- JO du 2 octobre 1939, p. 11897. ↩
- JO du 20 mars 1939, p. 3646. ↩
- JO du 27 septembre 1939, p. 11770. V., également arrêté fixant les conditions de liquidation des biens des organismes dissous par application du décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes, JO du 1er octobre 1939, p. 11869. ↩
- Azéma J.-P., 1940. L’année terrible, Paris, Seuil, 1990, pp. 28-38. ↩
- Crémieux-Brilhac J.-L., Les français de l’an 40. Tome I. La guerre oui ou non ?, Paris, Gallimard, 1990, pp. 65-68 et pp. 163-201 ↩
- Du Réau E., Edouard Daladier, 1884-1970, Paris, Fayard, 1993, p. 376. ↩
- Le recueil place l’arrêt au 26 octobre 1945 mais le date du 27, V., Rec. 211. ↩
- CE, Association Républicaine des Anciens Combattants et sieur Sartres, 26-27 octobre 1945, n° 69.437, Rec. 211. ↩
- CE, Sieur Bernard et autres, 4 juin 1947, n°69.237, Rec. 243 ; CE, Sieur Plantin, 4 juin 1947, n°69.238, Rec. 243 ; CE, Sieur Blois, 4 juin 1947, n°69.239, Rec. 243 ; CE, Caisse primaire d’assurances sociales du métallurgiste, 4 juin 1947, n°69.796 à 69.799, Rec. 243. ↩
- JO du 16 avril 1939, p. 4911 ↩
- JO du 5 septembre 1939, p. 11103 ↩
- Cf. Infra ↩
- JO du 15 octobre 1941, p. 4438. ↩
- Peiser G, D., 1963, chron. p. 60. ↩
- JO, Alger, 7 octobre 1943, p. 166. ↩
- Par exemple, par un arrêté du ministre de l’éducation nationale du 15 décembre 1944 publié au JO du 11 février 1945, p. 708 : Jeune milice, Union populaire de la jeunesse française, Jeunesses francistes, Jeunesse nationale populaire, Jeunes de l’Europe nouvelle (groupe « Collaboration »), Jeunes de la légion, Jeunesse paysanne, Mouvement communautaire de la jeunesse, Compagnons de la route, Cercle des étudiants français, Cercle des jeunes travailleurs, Jeunes français de Flandre et d’Artois, et l’Union folklorique de Bretagne. ↩
- JO du 10 aout 1944, p. 688 et s. ↩
- CE, Sieur Le Porte, 20 janvier 1954, n°92.060, Rec. 35. ↩
- Ordonnance du 30 décembre 1944 portant modification de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, JO du 31 décembre 1944, p. 2145. ↩
- JO du 5 janvier 1945, p. 53. ↩
- JO du 14 juin 1945, p. 3487. ↩
- CE, Union des commerçants, industriels et artisans français et Association La renaissance du foyer français, 16 novembre 1955, n° 82.662 et 82.663, Rec. T. 767. ↩
- Ordonnance du 30 décembre 1944 portant modification de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, JO du 31 décembre 1944, p. 2145. ↩
- Ordonnance n°45-1631 du 23 juillet 1945 portant attribution à l’État des produits de la liquidation des biens des groupements antinationaux ainsi que des groupes de combat et milices privées, JO du 24 juillet 1945, p. 4578. ↩
- CE, Sieur Le Porte, 20 janvier 1954, n°92.060, Rec. 35. ↩
- JO du 6 mars 1949, p. 2391. ↩
- JO du 11 mai 1949, p. 4584. ↩
- JO du 29 janvier 1950, p. 1066. ↩
- CE, Ass., Mouvement socialiste d’Unité Française, 4 avril 1952, n° 1.817, Rec. 209. ↩
- Loi n°51-18 du 5 janvier 1951 portant amnistie, instituant un régime de libération anticipée, limitant les effets de la dégradation nationale et réprimant les activités antinationales, article 29, JO du 6 janvier 1951, p. 260 et s. ↩
- Ibid., article 27. ↩
- JO du 15 février 1959, p. 2023. ↩
- Leclerc J., Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 528. ↩
- CE, Association « Parti Nationaliste », 17 avril 1963, n° 47.273, Rec. T. associations p. 14. ↩
- JO du 2 avril 1960, p. 3037. ↩
- JO du 13 juin 1968, p. 5625. ↩
- JO du 1er novembre 1968, p. 10234. ↩
- Leclerc J., Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, op. cit., pp. 480-483. ↩
- CE, Ass., Sieurs Krivine et Franck, 21 juillet 1970, n° 76.179 et 76.232, Rec. 499. ↩
- CE, Ass., Sieur Jurquet, 21 juillet 1970, n°76.233, Rec. 500. ↩
- CE, Ass., Sieur Schroedt, 21 juillet 1970, n° 76.234, Rec. 501. ↩
- CE, Ass., Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, 21 juillet 1970, n° 76.230-76.231, 76.235, Rec. 504. ↩
- JO du 28 mai 1970, p. 4957. ↩
- CE, Sieur Geismar, 13 janvier 1971, n° 81.087, Rec. 31 ↩
- JO du 29 juin 1973, p. 6957. ↩
- CE, Sieurs Krivine, Rousset et Weber, 9 avril 1975, n°92.676, Rec. 223. ↩
- JO du 29 juin 1973, p. 6957. ↩
- CE, Robert, 9 avril 1975, n° 92656, Rec. T. 932 ↩
- Peiser G, D., 1963, chron. p. 60. ↩
- JO du 27 janvier 1937, p. 1077. ↩
- JO du 2 octobre 1939, p. 11897. ↩
- JO du 7 novembre 1954, p. 10511. ↩
- JO du 13 septembre 1955, p. 9101. ↩
- JO du 30 juin 1957, p. 6501. ↩
- JO du 30 janvier 1958, p. 1091. ↩
- JO du 24 aout 1958, p. 7889. ↩
- JO du 19 octobre 1945, p. 6684. ↩
- JO du 15 juin 1950, p. 6317 ↩
- JO du 30 septembre 1950, p. 10158. ↩
- JO du 17 avril 1953, p. 3566. ↩
- Le Monde, 18 avril 1953. ↩
- CE, Association France Vietnam, 18 décembre 1957, n°25.232, Rec. tables 1955-1964, associations, 14. ↩
- Dalloz J., Dictionnaire de la guerre d’Indochine : 1946-1954, Paris, Le Seuil, 1987, 275 p. ↩
- CE, S., Sieurs Hoang-Xuan Man, 9 janvier 1959, n°80403, Rec. 25. ↩
- JO du 11 mai 1947, p. 4389 et rectificatif JO du 15 mai 1947, p. 4524. ↩
- JO du 14 juillet 1955, p. 7055. ↩
- CE, Ass., Sieurs M’Paye, N’Gom et Moumie,12 juillet 1956, n°36.214, Rec. 331 ↩
- JO du 14 juillet 1967, p. 7080. ↩
- JO du 25 juillet 1961, p. 6784. ↩
- JO du 6 novembre 1963, p. 9887. ↩
- CE, Dame Tupua et autres, 15 juillet 1964, n°62.279, Rec. 407. ↩
- JO du 8 aout 1951, p. 8573. ↩
- JO du 20 mai 1958, p. 4769. ↩
- JO du 19 mai 1963, p. 4597. ↩
- JO du 16 mai 1958, p. 4720. ↩
- JO du 18 décembre 1960, p. 11387. ↩
- JO du 5 février 1960, p. 1178. ↩
- JO du 24 décembre 1960, p. 11663. ↩
- JO du 24 décembre 1960, p. 11663. ↩
- JO du 29 avril 1961, p. 3972. ↩
- JO du 2 juillet 1961, p. 6004. ↩
- JO du 27 juillet 1961, p. 6913. ↩
- JO du 29 novembre 1961, p. 10927. ↩
- JO du 8 décembre 1961, p. 11293. ↩
- JO du 22 mars 1962, p. 3109. ↩
- JO du 12 septembre 1962, p. 8891. ↩
- Georges Pernot, Député, Session extraordinaire de 1935, 2ème séance du 6 décembre 1935, JO du 7 décembre 1935, Débats parlementaires n°68, Chambre des députés 15ème législature, p. 2405. ↩
- JO du 31 janvier 1974, p. 1188. ↩
- JO du 28 août 1975, p. 8851. ↩
- CE, Siméoni, 2 février 1977, n° 01.064, Rec. 59 ↩
- JO du 11 janvier 1983, p. 256 ↩
- JO du 28 septembre 1983, p. 2887. ↩
- Décret du 10 mai 1983, p. 1358 ↩
- JO du 24 janvier 1987, p. 861. ↩
- JO du 6 juin 1987, p. 6149. ↩
- CE, Battesti 16 octobre 1992, n°85957. ↩
- JO du 2 juillet 1972, p. 6803 et s. ↩
- JO du 29 juin 1973, p. 6957. ↩
- CE, Robert, 9 avril 1975, n° 92656, Rec. T. 932 ↩
- JO du 4 septembre 1980, p. 2091. Cette première dissolution fut toutefois annulée pour violation de l’obligation de motivation par un arrêt CE, Fédération d’action nationale et européenne (FANE), du 31 octobre 1984, n°28070. Un deuxième décret de dissolution fut adopté le 24 janvier 1985 (JO du 25 janvier 1985, p. 1046) avant d’être lui-même annulé pour violation du principe du contradictoire par un arrêt CE, Fédération d’action nationale et européenne (FANE), 26 juin 1987, n°67077. Ceci n’empêcha toutefois pas la dissolution définitive de la Fédération d’action nationale et européenne par un troisième décret du 17 septembre 1987 paru au JO le 19 septembre 1987, p. 10890. ↩
- Leclerc J., Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, Paris, op. cit., pp. 182-189. ↩
- JO du 4 août 1982, p. 2492. ↩
- CE, Débizet, 13 février 1985, n°44910 ↩
- JO du 25 août 1982, p. 2642. ↩
- JO du 4 septembre 1993, p. 12441. ↩
- Leclerc J, Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, op. cit., pp. 361-363. ↩
- JO du 8 août 2002, p. 13582 ↩
- Leclerc J., Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, op. cit., pp. 643-469. ↩
- JO du 20 mai 2005, texte 23 sur 109 ↩
- Leclerc J., Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, op. cit., pp. 169-170 ↩
- JO du 29 juillet 2006, p. 11299. ↩
- CE, Capo Chichi, 17 novembre 2006, n°296214 ↩
- JO du 16 juillet 2009, texte 16 sur 130. ↩
- JO n°0053 du 2 mars 2012, p. 4012 ↩
- JO du 10 septembre 1986, p. 10956. ↩
- JO du 27 juin 1987, p. 6955. ↩
- JO du 18 juillet 1987, p. 8034. ↩
- JO du 3 décembre 1993, pp. 16752-16753. ↩
- CE, Comité du Kurdistan, 8 septembre 1995, n°155161 et 155162. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306 ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, et Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320. ↩
- Cf. Introduction ↩
- CE, Association France Vietnam, 18 décembre 1957, n°25.232, Rec. tables 1955-1964, associations, 14. ; CE, Ass., Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, 21 juillet 1970, n° 76.230-76.231, 76.235, Rec. 504. ; CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- V., annexe ↩
- JO du 7 décembre 1935, Débats parlementaires n°68, Chambre des députés 15ème législature, Session extraordinaire de 1935, séance du 6 décembre 1935, p. 2399 et s. ↩
- Damarey S., « La liberté d’association à l’épreuve de la dissolution administrative », AJDA 2012, p. 921. ↩
- Loi n°2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. ↩
- Article 102 de la loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ↩
- CE, Ass., Sieurs Krivine et Franck, 21 juillet 1970, n° 76.179 et 76.232, Rec. 499. ; CE, Ass., Sieur Jurquet, 21 juillet 1970, n°76.233, Rec. 500. ; CE, Ass., Sieur Schroedt, 21 juillet 1970, n° 76.234, Rec. 501. ; CE, Sieur Geismar, 13 janvier 1971, n° 81.087, Rec. 31. ; CE, Sieurs Krivine, Rousset et Weber, 9 avril 1975, n° 92.676, Rec. 223 ; CE, Robert, 9 avril 1975, n°92656, Rec. T. 932 ↩
- CE, Siméoni, 2 février 1977, n°01.064, Rec. 59. ↩
- CE, Ass., Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux, 27 novembre 1936, n° 54.992, 55.207 et 55.208, Rec. 1039 ; CE, Ass., Association Parti national populaire, 27 novembre 1936, n°55.760, Rec.1040. ↩
- concl. Detton, Sirey, 1937, 3.14, et Josse, Sirey,1937.3.11 ↩
- Crim. 26 janv. 1939, Bull. crim. no 16 ↩
- CE, Débizet, 13 février 1985, n°44910 ; CE, Comité du Kurdistan, 8 septembre 1995, n°155161 et 155162. ↩
- CE, Debizet, 13 février 1985, n°44910 ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 9 et 10. ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 5. ↩
- CE, Comité du Kurdistan, 8 septembre 1995, n°155161 et 155162. ↩
- Cf. Supra ↩
- CE, S., Sieurs Hoang-Xuan Man, 9 janvier 1959, n°80403, Rec. 25. ↩
- CE, Dame Tupua et autres, 15 juillet 1964, n°62.279, Rec. 407. ↩
- CE, Association Enbata et autres, 8 octobre 1975, n° 94.477, Rec. 494. ↩
- CE, Battesti, 16 octobre 1992, n°85957. ↩
- Cons. Const., Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 ↩
- Pour un cas rare d’annulation, V., CE, Ass., Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, 21 juillet 1970, n° 76.230-76.231, 76.235, Rec. 504. ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ↩
- CE, Association « Parti nationaliste », 17 avril 1963, n° 47.273, Rec. T. associations p. 14 ↩
- Décret du 1er mars 2012 portant dissolution d’un groupement de fait, JO n°0053 du 2 mars 2012, p. 4012 ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ; Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42. ↩
- CE, Association « Parti nationaliste », 17 avril 1963, n° 47.273, 17 avril 1963, Rec. T. associations p. 14. ↩
- CE, S., Sieurs Hoang-Xuan Man, 9 janvier 1959, n°80403, Rec. 25. ; CE, Dame Tupua et autres, 15 juillet 1964, n°62.279, Rec. 407. ↩
- Cf. Supra ↩
- CE, Ass., Mouvement socialiste d’Unité Française, 4 avril 1952, n° 1.817, Rec. 209. ↩
- CE, Union des commerçants, industriels et artisans français et Association La renaissance du foyer français, 16 novembre 1955, n° 82.662 et 82.663, Rec. T. 767. ↩
- Décret du 31 mars 1960 portant dissolution de l’Association des victimes de l’épuration d’Alsace et de Lorraine et de l’Elsass Lothringische Wehrbund, JO du 2 avril 1960, p. 3037. ↩
- Décret du 25 juillet 2013 ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 3 ↩
- CE, Dieudonné M’Bala M’Bala, 9 janvier 2014, n° 374508 ; CE, Dieudonné M’Bala M’Bala, 10 janvier 2014, n° 374528 ; CE, Dieudonné M’Bala M’Bala, 11 janvier 2014, n°374552 ; CE, Commune de Cournon d’Auvergne, 6 février 2015, n° 387726. V., par exemple Baranger D., Broyelle C., « Retour sur Dieudonné », RFDA 2014, p. 525. ↩
- CE, Capo Chichi, 17 novembre 2006, n°296214 ; CE, Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320, cons. 4 ↩
- CE, Sieur Robert, 9 avril 1975, n°92656, Rec. T. 932. ↩
- CE, Capo Chichi, 17 novembre 2006, n°296214. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 8 et 16. ↩
- Décret du 12 juillet 2013 ↩
- Crepey E., « Étendue et limites du pouvoir de dissoudre par décret certaines associations ou groupements », RFDA, 2014, p. 1158. ↩
- Leclercq J., précité ↩
- Crepey E., « Étendue et limites du pouvoir de dissoudre par décret certaines associations ou groupements », RFDA, 2014, p. 1158 ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 4 ↩
- Décret du 25 juillet 2013 ; CE, Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320, cons. 4 ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons.5 ↩
- CE, Sieur Marcellin et autres, 20 mars 1946, n°78.619, Rec. 88. ↩
- CE, Fouérée, 22 janvier 1960, n°46.949. Rec. T. associations p. 14 ↩
- CE, Association Républicaine des Anciens Combattants et sieur Sartres, 26-27 octobre 1945, n° 69.437, Rec. 211 ; CE, Sieur Bernard et autres, 4 juin 1947, n°69.237, Rec. 243 ; CE, Sieur Plantin, 4 juin 1947, n°69.238, Rec. 243 ; CE, Sieur Blois, 4 juin 1947, n°69.239, Rec. 243 ; CE, Caisse primaire d’assurances sociales du métallurgiste, 4 juin 1947, n°69.796 à 69.799, Rec. 243. ; CE, Sieur Le Porte, 20 janvier 1954, n°92.060, Rec. 35. ↩
- Cf. Supra ↩
- Décret-loi du 12 avril 1939 relatif à la constitution des associations étrangères abrogé par la loi n° 81-909 du 9 octobre 1981 ↩
- CE, Sieur Geismar, 13 janvier 1971, n°81087 ; CE, Débizet, 13 février 1985, n°44910 ; CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons.5. ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ; Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42. ↩
- CE, Ass., Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux, 27 novembre 1936, n° 54.992, 55.207 et 55.208, Rec. 1039 ; CE, Ass., Association Parti national populaire, 27 novembre 1936, n°55.760, Rec. 1040. ↩
- CE, Capo Chichi, 17 novembre 2006, n°296214. ↩
- CE, LICRA, 20 décembre 1995, n°159338. ↩
- CE, Noguès, 1er octobre 1958, no41220. ↩
- CE, Sigala, 7 nov. 1969, no72339. ↩
- CE, La Grande Loge Nationale Française, 2 janvier 2012, n°355288. ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ; Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42. ↩
- Ibid. ↩
- JO du 4 septembre 1980, p. 2091. ↩
- Leclerc J., Dictionnaire de la mouvance droitiste et nationale de 1945 à nos jours, op. cit, pp. 182-189. ↩
- CE, Fédération d’action nationale et européenne (FANE), 31 octobre 1984, n°28070 ↩
- JO du 25 janvier 1985, pp. 1046-1047. ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 2 ↩
- décret du 6 août 2002 qui a procédé à la dissolution du groupement Unité radicale, lequel fait référence à des publications et à l’organisation de rassemblements alors qu’il s’agissait en réalité de faire suite à la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par l’un des membres de cette unité lors du 14 juillet (JO du 8 août 2002, p. 13582) ; décret du 19 mai 2005 qui procède à la dissolution du groupe Elsass Korps faisant état de la propagation d’idées et de théories radicales, alors qu’il s’agissait en réalité d’un groupe de black métal aux idées extrêmes (JO du 20 mai 2005, n°23) ; décret de dissolution de la Tribu Ka du 28 juillet 2006, lequel fait référence à la propagation d’idées et de théorie illicites à travers des publications et l’organisation d’actions menaçantes à l’égard de personnes de confession juive sans précision alors qu’il s’agissant de réprimer l’agression de la rue des Rosiers, (JO du 29 juillet 2006, n°2), etc. ↩
- CEDH, Témoins de Jéhovah de Moscou c/ Russie, 10 juin 2010, n° 302/02, cons. 181 ↩
- CEDH, Association Nouvelle des Boulogne Boys c. France, 22 février 2011, n° 6468/09, cons. 2 ↩
- CE, Ass., Sieurs Krivine et Franck, 21 juillet 1970, n° 76.179 et 76.232, Rec. 499. ; CE, Ass., Sieur Jurquet, 21 juillet 1970, n°76.233, Rec. 500. ; CE, Ass., Sieur Schroedt, 21 juillet 1970, n° 76.234, Rec. 501. ↩
- CE, Sieur Geismar, 13 janvier 1971, n° 81.087, Rec. 31. ↩
- CE, Fédération d’action nationale et européenne (FANE), 31 octobre 1984, n°28070. ↩
- CE, Fédération d’action nationale et européenne (FANE), 26 juin 1987, n°67077. ↩
- JO du 19 septembre 1987, pp. 10890-18091. ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 2 ↩
- CE, Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320, cons. 2 ↩
- Décret du 22 janvier 1987 procédant à la dissolution du Mouvement corse pour l’autodétermination (JO du 24 janvier 1987, p. 861.) ; décret du 5 juin 1987 procédant à la dissolution de l’association A Riscossa (JO du 8 juin 1987, p. 6148.) ; décret du 26 juin 1987 procédant à la dissolution de l’association Ahl Elbeit (JO du 27 juin 1987, p. 6955.), décret du 17 juillet 1987 portant dissolution du groupe Iparretarak (JO du 18 juillet 1987, p. 8034.), etc. ↩
- JO du 3 décembre 1993, pp. 16752-16753. ↩
- CE, Comité du Kurdistan, 8 septembre 1995, n°155161 et 155162. ↩
- CE, Ass, Élections municipales de Fos-sur-Mer, 30 octobre 1996, n° 177927, Rec. 394. ↩
- CE, Ass., Association Parti national populaire, 27 novembre 1936, n° 55.760, Rec. 1040. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 6. ↩
- CE, Ass., Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux, 27 novembre 1936, n° 54.992, 55.207 et 55.208, Rec. 1039 ↩
- CE, Sieur Geismar, 13 janvier 1971, n° 81.087, Rec. 31. ↩
- CE, S, Association « Comité d’entente pour l’Algérie française », 5 février 1965, n°55641, Rec. 73 ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 4 ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 16 ↩
- Nouvel article L.811-3 5° CSI, Assemblée Nationale, 14ème législature, Projet de loi relatif au renseignement, n° 2669, déposé le 19 mars 2015 ↩
- JO, 12 janvier 1936, p. 522. ↩
- V., Conte P., « La liberté politique au regard du code pénal nouveau : l’exemple des groupes de combat et des mouvements dissous », in Mélanges en l’honneur du professeur Gustave Peiser, PUG, 1996, pp. 163-185. ↩
- Circulaire du 14 mai 1993 portant commentaire des dispositions de la partie législative du nouveau code pénal et des dispositions de la loi du 16 décembre 1992. ↩
- Crim. 26 janv. 1939: Bull. crim. no 16. ↩
- C. Cass, Crim., 30 mars 1971: Bull. crim. no 114. ↩
- C. Cass., Crim. 24 juill. 1956: Bull. crim. no 573. ↩
- C. Cass., Crim. 5 mars 1957: Bull. crim. no220. ↩
- JO, 12 janvier 1936, p. 522. ↩
- Ordonnance du 30 décembre 1944 portant modification de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, JO du 31 décembre 1944, p. 2145. ↩
- Ordonnance n°45-1631 du 23 juillet 1945 portant attribution à l’État des produits de la liquidation des biens des groupements antinationaux ainsi que des groupes de combat et milices privées, JO du 24 juillet 1945, p. 4578. ↩
- Lamy Associations, n°314 et 456-1. ↩
- Cf. Supra ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- CE, Association France Vietnam, 18 décembre 1957, n°25.232, Rec. tables 1955-1964, associations, 14. ; CE, Ass., Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, 21 juillet 1970, n° 76.230-76.231, 76.235, Rec. 504. ; CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- CE, Arrighi, 6 novembre 1936. ↩
- Mbongo P., « Actualité et renouveau de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées », RDP n°3, 1998, p. 735-736 ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- CE, 11 mars 2011, M. Alexandre A., n°341658 ; Cons. Const., décision n°2011-219 QPC du 10 février 2012. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 4. ↩
- Loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. ↩
- Cons. Const., n°71-44 DC, 16 juillet 1971 ↩
- Cons. Const, no 2003-473 DC, 26 juin 2003. ↩
- Cons. Const., n°80-127, 20 janvier 1981. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 5. ↩
- CE, Battisti, 16 octobre 1992, n°85957. ↩
- CE, Comité du Kurdistan, 8 septembre 1995, n°155161 et 155162. ↩
- CE, Capo Chichi, 17 novembre 2006, n°296214. ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 12 ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 7 ; CE, Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320, cons. 6 ↩
- Crim. 13 mars 1989: Bull. crim. no 118. ↩
- V., Le Mire P.,, « Commentaire de l’article 17 », in L-E., Pettiti, E. Decaux et P-H. Imbert (dirs.), La Convention européenne des droits de l’homme, commentaire article par article, Paris, Economica, 1999, 2nd Ed., p. 513 et s. ↩
- CEDH, Garaudy c. France , 24 juin 2003, n°65831/01 ; CEDH, Bruno Gollnisch c. France, 7 juin 2011, n°48135/08. ↩
- CEDH, Norwood c. Royaume-Uni, 16 novembre 2004, no23131/03 ; CEDH, Pavel Ivanov c. Russie, 20 février 2007, no35222/04. ↩
- CEDH, Orban et autres c. France, 15 janvier 2005, no 20985/05. ↩
- CEDH, Parti socialiste unifié de Turquie et a. c/ Turquie, 30 janv. 1998, n°19392/92. ↩
- CEDH, W.P. et autres c. Pologne, 2 septembre 2004, no42264/98. ↩
- CEDH, gr. ch., Paksas c. Lituanie, 6 janvier 2011, n°34932/04. ↩
- CEDH, Barraco c/ France, 5 mars 2009, no31684/05. ↩
- CEDH, gr. ch., Refah Partisi [Parti de la Prospérité] et a. c/ Turquie, 13 févr. 2003, n°41340/98. ↩
- CEDH, Fáber c. Hongrie, 24 juillet 2012, n°40721/08. ↩
- CEDH, Vona c. Hongrie, 9 juillet 2013, n°35943/10 ; V., Pompey S., « Conventionalité de la dissolution d’une association organisatrice de marches semi-militaires hostiles aux Roms », [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 23 juillet 2013. ↩
- CEDH, gr. ch., Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et a. c/ Turquie, 13 févr. 2003, n°41340/98 ; CEDH, Kalifatstaat c/ Allemagne, 11 déc. 2006, n°13828/04. ↩
- CEDH, Herri Batasuna et Batasuna c/ Espagne, 30 juin 2009, n°25803/04. ↩
- CEDH, Vona c. Hongrie, 9 juillet 2013, n°35943/10 ; V., Pompey S., « Conventionalité de la dissolution d’une association organisatrice de marches semi-militaires hostiles aux Roms », [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 23 juillet 2013. ↩
- CEDH, gr. ch., Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et a. c/ Turquie, 13 févr. 2003, n°41340/98. ↩
- Cf. Supra. ↩
- CEDH, Yazar et a. c/ Turquie, 9 avr. 2002, n°22723/93. ↩
- CEDH, Organisation macédonienne unie Ilinden – Pirin et a. c/ Bulgarie, 20 oct. 2005, n°59489/00. ↩
- CEDH, gr. ch., Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et a. c/ Turquie, 13 févr. 2003, n° 41340/98, § 103. ↩
- CEDH, gr. ch., Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et a. c/ Turquie, 13 févr. 2003, n°41340/98, § 104. ↩
- CEDH, Vona c. Hongrie, 9 juillet 2013, n°35943/10. ↩
- CEDH, gr. ch., Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et a. c/ Turquie, 13 févr. 2003, n°41340/98 ; CEDH, Vona c. Hongrie, 9 juillet 2013, n°35943/10. ↩
- JO du 12 janvier 1936, p. 522. ↩
- CE, Union des commerçants, industriels et artisans français et Association La renaissance du foyer français, 16 novembre 1955, n° 82.662 et 82.663, Rec. T. 767. ↩
- CE, S., Sieurs Hoang-Xuan Man, 9 janvier 1959, n°80403, Rec. 25. ↩
- CE, Fédération des chevaliers de France, 16 avril 1947, n°81.456, Rec. T. 533 ; CE, S, Association « Comité d’entente pour l’Algérie française », 5 février 1965, n°55641, Rec. 73. ↩
- CE, Ass., Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, 21 juillet 1970, n° 76.230-76.231, 76.235, Rec. 504. ↩
- CE, Comité des chômeurs et chômeuses de la Marne, Ass., 21 juillet 1970, Rec. 506 ↩
- CE, Ass., Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, 4 avril 1936, n°52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. ; Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42. ↩
- CE, Ass., Associations Le Mouvement social français des Croix de feu, Les Croix de feu et Briscards, les fils de Croix de feu et volontaires nationaux, 27 novembre 1936, n° 54.992, 55.207 et 55.208, Rec. 1039 ; CE, Ass., Association Parti national populaire, 27 novembre 1936, n°55.760, Rec. 1040. ↩
- CE, Association France Vietnam, 18 décembre 1957, n°25.232, Rec. tables 1955-1964, associations, 14 ; CE, Ass., Sieurs Boussel, dit Lambert, Dorey, Stobnicer, dit Berg, 21 juillet 1970, n° 76.230-76.231, 76.235, Rec. 504 ; CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306. ↩
- CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 6 ↩
- CE, Comité du Kurdistan, 8 septembre 1995, n°155161 et 155162 ↩
- CE, Association « Envie de rêver » et autres, 30 juillet 2014, n°370306, cons. 12 ; CE, Œuvre française, 30 décembre 2014, n°372322, cons. 7 ; CE, Jeunesses nationalistes, 30 décembre 2014, n°372320, cons.6 ↩
- Magnaval O., « L’État, le juge et les hooligans, Bilan législatif et jurisprudentiel », AJDA 2013, p. 1607. ↩
- CE, Groupement de fait brigade sud de Nice, Zamolo, 8 oct. 2010, n°340849 ; CE Association nouvelle des Boulogne Boys, 2 mai 2008, n°315724. ↩
- CEDH, Association Nouvelle des Boulogne Boys contre France, 22 février 2011, n°6468/09. ↩
- Cons. Const, n°2011-625 DC, 10 mars 2011. ↩
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