Calculer le nombre de réformes de l’immigration depuis 1980 – Non la loi « Retailleau » ne sera pas la « 30ème réforme de l’immigration depuis 1980 » ni le « 118ème texte majeur depuis 1945 »
Par Serge Slama, professeur de droit public, Université Grenoble-Alpes, CRJ ; affilié à l’ICM
Depuis que la porte-parole du Gouvernement Barnier, Maud Bregeon, a annoncé le 13 octobre qu’ « Il faudra une nouvelle loi immigration pour adapter un certain nombre de dispositions », les médias reprennent la ritournelle – déjà entendue lors de l’adoption de la loi « Darmanin » du 26 janvier 20241 (supposée être la « 29ème réforme ») – cette loi sera la « trentième loi en matière d’immigration depuis 1980 ». Les Décodeurs du Monde ont également saisi cette occasion pour actualiser un article, déjà publié depuis plusieurs années, en le titrant « Une « nouvelle loi » sur l’immigration qui s’ajoutera à une longue série de 118 textes depuis 1945 », article notamment repris le 14 octobre par Arte (19h45) par Jean-Mathieu Pernin.
Or, comme expert du droit des étrangers, nous affirmons que les deux assertions sont fausses. La loi « Retailleau », si d’aventure elle était adoptée en 2025, ne sera pas la « 30ème réforme de l’immigration » et on ne dénombre pas « 118 textes majeurs » sur l’immigration depuis 1945 mais beaucoup plus (ou moins), selon la façon dont on définit le concept de « texte majeur ».
Pourquoi se référer d’ailleurs à 1980 ? Cela provient du fait que les historiens de l’immigration -on pense, en particulier à Gérard Noiriel, Patrick Weil et Alexis Spire, mais aussi des associations comme le GISTI, ont estimé que la loi « Bonnet » du 10 janvier 1980 a constitué un point de bascule des réformes de l’immigration. Entre 1945 et 1980, le statut législatif des étrangers issu de l’ordonnance du 2 novembre 19452, adoptée par le Gouvernement provisoire de la République à la Libération, a très peu évolué. Ce droit relevait alors essentiellement de l’infra-droit en étant régi par des circulaires et des décrets. Avec l’adoption la loi « Bonnet » en 1980, ce droit s’est politisé et on a assisté à un emballement législatif avec une réforme en moyenne tous les 2 ou 3 ans.
Le droit des étrangers, comme le Droit en général3, subit une inflation normative ces dernières décennies qui ne cesse de s’accroitre et le rend de plus en plus illisible et instable. Recenser l’ensemble des lois portant sur les étrangers, l’immigration, l’intégration, l’asile et la nationalité serait vain tant ces modifications sont incessantes. En effet, ce droit n’est pas uniquement modifié par des textes de loi réformant l’asile, l’intégration ou l’immigration mais aussi, sans cesse, par des textes réformant le droit du travail, la protection sociale, le droit commercial, le droit civil, le droit pénal, la procédure pénale, la procédure civile, la procédure administrative contentieuse mais aussi les lois antiterroristes, de sécurité intérieure, le « séparatisme » ou tout autre loi qui, peu ou prou, peut affecter la condition des étrangers en France.
Pour dénombrer les « réformes » de l’immigration depuis 1980, il ne paraît donc pas significatif de décompter l’ensemble des textes de valeur législative ayant modifié le droit des étrangers depuis lors car ce droit est modifié sans cesse et cela représente plusieurs centaines de textes (I.). ni, comme le font les Décodeurs du Monde, d’agglomérer des textes de valeur et d’importance différentes (II). Ce qui paraît significatif est de recenser les réformes législatives ayant substantiellement ou spécifiquement réformé le droit des étrangers4, ce qui représente, selon notre décompte, une vingtaine de réformes (III).
I- Le droit des étrangers : un droit en constante évolution depuis 1980
Il serait même vain de chercher à recenser l’ensemble des textes de valeur législative qui, depuis 1980, ont modifié le « statut des étrangers », à savoir l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France et la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile puis, depuis la codification, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA 1 (entrée en vigueur le 1er mars 2005)5 et le CESEDA 2 (entrée en vigueur le 1er mai 2021)6. Comme tous les autres codes, ces textes sont modifiés sans cesse par une multitude de lois.
Ainsi si on se fie à Légifrance (onglet « Voir les modifications dans le temps »), la seule ordonnance l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France a été modifiée, jusqu’à son abrogation le 1er mars 2005, à 34 reprises par des textes de valeur législative (loi, ordonnances, décret après délégalisation), dont 30 fois depuis 1980 :
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Loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 – art. 1 () JORF 27 novembre 2003
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Loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 – art. 145 () JORF 19 janvier 2005 (loi de programmation pour la cohésion sociale)
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Ordonnance n°2004-279 du 25 mars 2004 – art. 1 (Ab) JORF 27 mars 2004
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Ordonnance n°2002-388 du 20 mars 2002 – art. 59, JORF 23 mars 2002 en vigueur le 1er janvier 2003
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Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000, JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002
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Loi 97-396 du 24 avril 1997, JORF 25 avril 1997 [*Loi Debré*]
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Loi n°93-1313 du 20 décembre 1993, JORF 21 décembre 1993 en vigueur le 1er mars 1994
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Loi n°93-2 du 4 janvier 1993 – art. 120 () JORF 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993
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Loi n°92-625 du 6 juillet 1992 – art. 1 () JORF 9 juillet 1992
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Loi n°91-1383 du 31 décembre 1991 – art. 21 () JORF 1er janvier 1992
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Loi n°91-647 du 10 juillet 1991, JORF 13 juillet 1991 en vigueur le 1er janvier 1992
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Loi n°90-34 du 10 janvier 1990, JORF 12 janvier 1990 en vigueur le 1er février 1990
S’agissant de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, elle a été, jusqu’à son abrogation le 1er mars 2005, modifié à 10 reprises, dont 9 depuis 1980, souvent par les mêmes textes.
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Décret n°2004-814 du 14 août 2004, JORF 18 août 2004 (délégalisation OFPRA/ CRR)
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Loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003, JORF 11 décembre 2003 en vigueur le 1er janvier 2004
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Ordonnance n°2002-388 du 20 mars 2002, art. 60, JORF 23 mars 2002 en vigueur le 1er janvier 2003
Quant aux CESEDA 1 et 2, si le lecteur veut bien de donner la peine de cliquer sur l’onglet « Voir les modifications dans le temps » sur le CESEDA de Légifrance, il se rendrait compte que depuis le 1er janvier 2005 celui-ci a fait l’objet d’une centaine de modifications législatives et réglementaires (nous sommes en incapacité de les dénombrer).
Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de s’inquiéter de cette frénésie normative. Dans son avis du 15 février 2008 sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif dit « Collomb », il relevait :
« Diagnostic d’autant plus nécessaire que, depuis 1980, 16 lois majeures sont venues modifier les conditions d’entrée et de séjour ou d’asile ; depuis la création du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) en 2005, le législateur est intervenu en moyenne tous les deux ans pour modifier les règles ».
N’ayant manifestement pas été entendu, il a pu, dans son avis du 26 janvier 2023, sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration dit « projet Darmanin », observé de nouveau (et le fera sûrement en 2025 une troisième fois sur le projet « Retailleau ») :
« Il observe, en troisième lieu, qu’il est saisi du huitième projet de loi majeur réformant sur des points essentiels les instruments juridiques de gestion du séjour des étrangers en France et de l’asile depuis la création du code du séjour des étrangers et du droit d’asile, il y a seize ans […]».
Ainsi, toujours selon le « chronolégi » de Légifrance, depuis l’adoption de loi du 26 janvier 2024, la partie réglementaire du CESEDA a déjà été modifiée à une quinzaine de reprises, soit pour l’adapter à certaines réformes non consacrées aux étrangers (Décret n°2024-606 du 26 juin 2024 – France travail ; Décret n°2024-374 du 23 avril 2024 – code de procédure pénale et relatif au fichier automatisé des empreintes digitales ; Décret n°2024-302 du 2 avril 2024 – adaptation du code de procédure pénale et d’autres dispositions réglementaires à la création de l’Office national anti-fraude et d’agents de police judiciaire des finances) soit par des décrets d’application de cette loi « Darmanin » ou de lois sur l’immigration précédentes (Décret n°2024-828 du 16 juillet 2024, v. init. ; Décret n°2024-815 du 12 juillet 2024 – art. 1 ; Décret n°2024-814 du 9 juillet 2024 – art. 3 ; Décret n°2024-813 du 8 juillet 2024 – art. 1 ; Décret n°2024-812 du 8 juillet 2024 – art. 1 ; Décret n°2024-811 du 8 juillet 2024 – art. 1 ; Décret n°2024-810 du 6 juillet 2024 – art. 5 (V) ; Décret n°2024-800 du 8 juillet 2024 – art. 13 ; Décret n°2024-809 du 5 juillet 2024 – art. 1 ; Décret n°2024-808 du 5 juillet 2024 – art., v. init. ; Décret n°2024-799 du 2 juillet 2024 – art. 1). Et le nouveau gouvernement a d’ores et déjà annoncé la parution prochaine d’une demi-douzaine d’autres décrets d’application. Selon le site de l’Assemblée nationale, 27% des dispositions réglementaires d’application (8 sur 30) ont été publiés au 16 juillet 20247.
On recense également un arrêté mettant à jour la liste des métiers en tension (de nombreux médias ont affirmé ces jours-ci qu’il n’avait pas été pris)8 et 4 circulaires d’application du 5 février 20249.
S’agissant de la loi précédente, la loi « Collomb » du 10 septembre 201810, elle a donné lieu, selon le suivi assuré par le Sénat11, à une dizaine de décrets d’application et trois décrets ou mesures réglementaires n’auraient pas encore été prises pour mettre en œuvre certaines de ces dispositions. Curieusement, pour le « baromètre d’application de la loi » de l’Assemblée, 100% des mesures réglementaires de mise en œuvre de cette loi (41 sur 41) ont été adoptées12.
II- Les Décodeurs du Monde : l’agglomération de 118 textes disparates et d’importance inégale
Si la démarche des Décodeurs du Monde qui, depuis quelques années, s’efforcent de dénombrer les « textes majeurs sur l’immigration » est intéressante, leur dénombrement paraît, d’un point de vue méthodologique critiquable.
En effet, partant du constat – exact – de l’ « hyperactivité législative » dans cette matière (« depuis 1945, la France a voté une loi sur l’immigration tous les deux ans en moyenne – sans compter les ordonnances, arrêtés, circulaires et décrets qui se sont multipliés »), l’article du Monde présente, dans la liste des textes « majeurs » cités en référence13, et présentés comme « la liste des 116 réformes législatives ou réglementaires utilisées dans l’article », un ensemble de textes épars, constitués à la fois de textes de valeur législative (ordonnances, loi), de textes réglementaires (décrets, arrêtés) mais aussi, de certains textes relevant de l’infra droit (des circulaires) ou, inversement, constituant des engagements internationaux de la France (Convention de Genève de 1961 sur les réfugiés et son Protocole additionnel de 1967).
Mais lorsqu’on regarde plus en avant la liste des textes, on peine à déterminer ce qui a permis d’estimer qu’il s’agissait des « textes majeurs ». D’une part, une quinzaine de textes n’ont qu’un rapport lointain avec le droit des étrangers en ne le modifiant que de manière très incidente (« décret sur l’immigration familiale » du 24 décembre 1945 qui constitue en réalité le décret d’attribution du ministère de la Population14, le « décret sur les aides sociales » du 29 novembre 1953 qui constitue un décret sur les pupilles de l’Etat15, le « décret sur la famille et l’aide sociale » du 24 janvier 195616, la « Loi réformant le code de la santé publique » du 31 décembre 197017, la loi « sur les relations entre l’administration et le public » du 17 juillet 197818, la « Loi Peyrefitte sur la sécurité » du 2 février 198119, la « Loi sur la décentralisation » du 7 janvier 198320, l’ordonnance « instaurant l’allocation d’insertion » du 21 mars 198421, la loi « réformant diverses dispositions d’ordre social » du 3 janvier 198522, la loi « réformant le code du travail » du 10 juillet 198723, la loi « sur le RMI » du 29 juillet 199224, la loi « sur le travail, l’emploi et la formation » du 20 décembre 199325, la loi « Toubon sur le terrorisme » du 22 juillet 199626, la loi « instaurant la CMU » du 27 juillet 199927, plusieurs loi de finances rectificative28 ou encore l’ordonnance « sur le code du travail » du 14 mars 200729).
D’autre part, bien des textes de la liste du Monde n’apparaissent pas réellement « majeurs » pour l’évolution du droit des étrangers (mais comment Le Monde définit-il ce concept de « texte majeur » ? ). Et si on veut bien admettre que certains décrets, arrêtés et un certain nombre de circulaires ont constitué des textes « majeurs » de ce droit30, il suffit de consulter le Dictionnaire permanent droit des étrangers (la bible des spécialistes de ce droit) ou la rubrique « circulaires » du site du Gisti31 pour se rendre compte que bien d’autres circulaires et instructions ministérielles ont été – et sont encore aujourd’hui – « majeures » en droit des étrangers. On pense, par exemple, aux circulaires sur la possibilité pour les étrangers d’obtenir un titre de séjour après un PACS32 ou celles sur la scolarisation des enfants étrangers33.
En outre, on peut se demander si dans une liste sur le droit des étrangers il a lieu d’intégrer ceux relatifs à la nationalité (ce qui constitue une dizaine de textes dans la liste des Décodeurs34) – sachant que certaines réformes de l’immigration portent aussi sur la nationalité mais d’autres sont spécifiques au droit de la nationalité.
Enfin, comme cela a été relevé, les Décodeurs intègrent dans leur liste deux conventions internationales sur le statut de réfugiés. Il s’agit assurément de textes majeurs mais pourquoi ne pas avoir plutôt mentionner les lois et décrets de ratification35 ? Sinon il aurait fallu également intégrer à la liste les principales conventions de l’ONU, de l’OIT ou du Conseil de l’Europe sur l’apatridie et les travailleurs migrants et, surtout, les principaux textes de l’Union européenne (Accords de Schengen de 1985, Convention de Dublin, Convention d’application des accords de Schengen, Protocole Aznar ainsi que les principaux règlements et directives européennes), ainsi que les accords Union européenne – pays tiers (comme les accords d’Ankara avec la Turquie ou les accords euro-méditerranéens) ainsi que les principaux accords bilatéraux36 (notamment les accords franco-algériens et les accords de gestion concertée ou de réadmission)…
En définitive, la liste de 118 textes sélectionnés par le Monde ne nous convainc pas et mériterait d’être révisée en définissant a priori ce qui constitue, pour les Décodeurs, un « texte majeur » mais aussi un texte « sur l’immigration » et en sélectionnant les textes sur la base de critères préétablis. Ainsi, par exemple, la loi « séparatisme » de 202137 est-elle un texte sur l’immigration et son apport est-il « majeur » en droit des étrangers ?
Mais alors combien peut-on dénombrer de réformes en droit des étrangers depuis 1980.
III- Dénombrer les réformes du droit des étrangers depuis 1980
L’affirmation selon laquelle la loi « Darmanin » immigration-intégration du 26 janvier 2024 serait la 29ème « réforme » ou « loi » sur l’immigration depuis 1980 a fait florès. On la trouve dans de nombreux articles de presse mais aussi des documents associatifs, y compris publiés par la Cimade. Plus étonnant encore, cela figure sur des articles figurant sur le site du… Musée de l’Histoire de l’immigration (musée de la Porte Dorée). Ce site évoque même dans deux articles différents, à la fois, les « 29 lois sur l’immigration (une tous les 17 mois depuis 1980) »38 mais aussi « la 32e loi sur l’immigration depuis 1980 »39. Cette « liste des lois relatives à l’immigration et aux étrangers depuis 1980 » aurait été « établie à partir d’un rapport sénatorial du 30 septembre 2015 (Droit des étrangers, rapport de M. François-Noël Buffet)40 et complété pour la période 2015-2024. Cette liste ne comprend que les lois (pas les ordonnances ni les décrets) ».
Mais quand on consulte la liste dressée par cet auteur, qui s’inspire beaucoup de notre propre liste (publiée dans notre cours accessible sur l’UNJF), on constate la présence de loi qui ne sont pas, à proprement parler, des « réformes » ou des « lois » sur l’immigration41. En outre figure dans cette liste certaines (mais pas toutes42) des grandes réformes de la nationalité43 ou sur le contrôle de la validité des mariages44 – qui, à notre sens, ne devraient pas y figurer. Si on enlève ces sept lois de cette liste, on serait donc davantage à 25 qu’à 32 « lois sur l’immigration et les étrangers depuis 1980 ».
Selon nous, une liste la plus exacte avait été dressée (en nous consultant) en 2018 par une journaliste d’Arte dans un article intitulé « Trente ans de lois françaises sur l’immigration » (cf. copie d’écran). Mais cet article ne figure plus sur le site d’Arte et comprenait également les deux lois – Méhaignerie et Guigou – sur la nationalité45.
Mais trêve de suspens, combien de réformes du droit des étrangers depuis 1980 ?
Par esprit de contradiction on pourrait répondre : « aucune ». En effet, selon Le Robert, une réforme c’est une « amélioration apportée dans le domaine moral ou social » ou un « changement profond apporté dans la forme d’une institution afin de l’améliorer, d’en obtenir de meilleurs résultats ». Or, tout le monde s’accorde à dire que la frénésie des réformes de l’immigration depuis 45 ans n’a pas abouti à une amélioration ni même à de meilleurs résultats pour le droit ou les droits des étrangers…
Nous proposons néanmoins un décompte des lois spécifiquement dédiées au droit des étrangers, à l’exclusion des lois sur la nationalité, depuis 198046. Si on regroupe les lois qui étaient dans le même « train de réformes » mais ont été adoptées suite à une censure constitutionnelle, on en dénombre vingt-quatre lois spécifiques (24), soit une tous les deux ans, dont 21 réformes d’ampleur de ce droit. La loi Retailleau, qui ne sera sûrement pas adoptée avant 2026 (si elle l’est), ne dérogera donc pas à cette cadence infernale et contre-productive. Il sera également nécessaire en 2026 d’intégrer au droit français le pacte migration-asile qui est constitué par dix actes législatifs européens, principalement des règlements, qui sont directement applicables mais suppose de mettre en conformité le droit national.
Décompte des lois spécifiques au droit des étrangers (immigration, intégration, asile) depuis 1980 (sans les lois sur la nationalité)
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Loi n°80-9 du 10 janvier 1980 dite « Bonnet » relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l’office national d’immigration ;
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Loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 dite « Deferre / Questiaux » relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers France ;
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Loi n° 84-622 du 17 juillet 1984 dite « Dufoix » relative « titre uniques de séjour et de travail » ;
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Loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 dite « Pasqua 1 » relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
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Lois n° 89-548 du 2 août 1989 dite « Joxe » relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France et, suite à une censure, n° 90-34 du 10 janvier 1990 « Joxe 2 » modifiant l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
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Loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l’organisation de l’entrée et du séjour irréguliers des étrangers en France ;
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Loi n°92-190 du 26 février 1992 dite « Marchand » portant modification de l’ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (application de Schengen) ;
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Loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 dite « Quilès » sur la zone d’attente des ports et des aéroports ;
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Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 dite « Pasqua 2 » relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France et, suite à une censure, loi n°93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ;
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Loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994 portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
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Loi n° 97-396 du 24 avril 1997 dite « Debré » portant diverses dispositions relatives à l’immigration ;
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Loi n° 98-349 dite « Chevènement » du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile ;
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Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 dite « Sarkozy 1 » relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ;
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Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 dite « De Villepin » modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile ;
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Loi n° 2004-735 du 26 juillet 2004 relative aux conditions permettant l’expulsion des personnes visées à l’article 26 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
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Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 dite « Sarkozy 2 » relative à l’immigration et à l’intégration ;
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Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 dite « Hortefeux » relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ;
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Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 dite « Besson » relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;
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Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 dite « Valls » relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées ;
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Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 dite « Valls » relative à la réforme du droit d’asile ;
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Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 dite « Valls / Cazeneuve » relative au droit des étrangers en France ;
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Loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 dite « Warsmann » permettant une bonne application du régime d’asile européen ;
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Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 dite « Collomb » pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ;
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LOI n° 2024-42 du 26 janvier 2024 dite « Darmanin » pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
1 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049040245.
2 Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
3 Cf. le constat dressé par Jean-Denis Combrexelle, Les Normes à l’assaut de la démocratie, Odile Jacob, 2024, 208 p.
4 Nous entendons dans un sens générique comme constituant le « droit des étrangers » l’ensemble des règles applicables spécifiquement aux ressortissants non-nationaux visant à régir leurs relations avec la France et les Français, ou avec des étrangers installés en France, quelle qu’en soit l’objet, leur durée ou le motif. Ce droit est principalement constitué des règles de police administrative des étrangers regroupées dans le CESEDA. Il est également constitué d’un ensemble des normes internationales et européennes, en particulier du droit de l’Union européenne.
5 Ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
6 Ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
8 Arrêté du 1er mars 2024 modifiant l’arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
10 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, JO n° 0209 du 11/09/2018 (rectificatif paru au JO n° 0260 du 10/11/2018 ).
11 Contrôle de l’application de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. URL : https://www.senat.fr/application-des-lois/pjl17-464.html.
14 Décret n° 45-0134 du 24 décembre 1945 relatif aux attributions du ministre de la population
JORF n°0304 du 25 décembre 1945. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000497843.
15 Décret n°53-1186 du 29 novembre 1953 PUPILLES DE L’ETAT, JORF du 3 décembre 1953. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000507984.
16 Décret n° 56-149 du 24 janvier 1956 portant codification des textes législatifs concernant la famille et l’aide sociale, JORF n°0023 du 28 janvier 1956.
17 Loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie, JORF du 3 janvier 1971.
18 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, JORF du 18 juillet 1978.
19 Loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, JORF n°0028 du 3 février 1981.
20 Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, JORF du 23 juillet 1983.
21 Ordonnance n°84-198 du 21 mars 1984 relative au revenu de remplacement des travailleurs involontairement privé d’emploi, JORF du 22 mars 1984.
22 Loi n° 85-10 du 3 janvier 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, JORF du 4 janvier 1985.
23 Loi n°87-518 du 10 juillet 1987 modifiant le Code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée, JORF du 12 juillet 1987.
24 Loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle, JORF n°175 du 30 juillet 1992.
25 Loi n°93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, JORF du 21 décembre 1993.
26 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire, JORF n°170 du 23 juillet 1996.
27 Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, JORF n°0172 du 28 juillet 1999.
28 Loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, JORF n°0304 du 31 décembre 2002 ; Loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003), JORF n°302 du 31 décembre 2003 ; Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, JORF n°304 du 31 décembre 2005 ; Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, JORF n°0302 du 30 décembre 2010 ; Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, JORF n°0301 du 29 décembre 2011.
29 Ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), JORF n°61 du 13 mars 2007.
30 Circulaire Ségelle sur l’immigration familiale – 20 janvier 1947 ; Circulaire Schumann sur les travailleurs étrangers – 29 juillet 1968 ; Circulaires Marcellin-Fontanet sur les travailleurs étrangers – janvier et février 1972 : Circulaire Gorse sur les étrangers – 13 juin 1973 ; Circulaires suspendant l’immigration familiale – 9 juillet, 9 août et 27 décembre 1974 ; Circulaire de reprise de l’immigration familiale – 18 juin et 2 juillet 1975 ; Circulaire sur l’aide au retour volontaire – 30 mai 1977 ; Circulaire sur les travailleurs étrangers – 10 juin 1980 ; Circulaire Defferre sur le regroupement familial – 10 juillet 1981 ; Circulaire sur la régularisation exceptionnelle – 11 août 1981 ; Circulaire supprimant l’aide au retour – 25 novembre 1981, Circulaire Fabius sur l’asile – 17 mai 1985 ; Circulaire Bianco-Marchand sur la régularisation des demandeurs d’asile – 19 juillet ; Circulaire Cresson sur le travail des demandeurs d’asile – 26 septembre 1991 ; Circulaire sur les CADA – 19 décembre 1991 ; Circulaire Chevènement sur la régularisation – 24 juin 1997 ; Circulaire sur les ingénieurs informaticiens – 16 juillet 1998 ; Circulaire sur les missions des CADA – 29 mars 2000 ; Circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – 31 mai 2011 ; Circulaire Valls sur les étudiants étrangers – 31 mai 2012 ; Circulaire Valls sur les critères de naturalisation – 16 octobre 2012 ; Circulaire Valls sur les critères de régularisation – 28 novembre 2012 ; Circulaire Collomb sur l’hébergement d’urgence – 12 décembre 2017.
32 Circulaires NOR/INT/D/98/00108/C du 12 mai 1998, n° NOR/INT/D/02/00215/C du 19 décembre 2002 ; n°NOR/INT/D/04/00134/C du 30 octobre 2004.
34 Ordonnance n°45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, Loi n°61-1408 du 22 décembre 1961 sur la nationalité, Loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, Loi n° 83-1046 du 8 décembre 1983, Loi n°84-341 du 7 mai 1984 sur l’acquisition de la nationalité française par mariage, Loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, Loi n° 99-1141 du 29 décembre 1999 modifiant les conditions d’acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l’armée française, Loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ou encore le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.
35 Loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, JORF n°0064 du 18 mars 1954, p.2571 ; Décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954 portant publication de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, signée le 11 septembre 1952 à New-York, JORF du 29 octobre 1954.
36 « Présentation générale des accords bilatéraux », site du ministère de l’Intérieur, 23 juin 2020. URL : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Les-accords-bilateraux/Presentation-generale-des-accords-bilateraux.
37 Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, JORF n°0197 du 25 août 2021.
38 Mustapha Harzoune, « Loi Darmanin, un parfum de déjà vu », Revue Hommes & migrations N°1340 janvier-mars 2023 – 220 p. URL : https://www.histoire-immigration.fr/hommes-migrations/musees-partages/loi-darmanin-un-parfum-de-deja-vu ; « 1980-2022 : lois sur l’immigration, le mille-feuilles législatif », janvier 2023. URL : https://www.histoire-immigration.fr/politique-et-immigration/1980-2022-lois-sur-l-immigration-le-mille-feuilles-legislatif .
39 Mustapha Harzoune, « La 32e loi sur l’immigration depuis 1980 », site Musée histoire de l’immigration, janv. 2003.
40 Ce rapport Buffet fait bien état « d’une trentaine de réformes législatives depuis les années 1980, soit près d’une par an » (Projet de loi relatif au droit des étrangers en France, Rapport n° 716 (2014-2015), déposé le 30 septembre 2015. URL : https://www.senat.fr/rap/l14-716/l14-7161.html#toc1).
41 2. Loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes – dite « loi Peyrefitte » ; 12. Loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d’identité dite « lois Pasqua » ; 14. Loi n° 93-1420 du 31 décembre 1993 portant modification de diverses dispositions pour la mise en œuvre de l’accord sur l’Espace économique européen et du traité sur l’Union européenne ; 28. Loi n° 2014-528 du 26 mai 2014 modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
42 Etrangement elle ne comprend certaines réformes importantes en la matière, notamment la loi « Mazeaud » n° 73-42 du 9 janvier 1973 (voir la liste des Décodeurs supra).
43 11. Loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité – dite « loi Méhaignerie » ; 18. Loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité.
44 24. Loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages.
46 Le Gisti consacre sur son site un dossier à chacune de ces réformes depuis 1996. URL : http://www.gisti.org/spip.php?article19