Les libertés instrumentalisées ? Retour sur les rapports complexes entre Droits de l’Homme et multinationales
Benoît PETIT, Maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin (Université de Paris-Saclay), Co-directeur du Master « Droit social : droit des ressources humaines et de la protection sociale » et Co-directeur de l’Observatoire « Droit, Ethique et RSE » (Laboratoire DANTE) benoit.petit@uvsq.fr
1. Les relations entre l’entreprise et les libertés sont complexes. Il convient d’admettre avec le Pr. Supiot, que « sous leur aspect collectif, les libertés publiques conduisent à dessiner au sein de l’entreprise des aires d’autonomie qui échappent au pouvoir de direction de l’employeur. Sous leur aspect individuel, elles visent à sauvegarder les libertés du salarié des excès du lien de subordination» 1. L’affirmation des libertés, et notamment celles portées par les Droits de l’Homme, élève en effet le niveau des contraintes, des limites extérieures qui s’exercent sur le pouvoir des opérateurs marchands de définir les objectifs et les moyens de leur stratégie de développement. Les Droits de l’Homme sont, à ce titre, l’ultime garantie de ne pas verser dans le « Marché total », c’est-à-dire finalement l’absence de Droit dans une sphère d’activité dont l’essence profonde ignore l’Humain pour ne célébrer que la création et l’échange de valeurs économiques.
Dans le même temps, l’évolution du système capitaliste – marquée par la mondialisation des échanges, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la réorganisation des entreprises sur le modèle du réseau, les transformations du rapport à la possession et les pouvoirs accrus concédés aux consommateurs 2 – aboutit, aujourd’hui bien plus qu’hier, à recentrer l’importance de l’image des entreprises dans le processus de création et d’échange de valeurs économiques. Ainsi la représentation que chaque partie prenante se fait d’une entreprise, à partir de son rapport aux Droits de l’Homme notamment, influence indiscutablement la possibilité d’une relation de confiance, et de là-partant, d’opportunités économiques nouvelles qui structurent le processus de développement de l’opérateur marchand.
La problématique du respect des Droits de l’Homme par l’entreprise s’envisage donc à l’aune d’un paradoxe : d’une part, ces droits et libertés constituent un contre-pouvoir qui freine le processus d’enrichissement des entreprises ; mais d’autre part, ils sont aussi vecteurs de cette capacité d’enrichissement. Toute la question se résume alors, pour l’entreprise, à jouer sur le second mécanisme sans pour autant risquer d’enclencher le premier.
Dans cette configuration, l’instrumentalisation des Droits de l’Homme par les multinationales est une réalité, un fait social qui interroge tout à la fois l’Ethique, le Politique et le Droit.
2. Le terme d’instrumentalisation désigne la démarche consistant à considérer quelqu’un ou quelque chose comme un simple instrument, sous son angle utilitaire. A ce titre, elle constitue le fondement d’une tradition éthique qui, rompant avec les approches morales absolutistes ou « déontologiques » (le « Bien » contre le « Mal »), affirme la nécessité de n’envisager les choix et les comportements qu’à l’aulne de leurs conséquences (le « profitable », le « Bon » contre le « désavantageux », le « Mauvais »). Il convient de renvoyer, ici, aux travaux et réflexions d’auteurs bien connus tels que Jeremy Bentham, John Stuart Mill, ou plus loin encore dans le temps (et de façon plus relative), Epicure 3. Mais pour ce qui concerne notre sujet, nous retiendrons seulement de ce courant éthique qu’ « instrumentaliser » quelque chose – comme les Droits de l’Homme, par exemple – n’est pas en soi une démarche a priori condamnable sur le plan moral : tout dépend en fin de compte du système moral que l’on fait sien au départ. S’agissant du Marché, naturellement orienté vers la quête du profit, des profits, il apparait en tout cas que l’approche utilitariste et l’idée d’instrumentaliser des choses qui se rapportent à lui, sont assez perméables avec la culture qui y règne et ne constituent en rien une incongruité.
Mais le fait que le Marché, et donc les entreprises qui y opèrent, aient finalement une faible propension à s’offusquer des logiques d’instrumentalisation, et notamment des Droits de l’Homme, n’implique évidemment pas que ce type de démarche soit acceptable pour la société. Que les entreprises instrumentalisent les libertés n’est pas, en soi, une surprise. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’impuissance du Droit à en réduire les cas, ou a minima, le constat que le Droit laisse prospérer des instrumentalisations qui affectent l’intérêt général et, disons-le, le principe de solidarité sociale qui est au cœur de la raison d’être de nos sociétés.
3. Notre propos incite à aller un peu plus loin que la démarche de simplement blâmer – à juste titre – les entreprises pour leurs comportements qui consistent à utiliser les Droits de l’Homme en vue de se forger une image vertueuse, tandis que leurs actions, et notamment les moins visibles, contredisent cette image. Il s’agit de poser aussi la question d’une mise en cause des Etats qui, pour des raisons que nous allons tenter d’identifier, organisent la possibilité de telles instrumentalisations.
Sur un plan plus politique que juridique, l’on peut effectivement s’interroger sur la volonté des Etats à lutter activement contre ces instrumentalisations, lorsque l’on sait l’influence que détient, sur les politiques publiques économiques, sociales et environnementales, l’idée – le dogme, devrions-nous dire – selon laquelle tout investissement, toute nouvelle réglementation en faveur d’une amélioration des performances extra-financières des entreprises pèserait lourdement sur la compétitivité mondiale des entreprises, et donc sur leurs performances économiques 4. Cette affirmation est évidemment contestable sur le fond, surtout lorsque l’on entend raisonner plus loin que sur court terme. Elle demeure néanmoins très présente dans les discours politiques et les stratégies publiques de redynamisation des logiques de croissance 5.
Sur le plan juridique – lequel fait inévitablement écho avec ce qui précède – l’on constate deux choses évidentes : la façon dont les différents systèmes de sauvegarde des Droits de l’Homme sont conçus et organisés ne permet pas, aujourd’hui, d’assurer un haut niveau d’exigence comportementale des entreprises, et notamment celles à dimension multinationale (I) ; quant au droit encadrant les stratégies de responsabilité sociétale des entreprise (RSE) – stratégies qui visent notamment à promouvoir le respect des Droits de l’Homme – il n’accompagne utilement que les opérateurs marchands qui sont sincèrement engagés dans cette voie, et épargne finalement tous les autres (II). Les espaces sont ainsi nombreux, dans lesquelles peuvent s’insérer toutes les situations d’instrumentalisation qui heurtent les intérêts fondamentaux des sociétés.
I – La possibilité des instrumentalisations offerte par la conception des systèmes de garantie et de sauvegarde des Droits de l’Homme
4. Lorsque l’on évoque « les Droits de l’Homme », le profane se représente généralement un corpus assez homogène de principes, de droits et de libertés qui seraient partagés de façon universelle et intemporelle. Il pense aussi, parfois, que le droit international garantit leur effectivité grâce à des mécanismes juridiques et juridictionnels simples, unifiés et qui renverraient tout le monde – acteurs publics comme privés – à leurs responsabilités les plus élémentaires. Cette représentation est évidemment fausse (hélas).
La réalité est qu’il coexiste dans le monde plusieurs systèmes de sauvegarde des « Droits de l’Homme » – certaines régions du monde étant du reste très faiblement couvertes – chacun portant des droits et des libertés assez différents sur le fond (A) ainsi que des mécanismes de garantie qui leur sont propres et qui sont objectivement d’une efficacité variable (B).
Il s’en suit que lorsqu’une entreprise multinationale s’engage en faveur des « Droits de l’Homme », les contenus de ces engagements sont relativement variables selon la localisation de leurs activités. Par ailleurs, la possibilité de mettre en cause leurs éventuels manquements s’avère complexe.
Dans ces conditions, les possibilités d’instrumentalisation prospèrent assez logiquement, soit parce qu’une situation a priori choquante pour l’opinion ne constitue pas, juridiquement, un manquement aux Droits de l’Homme reconnus dans une région donnée, soit parce que le manquement qui serait juridiquement avéré n’aboutit pas nécessairement à une sanction.
A – L’enjeu des racines philosophiques
5. En premier lieu, il convient de constater qu’il existe plusieurs approches possibles des Droits de l’Homme. Sans reprendre ici l’entièreté des débats visant les fondements philosophiques de ces derniers 6, contentons-nous d’admettre comme point de départ que « les droits de l’Homme relèvent de la conception du droit naturel selon laquelle l’Homme, parce qu’il est Homme, possède un ensemble de droits inhérents à sa nature » 7. A la différence des autres droits subjectifs, ceux-là sont considérés comme essentiels à l’accomplissement d’une vie « digne » : ils ne dépendent conceptuellement d’aucune circonstance de temps ou de lieu, ni d’aucun ordre juridique ; ils sont pensés comme étant antérieurs aux Etats, antérieurs à toute forme de pouvoir, de sortes que tous les pouvoirs doivent, en principe, les respecter.
Si l’idée des Droits de l’Homme est fort simple à poser, il est en revanche bien plus complexe d’en déterminer le contenu car l’on est inévitablement amenés, dans cette démarche, à convoquer des métaphysiques qui sont loin de recueillir l’unanimité 8.
6. S’agissant de la conception moderne et occidentale des Droits de l’Homme, il apparaît clairement qu’elle repose sur la métaphysique individualiste, telle qu’elle fût exposée notamment par Rousseau, et perfectionnée par Kant : en tant qu’être autonome, conceptualisé à l’état de nature – c’est-à-dire dans l’ignorance du fait social, dans l’indépendance vis-à-vis de toute détermination particulière – l’Homme universel disposerait de la liberté de se donner sa propre loi, revendiquerait la possession de tout ce que son vouloir convoite. Dès lors, confronté à la réalité du fait social, et pour ne pas risquer d’y perdre l’essence de son humanité, cet Homme libre et autonome doit en conséquence agir de telle sorte qu’il s’abstient de nuire à son semblable, qu’il s’interdit de priver son semblable de son humanité. En définitive, sa volonté ne connaitrait qu’une seule limite : ce que Fichte résumait par « la possibilité d’acquérir des droits », c’est-à-dire l’idée d’un Etat qui, plutôt que de définir à tous ce qu’est une vie bonne, se contente de garantir à chacun la possibilité de rechercher librement cette dernière, en contrôlant la réunion d’un certain nombre de conditions minimales préalables. Ceci implique de veiller à ce que l’exercice d’une liberté individuelle n’entrave pas de façon abusive la liberté des autres, mais aussi qu’elle s’accorde harmonieusement avec toutes les autres libertés individuelles reconnues comme indispensables pour assurer l’autonomie des êtres.
Ainsi, dans la perspective individualiste, la notion de Droits de l’Homme est toute entière au service de l’idéal d’autonomie. Elle en est la matérialisation la plus évidente : dans les limites de l’autonomie des autres, est autonome celui qui vit, qui s’exprime sans crainte, qui peut circuler où bon lui semble, qui organise sa vie privée selon ses désirs, qui croit en ce qu’il veut, qui s’associe avec qui il veut… qui dispose aussi de ses biens comme bon lui semble. Ce noyau dur de libertés, que l’on nomme « droits de la première génération », positionnent l’individu dans un rapport de relative indépendance vis-à-vis de la collectivité, celui qui lui permet d’agir sans interférence sociale (hors cas manifestement abusifs, s’entend) 9.
Cette approche en appelle une autre, certes de façon non automatique mais qui ajoute un peu plus encore au « culte » de l’individu autonome : celui-ci ne serait pas uniquement celui qui agit en indépendance de la collectivité, mais aussi celui qui détient, sur la collectivité, des droits à obtenir quelque chose d’elle : une instruction, un contre-pouvoir au rapport de subordination au travail, une protection sociale, un logement… L’idée fondamentale est de permettre aux individus les plus défavorisés (qu’ils le soient réellement ou qu’ils puissent l’être un jour) de bénéficier d’un minima de conditions sociales, concrétisé par des prestations matérielles qui leur permettent de jouir effectivement de leurs « droits de première génération ». Ces « droits-créances », qui ont vocation à rendre possible les « droits-libertés », constituent ce que l’on appelle les « droits de deuxième génération » 10.
Or selon que les systèmes de sauvegarde des Droits de l’Homme consacrent ou non les « droits de deuxième génération », ils traduisent naturellement deux conceptions différentes des Etats : en l’absence de consécration, l’Etat joue un rôle minimaliste, proche des conceptions défendues par les théories libérales les plus radicales ; à l’inverse, leur consécration implique l’institution d’un Etat-Providence dont les prérogatives sont mécaniquement plus étendues pour redistribuer des ressources nouvelles (au risque, diront les libéraux les plus radicaux, de heurter si ce n’est de remettre en cause les droits-libertés). Des tensions existent donc entre ces deux conceptions des Droits de l’Homme, qui ne doivent néanmoins pas conduire à occulter qu’elles proviennent l’une et l’autre d’une même tradition, l’individualisme.
7. L’individualisme n’est toutefois pas le seul prisme d’appréhension des Droits de l’Homme. Plus près de nous dans le temps, une autre approche philosophique s’est répandue qui prend le contrepied de la métaphysique individualiste : plutôt que de concevoir, de façon fictive, l’Homme en dehors des rapports sociaux, le solidarisme postule au contraire, et de façon objective, qu’il « naît débiteur de l’association humaine » 11. Son éducation, ses connaissances du monde, la satisfaction de ses besoins y compris les plus élémentaires… en d’autres termes toutes ses exigences de vie et de développement dépendraient du cadre social, et plus précisément des liens de solidarité qui permettent au collectif d’exister et de se déployer. Il en ressort que la finalité irréductible de toute norme de Droit vise la préservation de ces liens d’interdépendance sans lesquels l’Homme et son Humanité ne sont rien 12. Si l’Homme dispose de libertés qui lui permettent de se développer, l’usage de celles-ci est nécessairement borné par l’exigence de solidarité sociale. Des « libertés-droits » promues par les individualistes, le solidarisme leur substitue les « libertés-devoirs » que se fondent sur une conscience particulièrement marquée de sa propre responsabilité sociétale.
Ainsi peuvent naître les « droits de troisième génération » (ou « droits de solidarité ») qui rassemblent, notamment, le droit à la paix, les droits à un environnement sain, au développement, à la protection des Peuples et des cultures, à leur autodétermination… Bien que fortement critiqués dans leur principe 13 (les Droits de l’Homme de première et de deuxième génération seraient ainsi menacés de dilution dans un ensemble flou et imprécis, constitué de simples aspirations et qui mettrait directement en cause l’existence même des garanties fondamentales) mais aussi dans leurs modalités (ces « droits de solidarité » ne permettraient pas d’identifier des titulaires certains), ces controverses nous paraissent relativement factices 14.
8. Car plutôt que de les opposer, ou pire encore tenter de les hiérarchiser, il convient de constater que les trois générations de droits sont en réalité extrêmement complémentaires. Ils sont en tout cas considérés comme tels dans la pratique du droit international 15 et plusieurs sont les institutions internationales, telles que l’UNESCO, qui considèrent que « le respect de la dignité de la personne humaine est indissociable du respect de la liberté des peuples et de l’égalité de droit des nations » 16. Que l’on puisse disserter d’une possible opposition sur le terrain idéologique est une chose, mais force est d’admettre, en droit, que la transposition de ce débat a finalement peu de sens, et surtout peu de relais dans les instruments juridiques internationaux en vigueur.
Il en ressort que les Peuples, au même titre que les individus ou les entreprises, sont juridiquement titulaires de droits ; et que la préservation de ces droits est conçue comme une garantie de meilleure protection des droits des personnes physiques et morales. Surtout, à l’instar des deux premières générations, les droits de troisième génération instaurent des limites aux relations de pouvoirs qui peuvent se nouer entre une entité donnée (politique, économique) et leurs titulaires. En définitive, ils ont en commun le partage d’un même esprit : la défense de l’Humanité dans ce qu’elle a d’essentiel, contre l’expression de puissances qui s’en affranchissent.
9. Ces deux approches des Droits de l’Homme – individualiste et solidariste – rendent en tout cas possible une première classification des différents systèmes de reconnaissance et de sauvegarde applicables dans le monde.
Le plus individualiste est incontestablement le système de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme qui n’accorde finalement pas une grande importance aux droits de solidarité. Il ne les ignore pourtant pas totalement 17 et, tel un serpent de mer, la question d’un protocole additionnel dédié aux droits de peuples et des minorités est régulièrement discutée 18. Le plus solidariste est, pour sa part, le système de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples qui, sans renier bien sûr les deux premières générations de droits, intègre en son sein pas moins de sept articles visant les droits de troisième génération, et trois articles visant les devoirs des individus envers sa famille et envers les collectivités publiques légalement reconnues. Entre ces deux références, se positionnent les autres systèmes lesquels, objectivement, expriment assez timidement leur attachement aux droits de solidarité.
Ces différences de fond profitent évidemment aux entreprises multinationales qui, dans une région donnée, ou en référence à un système donné de garantie, peuvent agir contre des droits de troisième génération sans que cela ne soit juridiquement considéré comme une violation manifeste des Droits de l’Homme. Le cas du droit à un environnement sain est particulièrement illustratif, mais les droits des minorités ou des populations autochtones le sont tout autant.
B – Les limites des dispositifs de garantie et de sauvegarde
10. Le système européen. Composé de 47 Etats membres, le Conseil de l’Europe est l’institution centrale du continent européen visant la promotion des Droits de l’Homme tels qu’ils transparaissent au travers plusieurs textes dont la Convention européenne de sauvegarde, la Charte sociale européenne et une multitude d’autres textes qui visent des enjeux spécifiques 19. Ce système dispose d’une juridiction dédiée, la Cour européenne des Droits de l’Homme dont les décisions sont opposables aux Etats membres, d’un Parlement qui contrôle l’action au quotidien des Etats membres en matière de promotion et de respect des Droits de l’Homme, ainsi que d’une multitude d’autres autorités qui, bien que n’ayant pas de pouvoirs juridictionnels, participent effectivement au contrôle du respect des droits et libertés, soit sous le prisme d’enjeux spécifiques tels que les droits sociaux 20, soit sur le fondement de compétences plus générales 21.
Indiscutablement, le système européen est celui qui présente le dispositif le plus complet et le plus effectif – le plus complexe aussi à appréhender – pour garantir une réelle valeur juridique aux libertés et droits reconnus. Cette particularité n’est pas négligeable au regard du sujet qui nous préoccupe, d’autant plus qu’une part importante des multinationales ont leur siège en Europe. Toute la difficulté consiste à relier un système qui, par essence, ne s’adresse qu’aux Etats à des violations qui ont été commises par des multinationales privées, parfois en dehors des territoires des Etats membres. Au regard de la jurisprudence de la CEDH, ces enjeux n’ont pas constitué un obstacle théorique majeur. En pratique, toutefois, les multinationales semblent encore relativement à l’abri.
11. Classiquement, la CEDH n’est compétente que pour connaître des requêtes – introduites par les Etats mais aussi par les personnes privées – qui se fondent sur des violations supposément commises par les Etats membres et leurs autorités publiques. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle reste totalement imperméable aux litiges qui opposent plusieurs personnes privées, telles que des individus victimes et des entreprises multinationales. En 1985, en effet, la Cour n’a pas hésité à sanctionner un Etat qui avait manifestement manqué à ses obligations lui imposant d’assurer le respect des droits et libertés garanties par la Convention, y compris dans sa législation visant les relations entre les personnes privées 22.
Ainsi, par la reconnaissance de cet « effet horizontal de la Convention », il est possible de mettre en cause la responsabilité des Etats dans des affaires qui, de prime abord, n’opposent que des personnes privées. Par leur négligence ou par leurs omissions législatives, le sort juridictionnel des Etats est étroitement lié à l’action des multinationales, ce qui (heureusement) interdit de considérer a priori que les pouvoirs publics seraient légitimes à se réfugier derrière le dogme très libéral du « laisser-faire, laisser-passer ». D’une certaine façon, la première des responsabilités sociétales des Etats consiste à réglementer, autant que possible, le comportement des opérateurs marchands, particulièrement lorsque ces comportements portent atteinte aux libertés et droits fondamentaux des individus.
Il reste que toutes les violations commises par des multinationales ne proviennent pas nécessairement d’une insuffisance de la législation, en tout cas dans l’appréciation de la Cour. Plutôt que de s’interroger si l’Etat a bien légiféré au regard des libertés et droits fondamentaux, il serait sans doute utile qu’en Europe, l’on se demande si l’Etat ne pourrait pas mieux légiférer, sur des sujets et dans un sens qu’on lui imposerait de l’extérieur… mais l’on ouvrirait ici l’épineuse problématique du rapport à leur souveraineté ; problématique qui, si elle devait être sérieusement rediscutée, remettrait en cause l’adhésion de nombre de ses membres. L’on notera néanmoins que l’adhésion de l’Union européenne au système ouvre des perspectives intéressantes sur ce plan, car s’agissant de l’action de ses Etats membres, une source d’impulsion législative extérieure est désormais disponible.
12. Autre enjeu d’importance au regard du contrôle de l’action des multinationales, la CEDH se déclare également compétente pour juger certains litiges à dimension extraterritoriale 23. L’article 1 de la Convention dispose en effet que les garanties qu’elle accorde protègent toute personne relevant de la « juridiction » d’un des Etats membres. Or cette notion de « juridiction » dépasse largement celle de « territoire », si bien que dans les cas où une autorité publique agirait de telle sorte que cela impacte une situation extraterritoriale, la responsabilité de l’Etat peut être mise en cause. Cette possibilité est néanmoins encadrée par des conditions strictes (non-cumulatives) parmi lesquelles d’une part, la nécessité qu’un Etat exerce un contrôle effectif sur une zone extraterritoriale 24 (ce qui relève ici d’une appréciation essentiellement factuelle) 25, ou d’autre part la réalité de l’autorité et du contrôle exercé par l’agent public en cause (par exemple lorsque, sur le consentement ou l’invitation d’un autre Etat, un Etat membre exerce tout ou partie des pouvoirs publics normalement exercés par l’Etat hôte sur un territoire ou sur un ensemble de services) 26.
Ce faisant, sous l’action conjuguée de cette jurisprudence et de la précédente, il est théoriquement envisageable de mettre en cause la responsabilité d’un Etat pour des actions commises par une multinationale dans des pays non-européens. Mais en vérité, les conditions sont trop restrictives pour fonder une pratique substantielle et fréquente, et semblent légitimées par l’idée qu’un Etat, naturellement, est limité dans ses pouvoirs de réglementation et de contrôle dès lors que l’on sort des limites de son territoire. L’on peut néanmoins objecter qu’un Etat est souverain pour légiférer sur l’action des multinationales qui ont domicilié leur siège sur son territoire, ou dont les principales activités s’y exercent, et que rien ne l’empêche de prévenir les possibles préjudices extraterritoriaux dont l’origine résiderait dans son propre territoire. Tout dépend, là encore finalement, de la volonté des Etats et de leur compréhension de leur propre responsabilité sociétale.
13. D’autres dispositifs du système européen peinent eux aussi, en pratique, à véritablement peser de façon vertueuse sur les comportements des multinationales. Si l’on considère par exemple la défense des droits économiques et sociaux reconnus dans la Charte sociale européenne, le Comité européen sur les droits sociaux ne dispose pas des mêmes prérogatives que la CEDH.
Observons déjà qu’il ne s’agit pas d’une institution juridictionnelle mais d’un collectif d’experts indépendants, chargés d’évaluer la conformité des législations nationales et des pratiques juridiques avec les principes contenus dans la Charte sociale européenne. Le Comité agit essentiellement sur la base des rapports que lui remettent les Etats membres, mais aussi des réclamations collectives que lui soumettent les partenaires sociaux et les ONG 27. C’est cette dernière procédure qui nous intéresse le plus par rapport aux comportements des multinationales.
L’on notera tout d’abord que les décisions rendues par le Comité sont purement déclaratoires, c’est-à-dire qu’elles se contentent de dire le droit. Certes, sur cette base, les autorités nationales sont évidemment attendues sur la façon dont elles entendent leur donner un effet en droit interne. Les juges nationaux sont même en capacité de se fonder sur ces décisions pour trancher un litige qui, par exemple, concernerait une multinationale, notamment en décidant d’écarter telle ou telle disposition du droit interne qui aurait été considérée comme non conforme. Mais rien ne le garantit : elles sont un argument, et non une décision exécutoire.
Il reste qu’en cas de violation constatée par le Comité, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe invite l’Etat membre concerné à lui communiquer les mesures prises ou envisagées pour mettre la situation en conformité avec la Charte. De là, le Comité des Ministres peut soit adopter (à la majorité des votants) une résolution si l’Etat en question affiche une volonté de progresser, soit adopter (aux deux tiers des votants) une recommandation dans le cas contraire. L’Etat aura en tout état de cause à présenter son action via un rapport ultérieur, dont il appartiendra au Comité européen des droits sociaux d’évaluer la réalité de la mise en conformité alléguée. Ainsi, la procédure de suivi des décisions se fonde-t-elle essentiellement sur une négociation politique, éclairée par des considérations sociales, économiques et juridiques, qui aboutissent in fine à impulser des évolutions lentes des législations en cause. Les multinationales qui agissaient sous couvert d’une législation non-conforme, disposent ainsi de suffisamment de temps pour adapter leurs stratégies pour l’avenir (notamment leurs stratégies de lobbying), sans forcément trop s’interroger sur les conséquences de leurs comportements antérieurs.
Par ailleurs, les litiges extraterritoriaux sont explicitement exclus du champ de la Charte sociale européenne qui ne s’applique qu’aux territoires métropolitains des Etats membres. Cela n’anéantit certes pas l’argument visant la compétence de réglementation des multinationales dont le siège est domicilié dans l’un de ces Etats. Mais cela rend plus incertain encore, en pratique, le recours à la Charte pour s’opposer aux comportements marchands qui ne seraient pas respectueux des droits économiques et sociaux des individus.
14. Les systèmes africain et interaméricain. S’ils proposent des dispositifs de garanties moins élaborés que l’européen, les systèmes africain et interaméricain reposent eux aussi sur un double mécanisme de contrôle à la fois juridictionnel et administratif. Mais à la différence du système européen, ce sont les organes de contrôle administratif (la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, et la Commission interaméricaine des droits de l’Homme) qui assurent l’essentiel de la promotion et de la protection des Droits de l’Homme dans leur zone régionale.
15. A l’instar du système européen, les principaux destinataires du contrôle exercé sont les Etats membres qui ont ratifié les textes reconnaissant les libertés et les droits supposément violés. La question se pose de savoir s’il est possible, néanmoins, de se fonder sur des violations commises par des personnes privées, dont les multinationales.
S’agissant de l’Afrique, la Charte africaine vise explicitement « les devoirs des individus » (ce qui tendrait a priori à exclure toute mise en cause des personnes morales, mais le débat reste ouvert). Par ailleurs, la responsabilité des Etats visant à protéger les individus des éventuels préjudices que pourraient causer les acteurs non-gouvernementaux parait être établie en droit. De là partant, il n’est pas illusoire d’espérer mettre en cause les défaillances des législations nationales lorsqu’elles aboutissent à permettre des violations commises par des multinationales ; plus certainement encore lorsque les Etats membres ont soit une participation dans le capital d’une grande entreprise, soit déployé des moyens de puissance publique pour accompagner une stratégie économique d’entreprise. C’est, en tout cas, ce qui transparait de la décision « Nigeria : Peuple Ogoni contre Shell Afrique » 28. Ce raisonnement, fondé sur la responsabilité indirecte des Etats membres, parait mieux établie encore dans la pratique décisionnelle de la Commission interaméricaine 29.
16. Sur la problématique spécifique des dommages extraterritoriaux, les choses sont beaucoup moins claires. Dans le système africain, aucune référence aux notions de « juridiction » ou de « territoire » ne semble fermer la porte à l’examen de ce type de situation. L’on trouve par ailleurs quelques décisions visant l’action publique extraterritoriale de certains Etats membres 30, ce qui confirme une possibilité conceptuelle d’aller en ce sens. Toutefois, à ce jour, aucune communication n’a été introduite devant la Commission africaine qui vise l’action extraterritoriale d’une entreprise agissant avec la complicité (objective ou subjective) d’un Etat membre. La question reste donc totalement ouverte.
Dans le système interaméricain, les deux principaux textes applicables – la « Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme » et la « Convention américaine des Droits de l’Homme » – disposent différemment : là où la « Déclaration » ne semble pas limiter sa compétence à une question de « juridiction », la « Convention », en revanche, s’y réfère ; mais dans le sens d’assurer sa protection à toute personne relevant de la juridiction d’un Etat membre. L’examen des litiges extraterritoriaux ne semble donc pas exclu a priori. Toutefois, l’étude de la pratique décisionnelle de la Commission révèle que si l’extraterritorialité du litige n’est pas un obstacle, elle n’est envisageable que si le préjudice s’est réalisé dans les limites du territoire d’un autre Etat membre, ou s’il a porté atteinte à un citoyen d’un des Etats membres 31. En tout état de cause, la pratique décisionnelle reste, sur ce point, à l’état embryonnaire 32.
17. Ainsi, si les possibilités d’engager la responsabilité d’un Etat membre sur le fondement des agissements d’une multinationale restent envisageables, aucune certitude quant à l’issue de ces saisines ne peut être avancée. Mais objectivement, les failles des systèmes africain et interaméricain ne résident pas réellement là : l’enjeu de l’effectivité des décisions rendues est, hélas, centrale.
Dans le système africain, la Commission a pour mandat de collecter des informations, de mener des enquêtes et des analyses, d’organiser la diffusion des informations relatives à la promotion des droits de l’Homme, d’encourager l’action des Etats membres dans ce domaine et, enfin, de formuler des avis et des recommandations auprès des Etats membres. Mais ses décisions n’ont rien d’obligatoire, et semblent n’avoir comme seule influence que celle d’accroître la pression médiatique sur les Etats défaillants. Elle peut néanmoins décider de saisir la Cour africaine des Droits de l’Homme, mais non-seulement cette démarche relève, dans une grande part, d’une décision politique non-automatique, mais en pratique, elle offre finalement peu de garanties ainsi que nous allons le constater ci-après. Dans le système interaméricain, le suivi des décisions rendues obéit à peu près aux mêmes logiques, à ceci près que pour éventuellement saisir la Cour, encore faut-il au préalable que l’Etat membre ait reconnu la compétence de cette juridiction.
Relevons enfin toute une série d’autres considérations, qui interrogent sur l’indépendance réelle des membres des Commissions par rapport aux gouvernements des Etats membres, sur les moyens humains et logistiques qui sont accordés à ces instances pour travailler, ainsi que sur la volonté réelle des gouvernements de « jouer le jeu » du respect des droits de l’Homme et de se montrer diligents vis-à-vis de leurs obligations envers les Commissions.
18. Qu’en est-il des instances juridictionnelles, en l’espèce la Cour africaine des Droits de l’Homme et la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme ?
Un premier point concerne l’ouverture du droit de saisine. Alors que le système interaméricain restreint celle-ci exclusivement aux Etats et à la Commission, le système africain, en revanche, la consacre pour les individus et les ONG, en sus de la Commission et des Etats membres. Seul bémol : dans le système africain, cette possibilité est conditionnée par la déclaration préalable en ce sens des Etats membres dont relèvent lesdits individus et ONG 33 ; par ailleurs, les ONG doivent avoir acquis le statut d’observateur devant la Commission, ce qui implique une procédure d’obtention spécifique et longue. L’on relèvera, par ailleurs, que s’agissant du système interaméricain, les ONG disposent néanmoins du droit de soumettre un « amicus curiae » soit dans les 15 jours suivants une audition publique, soit dans les 15 jours suivant la détermination des délais de dépôt des conclusions définitives des parties.
D’une façon générale, les décisions rendues par ces Cours sont juridiquement contraignantes. Mais en pratique, les difficultés d’assurer cette prérogative sont nombreuses. Dans le système africain, notons tout d’abord que les décisions rendues sont susceptibles d’être librement interprétées par les autorités nationales. Surtout, l’exercice du suivi dans l’exécution appartient au Conseil exécutif de l’Union africaine, instance éminemment politique qui se compose des ministres désignés pour y siéger par les gouvernements des Etats membres. Dans le système interaméricain, le suivi est contrôlé grâce à la soumission de rapports publiés par la Cour à destination de l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats américains.
19. Le système des Nations-Unies. Face aux carences et aux insuffisances des dispositifs régionaux, il apparait logique de se tourner vers les mécanismes mis en place sur le fondement des traités des Nations-Unis – la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, les neuf conventions spécifiques d’affirmation de droits ainsi que les différents Protocoles additionnels en vigueur – pour tenter d’identifier d’autres possibilités d’influencer le comportement des entreprises multinationales.
D’une façon générale, au regard du dispositif des Nations-Unies, les Etats ont non-seulement l’obligation de protéger les individus contre les violations commises par leurs agents, mais aussi contre celles commises par les personnes ou les entités privées. Il reste qu’à ce jour, il n’existe aucune Convention qui traite directement de la responsabilité des acteurs non-étatiques, bien que le principe de cette responsabilité ait fait l’objet de nombreuses initiatives à ce jour encore bien trop frêles 34.
20. Pour chacun des traités fondant le dispositif des Nations-Unies, se trouve un Comité d’experts indépendants chargé de veiller au bon respect, par les Etats, de leurs engagements internationaux. A cet effet, ils disposent de plusieurs pouvoirs parmi lesquels
- Un pouvoir d’interprétation des dispositions du traité auquel le Comité est lié ; pouvoir qui est régulièrement utilisé pour étendre la responsabilité des Etats au contrôle des actions des entreprises ;
- Un pouvoir d’évaluation des actions des Etats, exercé à partir des rapports périodiques que ces derniers établissent ;
- Selon les Comités considérés, un pouvoir d’examen de requêtes qui sont déposées soit par un Etat contre un autre Etat (dispositif pour l’instant jamais utilisé), soit par une personne privée contre un Etat. Dans ce dernier cas, le Comité ne dispose pas d’un pouvoir d’investigation mais peut demander des compléments d’informations à d’autres instances des Nations-Unies. Lorsque la violation des droits et libertés est reconnue, l’Etat en cause doit justifier, dans un certain délai, de ses actions en vue de faire cesser les atteintes. Un Rapporteur spécial peut également être nommé pour accompagner cette phase ;
Ainsi, si le mécanisme des Comités n’aboutit pas à rendre des décisions juridiquement contraignantes contre les Etats, ceux-ci veillent néanmoins à respecter leurs recommandations pour ne pas apparaître, sur la scène internationale, comme manquant à leur obligation générale de bonne foi.
21. D’autres mécanismes existent au sein du dispositif des Nations-Unies, et notamment le Conseil des Droits de l’Homme, institué par l’Assemblée Générale en mars 2006, et dont la mission première est d’encourager les Etats à respecter leurs engagements en faveur des Droits de l’Homme et de promouvoir, sur ce thème, une coordination efficace des activités des différentes instances des Nations-Unies.
A l’instar des Comités précédemment évoqués, le Conseil exerce un pouvoir d’évaluation des actions des Etats (« Universal Periodic Review ») à partir duquel il émet des recommandations. Toutefois, les Etats sont libres d’accepter ou de refuser ces dernières, lesquelles par ailleurs semblent bien souvent guidées sur le fond par des considérations diplomatiques autrement fondées que sur la défense des Droits de l’Homme.
De même, le Conseil peut examiner des communications individuelles (« Procédure 1503 ») mais dont l’issue, au mieux, consiste à saisir soit le Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme, soit un expert indépendant, pour apporter une aide technique aux Etats et veiller à une amélioration des situations litigieuses. Pour l’essentiel, ces recommandations demeurent confidentielles sauf en cas de saisine du Conseil Economique et Social des Nations-Unies (dans ce dernier cas de figure, l’Assemblée Générale peut-être à son tour saisie par cette instance et, pourquoi pas, décider de sanctions contre l’Etat défaillant).
22. Conclusion de la partie 1. Cette rapide typologie des systèmes de garantie montre que les possibilités d’instrumentalisation par les multinationales des Droits de l’Homme reposent sur deux leviers principaux : d’une part, des différences notables dans le contenu des droits et des libertés garanties selon où se situe l’action des multinationales dans le monde ; d’autre part, des différences tout aussi notables dans la conception et la mise en œuvre des mécanismes administratifs et juridictionnels visant la garantie des droits et des libertés consacrés.
Elle montre surtout que pour mieux influencer la conduite des multinationales, il conviendrait de porter une attention plus soutenue aux problématiques de l’extraterritorialité des affaires soumises aux institutions compétentes, des liens de responsabilité qui unissent les Etats (législateurs) aux multinationales (sujets) et, bien sûr, de la pleine reconnaissance des trois générations de Droits de l’Homme, particulièrement les droits de solidarité. C’est en effet contre les droits de l’environnement et les droits des populations locales que se concentrent l’essentiel des manquements des multinationales, si l’on en croit les constatations des ONG.
23. Ces questions se posent ainsi très directement aux Etats, qui sont à l’origine de la conception des systèmes de garantie dans le monde. Elles se posent plus particulièrement aux Etats constituant le système européen, car étant le plus développé sur le plan administratif et juridictionnel, et couvrant l’essentiel des Etats les plus influents au monde en matière économique et marchande, ce système pourrait fort utilement peser sur les comportements des multinationales.
Mais plutôt que de progresser substantiellement sur ces trois enjeux, il semblerait que les Etats aient adopté une autre stratégie, qui apparait comme plus simple à mettre en œuvre et sans doute de façon plus rapide : l’autorégulation éthique des entreprises, promue à travers le concept de responsabilité sociétale.
II – L’efficacité très relative des stratégies de responsabilité sociétale des entreprises pour réduire les cas d’instrumentalisation des Droits de l’Homme
24. Aux termes de la définition la plus récente retenue par les institutions européennes, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société. Pour assumer cette responsabilité, il faut au préalable que les entreprises respectent la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux. Afin de s’acquitter pleinement de leur responsabilité sociale, il convient que les entreprises aient engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’Homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base, ce processus visant : à optimiser la création d’une communauté de valeurs pour leurs propriétaires/actionnaires, ainsi que pour les autres parties prenantes et l’ensemble de la société; à recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels que les entreprises peuvent exercer » 35.
La RSE est ainsi un concept fondé sur des logiques d’autorégulation,structurées à partir de considérations morales et de « bonnes pratiques », et fondées pour l’essentiel sur des normes que l’on classe généralement dans la catégorie de la « soft law » (bien que, nous le verrons, l’implication de la « hard law » est de plus en plus fréquente) 36. La RSE n’est pas un concept de droit en tant que tel, mais une stratégie d’entreprise qui influence la conception des normes dont elle se dote pour agir.
Ce concept doit également être appréhendé pour ce qu’il est réellement : la RSE n’est que la vision subjective que l’entreprise déploie quant à sa propre soutenabilité. En d’autres termes elle traduit la satisfaction d’intérêts privés, que l’on tente certes de faire converger avec l’intérêt général (avec plus ou moins de réussite selon les cas), mais qui n’est pas en mesure de contredire l’essence même d’une organisation marchande, à savoir opérer dans l’unique but d’imposer ses produits et ses services dans le jeu concurrentiel de l’offre et de la demande.
Ceci étant rappelé, il convient d’observer que les stratégies de RSE sont encadrées par un droit qui leur est dédié : sur le plan de la « hard law », les Etats imposent en effet à certaines entreprises une obligation de « reporting » qui doit – en théorie en tout cas – les contraindre à plus de transparence et d’objectivité dans la communication de leurs performances extra-financières (A) ; sur le plan de la « soft law », de nombreux référentiels méthodologiques sont proposés pour accompagner les entreprises qui s’engagent sincèrement dans ce type de stratégie (B).
Si ce « droit de la RSE » a évidemment le mérite d’exister, et ambitionne de lutter contre les situations d’instrumentalisation, il n’est malheureusement pas exempt de malfaçons et d’insuffisances notables.
A – L’obligation de « reporting » des performances extra-financières
25. L’obligation de transparence est sans équivoque le principal levier à partir duquel le législateur envisage la promotion du concept de RSE 37. Elle traduit la préoccupation d’accéder facilement aux informations qui caractérisent les performances « extra-financières » des entreprises ; informations qui s’avèrent décisives dans les choix qui déterminent les liens de confiance unissant l’entreprise à ses différentes parties prenantes 38. Le « reporting » présente également l’avantage d’introduire, en interne, une véritable introspection sur ses propres forces et faiblesses, et à partir de là, de rendre possible la définition d’une stratégie de RSE fondée sur des objectifs, des indicateurs et des trajectoires à suivre, des évolutions de gouvernance aussi 39.
Parallèlement, l’obligation de transparence apparaît comme le moyen privilégié d’accroître l’interventionnisme des Etats sur le sujet de la moralisation des activités marchandes et, en arrière-plan de celui-ci, de la promotion du développement soutenable pour lequel les Etats sont juridiquement engagés 40. Puisque l’enjeu est de faire converger la satisfaction des intérêts privés avec celle de l’intérêt général, il est nécessaire au préalable que les pouvoirs publics définissent précisément les horizons de ce dernier. A eux, donc, la responsabilité d’en poser les thématiques – le respect des droits de l’Homme étant particulièrement pertinent à cet égard – et de contraindre les entreprises à s’exposer publiquement sur ces questions.
26. Il reste à savoir si, dans cette perspective, les Etats jouent sérieusement leur partition ou si, in fine, ils se contentent de mettre en place une législation essentiellement « cosmétique », qui reste sous-tendue par l’idée que toute contrainte véritable en matière de performances « extra-financières » constituerait un frein pour le développement économique des entreprises et, incidemment, pour la croissance.
A l’examen des législations française et européenne, force est de regretter que c’est bien la tentation du « cosmétique » qui l’a emportée. Même si l’on constate une évolution sensible des dispositifs de « reporting » depuis la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 (dite loi « NRE ») 41, l’obligation de transparence reste aujourd’hui gangrénée par de nombreuses malfaçons qui laissent aux entreprises la possibilité d’instrumentaliser le sujet de leurs performances extra-financières pour déployer une image vertueuse en décalage avec leurs actes 42.
27. Une première série de malfaçons vise le contenu même du « reporting ». A ce jour, le décret n°2012-557 du 24 avril 2012 pose 42 indicateurs à renseigner – dans les domaines de l’emploi, de l’environnement et des engagements sociétaux en faveur du développement soutenable – dont 29 concernent toutes les entreprises soumises à l’obligation, et 13 uniquement les entreprises dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.
Si l’on peut admettre, pourquoi pas, l’idée qu’une entreprise cotée soit contrainte à des efforts plus exigeants de transparence, l’on a toutefois du mal à comprendre en quoi les indicateurs qui ont été retenus dans cette hypothèse seraient plus pertinents pour elles que pour les entreprises non cotées. Ainsi, la liste complémentaire introduit des thèmes tels que l’absentéisme, les accidents du travail et les maladies professionnelles, la sous-traitance, la sécurité des consommateurs, l’adaptation au changement climatique, ou encore l’utilisation des sols… autant de sujets qui, objectivement, se posent avec la même intensité à toutes les entreprises quelle que soient leur taille et leur rapport au capital 43.
D’une manière plus générale, l’on observera que l’essentiel des 42 indicateurs à renseigner imposent peu d’informations statistiques objectives et se contentent, par la généralité de leur sujet, d’exiger des entreprises qu’elles fournissent un simple « regard » sur le thème requis ; regard qui peut facilement s’avérer incomplet et en tout cas qui reste très subjectif. Par ailleurs, les spécialistes de chaque domaine observeront les nombreuses « lacunes » des indicateurs retenus. S’il est vrai que dès qu’une liste doit être établie à partir d’un concept aussi vaste que celui de la RSE, l’oubli de tel ou tel enjeu est difficilement évitable. Mais tout de même : il suffisait de consulter les nombreux référentiels internationaux disponibles pour limiter, facilement, les omissions les plus flagrantes.
L’on doit surtout regretter que la mise en place du dispositif européen ne corrige pas ces défauts. Il se contente simplement – mais c’est en soi, il est vrai, déjà un progrès – d’imposer l’existence d’une obligation de « reporting » dans tous les Etats membres, libres à eux ensuite d’en définir le contenu dès lors que sont envisagées les « questions d’environnement, sociales et de personnel, le respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption ».
Or si l’on envisage uniquement le thème du respect des droits de l’Homme, par exemple, les indicateurs français pertinents se résument aux « mesures prises en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes », à « la politique de lutte contre les discriminations », à « l’impact territorial, économique et social de l’activité de la société sur les populations riveraines ou locales » et, uniquement s’agissant des entreprises cotées, à « la promotion et respect des stipulations des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail relatives au respect de la liberté d’association et du droit de négociation collective, à l’élimination des discriminations en matière d’emploi et de profession, à l’élimination du travail forcé ou obligatoire, à l’abolition effective du travail des enfants » et aux « autres actions engagées (…) en faveur des droits de l’homme »… on ne peut difficilement faire plus flou et plus subjectif !
28. Une seconde malfaçon pose problème, et particulièrement pour les juristes : l’absence de sanction explicite en cas de manquement conduit à ce que la transparence n’ait, ici, d’obligation que le nom. L’on peut certes toujours recourir à l’ingéniosité des techniciens du droit pour tenter de raccrocher telle ou telle situation de manquement à une responsabilité juridique préexistante, mais non-seulement un grand nombre de cas échappent à ce type de démarche, mais surtout les conditions de mise-en-œuvre de ces sanctions « indirectes » s’avèrent complexes et plutôt théoriques. Autant dire que si une entreprise entend instrumentaliser ses performances extra-financières dans le seul but de se créer une image faussement vertueuse, le droit s’avère relativement impuissant pour l’en dissuader.
Certes l’arrêté du 13 mai 2013 tente de compenser cette grave lacune en organisant un dispositif d’évaluation de la sincérité des informations renseignées par des « organismes tiers indépendants », agréés par les pouvoirs publics sur la base de leurs méthodologies de travail. Mais d’une part, observons que cette évaluation est nécessairement limitée dès lors que l’information requise ne s’appuie pas sur des données statistiques objectives mais sur une analyse subjective de l’action engagée. D’autre part, quelles sanctions réelles encourent les entreprises dans le cas où l’avis de l’organisme évaluateur serait négatif, ou contiendrait des réserves ? Si l’article L225-102-1 du Code du commerce peut s’interpréter comme imposant nécessairement la production de l’avis de l’organisme à l’assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport de gestion, rien n’est dit sur l’attitude requise en cas d’avis négatif ou réservé. L’obligation est ici purement formelle (ce qui n’est pas neutre, loin s’en faut) mais elle n’exige rien de plus de la part de l’entreprise 44.
B – Les référentiels
29. Si, au travers l’obligation de « reporting », la « hard law » peine à impulser une réelle dynamique en faveur du respect des principes structurant les Droits de l’Homme par les entreprises multinationales, la « soft law » en revanche place cet enjeu au cœur de son action. Parmi la multitude des référentiels méthodologiques disponibles – non contraignants sur le plan juridique – tous proposent des objectifs à atteindre en la matière, des indicateurs à renseigner ainsi que des précieux conseils à suivre pour aboutir. Certes, leur efficacité dépend naturellement du degré de sincérité qui accompagne les démarches de RSE déployées, quoique de plus en plus aujourd’hui, la capacité des entreprises à se conformer auxdits référentiels s’impose comme un paramètre déterminant de leur image, et donc comme un vecteur de confiance et d’opportunités économiques.
30. L’un des référentiels les plus répandus au monde est sans conteste le « Pacte Mondial » que proposent les institutions de l’ONU. A première vue, le texte laisse perplexe : en se fondant sur les principales normes onusiennes, il formule dix principes généraux relatifs tout à la fois aux Droits de l’Homme (2 principes sur les 10), à la protection sociale et environnementale ainsi qu’à la lutte contre la corruption. L’entreprise s’engage formellement, verse une cotisation et accède alors à un ensemble de services d’accompagnement ainsi qu’à l’utilisation limitée du logo « Pacte Mondial » (utilisation qui est contrôlée par le Bureau du Pacte Mondial).
Dans ces conditions, l’on peut en effet s’interroger : comment s’assurer que les entreprises ne tirent pas profit de l’image de l’ONU, tout en s’abstenant de mettre en œuvre les dix principes dans leur sphère d’influence ?
Mais raisonner ainsi, c’est ne pas comprendre la démarche onusienne. Le « Pacte Mondial » n’a pas vocation à créer du droit, mais à inciter les entreprises à se poser des questions pertinentes en amont de leurs décisions et actions ; à interagir entre entreprises engagées, pour échanger des pratiques vertueuses et imposer, dans la culture marchande, l’idée d’une responsabilité sociétale des opérateurs. Il s’agit surtout de constituer entre les entreprises, les investisseurs, les organisations non-gouvernementales et les syndicats, un vaste réseau où chacun évalue et contrôle l’action extra-financière de la multinationale, et fait dépendre ses choix de partenariat sur cette base. L’enjeu est moins de lutter contre le « green and red-washing » que de soutenir et de renforcer les entreprises qui entendent sincèrement jouer le jeu.
D’une façon plus générale, le « Pacte Mondial » respecte l’esprit fondamental du droit international qui suppose la relation juridique entre l’institution et les Etats : il revient à ces derniers d’identifier et de sanctionner les possibles manquements des entreprises, leurs mensonges ou leurs approximations coupables. Le « Pacte Mondial », toutefois, marque la volonté de l’ONU de ne pas s’enfermer dans ce dialogue exclusif avec les Etats, et d’ouvrir des échanges directs avec les acteurs économiques qui peuvent, s’ils sont conscients de leur propre responsabilité sociétale, accélérer l’effectivité des principes sur lesquels les Etats s’engagent.
31. Le « Pacte Mondial » n’est pas le seul référentiel proposé dans le giron des institutions onusiennes. Le « Global Reporting Initiative » vise l’accompagnement des entreprises dans leur démarche de « reporting » en offrant à celles-ci de très nombreux indicateurs – particulièrement détaillés, puisqu’outre la description de l’indicateur, figurent également une explication de sa pertinence, des conseils de procédure, et des références bibliographiques – destinés à s’assurer de la pertinence et de l’objectivité des informations renseignées, ainsi que de leur exploitabilité par les parties prenantes. Le point fort de ce référentiel consiste à dissocier la façon de traiter l’information en fonction des particularités des thématiques abordées.
S’agissant plus spécifiquement des Droits de l’Homme, le référentiel ventile les enjeux pertinents dans l’ensemble des thématiques traitées, qu’elles soient sociales, économiques ou environnementales, si bien que le respect des Droits de l’Homme y apparait comme constituant un présupposé culturel de toute démarche de responsabilité sociétale. Certains autres enjeux plus spécifiques sont par ailleurs traités dans une catégorie dédiée, comme par exemple la communication du « pourcentage et du nombre total des accords et des contrats d’investissement substantiels incluant des clauses relatives aux Droits de l’Homme ou ayant fait l’objet d’un contrôle sur ce point » 45 , du « nombre total d’heures de formation des salariés sur les politiques ou procédures relatives aux Droits de l’Homme applicables dans leur activité, y compris le pourcentage de salariés formés » 46, ou encore du « pourcentage de nouveaux fournisseurs contrôlés à l’aide de critères relatifs aux Droits de l’Homme » 47.
A l’évidence dans le contexte précédemment rappelé pour la France, où l’obligation de « reporting » telle que posée par la loi et la réglementation souffre de malfaçons conceptuelles, le recours au GRI permet d’en combler les nombreuses lacunes et insuffisances et assure au rapport de gestion une qualité de haute exigence.
32. D’autres référentiels méthodologiques sont par ailleurs disponibles, qui s’inscrivent dans des logiques similaires. Le plus récent, et sans doute celui qui est le plus utilisé de nos jours, est la norme « ISO 26000 » qui détient la particularité, au sein de toutes les normes ISO, de ne pas faire l’objet d’une démarche d’audit et d’être, dès lors, une simple proposition guidant l’action volontaire des entreprises.
Relevons qu’au fil des évolutions et mises-à-jour de tous ces référentiels, apparaît une dynamique de relative convergence sur le fond, observable soit par des références faites aux autres référentiels (par exemple entre la norme ISO 26000 et le GRI 48.), soit par une assise de plus en plus explicite aux normes juridiques du droit international. Cette mise en cohérence progressive esquisse en fin de compte une méthodologie complète couvrant toutes les étapes d’une stratégie de RSE, allant de la phase de réflexion préalable (avec, par exemple, le « Pacte Mondial ») à celle de la publication du rapport (le « GRI), en passant par l’identification des actions, des objectifs, des indicateurs et des trajectoires (par exemple, la norme ISO 26000 et le référentiel de l’OIT).
33. Un mot particulier doit être consacré à un référentiel atypique : « les lignes directrices de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ». Sur le fond le texte propose aux entreprises plusieurs principes (suivis de leurs commentaires), ventilés dans tous les domaines pertinents de responsabilité sociétale, avec un nombre et un degré de précision plus importants que le « Pacte Mondial », mais sans proposer toutefois des indicateurs aussi précis que ceux que l’on retrouve dans la norme ISO 26000 ou le GRI par exemple. En cela, le référentiel OCDE s’insère parfaitement dans le réseau méthodologique évoqué ci-avant, et ne tranche pas fondamentalement avec les autres.
Sa singularité réside en revanche sur la question du contrôle de la mise-en-œuvre de ses principes. L’OCDE institue en effet, dans chaque Etat adhérent aux Principes directeurs et sous le patronage direct de celui-ci, un organe appelé « Point de contact national » (PCN) qui aide les entreprises et leurs actionnaires à prendre des mesures appropriées afin de promouvoir les objectifs des Principes directeurs 49. Ils fournissent ainsi une plateforme de médiation et de conciliation pour résoudre les questions pratiques qui peuvent se présenter avec la mise en œuvre des Principes directeurs 50.
Concrètement, il est possible pour toute partie intéressée de saisir le PCN compétent de tout manquement d’une entreprise multinationale aux Principes directeurs. Dès lors, et selon des procédures conçues pour garantir l’impartialité, une enquête sera ouverte pour vérifier la réalité des manquements allégués et en identifier les causes. Dans les cas où la saisine s’appuierait sur des transgressions avérées, le PCN tentera de rapprocher les parties en vue de conclure un accord de médiation ayant vocation à faire cesser le manquement et à remettre la situation litigieuse en conformité avec les Principes directeurs. Quelle que soit l’issue de cette procédure de médiation, le PCN publiera un rapport détaillé (dont la consultation est accessible depuis la plateforme « OCDE Watch »).
Ainsi, si le mécanisme de contrôle s’écarte des logiques judiciaires – aucune sanction juridique ni aucune indemnisation des préjudices n’est prononcée par le PCN – elle s’appuie en revanche entièrement sur l’image des entreprises mises en cause, et leurs possibles conséquences économiques. A partir de ce levier, elle se concentre sur l’évolution des situations litigieuses sans juger autre chose que la volonté des parties de se conformer aux Principes directeurs.
Ce faisant, l’OCDE trouve là un juste milieu judicieux entre la préservation de la nature fondamentalement volontaire du concept de responsabilité sociétale, et la résignation à laisser prospérer des situations de « green and red-washing » que peuvent possiblement induire cette nature fondamentalement volontaire. En d’autres termes si les entreprises sont laissées libres de choisir leur façon de manifester leur responsabilité sociétale, elles ne le sont pas s’agissant de l’admission, comme préalable à toutes leurs décisions, du principe de celle-ci. Et pour garantir cette obligation « morale », l’OCDE s’appuie non plus sur le droit, mais sur les nouvelles logiques induites par la mondialisation des échanges, le développement des technologies de l’information et de la communication et les pouvoirs de la consom’action : la valeur économique de l’image et les liens étroits qui unissent la confiance, génératrice d’opportunités marchandes, à l’adhésion à un socle de valeurs morales partagées.
34. Conclusion de la partie 2. Le droit de la RSE, ici sommairement résumé, constitue à n’en point douter un levier indispensable et efficace permettant de lutter contre les situations d’instrumentalisation des Droits de l’Homme par les entreprises multinationales. Toute l’astuce du concept consiste à jouer sur l’image de l’entreprise, ou plus précisément sur la valeur économique de cette image, dans le contexte contemporain où l’entreprise est indiscutablement observée et évaluée par toutes ses parties prenantes.
Mais toute sa faiblesse tient au fait que, sur son fondement, seules ne parviennent à réellement réduire les cas d’instrumentalisation que les entreprises qui sont sincèrement engagées dans une stratégie de RSE. Pour les autres, il est même assez facile d’accroître les cas d’instrumentalisation puisque rien n’étant obligatoire, puisque les informations imposées par la « hard law » sont désespérément floues, l’on peut aisément se revendiquer d’un référentiel, se contenter d’en dire le moins possible et sur les sujets les moins polémiques, sans pour autant se montrer particulièrement vigilent dans l’action.
35. Mais là encore, observons que cet état de fait provient avant tout de la légèreté avec laquelle les Etats conçoivent le droit de la RSE.
* * *
36. Conclusion générale. Si le propos de cette contribution est sévère, et sans doute (trop ?) pessimiste, c’est avant tout en réaction aux excès d’optimismes qui prolifèrent dans presque tous les discours officiels qui traitent du respect des Droits de l’Homme par les entreprises multinationales. La RSE y est présentée comme un « remède miracle », qui peut tout là où le Droit, dans sa conception classique, aurait échoué et échoue encore.
C’est oublier que la responsabilité sociétale ne fonctionne que si elle repose sur ses deux « jambes » : la responsabilité sociétale des entreprises, évidemment, mais aussi la responsabilité sociétale des Etats ! Pour faire converger les intérêts privés vers l’intérêt général, encore faut-il au préalable que ceux qui ont la charge de cet intérêt général, le fassent vivre et l’adaptent aux circonstances de l’époque. Car si la RSE doit aboutir, en définitive, à abdiquer la responsabilité de l’éthique du Marché au profit de ceux qui doivent s’y conformer, alors ce concept ne sert à rien, et certainement pas à maintenir le Marché sous le contrôle de la société à une époque où les Etats œuvrent activement en faveur de toujours plus de libre-échange, et toujours moins de réglementations et de contraintes qui pourraient freiner les dynamiques de croissance économique 51.
37. Il revient donc aux Etats reprendre la main sur la maîtrise des comportements des entreprises multinationales. Il revient à la « hard law » d’assumer ce défi, non pas tant en dictant de nouvelles obligations qui, en pratique, seront peu respectées par les puissances du Marché, mais en mettant certaines autorités, légitimes par leurs fonctions sociales, souples et réactives par leurs pouvoirs, en situation de peser sur ces comportements.
L’on pense notamment au juge, et particulièrement au juge des relations de consommation, qui pourrait, à l’instar de la Cour suprême de Californie dans l’affaire Kasky vs Nike (2003) 52 affirmer que tout document traduisant la responsabilité sociétale d’une entreprise est, par nature, une publicité ; qu’elle est, de ce fait, soumise à la législation réprimant la publicité mensongère. Pour l’envisager, il faudrait alors que le Code de consommation évolue ; qu’il considère que l’usage des droits de l’Homme (et au-delà, la manière dont l’entreprise communique sur son action sociétale) constitue un paramètre à la fois de conception et de promotion de tous les produits de l’entreprise, et donc aussi d’un produit déterminé ; que l’approche des caractéristiques du produit ou du service soit élargie ; qu’apparaisse plus nettement dans la loi, le lien entre la mise-en-scène d’un mensonge éthique et l’acte d’achat du consommateur. Certaines juridictions ont tenté d’introduire cette approche de la RSE 53. Elle n’a toutefois jamais aboutie 54.
38. Le défi est donc politique. Mais l’enjeu concerne les juristes. Il revient en effet à notre communauté de défendre une certaine conception des rapports entre le Droit, l’activité marchande et la protection des libertés individuelles et collectives. Il nous appartient d’alerter les pouvoirs publics sur les dangers de leur possible abdication sur ces sujets. A nous de plaider la cause d’une profonde refonte des systèmes de garantie des Droits de l’Homme et du droit de la RSE, car n’en déplaise à une certaine tradition doctrinale bien ancrée dans notre communauté, les juristes ne sont pas de simples techniciens des normes, mais des acteurs vivants de la société, porteurs d’une vision d’avenir, laquelle est effectivement assise sur nos connaissances des normes.
C’était jadis notre tradition. C’est sans aucun doute notre horizon, demain !
Notes:
- Supiot (A.), « Critique du droit du travail », Paris, 1994, PUF, coll. « Quadrige », 3ème éd. (2015), p.152. ↩
- V. ntm J. Rifkin, « L’âge de l’accès. La révolution de la nouvelle économie », Paris, 2005, La Découverte, coll. « Poche/Essais ». ↩
- Sève (R.), « L’utilitarisme » in « Dictionnaire de philosophie politique » (ss. dir. de Ph. Raynaud et S. Rials), Paris, 1996, PUF, coll. « Quadrige / Dicos poche», 3ème éd. (2005), pp. 827-832. ↩
- Sur la question de la nécessité (ou non) de simplifier le droit, ntm au regard des objectifs de développement économique, v. A.-V. Le Fur, « Simplification du droit, attractivité et concurrence : l’exemple du droit des marchés financiers », L. Godon, « La simplification du droit des affaires ? Le cas de l’entreprise individuelle », et M. Malaurie-Vignal, « Simplification du droit de la concurrence : une utilité, un leurre ou une réalité » in « La simplification du droit. Recherches à la confluence de la légistique et de la pratique », ss. dir. de D. Bert, M. Chagny et A. Constantin, Paris, 2015, Institut universitaire Varenne, coll. « Colloques et essais ». ↩
- Il suffit, pour s’en rendre compte, de se reporter aux travaux de la Commission européenne et plus particulièrement ceux à l’origine de la réorientation de la stratégie de Lisbonne : Commission européenne, « Travaillons ensemble pour la croissance et l’emploi. Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne », communication au Conseil européen, 2 fev. 2005, COM(2005) 24. ↩
- V. à ce propos G. Haarscher, « Droits de l’Homme » in « Dictionnaire de Philosophie politique » (ss. dir. de Ph. Raynaud et S. Rials), Paris, 1996, P.U.F., collection « Quadrige », pp.190-197. ↩
- Renucci (J.-F.), Traité de droit européen des Droits de l’Homme, Paris, 2012, L.G.D.J., 2e ed., p.3. ↩
- A cet égard, les critiques venant des positivistes ont été très rudes contre le concept même des Droits de l’Homme. V. ntm. : M. Tropper, « Le droit et la nécessité », Paris, 2011 , P.U.F., et ntm. « Chapitre III : le positivisme et les Droits de l’Homme », pp. 31-45 ; E. Millard, « Le positivisme et les droits de l’Homme », Jurisprudence. Revue critique, Université de Savoie, 2010, 1, pp.47-52 ; A. Zielinska, « Les droits de l’homme : un cas limite pour le positivisme juridique », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 2014, n°27, mis en ligne le 24 novembre 2016. ↩
- Sudre (F.), « Droit international et européen des droits de l’Homme », in « Droits et Libertés fondamentaux », ss. dir. de R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche et T. Revet, Paris, 2012, Dalloz, 18e ed., p.37 et s. ↩
- Renucci (J.-F.), op.cit., n°562 et s. ↩
- Bourgeois (L.), « Solidarité », Paris, 1896, A. Collin. ↩
- Duguit (L.), « Traité de droit constitutionnel », Paris, 1911, 1ère éd. ; « Les transformations du droit privé depuis le Code Napoléon », Paris, 1920. ↩
- Renucci (J.-F.), op.cit., n°929, pp.902-903 ; Terré (F.), « Sur la notion de libertés et droits fondamentaux » in « Droits et libertés fondamentaux », op.cit., p.3 et s. ; Sudre (F.), « Droit international et européen des droits de l’Homme », op.cit, n°126 ; Loschak (D.), « Mutation des droits de l’Homme et mutation du droit », RI ét. jur., 1984, p.51 ; Pelloux (R.), « Vrais ou faux droits de l’Homme ? », RSMP, 1952, p.673. ↩
- V. ntm F.-G. Trébulle, « Du droit de l’Homme à un environnement sain », Environnement, 2005, Comm. 29. ↩
- Sierpinski (B.), « Droits de l’Homme, droits des peuples : de la primauté à la solidarité », L’Homme et la société, 1987, vol.85, n°3, pp.130-141. ↩
- UNESCO, « Recommandation sur l’éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationales et l’éducation relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales», 19 nov. 1974. ↩
- Essentiellement sous le prisme d’un droit à l’environnement, et sous l’action de la jurisprudence de la CEDH : v. ntm I. Nicolaï et B. Petit, « Droit et protection de l’environnement : limites d’une responsabilité sociétale des entreprises sans responsabilité sociétale des Etats », in « Droit, Entreprise et Environnement », nov. 2015, 2ème colloque international, Université Souissi (Rabat, Maroc) ; v. aussi C. Russo, « Le droit de l’environnement dans les décisions de la Commission et la Cour européenne des droits de l’Homme », in « Mélanges L.-E. Pettiti, Bruxelles, 1998, Bruylant, p.635 et s.. Egalement sous le prisme du droit des minorités via l’art. 14 et l’art. 56. V. ntm. F. Benoit-Rohmer, « La Cour de Strasbourg et la protection de l’intérêt minoritaire : une avancée décisive sur le plan des principes ? » RTDH, 2001, p.999 et s. ; « La Cour européenne des droits de l’Homme et la défense des droits des minorités nationales », RTDH, 2002, p.563 et s. ↩
- Sur la question environnementale, le débat est posé en doctrine : Renucci (J.-F.), op.cit., n°944. Notons par ailleurs, sur la reconnaissance d’un droit à l’environnement, la Recommandation du Comité des ministres d’octobre 1990, et celle de l’Assemblée parlementaire du 27 juin 2003 (n°1614(2003). Sur le droit des minorité, citons la Recommandation 285 de 1961, la Recommandation n°1134(1990) et la Recommandation n°1201(1993) de l’Assemblée parlementaire. ↩
- Citons ntm la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, 26 nov.1987 ; la Convention européenne sur les droits de l’Homme et la biomédecine, 4 avr. 1997 ; la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant, 25 jan. 1986. Citons aussi, évidemment, les 16 Protocoles additionnels. ↩
- Le Comité européen des droits sociaux. ↩
- Ntm le Commissaire pour les Droits de l’Homme. ↩
- CEDH, « X and Y vs. Netherlands », 26 mars 1985, n°8978/80, (1985). ↩
- CEDH, « Al-Skeini & al. vs. The United Kingdom », 7 juil. 2011, n°55721/07 (2011). ↩
- CEDH, « Al-Skeini & al. vs. The United Kingdom », cit, §138. ↩
- Il est à noter que la CEDH ne se déclare pas compétente pour connaître des agissements d’un Etat qui agirait sous couvert d’un mandat des Nations-Unies : v. ntm CEDH, « Behrami & Behrami vs. France », « Saramati vs. France, Germany & Norway », n°71412/01 et 78166/01, (2007). ↩
- CEDH, « Al-Skeini & al. vs. The United Kingdom », op.cit, §133-137. ↩
- Il est à noter que les Etats qui ont accepté le mécanisme des réclamations collectives doivent produire un rapport tous les deux ans expliquant les mesures prises à l’issue des décisions du Comité. Pour les autres Etats, le rapport est annuel et vise la façon dont ils se conforment aux principes de la Charte sociale dans une des quatre thématiques structurantes (emploi, formation et égalité ; santé et sécurité sociale ; droits du tavail ; enfants, famille et migrants). ↩
- ACHPR, 27 mai 2002, Communication n°155/96, ACHPR/COMM/A044/1. ↩
- IACHR, « Yanomami Community v. Brazi »l, 5 mars 1985, n°7615, Résolution n°12/85, § 2 ; IACHR, « Mercedes Julia Huenteao Beroiza et al. v. Chile », mars 2004, n°4617/02, Rapport n°30/04, § 1-2. ↩
- ACHPR, « Democratic Republic of Congo (DRC) vs. Rwanda, Burundi and Uganda », Communication n°227/99, in « Report of the African Commission on human and Peoples’ Rights », 9th ordinary session, Banjul, 25-29 Juin 1999, § 63. ↩
- IACHR, « Guantanamo Bay Precautionary Measures », 12 mars 2002, 41 ILM (2002) 532. ↩
- Tout au plus, pouvons-nous retrouver quelques rares « commentaires » formulés sur des situations extraterritoriales : IACHR, « Second Report on the situation of human rights in Suriname », OEA/Ser.L/V/II.66, doc. 21, rev. 1, 2 October 1985, §§ 14 & 40. ↩
- En 2015, seulement 7 Etats ont procédé à cette déclaration préalable. ↩
- Il faut ici citer les initiatives suivantes : d’une part, « The UN Draft Norms on the Responsibilities of Transnational Corporations and other Business enterprises with regard to Human Rights », proposé en 2003 par la Sous-commission sur la promotion et la protection des droits de l’Homme ; d’autre part, le rapport de John Ruggie, « Protect, Respect and Remedy: a framework for Business and Human Rights », proposé en 2008 et qui visait l’élaboration de lignes directrices fondées sur les principes d’une obligation des Etats à accorder leur protection, et de la responsabilité des entreprises de respecter et d’indemniser les victimes de violations des Droits de l’Homme. Cette dernière initiative a abouti, en juin 2011, mais ces Lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes à ce jour. Enfin, signalons l’existence d’un groupe de travail d’experts, spécifiquement dédié aux relations entre les entreprises et les Droits de l’Homme. ↩
- Commission européenne, « Responsabilité sociale des entreprises: une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014 », 25 oct. 2011, COM (2011) 681. ↩
- V. l’important ouvrage sur ce sujet : « La RSE saisie par le droit : perspectives interne et internationale », ss. dir. de K. Martin-Chenut & R. de Quénaudon, Paris, 2016, A. Pedone ; v. également F.-G. Trébulle et O. Uzan, « Responsabilité sociale des entreprises. Regards croisés droit et gestion », Paris, 2011, Economica, coll. « Etudes juridiques ». ↩
- Dans le cadre du rapport de gestion, l’article L.225-102-1 du Code de commerce dispose que « l’entreprise doit transmettre des informations sur la manière dont elle prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable. Les informations sociales et environnementales figurant ou devant figurer au regard des obligations légales et réglementaires font l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Cette vérification donne lieu à un avis qui est transmis à l’assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d’administration ou du directoire ». ↩
- Schwaller (E.), « Les droits fondamentaux des entreprises : outils ou obstacles à l’imputation de responsabilité », in « La RSE saisie par le droit : perspectives interne et internationale », op.cit, 193-209, spéc. p.202. ↩
- Mercier (V.), « L’obligation de transparence ou la pierre angulaire de la responsabilité sociétale des entreprises », in « La RSE saisie par le droit : perspectives interne et internationale », op.cit, pp.261-303 ; Malecki (C.), « Responsabilité sociale des entreprises. Perspectives de la gouvernance d’entreprise durable », Paris, 2014, LGDJ, coll. « Droit des affaires », n°122. ↩
- Trébulle (F.-G.), « Le développement de la prise en compte des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance », D. Sociétés, 2009, étude n°1 ; Lebras (B.), « La ‘moralisation’ de la vie des affaires est-elle en cours ? », JCP G., 2009, n°10, act.115. ↩
- Lienhard (A.), « Sociétés cotées : informations sociales et environnementales », D., 2002, p.874 ; Malecki (C.), « Informations sociales et environnementales : de nouvelles responsabilités pour les sociétés cotées ? », D., 2003, p.818 ; Sobczak (A.), « L’obligation de publier des informations sociales et environnementales dans le rapport annuel de gestion : une lecture critique de la loi NRE et de son décret d’application », JCP E., 2003, p.598 ; Malecki (C.), « Le Grenelle II et la gouvernance d’entreprise sociétale », Bull. Joly Sociétés, jan. 2011, n°9, p.704 ; Mercier (V.), « Responsabilité sociétale des entreprises : une remise en cause de la loi Grenelle II par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière », Bull. Joly Sociétés, fév. 2011, n°2, p.103. ↩
- Petit (B.), « ‘Reporting RSE’ : un nouveau coup d’épée dans l’eau… », Environnement, 2014, n°7, étude n°12. ↩
- Mercier (V.), « Le fabuleux destin de l’obligation de reporting extra-financier », in « jalons pour une économie verte », ss. dir. de J. Mestre et V. Mercier, Aix, 2012, PUAM, coll. « IDA » ; B. Petit, « Le reporting RSE : un nouveau coup d’épée dans l’eau… », op.cit. ↩
- Une troisième malfaçon est révélée par N. Cuzacq à juste titre : la capacité pour le secret des affaires de permettre le contournement de l’obligation de transparence : « La directive du 22 octobre 2014, nouvel horizon de la transparence extrafinancière au sein de l’UE », Rev. Sociétés, 2015, p.707. ↩
- GRI (version G4, 2013), indicateur G4-HR1 ↩
- GRI (version G4, 2013), indicateur G4-HR2. ↩
- GRI (version G4, 2013), indicateur G4-HR10. ↩
- Extrait de l’ISO 26000, paragraphe 7.6.2 – Améliorer la crédibilité des rapports et des déclarations en matière de responsabilité sociétale « [Une façon] d’améliorer la crédibilité des rapports… [consiste à] rédiger des rapports sur les performances obtenues en matière de responsabilité sociétale, rapports comparables au fil du temps ainsi qu’avec ceux rédigés par des organisations paires » et « notifier la conformité aux lignes directrices établies par toute organisation extérieure en matière de rédaction de rapports. »d’une organisation en matière de responsabilité sociétale. » ; v. aussi les tableaux de concordance entre les indicateurs de ces deux référentiels : GRI, « GRI et ISO 26000 : Pour une utilisation conjointe des lignes directrices du GRI et de l’ISO 26000 », 2010. ↩
- Buhmann (K.) « Human Rights due diligence on Guidance from NCP Practice », in « Business and Human Rights : think different, act better » (dossier ss. dir. B. Petit), RICEA, 2015, n°27, p.17 ; Queinnec (Y.) et Penglauou (M.-S.), « De l’utilité des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales », RLDA, 2013, n°84, n°4688. ↩
- Martin-Chenut (K.), Quénaudon (de) (R.) & Varison (L.), « Les Points de contacts nationaux : un forum de résolution des conflits complémentaire ou concurrent du juge ? », in « La RSE saisie par le droit : perspectives interne et internationale », op.cit, pp.607. ↩
- Nous aurions pu, en effet, développer dans notre contribution l’épineuse question de l’inclusion du respect des Droits de l’Homme dans les règles régissant le commerce international, la finance internationale etc… V. ntm B. Lopez, « La dispersion du contentieux en droit international économique. Un plafond de verre pour les droits sociaux fondamentaux ? », in « Business and Human Rights : think different, act better » (dossier ss. dir. B. Petit), RICEA, 2015, n°27, p.12 ; v. aussi D. Damasio Borges, « L’Etat social face au commerce international », Paris, 2013, L’Harmattan, coll. « Logiques juridiques ». ↩
- V. ntm F.-G. Trebulle, « Responsabilité sociale des entreprises et liberté d’expression. Considérations à partir de l’arrêt Nike c/ Kasky », Rev. des sociétés, 2004, p.261 ; B. Petit, « Reporting RSE : un nouveau coup d’épée dans l’eau… », Environnement, 2014, n°7, étude 12. ↩
- CA Versailles, 9 déc. 2004, SA Epson France / SAS Lexmark international: JurisData n°2002–267362 ; CA Lyon, 29 oct. 2008. ↩
- Cass. Civ., 21 nov. 2006, « WWF c/ Véolia ». ↩