La Cour européenne des droits de l’homme face aux nouvelles technologies de l’information et de communication numériques
Face au constat de l’explosion des technologies de l’information et de communication (TIC) numériques dans les sociétés européennes, cet article s’interroge sur la manière dont elles ont été appréhendées par la Cour européenne des droits de l’homme. Il met également en évidence l’impact pour les États parties de cette entrée des TIC dans l’office du juge strasbourgeois. En effet, s’il apparaît que la Cour encourage le développement des technologies numériques tant au niveau européen qu’au niveau national, l’analyse de la jurisprudence européenne révèle aussi qu’elle s’efforce d’encadrer les dangers qui les accompagnent.
Nina Le Bonniec, Docteur en droit, I.D.E.D.H. (EA 3976), Enseignante contractuelle à l’Université d’Avignon et des pays de Vaucluse
Un constat s’impose aujourd’hui : « les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sont partout. Elles ont enrichi la vie personnelle des individus, transformé leurs manières de vivre, de penser, de chercher, de s’informer, de communiquer, d’échanger, de travailler et même de conserver »[1]. La Cour européenne des droits de l’homme (EDH) a d’ailleurs relevé « the important role the Internet plays in people’s everyday lives » et a souligné que l’accès à internet est de plus en plus considéré comme un droit, que plusieurs politiques vont d’ailleurs dans le sens d’un accès universel à internet, ces évolutions contribuant indéniablement à combler la « fracture numérique »[2].
Notion protéiforme[3], les TIC couvrent un champ particulièrement large aux contours incertains et regroupent par exemple le domaine informatique, les télécommunications ou encore le traitement de données[4]. Ces nouvelles technologies sont principalement visibles depuis le développement d’internet, qui s’est imposé comme le « vecteur d’une information multi-canal »[5]. Si la vie des individus a été fortement impactée par ces avancées technologiques, la justice et les différentes juridictions en Europe ont elles aussi dû s’adapter à ce nouveau domaine.
Le Conseil de l’Europe s’est saisi assez tôt des questions relatives aux liens entre les évolutions technologiques et la protection des droits de l’homme. Dès les années 1980, plusieurs textes adoptés au sein du Conseil de l’Europe témoignent de son intérêt pour cette thématique à l’instar, par exemple, de la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel entrée en vigueur le 1er octobre 1985[6] et du Protocole additionnel à cette même Convention concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données du 8 novembre 2001[7], de la Convention sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001[8] et de son Protocole additionnel concernant l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques du 28 janvier 2003[9]. Ce constat ressort aussi de plusieurs Recommandations du Comité des Ministres portant sur la criminalité liée à l’ordinateur[10], sur l’impact des nouvelles technologies sur les services de la santé[11], sur l’enseignement, la recherche et la formation dans le domaine du droit des technologies de l’information[12], ou encore sur les problèmes de procédure pénale liés à la technologie de l’information[13]. En 1997, une Table ronde du Conseil de l’Europe avait même été organisée à Strasbourg sur le thème « Internet et Démocratie »[14]. Plus récemment, des Stratégies sur la gouvernance de l’Internet ont été lancées, avec pour objectif que « l’individu soit au centre des politiques publiques relatives à l’Internet afin de bâtir la démocratie en ligne, de protéger les utilisateurs et de garantir le respect et la sauvegarde des droits de l’homme en ligne »[15]. À cet égard, dans une Recommandation du 16 avril 2016, le Comité des ministres a affirmé la nécessité d’un internet « disponible, accessible et d’un coût abordable pour toutes les catégories de population, sans discrimination »[16].
Bien que les auteurs du texte de la Convention européenne des droits de l’homme, adopté le 4 novembre 1950, ne pouvaient prévoir de telles évolutions sociétales, cela n’a toutefois pas empêché la juridiction strasbourgeoise de connaître de ces questions puisqu’elle considère, de manière traditionnelle, que « la Convention est un instrument vivant à interpréter […] à la lumière des conditions de vie actuelles »[17]. La Cour n’est effectivement « pas restée indifférente à l’environnement numérique dans lequel elle évolue »[18]. Différents contentieux liés aux progrès numériques et technologiques ont de ce fait intégré le champ de la CEDH[19] telles que des affaires relatives à la saisie de documents informatiques[20] ou encore à des problèmes de vidéosurveillance[21]. Mais les problématiques liées aux TIC se sont révélées concerner des domaines bien plus larges que ceux relatifs à Internet et la saisie électronique, et se sont étendues par exemple à des questions de surveillances secrètes[22] et au problème de la conservation d’empreintes génétiques ou digitales[23]. La Cour européenne des droits de l’homme est elle-même une juridiction particulièrement « connectée » qui est présente sur Twitter[24] et YouTube[25] !
Au niveau européen, le Conseil de l’Europe n’a pas été la seule organisation à s’emparer des questions liées aux TIC. En ce sens, par exemple, dans le cadre de la Stratégie 2020 de l’Union européenne[26], une des principales initiatives développées est l’Agenda numérique pour l’Europe qui a notamment pour objectif de soutenir le déploiement de l’internet à haut débit afin de garantir un accès plus rapide à celui-ci et d’instaurer un marché unique des télécommunications[27] dans les États membres. Toutefois, l’Union européenne se montre aussi prudente puisque cet Agenda vise à renforcer la sécurité de l’internet et la confiance des utilisateurs[28].
L’impact des techniques modernes de communication sur la justice et l’office du juge est aussi visible au niveau national. De nombreux États parties se sont lancés dans le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, en particulier dans le domaine de la justice. Il ressort ainsi d’une étude menée par la Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice (C.E.P.E.J.) du Conseil de l’Europe que plus de la majorité des États parties possèdent des sites internet spécifiques pour chaque juridiction[29]. Il apparaît également que plusieurs de ces États développent actuellement une « e-justice » en permettant notamment que l’initiative de la procédure se fasse par voie électronique, en augmentant les utilisations de la vidéoconférence, ou encore en utilisant ces technologies pour la transmission des convocations jusqu’à se servir du SMS comme, par exemple, en Slovénie (en matière civile et commerciale) ou en Turquie[30]. En France, cette révolution technologique est aussi perceptible avec la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique[31]. Une « dématérialisation de la justice administrative »[32] a ainsi été engagée avec l’accentuation de l’utilisation des téléprocédures[33] et vise à opérer « une simplification des règles contentieuses »[34] dans un but d’efficacité. Par ailleurs, l’office des juges nationaux s’est vu élargi à des questions inédites relatives par exemple à la surveillance de masse, à la cybercriminalité ou encore, en matière de droit du travail, à la question de l’accès à des données numériques personnelles d’un salarié par son employeur[35].
L’explosion de l’usage des TIC dans les sociétés modernes n’est, en effet, pas sans conséquences et la Cour de Strasbourg est régulièrement confrontée à des « défis inédits »[36], ce qui suscite des interrogations quant à la position de ce juge face à l’émergence de ces évolutions technologiques au niveau européen. Se pose ainsi la question de savoir comment la Cour EDH appréhende ces problématiques et si une adaptation de son contrôle à ces risques particuliers a été opérée. En ce sens, si les apports de cette modernisation numérique semblent indéniables, néanmoins, « l’ambivalence » de l’avancée numérique doit être soulignée, « qui, tout à la fois, catalyse l’exercice des libertés fondamentales et synthétise des droits nouveaux, mais génère aussi des menaces redoutables et inédites à l’encontre des personnes et des intérêts dont les autorités publiques ont la charge »[37]. Les progrès numériques ont permis d’améliorer le quotidien des individus et de renforcer leurs droits à plusieurs égards mais ils révèlent aussi l’apparition de nouvelles atteintes aux droits fondamentaux, avec la nécessité de trouver de nouvelles solutions de conciliation[38].
Au regard de la jurisprudence strasbourgeoise, il apparaît que la Cour européenne adopte une position favorable au développement de ces nouvelles technologies qu’elle encourage (I), même si elle est consciente des dangers[39] qui les accompagnent et qu’elle tente de les encadrer (II).
I. Une facilitation de l’accès à la société numérique et de son développement
Cette amélioration de l’accès et du développement de la société numérique par la juridiction strasbourgeoise se constate à un double niveau : au niveau européen, d’abord, la Cour européenne s’inscrit elle-même dans cette logique (A), au niveau national, ensuite, elle encourage aussi les États parties dans cette voie (B).
A. Au niveau européen : le choix d’une justice « connectée »
À son niveau, la Cour de Strasbourg contribue indéniablement à une « diffusion du droit par internet »[40].
Son site internet[41] (consulté 5 997 669 fois en 2016[42] !) donne un accès direct à la base de données sur la jurisprudence des organes de la Convention en matière de droits de l’homme HUDOC et constitue ainsi une interface riche en ressources directement accessibles, tant pour les États parties, les requérants que les tiers. La Cour EDH est d’ailleurs une des rares juridictions à retransmettre en ligne le film de nombreuses audiences publiques[43]. Afin de permettre une meilleure accessibilité à cette interface, celle-ci est même disponible en plusieurs langues (français, anglais, turc, russe et elle devrait être disponible bientôt en espagnol). Les services de la Cour se montrent, de plus, particulièrement didactiques puisqu’ils ont également mis en ligne des tutoriels et des manuels d’utilisation ainsi qu’un document « Rechercher et comprendre la jurisprudence »[44]. Les requérants ont, par ailleurs, un onglet qui leur est spécifiquement dédié, où ils peuvent trouver des guides en ligne, notamment sur la procédure à suivre pour saisir la Cour, et même télécharger le formulaire de requête.
S’il n’est pas possible de saisir la Cour EDH par voie électronique – le formulaire devant être renvoyé par courrier postal – le juge prend néanmoins en compte cet accès facilité aux informations et aux documents nécessaires pour l’appréciation du délai de six mois par exemple. Dans une affaire du 29 juin 2012, il considère en ce sens que, « eu égard aux multiples moyens de communication dont disposent de nos jours les requérants potentiels (courrier postal, télécopie, communications électroniques, internet, etc.), […] le délai de six mois est, encore plus qu’autrefois, suffisant pour leur permettre d’apprécier l’opportunité d’introduire une requête devant elle »[45]. En outre, dans certaines affaires, il apparaît même que le recours à des sources numériques pour faire la lumière sur une situation nationale peut présenter un caractère prioritaire par rapport aux autres sources d’information éventuellement disponibles. Dans l’arrêt du 13 novembre 2007 jugé en formation solennelle, D. H. et autres c/ République Tchèque, qui concernait le problème de la scolarisation des enfants roms dans cet État, la Cour utilise ainsi « les documents disponibles sur le site Internet de la division des Roms et des Gens du voyage du Conseil de l’Europe »[46] pour éclairer le contexte historique de cette affaire, ce qui n’a pas été sans susciter des critiques de la part d’un ancien juge à la Cour européenne, qui a reproché à la juridiction strasbourgeoise cette présentation du « site internet » comme « source la plus sûre d’information » au détriment « des livres des spécialistes »[47].
Plus généralement, la Cour a mis en ligne différents documents destinés à améliorer la compréhension de la jurisprudence européenne. Des guides sur la jurisprudence par article de la Convention ont été réalisés, des notes d’information, de même que des rapports thématiques comme par exemple sur les abus sexuels et la pornographie infantile, la bioéthique, les droits culturels, internet etc., ou même des fiches par pays sur la jurisprudence de la Cour[48].
Récemment, la Cour a également développé un nouveau programme qui va aussi dans ce sens. Ce programme, intitulé « La Convention à votre porte », a pour objectif de faciliter l’accès à la Convention au niveau national et se situe dans la continuité des conférences d’Interlaken du 19 février 2010, d’Izmir des 26 et 27 avril 2011, de Brighton des 19 et 20 avril 2014 et de Bruxelles des 26 et 27 mars 2015[49]. Il vise à développer davantage les guides sur la jurisprudence, à favoriser la traduction des arrêts de la Cour en d’autres langues que l’anglais et le français, a conduit à la mise en place du « Réseau des cours supérieures » qui permet des échanges d’informations sur la jurisprudence de la Cour EDH et tend à fournir un forum de discussion pour la Cour EDH et les juridictions nationales. Ce programme comprend aussi le European Programme for Human Rights Education for Legal Professionnels (HELP), consistant en l’élaboration de vidéos de formation, d’une durée de quinze à vingt-cinq minutes, pour les professionnels du droit mais aussi pour les représentants de la société civile. Pour le moment, trois vidéos ont été réalisées, une relative à la recevabilité des requêtes, une deuxième portant sur le droit d’asile et une troisième concernant le terrorisme.
Cet usage d’internet dans le but de communiquer davantage d’informations sur son activité est aussi un moyen de légitimation indéniable pour cette juridiction qui a récemment subi de nombreuses remises en cause, la Fédération de Russie fournissant ici un triste exemple de la fronde à l’égard de la jurisprudence strasbourgeoise[50]. L’activisme de la Cour a, en effet, suscité de vives critiques[51] et des résistances de la part de certains États, notamment au sujet de la question de la reconnaissance du droit de vote des détenus[52] ou encore à propos de questions éthiques comme celle de la gestation pour autrui[53]. La politique de communication initiée par la Cour européenne via son site internet lui permet incontestablement d’améliorer la compréhension de sa jurisprudence, notamment des affaires relatives à des sujets sensibles, et par là même son acceptation par les États parties. En ce sens, la Cour s’inscrit dans un objectif de dialogue, et le Rapport annuel 2016 de la Cour EDH révèle, sur ce point, que le « dialogue avec les juridictions nationales » est même « une priorité de premier ordre »[54]. Les différents documents d’information mis à disposition du public permettent, eux, une appropriation certaine de la Convention par les individus.
Si la Cour européenne s’affiche clairement comme une juridiction « connectée », sa jurisprudence démontre qu’elle soutient la même dynamique à l’égard des États parties.
B. Au niveau des États parties : la promotion d’une société nationale plus numérique
Si la Cour européenne « ne garantit pas un droit d’accès électronique à la justice »[55], il n’en reste pas moins qu’elle est attentive aux sources disponibles sur internet au niveau national et qu’elle veille au respect du droit d’accès à la société numérique et notamment à internet, dès lors que cette possibilité est reconnue par les États.
D’une part, a été dévoilée la pratique de la Cour « consistant à faire état de la possibilité d’accéder au droit par internet »[56], cette pratique étant particulièrement visible en ce qui concerne l’accès en ligne au droit national[57]. Elle peut alors faire référence à des informations disponibles sur un site internet national[58], utiliser les ressources en ligne pour déterminer l’avancée d’une procédure au niveau interne[59], apprécier les voies de recours internes à épuiser[60] ou s’en servir pour juger de l’accessibilité d’une loi[61] dans le cadre de son contrôle relatif à la condition de savoir si l’ingérence était « prévue par la loi »[62]. Par exemple, dans l’arrêt Broca et Texier-Micault c/ France du 21 octobre 2003, se posait la question de l’épuisement des voies de recours internes en raison de la nouvelle évolution jurisprudentielle introduite par le Conseil d’État dans l’arrêt Magiera[63] qui a reconnu pour la première fois la responsabilité pour faute simple de l’État du fait du fonctionnement défectueux des services publics de la justice administrative. La Cour considère qu’« il ne serait […] pas équitable d’opposer une voie de recours nouvellement intégrée dans le système juridique d’un État contractant aux individus qui se portent requérants devant la Cour, avant que les justiciables concernés en aient eu connaissance de manière effective » mais qu’« il en va différemment dans les cas où, comme en la présente cause, le recours interne est le fruit d’une évolution jurisprudentielle » et que « s’agissant de l’arrêt du Conseil d’État du 28 juin 2002 dont il est présentement question, il semble qu’à ce jour, il n’a pas encore été publié au « Recueil Lebon », qui est le recueil « officiel » des arrêts du Conseil d’État, du Tribunal des conflits et des juridictions administratives » [64]. La Cour va cependant relever que cet arrêt « avait acquis un degré de certitude juridique suffisant à une période qui se situe aux alentours de la fin de l’année 2002, soit environ six mois après sa lecture », dans la mesure où il figurait notamment sur le site Internet du Conseil d’État depuis le 1er juillet 2002 ainsi que sur le site Internet Legalnews et avait été publié et commenté le 20 juillet 2002 dans plusieurs revues[65].
D’autre part, la Cour encadre le droit national lorsque cet accès est reconnu par la législation interne. Tel est notamment le cas en matière processuelle, sous l’angle de l’article 6 de la Convention protégeant le droit à un procès équitable. Dans une affaire slovaque qui concernait une demande en justice effectuée par voie électronique, la Cour n’hésite pas à retenir un constat de violation de l’article 6§1 de la Convention dans la mesure où le code de procédure civile « prévoyait sans ambiguïté la possibilité de communiquer des documents par voie électronique »[66]. En l’espèce, la société requérante, qui voulait introduire un grand nombre d’actions civiles (plus de 70.000) dans le but de recouvrer des dettes, avait enregistré ces actions sur un DVD qu’elle avait adressé aux tribunaux compétents. Elle avançait, en effet, que si elle avait dû imprimer tous les documents, cela aurait représenté plus de 43 800 000 pages au total ! Les forêts sont heureusement préservées, la Cour rejoint ici la position de la requérante en estimant que « dans ces conditions, on ne saurait considérer comme un abus de procédure ou juger inapproprié le moyen choisi par la société requérante pour communiquer les documents »[67]. De même, si la Cour se montre prudente face à l’usage de la vidéoconférence dans le domaine judiciaire, elle reconnaît tout de même les avantages de cette technique pour certains détenus soumis à un régime carcéral particulier puisqu’« il est indéniable que le transfert d’un tel détenu entraîne la prise de mesures de sûreté particulièrement lourdes et un risque de fuite ou d’attentat […] »[68] et peut l’autoriser sous certaines conditions.
Cet encadrement des droits nationaux se retrouve également sous l’angle de l’article 10 de la Convention protégeant le droit à la liberté d’expression. La jurisprudence développée dans le cadre de cette disposition révèle alors que les TIC ne sont pas seulement des technologies attentatoires aux droits fondamentaux puisqu’elles peuvent aussi contribuer à protéger ces droits, notamment le droit à la liberté de recevoir des informations. À l’heure où désormais l’équipement télévisuel s’est largement généralisé et popularisé, dans une affaire du 16 décembre 2008, la Cour a ainsi retenu une violation de l’article 10 en raison d’une rupture d’un bail privé car les locataires refusaient de retirer une antenne parabolique leur permettant de capter des émissions de télévision de leur pays d’origine. La Cour note alors que « ces programmes comprenaient notamment des informations politiques et sociales qui pouvaient présenter un intérêt particulier pour [les requérants] dans la mesure où ils étaient originaires d’Irak » et qu’« il ne faudrait pas sous‑estimer l’importance de ces autres types d’informations, en particulier pour une famille immigrée avec trois enfants, qui peut souhaiter rester en contact avec la culture et la langue de son pays d’origine »[69]. D’autres exemples sont aussi constitués par des litiges concernant des blocages de sites internet. Le juge européen a effectivement été confronté à des litiges concernant des blocages généralisés de certains sites internet, comme par exemple au blocage de YouTube en Turquie[70]. Dans plusieurs affaires, la Cour a sanctionné ces blocages pour défaut de base légale, en jugeant que « lorsque le tribunal d’instance pénal d’Ankara a décidé de bloquer totalement l’accès à YouTube, aucune disposition législative ne conférait un tel pouvoir à ce tribunal »[71]. Le juge européen a, en outre, été en présence d’affaires concernant le blocage de l’accès à internet à l’égard d’une personne, et notamment d’une personne détenue. Rappelant que « the Internet plays an important role in enhancing the public’s access to news and facilitating the dissemination of information in general »[72], la Cour a retenu des constats de violation en raison de ces restrictions à l’accès à internet pour réaliser des recherches juridiques ou bien consulter des informations en matière d’éducation dès lors que le droit national n’interdit pas un tel accès et que l’argument du requérant n’a pas été examiné par les autorités nationales[73]. Dans une affaire de 2016, Kalda c/ Estonie, si le juge européen estime que « Article 10 cannot be interpreted as imposing a general obligation to provide access to the Internet, or to specific Internet sites, for prisoners », notant que le détenu n’avait pu faire des recherches juridiques sur des sites internet – et en particulier sur le site du bureau local d’informations du Conseil de l’Europe – et que « Internet access has increasingly been understood as a right, and calls have been made to develop effective policies to attain universal access to the Internet and to overcome the “digital divide” », il parvient finalement à un constat de violation[74].
La juridiction strasbourgeoise s’inscrit, par conséquent, dans une logique de promotion des « vertus émancipatrices »[75] de la société numérique tant à son niveau qu’au niveau national. Elle a cependant dû adapter sa démarche aux risques que présente l’ère numérique, porteuse également d’« attitudes tyranniques »[76].
II. Un encadrement perfectible des dangers de la société numérique
Au regard des risques éventuels apportés par la société numérique pour la protection des droits fondamentaux, le juge européen a réagi rapidement et a encadré sur le plan procédural les législations nationales en matière de sécurité qui tendent à protéger un intérêt public (A). Mais il s’est aussi intéressé, de manière peut-être un peu plus indéterminée dans certains cas, aux conflits de droits entre des intérêts privés nés avec l’avènement de ces nouvelles technologies (B).
A. La définition d’un cadre essentiellement procédural des législations nationales en matière de sécurité numérique
La jurisprudence strasbourgeoise démontre que le juge européen assure une protection préventive face aux risques produits par la société numérique et a défini des garanties procédurales que les législations internes doivent respecter afin d’encadrer ces possibles périls[77]. L’atteinte aux données numériques d’un individu peut en effet être opérée en vue de sauvegarder un intérêt public. En ce sens, ces atteintes peuvent être légitimées par la nécessité de protéger la population[78], la défense de l’ordre[79] et la prévention des infractions pénales[80] ou encore la protection de la morale[81]. En lien avec les données numériques, ce cadre procédural est particulièrement visible sous l’angle de l’article 8 de la Convention dans trois domaines : les surveillances secrètes, les visites domiciliaires et les fichiers de police[82].
Concernant tout d’abord la question des surveillances secrètes, le juge considère « que l’interception secrète de conversations ou d’images par le biais d’appareils d’enregistrement audio et vidéo entr[e] dans le champ d’application de l’article 8 de la Convention pour ce qui est tant du droit au respect de la vie privée que de la correspondance »[83]. Pour la Cour, dans ce domaine, elle « doit [alors] se convaincre de l’existence de garanties adéquates et suffisantes contre les abus, car un système de surveillance secrète destiné à protéger la sécurité nationale comporte le risque de saper, voire de détruire, la démocratie au motif de la défendre »[84]. Alors qu’à l’origine les mesures de surveillance contestées devant la Cour avaient une portée plus restreinte et apparaissaient proportionnées[85], l’accroissement des TIC s’est accompagné d’une modernisation des techniques de renseignement conduisant à la possibilité, pour les autorités étatiques, de réaliser des surveillances de masse, cette faculté ayant été largement accentuée par la généralisation et la démocratisation des nouveaux moyens de communication. Plusieurs législations nationales autorisant la surveillance des communications de téléphonie mobile ont, par conséquent, conduit à des recours devant la juridiction strasbourgeoise et l’ont amenée à renforcer son contrôle face à ces possibles écoutes téléphoniques indifférenciées. Si le juge refusait en principe d’exercer un contrôle in abstracto[86], ce contentieux montre qu’il a pourtant été amené à examiner directement ces législations internes relatives à la surveillance secrète. Bien que certaines de ces législations comportaient des garanties adéquates contre les éventuels abus[87], en revanche, d’autres États se sont faits sanctionnés à l’instar de la Roumanie[88] ou de la Hongrie[89]. La législation nationale en cause doit effectivement contenir des précisions telles que la définition du genre d’informations pouvant être conservées, les catégories de personnes concernées, la durée de conservation des informations détenues ou encore la présence d’un contrôle efficace « que doit normalement assurer, au moins en dernier ressort, le pouvoir judiciaire »[90]. Dans l’affaire de Grande Chambre du 4 décembre 2015, Roman Zakharov c/ Russie, qui concernait le système russe d’interception secrète des communications de téléphonie mobile, le juge est même allé plus loin en indiquant explicitement que « compte tenu des particularités des mesures de surveillance secrète et de l’importance qu’il y a à veiller à ce qu’elles fassent l’objet d’un contrôle et d’un encadrement effectifs, la Cour admet les recours généraux dirigés contre la législation qui régit cette matière »[91]. Outre cette extension de la qualité de victime dans l’hypothèse où la personne qui pense avoir fait l’objet d’une surveillance secrète ne dispose d’un recours effectif au niveau interne, le juge est venu préciser l’étendue et les modalités selon lesquelles ce type de surveillance peut s’exercer. Même si les autorités nationales disposent d’une « certaine marge d’appréciation […] lorsqu’elles mettent en balance l’intérêt de l’État défendeur à protéger la sécurité nationale au moyen de mesures de surveillance secrète, d’une part, et la gravité de l’ingérence dans l’exercice par un requérant du droit au respect de la vie privée, d’autre part »[92], la Cour va tout de même s’assurer que la loi interne litigieuse présente une « qualité » et des « garde-fous » suffisants. En ce sens, différents critères sont clairement énoncés et examinés dans cette affaire concernant la Russie : « l’accessibilité du droit interne, la portée et la durée des mesures de surveillance secrète, les procédures à suivre pour la conservation, la consultation, l’examen, l’utilisation, la communication et la destruction des données interceptées, les procédures d’autorisation, les modalités du contrôle de l’application de mesures de surveillance secrète, l’existence éventuelle d’un mécanisme de notification et les recours prévus en droit interne »[93]. Tel n’est pas le cas de la législation russe en l’espèce qui manque de clarté et ne présente pas de garanties suffisantes contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics. Notons à cet égard que la loi française n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement autorise le recours à des techniques modernes de surveillance. Elle a cependant confié le contrôle de ces activités au Conseil d’État[94] et a permis une avancée en la matière par la mise en place d’une autorité publique indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement[95].
Les TIC ont ensuite donné des possibilités nouvelles et considérables aux enquêteurs par la numérisation des données qu’elles ont permise. Pour cette raison, elles ont conduit à des problématiques sur le terrain de la protection de ces données en permettant le stockage d’un grand nombre de données sensibles qui touchent à la sphère intime des individus.
Premièrement, cela se perçoit dans le domaine des visites domiciliaires en raison des saisies indifférenciées qu’elles peuvent engendrer. Ces saisies pouvant s’étendre au matériel informatique présent notamment dans des locaux professionnels, et donc à toutes les données numériques qu’il peut contenir à l’instar des fichiers informatiques ou des messages électroniques[96], des « garanties spéciales de procédure »[97] ont donc été mises en évidence par le juge européen. Concernant l’applicabilité de l’article 8 de la Convention, la Cour a eu l’occasion de préciser que « la fouille et la saisie de données électroniques s’analysent en une ingérence dans le droit des requérants au respect de leur « correspondance » au sens de l’article 8 »[98]. Quant au contrôle au fond, ces garanties procédurales vont alors consister à rechercher si la perquisition a été effectuée en vertu d’un « mandat décerné par un juge et reposant sur des motifs plausibles de soupçonner l’intéressé »[99], s’il y a eu un contrôle juridictionnel de l’opération[100] ainsi qu’un possible contrôle juridictionnel ultérieur de la régularité de l’autorisation[101]. En 2012, le juge européen avait alors pu sanctionner l’Autriche en raison d’un mandat de perquisition rédigé en des termes trop larges qui avait conduit à la saisie de toutes les données – et en particulier des données numériques – présentes dans le cabinet du requérant (un avocat), et qui ne se limitait pas à la saisie des seules données susceptibles de se rapporter aux infractions en cause, liées notamment à des escroqueries[102]. Trois ans plus tard, c’est la France qui avait été condamnée au titre de la même disposition en raison de saisies « massives et indifférenciées » de documents informatiques et de messages électroniques relevant de la confidentialité des relations avocat/client, puisque le Juge des libertés et de la détention n’avait pas réalisé un « contrôle concret de proportionnalité » mais s’était « contenté d’apprécier le cadre formel des visites litigieuses, sans procéder à l’examen concret qui s’imposait »[103].
Deuxièmement, et toujours sous l’angle de l’article 8 de la Convention, la juridiction strasbourgeoise est également venue encadrer les législations nationales relatives aux fichiers automatisés de police, qui peuvent regrouper différentes données personnelles sous forme numérique telles que des empreintes digitales, des profils ADN ou des échantillons cellulaires[104]. L’analyse de la jurisprudence révèle que le juge a élaboré un régime juridique spécifique pour les fichiers de police. Rappelant que « la protection des données à caractère personnel joue un rôle fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l’article 8 de la Convention »[105], la Cour estime, qu’en présence de données soumises à un traitement automatique à des fins policières, un contrôle d’autant plus approfondi doit être réalisé. À partir de 2008[106], différentes affaires – notamment françaises[107] pour des inscriptions au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS)[108], au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)[109] ou dans l’ancien système de traitement des infractions constatées (STIC)[110] – ont été l’occasion pour la Cour de développer différents critères de contrôle. En ce sens, le juge exige notamment du droit national qu’il « s’assur[e] que ces données sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées », que la durée de conservation ne soit pas trop longue et que « le droit interne [contienne] des garanties de nature à protéger efficacement les données à caractère personnel enregistrées contre les usages impropres et abusifs »[111]. Le régime juridique ainsi défini apparaît néanmoins perfectible. Il s’agit en effet, à l’heure actuelle, d’un régime essentiellement assorti de garanties procédurales et la Cour ne semble pas encore vouloir s’engager dans la voie de la consécration d’un véritable « droit à l’oubli ». Une telle consécration serait pourtant envisageable puisque, par exemple, c’est au moyen de la condamnation de l’absence de recours contre un refus d’accès à un dossier contenant des données personnelles que la Cour est parvenue à reconnaître un droit à la connaissance de ses origines[112]. D’ailleurs, ces questions liées à la conservation de certaines données et au « droit à l’oubli » ne se sont pas seulement posées devant le prétoire strasbourgeois et ont connu des développements particuliers du côté de Luxembourg[113]. La Cour de justice de l’Union européenne a consacré un tel « droit à l’oubli » numérique à partir de l’affaire de Grande du 13 mai 2014, Google Spain[114]. Ce droit a, de plus, été repris à l’article 17 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, qui sera applicable à partir du 25 mai 2018[115].
Si la société numérique a fait naître des conflits opposant le droit des individus à la protection des données à caractère personnel à des intérêts publics, elle a aussi généré des conflits opposant cette fois-ci des intérêts privés contradictoires.
B. Une mise en balance parfois ambivalente des intérêts privés contradictoires
Cette tâche de conciliation des intérêts en présence s’avère complexe pour le juge européen en raison du caractère « protéiforme » [116] des conflits de droits, d’autant qu’il n’existe pas de « méthode particulière de résolution des conflits de droits »[117]. La jurisprudence strasbourgeoise montre que le juge a conscience des dangers de la société numérique puisqu’il a eu l’occasion de noter que « les communications en ligne et leur contenu risquent bien plus que la presse de porter atteinte à l’exercice et à la jouissance des droits et libertés fondamentaux, en particulier au droit au respect de la vie privée »[118] ou encore que « des propos clairement illicites, notamment des propos diffamatoires, haineux ou appelant à la violence, peuvent être diffusés comme jamais auparavant dans le monde entier, en quelques secondes, et parfois demeurer en ligne pendant fort longtemps »[119]. Néanmoins, le contrôle du juge européen est empreint d’ambivalence : s’il apparaît que dans certaines affaires la résolution de certains conflits de droits est bien encadrée, dans d’autres espèces, le juge semble faire preuve de davantage de retenue, au profit d’une marge d’appréciation plus large des Etats et au détriment des droits des individus.
Ces conflits se manifestent d’abord sous l’angle de l’article 8 de la Convention, « domaine de prédilection des conflits de droits »[120], qui possède un effet horizontal élargi[121]. Selon la Cour, « la mise en balance des intérêts éventuellement contradictoires des uns et des autres est […] difficile à faire, et les États contractants doivent disposer à cet égard d’une marge d’appréciation importante »[122]. Néanmoins, la Cour ne délaisse pas tout contrôle en la matière et encadre la mise en balance des intérêts en présence, bien que le cadre de résolution de ces conflits ne soit pas toujours clairement déterminé. En l’occurrence, un domaine en particulier a fait l’objet de développements intéressants dans la jurisprudence européenne et concerne la surveillance de l’usage fait d’internet par un salarié dans le cadre de son milieu professionnel. Le juge européen a, en effet, été confronté à des affaires de surveillance de l’utilisation de la ligne téléphonique, des messages électroniques ou d’internet par des employés sur leur lieu de travail. Dans la plupart des affaires soumises à la Cour, son contrôle s’est arrêté à l’examen de la légalité, les mesures de surveillance n’étant réglementées par aucun texte en droit interne[123] même si elle n’avait pas exclu qu’une telle surveillance puisse être « nécessaire dans une société démocratique »[124]. Si certains juges avaient alors souligné les insuffisances de la jurisprudence européenne dans ce domaine, un arrêt Barbulescu c/ Roumanie[125], qui a été jugé par la Grande Chambre le 5 septembre 2017, a été l’occasion pour la Cour « de développer sa jurisprudence en matière de protection de la vie privée quant aux communications des employés sur Internet »[126] et de déployer encore l’effet horizontal de l’article 8 de la Convention[127]. Dans cette affaire, relative au licenciement du requérant en raison de l’utilisation de son compte Yahoo Messenger à des fins personnelles alors qu’il avait été créé à la demande de son employeur, la Chambre a conclu à une non violation de l’article 8 de la Convention en considérant que, s’il n’y avait pas eu de préjudice causé à l’employeur, la surveillance exercée par ce dernier « était de portée limitée et proportionnée » dans la mesure où elle n’avait concerné que les communications sur le compte de messagerie et pas les autres données présentes sur l’ordinateur[128]. Il n’en demeure pas moins que certaines informations contenues dans les messages électroniques litigieux portaient sur les aspects de la vie intime du requérant[129]. À l’inverse, la Grande Chambre constate, elle, une violation de l’article 8 dans la mesure où les juridictions nationales n’ont pas établi si l’employé avait été informé de ces mesures ainsi que de leur étendue, n’ont pas déterminé « le degré d’intrusion » dans la vie privée de l’employé, ont manqué à vérifier les raisons ayant justifié de telles mesures, n’ont pas recherché si des mesures moins intrusives étaient possibles ni enfin, si l’accès au contenu des messages pouvait se faire à l’insu de l’employé[130]. L’apport de cet arrêt tient surtout à la mise en évidence de différents critères d’appréciation permettant d’évaluer si des « garanties adéquates et suffisantes contre les abus » étaient bien présentes : l’information de l’employé quant aux mesures de surveillance utilisées, l’étendue de cette surveillance et le degré d’intrusion dans la vie privée de l’employé, la présence de motifs légitimes pour justifier ces mesures, les conséquences de la surveillance pour l’employé qui en a fait l’objet, la mise en place de garanties adéquates pour l’employé contre les mesures de surveillance intrusives et la nécessité de permettre aux employés de bénéficier de voies de recours devant un organe juridictionnel[131]. Une autre requête pendante concernant la France pourrait également amener la Cour à définir davantage son contrôle dans ce domaine puisqu’elle concerne la saisie et l’ouverture de fichiers, notamment d’un fichier intitulé « Données personnelles », figurant sur le disque dur de l’ordinateur du requérant par son employeur, la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF), ayant menées à la découverte de fichiers à caractère pornographique et par conséquent à la radiation du requérant des cadres de la SNCF[132].
Des conflits de droits sont aussi perceptibles sous l’angle de l’article 10 de la Convention. À cet égard, le juge européen est venu renforcer les « devoirs et responsabilités »[133] des exploitants de portails internet, et ce, d’autant plus lorsque le portail d’actualités fournissait « à des fins commerciales une plateforme destinée à la publication de commentaires émanant d’internautes sur des informations précédemment publiées »[134]. Si, dans la lignée de sa jurisprudence relative à la liberté d’expression, la Cour accorde un poids prépondérant au critère du débat d’intérêt général[135], elle se montre en revanche beaucoup plus stricte dès lors que les propos sont de nature illicite et constituent, par exemple, des discours de haine[136]. Le juge admet ainsi qu’un portail internet puisse être reconnu responsable des propos à caractère extrême laissés sur son site par des visiteurs dans la mesure où il « exerçait un contrôle important sur les commentaires publiés sur son portail », en effet, « seule la société requérante avait les moyens »[137] de modifier ou supprimer les commentaires litigieux[138].
Ensuite, et toujours sous l’angle de l’article 10 de la Convention, le juge a également pu exiger la mise en place d’un organe indépendant qui permettrait de prévenir les atteintes aux droits d’autrui qui pourraient être commises. Cette disposition a effectivement « vocation à s’appliquer à la communication au moyen de l’Internet »[139], dans le domaine particulier de la protection des sources journalistiques. Dans l’affaire de Grande Chambre Sanoma Uitgevers B. V. c/ Pays-Bas était en cause une injonction faite à la société requérante de remettre un CD-ROM contenant les originaux de photographies publiées dans un article relatif aux courses automobiles illégales, photographies qui avaient été retouchées afin de conserver l’anonymat des personnes impliquées, le CD-ROM ayant ensuite été saisi. Lors de l’examen de la qualité de la loi néerlandaise, la Cour rappelle qu’« au premier rang des garanties exigées doit figurer la possibilité de faire contrôler la mesure par un juge ou tout autre organe décisionnel indépendant et impartial »[140]. Lorsque la protection des sources journalistiques pourrait se trouver remise en cause, le juge souligne alors la « nécessité d’un contrôle de nature préventive » afin que « le juge ou autre organe indépendant et impartial [soit] en mesure d’effectuer avant toute divulgation cette mise en balance des risques potentiels et des intérêts respectifs relativement aux éléments dont la divulgation est demandée, de sorte que les arguments des autorités désireuses d’obtenir la divulgation puissent être correctement appréciés »[141].
Cependant, la jurisprudence européenne démontre que si le juge encadrait strictement ces conflits de droits, désormais – et cela se perçoit notamment dans le domaine de la liberté d’expression – il fait preuve de davantage de retenue, « au détriment de la protection des droits d’autrui »[142], ce qui a pu lui valoir de nombreuses critiques[143]. D’ailleurs, cette retenue se constate aussi dans des affaires mettant en jeu des aspects de la société numérique. L’affaire de Grande Chambre du 16 juin 2015 Delfi A. S. c/ Estonie, qui concernait la condamnation d’un exploitant de portail d’actualités sur Internet à cause de commentaires violents et injurieux laissés suite à un article publié sur ce portail pendant six semaines, s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle de grande retenue de la Cour EDH[144]. En effet, alors que « c’est la première fois qu’elle est appelée à examiner un grief s’inscrivant dans ce domaine d’innovation technologique en évolution », la Cour en profite pour venir préciser les « devoirs et responsabilités » pesant sur les exploitants de portail d’actualités[145] mais, rappelle « l’ample marge d’appréciation » des États en matière de conciliation des intérêts privés. Par la suite, elle valide très largement le raisonnement de la Cour d’État d’Estonie en considérant que la décision des juridictions internes de tenir la société Delfi A. S. pour responsable des propos litigieux reposait sur des « motifs pertinents et suffisants »[146]. Si le constat de non violation de l’article 10 de la Convention peut s’expliquer par le caractère extrême des propos en cause – la majorité de ces propos étant constitutifs « d’un discours de haine ou d’une incitation à la violence »[147] –, cette solution n’a pas été sans susciter de critiques de la part des juges dissidents qui soulignent l’absence de mise en balance des intérêts en cause dans cette affaire[148].
***
L’appréhension des progrès numériques par la juridiction strasbourgeoise n’est donc pas un phénomène nouveau, le juge européen ayant constamment interprété le texte conventionnel à la lumière des évolutions de la société moderne. Au-delà, il peut même être constaté que la Cour soutient les progrès numériques, en les utilisant elle-même ou en les encourageant au niveau des États parties. Son contrôle a néanmoins dû être adapté aux possibles dangers du « tout numérique », les droits des individus pouvant entrer en contradiction avec des intérêts publics ou privés contradictoires. Si des améliorations sont encore souhaitables en la matière, il apparaît que le contrôle européen sera très certainement appelé à s’affiner et à être approfondi. La Cour EDH s’est d’ailleurs récemment prononcée sur la question de l’utilisation d’un système de vidéosurveillance dans des salles de cours universitaires, système qu’elle a sanctionné sous l’angle de l’article 8 de la Convention[149]. Plusieurs requêtes sont, en outre, actuellement pendantes, et sont relatives par exemple à l’extension des pouvoirs de police en matière de collecte et de traitement des données à caractère personnel[150], à l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation dans le cadre d’une enquête[151], et ce, sans compter les nombreuses requêtes communiquées à la Cour et portant sur des questions de surveillance secrète[152].
[1] L. Burgorgue-Larsen, « Les nouvelles technologies », Pouvoirs, n°130, 2009, pp. 65-80, spéc. p. 65.
[2] Cour EDH, 19 janvier 2016, Kalda c/ Estonie, req. n°17429/10, §52 : « the Court cannot overlook the fact that in a number of Council of Europe and other international instruments the public-service value of the Internet and its importance for the enjoyment of a range of human rights has been recognised. Internet access has increasingly been understood as a right, and calls have been made to develop effective policies to attain universal access to the Internet and to overcome the “digital divide” » (nous soulignons).
[3] S. Amrani Mekki, « Efficacité et nouvelles technologies », Procédures, n°4, avril 2010, dossier n°5.
[4] À ce sujet, l’O.C.D.E. retient une définition par branche de ces technologies, en étudiant les branches de fabrication, réparation, vente et services (voy. Économie de l’information – Définitions sectorielles fondées sur la classification internationale type par industrie, Groupe de travail sur les indicateurs pour la société de l’information, 20 mars 2007, DSTI/ICCP/IIS(2006)2/Final).
[5] S. Turgis, « La coexistence d’internet et des médias traditionnels sous l’angle de la Convention européenne des droits de l’homme », RTDH, n°93/2013, pp. 17-38, spéc. p. 30.
[6] STE n°108.
[7] STE n°181.
[8] STE n°185.
[9] STE n°189.
[10] Recommandation n°R(89)9 du Comité des Ministres aux États membres relative à la criminalité liée à l’ordinateur, adoptée le 13 septembre 1989.
[11] Recommandation n°R(90)8 du Comité des Ministres aux États membres relative à l’impact des nouvelles technologies sur les services de santé, particulièrement sur les soins de santé primaire, adoptée le 29 mars 1990.
[12] Recommandation n°R(92)15 du Comité des Ministres aux États membres sur l’enseignement, la recherche et la formation dans le domaine du droit et des technologies de l’information, adoptée le 19 octobre 1992.
[13] Recommandation n°R(95)13 du Comité des Ministres aux États membres relative aux problèmes de procédure pénale liés à la technologie de l’information, adoptée le 11 septembre 1995.
[14] Table ronde du Conseil de l’Europe organisée à Strasbourg les 28 et 29 octobre 1997 (le programme de cet événement est en ligne : https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016804db4bd).
[15] Voy. la Stratégie du Conseil de l’Europe sur la gouvernance de l’internet 2012-2015 (CM(2011)175-final) ainsi que la Stratégie du Conseil de l’Europe sur la gouvernance de l’internet 2016-2019 (les grands axes de cette Stratégie sont disponibles en ligne : https://rm.coe.int/16806ad2a9).
[16] Recommandation du Comité des ministres aux États membres sur la liberté d’internet du 16 avril 2016 (CM/Rec(2016)5).
[17] Cour EDH, 25 février 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni, A26, req. n°5856/72, §31, JDI, 1980, 457, obs. P. Rolland.
[18] S. Turgis, « Strasbourg à l’ère du numérique : la pratique développée par la Cour européenne des droits de l’homme autour de l’accès au droit par internet », RTDH, n°96/2013, pp. 755-794, spéc. p. 775.
[19] C’est principalement par le biais de l’article 8 de la Convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale que ces contentieux ont intégré le champ conventionnel, mais d’autres dispositions sont aussi concernées comme par exemple les articles 6 (protégeant le droit à un procès équitable) et 10 (relatif à la liberté d’expression).
[20] Voy. par exemple, Cour EDH, 3 septembre 2015, Servulo & Associados – Sociedade de advogados, RL et autres c/ Portugal, req. n°27013/10.
[21] Voy. par exemple, Cour EDH, 6 décembre 2016, Vasilica Mocanu c/ Roumanie, req. n°43545/13.
[22] Voy. par exemple, Cour EDH, Cour Plénière, 6 septembre 1978, Klass et autres c/ Allemagne, A28, req. n°5029/71 ; Cour EDH, Grande Chambre, 4 décembre 2015, Roman Zakharov c/ Russie, req. n°47143/06, JCP G, 2015, doctr. 65, F. Sudre.
[23] Voy. par exemple, Cour EDH, 18 avril 2013, M. K. c/ France, req. n°19522/09, JCP G, 2013, act. 576, B. Pastre-Belda ; Cour EDH, 18 septembre 2014, Brunet c/ France, req. n°21010/10, JCP G, 2014, act. 1023, K. Blay-Grabarczyk.
[24] Deux comptes Twitter ont en effet été créés, un en 2013 pour le service de presse de la Cour européenne (https://twitter.com/echr_press) et un autre en 2015 concernant les publications (https://twitter.com/echrpublication).
[25] Le compte YouTube de la Cour EDH est consultable à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/user/EuropeanCourt.
[26] Les initiatives développées dans le cadre de la Stratégie 2020 peuvent être consultées en ligne : http://ec.europa.eu/europe2020/europe-2020-in-a-nutshell/flagship-initiatives/index_fr.htm.
[27] La Stratégie numérique pour l’Europe peut être consultée en ligne : https://europa.eu/european-union/file/1503/download_fr?token=BwRoRQEo.
[28] Ibid.
[29] Systèmes judiciaires européens. Efficacité et qualité de la justice. Rapport thématique : l’utilisation des technologies de l’information dans les tribunaux en Europe, Études de la C.E.P.E.J. n°24, Conseil de l’Europe, 2016, 187 p., p. 30 et s.
[30] Ibid.
[31] Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF n°0235 du 8 octobre 2016, texte n°1.
[32] F. Poulet, « La justice administrative de demain selon les décrets du 2 novembre 2016. Quelles avancées, quels reculs ? », AJDA, 2017, p. 279.
[33] Voy. les décrets n°2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire), JORF n°0257 du 4 novembre 2016, texte n°16 et n°2016-1481 du 2 novembre 2016 relatif à l’utilisation des téléprocédures devant le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs, JORF n°0257 du 4 novembre 2016, texte n°17.
[34] F. Poulet, « La justice administrative de demain selon les décrets du 2 novembre 2016. Quelles avancées, quels reculs ? », op. cit.
[35] Sur ces différentes questions, voy. L. Burgorgue-Larsen, « Les nouvelles technologies », op. cit.
[36] S. Turgis, « Strasbourg à l’ère du numérique : la pratique développée par la Cour européenne des droits de l’homme autour de l’accès au droit par internet », op. cit.
[37] J.-M. Sauvé, « Avant-propos », in Le numérique et le Conseil d’État, Étude annuelle, La documentation française, 2014, n°65, 448 p., p. 6.
[38] Ibid.
[39] En ce sens, K. Blay-Grabarczyk, « Vie privée et nouvelles technologies », RDLF, 2011, chron n°07 ; C. Husson-Rochcongar, « Les droits de l’homme sont-ils solubles dans internet ? », Journal européen des droits de l’homme, vol. 1, 2014, p. 29.
[40] S. Turgis, « Strasbourg à l’ère du numérique : la pratique développée par la Cour européenne des droits de l’homme autour de l’accès au droit par internet », op. cit.
[41] Le site internet de la Cour EDH est le suivant : http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?c=fre&p=home.
[42] Cette donnée est communiquée dans le Rapport 2016 de la Cour européenne des droits de l’homme, Conseil de l’Europe, 2017.
[43] Ces audiences sont disponibles en ligne : http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=hearings&c=fre.
[44] Ce document est disponible sur le site de la Cour EDH : http://www.echr.coe.int/Documents/CLIP_Finding_understanding_case_law_FRA.pdf.
[45] Cour EDH, Grande Chambre, 29 juin 2012, Sabri Günes c/ Turquie, req. n°27396/06, §57. Voy. S. Turgis, « Strasbourg à l’ère du numérique : la pratique développée par la Cour européenne des droits de l’homme autour de l’accès au droit par internet », op. cit.
[46] Cour EDH, Grande Chambre, 13 novembre 2007, D. H. et autres c/ République Tchèque, req. n°57325/00, §12.
[47] A. Kovler, « La Cour devant l’histoire, l’histoire devant la Cour ou comment la Cour européenne « juge » l’histoire », in La Conscience des droits, Mélanges en l’honneur de J.-P. Costa, Paris, Dalloz, coll. « Études, mélanges, travaux », 2011, 710 p., pp. 337-352, spéc. p. 348.
[48] Ces documents peuvent être consultés en ligne : http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=caselaw/analysis&c=fre#n1347528850996_pointer.
[49] Ces différentes conférences ont été l’occasion de souligner « la nature subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention » et de rappeler que « les États parties et sa Cour partagent la responsabilité de la mise en œuvre effective de la Convention, sur la base du principe fondamental de subsidiarité ».
[50] Une législation, entrée en vigueur le 15 décembre 2015, insère deux nouvelles dispositions (les articles 104, paragraphe 2 et 106, partie 2) à la loi constitutionnelle fédérale sur la Cour constitutionnelle qui rendent impossible l’adoption de mesures d’exécution d’un arrêt de la Cour EDH dès lors que la Cour constitutionnelle russe déclare cet arrêt non-exécutoire. Sur le fondement de cette loi, dans une décision du 19 avril 2016 (Arrêt 15-P/2016 du 19 avril 2016), la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a alors refusé d’exécuter un arrêt de la Cour européenne, l’arrêt Anchugov et Gladkov c/ Russie concernant la question du droit de vote des détenus (Cour EDH, 4 juillet 2013, Anchugov et Gladkov c/ Russie, req. n°11157/04, 15162/05, Dalloz, 2013, n°28, p. 1898, O. Bachelet) et a rappelé la prééminence de la norme constitutionnelle. Voy. V. Danelciuc-Colodrovschi, « Quelle politique jurisprudentielle pour sauver le « dialogue » des juges ? Interrogation(s) autour de la lecture de l’arrêt de la Cour constitutionnelle russe du 14 juillet 2015 », RFDC, n°105, 2016, pp. 229-240. G. Rosoux, « Offensive de la Russie contre l’autorité de la jurisprudence européenne relative au droit de vote des détenus : la Cour constitutionnelle russe et le contrôle du caractère « exécutoire » d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, n°109/2017, pp. 53-88, spéc. p. 88.
[51] Est par exemple symptomatique de cette animosité le récent appel du Président de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie à la juridiction strasbourgeoise à s’en tenir « plus systématiquement au principe de subsidiarité », eu égard à « la primauté et la force juridique suprême de la Constitution dans l’ordre juridique russe » (V. Zorkin, « La Convention européenne des droits de l’homme et les problèmes de sa mise en œuvre », Constitutions, 2016, p. 371).
[52] La question de la reconnaissance du droit de vote des détenus a donné lieu à la condamnation de plusieurs États parties – notamment du Royaume-Uni – pour des privations automatiques et indifférenciées de ce droit pour toute personne reconnue coupable d’une infraction intentionnelle (voy. par exemple : Cour EDH, Grande Chambre, 6 octobre 2005, Hirst c/ Royaume-Uni (n°2), req. n°74025/01, AJDA, 2006, 475, chron. J.-F. Flauss ; Cour EDH, 1er juillet 2008, Calmanovici c/ Roumanie, req. n°42250/02 ; Cour EDH, 8 avril 2010, Frodl c/ Autriche, req. n°20201/04 ; Cour EDH, 4 juillet 2013, Anchugov et Gladkov c/ Russie, préc. ; Cour EDH, 17 septembre 2013, Söyler c/ Turquie, req. n°29411/07 ; Cour EDH, 21 juillet 2016, Kulinski et Sabev c/ Bulgarie, req. n°63849/09).
[53] La France a, en effet, été condamnée par la Cour de Strasbourg à deux reprises, en 2014 (Cour EDH, 26 juin 2014, Mennesson et Labassée c/ France, req. n°65192/11 et 65941/11, JCP G, n°28, 14 juillet 2014, doctr. 832, chron. F. Sudre ; JCP G, n° 30-35, 28 juillet 2014, 877, note A. Gouttenoire) et en 2016 (Cour EDH, 21 juillet 2016, Foulon et Bouvet c/ France, req. n°9063/14 et 10410/14 ; JCP G, n°37, 2016, act. 965, F. Sudre), sur le terrain de la vie privée de l’article 8 de la Convention.
[54] Ce rapport est disponible en ligne : http://www.echr.coe.int/Documents/Annual_report_2016_FRA.pdf.
[55] S. Turgis, « Strasbourg à l’ère du numérique : la pratique développée par la Cour européenne des droits de l’homme autour de l’accès au droit par internet », op. cit.
[56] Ibid.
[57] Ibid.
[58] Comme par exemple des informations relatives à l’organisation de la justice et disponibles sur le site du ministère de la justice : Cour EDH, 23 novembre 2010, Moulin c/ France, req. n°37104/06, JCP G, 2010, act. 1206, F. Sudre ; D., 2011, 277, note J.-F. Renucci. Voy. aussi Cour EDH, 15 juin 2017, Metodiev et autres c/ Bulgarie, req. n°58088/08, §16 où la Cour fait référence à un site internet pour connaître le nombre d’associations cultuelles enregistrées en application de la loi.
[59] Cour EDH, déc., 8 septembre 2015, Michev c/ Bulgarie, req. n°62335/10, §14 ; Cour EDH, déc., 11 octobre 2016, Yildiz c/ Turquie, req. n°42745/09, §16.
[60] Cour EDH, 21 octobre 2003, Broca et Texier-Micault c/ France, req. n°27928/02, 31694/02, §20. Voy. aussi les affaires Cour EDH, déc., 7 juillet 2015, Alada c/ Turquie, req. n°67449/12, §41 ; Cour EDH, 29 octobre 2015, Valada Matos Das Neves c/ Portugal, req. n°73798/13, §106.
[61] À cet égard, dans une affaire du 18 mai 2010 (Cour EDH, Kennedy c/ Royaume-Uni, req. n°26839/05), la Cour « relève en premier lieu que le code est un document public et qu’il peut être consulté sur Internet » (§157).
[62] Les exemples cités précédemment sont donnés par S. Turgis (« Strasbourg à l’ère du numérique : la pratique développée par la Cour européenne des droits de l’homme autour de l’accès au droit par internet », op. cit.).
[63] CE, Ass., 28 juin 2002, Ministre de la justice c/ Magiera, n°239575, AJDA, 2002, 596, chron. F. Donnat et D. Casas.
[64] Cour EDH, 21 octobre 2003, Broca et Texier-Micault c/ France, préc., §20.
[65] Ibid.
[66] Cour EDH, 16 juin 2009, Lawyer Partners, A. S., c/ Slovaquie, req. n°54252/07 et a., §54.
[67] Ibid., §53.
[68] Cour EDH, 5 octobre 2006, Marcello Viola c/ Italie, req. n°45106/06, §§67 et 69, RTDH, n°73/2007, p. 223, note M. Chiavario (requérant accusé de graves délits liés aux activités de la mafia, non violation de l’article 6 de la Convention). Sur cette question, voy. L. Milano, « Visioconférence et droit à un procès équitable », RDLF, 2011, chron. n°08.
[69] Cour EDH, 16 décembre 2008, Khurshid Mustafa et Tarzibachi c/ Suède, req. n°23883/06, §44.
[70] Cour EDH, 1er décembre 2015, Cengiz et a. c/ Turquie, req. n°48226/10, 14027/11.
[71] Ibid., §63. Voy. aussi Cour EDH, 18 décembre 2012, Ahmet Yildirim c/ Turquie, req. n°3111/10, JCP G, 2013, act. 59, H. Surrel (le requérant se plaignait de ne pouvoir accéder à son site internet en raison d’une mesure ordonnée dans le cadre d’une affaire pénale qui n’avait aucun rapport avec son site).
[72] Cour EDH, Grande Chambre, 16 juin 2015, Delfi A. S. c/ Estonie, req. n°64569/05, §133, JCP G, 2015, act. 798, K. Blay-Grabarczyk.
[73] Cour EDH, 19 janvier 2016, Kalda c/ Estonie, préc. ; Cour EDH, 17 janvier 2017, Jankovskis c/ Lituanie, req. n°21575/08.
[74] Ibid., §§45 et 52.
[75] L. Burgorgue-Larsen, « Les nouvelles technologies », op. cit., p. 66.
[76] Ibid.
[77] Nous renvoyons ici à nos travaux concernant la technique de procéduralisation des droits substantiels employée par la Cour EDH : N. Le Bonniec, « La procéduralisation des droits substantiels par la Cour européenne des droits de l’homme. Réflexion sur le contrôle juridictionnel du respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme », Bruxelles, Bruylant, collection « Droit de la Convention européenne des droits de l’homme – Thèses », mai 2017, 682 p., spéc. pp. 240 et s.
[78] Cour EDH, Grande Chambre, 4 décembre 2012, S. et Marper c/ Royaume-Uni, req. n°30562/04, 30566/04, §104, GACEDH n°42 ; Cour EDH, 17 décembre 2009, M. B. c/ France, req. n°22115/06, §54 ; Cour EDH, 22 juin 2017, Aycaguer c/ France, req. n°8806/12, §34.
[79] Cour EDH, 29 juin 2017, Terrazoni c/ France, req. n°33242/12, §52 (interception et retranscription d’une conversation téléphonique de la requérante soupçonnée de participer à des infractions pénales, qui furent ensuite utilisées dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre).
[80] Cour EDH, 3 septembre 2015, Servulo & Associados – Sociedade de advogados, RL et autres c/ Portugal, préc., §97 (perquisition et saisie de fichiers informatiques et messages électroniques du système informatique des locaux professionnels des requérants en raison de soupçons de corruption, de prise illégale d’intérêts et de blanchiment d’argent).
[81] Cour EDH, déc., 18 octobre 2005, Perrin c/ Royaume-Uni, req. n°5446/03 (le requérant se plaignait de la condamnation et de la peine qui lui avaient été infligées pour la publication d’un article obscène sur un site internet).
[82] Sur ces questions, voy. K. Blay-Grabarczyk, « Surveillance secrète, visites domiciliaires et autres intrusions des pouvoirs publics dans la vie privée », RDP, n°3, 2016, p. 1022.
[83] Cour EDH, 20 décembre 2005, Wisse c/ France, req. n°71611/01, §27.
[84] Cour EDH, Cour Plénière, 6 septembre 1978, Klass et autres c/ Allemagne, préc., §§49-50 ; Cour EDH, 26 mars 1987, Leander c/ Suède, A116, req. n°9248/81, §60.
[85] Voy. par exemple l’affaire Cour EDH, Cour Plénière, 6 septembre 1978, Klass et autres c/ Allemagne, préc. (non violation de l’article 8 de la Convention).
[86] Voy. notamment Cour EDH, Cour plénière, 6 septembre 1978, Klass et autres c/ Allemagne, préc., §33 : la Cour a estimé que la Convention « n’institue pas au profit des particuliers une sorte d’actio popularis pour l’interprétation de la Convention; [elle] ne les autorise pas à se plaindre in abstracto d’une loi par cela seul qu’elle leur semble enfreindre la Convention ».
[87] Voy. par exemple Cour EDH, Cour Plénière, 6 septembre 1978, Klass et autres c/ Allemagne, préc.
[88] Cour EDH, Grande Chambre, 4 mai 2000, Rotaru c/ Roumanie, req. n°28341/95.
[89] Cour EDH, 12 janvier 2016, Szabo et Vissy c/ Hongrie, req. n°37138/14.
[90] Voy. par exemple Cour EDH, Grande Chambre, 4 mai 2000, Rotaru c/ Roumanie, préc., §§57-58.
[91] Cour EDH, Grande Chambre, 4 décembre 2015, Roman Zakharov c/ Russie, préc., §165.
[92] Ibid., §232.
[93] Ibid., §§237-238. Pour une analyse comparable du Conseil constitutionnel en matière de surveillance, voy. la décision n°2017-648 QPC du 4 août 2017, La Quadrature du Net et a. (Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2018, n°58, p. 133, chron. H. Surrel).
[94] Sur ce sujet, voy. X. Latour, « Sécurité nationale – Premiers enseignements sur le contrôle juridictionnel des activités de renseignement », JCP G, n°46, 2016, p. 1199 ; O. Le Bot, « Le contentieux du renseignement devant la formation spécialisée du Conseil d’Etat », RFDA, 2017, p. 721.
[95] Des doutes peuvent toutefois être émis quant au contrôle effectué par cettz autorité, voy. N. Catalan, « La CNCTR : vivre et laisser mourir le contrôle du renseignement ? » in K. Blay-Grabarczyk et L. Milano (dir), Le nouveau cadre législatif contre le terrorisme à l’épreuve des droits fondamentaux, Institut Universitaire Varenne, coll. Colloques & Essais, 2017, 209 p., p. 111.
[96] Cour EDH, 3 septembre 2015, Servulo & Associados – Sociedade de Advogados RL et autres c/ Portugal, préc. (constat de violation de l’article 8 en raison d’une saisie de grande ampleur de documents informatiques dans un cabinet d’avocat).
[97] Cour EDH, 16 décembre 1992, Niemietz c/ Allemagne, req. n°13710/88, §37.
[98] Cour EDH, 16 octobre 2007, Wieser et Bicos Beteiligungen Gmbh c/ Autriche, req. n°74336/01, §45.
[99] Ibid.
[100] Cour EDH, 21 février 2008, Ravon c/ France, req. n°18497/03, §28 ; Dr. Fiscal, 2008, comm. 227, note D. Ravon et C. Louit.
[101] Cour EDH, 21 janvier 2010, Xavier Da Silveira c/ France, req. n°43757/05, §44 ; JCP G, 2010, note 583, K. Grabarczyk.
[102] Cour EDH, 3 juillet 2012, Robathin c/ Autriche, req. n°30457/06.
[103] Cour EDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et GTM Génie Civil et Services c/ France, req. n°63629/10 et 60567/10, §§76 et 79 ; JCP G, 2015, act. 479, obs. L. Milano.
[104] Cour EDH, Grande Chambre, 4 décembre 2012, S. et Marper c/ Royaume-Uni, préc., §104 ; Cour EDH, 17 décembre 2009, M. B. c/ France, préc., §54 ; Cour EDH, 22 juin 2017, Aycaguer c/ France, préc., §34.
[105] Cour EDH, 18 septembre 2014, Brunet c/ France, préc., §35, JCP G, 2014, act. 1023, K. Blay-Grabarczyk.
[106] Voy. l’arrêt de principe : Cour EDH, Grande Chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c/ Royaume-Uni, préc., §§103-104.
[107] Sur la question des fichiers de police en France, voy. A. Duranthon, « Comment faut-il lire les dispositions concernant les durées de conservation des données dans le fichier TAJ », AJDA, 2016, p. 1701.
[108] Cour EDH, 17 décembre 2009, Bouchacourt c/ France, req. n°5335/06, JCP G, 2010, act. 62, obs. F. Sudre ; Cour EDH, 17 décembre 2009, Gardel c/ France, req. n°16428/05 ; Cour EDH, 17 décembre 2009, M. B. c/ France, req. n°22115/06 (non violation de l’article 8 de la Convention : durée de conservation des données non disproportionnée dans la mesure où, à l’issue de ce délai, l’effacement est de droit et le contrôle de la conservation des données est effectif).
[109] Cour EDH, 18 avril 2013, M. K. c/ France, req. n°19522/09, JCP G, 2013, act. 576, B. Pastre-Belda (violation de l’article 8 de la Convention : absence de garanties suffisantes encadrant la collecte, la conservation et la suppression des empreintes digitales de personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions non condamnées).
[110] Cour EDH, 18 septembre 2014, Brunet c/ France, préc. (violation de l’article 8 : contrôle non effectif de la conservation des données et décision du procureur de la République insusceptible de recours à l’époque).
[111] Cour EDH, Grande Chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c/ Royaume-Uni, préc., §§103-104. Dans l’affaire Aycaguer c/ France du 22 juin 2017 (préc.), dans laquelle le requérant contestait le prélèvement biologique qui lui avait été fait en vue de son inscription dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), la Cour fait par ailleurs référence à la réserve d’interprétation qui avait été posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-25 QPC (Rec. p. 220 ; Droit pénal, 2010, n°11, comm. 132, A. Maron et M. Haas) et qui contenait des garanties analogues. En vertu de cette réserve, il avait considéré les dispositions litigieuses comme étant conformes à la Constitution sous réserve « de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées » (cons. 18).
[112] Voy. l’affaire Cour EDH, Cour Plénière, 7 juillet 1989, Gaskin c/ Royaume-Uni, A160, req. n°10454/83, §52, JDI, 1990, 715, obs. P. Tavernier et Cour EDH, 25 septembre 2012, Godelli c/ Italie, req. n°33783/09 ; JCP G, 2012, act. 1083, obs. K. Blay-Grabarczyk ; RTDH, 2014, 153, note V. Bonnet.
[113] A ce sujet, voy. S. Peyrou-Pistouley, « L’affaire Marper c/ Royaume-Uni : un arrêt fondateur pour la protection des données dans l’espace de liberté, sécurité, justice de l’Union européenne », RFDA, 2009, p. 741.
[114] CJUE, 13 mai 2014, Google Spain c/ Agencia Española de Protección de Datos, aff. C-131/12, JCP G, 2014, act. 629, F. Picod. Sur cette question, voy. I. Gheorghe-Badescu, « Le droit à l’oubli numérique. De l’Europe au Japon », Revue de l’Union européenne, 2017, p. 153.
[115] J.O. L 119, 4 mai 2016, pp. 1-88. Voy. S. Peyrou, « La protection des données à caractère personnel au sein de l’UE : des enjeux économiques et sécuritaires encadrés par le législateur sous le contrôle du juge », RDP, 2016, n°1, p. 55.
[116] F. Sudre, « Les conflits de droits. Cadre général d’approche dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in L. Potvin-Solis (dir.), La conciliation des droits et libertés dans les ordres juridiques européens, dixièmes journées d’études du Pôle européen Jean Monnet, coll. « Colloques Jean Monnet », Bruxelles, Bruylant, 2012, 577 p., spéc. p. 244.
[117] Ibid., spéc. p. 252.
[118] Cour EDH, 5 mai 2011, Comité de rédaction Pravoye Delo et Shtekel c/ Ukraine, req. n°33014/05, §63.
[119] Cour EDH, Grande Chambre, 16 juin 2015, Delfi AS c/ Estonie, préc., §110. Sur cette question, voy. M. Afroukh, « La liberté d’expression face aux discours haineux en ligne dans la jurisprudence de la Cour EDH », Dalloz IP/IT, 2017, p. 575.
[120] Ibid., spéc. pp. 260-261. En ce sens, voy. aussi : P. Ducoulombier, Les conflits de droits fondamentaux devant la Cour européenne des droits de l’homme, publications de l’Institut international des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2011, 745 p., pp. 571-572.
[121] J.-P. Marguénaud et J. Mouly, « De l’accès des salariés à Internet à la rationalisation de l’influence de la Cour EDH sur les relations individuelles du travail », JCP G, n°44-45, octobre 2017, 1169.
[122] Cour EDH, Grande Chambre, 29 avril 1999, Chassagnou c/ France, req. n° 25088/94, 28331/95, 28443/95, §113, GACEDH n°69 ; Cour EDH, 10 janvier 2013, Ashby Donald et a. c/ France, req. n° 36769/08, §40, JCP G, 2013, note 397, M. Afroukh.
[123] Cour EDH, 25 juin 1997, Halford c/ Royaume-Uni, req. n°20605/92 ; Cour EDH, 3 avril 2007, Copland c/ Royaume-Uni, req. n°62617/00.
[124] Cour EDH, 3 avril 2007, Copland c/ Royaume-Uni, préc., §48.
[125] Cour EDH, Grande Chambre, 5 septembre 2017, Barbulescu c/ Roumanie, req. n°61496/08, JCP G, 2017, act. 935, obs. E. Derieux ; JCP G, 2017, n°44-45, note J.-P. Marguénaud et J. Mouly.
[126] Opinion en partie dissidente de M. Le juge Pinto de Albuquerque sous l’affaire Cour EDH, 12 janvier 2016, Barbulescu c/ Roumanie, préc.
[127] J.-P. Marguénaud et J. Mouly, « De l’accès des salariés à Internet à la rationalisation de l’influence de la Cour EDH sur les relations individuelles du travail », op. cit.
[128] Cour EDH, 12 janvier 2016, Barbulescu c/ Roumanie, préc., §§ 59 et 60.
[129] Voy. l’Opinion en partie dissidente de M. Le juge Pinto de Albuquerque, préc., §§19-20.
[130] Cour EDH, Grande Chambre, 5 septembre 2017, Barbulescu c/ Roumanie, préc., §140.
[131] Ibid., §§120 à 122.
[132] Affaire Libert c/ France, req. n°588/13, communiquée le 30 mars 2015.
[133] Ce régime de responsabilité des journalistes a été défini dans l’affaire Cour EDH, Grande Chambre, 10 décembre 2007, Stoll c/ Suisse, req. n° 69698/01, §§102-104, GACEDH n°60. Sur cette question, voy. F. Tréguer, « Internet dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RDLF, 2013, chron. n°13 : ce régime a été repris à propos de la liberté d’expression des journalistes sur internet dans l’affaire Cour EDH, 5 mai 2011, Comité de rédaction Pravoye Delo et Shtekel c/ Ukraine, préc., §§63 et s.
[134] Cour EDH, Grande Chambre, 16 juin 2015, Delfi AS c/ Estonie, préc., §115.
[135] Les critères encadrant la mise en balance entre le droit à l’image et la liberté de la presse ont été définis dans les affaires Cour EDH, Grande Chambre, 7 février 2012, Von Hannover c/ Allemagne n°2, req. n° 40660/08, 60641/08 et Axel Springer AG c/ Allemagne, req. n° 39954/08, JCP G, 2012, note 650, M. Afroukh. Voy. M. Afroukh, « La pertinence discutable du critère exclusif du mode de conflit de droits », in F. Sudre (dir.), Les conflits de droit dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Nemesis, Anthemis, coll. « Droit & Justice », 2014, 326 p., spéc. pp. 56 et s.
[136] Voy. par exemple Cour EDH, 2 octobre 2008, Leroy c. France, req. n° 36109/03, RTDH, n°80/2009, p. 1109, note B. Nicaud.
[137] Cour EDH, Grande Chambre, 16 juin 2015, Delfi AS c/ Estonie, préc., §145.
[138] Pour un exemple contraire où les commentaires litigieux ne relevaient pas du discours de haine et ne constituaient pas des menaces directes à l’intégrité physique d’une personne, voy. Cour EDH, 2 février 2016, Magyar Tartalomszolgáltatók Egyesülete et Index.hu Zrt c. Hongrie, req. n°22947/13, JCP G, n°28, 11 juillet 2016, doctr. 834, chron. F. Sudre ; Revue Communication Commerce électronique, n°3, mars 2016, comm. 24, G. Loiseau.
[139] Cour EDH, 10 mars 2009, Times Newpaper Ltd c/ Royaume-Uni (n° 1 et 2), req. n°3002/03 et 23676/03, §27 ; Cour EDH, 10 janvier 2013, Ashby Donald et a. c/ France, préc., §34.
[140] Cour EDH, Grande Chambre, 14 septembre 2010, Sanoma Uitgevers B. V. c/ Pays-Bas, req. n°38224/03, §90 ; JCP G, 2010, n°39, 951, zoom par G. Gonzalez.
[141] Cour EDH, Grande Chambre, 14 septembre 2010, Sanoma Uitgevers B. V. c/ Pays-Bas, préc., §92.
[142] F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, Puf, 13 éd., 2016, 1005 p., spéc. p. 719.
[143] Le professeur F. Sudre évoque ainsi, à propos de la liberté d’expression, « la prééminence de la marge nationale d’appréciation » et « la dégradation du contrôle de proportionnalité » (F. Sudre, « Le recadrage de l’office du juge européen », in F. Sudre (dir.), Le principe de subsidiarité au sens du droit de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Nemesis, Anthemis, 2014, 412 p., spéc. p. 260).
[144] Cour EDH, Grande Chambre, 22 avril 2013, Animal Defenders International c/ Royaume-Uni, req. n° 48876/08, JCP G, 2013, doctr. 855, n°16, chron. F. Sudre. Voy. K. Blay-Grabarczyk, « Conventionnalité de la condamnation d’un exploitant de portail d’actualités sur Internet en raison de commentaires injurieux », JCP G, n°27, 6 juillet 2015, p. 758.
[145] Cour EDH, Grande Chambre, 16 juin 2015, Delfi A. S. c/ Estonie, préc., §§111, 115, 134 et s.
[146] Ibid., §§142 et s. et 161.
[147] Ibid., §140.
[148] Voy. l’Opinion dissidente commune aux Juges Sajó et Tsotsoria sous Cour EDH, Grande Chambre, 16 juin 2015, Delfi A. S. c/ Estonie, préc. Selon eux, « la Cour ne peut pas remplacer l’absence d’analyse au niveau interne par sa propre analyse. De plus, il n’appartient pas à la Cour d’assumer le rôle de législateur national. Nous ne pouvons pas exclure que la nécessité de combattre le discours raciste (qui est une question à caractère public et non pas simplement un droit individuel) pourrait commander un devoir de vigilance qui imposerait des obligations allant au-delà des mesures appliquées par Delfi. Mais la tâche de la Cour est de déterminer si l’ingérence des autorités nationales reposait en fait sur des motifs adéquats et crédibles. Ceux-ci sont ici absents ; il y a donc eu violation de la Convention » (§43).
[149] Cour EDH, 28 novembre 2017, Antovic et Mirkovic c/ Monténégro, req. n°70838/13 (ingérence non prévue par la loi).
[150] Affaire Tretter et autres c/ Autriche, req. n°3599/10, communiquée le 6 mai 2013.
[151] Affaire Ben Faiza c/ France, req. n°31446/12, communiquée le 3 février 2015.
[152] Par exemple : affaire Big Brother Watch et autres c/ Royaume-Uni, req. n°58170/13, communiquée le 7 janvier 2014 ; Affaire Centrum För Rättvisa c/ Suède, req. n°35252/08, communiquée le 14 octobre 2014.