L’appréhension par la Cour EDH au regard de l’article 3 de la Convention, de la perspective de l’éloignement d’un requérant privé en droit interne du statut de réfugié sur le fondement de la clause d’ordre public, et ses conséquences en droit interne (CEDH, KI c. France, 15 avril 2021, n°5560/19)
Par Claire Brice-Delajoux, Maître de conférences HDR en droit public, Université Paris-Saclay, Univ Evry, CRLD
L’arrêt K.I. c. France, rendu en chambre le 15 avril 2021, trouve son origine dans la mise en cause de la France du fait d’une décision d’expulsion vers son pays d’origine d’un ressortissant russe, d’origine tchétchène, privé de son statut de réfugié sur le fondement de ce qu’il est convenu d’appeler en droit de l’asile la clause d’ordre public, suite à sa condamnation en France pour des activités liées au terrorisme. Sollicitée pour se prononcer sur la conformité de cette décision d’éloignement aux articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après CEDH ou Convention), la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la Cour) va se borner, comme elle le fait le plus souvent dans ce type d’affaires, à un examen sous le seul angle de l’article 3, considérant qu’il n’y a pas lieu de procéder à un examen autonome sur le fondement de l’article 2 1. Précision d’importance en l’espèce, la décision litigieuse n’a pas été exécutée avant le rendu de l’arrêt en application d’une mesure provisoire prise par la Cour au titre de l’article 39 de son règlement. S’agissant de la solution du litige, le dispositif indique que la France violerait « l’article 3 en son volet procédural si le requérant était renvoyé en Russie en l’absence d’une appréciation ex nunc par les autorités françaises du risque qu’il allègue encourir en cas de mise à exécution de la mesure de renvoi ».
Nous ne reviendrons pas sur cet arrêt – déjà commenté 2– en tant qu’il s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour relative à sa recherche d’équilibre entre les besoins légitimes des États de se prémunir des risques terroristes et le caractère absolu de la protection issue de l’article 3 de la Convention dans le contentieux des mesures d’éloignement des étrangers 3. Nous avons choisi de nous focaliser sur ce qui fait la véritable particularité de la requête, et qui tient à la situation très particulière du requérant, réfugié privé de statut par décision des autorités françaises de l’asile. Nous évoquerons ainsi les apports de l’arrêt sous cet angle (I) ainsi que sa portée à travers quelques interrogations qu’il soulève quant à ses conséquences – qui ne se sont pas fait attendre – du point de vue du contentieux interne français (II). Avant cela, il convient de reprendre quelques points clés des faits et de la procédure juridictionnelle pertinents à l’origine de la requête. L’exhaustivité n’est pas ici recherchée, seulement l’exposé des éléments nécessaires à la compréhension du lecteur.
Comme cela a déjà été indiqué, le requérant est un ressortissant russe d’origine tchétchène arrivé en France en 2011 à l’âge de 17 ans et auquel le statut de réfugié est accordé par décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 janvier 2013. Ses craintes de persécutions sont ce faisant reconnues en raison, d’une part, à ses liens de parenté avec des personnes engagées dans la guérilla tchétchène, d’autre part, de son refus de collaborer avec les autorités russes. En 2016, l’OFPRA met fin à ce statut en application de l’article L. 711-6, 2° du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) en raison de sa condamnation définitive le 16 avril 2015 pour des faits d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme – il fut impliqué entre 2012 et 2013 dans une filière transnationale liée à la mouvance islamiste tchétchène agissant en Syrie, et parce que sa présence en France constitue une menace grave pour la société. Avant même que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) saisie ne confirme cette révocation de son statut de réfugié, le requérant – alors en détention – est visé par un arrêté d’expulsion du 18 novembre 2015 fixant la Russie comme destination. Il en obtient l’annulation par le Tribunal administratif (TA) de Versailles le 7 mars 2017. Le jugement retient l’insuffisante motivation au regard des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Russie et l’impossibilité légale d’un tel éloignement au regard du statut de réfugié du requérant. Notons qu’ayant exécuté sa peine, il est libéré en décembre 2017 et assigné à résidence.
Suite à la décision de la CNDA du 11 janvier 2019 confirmant la révocation de son statut de réfugié, le requérant demande et obtient le 28 janvier 2019 de la Cour une mesure provisoire valable une semaine pour parer à la perspective de son renvoi en Russie. Le même jour, le 28 janvier 2019, un nouvel arrêté d’expulsion est pris en parallèle de son placement en rétention administrative et le 25 février 2019, la Russie est désignée comme pays de destination. Le 27 février, le requérant obtint à nouveau de la Cour une mesure provisoire demandant à la France de ne pas exécuter cette décision, mesure prolongée par la suite le temps de l’examen de la requête. Saisi d’un recours en annulation contre l’arrêté fixant la Russie comme pays de destination, le TA de Lille, contrairement à celui de Versailles deux ans avant, rejette la demande par un jugement du 16 mai 2019. Actant la fin du statut de réfugié du requérant et sa condamnation pénale pour des faits de participation à une entreprise terroriste, le juge conclut, après un examen approfondi, que si le requérant peut être identifié comme appartenant à un groupe surveillé dans son pays d’origine, « il n’établit pas, en l’état de l’instruction, le caractère réel et personnel des mauvais traitements auxquels il risquerait d’être soumis en cas de retour dans ce pays ». Ajoutons en parallèle, s’agissant de la procédure juridictionnelle portant sur la décision de révocation du statut de réfugié, que le Conseil d’État décide le 29 juillet 2020 de ne pas admettre le pourvoi en cassation contre la décision de la CNDA. La Cour s’est donc attachée à déterminer si l’exécution de la mesure d’expulsion du requérant vers la Russie emporterait violation de l’article 3 dans l’hypothèse où elle serait exécutée.
I. Les apports de l’arrêt
L’apport de l’arrêt K. I. tient d’abord à l’affirmation, en application d’une solution découlant en droit français de l’interprétation du droit de l’Union européenne (UE), d’une obligation pour les autorités françaises d’appréhender le requérant comme ayant conservé sa qualité de réfugié bien que son statut ait été révoqué (A). En conséquence de cette réalité, la Cour impose ensuite à l’administration et au juge une obligation positive, correspondant au volet procédural de l’article 3, délaissant la dimension substantielle de ce dernier (B).
A. La prise en compte par la Cour du maintien de la qualité de réfugié
La Cour est confrontée dans cette affaire à une situation qu’elle n’a jamais eu à connaître et sur laquelle elle ne s’est par conséquent par encore prononcée : elle tient à la « distinction faite dans le droit de l’UE et dans le droit interne entre le statut et la qualité de réfugié » (§123) et de ses éventuelles conséquences du point de vue de son contrôle au regard de l’article 3.
Cette distinction trouve son origine dans l’article 14 §4 de la Directive dite « qualification » du droit de l’Union de 2011 4inspiré de l’esprit de l’exception au principe de non refoulement de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés 5. Il y est prévu que peuvent se voir refuser ou peut être révoqué le statut de réfugié des personnes dont la présence constitue une menace pour la sécurité de l’État membre dans lequel elles se trouvent ou bien qui ont été condamnées pour un crime particulièrement grave et constituent une menace pour la société de cet État. Ce dispositif a été transposé en droit français à l’article L.711-6 du CESEDA (devenu depuis L. 511-7) 6. Il a suscité des interrogations quant à ses conséquences et sa compatibilité avec la Convention de Genève que le droit primaire de l’Union a intégré 7. La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a contourné cette difficulté dans un arrêt du 14 mai 2019 8en jugeant que la mise en œuvre de ce dispositif n’emportait pas la perte de la qualité de réfugié, qui était donc préservée, ainsi qu’un certain nombre de droits attachés à cette qualité et en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où la vie ou la liberté des intéressés serait menacée, protection découlant des articles 4 et 19 §2 de la CDFUE. Ce faisant, la Cour de Luxembourg semblait reconnaître aux réfugiés privés de statut sur le fondement de l’article 14§4 de la directive une protection contre le refoulement plus forte que la Convention de Genève dont l’exception au principe de non refoulement vise précisément les personnes que les États de protection estiment dangereuses pour leur sécurité. En effet, l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est conçu, à l’instar de l’article 3 de la Convention, comme un droit intangible, indifférent au profil des individus et à la menace qu’ils peuvent constituer pour les États. Le Conseil d’État a repris à son compte cette interprétation de la Cour JUE dans une décision du 19 juin 2020 9, garantissant le maintien de la qualité de réfugié en cas d’application de l’article L.711-6 du CESEDA. La Cour de Strasbourg, de son côté, rappelle bien que le droit de l’Union est un ordre juridique distinct de celui de la Convention, et que son rôle se borne à déterminer si les effets des décisions des autorités et juridictions nationales sont compatibles, dans un cas concret, avec la Convention. Ainsi, s’agissant des dispositions évoquées, elles font partie intégrante du droit français – bien que découlant du droit de l’UE – de telle sorte que la Cour estime qu’il lui revient, subsidiairement, de vérifier la compatibilité de leurs conséquences avec la Convention (§123).
Cette prise en compte du cadre juridique national conduit la Cour a considéré, à l’instar de la Cour de justice et du Conseil d’État français, que le requérant dont elle a à examiner les risques de traitements contraires à l’article 3 en cas de renvoi dans son pays d’origine, est resté, aux yeux du droit français, un réfugié. Certes, elle rappelle également que la Convention et ses protocoles ne protègent pas le droit d’asile en tant que tel, mais l’article 3 « englobe l’interdiction du refoulement au sens de la Convention de Genève » (§123) 10. La Cour se devait ensuite de nous éclairer sur son appréhension des exigences de l’article 3 face au profil particulier du requérant, toujours réfugié en droit français, alors que cette qualité n’avait pas été prise en compte lors de l’édiction de la décision d’expulsion et de son contrôle par le tribunal administratif.
B. Le choix d’une obligation positive sur le terrain du volet procédural de l’article 3
L’arrêt ne se prononce pas explicitement sur le volet substantiel de l’article 3. Ce choix découle du caractère subsidiaire du contrôle de la Cour par rapport à celui des juges nationaux dans la jurisprudence strasbourgeoise 11, que le Protocole n°15 à la Convention entré en vigueur quelques mois après cette affaire réaffirme avec vigueur. Son application peut d’autant plus se justifier en l’espèce que la mesure d’expulsion n’a pas été exécutée en raison de la mesure provisoire prononcée par la Cour et que cette dernière va considérer – nous le verrons après – que le contrôle par le juge national doit être actualisé. Reste que l’on peut regretter une motivation peu explicite à cet égard et un dispositif parfaitement silencieux. En effet, la Cour s’est bien, dans un premier temps, attachée à l’examen du volet substantiel de l’article 3 (§§128-136). Elle a pris soin d’exclure l’existence d’un risque systémique en cas de renvoi vers la région russe du Nord Caucase (§126) 12, ce qui la conduit à se pencher sur les risques individuels, dans le cas particulier du requérant, de traitements prohibés par l’article 3 s’il y était renvoyé. En conséquence du maintien acté de la qualité de réfugié de ce dernier, la Cour va prendre comme point de départ de son évaluation les éléments de craintes ayant fondé l’octroi de son statut de réfugié en 2013 (§130). Elle va les écarter ainsi que l’argument tiré de la possible connaissance par les autorités russes de sa condamnation pénale en France, rappelant que le contrôle et la surveillance par les autorités russes de profils comme le sien n’emportent pas ipso facto des traitements prohibés par l’article 3 de la Convention (§136).
Sans transition, l’arrêt se penche ensuite sur la façon dont les juges français ont évalué les risques pour le requérant (à partir du §137), basculant in fine vers la construction d’une obligation positive fondée sur le volet procédural de l’article 3. La Cour ayant identifié sur ce dernier point une faiblesse du juge français, faiblesse que ce dernier peut corriger dans la mesure où la décision litigieuse n’a pas été exécutée, la juridiction strasbourgeoise estime implicitement qu’il n’y a pas lieu pour elle de statuer sur le volet matériel de l’article 3. Reste que davantage de pédagogie dans les motifs et/ou le dispositif eurent été les bienvenus d’autant que la Cour indique que bien qu’ayant « été identifié comme appartenant (à son arrivée en France en 2011) à un groupe ciblé » (§144), elle « n’exclut pas que, au terme de l’examen approfondi et complet de la situation personnelle du requérant » qu’elle va demander aux autorités françaises de réaliser avant toute exécution de la mesure d’éloignement, celles-ci arrivent à la conclusion de « l’absence de risque (pour le requérant) au regard de l’article 3 de la convention en cas d’expulsion vers la Russie » (§145). Elle semble ainsi douter sérieusement d’une violation au fond de l’article 3 en l’espèce après un contrôle qu’elle a en réalité réalisé.
C’est donc vers la dimension procédurale que la Cour se tourne, formulant en l’espèce une obligation, à la charge des autorités nationales, de ne procéder à l’expulsion du requérant qu’après avoir réalisé une évaluation complète et actualisée au jour où la Cour a statué, des risques encourus par le requérant au regard de l’article 3 en prenant en compte de façon particulière et approfondie sa qualité de réfugié. Elle rappelle en effet que selon sa jurisprudence, « le fait que l’intéressé a la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités internes lorsqu’elles examinent la réalité du risque que celui-ci allègue subir en cas d’expulsion » (§144) 13. Or, cette contrainte juridique s’est imposée à la faveur des arrêts déjà cités de la Cour de justice du 14 mai 2019 et du Conseil d’Etat du 19 juin 2020 alors que le tribunal administratif de de Lille a validé l’arrêté d’expulsion et s’est donc prononcé sur les risques du requérant au regard de l’article 3 le 16 mai 2019. Bien qu’ayant statué deux jours après l’interprétation de la juridiction luxembourgeoise, la Cour estime que manifestement le juge français n’a pas intégré dans son contrôle cette exigence juridique particulière. Elle relève en outre, à juste titre, que le tribunal administratif de Rennes, dont on rappellera qu’il a été saisi du premier arrêté d’expulsion à l’encontre du requérant avant que ne soit finalisée la procédure de révocation du statut de réfugié, a annulé ledit arrêté au motif que Monsieur K. I. était toujours réfugié. Du point de vue de l’article 3 de la Convention – qui consacre une protection absolue – et de la Cour, le cadre juridique est le même avant et après la révocation puisque la qualité de réfugié demeure, seule peut différer l’évolution possible de la réalité des craintes dans le temps. Il ne semble pas que dans le cas d’espèce la différence d’appréciation des juges lillois et rennais s’explique pour cette raison. La Cour semble vouloir croire que les seconds ont évalué les risques du requérant sans prendre en considération de façon particulière le maintien de sa qualité de réfugié 14.
Si les spécificités du cas d’espèce rendent relativement claire la marche à suivre pour les autorités françaises, que ce soit l’autorité préfectorale ou le juge administratif, dans le cas du requérant, les conséquences de l’arrêt du point de vue des contours exacts de l’obligation positive qui découle de l’article 3 dans les affaires analogues pour l’avenir sont plus ouvertes.
II. Les conséquences de l’arrêt dans le contentieux français
Au-delà de l’autorité relative de chose jugée attachée à cet arrêt, les autorités françaises ont tout intérêt à intégrer l’obligation positive tirée du volet procédural de l’article 3 dans leur appréhension de l’éloignement des personnes dont le statut de réfugié a été révoqué ou qui se sont vues refuser ce statut sur le fondement de ce qui est devenu, depuis le 1er mai 2021, l’article L.511-7 du CESEDA. Nous verrons à cet égard que le §145 de l’arrêt soulève quelques interrogations sur les moyens dont disposent les autorités et juges français pour répondre à l’obligation formulée dans l’arrêt K. I. (A). Des décisions déjà rendues par le Conseil d’Etat fournissent à ce stade un certain nombre d’indications sur les options qui semblent privilégiées (B).
A. Les pistes ouvertes et interrogations soulevées par l’arrêt K. I. dans le traitement des affaires analogues en droit interne
Deux questions essentielles se posent en conséquence du §145 de l’arrêt.
En premier lieu, la Cour pour laquelle la qualité de réfugié n’interdit pas par principe l’éloignement vers le pays d’origine – puisqu’elle ne fait que protéger le respect de l’article 3 dans des situations individuelles et n’est pas liée par cette qualification – semble indiquer que l’obligation positive créé en conséquence de l’article 3 passe dans ces situations par un « examen approfondi et complet de la situation personnelle du requérant et de la vérification qu’il possède encore la qualité de réfugié ». Bien que cette dernière indication, placée dans les motifs de l’arrêt, ne s’impose pas juridiquement aux autorités françaises, elle appelle deux observations.
D’abord, elle répond à une certaine logique : si les autorités françaises acceptaient de vérifier dans ce contexte si les intéressés répondent toujours à la définition du réfugié, la question de leur éloignement vers le pays d’origine serait en partie réglée. En effet, si l’inverse n’est pas vrai, les risques de persécutions au sens de la Convention de Genève constituent des risques de traitements inhumains ou dégradants tels que prohibés par la Convention 15.
Pourtant, seconde observation, cette solution se heurte à des difficultés sérieuses.
D’abord, le juge de l’éloignement, juge administratif de droit commun, n’est pas en droit français le juge de l’asile. Si le Conseil d’État est juge de cassation au titre de ces deux fonctions, celles-ci empruntent des voies différentes tant sur le plan administratif que juridictionnel. Ainsi, le juge de l’éloignement est incompétent pour statuer sur le maintien de la qualité de réfugié qui ne peut relever que d’une décision de l’OFPRA sous le contrôle de la CNDA – et du Conseil d’État en cassation le cas échéant. Autre difficulté, la Convention de Genève, le droit de l’Union et le droit d’asile interne organisent de façon restrictive la cessation de la qualité de réfugié 16, la clause d’ordre public semblant difficilement pouvoir s’insérer dans ces procédures. En effet, l’article L.511-8 du CESEDA exige, lorsque cette cessation est fondée sur un changement des circonstances ayant présidé à la reconnaissance du statut de réfugié 17 – situation qui paraît la plus mobilisable dans le présent cadre 18-, que ce changement soit « suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d’être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées ». Or, force est de constater que la CNDA exige pour valider une telle décision de cessation des évolutions structurelles et pérennes des facteurs ayant conduit à la reconnaissance initiale de la protection 19. Par ailleurs, pour en revenir à la question de la clause d’ordre public et à l’office du juge de l’asile du point de vue de la possibilité de vérifier le maintien de la qualité de réfugié, le Conseil d’État a jugé en 2020 20, donc avant l’arrêt K. I., que saisie d’un recours mettant fin au statut de réfugié dans le cadre de ladite clause, la CNDA ne pouvait vérifier d’office si le requérant remplissait toujours les conditions permettant de le reconnaître comme réfugié. On relèvera d’ailleurs que dans une ordonnance de référé du Conseil d’État du 17 mai 2021 21– sur laquelle nous reviendrons – rendue après l’arrêt K. I., et qui s’attache explicitement à intégrer les exigences de la Cour, il est indiqué qu’il convient pour apprécier les risques du requérant – réfugié dont le statut a été révoqué – au regard de l’article 3, de réaliser « un examen approfondi et complet de (sa) situation, et (..) la vérification qu’ (il) possède encore ou non la qualité de réfugié » (§13). Pourtant, sans surprise compte tenu de l’office du juge administratif de droit commun saisi dans le cadre d’un référé-liberté, rien dans la suite de l’ordonnance ne donne à voir qu’une telle vérification a été réalisée.
Au final, il apparaît que pour s’inscrire dans cette option ouverte par l’arrêt K. I., cela supposerait, conformément à l’article L.511-8 du CESEDA, que l’administration préalablement à toute décision d’expulsion d’un réfugié privé de statut, saisisse l’OFPRA pour qu’il se prononce sur la possibilité de prendre une décision de cessation 22. Si une telle décision – confirmée par le juge de l’asile – ne peut être prise, il faudrait alors pour l’administration acter l’impossibilité pour elle de procéder à l’expulsion de l’intéressé face à une présomption irréfragable, au jour de la décision, de risque de violation de l’article 3 en cas de renvoi vers le pays d’origine.
Dans le §145 de l’arrêt K. I., la Cour glisse une seconde indication qui témoigne de la liberté laissée pour la suite aux autorités françaises dans la mise en œuvre de l’obligation procédurale découlant de l’article 3. Après avoir jugé qu’elle n’exclut pas que les autorités françaises concluent à l’absence de risque au regard de l’article 3 en cas d’expulsion vers la Russie du requérant, la Cour relève que la CNDA, saisie pour avis sur le fondement de l’article L.731-3 du CESEDA, a indiqué, dans cette affaire et dans des affaires analogues, que la décision fixant comme pays de destination le pays d’origine pour une personne privée de son statut mais pas de sa qualité de réfugié sur le fondement de la clause d’ordre public « était contraire aux obligations de la France découlant du droit à la protection des réfugiés contre le refoulement », à savoir les article 4 et 19§2 de la Charte et 3 de la Convention européenne. Pour être tout à fait claire, la CNDA estime, dans sa fonction consultative, que l’éloignement des individus dans cette situation est par principe proscrite du fait des instruments du droit européen des droits de l’homme, le réfugié étant par définition exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays d’origine.
On perçoit ici deux logiques distinctes : celle de la CNDA qui défend une prohibition générale du fait de la combinaison de la qualité de réfugié et des instruments précités qui posent des protections absolues, et celle de la Cour, qui ne reconnaît pas le statut ou la qualité de réfugié dans le droit de la Convention et pour laquelle les risques s’analysent au cas par cas. Pourtant, force est de reconnaître qu’une personne peut continuer de bénéficier du statut de réfugié parce que l’objectif de cette protection est de s’inscrire dans le temps long sans qu’en réalité, ses craintes existent toujours, lorsque l’administration a le souhait, parfois des années plus tard, de procéder à son éloignement. Ce qui est remarquable ici, et illustre le principe de subsidiarité et la liberté laissée aux États en conséquence d’une obligation procédurale posée par la Cour, c’est que celle-ci semble par l’indication de cette position de la CNDA, laisser la possibilité pour la France de retenir cette option, compatible à ses yeux avec la protection de l’article 3 de la Convention mais pas exigée d’elle.
À l’évidence, ce n’est pas le chemin suivi par le juge français de l’éloignement.
B. L’application de l’arrêt K. I. par le juge de l’éloignement
La question de la prise en compte de l’arrêt K.I. en droit interne s’est immédiatement posée avec une acuité particulière en droit interne en raison de la multiplication récente des décisions de l’OFPRA portant révocation ou refus dans ce cadre du statut de réfugié 23pour des tchétchènes ayant un engagement dans des filières djihadistes en Syrie ou soupçonnés – en particulier depuis les attentats de novembre 2015 et plus encore depuis l’assassinat de Samuel Party en octobre 2020 – de constituer un risque grave pour la sécurité publique du fait de leur radicalisation religieuse, l’administration cherchant le plus souvent à organiser dans la foulée leur expulsion vers la Russie 24. Face à cette réalité, une opposition manifeste est apparue sur la question de la conventionnalité de ces expulsions entre la CNDA, saisie à titre consultatif, et certains juges du Conseil d’État statuant en référé. La première s’est, comme nous l’avons indiqué précédemment, positionnée à ce sujet comme hostile par principe à ces éloignements contraints alors que le Conseil d’État a pu, en référé-liberté, valider de telles décisions. On peut citer en particulier, en ce sens, une ordonnance du 27 mars 2021 25. À la différence du tribunal administratif de Lille dans l’affaire K. I., le juge des référés du Conseil d’État a pris soin d’indiquer que le requérant restait réfugié après avoir expressément évoqué l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2019, mais il conclut au défaut d’actualité des craintes alléguées.
Très vite après l’arrêt K. I., le Conseil d’État va faire évoluer la motivation de ses décisions pour coller formellement à l’obligation procédurale dégagée par la Cour. Dans l’ordonnance déjà évoquée du 17 mai 2021, rendue deux mois après l’arrêt K. I., il est indiqué, à nouveau au sujet d’un ressortissant russe d’origine tchétchène, qu’« il appartient à l’étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou aux articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 15 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l’homme K.I. contre France (n° 5560/19), le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités et qui représente le point de départ quant à l’analyse de la situation actuelle de la personne. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été refusé ou retiré ne peut être éloignée que si, au terme d’un examen approfondi et complet de sa situation, et de la vérification qu’elle possède encore ou non la qualité de réfugié, il est conclu, en cas d’éloignement, à l’absence de risque au regard des stipulations précitées » (§13) 26.
Cette méthodologie de contrôle, calquée sur celle proposée par la Cour, va être reprise largement par le Conseil d’État dans un autre arrêt le 28 mars 2022 27sur lequel l’attention doit être portée car, à la différence des affaires précitées, il n’a pas été rendu en urgence à juge unique. Il s’agit là de la première décision relevant du contrôle de cassation sur un recours en annulation contre une mesure d’éloignement dans le même cadre que l’affaire K. I. Cette décision peut être considérée comme exprimant pour l’instant la doctrine de la Haute juridiction administrative. Accessoirement, l’affaire concerne le même requérant, russe tchétchène également, que celui à l’origine de l’ordonnance déjà citée du 27 mars 2021 le déboutant de son référé-liberté. Le juge de cassation s’appuie également directement sur l’arrêt K. I., expressément cité dans les motifs, pour indiquer l’obligation pour l’administration, avant tout éloignement, de conclure, « au terme d’un examen approfondi de (la) situation personnelle (du requérant) prenant particulièrement en compte (sa) qualité (de réfugié), (…) à l’absence de risque pour l’intéressé de subir un traitement prohibé par les stipulations précitées dans le pays de destination » (§ 9). Le Conseil d’État casse l’arrêt attaqué au motif que les juges du fond se sont bornés à indiquer que le requérant « ne faisait état (…) d’aucun élément de nature à établir la réalité et l’actualité des risques encourus sans rechercher si, eu égard à la qualité de réfugié de l’intéressé, l’administration avait procédé, à la date de la décision d’éloignement en litige, à un examen approfondi de sa situation, prenant particulièrement en compte cette qualité, au regard de l’existence de risques de traitements prohibés par ces stipulations à son retour en Russie » (§ 10).
Les conclusions de Mireille Le Corre, rapporteure publique dans cette affaire, éclairent utilement cette motivation, elles qui proposaient de reconnaître dans ces situations « une forme de présomption de l’existence de (…) craintes » de risque au regard de l’article 3 de la Convention en cas de renvoi vers le pays d’origine 28. Pour Madame Le Corre, bien que l’arrêt K. I. ne l’impose pas, cette présomption simple correspond à l’esprit de la décision. Concrètement, il s’agit selon la rapporteure publique, d’appréhender la question de la preuve en partant des faits ayant fondé le statut de réfugié – autrement dit, de considérer dans un premier temps que l’intéressé présente des risques découlant des craintes établies lors que la reconnaissance de son statut de réfugié – à charge pour l’administration d’en réfuter la persistance au jour où elle entend procéder au renvoi, puis de vérifier si ces faits peuvent conduire à un risque de violation de l’article 3, lequel se différencie des craintes de persécution requises dans la définition du réfugié. Ce cheminement en trois temps – 1° présumer des craintes de persécution tirées de la reconnaissance initiale du statut de réfugié ; 2° inviter l’administration à réfuter la persistance et l’actualité de ces craintes ; 3° si elles persistent, vérifier si elles induisent un risque sérieux de traitement inhumain ou dégradant – paraît parfaitement en harmonie avec les prescriptions procédurales de la Cour. Reste désormais à savoir comment les juges du fond dans cette espèce 29, et globalement le juge de l’éloignement et en particulier les juges de référé, fréquemment saisis dans ce cadre pour empêcher dans l’urgence l’exécution de ces mesures de renvoi, manieront cette feuille de route.
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À l’issue de ces remarques, il faut considérer que l’arrêt K. I. c. France est une première étape pour renforcer la protection contre une violation de l’article 3 de la Convention pour les réfugiés privés de statut en vertu de la clause d’ordre public. Pour autant, le Conseil d’État n’entend pas se ranger derrière la position de la CNDA – qui n’est d’ailleurs pas réclamée par la Cour – reposant sur l’impossibilité absolue d’éloigner ceux ayant conservé la qualité de réfugié. Il n’est par ailleurs pas certain que le choix d’une obligation exclusivement procédurale retenue par la Cour dans le cadre qui est le nôtre soit à la hauteur des risques de violation substantielle de l’article 3. L’ordonnance précitée du 17 mai 2021 est un exemple parfait des limites et probablement des insuffisances de l’arrêt K. I. S’attachant pourtant scrupuleusement à reprendre la formulation de l’obligation posée par la Cour, le juge conclut à l’absence de risque alors même que dans cette affaire particulière, le requérant s’était vu refuser le statut de réfugié sur le fondement de la clause d’ordre public le 19 octobre 2020 30et délivrer une obligation de quitter le territoire français le 9 décembre de la même année, suivie d’un arrêté d’expulsion en urgence absolue du 8 avril 2021, exécuté le lendemain. Cette très grande proximité dans le temps entre la décision de refus d’octroi du statut sur le fondement de la clause d’ordre public – qui, bien que contestée devant la CNDA lorsque le Conseil d’État est saisi en urgence de l’éloignement, équivaut donc à une reconnaissance de la qualité de réfugié – et les décisions de renvoi en Russie, aurait dû conduire le juge à admettre l’actualité des craintes de l’intéressé et donc des risques de violation de l’article 3 de la Convention. Il n’en a rien été. Face à l’incarcération du requérant en Russie, le juge se borne à indiquer que « l’instruction devant le Conseil d’État n’a pas permis d’établir avec certitude les motifs de son placement en détention » (§16). Comme la Cour a pu l’écrire dans l’arrêt K. I., le contrôle et la surveillance d’une personne n’implique pas nécessairement violation de l’article 3. L’incarcération par les autorités russes tchétchènes d’un profil comme celui du requérant fait toutefois craindre le pire. Et l’on touche ici à un point clé de ce contentieux : est-il raisonnable de dissocier la qualité de réfugié et l’article 3 de la Convention au point de considérer, à l’instar du Conseil d’Etat aujourd’hui, que les craintes qui correspondent à la définition du réfugié peuvent ne pas induire mécaniquement de risques de traitements inhumains ou dégradants. Si on comprend que la Cour, compte tenu de son office, n’impose pas ce lien automatique, elle ne pourra garantir le respect de l’article 3 qu’en allant sur le terrain substantiel. Si l’arrêt K. I. témoigne de son souci de préserver l’autonomie procédurale du juge français, il n’aura vraisemblablement pas servi l’efficacité de la protection au fond de ces requérants au profil certes inquiétants mais qui bénéficient en théorie d’un droit absolu face aux risques de violation de l’article 3.
Notes:
- Voir not. CEDH, 12 juillet 2016, R. M. et autres c. France, n°33201/11, §58 ↩
- Notamment A. Ernoux, « Éloignement d’un réfugié terroriste : le jeu des plaques tectoniques (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt K. I. c. France, 15 avril 2021) », RTDH 2022/2, p.331 ; S. Fucini, « Expulsion d’un réfugié dont le statut a été retiré : exigences procédurales particulières », Dalloz Actualité, 10 mai 2022 ; J. -B. Farcy, « L’expulsion d’une personne réfugiée à l’aune du pluralisme juridique : entre volonté d’autonomie et solutions paradoxales », Cahiers de l’EDEM, mai 2021 ↩
- Voir not. CEDH, 29 avril 2019, A. M. c. France, n°12148/18, §112 ↩
- Directive (UE) 2011/95 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ↩
- Exception prévue à l’article 33 §2 : « Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. » ↩
- La transposition s’est traduite par le choix de termes un peu différent, encore modifiés récemment par la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Ainsi, l’article L.511-7 du CESEDA prévoit-il aujourd’hui le refus ou la fin du statut de réfugié lorsque : « 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat ; 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d’Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d’un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ↩
- Cette intégration s’est faite à travers, d’une part, l’article 78§1 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, d’autre part, l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Se posait en particulier la question de savoir si cette clause d’ordre public ne créait pas une nouvelle clause d’exclusion non prévue par la Convention de Genève, alors que cette dernière dresse une liste exhaustive des causes d’exclusion ↩
- Gde ch., 14 mai 2019, 2 affaires, M contre Ministerstvo vnitra, aff. C-391/16, et X et X contre Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, aff. C-77/17 et C-78/17 ↩
- CE, 19 juin 2020, M. B., n°416032 ↩
- L’arrêt renvoie sur ce point à l’affaire N.D et N.T c. Espagne, §188 ↩
- Voir par exemple Gde ch., 13 décembre 2016, Paposhvili c. Belgique, n°41738/10, §184 ↩
- Cette zone, marquée par des violations importantes des droits de l’homme, regroupe la Tchétchénie, dont est originaire le requérant, l’Ingouchie et le Daghestan ↩
- La Cour se réfère notamment sur ce point à un autre arrêt de 2021 sélectionné pour être analysé lors de cette journée d’étude Paul Tavernier, 25 mars 2021, Bivolaru et Moldovan c France, n°40324/16 et 12623/17, §141 ↩
- On peut aussi penser que cette différence de position illustre le fait que le juge de l’éloignement s’interdit de valider l’expulsion d’un réfugié protégé par son statut, le déclenchement de la clause d’ordre public ayant conduit, en contradiction avec le caractère absolu du droit consacré à l’article 3, à une véritable fissure dans la protection au titre de cette disposition face à des profils considérés comme présentant un danger pour la sécurité publique ↩
- Nous verrons toutefois que cette position fait débat et qu’elle n’est précisément pas partagée par le Conseil d’Etat ↩
- L’article 1, C) de la Convention de Genève – repris par l’article 11 de la Directive « qualification » et l’article L.511-8 du CESEDA – prévoient six hypothèses de cessation ↩
- Cette hypothèse, inscrite au point 5) de l’article 1er C) de la Convention de Genève, prévoit la cessation lorsque « les circonstances à la suite desquelles (une personne) a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, (celle-ci) ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité » ↩
- La pratique montre aussi dans certains cas la possible mobilisation – peut-être plus facile a priori – du point 1 de l’article 1, C) de la Convention de Genève qui vise l’hypothèse d’un réfugié qui se serait volontairement réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité ↩
- Voir notamment CNDA, 25/05/2018, M. L., n°17047809 – C+ jugeant que le changement répond aux exigences de la loi et permet une décision de cessation « si, au regard de la situation individuelle du réfugié, le pays d’origine a effectivement éliminé de manière non provisoire les facteurs qui ont entraîné la reconnaissance initiale de sa qualité de réfugié par des mesures raisonnables pour empêcher la persécution et qu’il dispose notamment d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner toute violation grave des droits fondamentaux de l’homme qualifiable d’acte de persécution ». Si l’on projette cette définition à la situation de Monsieur K. I., il est manifeste qu’il ne serait pas possible de prendre une décision de cessation le concernant ↩
- 19 juin 2020, M. A. B. n°416032 ↩
- CE, Ord., 17 mai 2021, M. F. C. et Mme A. D., n°451754 ↩
- L’article L.511-8 du CESEDA vise certes la fin du statut de réfugié mais les hypothèse listées, prévues par la Convention de Genève, impliquent concomitamment la perte de la qualité de réfugié de telle sorte qu’une décision de cessation a pour conséquence aussi la perte de la qualité de réfugié contrairement à une décision prise sur le fondement de l’article L. 511-7 du CESEDA, ex- L.711-6 ↩
- Le rapport d’activité de l’OFPRA le plus récent, celui de 2020, fait état de 77 décisions de révocation du statut de réfugié sur ce fondement sans préciser les nationalités concernées : OFPRA, « Rapport d’activité – 2020 », p.66 ↩
- Voir not. « Un Tchétchène expulsé par la France est enlevé en Russie par les agents de Ramzan Kadyrov », Le Monde, 10 avr. 2021 ; « Plus de 600 étrangers radicalisés expulsés de France depuis 2018 », Le Monde, 5 sept. 2021 ; « Déclaration de 12 ONG sur l’expulsion par la France d’un demandeur d’asile », 15 avril 2021 consultable en ligne : https://www.hrw.org/fr/news/2021/04/15/declaration-de-12-ong-sur-lexpulsion-par-la-france-dun-demandeur-dasile-tchetchene, consulté le 30 mai 2022 ↩
- CE, Ord., 27 mars 2021, Ministre de l’intérieur c M. B., n°450402 ↩
- CE, Ord., 17 mai 2021, préc., §13. Passage mis en italique par nos soins ↩
- CE, 28 mars 2022, M. D., n°450618 ↩
- Conclusions accessibles sur ArianeWeb, CE, 28 mars 2022, n°450618 ↩
- Après cassation, l’affaire a été renvoyée devant la CAA de Bordeaux ↩
- Les autorités polonaises, qui avaient initialement reconnu le statut de réfugié du requérant, y ont mis fin dans le cadre d’une procédure qu’il est difficile d’identifier de façon certaine, clause d’ordre public ou cessation, cette décision n’ayant pas été communiquée aux autorités françaises ↩