Le juge, la loi et la Convention européenne des droits de l’homme
Le contrôle de conventionnalité assuré par les juridictions administratives et judiciaires reste souvent pensé comme un contrôle de compatibilité entre deux normes générales. L’articulation entre la loi et la CEDH se décline en réalité sur des modes divers et parfois subtils. Le présent article se propose d’opérer un état des lieux des différentes jurisprudences et d’en dégager les ressorts. Au total, la loi doit être comprise comme étant assortie d’une clause de sauvegarde ou de garantie de la CEDH. Cette clause détermine, selon les espèces, l’applicabilité, l’interprétation ou l’application de la loi.
Xavier Dupré de Boulois est professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1
Un arrêt rendu le 4 décembre 2013 1 a donné l’occasion à la première chambre civile de la Cour de cassation de donner sa pleine mesure au contrôle de la loi assuré par le juge sur le fondement de l’article 55 de la Constitution. L’affaire mettait en cause l’application de l’article 161 du Code civil qui prohibe le mariage « entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne ». En l’espèce, les parties au litige s’étaient mariées en 1969 et avaient divorcé en 1980. Trois années plus tard, la femme s’est mariée avec le père de son ex-mari sans que ne soit soulevée, notamment par l’officier d’état civil, la nullité du mariage au regard de la prohibition du mariage entre alliés. Ce mariage dura une vingtaine d’années jusqu’au décès du second époux. A l’occasion de l’ouverture de sa succession, son fils souleva la nullité de l’union. La Cour d’appel fit droit à sa demande, l’article 184 du Code civil disposant que « tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles […] 161 […] peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public ». Par son arrêt du 4 décembre 2013, la première chambre civile casse l’arrêt de la Cour d’appel pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) au motif que le prononcé de la nullité du mariage « revêtait, à l’égard de [la veuve], le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans ». Autrement dit, le juge de cassation estime qu’il convient d’écarter la nullité attachée à la prohibition du mariage entre alliés parce que son application en l’espèce serait de nature à heurter les exigences de l’article 8 de la CEDH.
L’arrêt a suscité des réactions nombreuses et parfois très fermes au sein de la doctrine privatiste. Alors qu’un auteur réputé pour son inclination europhile (et animalière) s’est réjoui que la CEDH soit « devenu[e] une machine travaillant inlassablement à rendre flexible la loi d’airain républicaine » 2, un autre auteur connu pour son « républicanisme » intransigeant s’est ému que la première chambre civile ait « bel et bien violé la loi… par refus d’application ! » et a pointé les « dangers de l’équité au nom des droits de l’homme » 3.
Cette affaire est l’occasion de remettre sur l’ouvrage un sujet classique,- les arrêts Société des cafés Jacques Vabre et Nicolo appartiennent au siècle passé -, celui du contrôle de conventionnalité de la loi assuré par les juridictions administratives et judiciaires. La portée et la signification de ce contrôle ne sont pas toujours bien comprises, en particulier lorsque est en cause la CEDH. Du moins est-il souvent analysé en des termes qui ne rendent pas compte de la réalité : le juge assurerait un contrôle de validité qui conduirait selon les cas, à constater la compatibilité de la loi avec les exigences de la CEDH ou à l’inverse et, plus rarement, à écarter l’application de la loi incompatible avec un engagement international 4. Or, comme en atteste, – de manière paroxystique il est vrai -, l’arrêt du 4 décembre 2013, l’articulation entre la loi et la CEDH dans les jurisprudences respectives du juge administratif et du juge judiciaire, se décline sur des modes divers et parfois subtils, que ne résume pas cette alternative binaire (I). Les ressorts de cette articulation résident à la fois dans l’office du juge en vertu de l’article 55 de la Constitution et dans la spécificité du droit de la CEDH (II).
I. Les registres de l’articulation entre loi et CEDH
L’articulation de la CEDH et de la loi est souvent pensée sur le mode d’un rapport de validité entre deux normes générales déterminé par l’article 55 de la Constitution. La pratique juridictionnelle révèle cependant que cette articulation se déploie sur des registres d’une grande variété 5. Pour les besoins de leur exposé, seront mises de côté ici les spécificités respectives des contentieux administratif et judiciaire 6. Elles sont néanmoins susceptibles d’influer sur la nature du contrôle de conventionnalité de la loi. Du côté du juge administratif, l’existence d’un contentieux des normes générales dans le cadre du recours pour excès de pouvoir n’est pas sans conséquence sur ce contrôle. Du côté du juge judiciaire, il convient de pointer le rôle spécifique de la Cour de cassation dont l’office se limite en principe au contrôle de l’application du droit. Les critiques à l’égard de l’évolution de sa jurisprudence s’expliquent aussi souvent par la mutation du rôle de la Cour de cassation qu’elle semble impliquer 7. Par delà cette diversité, les jurisprudences administrative et judiciaire s’inscrivent dans une grande proximité.
A. L’incompatibilité de la loi : l’absolu et le relatif
Bien sûr, les juridictions françaises peuvent être amenées à constater qu’une loi est en elle-même incompatible avec une disposition de la CEDH et qu’il convient donc d’en écarter l’application. Le juge n’étant pas en mesure d’annuler la loi, il se borne à ne pas en faire application dans l’espèce dont il est saisi. Mais le constat opéré par la juridiction suprême vaut invitation aux juridictions du fond de ne pas en faire application dans les litiges qu’elles ont à trancher et au législateur d’y remédier. Les exemples ne manquent pas qui illustrent cette figure classique du contrôle de conventionnalité de la loi devant les juridictions administratives 8 et judiciaires 9.
Il reste que l’évaluation du rapport de validité entre la loi et la CEDH ne se décline pas toujours sur un mode absolu. Il arrive que l’application d’une disposition législative soit écartée de manière expresse dans une espèce donnée sans pour autant qu’il faille y voir l’affirmation d’une incompatibilité radicale entre la loi et la CEDH. Telle est la solution résultant de l’arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2013. La Cour de cassation a pris soin de rappeler dans un communiqué du même jour que « en raison de son fondement, la portée de cette décision est limitée au cas particulier examiné. Le principe de la prohibition du mariage entre alliés n’est pas remis en question ». Elle insiste également sur le fait que « Les circonstances de fait ont joué un rôle déterminant dans cette affaire ». Il n’est donc plus question de la conventionnalité de la loi in abstracto mais de son application conventionnelle in concreto.
Cet arrêt fait écho à un arrêt du Conseil d’Etat moins connu mais dont la solution évoque également la relativité du rapport de validité entre loi et CEDH 10. Le litige mettait en cause une convention de délégation de service public entre un syndicat intercommunal et une société conclue en 1990 et résiliée en 1999 à l’occasion de la dissolution du syndicat. L’opérateur a engagé une action en responsabilité sur la base des clauses du contrat prévoyant une indemnité à la charge des communes en cas de résiliation anticipée de la convention. Le tribunal administratif saisi a constaté la nullité du contrat, – l’acte d’engagement étant entaché d’un vice de légalité externe (signature du contrat avant sa transmission au préfet) -, et a rejeté la demande. Au cours de l’instance d’appel, une disposition législative de validation a été votée qui a eu pour effet de « sauver » le contrat en paralysant la sanction de ce vice de légalité externe. Ecartant la nullité conformément à la loi de validation, la cour administrative d’appel a fait application du contrat et condamné les communes à indemniser la société. Ces dernières se sont alors pourvues en cassation. A leur invitation, le Conseil d’Etat a été appelé à se prononcer sur la compatibilité de la loi de validation avec les exigences de l’article 6-1 de la CEDH dont il résulte notamment qu’une loi ne saurait interférer dans le cours d’un procès sauf à démontrer l’existence d’un motif d’intérêt général. Le Conseil d’Etat s’est refusé à opérer un contrôle abstrait de conventionnalité de la loi. Il a constaté que l’adoption de cette loi était justifiée par la volonté d’assurer la continuité du service public à travers le maintien des contrats en cours. Or, en l’espèce, la convention avait été résiliée sept ans avant l’intervention de la loi de validation. Aussi la haute juridiction a-t-elle considéré que le motif d’intérêt général en cause n’était pas de nature à justifier l’application de la loi de validation. Elle confirme donc la nullité du contrat qui ne pouvait plus servir de fondement au droit à indemnité de la société. C’est donc la considération de la situation concrète de l’affaire qui explique que le juge se refuse à appliquer la loi de validation. Il ne dit pas pour autant que cette dernière est par principe incompatible avec l’article 6 de la CEDH. Le juge se réserve ainsi le droit de constater dans une autre affaire que l’application de la loi de validation est compatible avec les exigences de l’article 6, dans l’hypothèse en particulier où une convention de délégation de service public serait toujours en cours d’exécution au moment du jugement. Le maintien de contrat pourrait alors se justifier au regard du principe de continuité du service public.
Les deux affaires sont très différentes mais on perçoit bien que, dans les deux cas, le juge ne prétend pas constater l’inconventionnalité absolue de la disposition législative en cause mais simplement que son application dans l’espèce dont il est saisi est incompatible avec les exigences de la CEDH.
B. La loi complétée : l’une et/ou l’autre
Cette seconde figure de l’articulation entre loi et CEDH est également connue. Elle est généralement présentée sous les traits de l’interprétation conforme 11. Le juge interprète la loi afin que son application s’opère de manière conforme aux exigences conventionnelles. Mais la loi peut également être complétée d’une autre manière : le juge opère une application cumulative des exigences légales et conventionnelles.
1. L’interprétation conforme
La technique consistant à compléter la loi au stade de son application prend souvent la forme de l’interprétation conforme. Le juge interprète la loi afin qu’elle s’applique dans des conditions conformes aux exigences de la CEDH. Le recours à l’interprétation conforme renvoie à des jurisprudences classiques. Si l’on essaye d’aller plus loin dans son analyse, il semble qu’elle joue essentiellement dans deux situations : soit il est question d’étendre le champ d’application d’une loi ; soit le juge complète le régime juridique défini par la loi.
Au titre de la première hypothèse, deux exemples issus de la jurisprudence de la Cour de cassation peuvent être évoqués. Le premier est en lien avec la fameuse affaire Mazurek 12. Avant la loi du 3 décembre 2001, l’action en retranchement pour atteinte à la réserve héréditaire était ouverte à la seule descendance issue d’une précédente union, c’est-à-dire aux enfants légitimes 13. En l’espèce, une enfant naturelle n’avait donc pas pu se prévaloir de cette disposition alors que son auteur avait, par contrat de mariage, attribué l’intégralité de la communauté à l’épouse survivante. Les juges du fond ont considéré que la protection consentie aux enfants légitimes n’ayant pas été étendue aux enfants naturels, il convenait de ne pas en faire bénéficier la demanderesse. La première Chambre civile casse la décision du fond au visa de l’article 1527 al. 2 « tel qu’il doit être interprété au regard de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 14 de cette Convention ». Elle affirme que « les enfants légitimes nés d’un précédent mariage et les enfants naturels nés d’une précédente liaison se trouvant dans une situation comparable quant à l’atteinte susceptible d’être portée à leurs droits successoraux en cas de remariage de leur auteur sous le régime de la communauté universelle, la finalité de la protection assurée aux premiers commande qu’elle soit étendue aux seconds, au regard du principe de non-discrimination selon la naissance édicté par la Convention européenne des droits de l’homme ».
Un second exemple plus anecdotique concerne l’impartialité d’un juge assesseur siégeant au sein d’une cour d’assises 14. En l’occurrence, l’article 253 du code de procédure pénale dispose que « Ne peuvent faire partie de la cour en qualité de président ou d’assesseur les magistrats qui, dans l’affaire soumise à la cour d’assises, ont, soit fait un acte de poursuite ou d’instruction, soit participé à l’arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l’accusé ». Au visa de l’article 6-1, la chambre criminelle a étendu cette incompatibilité à un magistrat qui a présidé la formation de jugement ayant prononcé le divorce entre la personne poursuivie et son épouse aux torts exclusifs du mari, « en se fondant uniquement sur les faits, objet de son renvoi devant la cour d’assises ». La Cour interprète donc l’article 253 CPP comme étant applicable à un magistrat qui a eu l’occasion de prendre position sur la culpabilité de l’accusé au cours d’une instance civile.
Au titre de la seconde hypothèse, les exemples sont tout aussi nombreux. Du côté du droit administratif, la technique de l’interprétation conforme joue en particulier lorsque la loi reste silencieuse sur les conditions de fond qui déterminent l’exercice d’une compétence administrative. Le juge complète alors la loi pour rendre son application conforme à la CEDH. L’arrêt Association Ekin a ainsi été l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser le régime juridique de la police des publications étrangères 15. En l’espèce, le ministre de l’intérieur a interdit la publication en France d’un journal en application de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. L’arrêté a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. La commissaire du gouvernement M. Denis-Linton a préconisé l’annulation de l’arrêté motif pris de l’incompatibilité de l’article 14 de la loi de 1881 avec les articles 10 et 14 de la CEDH. Le Conseil d’Etat a emprunté une voix moins radicale en faisant le choix de compléter le cadre législatif de la police des publications étrangères en particulier pour ce qui concerne les motifs pouvant justifier une telle mesure. L’article 14 étant silencieux sur lesdits motifs, il précise que « à défaut de toute disposition législative définissant les conditions auxquelles est soumise la légalité des décisions d’interdiction prises sur le fondement de cet article, les restrictions apportées au pouvoir du ministre résultent de la nécessité de concilier les intérêts généraux dont il a la charge avec le respect dû aux libertés publiques, et notamment à la liberté de la presse ». Il incorpore donc la prise en compte des exigences du juste équilibre chères à la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) dans le régime juridique de la police des publications étrangères. Cette tentative de « sauver » ce régime de police sera vaine, la Cour EDH ayant jugé par la suite que le régime en cause était en lui-même incompatible avec l’article 10 de la CEDH 16. Le Conseil d’Etat a suivi une démarche similaire en ce qui concerne le mariage d’un militaire 17. L’article 14 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut des militaires organisait un régime restrictif en la matière. Il disposait que les militaires doivent « obtenir l’autorisation préalable du ministre […] lorsque leur futur conjoint ne possède pas la nationalité française ». La loi ne définissait donc pas les motifs susceptibles de justifier un refus d’autorisation du ministre. La commissaire du gouvernement C. Bergeal a souligné dans ses conclusions que « l’existence de [l’article 12 de la CEDH] renforce cependant la nécessité d’interpréter les dispositions de la loi de 1972 […] comme ne pouvant être utilisées que de manière exceptionnelle et pour des motifs légitimes. » 18. Le Conseil d’Etat va déférer à cette invitation : il complète le régime juridique en vue de le rendre conforme aux exigences conventionnelles en précisant que ce refus n’est possible que pour « des motifs tirés de l’intérêt de la défense nationale ».
De son côté, la chambre criminelle de la Cour de cassation 19 a eu l’occasion de mobiliser cette technique pour renforcer l’encadrement du recours aux écoutes téléphoniques après la condamnation de la France par la Cour EDH dans l’affaire Kruslin et Huvig. A cette occasion, le juge de Strasbourg avait reproché à la loi française de ne pas prévoir suffisamment de garanties au bénéfice des personnes visées par des écoutes téléphoniques 20. A la suite de cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est efforcée de compléter le dispositif trouvant sa base dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale. Sur le moyen tiré de la violation de l’article 8 CEDH et dans le silence des dispositions législatives ci-dessus, elle a précisé le domaine dans lesquels le magistrat instructeur peut avoir recours aux écoutes téléphoniques (« en vue d’établir la preuve d’un crime, ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l’ordre public, et d’en identifier les auteurs ») et affirmé la nécessité de prendre en compte les droits de la défense (« il faut en outre que l’écoute soit obtenue sans artifice ni stratagème, et que sa transcription puisse être contradictoirement discutée par les parties concernées, le tout dans le respect des droits de la défense »). La loi du 10 juillet 1991 relatives aux écoutes téléphoniques reprendra largement cette jurisprudence elle-même inspirée par les décisions de la Cour EDH.
2. L’application cumulative
Le juge va ici faire une application cumulative de la loi et des exigences conventionnelles. Cette seconde technique n’est pas très éloignée de la précédente et il est parfois possible d’hésiter sur la répartition de certains exemples entre ces deux figures. Les situations se différencient en ce que la prise en compte des exigences de la CEDH n’est pas incorporée au sein de la disposition législative elle-même. Sa mise en œuvre est simplement complétée par l’application simultanée d’une autre règle dont l’essence européenne est assumée.
L’application cumulative est susceptible de multiples variations. Sa signification dépend de la nature de l’articulation qui s’opère entre la loi et la CEDH. Elle est plus ou moins « traumatisante » pour la loi. Parfois, la loi se borne à poser une habilitation d’agir sans définir de régime juridique. La référence à la CEDH permet alors de déterminer des conditions de fond ou de forme auxquelles est subordonné l’exercice d’une compétence. Dans d’autres hypothèses, la loi détermine déjà un régime juridique. L’application cumulative des exigences conventionnelles peut alors être discutée, en particulier lorsque le législateur a entendu définir de manière exhaustive les règles applicables à une situation donnée. Enfin, il arrive que la loi présente un régime juridique « fermé », généralement une prohibition, de telle sorte que l’application cumulée suppose de déroger à cette prohibition. Il est alors plutôt question d’application supplétive puisque l’application de la loi est écartée.
La première hypothèse est celle d’une loi qui se borne à accorder une compétence sans en définir les conditions d’exercice. Elle rappelle les affaires Association Ekin et Nerzic mais le juge ne mobilise pas la technique de l’interprétation conforme. Il complète l’application de la loi en recourant directement à la CEDH. Telle a été la démarche prescrite par la Chambre criminelle à l’occasion d’un arrêt du 25 mai 2005 21. Etait en cause une requête en relèvement d’une peine d’interdiction définitive du territoire français devant le juge pénal. Or, le Code de procédure pénale (702-1 et 703 CPP), s’il reconnaît au juge la faculté de prononcer une telle décision, ne détermine pas les motifs pouvant justifier l’octroi ou le refus d’octroi d’un tel relèvement. Ce dernier se voit donc conférer un pouvoir « discrétionnaire ». L’application cumulative de la CEDH va alors permettre d’encadrer son exercice. La chambre criminelle casse un arrêt d’appel pour défaut de base légale au motif qu’elle n’a pas recherché « si le maintien de la mesure en cause respectait un juste équilibre entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et, d’autre part, les impératifs de sûreté publique, de prévention des infractions pénales et de protection de la santé publique, prévus par l’article 8 de la CEDH ».
La seconde hypothèse est plus complexe. La loi détermine une compétence et définit son régime juridique. Le juge procède alors à l’application cumulative de deux séries de règles. Il exclut ainsi l’éventuelle prétention de la loi à régir la situation de manière exhaustive et exclusive. Les exemples sont nombreux. Dans la jurisprudence judiciaire, le plus emblématique met en cause la récusation des magistrats 22. L’article 341 du Code de procédure civile énumère huit cas dans lesquels la récusation d’un magistrat est admise. La Cour de cassation a longtemps jugé que cette liste était limitative 23. Elle considérait donc que l’article 341 déterminait à titre exclusif les motifs de récusation des magistrats. Le problème est que ceux-ci ne permettaient pas de saisir toutes les situations dans lesquelles la Cour EDH identifie des atteintes à l’impartialité du tribunal, et notamment lorsque est en cause l’impartialité objective. Après avoir visé l’article 6-1 CEDH, la première chambre civile casse un arrêt d’appel en jugeant que l’article 341 CPC « qui prévoit limitativement huit cas de récusation, n’épuise pas nécessairement l’exigence d’impartialité requise de toute juridiction ». Il en résulte que l’appréciation de l’impartialité du tribunal doit s’apprécier en cumulant les huit causes de récusation figurant à l’article 341 CPC et les exigences de l’article 6-1 CEDH. La Chambre criminelle a adopté un démarche similaire lorsqu’elle a jugé que la régularité d’une perquisition dans les locaux d’une société de presse doit s’apprécier non seulement au regard des dispositions spécifiques du code de procédure pénale relative aux perquisitions dans les locaux des entreprises de presse (art. 56-2 CPP) mais aussi en tenant compte des exigences de l’article 10 de la CEDH relatif à la liberté d’expression 24.
La jurisprudence administrative n’est pas non plus avare d’illustrations. La plus évidente est constituée par l’arrêt Babas 25. Dans cette affaire, la requérante avait demandé l’annulation d’un arrêté d’expulsion en se prévalant notamment d’une atteinte à leur vie familiale au sens de l’article 8 de la CEDH. A l’époque, la législation pertinente intégrait déjà la référence à la vie familiale parmi les conditions légales de l’expulsion en définissant des catégories d’étrangers non-expulsables. La question s’est posée de savoir s’il pouvait être fait en sus application des exigences de la CEDH pour assurer la prise en compte de la vie familiale d’étrangers ne figurant pas dans ces catégories légales. Cette dernière devait-elle être interprétée comme ayant entièrement défini le régime juridique applicable à l’expulsion ? 26 Le Conseil d’Etat a répondu par la négative. Il juge que « la mesure d’expulsion [prise à l’encontre du requérant] a, eu égard à la gravité de l’atteinte portée à sa vie familiale, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l’ordre public » et qu’elle a donc « été prise en violation de l’article 8 de la convention ». L’appréciation des exigences liées à la vie familiale s’apprécie donc à la fois au regard des dispositions de l’ordonnance de 1945 et de celles de l’article 8 de la CEDH 27.
Le juge administratif s’est inscrit dans la même veine lorsqu’il a été amené à se prononcer dans un litige relatif à la mutation d’un militaire 28. Un officier de gendarmerie contestait son arrêté de mutation en se prévalant notamment d’une violation de l’article 8 de la CEDH. Cette mutation était en effet de nature à entraver l’exercice de son droit de visite auprès de sa fille. Si les règles de la fonction publique civile prévoient la prise en compte de la situation personnelle et familiale de l’agent en cas de mutation, telle n’était pas le cas de la loi de 1972 portant statut des militaires qui se bornait à évoquer l’intérêt du service. Le Conseil d’Etat apprécie la compatibilité de l’arrêté de mutation avec les exigences de l’article 8 de la CEDH et opère ainsi une application cumulative de la loi de 1972 et de la CEDH.
La troisième hypothèse a une signification différente pour la loi puisqu’elle conduit à en écarter la mise en œuvre. La loi pose une interdiction dont l’application va être contrariée en raison des exigences de la CEDH. En fait d’application cumulée, il est donc plutôt question d’application supplétive de la convention. Cette hypothèse est celle de l’arrêt de la première chambre civile du 4 décembre 2013. Le recours à l’article 8 de la CEDH a supposé en l’espèce de faire litière de la sanction attachée à la prohibition législative du mariage entre alliés.
Il est intéressant de constater que ce résultat,- la prise en compte des exigences conventionnelles à rebours d’une disposition législative -, est parfois assuré par le recours à la technique supposée plus « douce » de l’interprétation conforme. La jurisprudence Bitouzet en donne une bonne illustration 29. En l’occurrence, L. 160-5 du Code de l’urbanisme pose le principe de la non indemnisation des servitudes d’urbanisme tout en réservant deux cas d’indemnisation limités 30. Dans cette affaire, le requérant invoquait notamment l’incompatibilité de cette disposition avec l’article 1er du protocole 1er en tant qu’elle a conduit à le priver de toute indemnité pour compenser le déclassement en zone inconstructible de terrains lui appartenant. Après avoir repris les termes de la disposition litigieuse et avoir pointé les cas d’indemnisation qu’elle prévoit, le Conseil d’Etat affirme que « cet article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d’une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l’ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi » et il conclut « que, dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme serait incompatible avec les stipulations de l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH ». Formellement, le juge recoure à l’interprétation conforme. En réalité, le résultat est tout aussi « perturbateur » pour la loi qu’avec l’arrêt du 4 décembre 2013. Par sa décision, le Conseil d’Etat atténue la portée d’une prohibition dictée par la loi. Elle ne s’applique pas lorsque sa mise en œuvre conduirait à faire supporter au propriétaire en cause « une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi ». Il peut être relevé que le Conseil d’Etat a mis ses pas dans ceux de la Cour EDH puisqu’elle utilise cette même grille de lecture dans la mise en œuvre du protocole 1er 31. Mais en paraphrasant l’arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2013, le juge administratif aurait pu écrire dans son arrêt Bitouzet que l’application du principe de non indemnisation des servitudes d’urbanisme issu de l’article L. 160-5 en l’espèce porte atteinte de manière excessive à l’article 1er du protocole 1er, qu’il convient d’en écarter l’application et de mettre en oeuvre la grille de lecture du protocole 1er et donc de déterminer si le propriétaire a subi une charge spéciale et exorbitante 32. Inversement, avec les mots de l’arrêt Bitouzet et dans le registre de l’interprétation conforme, l’arrêt du 4 décembre 2013 aurait pu être rédigé de la manière suivante : la loi prohibe le mariage entre alliés, cette interdiction s’interprète comme réservant la possibilité de ne pas l’appliquer lorsque sa mise en œuvre entraine des conséquences excessives pour la vie privée et familiale du requérant.
Le recours à la technique de l’interprétation conforme présente un grand intérêt pour le juge. Sa démarche paraît en effet plus respectueuse de l’œuvre du législateur. Formellement, l’application de la loi n’est pas écartée par le juge, elle fait seulement l’objet d’une interprétation. Par ailleurs, elle continue seule à régir la situation litigieuse puisqu’elle « s’incorpore » les exigences de la Convention. A cette aune, l’arrêt du 4 décembre 2013 n’est donc pas novateur.
C. L’application combinée de la loi et de la CEDH
Cette figure n’est pas sans rappeler celle de l’application cumulée. Elle se particularise en ce que la norme législative et la norme internationale ne se distinguent pas vraiment sur le fond. Elle recouvre deux situations : la majeure appliquée par le juge est une règle déduite à la fois de la loi française et de la CEDH ; le juge applique indifféremment la loi et la CEDH qui posent des exigences équivalentes.
La première hypothèse s’illustre dans le contentieux administratif relatif aux traitements de données à caractère personnel par les personnes publiques. Le Conseil d’Etat a dégagé un principe déduit de la combinaison de l’article 8 CEDH et de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés en vertu duquel « l’ingérence dans l’exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d’informations personnelles nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces finalités » 33.
La seconde hypothèse est particulièrement évidente en droit des étrangers. En la matière, la législation française a été progressivement modifiée afin d’intégrer les exigences conventionnelles. Certaines dispositions du CESEDA évoquent une codification de la jurisprudence rendue sur le fondement de la CEDH et en particulier son article 8. Le contentieux de la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est topique à cet égard. L’article L. 313-11 CESEDA dispose notamment que la carte est octroyée de plein droit « à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie (…), dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». Le législateur ayant lui-même repris à son compte la grille d’application définie par la Cour EDH sur la base de l’article 8 de la CEDH, la référence à la convention dans le contentieux du refus de délivrance de cette carte devient redondante. Elle est néanmoins récurrente 34. Cette application alternative de la loi et de la CEDH s’explique par la nature des moyens articulés par les requérants au soutien de leurs requêtes.
Le même constat s’impose en droit du travail lorsque sont en cause des mesures patronales susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux des salariés. L’article L. 1121-1 du Code du travail dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». La norme législative intégrant elle-même le souci du respect des droits et libertés et du juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, la référence à la CEDH tend à devenir inutile. Tout juste fournit-elle un catalogue de « libertés individuelles et collectives » au juge. Mais la jurisprudence donne à voir elle aussi une application alternative de l’article L. 1121-1 du Code du travail 35 et de la CEDH 36 dans un même contentieux.
II. Les ressorts de l’articulation entre loi et CEDH
L’étude de la jurisprudence révèle la diversité des registres de l’articulation de la loi et de la CEDH devant les juridictions administratives et judiciaires. Cette richesse peut s’expliquer de deux manières. Il convient d’abord de revenir sur l’office particulier du juge ordinaire au titre de l’article 55 de la Constitution (A). Force est également de constater que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg n’incite par le juge ordinaire à faire preuve d’un excès de révérence pour sa loi nationale (B).
A. L’office du juge ordinaire
Les différences jurisprudences évoquées précédemment se déploient sous les auspices de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. Il a déjà été signalé que l’articulation entre loi et convention internationale est souvent pensée en termes de contrôle de validité. Toute la question est de déterminer la signification de ce contrôle de validité appliqué au contentieux ordinaire. Elle peut être définie à travers deux distinctions.
1. Validité et application préférentielle (de la norme internationale)
Cette première distinction a déjà une vieille histoire puisqu’elle est apparue dans le débat doctrinal au milieu de XIXe siècle. Son émergence est liée au contentieux suscité par l’application de différentes lois en matière de baux ayant entendu écarter les ressortissants étrangers du bénéfice de droits reconnus aux bailleurs et aux preneurs. Ces lois ne réservaient pas systématiquement l’application des conventions d’assimilation conclues avec plusieurs Etats mais les travaux parlementaires ne laissaient aucun doute sur le caractère volontaire de cette omission. Les conséquences que devaient en tirer les juridictions civiles ont suscité des décisions contradictoires et un riche débat doctrinal 37. Certains auteurs ont réfuté la possibilité pour le juge d’écarter l’application de ce type de dispositions législatives au motif qu’il ne lui appartenait pas de s’ériger en juge de la constitutionnalité de la loi 38. Pour parer cette assimilation avec le contrôle de constitutionnalité de la loi, d’autres auteurs ont proposé une lecture différente. L’idée était que lorsque le juge ordinaire applique un traité au dépend des dispositions d’une loi, il se borne à choisir entre deux normes de rang hiérarchique différent en application d’une règle de conflit posée par la Constitution, son article 28 sous l’empire de la Constitution de 1946, son article 55 depuis lors. Le Conseiller Pepy relevait en ce sens que « les tribunaux, placés en face de deux règles juridiques, l’une inscrite dans un traité, l’autre définie par la loi interne, sont avertis par le législateur français lui-même, exprimant sa volonté sous la forme d’un principe constitutionnel, que s’il y a conflit entre ces deux règles, c’est la première qu’ils doivent appliquer » 39. Le juge se bornerait donc à déterminer la norme applicable sans avoir à apprécier la validité de la norme qu’il écarte. Il serait question d’un contrôle d’applicabilité de la loi et non d’un contrôle de sa validité. Cette thèse de l’application préférentielle 40 a été avancée par la suite par le procureur général Touffait dans ses conclusions sur l’arrêt Société des cafés Jacques Vabre 41. En droit administratif, cette analyse a aussi fait son chemin pour les mêmes raisons. Elle a été reprise par certains contempteurs 42 de la jurisprudence du Conseil d’Etat Syndicat général des fabricants de semoules de France 43, jurisprudence qui reposait également sur la confusion entre contrôle de conventionnalité et contrôle de constitutionnalité 44. Après l’arrêt Nicolo, elle a encore été évoquée par Martine Laroque dans ses conclusions sur l’arrêt Société Arizona Tobacco Products : « vous n’avez pas dans votre décision Nicolo posé le principe d’un contrôle de légalité du juge sur la loi, qui pourrait aboutir à une censure de celle-ci. Vous avez en réalité révisé ou rétabli la hiérarchie des normes juridiques, conformément à l’article 55 de la Constitution, en faisant prévaloir en cas de discordance entre une norme internationale et une norme nationale fût-elle législative, la norme internationale, en excluant le facteur temps. Ceci vous conduit non pas à vous prononcer sur la validité d’une loi postérieure à un traité international, mais sur son opposabilité ou son applicabilité à une situation donnée » 45.
Cette analyse a été dénoncée comme occultant la réalité du raisonnement du juge : l’application préférentielle ne chasse pas le contrôle de la validité, du moins lorsque les deux normes en cause ont le même objet. Dans ses conclusions sur l’arrêt Nicolo 46, Patrick Frydman a ainsi relevé que « si le juge écarte l’application de la loi, c’est bien en définitive, et quelles que soient les méandres du raisonnement suivi, parce qu’il considère que celle-ci ne saurait trouver application du fait même de sa contrariété au traité ». De même, Ronny Abraham a-t-il affirmé que « lorsque deux normes ont un même objet et disent le contraire, ne pas appliquer la plus récente, c’est nécessairement la tenir pour nulle » 47.
La thèse de l’application préférentielle renseigne en définitive sur ce qu’est l’office du juge ordinaire : il lui appartient d’écarter l’application de la loi lorsqu’il n’est pas possible de concilier les deux normes dans l’espèce dont il est saisi. Cette opération n’efface pas le contrôle de validité. Mais il s’agit alors d’un contrôle de validité spécifique : il est situé dans un litige. Il n’est alors pas tant question de validité de la loi que de son application valide.
2. Validité et application valide (de la loi)
Cette seconde distinction permet de mettre en valeur la nature du contrôle assuré par le juge ordinaire lorsqu’il lui appartient de déterminer la norme applicable au litige. Il doit veiller à ce que la loi s’applique dans des conditions compatibles avec l’engagement international dans l’espèce dont il est saisi. Ni plus, ni moins. La portée de cette exigence dépend largement des données du litige. Celles-ci informent le rapport entre les deux normes de telle sorte que celui-ci est éminemment relatif. Historiquement, cette relativité a d’abord été mise en avant au sujet du contrôle de conventionnalité dans le cadre du contentieux constitutionnel. On pense bien sûr à la décision IVG du 15 janvier 1975. Pour écarter le principe d’un contrôle de conventionnalité de la loi sur le fondement de l’article 61, le Conseil constitutionnel a avancé plusieurs arguments : « la supériorité des traités sur les lois, dont le principe est posé à l’article 55 précité, présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d’une part, à ce qu’elle est limitée au champ d’application du traité et, d’autre part, à ce qu’elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des Etats signataires du traité et le moment où doit s’apprécier le respect de cette condition ». Ce considérant a fait l’objet de vives critiques 48 et il a été abandonné par la suite. Cette relativité est plus significative lorsque qu’est en cause le contrôle assuré par les juridictions ordinaires. Comme l’attestent les développements précédents, l’articulation entre loi et norme internationale ne se décline pas sur la base d’un modèle unique. Il est parfois question d’écarter l’application de la loi en ce qu’elle serait incompatible avec le traité. Le contentieux objectif des normes est un lieu privilégié pour cette figure du contrôle. Mais on sait aussi que cette incompatibilité peut être relative, limitée à l’affaire dont est saisi le juge (I. A.). Plus souvent, il est simplement tenu compte des exigences conventionnelles à l’occasion de l’application de la loi dans l’espèce dont le juge est saisi soit à travers son interprétation conforme (I.B.1.) soit par l’application cumulative de la norme conventionnelle (I.B.2) soit même par son application supplétive (I.B.2). Tout se passe alors comme si l’application de la loi devait être assortie d’une sorte de clause de sauvegarde qui aurait vocation à jouer de manière variable selon les espèces. Enfin, il peut être relevé que ces différents modèles de contrôle sont susceptibles de jouer de manière cumulative et successive dans une même affaire 49. Le juge peut d’abord être invité à déterminer si la loi est conventionnelle en son principe. Si telle est le cas, il est aussi susceptible d’apprécier si son application dans l’affaire dont il est saisi s’est opérée dans des conditions compatibles avec la convention . Il cumule donc contrôle abstrait de compatibilité et contrôle concret de l’application valide.
B. La spécificité de la CEDH
La CEDH a acquis dans le prétoire des juridictions ordinaires une place sans commune mesure avec les autres conventions internationales protectrices des droits de l’homme telles que les deux pactes onusiens du 16 décembre 1966 ou encore la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Cette situation avantageuse s’explique de deux manières d’inégale importance. En premier lieu, l’ensemble de ses dispositions sont pourvues de l’effet direct c’est-à-dire qu’elles créent directement des droits dont les particuliers sont susceptibles de se prévaloir et de solliciter la réalisation devant le juge. En second lieu, la CEDH a institué une juridiction pour en sanctionner les violations. Il en résulte qu’une épée de Damoclès pèse de manière constante sur les juges nationaux : le risque de voir leurs appréciations dans une espèce donnée remises en cause par la Cour de Strasbourg, risque dont la réalisation entrainera la condamnation de l’Etat français. Cette configuration donne une autorité particulière à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en même temps qu’elle invite les juridictions françaises à s’approprier le raisonnement du juge européen, raisonnement qui ne se caractérise pas par un excès de considération pour la loi nationale.
1. Une autorité particulière
La Cour de Strasbourg estime que « ses arrêts servent non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les États, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de Parties contractantes » 50. Elle prétend ainsi affirmer l’autorité absolue de chose interprétée de ses arrêts. Les États et notamment leurs juridictions sont liés par la CEDH telle qu’interprétée par la Cour. Il en résulte qu’un État peut être condamné devant la Cour EDH au motif que l’une de ses juridictions a développé une interprétation dissidente de la Convention. La solution est logique puisque la Cour est censée intervenir après l’épuisement par le requérant individuel de toutes les voies de recours internes.
Les juridictions françaises n’ont pas une conception uniforme de l’autorité de la chose jugée par la Cour EDH. Formellement, les juridictions administratives ne reconnaissent pas d’autorité particulière à l’interprétation délivrée par le Cour EDH en dehors de l’espèce qui a suscité cette interprétation. C’est ce qu’a voulu signifier le Conseil d’État lorsqu’il a affirmé que les arrêts de la Cour ne sont pas revêtus de l’autorité absolue de chose jugée 51. Toutefois, les juridictions administratives ne peuvent rester insensibles au fait qu’une interprétation dissidente est de nature à entraîner la condamnation de l’État devant la Cour EDH. Aussi s’efforcent-elles d’aligner leur interprétation de la Convention sur celle développée par la Cour EDH. Dès 1978, le commissaire du gouvernement Daniel Labetoulle, soulignait que « en pur droit, vous disposez d’un pouvoir d’interprétation autonome et souverain, tout à fait comparable à celui qui vaut à l’égard des normes de droit interne, dans lesquelles d’ailleurs les stipulations de la convention s’incorporent. Il reste, cependant, que des considérations de convenance et de réalisme politique rendraient inopportune une opposition radicale entre votre interprétation, sur un point donné, de la convention, et celle qu’aurait antérieurement dégagée la cour. » 52. Encore récemment, le vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé a souligné que « en pratique, le Conseil se conforme à la jurisprudence de la Cour à laquelle il reconnaît de facto des effets erga omnes » 53. Et il n’est qu’à lire les conclusions des rapporteurs publics pour constater le souci de la juridiction administrative de mettre ses pas dans ceux de la jurisprudence européenne et d’éviter ainsi la remise en cause de ses appréciations par le juge strasbourgeois 54.
Traditionnellement, la Cour de cassation accorde une autorité plus importante aux interprétations de la Cour confirmant une plus grande appétence que son homologue du Palais Royal pour l’Europe 55. Il y a plus de dix ans, son premier président Guy Canivet estimait ainsi que le juge « doit appliquer le droit interne au regard des dispositions de la Convention telles qu’elles sont interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme » 56. En dernier lieu, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a affirmé par quatre arrêts que « les Etats adhérents à cette Convention sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation » 57. On croirait lire la Cour EDH…
Même si elle n’est pas formellement reconnue par le Conseil d’Etat, l’autorité de la chose interprétée des arrêts de la Cour EDH est désormais une réalité dans la pratique des juridictions françaises. Ces dernières sont ainsi amenées à appréhender la loi d’une manière qui n’est pas sans évoquer la jurisprudence de Cour de Strasbourg.
2. Une approche spécifique
Il n’est pas douteux que la perspective du juge européen ne conduit pas à un excès de révérence pour la loi. La Cour de Strasbourg a été établie afin d’assurer le respect par les Etats de leurs engagements (art. 19 CEDH) et elle est saisie par voie de requête individuelle à la suite de l’épuisement des voies de recours interne. Elle est donc saisie d’un litige individuel et il lui appartient de déterminer si, dans l’espèce en cause, l’Etat a ou non violé les dispositions de la Convention. Son office n’est donc ni d’apprécier de manière abstraite la conventionnalité de la législation de l’Etat 58 ni de s’assurer que le juge national ou l’autorité administrative a appliqué la loi. Il en résulte que l’Etat peut être condamné alors que les juridictions nationales se sont bornées à mettre en oeuvre leur législation nationale et sans même que sa conventionnalité ne soit remise en cause. La loi ne forme pas un écran entre le juge européen et la situation concrète dont il a à connaître. La Cour a ainsi récemment rappelé que « sa tâche ne consiste donc point à contrôler in abstracto la loi et la pratique pertinentes, mais à rechercher si la manière dont elles ont été appliquées au requérant a enfreint la Convention » 59.
La jurisprudence européenne connaît de nombreux exemples dans lesquels la Cour constate que le juge français aurait dû appliquer ou interpréter la loi conformément aux exigences conventionnels voire qu’il aurait dû s’en écarter en l’espèce.
La Cour EDH évoque parfois la nécessité d’une interprétation conforme. Tel a été le cas dans une affaire récente mettant en cause une disposition du Code civil 60. A l’occasion d’une procédure de divorce, un mari a été condamné à payer à sa femme une prestation compensatoire par l’abandon de ses droits de propriété sur un bien immobilier en application de l’article 275 du Code civil. Il conteste les modalités de versement de la prestation compensatoire au regard de l’article 1er du protocole 1er. La Cour EDH va se ranger à son argumentation. Elle relève notamment que « le tribunal de grande instance et la cour d’appel de renvoi ont interprété la loi interne comme les autorisant à faire usage de la cession forcée d’un bien du requérant comme modalité de versement de la prestation compensatoire, sans avoir à tenir compte sur ce point de l’importance de son patrimoine ni de la volonté du débiteur de proposer d’autres biens à titre de versement ». Elle conclue « qu’il y a eu rupture du juste équilibre devant régner entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu ». La Cour remet donc en cause l’interprétation de l’article 275 du Code civil retenue par les juges du fond et estime, en creux, qu’elles auraient dû tenir compte de l’article 1er du protocole 1er à l’occasion de cette opération d’interprétation.
La Cour invite aussi souvent le juge national à s’écarter du strict respect de la loi. Cette démarche est très nette dans un autre arrêt récent 61. En l’espèce, un procureur avait refusé d’ordonner l’effacement d’une fiche dans le fichier STIC à la suite d’une décision de classement sans suite dans une affaire de violence conjugale. En effet, l’article 230-8 du Code de procédure pénale dispose que le procureur n’a le pouvoir d’ordonner un tel effacement que dans l’hypothèse d’un non-lieu ou d’un classement sans suite motivé par une insuffisance des charges, outre les cas de relaxe ou d’acquittement pour lesquels l’effacement est de principe. Or tel n’était pas le cas en l’espèce puisque le classement sans suite faisait suite à une médiation pénale. La Cour EDH constate que le procureur a fait une application stricte du code de procédure pénale (§41) et conclut qu’en l’espèce, il a été porté une atteinte disproportionnée à la vie privée de requérant. Elle sous-entend donc que le procureur aurait dû s’émanciper du cadre législatif afin de réaliser un juste équilibre entre les intérêts en cause. De même, dans une affaire dans laquelle des occupants sans titre du domaine public maritime ont été condamnés à acquitter une amende au titre d’une contravention de grande voirie et à remettre les lieux en l’état, le Cour relève que « la question de la légalité de la construction de la maison ne doit pas entrer en ligne de compte en l’espèce » pour apprécier l’existence ou non d’une violation de l’article 1er du protocole 1er 62.
En guise de conclusion
L’étude des jurisprudences des juridictions administratives et judiciaires peut se résumer de la manière suivante : la loi est désormais assortie d’une sorte de clause de sauvegarde ou de clause de réserve en faveur de la CEDH. Cette clause détermine, selon les espèces, l’applicabilité, l’interprétation ou l’application de la loi. L’article 55 de la Constitution confère donc un pouvoir important au juge, pouvoir qui ne résume pas à la logique binaire opposant constat de compatibilité et déclaration d’incompatibilité de la loi. Comme l’atteste la polémique suscitée par l’arrêt de la première chambre civile du 4 décembre 2013, chacun réagit à cette donne pas si nouvelle en fonction de ses convictions, de sa sensibilité ou encore de son habitus disciplinaire. Nous nous bornerons en conclusion à situer ces jurisprudences au sein de notre système juridique.
On doit d’abord concéder que le contrôle dont il a été rendu compte n’est pas en soi spécifique à la CEDH. Il a vocation à concerner l’ensemble des engagements internationaux. Il est évident cependant que l’existence d’une juridiction dédiée n’est pas sans influence sur le niveau de contrainte exprimée par l’instrument en cause et donc sur sa prise en compte pour le juge ordinaire. Il en est de même pour l’autre Europe et son juge. Les exigences liées au droit de l’Union européenne ont également conduit au développement d’une jurisprudence assez similaire des juridictions françaises. Elle a été systématisée à travers un dégradé des formes d’invocabilité du droit de l’Union européenne : l’invocabilité de substitution, l’invocabilité d’interprétation conforme, l’invocabilité d’exclusion et l’invocabilité de réparation. Il a été également mobilisé pour rendre compte de l’invocabilité de la CEDH en droit français 63. Une recherche serait nécessaire pour comparer la pratique du juge ordinaire en tant que juge de droit commun de l’Union européenne et en tant que juge de droit commun de la CEDH. Notre intuition est qu’il existe des différences entre elles qui sont liées à la nature de ces instruments internationaux. Il est possible d’en identifier deux. En premier lieu, le droit de l’Union européenne se présente sous la forme d’un véritable corpus législatif à travers un droit dérivé particulièrement dense et détaillé. Il en résulte qu’il laisse moins de liberté au juge que la CEDH. Même lorsqu’il est amené à écarter une disposition législative, le juge trouve souvent un véritable régime juridique de substitution dans le droit de l’Union. A l’inverse, la CEDH est surtout une énumération de droits largement indéterminés. Si la jurisprudence de la Cour de Strasbourg joue un rôle essentiel pour préciser la portée desdits droits, elle ne saurait être comparée aux régimes juridiques définis par les règlements et directives de l’Union européenne. En second lieu, la CEDH a vocation à s’appliquer dans tous les domaines du droit alors que le champ d’application du droit de l’Union européenne est plus restreint. Il est déterminé par les compétences de l’Union et limité, pour l’essentiel aux questions économiques lato sensu, au droit des étrangers et à certains aspects du droit pénal. De la loi fiscale à la procréation médicalement assistée en passant par la protection du littoral et la presse à scandale, on ne voit guère de situations dans lesquelles la CEDH n’a pas son mot à dire. Au regard de ces deux séries d’éléments, on peut donc comprendre que le droit de l’Union européenne ne suscite pas le même émoi que la CEDH chez ceux qui dénoncent l’érection d’un gouvernement des juges.
Par ailleurs, cette jurisprudence atteste de la différence de nature entre le contrôle assuré par le juge ordinaire sur le fondement de l’article 55 de la Constitution et le contrôle de constitutionnalité dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) 64. Inspirée du modèle du contrôle de constitutionnalité a priori, la procédure de QPC se traduit par un contrôle de validité de nature objective entre deux normes générales susceptible de conduire à la disparition erga omnes de la disposition législative contestée. A l’inverse et mis de côté le contentieux administratif du règlement, le contrôle de conventionnalité est un contrôle situé, dont la configuration est déterminée par les données du litige et dont on a pu constater que le résultat est d’une grande variété Chaque contrôle présente des avantages. Le contrôle de conventionnalité autorise le « sur-mesure ». Dans une affaire telle que celle en cause dans l’arrêt du 4 décembre 2013, il est probable qu’une QPC à l’encontre de l’article 161 du Code civil n’aurait pu prospérer, la loi en tant que telle n’étant pas en cause. De son côté, la procédure de QPC offre une plus grande sécurité juridique même si la question des effets dans le temps des décisions d’abrogation pose de redoutables difficultés. La mise en place de la procédure d’avis consultatif par le protocole n°16 de la CEDH devrait contribuer à renforcer la prévisibilité du contrôle de conventionnalité. Il stipule qu’à l’occasion d’affaires pendantes devant elles, les juridictions suprêmes de chaque ordre juridictionnel pourront adresser à la Cour des demandes d’avis consultatif sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles. Son entrée en vigueur 65 devrait relancer les interrogations sur les mérites comparés de ces deux voies de contestation de la loi.
Notes:
- Cass. Civ. 1, 4 décembre 2013, n°12-26.066. ↩
- J.-P. Marguénaud, RTDC 2014. 307. ↩
- F. Chénedé, D. 2014. 179. ↩
- Les ouvrages d’enseignement à destination des étudiants de L1 et L2 abordent le plus souvent le contrôle de conventionnalité de la loi au prisme de cette distinction binaire : Ph. Malinvaud, Introduction à l’étude du droit, LexisNexis, 2014, 14e éd., n°78 et n°254 ; F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 9e éd., 2012, n°267 et s. ; D. Mainguy, Introduction générale au droit, LexisNexis, 2010, 5e éd., n°177 ; B. Beignier et a., Introduction au droit, LGDJ, 2014, n°115 et s. ; J. Waline et J. Rivero, Droit administratif, Dalloz, 14e éd., 2002, n°75 et s. ; B. Stirn et Y. Aguila, Droit public français et européen, Dalloz, p. 159 ; J. Petit et P.-L. Frier, Précis de droit administratif, Monchrestien, 6e éd., 2010, n°79 et s. ; P. Chretien et a., Droit administratif, Sirey, 14e éd., 2014, n°183 ; M. Lombard et a., Droit administratif, Dalloz, 10e éd., 2013, n°53 et s. ↩
- Sur ce sujet, voir un article précurseur : R. de Gouttes, « La Convention européenne des droits de l’homme et le juge français », RIDC 1999.7. Pour une perspective de droit administratif, voir les conclusions de N. Boulouis sur CE Sect., 10 novembre 2010, Communes de Palavas-les-Flots et de Lattes, RFDA 2011.124 et d’E. Geffray sur CE Ass., 13 mai 2011, M’Rida, RFDA 2011.789. ↩
- Sur cette différence, voir la note de B. Genevois sous CE Ass., 22 octobre 1979, AJDA 1980.39. ↩
- Sur cette question, Ph. Jestaz, J.-P. Marguénaud, Ch. Jamin, « Révolution tranquille à la Cour de cassation », D. 2014.2061. ↩
- Ex. : CE, 27 octobre 2000, Vignon, Rec. 467. ↩
- Ex. : Cass. Crim., 6 mai 1997, Bull. crim. n°170 ; Cass. Crim., 4 septembre 2001, Amaury, Bull. Crim. n°170 ↩
- CE, 10 novembre 2010, Commune de Palavas-les-Flots et Commune de Lattes, Rec. 429. ↩
- Notamment, F. Sudre, « A propos du dialogue des juges et du contrôle de conventionnalité », Les dynamiques du droit européen en début de siècle. Etudes en l’honneur de Jean-Claude Gautron, Pédone, 2004, p. 207. ↩
- Cass. Civ. 1, 29 janvier 2002, Bull. I n°32. ↩
- Cass. Civ. 1, 8 juin 1982, Bull. I n°214. ↩
- Cass. Crim., 30 novembre 1994, Bull. crim. n°390. ↩
- CE Sect., 9 juillet 1997, Rec. p. 300. ↩
- CEDH, 17 juillet 2001, Association Ekin / France, n°39288/98. ↩
- CE, 15 décembre 2000, Nerzic, Rec. 618. ↩
- RFDA 2001.725. ↩
- Cass. Crim., 15 mai 1990, Bacha, Bull. Crim. n°193. ↩
- CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig / France, n°11801/85. ↩
- Cass. Crim., 25 mai 2005, Bull. Crim. n°158. ↩
- Cass. Civ. 1, 28 avril 1998, Bull. I n°155, R. Perrot, RTDC 1998.744. Un exemple proche : Cass. Soc., 2 décembre 2014, Soc. TVO, n°13-16717. ↩
- Cass. Civ. 2, 14 décembre 1992, Bull. II n°314. ↩
- Cass. Crim., 5 décembre 2000, Bull. Crim. n°362, Ph. Conte, JCP 2001,II,10615. Pour un autre exemple du recours à l’application cumulative : Cass., Civ. 2, 4 janvier 2006, Bull. II n°4. ↩
- CE Ass., 19 avril 1991, Babas, Rec. 162. ↩
- Sur ce débat, voir les conclusions de R. Abraham, Rec. 152 et RFDA 1991.497. ↩
- Un autre exemple du recours à l’application cumulative : CE, 24 mars 2004, Boulouida, Rec. 139. Un préfet a refusé le bénéfice du regroupement familial à un enfant confié à une femme par Kafala au motif qu’il ne comptait pas au nombre des enfants pouvant bénéficier de cette procédure en vertu des articles 15 et 29 de l’ordonnance de 1945. Le Conseil d’Etat annule la décision de refus en se référant à l’article 8 de la CEDH. On comprend donc que le préfet doit prendre en compte à la fois les dispositions de l’ordonnance de 1945 et de l’article 8 de la CEDH. Il avait auparavant jugé que les articles 15 et 29 déterminaient de manière exhaustive les catégories d’enfants éligibles à la procédure de regroupement familial (CE, 18 octobre 1996, Oustou, n°153669). ↩
- CE, 10 décembre 2003, Bouley, Rec. 499. ↩
- CE Sect., 3 juillet 1998, Bitouzet, Rec. 288. ↩
- « Une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ». ↩
- CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth / Suède, n°7151/75. ↩
- Pour le même type de solution : CE 22 juillet 2011, Commune de Saint-Martin d’Arrossa, n°330481 ; CE, 11 février 2004, Schiocchet, Rec. 65. ↩
- CE Ass., 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image, Rec. 506 ; CE, 11 mars 2013, Syndicat de la magistrature, n°334188. ↩
- Ex. CE, 2 décembre 2013, n°360445 ; CE, 17 octobre 2014, n°368270. ↩
- Cass. Soc., 14 octobre 2008, Bull. V n°192. ↩
- Cass. Soc., 12 juillet 1999, Speelers, Bull. V n°7. ↩
- J.-P. Niboyet, « La législation des loyers en France, le droit constitutionnel et le droit international », RCDIP 1929.592 ; M. Waelbroeck, Traités internationaux et juridictions internes dans les pays du Marché commun, Pedone, 1969, n°227 et s. ↩
- A. Chauveau, note sous CA Rennes, 16 juin 1930, D. 1931,2,9 ; A. de Lapradelle, note sous Trib. Civ. de la Seine, 27 octobre et 22 novembre 1926, RDIP 1927.44 ; A. Blondeau, « L’application du droit conventionnel par les juridictions françaises de l’ordre judiciaire », in L’application du droit international par le juge français, P. Reuter et a., A. Colin, 1972, p. 43 et pp. 61. De manière générale, P. Lardy, La force obligatoire du droit international en droit interne, LGDJ, 1966, p. 112. ↩
- Rapport sur Cass. Crim., 3 juin 1950, S 1951,1,109. Egalement, J.-P. Niboyet, note sous CA Aix, 10 novembre 1947, RCDIP 1948.280 ; P. Lardy, ouvrage préc., p. 116. ↩
- J. Dehaussy, « La supériorité des normes internationales sur les normes internes : à propos de l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 octobre 1989, Nicolo », JDI 1990.5. ↩
- D 1975.497. ↩
- R. Kovar, note sous CA Paris, 7 juillet 1973, CDE 1974.402 ; M. Lagrange, « Du conflit entre loi et traité en droit communautaire et en droit interne », RTDE 1975.50 ; Note M. L. sous CE Sect., 1er mars 1968, D. 1968,J,285. ↩
- CE Sect., 1er mars 1968, Rec. 1968.149. ↩
- Voir notamment les conclusions de N. Questiaux, AJDA 1968.235. ↩
- Rec. 78. ↩
- Concl. sur CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, RFDA 1989.813. ↩
- Droit international, droit communautaire et droit français, Hachette, 1989, p. 116. Egalement, Bruno Genevois, note sous CE Ass., 22 octobre 1979, préc. ; D. de Bechillon, « De quelques incidences du contrôle de la conventionnalité internationale des lois par le juge ordinaire (Malaise dans la constitution) », RFDA 1998.219. ↩
- Voir par exemple, G. Carcassonne, Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 ?, Cahiers du CC, 1999, n°7. ↩
- Ex. : CE, 12 mars 2014, société GSD Gestion, n°360642 ↩
- Cour EDH, 18 janvier 1978, Irlande / Royaume-Uni, Série A n°5. ↩
- CE, 25 mai 2007, Courty, Rec. T. 852, AJDA 2007.1424 concl. R. Keller. ↩
- Concl. sur CE, 27 octobre 1978, Debout, Rec. 395. ↩
- Conseil d’Etat, Le droit européen des droits de l’homme, La Documentation française, 2011, pp. 42. ↩
- Des exemples récents : concl. D. Hedary sur CE Sect., 6 décembre 2013, AJDA 2014.237 ; Concl. E. Crepey sur CE, avis, 13 juin 2013, RFDA 2013.1051. ↩
- Ex. : Cass. Com., 29 avril 1997, Ferreira / DGI, Bull. IV n°110 ; Cass. Soc., 14 janvier 1999, Bozkurt, Bull. V n°24 ↩
- « La Cour de cassation et la Convention européenne des droits de l’homme », C. Teitgen-Colly (dir.), Cinquantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Coll. Droit et Justice n°33, 2002, p. 257. ↩
- Notamment, Cass. AP, 15 avril 2011, Bull. Crim. AP n°1. ↩
- Elle ne s’en prive pas toujours et « l’institutionnalisation » de la procédure d’arrêt-pilote l’y incite. ↩
- Cour EDH, 5 décembre 2013, Henry Kismoun / France, n°32265/10, §28. ↩
- CEDH, 3 octobre 2014, Milhau / France, n°4944/11. ↩
- CEDH, 18 septembre 2014, Brunet / France, n°21010/10. ↩
- CEDH, 29 mars 2010, Depalle / France, n°34044/02, §85. ↩
- C. Laurent-Boutot, La Cour de cassation face aux traités protecteurs des droits de l’homme, Thèse Limoges, 2006. Cette thèse est accessible en ligne. ↩
- Ces différences ont essentiellement été mises en valeur par des magistrats : E. Geffray, concl. sur CE Ass., 13 mai 2011, M’Rida, préc. ; J.-F. de Montgolfier, « Le contrôle de la hiérarchie des normes par le juge judiciaire : question prioritaire de constitutionnalité et contrôle de conventionalité en matière de droits fondamentaux, rapprochement et diversité », BICC 2014, n°810. ↩
- Il n’a fait l’objet que d’une seule ratification à ce jour (1er mars 2015) ↩
Bonjour une famille français d’origine maghrébine il est quitté le trottoir français à cause pas de la loi pas de l’égalité malgré tous les preuves chacun et protège l’autre les policesLe maire trafique les procès verbal il y a des preuves plus acheter des avocats merci Armentières le nord de la France