La diabolisation de la Cour européenne des droits de l’homme
Yannick Lecuyer est Maître de conférences HDR en droit public à l’Université d’Angers, Membre associé de l’IREDIES et collaborateur de la Fondation René Cassin
Dans le contexte général de crise de l’Etat de droit et de remise en cause des droits humains en France et en Europe, de montée des nationalismes et des projets illibéraux, la Convention européenne des droits de l’homme et le système conventionnel constituent depuis quelques années une cible privilégiée[1]. Des attaques aussi violentes qu’infondées fleurissent de tous bords.
Il n’y a qu’à observer les deux dernières élections présidentielles pour être convaincu[2]. En 2017, au moins cinq des candidats à la magistrature suprême affichaient une hostilité frontale à la Convention et à la Cour. On retrouve sans surprise les candidats d’extrême-droite ou apparentés – Marine Lepen, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau – mais aussi des candidats issus de la droite républicaine dont les postions sont en réalité assez proches de la nouvelle droite, c’est-à-dire un courant de pensée sensible aux sirènes du nationalisme, de l’ordre et de la sécurité. Insupporté par la jurisprudence de la Cour relative à la gestation pour autrui, l’ex-premier ministre, François Fillon, envisageait de quitter le système conventionnel afin de le réintégrer sous réserves[3] tandis que le Président de la République sortant Nicolas Sarkozy, passablement ému par la condamnation de la France dans l’affaire Eon (« cass toi pauv’con »), ciblait plutôt la jurisprudence relative à l’immigration et au regroupement familial[4]. Il ne poussa néanmoins pas la détestation jusqu’à se priver d’une possible saisine de la Cour afin de discuter sa propre condamnation pour corruption et trafic d’influence par le Tribunal correctionnel de Paris, afin que « triomphent le droit et la justice »[5].
En dépit du très faible nombre de condamnations essuyées par la France au cours de la dernière décennie et particulièrement en 2021, la focalisation politique sur la Cour n’a pas faibli pendant les élections présidentielles de 2022. Comme l’observe Mustapha Afroukh, cette dernière est accablée de tous les maux : montée du terrorisme, dilution du politique, hypertrophie des droits subjectifs au détriment de l’intérêt général, immigration massive[6]… On retrouve la même opposition systématique à l’extrême droite même si Marine Lepen a poli son propos et ne compare plus la Convention à une camisole « impossible à faire évoluer »[7]. Candidat autoproclamé des antivaxs et des complotistes, Nicolas Dupont Aignan dénonce désormais le juge conventionnel sous l’angle de la vaccination obligatoire[8] tandis que quatre des cinq candidats à la primaire de droite obnubilés par la question migratoire – Valérie Pécresse, Éric Ciotti, Philippe Juvin et Michel Barnier – prônent a minima une distanciation d’avec le système conventionnel et, a maxima, une sortie[9].
Mais la palme de la haine revient indubitablement au fondateur du mouvement d’extrême extrême droite reconquête, Éric Zemmour, pour qui la Cour européenne des droits de l’homme est « l’origine du mal »[10]. Les nombreuses attaques du journaliste, écrivain, essayiste, éditorialiste, chroniqueur, polémiste, homme politique, etc… offrent un florilège des inexactitudes, approximations, incompréhensions et malhonnêtetés distillées à propos de la jurisprudence de la Cour : « Il y a des conventions qui nous embrigadent. Je vous donne un exemple, l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme prévoit, ce qui est bien normal, le droit à une vie familiale normale, mais en fonction de cet article les juges nous interdisent de bloquer le regroupement familial. Moi je considère qu’il faut arrêter le regroupement familial. Donc soit on sort de cet article 8, on le peut, vous savez on peut sortir d’un seul article, et si les juges européens continuent à nous sanctionner on sort de la Cour européenne des droits de l’homme (…). C’est la France qui a inventé les droits de l’homme, c’est pas la Cour européenne des droits de l’homme. On peut très bien vivre sans eux… »[11]. Cette aversion ne l’empêchera pas, lui non plus, d’apprécier les mérites de la justice conventionnelle aux fins de contester sa condamnation pour provocation à la haine religieuse par la Cour d’appel de Paris. Quant à l’extrême gauche et la France insoumise, si la Convention européenne des droits de l’homme ne soulève pas de difficulté au premier abord, l’inscription de la désobéissance aux traités européens dans le programme de la France insoumise laisse planer une ombre sur le sort qu’il est possible de lui réserver le cas échéant[12]. Sans être directement visée, la dialectique ne lui est pas davantage propice que les arguments développés à l’autre bout du spectre politique.
La détestation de la Cour est également omniprésente sur la blogosphère de droite et d’extrême droite. On citera à titre d’illustrations le think tank Institut pour la justice qui s’interroge sur les domaines d’action contestables de la Cour et la nécessité de circonscrire cette dernière, le Centre européen pour le droit et la justice dont le nom renvoie à une terminologie choisie afin de laisser penser qu’il est ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire un véritable laboratoire de recherche, et, subséquemment, crédibiliser ses analyses douteuses sur la Cour, ou encore Boulevard Voltaire, site rompu à la désinformation. Parmi ces animateurs du net hostiles au juge européen, le groupe Plessis composé de haut-fonctionnaires conservateurs assez détachés de leur devoir de réserve, s’illustre régulièrement par une critique au vitriol du système conventionnel qu’il appelle à quitter au plus vite[13].
Plus discrète mais tout aussi virulente, une poignée de chercheurs ou autorités en sciences juridiques multiplient les assauts contre Strasbourg, généralement dans la presse afin de ne pas être entravés par des exigences académiques trop contraignantes ou afin d’atteindre un public moins confidentiel que celui des revues juridiques[14]. On mentionnera ici Guillaume Drago, professeur de droit public et membre du conseil scientifique de l’Institut des sciences sociales, économiques et politiques fondé par Marion Maréchal-Lepen, les deux égéries de la Manif pour tous, Anne-Marie Le Pourhiet et Aude Mirkovic (par ailleurs ancienne figure du rock identitaire)[15], Xavier Bébin lequel reproche à la Cour de créer juridiquement les conditions de l’insécurité[16], ou encore Jean-Éric Schoettl, secrétaire général du Conseil constitutionnel entre 1997 et 2007, qui multiplie les dénonciations du « fondamentalisme droits-de-l’hommiste » (notion qui en dit généralement plus long sur ceux qui l’utilisent que sur ceux qui sont visés) et la paralysie de l’action publique par les traités internationaux[17]. Autour d’eux gravitent également une batterie de pseudo spécialistes de la Convention qui colportent des erreurs grossières à propos d’un système juridictionnel et d’un droit qu’ils ne maitrisent pas : Grégor Puppinck, Charlotte d’Ornelas, Éric Zemmour, Éric Conan… le label essayiste palliant utilement la carence de diplôme pertinent ou de reconnaissance académique.
Leurs opinions et « analyses » sont relayées par une partie de la presse écrite ou en ligne politiquement marquée à droite (Figaro, Marianne, Atlantico…) ou à l’extrême-droite (Valeurs actuelles, Causeur…) dans des articles aux titres évocateurs : « S’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme ? C’est possible et justifié »[18], « La France pourrait-elle « sortir temporairement » de la CEDH ? »[19], « La CEDH, ce machin qui nous juge »[20], « Usage des armes par la police : l’inquiétant filtre moral de la CEDH »[21], « Charia et CEDH : « Soumission » programmée »[22], « Nouveau coup d’épée de la CEDH à l’encontre de la libre critique des religions »[23], « La CEDH, tu l’aimes ou tu la quittes – comment quitter la CEDH »[24]… La radio et la télévision ne sont pas en reste avec des médias comme Sud radio, Radio courtoisie ou la chaîne d’actualité continue Cnews : « La CEDH, ou quand l’Europe nous impose sa vision immigrationniste »[25], « La perversion des droits de l’homme et les dérives de la CEDH »[26]…
L’imbroglio des arguments récurrents dans ces articles de doctrine ou de presse n’est pas toujours simple à démêler. Beaucoup d’éléments s’y télescopent de manière plus ou moins désordonnée. On notera par exemple la confusion persistante entre souveraineté interne et souveraineté externe. Ce n’est d’ailleurs pas la moindre des erreurs. Néanmoins tous ont en commun une dynamique identique[27]… Il s’agit d’honnir et de livrer à la vindicte le système conventionnel en lui-même (I.) et tout ce qu’il produit, c’est-à-dire l’essentiel de la jurisprudence de la Cour (II.).
I. Le pouvoir confisqué
Ses détracteurs le négligent trop souvent mais la Cour a reçu un mandat de la part des Etats signataires de la Convention. L’article 32 § 1 dispose que la compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33 (recours interétatiques), 34 (recours individuel), 46 (saisine par le Comité des ministres sur la question du respect par les Etats condamnés de l’exécution des arrêts) et 47 (avis consultatifs). Autrement dit, la Cour est chargée d’exercer un contrôle juridictionnel sur les mesures prises par les autorités étatiques qui seraient éventuellement contraires à la Convention. C’est le premier sujet de détestation des opposants au système conventionnel, la limitation de la décision politique par une instance juridictionnelle au nom de principes juridiques supérieurs. Le caractère supranational de cette dernière aggrave l’offense. La violation de la souveraineté du peuple (A.), se double d’une violation de la souveraineté de l’Etat (B).
A. La négation de la souveraineté du peuple : les droits humains pour quoi faire ?
L’accusation de négation de la souveraineté populaire révèle principalement deux choses étroitement liées : une peur éculée du gouvernement des juges et la nostalgie schmittienne. En effet, pour Karl Schmitt, l’Etat ne s’identifie pas à l’ordre juridique. Par conséquent, comme l’Etat trouve le fondement juridique de son existence politique dans la Constitution, protéger cette dernière n’est pas, selon lui, une activité purement logique ou simplement juridictionnelle, mais bien au contraire une activité éminemment politique. Protéger la Constitution, c’est la défendre contre ses ennemis politiques. Dès lors, la justice constitutionnelle n’est pas tant une garantie juridictionnelle qu’une garantie politique émanant du souverain[28]. On perçoit immédiatement l’incompatibilité irrémédiable de cette théorie avec le système conventionnel et au-delà avec la démocratie libérale, celle qui résulte de la synthèse entre la démocratie et l’Etat de droit.
Cette conception schmittienne du droit présente en creux dans la plupart des critiques ataviques adressées à l’encontre de la Cour, explique l’opposition systématique entre légitimité démocratique du législateur français et légitimité fonctionnelle du juge européen – la volonté du peuple ne saurait être entravée par le droit – ainsi que la myopie à l’égard des théories qui reposent plutôt sur la complémentarité[29]. Affaire de goût, choix crucial de société aussi : l’Etat de droit, mode de limitation du pouvoir destiné à juguler l’arbitraire, et la démocratie, mode d’organisation du pouvoir, peuvent être envisagés de manière totalement antinomique ou ampliative.
Plus qu’aucun autre, l’article d’Anne-Marie Le Pourhiet consacré à la Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie atteste une volonté de penser la relation entre les sources de légitimité en opposition plutôt qu’en synergie. L’auteure, candidate malheureuse au mandat de juge européen, y discute avec un certain mépris du lien entre démocratie et droits humains, notamment au sens du préambule de la Convention : « La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 n’est guère plus rigoureuse dans son préambule qui stipule : « Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d’une part, et, d’autre part, sur une conception commune et un commun respect des droits de l’homme dont ils se réclament ». Cette logorrhée ne nous avance donc pas plus sur le lien entre démocratie et les droits de l’homme, l’usage des termes « d’une part, d’autre part » ajoutant à la confusion »[30]. C’est exactement la même logique qui conduit Xavier Bébin à considérer qu’importe la qualité des décisions de la Cour, « on ne peut pas, lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre liberté et sécurité, laisser une petite élite, si éclairée soit-elle, prendre des décisions majeures »[31]. En agissant de la sorte, en retirant aux citoyens le droit de choisir leur propre politique pénale, la Cour européenne ferait partie explique-t-il des dispositifs qui facilitent « l’arrivée au pouvoir d’un populiste qui promettra d’en finir avec ces constructions antidémocratiques et déconnectées des attentes des citoyens »[32].
Pour Anne-Marie Le Pourhiet encore, « la démocratie ne saurait être autre chose que la souveraineté collective s’exprimant par le droit de vote des citoyens et le principe de majorité. Sans doute la possibilité de choix des citoyens et donc d’auto-détermination du peuple, implique-t-elle une société pluraliste où les libertés de penser, de s’exprimer, de communiquer, de constituer des partis et, bien sûr, de voter, sont garanties. Il existe évidemment un minimum de préconditions libérales à la démocratie puisque celle-ci ne peut exister dans un système de parti ou de pensée unique où les opinions dissidentes ne peuvent être ni exprimées ni représentées. Mais une fois la volonté majoritaire arrêtée après un débat libre et pluraliste, elle s’impose par définition ». Cette critique simpliste, Anne-Marie Le Pourhiet se charge elle-même de la vulgariser[33]. On la retrouve chez certains haut-fonctionnaires comme Marie-Françoise Bechtel, ancienne directrice de feu l’ENA, Jean-Éric Schoettl, ou les membres du groupe Plessis[34]. Mais c’est surtout Éric Zemmour qui en la plaçant au centre de ses préoccupations en a assuré la diffusion lors des dernières élections présidentielles[35].
Elle procède d’une pensée bien connue, dénuée de garde-fou juridique et à l’origine des indicibles souffrances que l’humanité s’est infligée à elle-même pendant la seconde guerre mondiale. Laurence Burgorgue Larsen s’indigne de cette indigence des raisonnements doublée d’un manque coupable de mémoire : « L’argument est simple : le droit entrave l’action des pouvoirs publics face au terrorisme ; plus particulièrement, le droit qui découle de la jurisprudence de la Cour européenne qui s’est « infusée » dans celle des deux Cours suprêmes et du Conseil constitutionnel. Haro donc sur le droit, sa mécanique, ses principes ; haro sur ce qui fut construit patiemment après-guerre pour éviter le retour du « mal radical » (Hannah Arendt) ; haro sur la démocratie, en somme. Car, depuis le « tournant 1945 », la démocratie ce n’est plus uniquement le vote, mais c’est le vote associé au respect de règles élémentaires assurant la séparation des pouvoirs et la protection des droits et libertés fondamentales des individus, ce que l’on nomme communément l’Etat de droit »[36].
En effet, le modèle valorisée dans la Convention européenne des droits de l’homme le 4 novembre 1950 (le rappel de la date n’est pas anodin), le « régime véritablement démocratique », n’est pas un simple exercice arithmétique conjugué à quelques libertés politiques et de nature politique (liberté d’expression, de réunion, d’association et de manifestation pacifique) afin d’assurer l’animation démocratique du régime mais un ensemble de valeurs, de droits et de libertés beaucoup plus large dont l’objectif est double : affirmer et protéger la dignité humaine de chaque personne en toutes circonstances[37], établir un ordre public européen des libres démocraties en Europe[38]. C’est également le modèle promu par la Commission pour la démocratie par le droit, dit Commission de Venise qui établit le lien entre Démocratie et Etat de droit[39].
Sous cette forme dégagée de la tradition légicentriste éculée qui l’effaçait totalement en France, le juge est un véritable pouvoir et joue un rôle tout aussi essentiel que les deux autres pouvoirs. Il est le gardien de ces valeurs. En outre, la Cour ne nie pas la conception de la démocratie chère à Anne-Marie Le Pourhiet et ses séides, celle réductible aux urnes et des quelques libertés qui permettent le pluralisme politique. En effet, l’article 3 du premier protocole qui assure la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif à intervalles raisonnables et au scrutin secret, consacre un « principe caractéristique de la société démocratique » dont l’importance dans le système de la Convention est « capitale »[40]. Dans son arrêt de chambre du 31 juillet 2001, Refah Partisi, confirmé en Grande chambre le 13 février 2003, la Cour affirme avec force l’importance du rôle du peuple dans la démocratie[41]. Toutefois, le pouvoir de ce dernier n’est pas absolu et, ne saurait s’exercer en dépit ou à l’encontre des droits énoncés dans la Convention. Par ailleurs, elle estime que la démocratie commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus de position dominante de la majorité[42].
Reste in fine le sempiternelle piège rhétorique posé par les opposants au modèle démocratique véhiculé par la Convention européenne mais aussi par la plupart des constitutions européennes contemporaines : qui va garder le gardien ? puis qui va garder le gardien du gardien… bref la problématique du gouvernement des juges[43]. Excepté que les juges ne forment pas une classe sociale, ce qui rend l’expression impropre en elle-même, de nombreux auteurs ont eu l’occasion de démontrer l’inconsistance de la notion depuis son introduction dans la doctrine française par Edouard Lambert en 1921[44]. La réactivation de cette peur trahit une méconnaissance profonde, de la séparation des pouvoirs en tant que système d’équilibre et d’influences réciproques même si cela ne s’applique pas au juge européen et, d’autre part, du rôle du juge, dernier maillon dans la chaîne de montage du droit[45]. Les magistrats, quels que soient leur rang, leur type ou leurs compétences ne s’opposent pas à la décision, ils y participent là où leur habilitation le permet. Comme le souligne Wanda Mastor, « la dénonciation du gouvernement des juges a été́ détournée, instrumentalisée par une certaine théorie qui refuse la part créative du juge, de même qu’elle alimente aujourd’hui les discours populistes qui tentent par tous les moyens de discréditer la justice. Critiquer le gouvernement du juge en France est l’aveu d’une faiblesse. Ne parvenant à̀ prouver que le discours du juge est l’expression d’une vérité́, certains s’attaquent aux résultats qu’ils qualifient de « politiques ». Ce faisant, ils alimentent la peur qu’ils entendaient combattre : dire que les juges « gouvernent », c’est quitter le terrain des arguments juridiques pour rejoindre le ring idéologique ». Et c’est précisément l’axe idéologique qui est mis en avant par les réfractaires au contrôle de la Cour pour attester son mépris présumé de la souveraineté populaire et la mise en place d’une kritocratie européenne.
Enfin, on ne peut s’empêcher de souligner les relents complotiste de la proposition ce qui explique probablement l’engouement des milieux identitaires. Ce complotisme prend une autre dimension, encore plus odieuse, lorsque certains auteurs expliquent les orientations jurisprudentielles de la Cour par les milliards de Georges Soros et sa prétendue influence sur les juges européens. Pour Grégor Puppinck, se fondant sur une étude grotesque de son propre institut, le Centre européen pour le droit et la justice : « la conception du libéralisme inclusif, communautariste et multiculturel que l’on trouve à la Cour est digne de l’héritage idéologique de Soros. De fait, à la CEDH, on ressent cette influence sur toutes les questions relatives à la liberté d’expression, au blasphème, à l’islam ou aux réfugiés »[46]. Dans la même veine, on peut lire le site du Rassemblement pour la France, parti politique d’extrême-droite marginalisé depuis 2011 mais toujours actif sur internet : « Il (Georges Soros) utilise ses milliards pour soutenir des associations promouvant la libre-circulation des migrants et la déconstruction des valeurs traditionnelles »[47]. L’essayiste Marc Rousset reprend et complète : « En finir avec cette saloperie de Soros qui finance des ONG qui envoient des juges partiaux à la CEDH »[48]. Les relents antisémites de la proposition n’auront échappé à personne : la figure plus actuelle de Georges Soros remplace avantageusement celle des membres de la famille Rothschild tombée en désuétude. Par ailleurs, s’il faut regarder du côté de la sociologie, non seulement il n’y a pas de juges formés en secret par la Fondation Open society mais les derniers renouvellements ont favorisé l’élection de juges plus sensibles aux intérêts étatiques qu’à ceux des requérants individuels.
B. La violation de la souveraineté de l’Etat : ces étrangers qui gênent
Alors que, protocole après protocole, le système conventionnel ne cesse de régresser et que la bascule penche toujours davantage en faveur des Etats que des requérants, la Cour continue d’être critiquée sur le terrain des atteintes à la souveraineté de l’Etat. A titre d’exemple, en 2021, la France n’a fait l’objet que de quatorze arrêts dont six uniquement relèvent une violation des droits protégés par la Convention. Le taux de recevabilité ou plutôt d’irrecevabilité des requêtes est significatif. Sur les 36 092 requêtes clôturées la même année, 32 961 ont été frappées d’irrecevabilité par un juge unique, un comité ou une chambre, soit approximativement 91,32 %. On est loin du fantasme répandu d’une Cour trop complaisante avec les requérants. La France ne fait même pas partie des gros pourvoyeurs d’affaires qui étaient cette année-là dans l’ordre : la Russie, la Turquie, l’Ukraine, la Roumanie, l’Italie, la Pologne, l’Azerbaïdjan et la Serbie, c’est-à-dire des Etats caractérisés par des difficultés structurelles au regard des exigences conventionnelles. A ces statistiques qui relativisent grandement la pression que la Cour est supposée faire peser sur la France, il faut ajouter la tendance jurisprudentielle au self restraint en vigueur depuis presque quinze ans déjà. Sur fond de subsidiarité renforcée et d’amplification de la marge d’appréciation reconnue aux Etats, la balance des décisions rendues par la Cour, singulièrement par la Grande chambre penche indubitablement en faveur de ces derniers[49]. On est bien loin de l’ascendant démesuré et de l’hypertrophie du pouvoir juridictionnel dénoncée par Jean-Éric Schoettl dans son dernier ouvrage[50].
Pourtant, le cadre juridique imposé par la Convention est contesté en ce qu’il limiterait excessivement la capacité de l’Etat. Révélant le lien entre cet argument et la tentation populiste du projet, Michel Barnier scande à ce propos : « Il faut retrouver notre souveraineté juridique pour ne plus être soumis aux arrêts de la CJUE ou de la CEDH. Nous proposerons un référendum au mois de septembre sur la question de l’immigration »[51]. En attaquant frontalement la souveraineté étatique sur les valeurs essentielles de la France, la Cour européenne des droits de l’homme serait bien pire que la Cour de justice de l’Union européenne[52]. La paralysie de l’Etat provoquée serait effectivement d’autant plus problématique qu’elle entraverait la lutte contre le terrorisme et la régulation des flux migratoires, deux thèmes de prédilection de l’extrême droite et de la nouvelle droite[53]. C’est bien l’étranger qui gêne, celui qu’il s’agit d’empêcher d’entrer sur le territoire afin d’éviter le « grand remplacement » comme celui qui, drapé de noir et à l’abri du Palais des droits de l’homme, aura l’audace d’émettre un jugement sur la France.
L’observation scandalisée du groupe Plessis dans les pages du Figaro du 21 juin 2016, observation teintée de racisme, est édifiante sur ce point. Les rédacteurs de la tribune s’insurgent : « le juge azerbaidjanais, albanais, moldave, géorgien ou turc, pour citer des ressortissants de pays réputés pour leur respect des droits de l’homme…, a ainsi une influence sur le droit français que pourraient leur envier bon nombre de nos parlementaires ! ». Le lecteur appréciera le choix des juges cités qui épargne la Russie, l’Ukraine, la Roumanie, l’Italie, la Pologne et la Serbie pour se concentrer sur des Etats plus « exotiques »… et de déduire la nécessité de se dégager de l’étreinte de la Cour comme une priorité si « d’un point de vue opérationnel, l’on veut retrouver des marges de manœuvres s’agissant notamment de la lutte contre l’immigration ou le terrorisme, mais surtout, si, d’un point de vue symbolique et politique, on veut redonner à la France son autonomie juridique »[54]. Le texte met ensuite en balance le droit national et le droit européen, la Déclaration des droits de l’homme et la Convention européenne, la question prioritaire de constitutionnalité et le recours individuel devant la Cour en feignant d’ignorer la complémentarité des systèmes et l’interprétation essentiellement conforme qui préside, par choix, à la jurisprudence constitutionnelle[55].
En réalité, c’est le principe même du droit international des droits humains et de sa primauté renforcée qui est remis en question. Ce n’est pas un hasard si pour Anne-Marie Le Pourhiet, l’article 55 de la Constitution qui dispose la supériorité des traités sur les lois dès lors qu’ils sont régulièrement signés et ratifiés, constitue le problème majeur[56]. A l’instar de Guillaume Drago, et dans l’attente d’une réécriture de cet article, elle invite la justice française à se désengager de la tutelle du juge européen en développant sa propre jurisprudence nationale[57].
Les auteurs rivalisent d’imagination et de fantaisie pour restaurer la souveraineté française prétendument perdue dans les couloirs du Palais des droits de l’homme.
La première solution, la plus radicale, consiste à sortir de la Convention et de rejoindre le club très fermé composé par la Grèce de la dictature des colonels (1969) et la Russie de Vladimir Poutine (2022). C’est paradoxalement, la proposition la moins inepte juridiquement. Elle est particulièrement portée par Éric Zemmour. Elle est aussi envisagée par certains comme un dernier recours ou un moyen de faire pression sur la Cour afin de la contraindre à respecter la souveraineté des Etats[58].
La deuxième option, moins définitive, serait de dénoncer la Convention pour « mieux » y réadhérer, c’est-à-dire en assortissant le nouvel engagement de multiples réserves destinées à rendre inopérant la plupart des standards conventionnels. Soutenue par François Fillon sur la base d’un précédent anglais inexistant[59], le projet se heurte nonobstant à l’article 57 qui encadre la possibilité d’émettre des réserves à la Convention et ses protocoles ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour qui exerce un contrôle de conventionnalité des dites réserves[60].
Une troisième direction consiste à inviter le gouvernement à renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour sur les questions touchant notamment à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme » sans qu’on sache exactement ce que cela signifie. C’est celle présentée par Pierre Lellouche à l’Assemblée nationale le 18 février 2015 dans une proposition de résolution n°2601. S’agit-il, comme le suggère de manière ubuesque Jean-Éric Schoetll, de rétablir la réserve levée en 1981 à l’initiative de Robert Badinter afin de refuser aux individus la possibilité de saisir la Cour[61] ? C’est négliger que depuis l’entrée en vigueur du onzième protocole en 1998, la compétence de la Cour n’est plus subordonnée à l’acceptation des Etats parties et que, en toutes hypothèses, il est impossible d’assortir de nouvelles réserves après la ratification des traités. S’agit-il d’initier une modification de la Convention afin de réformer la Cour, de « reprendre la main » et de mettre fin aux « jurisprudences les plus contestables » comme le conseille Gilles Lebreton[62] ? C’est envisageable à condition de ne pas négliger toutes les difficultés d’un tel processus. L’élaboration et l’adoption d’un nouveau protocole additionnel prend du temps. Surtout, elle ne dépend pas des desideratas d’un seul Etat. Le protocole n°14 et le protocole n°15, pourtant très favorables aux Etats, ont respectivement nécessité six et neuf ans pour entrer en vigueur.
La quatrième solution a fait l’objet d’une proposition d’amendement au futur projet de loi constitutionnelle par Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit d’inscrire en toutes lettres dans la Constitution la primauté de celle-ci sur les normes internationales consécutivement à la remise en cause des principes fondamentaux du droit français « par une série de décisions hautement contestables de la Cour européenne des droits de l’homme » (voir l’exposé des motifs). Désormais, les dispositions législatives déclarées contraires à un traité par une juridiction européenne seraient maintenues en vigueur si elle est, dans les six mois suivant la décision de cette dernière, confirmée par une loi adoptée dans les mêmes termes. C’est aussi l’objectif subsidiaire prôné par Éric Zemmour – « faire en sorte que les lois votées en France soient supérieures à la Convention européenne des droits de l’homme » – à défaut de sortir quitter le système conventionnel.
Enfin, cinquième et dernière hypothèse, Bertrand Mathieu et Anne-Marie Le Pourhiet invitent à ne pas respecter les arrêts déplaisants, notamment ceux qui mettraient en cause des normes constitutionnelles. Cette inexécution délibérée heurte de plein fouet les obligations des Etats au sens des articles 1er et 46 § 1 de la Convention. Certes, l’autorité des arrêts est relative mais ils n’en sont pas moins contraignants. En s’engageant sur cette voie, la France s’expose à la mise en œuvre de la procédure en manquement prévue à l’article 46 § 4 ainsi qu’à une multiplication de résolutions intérimaires du Comité des ministres. Soit elle entérine juridiquement ce refus d’exécution par le biais d’une loi sur le modèle russe ou d’une jurisprudence constitutionnelle en singeant la Pologne[63], soit elle opte pour des inexécutions de fait au cas par cas et ouvre une période de crise durable entre Paris et Strasbourg semblable à celle qui a opposé le Royaume-Uni et le Conseil de l’Europe à propos du droit de vote des détenus entre 2005 et 2018[64].
II. L’identité volée
Les opposants à la Cour lui reproche d’anéantir l’identité de la France. Ici encore, les arguments sont souvent évasifs du fait même du caractère nébuleux et contingent de la notion d’identité[65]. La jurisprudence de la Cour se serait transformée en outil de dénaturation pour ne pas dire de destruction d’une identité tantôt constitutionnelle, tantôt nationale dont le contenu est hétérogène et difficile à cerner. De l’identité à l’identitaire, il n’y a qu’un pas fréquemment franchi. Il en va de même de la qualification « nationale » au nationalisme.
Les arguties juridiques déployées dissimulent à grande peine un engagement politique et idéologique incompatible avec l’Etat de droit (A.) afin d’instaurer ou de restaurer une forme de gouvernement conservatrice (B.).
A. Le procès en dévoiement de l’Etat de droit : le rejet du libéralisme
Beaucoup de contempteurs du système conventionnel accaparent paradoxalement la notion d’Etat de droit pour tenter de la retourner contre lui[66].
Premièrement, cette récupération méconnait totalement de ce qu’est la Cour, c’est-à-dire une instance internationale, ce qui, sous cet angle, disqualifie la réflexion sur la séparation des pouvoir et l’analogie avec le Conseil constitutionnel.
Deuxièmement, la méprise concerne également l’Etat de droit. C’est une étrangeté que de refuser d’une main la limitation de l’Etat au nom de sa souveraineté tout en brandissant, de l’autre, l’Etat de droit pourtant défini comme le système « dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée »[67]. L’empressement à décrédibiliser la Cour est tel que les auteurs jettent aux oubliettes les bases théoriques de l’Etat de droit et méconnaissent le rôle et la place centrale du juge dans cette construction : assurer la prééminence du droit, modérer le pouvoir, fut-il issu des urnes, afin d’en prévenir ou d’en freiner les dérives. Il est la « puissance modératrice de la démocratie »[68]. En énonçant la prééminence du droit dans son préambule, principe déjà inscrit en bonne place dans celui du Statut du Conseil de l’Europe, la Convention place la Cour aux avant-postes de la protection de ce type d’organisation de l’Etat. La conception d’un Etat dans lequel les fonctions et les mesures des autorités sont formellement balisées par un ensemble de normes supérieures transpire également du contrôle de la légalité des ingérences[69]. On la retrouve enfin dans le contentieux des validations législatives lorsque la Cour estime que l’immixtion du pouvoir législatif dans le cours de la justice ne peut être justifié que par « d’impérieux motifs d’intérêt général »[70]. Il s’agit bien, pour reprendre l’expression de Pierre-Henri Teitgen, de limiter la souveraineté du côté du droit[71].
Même appréhendé de manière positiviste et formelle, l’Etat de droit n’est pas neutre. Il postule une idéologie propice aux libertés en ce qu’il est pensé afin d’empêcher l’arbitraire des autorités étatiques. Sans surprise, on retrouve Carl Schmitt dans ses premiers contradicteurs. Pour le juriste allemand, l’Etat n’est pas fondé sur une norme mais sur une décision politique. Partant, l’Etat de droit au sens kelsénien est une notion mal fondée d’abord soucieuse de la sécurité juridique[72]. Il n’est jamais superflu de rappeler les affinités politiques de l’auteur difficilement détachables de ses postulats théoriques : national- socialisme entre 1933 et 1944 (il ne prendra jamais ses distances d’avec cette époque de sa vie), maitre à penser de la nouvelle droite après-guerre avec Ernst Jünger ou Armin Mohler, deux autres théoriciens de la « révolution conservatrice »[73]. A l’autre extrême du champ politique, l’Etat de droit est perçu comme un outil de violence organisée de la classe dominante sur les autres[74]. Les héritages sont là…
Cette approche formaliste ne doit pas faire oublier de surcroit que l’Etat de droit s’est enrichi d’une dimension matérielle dans laquelle le constitutionnalisme moderne et le droit international des droits humains plongent des racines communes. L’Etat de droit n’est plus l’Etat de n’importe quel droit[75]. L’apparente neutralité méthodologique a été complétée par un parti pris idéologique assumé. L’Etat de droit s’est doté d’une chaire et pas n’importe laquelle : les droits humains. Le rôle du juge s’en est trouvé bouleversé. De garant d’une architecture, il est devenu le gardien de ces droits essentiels désormais placés au pinacle de la hiérarchie des normes. Là aussi il est malaisé d’opérer une dichotomie entre les orientations politiques et les réflexions juridiques des adversaires de l’Etat de droit. Leur faible inclination pour les courants de pensée humanistes est parfaitement cohérente.
En bref, quelle que soit l’acception retenue, l’Etat de droit a le libéralisme chevillé au corps et il est impossible de limiter les effets de ce dernier aux quelques libertés qui permettent l’animation démocratique du régime politique, celles qui jettent précisément un pont entre l’Etat de droit et la démocratie. Il concerne tous les droits et libertés fondamentaux, autrement dit, sous l’angle de la Convention, l’ensemble des droits qu’elle énonce. Par conséquent, c’est un non-sens de prétendre que le juge conventionnel détruit l’Etat de droit. Il est sa raison d’être et en assure la promotion permanente. C’est d’ailleurs en connaissance de cause que les Etats ayant opté pour une démocratie libérale se sont engagés et ont ce faisant soustrait les libertés fondamentales de leur domaine réservé.
Le débat initié par les anti-Convention est bien une disputatio entre les partisans de deux idéologies irréconciliables et en tension permanente. La première est réfractaire à l’Etat de droit, conservatrice, centrée sur la notion de nation, et intolérante. Clin d’œil au credo de la Cour dans l’arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, la seconde valorise « le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture », c’est-à-dire une vision de la société ouverte et pluraliste, telle que décrite par Karl Popper dans son ouvrage intitulée La société ouverte et ses ennemis (1945) et amorcée en 1789 par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Anne-Marie Le Pourhiet a donc raison lorsqu’elle considère que « l’animosité des juges et des dirigeants européens envers la Hongrie et la Pologne participe d’une démarche idéologique »[76].
Subséquemment, les valeurs de l’idéologie inhérentes à l’Etat de droit, celles-là même inscrites dans le marbre conventionnel et qui permettent d’identifier dans l’histoire de France les régimes républicains des autres, sont inacceptables pour les contradicteurs obsessionnels de la Cour. Ils n’auront de cesse de dénoncer la dénaturation de la notion d’Etat de droit et sa transformation en « cheval de Troie ». Anne-Marie Le Pourhiet évoque à propos des valeurs qui fondent l’Union européenne et le Conseil de l’Europe – rien de moins que la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’homme – « un catalogue bisounours mal rédigé »[77].
B. La passion du conservatisme : la France « éternelle »
Le conservatisme est une philosophie politique définie par le refus du changement et la référence sécurisante à la tradition. Il n’est pas seulement le négatif du progressisme. En voulant imprimer une vision passéiste et rigide sur l’ensemble de la société, il s’oppose d’abord au libéralisme. En effet, celui-ci n’empêchera jamais les conservateurs de vivre selon leurs opinions alors que, à l’inverse, le conservatisme souhaite contraindre les libéraux à vivre dans une société régie par leurs valeurs, des structures et une identité immuables. L’avortement permet une illustration élémentaire : l’interdiction empêche toutes les femmes d’y recourir tandis que la légalisation ne les oblige pas à le faire. Il s’agit bien d’enchainer autrui à un mode de vie et une morale bien définis.
Ces deux antagonismes expliquent l’incompatibilité avec le système conventionnel profondément libéral et modérément progressiste. Sentinelle de l’Etat de droit à l’échelle européenne, il gène les ambitions politiques du conservatisme. De plus, la Cour a opté dès 1978en sortir pour une interprétation évolutive de la Convention, à savoir « à la lumière des conditions de vie actuelles »[78]. Il n’y a pas lieu de s’émouvoir de ce choix qui a permis l’émergence de nombreux droits déduits ou implicites. Ici encore, la Cour a reçu mandat pour le faire. Les Hautes parties contractantes ont fait d’elle le « ministre du sens de la Convention »[79].
La jurisprudence est animée par l’idée que le phénomène social précède le phénomène juridique, complétée par une approche top-down et volontariste selon laquelle le droit peut également performer le social. Cette conception duale doit beaucoup à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui est rédigé autant à l’attention de l’Etat qu’à la société. A Strasbourg, la Cour s’adresse aux Etats dont elle contrôle les ingérences mais aussi aux sociétés européennes. Elle responsabilise même les premiers afin qu’ils ancrent ses valeurs dans les secondes[80]. C’est tout l’enjeu de la notion de société démocratique. Si la société est démocratique, c’est-à-dire qu’elle est irriguée par les valeurs de la démocratie au sens conventionnel, les institutions et les organes de l’Etat qui en résulte seront nécessairement démocratiques. « A-t-on encore le droit de choisir un gouvernement conservateur en Europe ? »[81]. Politiquement, la réponse est oui. Juridiquement, la Convention entrave effectivement ce projet d’où l’empressement des partisans du conservatisme à s’en distancer.
Certains auteurs estiment néanmoins que l’évolution des standards européens génère une distorsion désormais rédhibitoire entre l’engagement initial des Etats et le régime qu’il doivent respecter aujourd’hui[82]. Cette opinion est partagée par Ramu de Bellescize dans sa recension du dernier ouvrage de Jean-Éric Schoettl : « Gare à ceux qui seraient tentés par la résistance. La Pologne ? La Hongrie ? Elles n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes. Les traités ne disent rien en matière d’avortement, de mariage entre personnes de même sexe ! Ils ne disent rien sur le statut des magistrats ! Seulement, il y a les valeurs fondatrices de l’Union européenne. Des valeurs fondatrices qui n’existaient pas au moment de la fondation. Mais comme il a été décidé qu’elles avaient le statut de valeurs, elles sont devenues fondatrices a posteriori. Il fallait y penser avant »[83].
Le raisonnement est faux à plus d’un titre. Premièrement, s’agissant de la Convention, les valeurs étaient exposées dès 1950 dans le préambule, avant si on envisage celui du statut du Conseil de l’Europe. Et si le terme fondateur n’apparaît pas, le texte emploie celui d’assises tout aussi évocateur. Deuxièmement pour reprendre les deux exemples d’Etats prétendument persécutés par les ordonnancements juridiques européens, la Pologne et la Hongrie, les dates ne coïncident pas. La première a ratifié la Convention en 1993, la seconde en 1992, c’est à-dire bien après la mise en place des grandes lignes jurisprudentielles du droit à un procès équitable aujourd’hui récusées par le juge constitutionnel polonais (voir les arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique du 23 juin 1981, Engel et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976 et Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984…). S’il faut citer quelques autres cailloux jurisprudentiels dans la chaussure de Victor Orban (et des enseignants chercheurs empathiques) antérieur à la ratification de la Pologne, on retiendra pêle-mêle : l’interdiction de la pénalisation de l’homosexualité (arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni du 22 octobre 1981), l’affirmation du droit à la vie privée et familiale des étrangers (arrêt Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 28 mai 1985), protection des étrangers en cas de mesure d’éloignement à destination d’un pays dans lequel ils risquent d’être exposés à des traitements ou des peines inhumains ou dégradants (arrêt Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989), interprétation étroite des restriction à la liberté de la presse, érigée elle-même en « chien de garde de la démocratie » (arrêt Sunday times c. Royaume-Uni (n°2), 26 novembre 1991), prise en compte des minorités (arrêt Young, James et Webster c. Royaume-Uni, 13 août 1981), droit à des élections libres et équitables[84]… Il est difficile d’ignorer ces arrêts ou de plaider la soumission de la Hongrie aux standards conventionnels à l’insu de ces principes. Comme l’arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976 qui fixe les valeurs cardinales de la société démocratique, ils figurent tous au panthéon des Grands arrêts de la Cour. Quant aux contradicteurs qui soulèvent la relativité de l’autorité de la chose jugée, rappelons à toutes fins utiles que la Cour avait déjà rappelé leur portée générale[85].
Dernier point mais non des moindres, quelle est l’identité qui serait menacée par la Convention et la Cour européennes ? S’agit-il de l’identité culturelle ? nationale ? constitutionnelle ? La notion d’identité n’est pas la plus limpide ni la plus aisée à manipuler. Polymorphe, elle est même éminemment dangereuse.
Si c’est d’identité constitutionnelle qu’il s’agit, la Cour ne l’ignore pas. Elle la prend en compte au titre des buts légitimes susceptibles de permettre des ingérences et de la marge d’appréciation des Etats[86]. En outre, il n’est pas évident que les adeptes du conservatisme aient intérêt à la mobiliser. Certes, la vocation des « principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France » apparus dans la décision du Conseil constitutionnel n°2006-540 DC du 27 juillet 2006, est de distinguer parmi les principes constitutionnels ceux qui sont susceptibles de faire obstacle à la primauté du droit de l’Union. Toutefois, bien qu’évanescent, le contenu de cette catégorie risque de décevoir les détracteurs de la Cour puisqu’on y retrouve pour l’essentiel des grands principes de la République dont ceux inscrits dans la Déclaration de 1789 et le préambule de la Constitution 1946, soit beaucoup de principes assez similaires à ceux de la Convention[87]. De plus, les contours de cette identité ne sont pas rigides. L’identité constitutionnelle est évolutive. Elle fluctue au gré des interprétation des textes, des changements de cap jurisprudentiel et des alignements fréquents de standards de protection avec la jurisprudence de… la Cour européenne des droits de l’homme[88]. Il est donc peu probable que ce soit cette identité qui soit véritablement visée même si elle est parfois convoquée à la faveur de quelques acrobaties qui mobilisent plus le droit civil que le droit constitutionnel[89].
C’est donc bien autre chose qui embarrasse. Quels sont les arrêts qui chatouillent, qui gratouillent, les décisions jugées aberrantes ? On retrouve toujours les mêmes thèmes chers aux conservateurs et aux anti-lumières : religion lorsque les arrêts sont considérés sont trop sévères avec le christianisme ou trop compréhensif à l’égard de l’islam[90], l’identité et l’orientation sexuelles[91], état civil, filiation et homoparentalité[92], vocation successorale des enfants nés hors mariage[93], fin de vie[94], sexualité, notamment les pratiques sadomasochistes[95]… la passion pour le conservatisme s’accompagne souvent d’un engouement pour la sexualité… des autres[96]. Tous ces domaines illustreraient la dénaturation des droits humains par la Cour en les dissociant de leur origine, la nature[97] ! Pour Bertrand Mathieu, les droits humains tels que pratiqués à Strasbourg provoquent le délitement de la frontière entre la vie privée et la vie publique et affaiblissent la démocratie[98]. Entre toutes les notions dégagées par la Cour, c’est l’autonomie personnelle qui irrite le plus. Au cœur du contentieux de l’article 8 relatif au droit à la vie privée et familiale et conjuguée à celles de développement et d’épanouissement personnels, elle implique le droit pour chacun de mener sa vie comme il l’entend et de disposer de son corps[99].
Dédaignée en raison de son origine extranationale, on oublie que la notion d’autonomie est au cœur même de la définition de liberté, la faculté d’agir par soi-même, sans contrainte externe qui ne serait prévue par la loi, justifiée et proportionnelle à cette justification. Liberté et autonomie ont quelque chose à voir en commun, au point qu’elles sont accolées pour désigner toute une catégorie de libertés, celle qui impose aux autorités de ne pas franchir une frontière.
Les sottises et les contre-vérités s’amoncellent au fil des blogs ou des pages des quotidiens et des hebdomadaires engagés : la Cour autorise l’application de la charia, force les Etats à légaliser le mariage homosexuel, la gestation pour autrui, l’euthanasie active, l’avortement… Si seulement les arrêts étaient sérieusement lus, ces auteurs constateraient toutes les prudences de la Cour, parfois ses lâchetés, le jeu de la subsidiarité, celui de la marge d’appréciation, de l’interprétation consensuelle qui permet dans la plupart des cas un sauvetage de l’Etat défendeur. Bref, ils découvriraient un système plutôt favorable aux Etat, à commencer par ses aspects procéduraux. Il est néanmoins vrai que ces éléments ressortent plutôt des analyses qui sont menées dans des travaux de recherche plus sérieux mais aussi plus confidentiels et plus hermétiques.
Reste par conséquent l’identité nationale, c’est-à-dire la conception la plus fuyante de la notion. L’identité nationale n’a rien de juridique. Il s’agit d’un sentiment personnel d’attachement à la nation, autre notion vague et indéterminée, une intériorisation de repères sociaux et culturels identitaires sujets à la plus grande subjectivité. Dès lors, si on revient sur les sujets de crispation précités, on ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment les opposants à la Cour ont en tête les lois fondamentales du royaume et la Bible plutôt que la Convention et la Constitution. La nostalgie d’une France « éternelle » inventée et fantasmée sous la plume d’écrivains nationalistes – Jacques Banville, Charles Maurras, Léon Daudet, Maurice Barres ou Edouard Drumont – est omniprésente, cette France « née en 496, au baptême de Clovis, dont les Rois ont été, par-delà les circonstances, les premiers bâtisseurs et les pères de la nation, ancienne et moderne, et qu’on leur doit, pour cette raison, hommage, respect et admiration », celle qui considère que la République « devrait être, une fille reconnaissante des royaumes de l’Ancien Régime, construite « à la suite de » et non « à la place de » et qui reconnait « avec amitié, sinon avec affection, l’immense travail qu’a fait l’Église »[100].
***
« La Cour ne mérite pas d’être le bouc-émissaire du réductionnisme de la pensée ». Deux ans après le billet d’humeur de Laurence Burgorgue-Larsen et une nouvelle élection présidentielle, le constat est accablant : elle l’est plus que jamais[101]. Les critiques ataviques et totalement déconnectées de la réalité montent en puissance. Malmenée par des conservateurs, la Cour cristallise toutes les rancœurs de ceux qui voient la tyrannie partout où leurs convictions ne triomphent pas[102]. Elle est vilipendée pour une jurisprudence qui n’est pas la sienne, honnie pour une carence en légitimité dont elle ne s’est jamais prévalue…
La solution à la contestation et au désamour dont elle fait l’objet ne dépend pas d’un énième protocole additionnel destiné à la ramener pas à pas vers l’orthodoxie la plus stricte du droit international. Le repli jurisprudentiel dans l’attente que les vents mauvais s’apaisent n’est pas une stratégie viable non plus. Au contraire, il faut tenir le cap dans la tempête, affirmer haut et fort les valeurs conventionnelles afin d’éviter que Charbonnier ne redevienne prochainement maître chez soi et que la souveraineté de l’Etat ne serve d’excuse au retour de l’illibéralisme. Le combat se mène dans le prétoire mais aussi sur le terrain de l’éducation. Il faut convaincre, expliquer, diffuser, promouvoir afin que la Cour ne soit plus perçue comme une institution mal connue. A ce titre les formations, séminaires et autres sessions d’enseignement en France ou à l’étranger organisés par le Conseil de l’Europe n’ont jamais été aussi précieuses. Le Conseil hors ses murs en quelque sorte…
[1] S. Hennette-Vauchez, « Un « Frexit » des droits de l’homme ? », Délibérée, 2017, n°1, pp. 59-63 : « Effet de mode (« Brexit » oblige…) ou éclosion d’une contestation sérieuse ? La période récente a vu se multiplier les remises en cause françaises du droit européen des droits de l’homme. Certaines émanent de personnalités politiques de premier plan, témoignant d’une légitimité politique inédite de la possibilité d’une dénonciation de la Convention européenne des droits de l’homme ».
[2] J-B. de Montvalon, « La Cour européenne des droits de l’homme, cible des candidats à la primaire de la droite », Le Monde, 14 novembre 2016 ; M. Afroukh, « Des propositions ineptes contre la Cour européenne des droits de l’homme », AOC, 29 novembre 2021.
[3] « François Fillon menace de quitter la CEDH si elle ne se réforme pas », RTL, 26 octobre 2016.
[4] « GPA, expulsions : Sarkozy et Fillon s’en prennent à la Cour européenne des droits de l’Homme », Le Parisien, 11 novembre 2016 : « Si je suis élu président de la République, je proposerai la modification de la Convention européenne des droits de l’Homme, sur laquelle veille la CEDH (…) parce que j’affirme que rien ne justifie plus qu’on n’expulse pas les terroristes étrangers, les prêcheurs de haine et des délinquants ».
[5] « Condamné, Nicolas Sarkozy dénonce une injustice profonde », France 24, 3 mars 2021.
[6] M. Afroukh, op. cit.
[7] « CEDH: Marine Le Pen veut sortir de la « camisole » des droits de l’homme », L’Opinion, 18 janvier 2019.
[8] Tweet de Nicolas Dupont-Aignan, 8 avril 2021 : « Par un arrêt inédit, la CEDH juge que la vaccination obligatoire covid des enfants ne viole pas les droits et libertés, et est « nécessaire dans une société démocratique ». Habituellement dans la main des migrants des voyous, voilà la CEDH rangée derrière les lobbys ! Résistons ! ».
[9] « Valérie Pécresse entend contester la primauté du droit européen sur le droit national au nom des identités constitutionnelles des Etats », Le Monde, 13 octobre 2021 ; Tweet d’Éric Ciotti, 5 novembre 2021 : « La CEDH décide que l’attribution du nom du père à l’enfant est discriminatoire. Qui sont ces juges pour statuer sur nos lois et modes de vie ? Une nouvelle fois, les institutions européennes marchent sur les souverainetés nationales » ; P. Juvin, Europe 1, 25 octobre 2021 : « Plusieurs pays se plaignent de cette interprétation jusqu’au-boutiste des juges de la CEDH (…). Il faut décider que nous sortons de la CEDH, tant qu’au moins l’article 8 n’a pas été réécrit et réaffirmé dans sa pureté initiale » ; M. Barnier, Discours inaugural prononcé lors des journées parlementaires des Républicains, 15 septembre 2021 : « il faut retrouver notre souveraineté juridique pour ne plus être soumis aux arrêts de la CJUE ou de la CEDH ».
[10] « La CEDH, « origine du mal », des mineurs isolés « voleurs, violeurs et assassins » ? Zemmour voulait y faire annuler sa condamnation », Marianne, 1er octobre 2020.
[11] Cnews, Face à l’info, 22 septembre 2021.
[12] France 2, On Est En Direct, 30 avril 2022.
[13] « Cour européenne des droits de l’homme : pourquoi en sortir est un impératif démocratique », Figarovox, 21 juin 2016.
[14] Parmi les » précurseurs » on notera Victor Haïm qui s’interrogeait en 2001 sur l’opportunité de supprimer la Cour (« Faut-il supprimer la Cour européenne des droits de l’homme », Dalloz, 2001, n°37, pp. 2988 et suiv.).
[15] Manifestation « Marchons Enfants ! », 6 octobre 2019. Voir respectivement https://www.lamanifpourtous.fr/6-octobre/intervenants/aude-mirkovic-marchons-enfants-6-octobre-2019 et https://www.lamanifpourtous.fr/6-octobre/intervenants/anne-marie-le-pourhiet-marchons-enfants-6-octobre-2019.
[16] X. Bébin, Quand la Justice crée l’insécurité, Paris, Fayard, 2013, 306 p.
[17] J-E. Schoettl, « Oser réformer la constitution pour contrer le droits-de-l’hommisme », Valeurs actuelles, 7 novembre 2020.
[18] B. Mathieu, Figarovox, 17 novembre 2016.
[19] A. Feertchak, Figarovox, 2 juin 2021.
[20] E. Conan, Marianne, 5 juillet 2014.
[21] Atlantico, 11 juillet 2018.
[22] É. Tegnér, Valeurs actuelles, 28 décembre 2018
[23] H. Mathoux, Valeurs actuelles, 26 octobre 2018.
[24] A-M. Le Pourhiet, Causeur, 6 novembre 2021.
[25] É. Lévy, Sud radio, 16 novembre 2020.
[26] O. Tournafond, Radio courtoisie, 30 juin 2020.
[27] Y. Lécuyer, « Les critiques ataviques à l’encontre de la Cour européenne des droits de l’homme », RDLF, 2019, chron. n°53.
[28] N. Zanon, « La polémique entre Hans Kelsen et Carl Schmitt sur la justice constitutionnelle », Annuaire international de justice constitutionnelle, 1991, p. 177-187, spé. p. 178.
[29] B. Mathieu, Le droit contre la démocratie, Paris, LGDJ, 2017, 304 p. L’auteur impute à l’existence de l’Union européenne, deux ordres juridiques non étatiques obéissant à d’autres légitimités que la légitimité démocratique, l’effritement légitimités des éléments constitutifs de l’État d’une part et le découplage entre système démocratique et l’existence d’un « peuple inscrit dans des frontières et partageant un destin commun » d’autre part. Pour une opinion en faveur de la complémentarité voir J. Carbonnier, Sociologie juridique, 2016, 3ème éd., Paris, PUF, p. 32 : « la politique est « la direction, le cap », mais « le droit est la construction du navire, son gréement, sa flottaison ».
[30] A-M. Le Pourhiet, « La Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie », Constitutions, 2018, n°2.
[31] X. Bébin, op. cit.
[32] Ibid.
[33] A-M Le Pourhiet, « Le peuple français n’est plus souverain et la démocratie est verrouillée », Front populaire, le site d’actualité des souverainistes, 4 février 2021.
[34] Voir respectivement M-F. Bechtel, « Peuple souverain, le retour », Revue politique et parlementaire, 12 mai 2021 : « C’est en théorie le détenteur de la souveraineté qui s’exerce dans le cadre national. D’où une double dérive dont nous souffrons aujourd’hui. D’abord le peuple français est largement dépossédé de son pouvoir de faire la loi à travers ses représentants car la loi nationale est subordonnée au contrôle des juges interne (Conseil constitutionnel) et externe (CEDH , CJUE) » ; J-É. Schoettl, « Du caprice du prince au caprice du juge », Figarovox, 22 mars 2022 : « Il fut un temps, pas si lointain (je l’ai connu en qualité d’auditeur lorsque je suis entré au Conseil d’État en 1979), où la loi trônait en majesté au sommet de l’édifice juridique. La loi fixait les règles ou les principes fondamentaux, selon les cas prévus à l’article 34 de la Constitution de 1958 ; le décret en déterminait les modalités d’application ; le juge interprétait la loi dans le strict respect de l’intention du législateur, telle qu’elle se dégageait des travaux… » ; Groupe Plessis, « Cour européenne des droits de l’homme : pourquoi en sortir est un impératif démocratique », Figarovox, 21 juin 2016 : « Dans une démocratie, c’est en effet au législateur, et non au juge, a fortiori à un juge étranger, qu’il appartient de définir l’intérêt collectif. La CEDH, qui fait désormais intrusion au cœur même de la légitimité politique, pose donc un véritable problème démocratique ».
[35] E. Zemmour, « Ces juges foulent aux pieds la démocratie », Le Point, 6 octobre 2018 : « Seul le pouvoir politique est élu par le peuple. En dominant le politique, ces juges (le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme) s’imposent au peuple et donc foulent au pied la démocratie ».
[36] L. Burgorgue-Larsen, « La CEDH ne mérite pas d’être le bouc-émissaire du réductionnisme de la pensée », RDLF, 2020, chron. n°73.
[37] CEDH, 4 décembre 2003, Gündüz c. Turquie, n°35071/97, § 40.
[38] Com EDH, 11 janvier 1961, Autriche c. Italie, n°788/60. Voir également CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie, n° 15318/89, § 75 : « Un tel système, qui permettrait aux Etats de tempérer leur consentement par le jeu de clauses facultatives, affaiblirait gravement le rôle de la Commission et de la Cour dans l’exercice de leurs fonctions, mais amoindrirait aussi l’efficacité de la Convention en tant qu’instrument constitutionnel de l’ordre public européen ».
[39] Rapport sur la prééminence du droit – Adopté par la Commission de Venise lors de sa 86ème session plénière, 25-26 mars 2011, CDL-AD(2011)003rev-f. On soulignera la présence de Bertrand Mathieu parmi les membres de cette commission qui estime que l’Etat de droit est lié non seulement à la protection et à la promotion des droits de l’homme, mais aussi à la démocratie, la participation des citoyens étant essentielle à son renforcement.
[40] CEDH, 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Celrfayt c. Belgique, n° 9267/81, § 47.
[41] Pour une critique de l’insuffisance de ce pouvoir concédé voir G. Lebreton, « L’islam devant la Cour européenne des droits de l’homme », RDP, 2002, n°5, p. 1509. Toute la confusion dans la démonstration de l’auteur vient l’assimilation permanente du peuple corps politique constituant et du peuple corps électoral constitué. Dès lors que le peuple s’exprime dans un cadre constitutionnel, il est constitué et, à ce titre doit, respecter les valeurs et les droits qui constituent ce cadre.
[42] CEDH, 13 août 1981, Young, James et Webster, n° 7601/76 et 7806/77, § 63.
[43] A-M. Le Pourhiet, « Pourquoi voter pour des représentants puisque ce sont des juges non élus qui gouvernent », Marianne, 9 aout 2021.
[44] W. Mastor, « Énième retour sur la critique du « gouvernement des juges » – Pour en finir avec le mythe », Pouvoirs, 2021,, n°178, pp. 37-50. Voir également M. Troper, O. Pfersmann, « Existe-t-il un concept de gouvernement des juges ? », in Gouvernement des juges et démocratie (dir. S. Brondel, N. Foulquier et L. Heuschling), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2001, pp. 21-62.
[45] M. Troper, « La liberté de l’interprète », in L’office du juge, 2006, p. 38. Voir également M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation » in La théorie du droit, le droit, l’Etat, PUF, 2001, p. 74
[46] G. Puppinck, « LA CEDH verse dans le militantisme idéologique », L’Incorrect, 3 novembre 2021.
[47] https://www.rpf-france.org/single-post/2020/03/08/la-cedh-sous-l-influence-de-soros
[48] M. Rousset, « La CEDH sous l’influence de Soros ? », http://marcrousset.over-blog.com/2020/03/
[49] L. Burgorgue-Larsen, op. cit. : « C’est ici que le paradoxe est le plus saillant. Consciente d’évoluer dans un contexte politique sensible, et afin de préserver la confiance des Etats et de leurs pouvoirs constitués, la Cour européenne a démontré qu’elle n’était pas réfractaire à la préservation des intérêts étatiques. Au grand dam souvent de la société civile, elle n’hésite pas à opérer des arbitrages délicats en faisant pencher la balance du côté des Etats ».
[50] J-É. Schoettl, La démocratie au péril des prétoires : de l’Etat de droit au gouvernement des juges, Paris, Gallimard, 2022, 256 p.
[51] M. Barnier, Discours prononcé lors de la rentrée des députés LR, 9 septembre 2021. Voir également A-M. Le Pourhiet et Jean-Éric Schoettl, « Démocratie contre supranationalité : la guerre des juges aura bien lieu », Revue Politique et parlementaire, 1er juillet 2021.
[52] J-É. Schoettl, op. cit.
[53] B. Retailleau, cité par A. Feertchak, « La France pourrait-elle sortir temporairement de la CEDH ? », Figarovox, 2 juin 2021 : « « La CEDH va trop loin. L’état de droit ne doit pas faire obstacle au premier des devoirs qu’a l’État d’assurer la protection des Français. Je vous cite par exemple (…) une jurisprudence de la CEDH de décembre 2009. [Elle interdit] d’expulser des étrangers qui sont dangereux pour les Français au prétexte qu’ils ne bénéficieraient pas dans leur pays d’origine d’un procès équitable ».
[54] Groupe Plessis, op. cit. Voir également la réponse apportée par Pierre-Yves Le Borgn (« Cour européenne des droits de l’homme : arrêtons de raconter n’importe quoi à son sujet », Figarovox, 1er juillet 2016) : « Ainsi donc, rien moins que cela, la CEDH aurait vampirisé la souveraineté de la France, dépouillé le Parlement de ses prérogatives et contraint notre pays à des choix que le peuple réprouverait. Des juges étrangers (quelle horreur, bien sûr…) siégeant à la CEDH nous imposeraient leurs vues. La preuve en serait apportée par l’interprétation – fantaisiste – d’arrêts relatifs au droit d’association dans l’armée, au régime de la garde à vue, au regroupement familial ou bien encore aux droits des enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui ».
[55] J. Andriantsimbazovina, « La prise en compte de la Convention européenne des droits de l’homme par le Conseil constitutionnel, continuité ou évolution ? » Cahiers du Conseil constitutionnel, 2005, n°18.
[56] A-M. Le Pourhiet, « La CEDH, tu l’aimes ou tu la quittes ! », Causeur, 6 novembre 2021.
[57] G. Drago, cité par A. Feertchak, op. cit. : « Il faut que les juges français développent davantage leur propre jurisprudence sur la question des droits fondamentaux en se fondant sur nos propres sources de droit. Si c’était le cas, on aurait beaucoup moins besoin de la CEDH ».
[58] Ph. Meunier, « Pour la sauvegarde de notre civilisation, réformons la CEDH ou quittons-la ! », Figarovox, 12 février 2019 ; Entretien avec Guillaume Peltier, RTL, Le Grand Jury, 30 mai 2021 ; P. Lellouche, « La CEDH installe un gouvernement des juges européens », Marianne, 2 avril 2015.
[59] « François Fillon menace de quitter la CEDH si elle ne se réforme pas », RTL, 26 octobre 2016 : « Je veux que la CEDH soit réformée pour qu’elle ne puisse pas intervenir sur des sujets qui sont des sujets essentiels, fondamentaux pour des sociétés. S’il y a un refus de nos partenaires européens d’accepter cette réforme de la CEDH, alors, oui, je propose qu’on en sorte. Et le cas échant, qu’on réadhère à la CEDH en formulant des réserves, ce qu’on fait les Anglais. Les Anglais n’ont pas le problème que nous avons avec la GPA parce que quand ils ont adhéré à la CEDH, ils ont adhéré avec un traité qui prévoyait des réserves sur toute une série de sujets ».
[60] CEDH, 29 avril 1988, Belilos c. Suisse, n°10328/83. Voir également CEDH, Grande Stevens et autres c. Italie, n°18640/10 18647/10 18663/10 18668/10 18698/10, §§ 204-211 (La Cour juge que la réserve communiquée par l’Italie à l’égard de l’article 4P7 n’est pas valable au regard de la Convention car elle était trop générale et ne précisait pas les dispositions de l’ordre juridique italien qui excluaient telle ou telle infraction du champ d’application de cette disposition).
[61] J-É. Schoettl, « Il faut reconfigurer l’État de droit, pas y renoncer », Slate.fr, 3 décembre 2020.
[62] G. Lebreton, « Il faut réformer la Cour européenne des droits de l’homme ! », Rassemblement national – Tribunes libres, 10 mars 2020.
[63] Le 24 novembre 2021, la Cour constitutionnelle polonaise a jugé que la Pologne n’est pas tenue d’appliquer la Convention lorsque celle-ci est incompatible avec la Constitution polonaise. Elle a confirmé s position à propose de l’article 6 § 1 de la Convention dans un arrêt du 10 mars 2022.
Précédemment, la Russie avait ouvert la voie à la suite de sa condamnation dans l’affaire Yukos (CEDH, 20 septembre 2011, OAO Neftyanaya Kompaniya Yukos, n°14902/04). En effet, la Douma a adopté une loi du 1er décembre 2014 lui permettant de s’affranchir du respect des arrêts de la Cour lorsque ceux-ci entrent en contradiction avec une norme constitutionnelle.
[64] Le conflit s’origine dans la condamnation du Royaume-Uni à l’occasion de l’affaire Hirst (n°2), arrêt du 6 octobre 2005 (n°74025/01) suivi de quatre autres condamnations identiques dont un arrêt pilote (CEDH, 23 novembre 2010, Greens et M.T., n°60041/08 60054/08). Il s’achève le 6 décembre 2018 avec la résolution CM/ResDH(2018)467 du Comité des ministres.
[65] D. Szymczak, « L’identité constitutionnelle dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in L’identité constitutionnelle saisie par les juges en Europe (dir L. Burgorgue-Larsen), Paris, Pedone, 2011,
[66] J-É. Schoettl, « La démocratie au péril des prétoires : de l’Etat de droit au gouvernement des juges », Paris, Gallimard, 2022, 256 p. ; J-É. Schoettl, A-M. Le Pourhiet, « Démocratie contre supranationalité : la guerre des juges aura bien lieu », Revue politique et parlementaire, 1er juillet 2021.
[67] H. Kelsen, Théorie pure du droit (1934), trad. C. Eisenmann, réédition Paris, LGDJ, 1999, 1999, 367 p.
[68] P. Bouretz, « La force du droit. Panorama des débats contemporains », Esprit, 1991, p. 17.
[69] C. Romaniville, « La protection de l’Etat de droit par la Convention européenne des droits de l’homme – La Cour européenne et l’exigence de légalité », RDLF, 2019, chron. n°33.
[70] CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal c. France, n°24846/94, 34165/96 à 34173/96, § 57 ; 9 janvier 2007, Arnolin et autres c. France, n°20127/03, § 69.
[71] Cité par E. Decaux in « Les États parties et leurs engagements », in La Convention européenne des droits de l’homme (dir. L-E. Pettiti, E. Decaux et P-H. Imbert), Paris, Économica, 1995, pp. 3-25.
[72] Carl Schmitt, Les trois types de pensée juridique (1933), présenté par Dominique Séglard, Paris, PUF, 116 p., p. 89
[73] A. Mohler, The Conservative Revolution in Germany (1918-1932), Stuttgart, Vorwerck-Verlag, 1950, p. 288.
[74] E-V. Pasukanis, La théorie générale du droit et le marxisme, trad. par J.-M. Brohm, présenté par J.-M. Vincent et précédé d’une analyse critique par Karl Korsch, Paris, EDI, 1970, 176 p., spé. p. 138.
[75] É. Carpano, « La crise de l’Etat de droit en Europe. De quoi parle-t-on ? », RDLF, 2019, chron. n°29.
[76] Entretien accordé à Tysol, média du syndicat Solidarność désormais voué à l’apologie d’idées « conservatrices, patriotiques et catholiques » (https://www.tysol.fr/a62159-Orban-claque-la-porte-du-groupe-europ-en-des-LR).
[77] Propos recueillis par E. Campion, Marianne, 6 avril 2022. Voir également
[78] CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c. Royaume-Uni, n°5856/72 § 31.
[79] F. Rigaux, La loi des juges, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 233.
[80] CEDH, 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres c. Autriche, n°13914/88, 15041/89, 15779/89, § 38 : L’Etat est l’ultime garant du pluralisme.
[81] A-M. Le Pourhiet, « A-t-on encore le droit de choisir un gouvernement conservateur en Europe? », Figarovox, 28 décembre 2020.
[82] G. Puppinck, « CEDH : des juges peu impartiaux », La Nef, 2020, n°324-325 : « Finalement, ce que ce rapport révèle, au-delà de l’existence de conflits d’intérêts, c’est la confusion croissante existant entre la CEDH et des ONG et, plus fondamentalement, entre les droits de l’homme et l’idéologie post-moderne. Ainsi apparaît comment, au plan des personnes et non plus seulement des idées, les droits de l’homme se confondent avec une idéologie distincte de de l’inspiration des rédacteurs de la Convention de 1950 ».
[83] R. de Bellescize, « Livre : La Démocratie au péril des prétoires. De l’État de droit au gouvernement des juges, de Jean-Éric Schoettl », Boulevard Voltaire, 26 mars 2022.
[84] OSCE, International election observation mission – Hungary – Parliamentary Elections and Referendum, 3 April 2022. Comme à l’occasion des élections parlementaires de 2014 et 2018, les observateurs de l’OSCE ont conclu que les élections hongroises étaient libres mais pas équitables.
[85] CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, n°5310/71. Voir également 23 mai 1992, Vermeire c. Belgique, n°12849/87. Pour une étude doctrinale d’envergure voir la thèse de C. Giannopoulos, L’autorité de la chose interprétée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Paris, Pédone, 2019, 658 p.
[86] D. Szymaczak, op. cit.
[87] Cons. const., déc. n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 19.
[88] E. Dubout, « Les règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : une supra-constitutionnalité ? », RFDC, 2010, n°83, pp. 451-482. Voir également A. Vidal-Naquet, « Comment se forge l’identité constitutionnelle ? Le rôle du législateur et du juge », RGDIP, 2014, n°118, p. 517.
[89] A-M. Le Pourhiet, « La Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie », Constitutions, 2018, n°2 : « La remise en cause des identités constitutionnelles ».
[90] G. Puppinck, « Charia : ce que révèle la décision de la CEDH : « De façon plus intéressante, et passée inaperçue dans la presse, la Cour européenne a profité de cette affaire pour poser ses conditions à l’application de la charia en Europe », Figarovox, 26 décembre 2018.
[91] L. de Charette, « Les juges européens de la CEDH sous le feu des critiques », Figarovox, 29 janvier 2012 : « Il n’est pas du tout exclu que d’ici quelque temps la CEDH nous impose de revoir notre conception française du mariage, si elle constate un consensus dans le reste de l’Europe tendant à l’admission du mariage homosexuel», explique Romain Boffa, professeur à l’université de Lille-II » ; C. Lombois, « La position française sur le transsexualisme devant la Cour européenne des droits de l’homme », Dalloz, 1992, p. 323.
[92] A. Mirkovic, cité in « CEDH – affaire Mennesson et Labessee : une porte ouverte à la GPA », Gènéthique, 26 juin 2014 : « Vous pouvez désormais aller tranquillement à l’étranger vous acheter un enfant, la Cour européenne vous assure le service après-vente » ; A-M. Frison-Roche, « La Cour européenne des droits de l’homme tangue-t-elle en matière de contrats de maternité pour autrui, 2014 (http://mafr.fr/fr/article/la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-cedh-tangu/) ; G. Puppinck, « La CEDH « impose progressivement » la gestation pour autrui », Famille chrétienne, 23 février 2015.
[93] A-M. Le Pourhiet, op. cit. : « …adultérins ou incestueux… » par références aux arrêts Marckx c. Belgique du 13 juin 1979 (n°6833/74) pour les discriminations successorales frappant les enfants naturels « simples » et Mazurek c. France du 1er février 2000 (n°34406/97) pour celles qui visent les enfants naturels adultérins.
[94] G. Puppinck, Le droit au suicide assisté, un droit fondamental ? », Gènéthique, 30 avril 2013 (republié sur Le Salon beige, 8 octobre 2015). Voir également du même auteur, « Le droit au suicide assisté dans la jurisprudence de la Cour européenne », Village de la justice, 25 juillet 2014 et « Affaire Lambert, la CEDH a commis une erreur de droit », Village de la Justice, 26 juin 2015 : « La justice de l’homme », par opposition à la justice de dieu probablement, « ne saurait être parfaite, pas même celle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui se décrit pourtant comme « la conscience de l’Europe ». Cette Cour vient de confirmer la décision d’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielles de Vincent Lambert, c’est-à-dire son arrêt de mort ».
[95] B. Edelman, « La Cour européenne des droits de l’homme et l’homme du marché », Dalloz, 2011, p. 827 et suiv. ou « Naissance de l’homme sadien », Droits, 2009, n°49, p. 107 et suiv. ; L. de Charette, op. cit. : « On peut aussi douter que les règles élaborées à Strasbourg le soient toujours au nom des droits de l’homme, critique également Astrid Marais, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas Paris-II. Ainsi en suivant le principe européen d’autonomie personnelle qui permet à chacun de mener sa vie comme il l’entend, même en portant atteinte à son intégrité physique, le droit français devrait reconnaître les pratiques sadomasochistes librement consenties… Je ne suis pas certaine qu’on aurait signé la convention du 4 novembre 1950 si l’on avait, un instant, imaginé que le sadomasochisme allait devenir un droit de l’homme», ironise-t-elle ».
[96] « Conservateurs et incels partagent une vision du sexe archaïque, pré-féministe et conflictuelle », Le Monde, 14 août 2018.
[97] G. Puppinck, « Droits de l’homme, que d’erreurs commet-on en votre nom ! », Figarovox, 16 novembre 2018 : « Nul ne peut prétendre – ou ne pourrait prétendre – les avoir créés, ni les modifier ». E. Desmons, « Peut-on encore critiquer la politique des droits de l’homme ? », RDLF, 2019, chron. n°26.
[98] « Les droits fondamentaux, tels qu’invoqués aujourd’hui, affaiblissent la démocratie » , entretien avec Bertrand Mathieu, LPA, 13 novembre 2017 – n°226, spé. p. 4.
[99] CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, n°2346/02, § 66. Voir également 17 février 2005, K.A. et A.D. c/ Belgique, n°42758/98 et 45558/99, § 82 et 16 décembre 2010, A.B.C. c/ Irlande, n°25579/05, § 212.
[100] F. Martin, « La modernité en croisade contre la France éternelle », Valeurs actuelles, 15 avril 2021. L’auteur s’est également essayé à quelques commentaires d’arrêts de la Cour sur le site Atlantico.
[101] L. Burgorgue-Larsen, op. cit. On notera également la défense vigoureuse de la Convention par Dominique Rousseau dès 2016 ( « La CEDH, stop ? Non, encore ! », Dalloz actualités, 29 novembre 2016)
[102] B. Edelman, « La Cour européenne des droits de l’homme : une juridiction tyrannique ? », Dalloz, 2008, p. 1946. Voir également La CEDH et le droit de la famille (dir. J-R. Binet, A. Gouëzel), Paris, LGDJ, 2021, 174 p. : « La CEDH joue un rôle croissant en droit de la famille (…). Tous les aspects de cette branche du droit sont ainsi aujourd’hui en cause : mariage, couple, filiation, autorité parentale, droit international privé… Or ce phénomène suscite des appréciations variables : pour certains, la CEDH est une source de progrès qui permet une meilleure protection des droits fondamentaux ; pour d’autres, il s’agit d’une « juridiction tyrannique » qui nous fait basculer dans le gouvernement des juges ».