La vie privée des personnes morales au secours de l’évitement de l’impôt (obs. sous CE sect., 7 oct. 2022, Association Anticor)
La solution retenue par le Conseil d’Etat dans son arrêt Association Anticor traduit un usage dévoyé de la reconnaissance de droits fondamentaux aux personnes morales. Elle fait également fi de l’affirmation d’un droit à l’information sur les sujets d’intérêt général au sens de l’article 10 de la CEDH qui est de nature à contrecarrer les effets pervers de la législation relative à l’accès aux documents administratifs.
Par Xavier Dupré de Boulois, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Il y a déjà quelques années, nous avions pointé les dérives du contentieux objectif des droits fondamentaux devant le Conseil constitutionnel et des ressources qu’il offre aux sociétés commerciales pour contester les lois qui entravent leurs activités 1. Un arrêt rendu récemment par la section du contentieux du Conseil d’Etat est venu apporter une nouvelle illustration des risques liés à la reconnaissance de droits fondamentaux des personnes morales dès lors que son déploiement n’est pas maîtrisé (CE sect., 7 oct. 2022, Association Anticor, n°443826, Rec.). En l’occurrence, il met la supposée vie privée d’une fondation d’entreprise au service de pratiques d’optimisation fiscale des sociétés du groupe LVMH.
La fondation d’entreprise Louis Vuitton est dans le collimateur des associations de lutte contre la corruption depuis plusieurs années au regard des largesses fiscales, au demeurant légales, dont ont bénéficié les sociétés du groupe LVMH à raison de leurs versements à ladite fondation depuis sa création. Selon un rapport de la Cour des comptes, ces sociétés ont versé plus de 860 millions d’euros à la fondation entre 2007 et 2017 et ont bénéficié à ce titre de réductions d’impôt pour un montant de près de 520 millions d’euros sur le fondement des dispositions de l’article 238 bis du Code générale des impôts. Il en a résulté que la collectivité publique a supporté plus de 60% du coût final de la construction du fameux musée de la fondation Louis Vuitton situé dans le bois de Boulogne. Une plainte contre X de l’association FRICC pour escroquerie, recel d’escroquerie, fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale a été classée sans suite par le parquet de Paris en 2019. De son côté, l’association Anticor a demandé au préfet d’Ile-de-France de lui transmettre les comptes et leurs annexes de la fondation d’entreprise Louis-Vuitton pour les exercices 2016 et 2017. En effet, depuis une ordonnance du 29 avril 2009, constituent des documents administratifs au sens des dispositions relatives à l’accès aux documents administratifs (art. L. 300-2 CRPA) non seulement les documents produits par les administrations mais aussi ceux qu’elles ont reçus, dans le cadre de leurs missions de service public. Or, l’Etat est destinataire chaque année d’un rapport d’activité et des comptes annuels de la fondation Louis-Vuitton dans le cadre de sa mission de contrôle des fondations d’entreprises prévue par l’article 19-10 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. L’association Anticor s’étant néanmoins heurtée à un refus de transmission du préfet, elle a donc saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) sur le fondement de l’article L. 342-1 CRPA. Comme elle l’avait déjà fait avec une demande de communication formulée par un journaliste portant sur le même objet (n°20181232), la CADA a émis un avis défavorable au sujet de la demande de l’association (n°20191151). Elle concède que les documents sollicités sont bien des documents administratifs au sens des dispositions du CRPA. Toutefois, elle estime qu’ils ne peuvent être communiqués à des personnes autres que la fondation en se fondant sur l’exception prévue à l’article L. 311-6 1°. Elle considère en effet que « la communication des comptes de la [fondation d’entreprise Louis-Vuitton] recueillis dans le cadre du contrôle exercé par l’administration, serait de nature à révéler des informations économiques et financières et par là même des choix révélateurs de l’organisation, des actions et des projets de la fondation de nature à porter atteinte au secret de la vie privée de cette personne morale de droit privé ». Le Tribunal administratif de Paris puis le Conseil d’Etat ont successivement approuvé cette interprétation : le refus de transmission des comptes de la fondation d’entreprise Louis-Vuitton opposé à l’association Anticor trouve sa justification dans le constat qu’une telle communication porterait atteinte à la protection de sa vie privée au sens de l’article L. 311-6 1°.
Autant dire d’emblée que la solution retenue dans cette affaire peine à convaincre. Elle traduit un usage dévoyé de la reconnaissance de droits fondamentaux aux personnes morales (I.). Elle fait également fi de l’affirmation d’un droit à l’information sur les sujets d’intérêt général au sens de l’article 10 de la CEDH. Elle est pourtant de nature à contrecarrer les effets pervers de la législation relative à l’accès aux documents administratifs (II.).
I. Un dévoiement contestable
Le Conseil d’Etat a donc estimé que la CADA est en mesure de se fonder sur le secret de la vie privée pour s’opposer à la transmission des comptes d’une fondation d’entreprise sollicitée par une association. En apparence, cette solution semble s’inscrire dans une tendance générale à deux égards. Il n’est pas douteux d’abord que les personnes morales de droit privé sont titulaires de droits fondamentaux 2. Cette reconnaissance n’allait pas de soi puisque les droits fondamentaux tout comme les droits de l’homme de 1789 sont des droits de la personne humaine. Elle résulte du constat que les entités personnifiées constituent des formes sociales mises à la disposition des individus par notre système juridique pour exercer collectivement leurs droits fondamentaux. L’objet social de la personne morale renseigne sur le ou les droits fondamentaux des personnes humaines dont sa création permet la réalisation : la liberté religieuse pour une association cultuelle ; la liberté d’entreprendre pour une société commerciale, la liberté syndicale pour un syndicat professionnel, etc. Par ailleurs, l’idée que des personnes morales bénéficient d’une protection de leur vie privée s’est progressivement imposée. En effet, la considération de l’objet social permet également de définir ceux des droits fondamentaux dont l’entité personnifiée est susceptible de se prévaloir. Elle a vocation à jouir des droits nécessaires pour lui permettre de réaliser son objet social. Il en résulte d’abord que les droits en question peuvent différer en fonction des catégories de personnes morales. Une société commerciale ne peut se prévaloir de la liberté religieuse (Comm. EDH, déc., 15 avril 1996, Kustannus Oy Vappa Ajattelija AB / Finlande, n°20471/92) contrairement à une association cultuelle. Par ailleurs, ces droits ne doivent pas être pensés comme le simple décalque des droits reconnus aux personnes physiques. Reconnaître une vie privée aux entités personnifiées ne signifie pas que l’on entend leur reconnaitre une intimité et une dignité à l’instar de la personne humaine mais que la protection de certaines informations peut être nécessaires pour leur permettre de réaliser leur objet social.
Au regard de ces éléments, l’arrêt sous commentaire nous semble révéler un dévoiement et ce pour deux raisons. La première tient à la nature de la personne morale en cause dans cette affaire. La fondation d’entreprise appartient à la catégorie des personnes morales fondatives par opposition aux personnes morales corporatives. Ces dernières constituent en principe des groupements de personnes. Elles sont donc éligibles à l’idée avancée plus haut selon laquelle elles sont des instruments de la réalisation des droits fondamentaux de leurs fondateurs ou de leurs adhérents. A l’inverse, la fondation constitue « une affectation de biens résultant d’un acte de volonté » et « elle relève donc essentiellement du droit des biens » 3. Elle ne constitue donc pas un groupement de personnes ce qui explique, par exemple, qu’elle n’est pas pourvue d’une assemblée générale contrairement aux sociétés et aux associations. Afin de justifier la personnification des fondations, Léon Michoud avait en son temps avancé l’idée que la fondation avait elle-aussi « pour substratum réel un groupement humain […] celui des destinataires, c’est-à-dire ceux aux besoins desquels la fondation est destinée à pourvoir » (La théorie de la personnalité morale et son application au droit français, LGDJ, T1, 1906, n°77). Si un tel raisonnement peut se justifier pour des personnes morales fondatives telles que les établissements hospitaliers et les universités, il est moins pertinent pour les fondations d’entreprise qui sont créées en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général définie de manière très abstraite (art. 19, loi de 1987). Tel est le cas pour la fondation d’entreprise Louis Vuitton dont la création vise de manière générale à rendre l’art et la culture accessibles à tous. Sauf à détourner l’esprit de cette forme juridique, il est donc difficile d’analyser la fondation en question comme un outil de la réalisation des droits fondamentaux des entités à but lucratif qui l’ont créée. Sauf bien sûr à y voir un moyen pour elles d’alléger leur impôt sur les sociétés.
Le dévoiement s’illustre également à travers la référence à la vie privée dans un tel contexte. On ne reviendra pas ici sur le débat autour de la reconnaissance d’un droit au respect de vie privée des personnes morales. On sait que d’un côté, la première chambre civile de la Cour de cassation estime que « seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée au sens de l’article 9 du code civil » (Cass. civ. 1, 17 mars 2016, n°15-14.072, Bull. civ. I, n°1060 ; Cass. civ. 1, 16 mai 2018, n°17-11.210) alors que la CJUE se montre beaucoup plus ouverte à l’égard d’une telle perspective (CJCE, 14 févr. 2008, Varec / Belgique, Aff. C-450/06. Également, Trib. UE, ord., 11 mars 2013, Pilkington Group Ltd, Aff. T-462/12). L’arrêt sous commentaire ouvre la voie à une telle reconnaissance en droit administratif mais, là-encore, le raisonnement peine à convaincre. La protection du secret de la vie privée d’une entité personnifiée vise avant tout à lui permettre de réaliser son objet social. La divulgation d’un fichier d’adhérents est ainsi de nature à nuire à l’activité d’un syndicat tout comme le dévoilement de ses secrets d’affaires peut remettre en cause l’aptitude d’une société commerciale à conserver et à développer ses parts de marché. Il en était ainsi lorsque le Conseil d’Etat s’est référé pour la première fois à la vie privée de personnes morales. Dans une affaire dans laquelle était en cause une demande de communication auprès du ministère du travail de la liste des entreprises adhérentes à syndicat professionnel, la haute juridiction administrative avait jugé qu’une telle transmission serait « de nature à révéler des orientations, notamment syndicales, susceptibles de méconnaitre la protection de la vie privée […] ou de divulguer des choix révélateurs des actions et des projets d’entreprises de nature à porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle protégé par les mêmes dispositions » (CE, 17 avr. 2013, Ministre du travail / Cabinet de la Taille, n°344924, Rec. t.). À travers la référence à la vie privée, le Conseil d’Etat entendait ainsi prendre en compte la protection de la liberté des entreprises de se regrouper en syndicat professionnel et partant de la liberté syndicale. Or, on peine à percevoir en l’espèce en quoi la transmission des comptes de la fondation d’entreprise Louis Vuitton était de nature à entraver la réalisation de l’objet social de la fondation. Dans son avis défavorable, la CADA a estimé que la communication des comptes de la fondation en question « serait de nature à révéler des informations économiques et financières et par là même des choix révélateurs de l’organisation, des actions et des projets de la fondation de nature à porter atteinte au secret de la vie privée de cette personne morale de droit privé ». Une telle affirmation peut laisser songeur dès lors que la fondation d’entreprise est une personne morale à but non lucratif en vertu de la loi (art. 19, loi de 1987) et qu’elle n’intervient donc pas sur un marché concurrentiel.
On perçoit bien qu’il existe un non-dit dans le raisonnement tenu tant par la CADA que le juge administratif : la considération des sociétés du groupe LVMH qui ont créé la fondation. En « découvrant » une vie privée de la fondation d’entreprise Louis Vuitton, ils ont permis le maintien du secret non pas sur le fonctionnement interne de cette dernière, – il ne présente en lui-même guère d’intérêt -, mais sur les pratiques fiscales des entreprises qui la financent. La fondation d’entreprise devient, en quelque sorte, une entité transparente.
II. Un dévoiement contournable
En conclusion de leur commentaire sous l’arrêt Association Anticor, les membres du centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’Etat, Thomas Janicot et Dorothée Pradines, ont souligné le caractère insatisfaisant de la solution retenue en l’espèce, solution que le Conseil d’Etat aurait été contraint de retenir (AJDA 2022 p. 2238) : « le Conseil d’Etat ne peut pas toujours, prétoriennement, résoudre une malfaçon de l’articulation de textes, née tant de leur juxtaposition que de leurs successions et modifications dans le temps » et « parfois, il doit se contenter, face à un trou dans la raquette, de prendre les textes au pied de la lettre et de renvoyer, modestement, la balle au législateur si leur combinaison paraît insatisfaisante ». Ces affirmations fleurent bon le légicentrisme d’un autre temps. Une piste existe qui permettrait une autre solution plus conforme aux attentes contemporaines en matière de transparence. Il faut pour cela se tourner vers les exigences relatives à l’article 10 de la CEDH qui garantit la liberté d’expression dans ses différentes facettes et assumer une nouvelle application du contrôle de conventionnalité in concreto de la loi.
La Cour EDH a progressivement dégagé un droit d’accès aux documents détenus par l’administration sur le fondement de l’article 10 de la CEDH. Sa grande chambre a jugé que si « l’article 10 n’accorde pas à l’individu un droit d’accès aux informations détenues par une autorité publique, ni n’oblige l’État à les lui communiquer », « un tel droit ou une telle obligation peuvent naître […] lorsque l’accès à l’information est déterminant pour l’exercice par l’individu de son droit à la liberté d’expression, en particulier la liberté de recevoir et de communiquer des informations » (CEDH, GC, 8 nov. 2016, Magyar Helsinki Bizottsag / Hongrie, n°18030/11). Elle a également défini les critères d’application de ce droit dans un tel contexte. Il doit être tenu compte du but de la demande d’information et en particulier de sa contribution à un débat sur un sujet d’intérêt général, de la nature de l’information sollicitée elle-aussi évaluée à l’aune du critère d’intérêt public et du rôle du requérant. Sur ce point, la Cour érige la presse et les organisations non gouvernementales en « chiens de garde publics ». Le Conseil d’Etat s’est approprié cette interprétation de l’article 10 de la Convention à l’occasion de deux arrêts lus en 2021. Le premier mettait en cause le refus opposé à un personne engagée dans des recherches historiques sur le Rwanda sur le fondement des dispositions du Code du patrimoine à la communication de documents d’archives de collaborateurs du président Mitterrand (CE ass., 12 juin 2020, François Graner, n°422327, Rec.). Le second concernait le refus de communiquer à plusieurs associations, une liste d’entreprises sanctionnées pour non-respect de l’égalité salariale entre femmes et hommes (CE, 3 juin 2020, Asso. Pouvoirs, citoyens, n°421615, Rec. t.).
Dans le déploiement des exigences de l’article 10 de la CEDH en tant qu’il garantit un droit d’accès à l’information, il convient par ailleurs de tenir compte des développements de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation relative à cette même disposition. Cette jurisprudence constitue une expression atypique du contrôle de conventionnalité in concreto auquel on sait que le Conseil d’Etat a fini par se convertir (CE ass., 31 mai 2016, Gonzalez Gomez, n°396848, Rec. p. 208) avec un enthousiasme relatif 4. Elle permet au juge répressif d’écarter l’application de la loi pénale dans les hypothèses où son application in casu, et donc une condamnation pénale, porteraient une atteinte excessive à la liberté d’expression. Il en résulte qu’alors même que l’ensemble des éléments constitutifs d’une infraction sont réunis, il appartient au juge pénal de relaxer la personne poursuivie. Cette jurisprudence a été mise en œuvre à l’occasion d’affaires emblématiques mettant en cause des sujets d’intérêt général ou des protestations politiques : la performance d’une militante Femen au musée Grévin poursuivie pour délit d’exhibitionnisme (Cass. crim., 26 février 2020, n°19-81827), la subtilisation de documents internes au RN par une journaliste sous couverture incriminée au titre de l’escroquerie (Cass. crim. 26 oct. 2016, n°15-83.774) et plus récemment le décrochage des portraits de l’actuel président de la République exposés dans les mairies par des militants écologistes faisant par suite l’objet de poursuites pour vol en réunion (Cass. Crim. 22 sept. 2021, n°20-85.434).
S’il ne faut pas surestimer la portée de cette jurisprudence 5, elle résonne de manière intéressante avec le droit de l’accès aux documents administratifs. Elle invite à dépasser le seul constat que la transmission d’un document administratif mettrait en cause la vie privée d’une entité personnifiée au sens des dispositions du CRPA pour en refuser la communication. Elle incite plus généralement à dépasser le cadre juridique établi par ce même CRPA et les autres textes applicables. Il conviendrait alors que la CADA, puis le cas échéant le juge administratif, déterminent au cas par cas si le refus ainsi opposé sur le fondement de la vie privée ne porterait pas une atteinte excessive à la liberté d’expression entendue ici comme la liberté de se voir communiquer des informations. Il s’agirait en définitive de s’assurer qu’un juste équilibre a été assuré entre les exigences du respect de la vie privée d’une personne morale d’un côté et la liberté d’expression de l’autre. On comprend alors bien les ressources qu’aurait pu offrir une telle jurisprudence à l’association Anticor dans cette affaire. Il en est aussi en particulier au regard des critères définis par la Cour EDH dans son arrêt Magyar Helsinki Bizottsag pour déterminer l’aptitude de la liberté d’accès à l’information à prévaloir sur d’autres intérêts légitimes. Le rôle du requérant : l’association Anticor figure au nombre des « chiens de garde publics » évoqués par la Cour de par son objet social, notamment la lutte « contre la corruption, la fraude fiscale » et la défense d’un « usage régulier et responsable des deniers publics » (Art 1, Statuts d’Anticor). Le but de l’information : l’association contribue par sa demande de communication à un débat sur un sujet d’intérêt général, celui des pratiques fiscales et des stratégies d’évitement de l’impôt des grandes entreprises. La nature des documents sollicités : l’accès aux comptes financiers d’une fondation d’entreprise répond au critère d’intérêt public dans un tel contexte.
Il n’est donc pas nécessaire d’attendre une hypothétique réforme des textes législatifs pour avancer sur la transparence des fondations d’entreprise. Nul besoin d’audace ou de courage puisque les instruments sont d’ores et déjà à portée de la main du juge administratif. La volonté suffirait.
De manière plus générale, l’arrêt Association Anticor doit être apprécié à l’aune d’un contexte tendu qui voit les acteurs de l’économie mondialisée multiplier les initiatives afin de contrecarrer les avancées de la transparence et ainsi le dévoilement de leurs pratiques fiscales et sociétaires. En atteste par exemple l’arrêt préjudiciel récent par lequel la grande chambre de la CJUE a constaté l’invalidité d’une disposition de la directive n°2018/843 en tant qu’elle renforçait l’accès du public au registre des bénéficiaires effectifs des sociétés constituées sur les territoires des Etats membres de l’Union européenne (CJUE, GC, 22 nov. 2022, WM et Sovim SA / Luxembourg Business Registers, Aff. C‑37/20 et C‑601/20). En découvrant une vie privée des fondations d’entreprise, le Conseil d’Etat a donc offert de nouvelles ressources aux contempteurs de la société de la transparence.
Notes:
- X. Dupré de Boulois, « La QPC comme supermarché des droits fondamentaux ou les dérives du contentieux objectif des droits », RDLF 2014 chron. n°02 ↩
- Pour une synthèse récente : X. Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales », in R. Cabrillac, Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 28e éd., 2022 p. 881. ↩
- W. Dross, « La distinction des personnes morales corporatives et des personnes morales fondatives », in X. Dupré de Boulois et Ph. Yolka, Léon Michoud, Institut universitaire Varenne, coll. Colloques & Essais, 2012, p. 211. ↩
- X. Dupré de Boulois, « Contrôle de conventionnalité in concreto : à quoi joue le Conseil d’Etat ? », RDLF 2018 chron. n°04. ↩
- Pour les décrocheurs : Cass. crim., 18 mai 2022, n°20-87.272. Par ailleurs, Cass. crim., 12 oct. 2022, n°21-87005 ↩