La CEDH, le juge du référé-liberté, et l’architecture de l’exécution des peines privatives de liberté (commentaire sous CEDH, 31 janv. 2020, J.M.B. et autres c. France, Req. n°9671/15)
Sans grande surprise, la Cour européenne des droits de l’homme a prononcé une condamnation de la France pour violation de l’article 3, en raison, pour la première fois, du phénomène de la surpopulation carcérale portant atteinte au droit à ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants. Elle retient également une violation de l’article 13, en raison de l’ineffectivité des recours préventifs pouvant être exercés en la matière devant le juge administratif de l’urgence. Mais derrière l’impuissance du juge du référé-liberté, incapable de « faire cesser ou d’améliorer » des conditions indignes de détention, le juge européen fait implicitement le procès de l’architecture juridictionnelle et pénale de l’exécution des peines privatives de liberté. Si ce mal systémique n’est pas incurable mais exige des réformes politiques structurelles, l’épidémie actuelle de Covid-19 a accéléré la mise en place des remèdes attendus par Strasbourg, autre que ceux, placebos, d’un recours en urgence.
Par Julia Schmitz, Maître de conférences en droit public, Université Toulouse I Capitole, Institut Maurice Hauriou
L’arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cinquième section de la Cour européenne des droits de l’homme[1] est triplement retentissant : par le contexte de sa saisine, par les moyens juridictionnels mis en œuvre pour y répondre, et par la sanction prononcée à l’encontre de l’Etat français pour violation des articles 3 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits et libertés fondamentaux.
La Cour de Strasbourg s’est tout d’abord retrouvée face à un contentieux spécifique, celui de la surpopulation carcérale, qui est un contentieux persistant et massif. Depuis l’arrêt de Grande Chambre du 26 octobre 2000, Kudła c. Pologne[2], qui consacre l’obligation pour les Etats d’assurer des conditions de détention conformes à la dignité humaine, il s’agit en effet d’un contentieux récidivant devant le prétoire européen, ayant conduit à la condamnation de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe[3]. En ce qui concerne l’Etat français, déjà plusieurs fois condamné pour des conditions de détention indignes, les arrêts Canali de 2013 et Yengo de 2015[4] constituaient un premier avertissement quant aux conséquences du surpeuplement (promiscuité et manque d’hygiène dans les cellules) ou à l’absence de recours effectif préventif contre de telles conditions de détention, et annonçaient une condamnation visant plus directement le problème de la surpopulation carcérale en France.
Il s’agit en outre d’un contentieux massif car nécessairement collectif : la surpopulation étant un phénomène structurel, elle impacte les conditions de détention de toutes les personnes détenues dans un même établissement, et, de manière générale d’un grand nombre d’établissements sur le territoire. Cette massification des situations individuelles conduit la Cour à réaliser une jonction des requêtes, 32 en l’espèce, portant sur six prisons françaises (plus précisément trois établissements pénitentiaires situés dans les territoires d’Outre-mer : Martinique, Polynésie française, Guadeloupe et trois maisons d’arrêt : Nîmes, Nice et Fresnes) qui ont été déposées entre le 20 février 2015 et le 20 novembre 2017.
Outre le contexte de la saisine, la spécificité de ce contentieux impacte à son tour les techniques juridictionnelles déployées par le juge européen pour y répondre. A commencer par l’établissement de la preuve des violations alléguées. Après avoir établi une norme minimale de 3 m2 d’espace personnel, en dessous de laquelle il y a une « forte présomption de violation de l’article 3 »[5], elle considère que les conditions cumulatives pour la renverser (brièveté des périodes, accès à l’extérieur, conditions de détention décentes) sont en l’espèce inapplicables. Et pour établir la preuve de cet espace, la cour opère un renversement de la charge de la preuve : les déclarations du requérant constituent un commencement de preuve que le gouvernement défendeur doit infirmer ou confirmer. En raison des « insuffisances probatoires » relevées par la Cour, concernant en particulier la superficie de la partie sanitaire des cellules, elle a même eu recours à une présomption de calcul pour considérer « qu’un tel espace se situait entre 1 et 2 m2 » (§§ 259-260). Elle fonde également son appréciation sur les rapports d’observateurs internationaux ou nationaux (Comité de Prévention de la Torture ; (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), Contrôleur Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL), Défenseur des droits (DDD))qui effectuent des inspections sur le terrain et alertent de manière répétée. Ainsi, pour établir le constat de la violation de l’article 3 en raison de la surpopulation au centre pénitentiaire de Ducos, la Cour se réfère « au constat le plus récent du CGLPL […] qu’aucune information n’est venue contredire » (§ 264).
Le constat est alors sans appel et la conclusion de l’arrêt retentissante : pour la première fois, la France est condamnée directement et expressément pour une atteinte à la dignité des personnes détenues en raison de la situation de surpopulation carcérale dans les établissements pénitentiaires[6]. Mais si l’indignité des conditions de détention n’est une surprise pour personne[7], l’aspect le plus frappant de l’arrêt – et qui est d’ailleurs le plus commenté[8] – repose sur la condamnation de la France pour violation de l’article 13. La Cour considère en effet que l’ensemble des procédures de référés administratifs ne constituent pas des recours effectifs « permettant de faire cesser ou d’améliorer, de manière effective, des traitements contraires à l’article 3 de la convention » (§ 315). Et c’est en particulier le juge du référé-liberté, pourtant fleuron national de la protection des libertés, « vedette contentieuse »[9] des procédures d’urgence qui se retrouve, une nouvelle fois[10], dans le viseur européen.
Si le référé-liberté avait pu susciter des espoirs par l’ordonnance du 22 décembre 2012 relative à la prison des Baumettes à Marseille[11] dans laquelle le juge du référé-liberté est apparu aux yeux de la Cour comme un bon élève européen, très vite ils ont été déçus. Les ordonnances rendues postérieurement ayant fait basculer de l’espoir des Baumettes au désespoir de Fresnes[12]. Et la Cour ne peut que faire sienne cette déception : l’office du juge se limite à ordonner la réalisation de travaux superficiels dans les prisons (mesures portant sur l’éclairage, la propreté des cellules, l’hygiène, l’amélioration des conditions d’installation des détenus durant la nuit ou encore l’éradication des animaux nuisibles), permettant certes d’agir sur certains effets immédiats de la surpopulation, mais non sur ses effets à longs termes (demandes relatives à la rénovation structurelle des locaux) ou sur ses causes profondes (demandes relatives à la gestion de l’exécution des peines, à l’allocation de moyens permettant de mettre en œuvre des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération, ou à la réorganisation du service public de la justice). La Cour en tire la conclusion suivante : la procédure de référé-liberté ne peut donc apporter de solution structurelle à un problème structurel.
Si cette condamnation est donc moins retentissante qu’il n’y paraît, le juge européen vient cependant pointer du doigt d’épineux problèmes. Comme la violation du droit n’est pas individuelle mais collective, non pas ponctuelle mais permanente, cet arrêt invite en effet indirectement à s’interroger sur les raisons qui fondent la limitation de l’office du juge administratif de l’urgence en la matière, à savoir, le principe de séparation des pouvoirs « à la française », conduisant à une répartition des compétences juridictionnelles entre deux ordres de juridiction, mais aussi la situation paradoxale de l’administration pénitentiaire, destinataire des injonctions du juge, chargée à la fois de la « garde » des personnes détenues dans des conditions dignes et de l’exécution des titres de détention.
Face à une telle remise en cause implicite, les conséquences de cet arrêt sur le système pénal et pénitentiaire français sont incertaines, mais ses secousses seront certainement amplifiées par l’épidémie actuelle de Covid 19 qui a tristement mis en lumière la situation de particulière vulnérabilité des personnes détenues et leurs conditions de détention extrêmes. Aggravant les effets de la surpopulation carcérale, la crise sanitaire a également exacerbé la faiblesse du référé-liberté puisque le juge de l’urgence a encore largement refermé son prétoire[13] renforçant ainsi le constat de l’ineffectivité de ce recours, et au-delà, la remise en cause du sens et de l’efficacité des peines d’incarcération. En considérant que les mesures d’urgence qui peuvent être prononcées par le juge du référé-liberté ne sont que des rustines posées sur une hémorragie systémique nécessitant des mesures plus importantes que de réaliser un diagnostic de sécurité sur le désenfumage ou de permettre d’accéder à des produits d’hygiène ou à des draps et des couvertures propres, la Cour pose finalement la question de l’effectivité du recours juridictionnel en lui-même : comment un juge qui n’agit qu’en surface et sur recours individuel pourrait-il sauvegarder des libertés qui nécessitent une action collective en profondeur ? Aussi, cette crise renforce le rôle de « catalyseur des changements »[14] de cet arrêt, car si la Cour européenne fait porter sa foudre sur l’impuissance du juge administratif du référé-liberté français, au-delà, c’est bien l’architecture juridictionnelle (I) et politique (II) du système pénitentiaire et pénal dans son ensemble qu’elle vise.
I. Le procès européen du dualisme juridictionnel en matière d’exécution des peines privatives de liberté
La Cour européenne s’attache dans cet arrêt à mesurer l’effectivité du référé-liberté « à l’aune de son champ d’action » (§ 216) défini par le Conseil d’Etat dans un obiter dictum, dans lequel le juge limite son office par les délais extrêmement brefs de cette procédure et la prise en compte des contraintes de l’administration[15]. Le juge européen dénonce alors l’insuffisance de son pouvoir d’injonction qui ne peut « exiger la réalisation de travaux d’une ampleur suffisante pour mettre fin aux conséquences de la surpopulation carcérale », « prendre des mesures de réorganisation du service public de la justice » ni « veiller à l’application par les autorités judiciaires des mesures de politique pénale » (§ 217). Si le juge européen remet en cause la séparation des pouvoirs entre l’administration et le juge administratif interdisant à ce dernier d’intervenir en matière de « choix de politique publique »[16], de manière plus implicite, ce sont les frontières de son domaine de compétence en matière d’exécution des peines privatives de liberté qui sont ici remises en cause. C’est en effet le dualisme juridictionnel, séparant l’exécution des peines en deux domaines distincts, qui conduit à l’impuissance du juge administratif (A). Aussi, au-delà du constat de l’ineffectivité du référé-liberté en matière de surpopulation carcérale, c’est à celui de l’inexistence d’un véritable juge pénitentiaire que l’arrêt de la Cour conduit (B).
A. Le constat de l’impuissance du juge administratif devenu juge pénitentiaire
Selon la Cour, « le recours préventif doit être susceptible de mettre rapidement fin à l’incarcération dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention » (§ 208). Mettre fin à une telle situation exige d’agir sur ses causes véritables, à savoir la mise en détention surnuméraire de personnes condamnées ou en attente de procès dans un établissement pénitentiaire.
Pour répondre à cette exigence, le juge administratif du référé-liberté pourrait enjoindre à l’administration pénitentiaire de procéder à des transferts de détenus dans d’autres cellules ou dans d’autres établissements[17]. Mais cette possibilité rencontre deux limites. D’une part, le transfert peut porter atteinte à un autre droit fondamental, tel que le droit au respect de la vie privée et familiale, lorsque le détenu est transféré dans un établissement éloigné de sa famille. D’autre part, la théorie des mesures d’ordre intérieur s’applique toujours à certaines décisions prises par l’administration pénitentiaire, et notamment aux décisions d’affectation ou de changement d’affectation entre établissements, les faisant ainsi échapper en grande partie au contrôle du juge de l’excès de pouvoir. Saisi, non pas pour excès de pouvoir mais d’une demande d’injonction portant sur une nouvelle affectation, le juge du référé-liberté ne peut ordonner une telle mesure qu’à la condition que soient en cause « des libertés et des droits fondamentaux des personnes détenues »[18], ce qui pourrait être le cas du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Mais l’incertitude règne sur cette fenêtre contentieuse puisque le moyen fondé sur la surpopulation d’un établissement portant atteinte à l’article 3 CEDH à l’appui d’une demande de changement d’affectation a soit été jugé inopérant[19], soit apprécié de manière très restrictive. Ainsi, pour rejeter la demande de transfert dans un établissement moins vétuste et moins surpeuplé que la maison d’arrêt de Fresnes, le juge retient que les conditions de détention n’atteignaient pas en l’espèce un degré de gravité tel qu’elles étaient constitutives d’un traitement inhumain et dégradant alors même que le détenu partageait une cellule de 9,8 mètres carrés à trois et que le juge fait état d’un taux de densité carcérale de 181%[20].
Le juge du référé-liberté pourrait également ordonner de procéder à la mise en liberté d’une personne détenue. Mais ce pouvoir le conduirait à empiéter sur les missions du gardien du temple de l’article 66 de la constitution, en transgressant la répartition des compétences juridictionnelles entre l’exécution pénale et l’exécution matérielle et administrative de la peine. Le contentieux pénitentiaire est en effet partagé entre les deux ordres de juridiction, chacun étant spécialisé dans un domaine de l’exécution des peines privatives de liberté en établissement pénitentiaire. Conformément à la jurisprudence du Tribunal des conflits, relèvent de l’autorité judiciaire les litiges relatifs à la nature et aux limites d’une peine infligée par la juridiction judiciaire tandis que le juge administratif est compétent pour connaître des mesures prises par une autorité administrative intéressant le service administratif pénitentiaire[21].
Cette séparation du domaine pénal et du domaine administratif constitue une ligne rouge pour le juge administratif et transparaît clairement dans l’ordonnance relative au problème de la surpopulation carcérale du centre pénitentiaire de Ducos. Répondant à la demande d’injonction au ministre de prendre toutes les mesures de réorganisation des services permettant le développement du prononcé d’aménagements de peines et de mesures alternatives, et notamment ordonner l’affectation ou réaffectation des postes de juges d’application des peines et de procureurs, le juge du référé-liberté considère qu’il ne peut « prononcer des injonctions tendant à la réorganisation du service public de la justice », ni « veiller à l’application par les autorités judiciaires des circulaires prises par la ministre de la Justice »[22]. Le juge administratif – pourtant devenu juge pénitentiaire[23] – ne dispose donc pas d’une plénitude de juridiction sur la situation carcérale, car il n’est « ni à l’initiative de la mise sous écrou de la personne ni en mesure d’influencer la durée de sa détention et d’ordonner sa remise en liberté »[24].
Si le juge administratif du référé-liberté est ici impuissant, il désigne cependant un autre responsable et se fait ainsi aiguilleur. Il rappelle en effet qu’en matière de surpopulation carcérale il faut tenir compte « des moyens dont dispose l’administration pénitentiaire » et précise « que celle-ci ne dispose d’aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire », et qu’en particulier, « une maison d’arrêt est ainsi tenue d’accueillir, quel que soit l’espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou »[25]. Et ce alors même que l’administration pénitentiaire doit informer l’autorité judiciaire de la capacité d’accueil et du taux d’occupation des maisons d’arrêt »[26]. Il rappelle ainsi qu’à la maison d’arrêt de Fresnes, l’administration pénitentiaire se trouve « dans l’obligation d’affecter un troisième détenu dans une cellule prévue pour deux »[27]. Le juge du référé-liberté indique ainsi quelle est l’origine véritable du problème de la surpopulation carcérale, à savoir « la mise sous écrou », laquelle dépend du juge judiciaire. Implicitement, il indique également qu’a fortiori, la levée d’écrou pourrait constituer une solution à la surpopulation.
De manière encore plus claire, le juge du référé-liberté s’est récemment déchargé sur la compétence judiciaire pour restreindre son office en matière de privation de liberté, dans un domaine où règne également le dualisme juridictionnel, à savoir la rétention administrative. Pour rejeter la demande des requérants d’enjoindre au ministre de l’intérieur de fermer temporairement les centres de rétention administrative, en raison du contexte d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de Covid 19 risquant de provoquer une contamination généralisée des personnes retenues et rendant impossible la mise en oeuvre de leur éloignement, il constate que l’autorité administrative continue, mystérieusement[28], de procéder à des éloignements du territoire, et transfert la charge de leur mise en liberté au juge des libertés et de la détention auquel la loi donne « compétence pour mettre fin à la rétention lorsqu’elle ne se justifie plus pour quelque motif que ce soit »[29].
B. Le constat de l’inexistence d’un véritable juge pénitentiaire
Mais si le dualisme juridictionnel est au fondement de l’impuissance du juge administratif qui n’est que le juge des conditions matérielles de détention mais ne peut agir sur les causes de la surpopulation, il est aussi le fondement de celle du juge judiciaire, qui est pourtant le juge des causes pénales de la détention, mais qui refuse de tenir compte de la surpopulation carcérale pour décider d’une mise en liberté, comme l’avait déjà constaté la Cour européenne[30].
Deux magistrats de l’ordre judiciaire pourraient pourtant intervenir en matière de surpopulation carcérale : le juge des libertés et de la détention (JLD) en ce qui concerne les détentions provisoires et le juge d’application des peines (JAP) pour les personnes condamnées. Or, après l’échec de la voie du recours devant les juridictions pénales pour délit d’« hébergement incompatible avec la dignité humaine » prévu à l’article 225-14 du code pénal, en raison de l’impossibilité de relever la faute personnelle d’un agent pénitentiaire « qui serait alors sortie du cadre de ses fonctions pour assurer l’exécution des titres de détention »[31], les deux juridictions ont limité leur office en la matière.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a restreint l’office du JLD en considérant qu’il ne pouvait faire droit à une demande de mise en liberté qu’en s’en tenant scrupuleusement aux nécessités de la procédure pénale ou à condition de prouver des « éléments propres à la personne concernée suffisamment graves pour mettre en danger sa santé physique ou mentale »[32]. Il s’ensuit qu’une demande de mise en liberté fondée uniquement sur le problème systémique de la surpopulation d’un établissement ne saurait être accueillie puisqu’elle ne porte pas sur une situation individuelle particulière, et notamment une situation de handicap ou de maladie qui serait incompatible avec la détention. Le juge judiciaire a explicitement confirmé cette restriction de son office dans un arrêt concernant justement l’un des requérants de la saisine collective de la Cour européenne, détenu à la maison d’arrêt de Fresnes : « (…) Si les conditions de détention doivent être conformes aux exigences de dignité humaines, leur mise en œuvre au stade de la procédure devant la chambre des appels correctionnels incombe à l’administration pénitentiaire et au parquet général ; […] les insuffisances qui pourraient être soulevées à cet égard ne relèvent pas du contentieux de la mise en liberté mais de la mise en jeu éventuelle de la responsabilité de l’État »[33]. En ce qui concerne les personnes condamnées, si la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 a précisé qu’elles pouvaient bénéficier « d’un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire » (art. 707 CPP), les mesures d’aménagement de peine (semi-liberté, libération conditionnelle, placement à l’extérieur, détention à domicile sous surveillance électronique), ne sont que très rarement mises en œuvre pour ce motif[34].
Ainsi, le juge administratif se retrouve impuissant à remonter la chaîne pénale et le juge judiciaire est déconnecté de la situation carcérale. Cette situation contentieuse engendre alors un conflit négatif de compétences en matière de surpopulation carcérale aboutissant au constat selon lequel la personne détenue est toujours « à la recherche de son juge »[35]. C’est ce qui est implicitement dénoncé dans l’arrêt de la Cour européenne, même si elle ne peut condamner directement le dualisme juridictionnel. Cependant, si elle a déjà pris soin de rappeler « qu’elle doit éviter toute immixtion injustifiée dans l’exercice des fonctions juridictionnelles, de même que dans l’organisation juridictionnelle des États »[36], elle peut toutefois sanctionner les difficultés liées à la répartition des compétences, et notamment au manque de célérité des procédures contentieuses ou de l’ampleur du contrôle exercé[37].
La condamnation de la Cour pour ineffectivité du recours de référé-liberté pourrait ainsi conduire les juges français à dépasser leur office et à mettre les mains dans ce cambouis pénitentiaire, en admettant de prononcer plus largement des injonctions de transfert ou de libération. C’est ce que montrent les décisions rendues par le juge européen qui évaluent l’effectivité des recours préventifs mis en place par les Etats condamnés en matière de surpopulation carcérale dans des arrêts pilotes (§ 210). Sont ainsi jugés a priori effectifs les recours permettant aux personnes détenues de saisir un juge d’instruction[38], un juge d’application des peines[39], un juge administratif[40] ou encore le directeur de la prison[41] pour demander d’ordonner à l’administration pénitentiaire de faire cesser la détention dans les conditions contraires à l’article 3 selon un délai maximal fixé (environ 15 jours). A défaut, cette condamnation européenne pourrait peut-être pousser à l’approfondissement du dialogue des juges en matière de surpopulation carcérale. Ainsi, si le juge du référé-liberté accepte d’enjoindre à un directeur d’établissement de transmettre une demande de transfert pour lequel l’autorité judiciaire doit intervenir[42], il serait peut-être envisageable d’étendre cette solution aux hypothèses de demandes de mise en liberté fondées sur les conditions de détention[43].
Mais si la Cour met ici le doigt sur une plaie contentieuse depuis longtemps ouverte, les causes de l’hémorragie carcérale se situent ailleurs. Et si le juge du référé-liberté a limité son pouvoir d’injonction, c’est « dans l’attente d’une solution pérenne »[44].
II. Le procès européen de la politique pénale et pénitentiaire française
La sanction prononcée par la Cour européenne qui consiste à faire reposer la solution au problème de la surpopulation carcérale sur le juge administratif du référé-liberté semble à première vue illusoire, comme si le juge européen n’était pas conscient des enjeux autrement structurels sous-jacents à cette condamnation. Mais loin de constituer un raisonnement « lunaire », nous voudrions montrer qu’il s’agit en réalité d’une jurisprudence bien plus « pragmatique et réaliste »[45] qu’il n’y paraît (A). Cet arrêt, dont les suites sont alors largement incertaines, pointe du doigt non pas les faiblesses du système carcéral, mais les incohérences de la politique pénale française dans l’attente d’une réforme structurelle de celle-ci (B).
A. De la jurisprudence procédurale à la jurisprudence politique de la Cour
La condamnation européenne semble en effet aboutir à une injonction paradoxale à l’égard du juge administratif et de l’administration pénitentiaire, tous deux étant impuissants à agir sur un problème systémique (1). Mais en formulant dans cet arrêt des recommandations pour une « résorption définitive de la surpopulation carcérale » (§ 316), c’est bien une solution politique qui est attendue par la Cour, la même « solution pérenne » d’ailleurs appelée par le juge du référé-liberté (2).
1. Les contradictions de la Cour : un recours administratif individuel pour une solution collective et pénale
Deux contradictions apparaissent dans le raisonnement tenu par la Cour. D’une part, une tension transparaît tout au long de l’arrêt en raison de l’exigence d’un recours effectif qui s’exerce de manière en principe individuelle pour répondre à des enjeux nécessairement collectifs. La Cour est en effet à la fois attentive à la possibilité pour les requérants de saisir de manière individuelle le juge du référé-liberté, et au fait que ce recours prospère plus facilement s’il est porté par des organismes collectifs de défense des droits des personnes détenues. Elle constate que la saisine du juge fait souvent suite aux recommandations du CGLPL (§ 213) et qu’elle est principalement portée par l’Observatoire international des prisons « en sa qualité d’observateur du système carcéral ». Mais elle précise que si la défense collective des personnes détenues permet « le prononcé de mesures générales propres à résoudre les problèmes de violation massives et simultanées des droits des détenus résultant des mauvaises conditions de détention » (§214), ce n’est là que l’un des objectifs du recours préventif. Elle tient aussi à la possibilité de former des recours individuels qui doivent pouvoir être exercés « sans crainte de représailles » (§ 208), et qui s’avèrent beaucoup moins fréquents, comme elle le regrette. Or si elle ne relève pas d’obstacles particuliers à leur exercice, « hormis les difficultés inhérentes aux réalités du milieu carcéral » (§ 214), c’est oublier que les recours individuels, et de manière générale, les requêtes en détention, sont difficiles à mener, et font craindre parfois des représailles de la part du personnel pénitentiaire[46].
Surtout, la Cour semble finalement attacher plus d’importance aux « améliorations à dimension collective des conditions de détention » (§ 213) qu’au redressement individuel des droits. Ainsi, dans une affaire relative aux conditions de détention indignes, alors que les parties souhaitaient une radiation du rôle de la requête pour réaliser un règlement amiable, la Cour considère que le problème structurel de surpeuplement des établissements pénitentiaires au Portugal « dépasse la situation individuelle du requérant » pour décider de poursuivre l’examen de la requête[47]. Dans l’arrêt J.M.B., elle rappelle que le redressement procuré par l’utilisation d’un recours préventif peut « consister soit en des mesures ne touchant que le détenu concerné ou – lorsqu’il y a surpopulation – en des mesures plus générales propres à résoudre les problèmes de violations massives et simultanées des droits des détenus résultant de mauvaises conditions dans tel ou tel établissement pénitentiaire » (§ 208). Et elle précise que la possibilité pour des requérants d’obtenir un redressement de leur situation ne suffit pas s’il n’y a pas d’impact sur la surpopulation générale, « dans une telle situation, l’amélioration de la situation d’un détenu se ferait au détriment de celle des autres, et la capacité du recours à produire un effet préventif n’est pas démontrée […] » (§ 209). Un recours effectif au sens de cette jurisprudence européenne doit donc revêtir une portée collective, et non strictement individuelle, ce qui semble ici illusoire puisque le recours en référé-liberté est, en principe, un recours individuel qui n’offre pas de solution d’ampleur.
D’autre part, le pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté s’exerce essentiellement sur l’action de l’administration pénitentiaire. Or celle-ci, tenue tout à la fois d’exécuter les titres de détention et d’assurer la garde des personnes détenues, se trouve en bout de chaîne pénale et dans l’incapacité d’agir sur les causes de la surpopulation, au risque de violer la séparation des pouvoirs. Ne pouvant remonter le courant pénal, elle draine tous ses problèmes structurels sans pouvoir agir sur eux. Elle reprend d’ailleurs mot pour mot l’argumentation développée par le juge du référé lui-même : « il ressort des pièces des dossiers que l’administration pénitentiaire ne dispose d’aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou et qu’un directeur de prison est tenu d’accueillir les personnes mises sous écrou, y compris en cas de suroccupation de l’établissement, ce qui limite indéniablement les moyens d’action de l’administration pénitentiaire » (§ 218). Pour mesurer l’effectivité d’un recours, le juge européen attache ainsi une grande importance à l’exécution des injonctions du juge par les autorités pénitentiaires. Il a ainsi pu juger, dans un précédent arrêt que les mesures ordonnées par un juge aux autorités pénitentiaires, visant à ce qu’un détenu ait au moins 4 mètres carré d’espace personnel dans sa cellule, et/ou jouisse de conditions dignes de détention, étaient ineffectives en pratique en ce qu’elles étaient inexécutables dans un contexte de surpopulation carcérale (Ananyev, préc., § 111). Constatant également le caractère structurel et collectif de la surpopulation dans les prisons belges, elle « estime que le Gouvernement n’a pas démontré quelle réparation un juge siégeant en référé aurait pu offrir au requérant, compte tenu de la difficulté qu’aurait l’administration compétente pour exécuter une éventuelle ordonnance favorable au requérant » (Vasilescu, préc., § 73). En l’espèce, la Cour souligne la difficulté pour l’administration d’exécuter une injonction lui ordonnant de placer une personne détenue en cellule individuelle ou de la transférer dans un établissement pénitentiaire moins encombré (§ 211).
2) L’ambition de la Cour : à la recherche d’un traitement de fond pour la surpopulation carcérale
Les juges, administratif comme judiciaire, ne peuvent donc agir que difficilement sur les causes profondes de la surpopulation carcérale, ne pouvant délivrer face à ce problème systémique qu’un traitement symptomatique portant sur l’amélioration de certaines conditions matérielles de détention (alternative aux matelas au sol, amélioration de l’éclairage, du chauffage ou de la propreté des cellules), un transfert ou une mise en liberté individuels, mais non un traitement de fond à portée collective.
Or l’arrêt précise que « dans ces conditions, il est aisé pour la Cour de concevoir que les autorités pénitentiaires françaises ne sont pas en mesure d’exécuter de manière satisfaisante les mesures prescrites par le juge de l’urgence et en conséquence de garantir aux personnes détenues des conditions de détention conformes à sa jurisprudence » (§ 220). Ce sont donc bien ces « conditions » qui sont dénoncées par la Cour par la condamnation de l’ineffectivité du référé-liberté et qui appellent des solutions structurelles, à savoir des réformes politiques. Aussi, ce que le juge européen vise à travers l’ineffectivité constatée du recours de référé-liberté, et l’impossibilité de l’exécution des injonctions du juge par les autorités pénitentiaires, c’est la politique pénale dans son ensemble.
D’ailleurs, la Cour renvoie aux arrêts pilotes relatifs à la surpopulation carcérale sanctionnant les Etats pour violation du droit au recours effectif et prescrivant des traitements juridictionnels, dans lesquels elle rappelle que ces recours ne pourront être effectifs et prospérer si le contexte général de surpopulation carcéral ne s’améliore pas. Ainsi, par exemple, a-t-elle pu considérer que « si l’Etat n’est pas en mesure d’assurer que les conditions de détention sont conformes aux exigences de l’article 3 de la Convention, il doit abandonner sa politique pénale stricte afin de réduire le nombre de personnes incarcérées ou mettre en place un système de peines alternatives » (Orchowski, préc., § 153). Et en effet, si depuis l’arrêt Kudla, la Cour « élabore un véritable droit commun européen de la détention »[48], elle dessine également à travers ces arrêts pilotes un droit commun européen de la politique pénale. Car si la personne détenue est certes prise en charge par l’administration pénitentiaire, elle ne l’est qu’en vertu d’une décision prononcée par un juge judiciaire, dépendant elle-même d’une législation pénale plus globale.
B. Un arrêt « quasi » pilote dans l’expectative
Cet arrêt rendu par la Cour européenne a été qualifié par la doctrine de « quasi pilote »[49]. Il participe en effet à la fois à l’écriture européenne d’une politique pénale et pénitentiaire (1), mais il reste un arrêt en retrait, dans l’expectative des effets des réformes françaises en cours de réalisation au moment où la Cour se prononçait. Après l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPRJ), celles-ci peuvent désormais être évaluées. Or elles semblent insuffisantes, comme le montre de manière accélérée la crise sanitaire actuelle rejaillissant sur le problème de la surpopulation carcérale (2).
1. L’écriture d’une politique pénale et pénitentiaire européenne
Face à ce contentieux massif et persistant, la Cour aurait pu déployer la stratégie de l’arrêt pilote. Or elle semble plus prudente et ne reprend pas les considérants catégoriques de ses arrêts emblématiques sur la surpopulation carcérale. Elle ne vise pas « de problème systémique résultant d’un dysfonctionnement de l’administration carcérale légitimé par une législation défaillante qui a touché et est susceptible de toucher de nombreuses personnes » (Sikorski, préc.), mais mentionne timidement « un phénomène structurel, attesté par les requêtes, les statistiques, les nombreux rapports nationaux et internationaux ainsi que par les tierces interventions » (§ 315). Et si le juge européen indique bien que « pour aider l’État défendeur à remplir ses obligations au titre de l’article 46, la Cour peut chercher à lui indiquer le type de mesures, individuelles et/ou générales, qu’il pourrait prendre pour mettre un terme à la situation constatée » (§ 314), les recommandations générales prescrites sont loin d’être intrusives. Il en est bien autrement dans les arrêts pilotes rendus en matière de surpopulation carcérale, dans lesquels si la Cour précise qu’il ne lui appartient pas « d’indiquer aux États des dispositions concernant leurs politiques pénales et l’organisation de leur système pénitentiaire […] qui, en principe, dépassent [sa] fonction judiciaire […]» (Torreggiani, préc., § 95), elle n’hésite pas à prescrire des mesures détaillées selon un calendrier contraignant (Ananyev, préc.).
Il ressort d’un rapide aperçu de cette jurisprudence que trois leviers principaux sont recommandés par la Cour pour procéder à une désinflation carcérale : élargir le recours à des mesures alternatives à la détention que ce soit dans le prononcé des peines ou leur application (Sikorski et Varga, préc.), faciliter le mécanisme de la libération anticipée ou conditionnelle des prisonniers (Ananyev, préc.), et plus particulièrement, limiter le recours à la détention provisoire (Ananyev, Torreggiani, Varga, Draniceru, préc.). Ces lignes directrices tendent ainsi vers l’écriture européenne d’une véritable politique pénale et pénitentiaire, s’appuyant également sur « les recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe invitant les États à inciter les procureurs et les juges à recourir aussi largement que possible aux mesures alternatives à la détention et à réorienter leur politique pénale vers un moindre recours à l’enfermement […] » (Torreggiani, préc., § 95)[50].
L’arrêt J.M.B. participe bien de cette écriture européenne, qui est également collective, puisque les brèves mesures générales énoncées par la Cour s’inspirent explicitement des expertises de plusieurs organismes, tels que le CGLPL, le Défenseur des droits ou le Comité européen pour les problèmes criminels. Ces mesures concernent d’une part « la refonte du mode de calcul de la capacité des établissements pénitentiaires » (§ 316), datant en France de la circulaire n° A.P. 88.G 05 G du 16 mars 1988, qui définit une capacité d’hébergement en termes de places « par référence à la surface au plancher » selon un barème préfixé. Le calcul de cet espace est jugé insuffisant et non adapté par plusieurs observateurs de la vie carcérale et devrait être actualisé dans une norme règlementaire pour déterminer la « capacité opérationnelle » et non la seule « capacité de couchage » et y intégrer l’espace sanitaire[51] ou d’autres critères « comme le temps passé en cellule et, de façon plus générale, l’adéquation des conditions carcérales, notamment en termes de dotation en personnel et d’activités motivantes axées sur la réinsertion »[52]. Elle vise également des mesures permettant l’amélioration du respect de la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires (§ 316) rejoignant ici les recommandations déjà faites sur ce point par le CGLPL invitant le législateur à mettre en place un mécanisme national de régulation carcérale.
Mais en ce qui concerne la politique pénale stricto sensu, la Cour ne fait que mentionner la loi de programmation 2018-2022 qui « comporte des dispositions de politique pénale et pénitentiaire qui pourraient avoir un impact positif sur la réduction du nombre de personnes incarcérées » (§ 316). La Cour est en réalité dans l’expectative des effets de cette réforme sur la surpopulation carcérale française.
2. Des réformes politiques de programmation et d’urgence sous le regard du juge européen
Ces effets peuvent cependant être aujourd’hui mesurés, depuis l’adoption de la LPRJ. Mais les insuffisances de cette réforme au regard des critères européens, ont été amplifiées de manière panoptique par la crise sanitaire.
Le CGLPL avait en effet déjà fait état d’un certain scepticisme quant à la capacité du projet de loi de réforme de la justice à conjurer le phénomène de la surpopulation carcérale. En matière de politique pénitentiaire, il relève une absence de dispositions relatives à l’expérimentation de la régulation carcérale qu’il avait souhaitée, soulignant « qu’il considère comme particulièrement fâcheux que des peines puissent être prononcées et mises à exécution sans considération des conditions dans lesquelles elles seront effectuées ». Surtout, il dénonce « une fuite en avant » de la surpopulation par le programme de création de places de prison, rappelant que « depuis vingt-cinq ans, ce sont près de 30 000 nouvelles places de prison qui ont été créées et pourtant la surpopulation carcérale n’a jamais été aussi importante »[53]. La programmation prévoit en effet d’augmenter le parc pénitentiaire de 7 000 places d’ici 2022 et 15 000 d’ici 2027. Mais la Commission du Livre Blanc sur l’immobilier pénitentiaire rappelait elle aussi que « pour juguler l’inflation carcérale, le programme immobilier doit être accompagné d’une politique pénale ambitieuse »[54]. En la matière justement, la LPRJ prévoit de supprimer les peines de détention inférieures à un mois, d’élargir les aménagements ab initio pour les peines inférieures à un an (travail d’intérêt général et bracelet électronique), de systématiser la libération sous contrainte aux deux tiers des peines inférieures ou égales à cinq ans[55]. Par contre l’article 723-15 du CPP, supprime désormais la possibilité d’aménager les peines comprises entre un et deux ans. Surtout, comme le rappellent devant la Cour la CNCDH et le CGLPL (§ 200), rien n’est prévu pour limiter les procédures de comparution immédiate ou de détention provisoire alors même que la surpopulation carcérale est concentrée dans les maisons d’arrêt.
A ce sujet, si le contexte épidémiologique actuel lié au Covid-19 a brutalement mis en lumière[56] le problème endémique de la surpopulation carcérale, et a pu accélérer certaines réformes, il en renforce également les déceptions. La garde des sceaux a en effet pris une série de mesures d’urgence par l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale : autorisation des affectations et transfert entre maisons d’arrêt et établissements pour peine, quelque soit le statut de la personne détenue (art. 21 à 23), assouplissement des procédures de réduction de peine, de permission de sortie ou de libération conditionnelle (art. 25), réductions de peine supplémentaires exceptionnelles allant jusqu’à deux mois (art. 27), libération anticipée en assignation à domicile pour les personnes condamnées à moins de cinq années de d’emprisonnement auxquelles il reste deux mois à effectuer (art. 28)[57]. Sont cependant exclus de ces deux dernières mesures les détenus considérés comme dangereux en raison du motif criminel de leur condamnation ou, de manière plus subjective, de leur comportement en détention[58], ce qui donne à cette mesure un caractère disciplinaire. Et tenant compte cette fois de la difficulté pour les services de la justice à agir dans un contexte épidémique, l’ordonnance prévoit par contre une prolongation des délais de détention provisoire de deux ou trois mois pour les affaires correctionnelles et de six mois en matière criminelle (art. 16)[59], prorogation devenue de plein droit par la circulaire interprétative du 26 mars 2020 du garde des sceaux (NOR : JUSD2008571C). Or cette prolongation automatique pour l’ensemble des mandats de dépôts (environ 20 000[60]), sans comparution devant un juge, en plus de porter atteinte au droit à un procès équitable, aux droits de la défense et à la présomption d’innocence, risque de produire un surencombrement des maisons d’arrêt. Ainsi, si d’un côté, le gouvernement a cherché à vider les prisons et a réussi à diminuer significativement le nombre de détenus[61], de l’autre côté, il les remplit. Face à cette logique des vases communicants et à l’inefficacité de ces mesures, le juge du référé-liberté a été saisi de plusieurs requêtes lui demandant la suspension des mesures prises par la garde des sceaux en matière de détention provisoire. Mais il a finalement refermé les portes contentieuses par deux ordonnances expéditives de tri[62].
Deux mois après le constat de son ineffectivité par la Cour de Strasbourg, le juge du référé-liberté a donc une nouvelle fois donné la preuve de son impuissance. Cela prête à penser que les suites à donner à l’arrêt J.M.B. pour l’amélioration de la situation carcérale française sont incertaines. Et dans la compétition européenne pour la sauvegarde des droits des personnes détenues, il est difficile de prédire quel Etat s’empressera de trouver un vaccin contre l’épidémie de surpopulation carcérale.
[1] CEDH, 31 janvier 2020, J.M.B. et autres c. France, Req. n° 9671/15 et 31 autres.
[2] Req. n° 30210/96.
[3] V. par ex. Cour EDH, 22 octobre 2009, Orchowski c. Pologne, Req. n° 17885/04 et Norbert Sikorski c. Pologne, Req. n° 17599/05 ; Cour EDH, 10 janvier 2012, Ananyev et autres c. Russie, Req. n° 42525/07 et 60800/08 ; Cour EDH, 8 janvier 2013, Torreggiani et autres c. Italie, Req. n° 43517/09 ; Cour EDH, 25 novembre 2014, Vasilescu c. Belgique, Req. n° 64682/12 ; Cour EDH, 10 mars 2015, Varga et autres c. Hongrie, n° 14097/12, 45135/12, 73712/12 et al. ; Cour EDH, 25 avril 2017, Rezmiveș et autres c. Roumanie, Req. n° 61467/12, 39516/13, 48231/13 et 68191/13.
[4] En effet, dans l’arrêt Canali, la condamnation prononcée pour violation de l’article 3 ne concerne pas la surpopulation en elle-même ses conséquences indirectes, à savoir les problèmes d’accès aux activités proposées en dehors de la cellule, et les conditions d’intimité au sein de la cellule comme la promiscuité ou les problèmes d’hygiène. De même, dans l’arrêt Yengo, le requérant ne peut se prévaloir du grief de l’article 3 pour des conditions de détention indignes liées au phénomène de la surpopulation carcérale, puisqu’il a été libéré et indemnisé. La Cour ne retient donc qu’une violation du droit au recours effectif préventif : Cour EDH, 25 avril 2013, Canali c. France, Req. n° 40119/09 ; Cour EDH, 21 août 2015, Yengo c. France, Req. n° 50494/12.
[5] CEDH, gr. ch., 20 oct. 2016, Muršić c/ Croatie, Re. n° 7334/13.
[6] L’arrêt le souligne, « la France figure parmi les États européens dont les prisons sont les plus surpeuplées et dont la population carcérale augmente […] Sur les huit pays qui continuent de rencontrer des problèmes graves de surpopulation carcérale, la France figure en troisième position » (§55). Et « Selon les chiffres du ministère de la Justice, au 1° janvier 2019, 70 059 personnes étaient détenues pour 60 151 places opérationnelles. La densité carcérale globale était de 116,5 % (dont 140 % en MA) » (§120).
[7] Cet arrêt n’est que le prolongement et l’amplification prétorienne des avertissements et condamnations récurrents émanant des autorités françaises quelles soient politiques (J.-J. Urvoas, En finir avec la surpopulation carcérale, Rapport du Garde des sceaux au Parlement sur l’encellulement individuel, 20 septembre 2016, http://www.justice.gouv.fr/publication/rap_jj_urvoas_encellulement_individuel.pdf), administratives (GCLPL, Avis du 22 mai 2012 relatif au nombre de personnes détenues, JORF, 13 juin 2012 ; Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale, Dalloz, 2018) et juridictionnelles françaises, faisant unanimement le constat d’une situation de surpopulation carcérale qui ne connaît aucune amélioration.
[8] V. par ex. P. Parinet-Hodimont, « Le référé-liberté face aux conditions de détention : la France doit revoir sa copie ! », RDLF 2020 chron. n°25 ; C. Roux, « Prisons françaises et CEDH : les référés placés « en préventive » », DA, n° 3, mars 2020, p. 31.
[9] R. Vandermeeren, « La réforme des procédures d’urgence devant le juge administratif », AJDA 2000, p. 712.
[10] V. sur ce point, P. Parinet-Hodimont, « Le référé-liberté face aux conditions de détention : la France doit revoir sa copie ! », RDLF 2020 chron. n°25. De plus, la doctrine avait largement prédit cette condamnation européenne, V. par ex. A. Jacquemet-Gauché et S. Gauché, « Des tensions », AJDA 2015, p. 1289 ; S. Gauché, « A la recherche du recours effectif : responsabilité et référés en droit pénitentiaire », AJDA, 2017, p. 1837.
[11] CE, ord., 22 déc. 2012, OIP-SF, n° 364585 et s., Rec. p. 496.
[12] Les ordonnances et arrêts retenus dans l’arrêt J.M.B. sont les suivantes : TA Fort-de-France, Ord., 17 oct. 2014, OIP-SF, n° 1400673 ; CE, ord., 30 juill. 2015, OIP-SF et Ordre des avocats au barreau de Nîmes, n° 392043 ; CE, 28 juill. 2017, OIP-SF, n° 410677. Peuvent depuis y être ajoutées : CE, ord., 4 avr. 2019, Garde des Sceaux, ministre de la justice c. Section française de l’OIP, n° 428747 ; CE, Ord., 27 mai 2019, Garde des Sceaux, ministre de la justice et M. X., n° 430631.
[13] Saisi de manière collective ou individuelle, le Conseil d’Etat a rendu de nombreuses ordonnances concluant au rejet des requêtes : CE, ord., 3 avr. 2020, Syndicat des Avocats de France, n° 439894 ; Union des jeunes avocats de Paris, Association des avocats pénalistes, Conseil National des Barreaux et autres, nos 439877, 439887, 439890, 439898 et s. ; CE, Ord., 8 avril 2020, Section française de l’observatoire international des prisons et autres, n° 439827 ; Syndicat national pénitentiaire force ouvrière – personnels de surveillance, n° 439821 ; CE, Ord. 14 avril 2020, M. Dai, n° 439899 ; M. Vandevelde, n° 439924.
[14] Selon l’opinion séparée mais concordante du juge O’Leary.
[15] CE, ord., 30 juillet 2015, op. cit., cons. 11. V. sur ce point P. Parinet-Hodimont, « Le référé-liberté face aux conditions de détention : la France doit revoir sa copie ! », RDLF 2020 chron. n°25.
[16] Le juge du référé-liberté est en effet venu préciser à l’occasion d’une requête visant à enjoindre la réalisation de travaux lourds au sein d’une maison d’arrêt, l’allocation de moyens matériels, humains et financiers supplémentaires aux services judiciaires et pénitentiaires et la réorganisation des services pour faciliter les aménagements de peine et les mesures alternatives à l’incarcération, « qu’eu égard à leur objet, les injonctions sollicitées, qui portent sur des mesures d’ordre structurel reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d’être mises en oeuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d’urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés », CE, 28 juill. 2017, op. cit., cons. 11.
[17] Le directeur interrégional à l’intérieur de sa région peut ordonner les « transfèrements individuels ou collectifs qu’il estime nécessaire » (art. D 301 CPP), pour des motifs disciplinaires ou de désencombrement ou sur demande de la personne détenue (rapprochement familial – art. R.57-8-7 CPP, raisons de santé – art. D 360 CPP- ou encellulement individuel – art. 100 de la loi pénitentiaire de 2009).
[18] Selon le juge de l’excès de pouvoir, seuls font grief les transferts qui ont lieu d’un établissement pour peines vers une maison d’arrêt, ceux qui mettent « en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus » (CE, 14 décembre 2007, Garde des Sceaux c. Boussouar, n° 290730) ou ceux qui s’accompagnent, quelle que soit la nature de l’établissement, « d’une modification du régime de détention entraînant une aggravation des conditions de détention » (et notamment les établissements qui ne pratiquent pas de mode de détention ouvert), CE, 13 nov. 2013, n° 355742.
[19] CE, Ord., 13 nov. 2013, M. Agamemnon, n° 338720.
[20] CE, 27 mai 2019, op. cit.
[21] T. confl., 22 févr. 1960, Dame Fargeaud d’Epied, Rec. p. 855.
[22] TA Fort-de-France, 17 oct. 2014, op. cit.
[23] M. Guyomar, « Le juge administratif, juge pénitentiaire », in Terres du droit. Mélanges en l’honneur d’Yves Jegouzo, Dalloz, 2009, p. 471.
[24] A. Tremoliere, « La prison et ses juges : la détention à l’épreuve du dualisme juridictionnel », RFDA 2017 p.731.
[25] CE, 30 juill. 2015, op. cit., cons. 19,.
[26] CE, 28 juill. 2017, op. cit, cons. 14. Cette information est nécessaire pour mettre en œuvre le décret n° 2017-771 du 4 mai 2017 qui prévoit que les personnes prévenues sont incarcérés dans une autre maison d’arrêt « lorsque la maison d’arrêt n’offre pas des conditions d’accueil satisfaisantes en raison notamment de son taux d’occupation, ou des garanties de sécurité suffisantes » (Art. D 53 CPP).
[27] CE, 27 mai 2019, op. cit., cons. 11.
[28] La légalité d’une mesure de rétention administrative est en effet subordonnée à la condition que l’éloignement demeure une perspective raisonnable. Or le contexte sanitaire a rendu cette perspective très limitée en raison des fermetures de frontières et de la forte limitation du trafic aérien.
[29] CE, Ord., 27 mars 2020, GISTI et autres, n° 439720, cons. 16.
[30] Dans l’arrêt Yengo (préc. § 58), elle a ainsi considéré que la procédure de demande de mise en liberté n’était pas un recours effectif en raison de son manque de célérité et de la difficulté à la faire aboutir.
[31] Ccass. crim., 20 janvier 2009, n° 08-82807, Bull. crim. n° 18.
[32] Cass. cim., 29 février 2012, n° 11-88441.
[33] Cass. crim., 1° février 2017, M. Jaroslaw X., n° 16-86691. V. également, Cass. crim., 3 mai 2017, n° 17-80.973 ; Cass. crim., 9 août 2017, 17-83.097.
[34] La cour d’appel de Montpellier a accepté de faire droit à une demande d’aménagement de peine en raison de l’état de surpopulation carcérale d’un établissement pénitentiaire qui pourrait placer la personne « dans une situation contraire aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibent les traitements inhumains et dégradants en captivité et aux dispositions de l’article 22 de la loi 2009-1436 du 24 novembre 2009 qui prescrivent le respect de la dignité en détention » (Chap, 18 juin 2014, No14/00566). Mais la Cour de cassation s’est quant à elle fondée sur le lourd handicap de la personne pour évaluer le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (Cass. Crim., 25 nov. 2009, n° 09-82.971).
[35] N. Ferran, « La personne détenue encore à la recherche de son juge en France », Déviance et Société, 2014/4 Vol. 38, pp. 469-489.
[36] Cour EDH, 20 octobre 2011, Nejdet Sahin Et Perihan Sahin c. Turquie, Req. n° 13279/05, § 94.
[37] V. par ex. en matière d’expropriation, Cour EDH, 21 février 1997, Guillemin c. France, Req. n° 19632/92, § 42, ou de rétention administrative, Cour EDH, 12 juil. 2016, AM c/ France, Req. n° 56324/13, § 40.
[38] Cour EDH, déc., 12 février 2019, Draniceru c. la République de Moldova, Req. n° 31975/15.
[39] Cour EDH, déc., 16 septembre 2014, Stella et 10 autres requêtes contre Italie, Req. n° 49169/09.
[40] Cour EDH, déc., 27 juin 2017, Angel Dimitrov Atanasov et Aleksandar Atanasov Apostolov c. Bulgarie, Req. n° 65540/16 et 22368/17.
[41] Cour EDH, déc., 14 novembre 2017, Domjan contre Hongrie, Req. n° 5433/1.
[42] V. au sujet d’une demande de changement d’affectation d’un détenu en détention provisoire à la direction interrégionale des services pénitentiaires afin que celle-ci saisisse pour avis l’autorité judiciaire et transmette in fine le dossier au ministre de la justice, CE, ord., 30 juillet 2015, n° 392100.
[43] Même si le juge du référé-liberté vient d’affirmer que « les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’habilitent pas le juge des référés à adresser une injonction à l’autorité judiciaire » et ne lui permettent donc pas d’interférer sur l’interruption de poursuites engagées suite à un procès-verbal (CE, ord., 30 avril 2020, Fédération française des usagers de la bicyclette, n° 440179, cons. 15).
[44] CE, 30 juill. 2015, n° 392043, cons. 19 ; CE, 28 juillet 2017, op. cit., cons. 14.
[45] C. Roux, « Prisons françaises et CEDH : les référés placés « en préventive » », DA, n° 3, mars 2020, p. 31.
[46] V. sur ce point les analyses du CGLPL, not. Rapport d’activité pour 2014, Dalloz, 2015, pp. 177-206.
[47] Cour EDH, 3 décembre 2019, Petrescu c. Portugal, Req. n° 23190/17, §§ 63-67.
[48] B. Belda, « L’innovante protection des droits du détenu élaborée par le juge européen des droits de l’homme », AJDA 2009. 406.
[49] J.-P. Céré, « Surpopulation carcérale : l’arrêt « quasi pilote » de la CEDH. CEDH, 30 janvier 2020, n° 9671/15, J.M.B. et autres c/ France », AJ Pénal 2020 p. 122.
[50] V. les recommandations du Comité des Ministres Rec(99)22 du 30 septembre 1999 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale et Rec(2006)13 relative à la détention provisoire, les conditions dans lesquelles elle est exécutée et la mise en place de garanties contre les abus du 27 septembre 2006.
[51] CGLPL, Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale, 2018, p. 35
[52] CDCP, Livre blanc sur le surpeuplement carcéral, approuvé par le Conseil des ministres le 28 septembre 2016.
[53] CGLPL, Rapport d’activité pour 2018, Dalloz, 2019, pp. 29-32.
[54] Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, 4 avril 2017, p. 20 http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/LIVRE_BLANC_sur_l_immobilier_penitentiaire_040417.pdf.
[55] Comme le rappelle le CGLPL, la suppression des peines de prison inférieures à un mois ne concernent que peu de personnes et l’effectivité des aménagements de peine dépendra de l’appréciation faite par les magistrats sur la personnalité et la situation matérielle du condamné, CGLPL, Rapport d’activité pour 2018, op. cit., pp. 30-31.
[56] C’est ce que constatait un magistrat : « Maintenant qu’on dresse ces fameuses listes, on prend vraiment la mesure du nombre incalculable de peines extrêmement courtes. Ce sont elles qui ont engorgé nos juridictions, alors qu’elles ne servent à rien en termes de réduction de la récidive. Au moins 20 % des personnes qui sont en détention n’ont rien à y faire. J’espère vraiment qu’au niveau central, au-delà de la crise sanitaire, on en tirera encore des enseignements », A. Blochle, « Coronavirus : les JAP sur le pied de guerre », Dalloz Actualités, 1° avril 2020.
[57] Le CGLPL s’interroge sur l’utilité du seuil fixé, alors qu’un seuil de 6 mois a été retenu par la LPRJ pour inciter les magistrats, à partir du 24 mars 2020, à choisir des mesures alternatives à l’incarcération, CGLPL, « COVID-19 en prison : des mesures gouvernementales insuffisantes », Communiqué du 1er avril 2020.
[58] Le texte vise les détenus « ayant initié une action collective, précédée ou accompagnée de violences envers les personnes ou de nature à compromettre la sécurité des établissements » ou « ayant eu un comportement de mise en danger des autres personnes détenues ou du personnel pénitentiaire ». Il faut de plus ajouter que ces mesures ne pourront être mises en œuvre qu’à l’issue d’un délai d’un mois après le début de l’état d’urgence sanitaire.
[59] Elle prolonge également la durée de la détention provisoire pour les procédures de comparution immédiate et de comparution à délai différé (art. 17).
[60] CGLPL, « COVID-19 en prison : des mesures gouvernementales insuffisantes », op. cit.
[61] Au 15 avril on comptait 9 923 libérations (V. Audition de S. Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire par la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur les questions liées à la détention dans le contexte épidémiologique de Covid-19, Compte rendu n° 53, 15 avril 2020, http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_lois/l15cion_lois1920053_compte-rendu), preuve que si la crise sanitaire a entrainé une urgence à agir pour protéger le droit à la vie et à la santé des personnes détenues et du personnel pénitentiaire, elle a également révélé la possibilité d’agir en matière de surpopulation.
[62] CE, 3 avr. 2020, op. cit.