Quel statut pour les personnes âgées en détention ?
Par Anne Jennequin, Maîtresse de conférences en droit public, Centre Droit Ethique et Procédures, Université d’Artois
Il y a d’emblée une véritable asymétrie dans l’appréhension de l’âge par le droit pénitentiaire : alors que la minorité est un facteur déterminant, le grand âge – la séniorité – peine à être pris en compte en tant que tel. Les mineurs bénéficient sans aucun doute d’une présomption de vulnérabilité liée à leur âge : en-dessous de treize ans d’une part, l’incarcération est impossible, et ce qu’il s’agisse d’une détention provisoire ou de l’exécution d’une peine ; entre treize et dix-huit ans d’autre part, l’incarcération est possible mais en ultime recours et dans ce cas, le régime de détention est adapté[1]. A l’inverse, le droit pénitentiaire ne fait pas des personnes âgées une catégorie spécifique de personnes détenues.
La prise en charge des personnes détenues âgées est pourtant devenue un vrai enjeu pour l’administration pénitentiaire.
Sur un plan pratique d’abord, s’il s’agit d’une population encore très minoritaire[2], on constate une nette tendance au vieillissement de la population pénale : le nombre de personnes détenues de plus de soixante ans a été en effet multiplié par 6,5 de 1990 à 2016[3]. Plus encore, on peut observer un vieillissement précoce en détention[4], si bien que « l’âge physiologique paraît souvent de dix ans supérieur à l’âge civil »[5]. Ce vieillissement accéléré est en partie lié aux conditions générales de vie (chauffage, hygiène, nutrition, habitat) et de travail[6] et au manque d’accès aux soins des personnes avant leur incarcération. Mais il peut aussi être le résultat de la détention elle-même. Car l’incarcération est susceptible de produire sur des personnes âgées assurément les mêmes effets que ceux observés à l’issue d’une hospitalisation ou après un placement en structure d’hébergement pour personnes âgées. L’institutionnalisation, qu’elle soit ou non privative de liberté, est en effet un facteur de fragilisation des personnes âgées et est de nature à hâter leur dépendance physique et morale par la perte de leurs repères[7]. A cet égard, le contexte carcéral, par l’appauvrissement des relations sociales, le manque d’activité et de mobilisation suffisantes, l’environnement institutionnel et la dépendance pour les actes de la vie quotidienne peut aggraver la vulnérabilité des personnes liée à leur grand âge.
La prise en charge des personnes âgées en détention représente un enjeu aussi et surtout juridique et contentieux, compte tenu des développements considérables du principe de dignité en droit pénitentiaire. Le Conseil constitutionnel d’abord a déduit du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation consacré en 1994[8] qu’il appartenait tant au législateur[9] qu’aux autorité judiciaires et administratives de « veiller à ce que la privation de liberté des personnes [détenues, qu’elles soient placées en détention provisoire[10] ou condamnées[11]] soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ». La Cour européenne des droits de l’homme a, pour sa part, procédé à une interprétation constructive de l’article 3 de la CEDH pour consacrer un droit à des conditions de détention conformes à la dignité de la personne humaine[12], lequel implique que la personne détenue ne soit pas exposée à des souffrances d’une gravité telle qu’elles excèdent le degré de souffrances inhérent à la détention. Le respect de la dignité est également imposé par le législateur. L’article L. 6 du code pénitentiaire reprend la formule inaugurée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 selon laquelle « l’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits », en insistant plus encore qu’auparavant sur la nécessité de tenir compte, dans les restrictions à l’exercice des droits, « de l’âge, de l’état de santé, du handicap, de l’identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue »[13]. Enfin, les recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté[14] préconisent que « la prise en charge et l’ensemble des conditions matérielles relatives aux lieux de privation de liberté [soient] adaptées à l’âge, à l’état de santé ou au handicap de la personne concernée »[15]. Saisi de recours de plein contentieux ou de procédures d’urgence, le juge administratif apprécie l’atteinte à la dignité des conditions de détention à l’aune notamment de la vulnérabilité de la personne détenue laquelle est évaluée au regard de son âge, de son état de santé, de sa personnalité et le cas échéant de son handicap[16].
Ainsi l’âge avancé des personnes détenues a vocation à être pris en compte, au nom du droit à des conditions de détention dignes. Encore faut-il s’interroger sur les modalités de cette appréhension et sur la place faite au critère de l’âge. Les personnes détenues âgées sont-elles pour l’administration pénitentiaire des personnes détenues avant que d’être des personnes âgées ? Dit autrement, convient-il de parler de « personnes détenues âgées » ou plutôt de « personnes âgées détenues » ? C’est, au-delà, poser la question de la figure de l’usager du service public pénitentiaire : l’usager est-il unique, universel, tendant par là-même vers un service public uniformisé en dépit des différences de situations individuelles ? Ou présente-t-il en réalité plusieurs visages, en fonction de son genre, de son âge, de son état de santé ou encore de sa personnalité, cette pluralité invitant à une adaptation du service public pénitentiaire aux catégories d’usagers particuliers ?
Force est de constater que si elles tendent à être prises en compte de plus en plus par l’administration pénitentiaire, les personnes âgées ne constituent pas encore une catégorie particulière de personnes détenues comme peuvent l’être les mineurs. L’arrêt Papon c. France rendu par la Cour européenne[17] est à cet égard très emblématique de la manière dont elles sont traitées par le droit pénitentiaire : « aucune disposition de la Convention n’interdit en tant que telle la détention au-delà d’un certain âge » mais en revanche les autorités sont tenues de prendre en charge les besoins spécifiques des personnes âgées au regard de leur état de santé et de veiller à ce que leur état de santé ne soit pas incompatible avec leur maintien en détention. En prison comme d’ailleurs au dehors, la vieillesse est souvent associée à la médicalisation[18], alors même qu’elle est d’abord et avant tout un processus humain naturel.
Les personnes âgées demeurent essentiellement appréhendées sous l’angle de la maladie, du handicap ou de la perte d’autonomie : elles bénéficient alors d’une prise en charge au même titre que des personnes détenues plus jeunes mais souffrant de pathologies ou d’infirmités identiques ou similaires (I). Toutefois, parce que la vulnérabilité liée à l’âge ne saurait se réduire à la vulnérabilité liée à l’état de santé, les personnes âgées tendent à être appréhendées de plus en plus comme des sujets de droit particuliers et à faire l’objet de règles spécifiques en détention (II).
I. Les personnes détenues âgées essentiellement appréhendées sous l’angle de la maladie, du handicap ou de la perte d’autonomie
En droit pénitentiaire, à l’instar d’autres droits, l’âge avancé ne pose pas une présomption de vulnérabilité, il n’est qu’« un indicateur parmi d’autres »[19] et doit être complété, abondé par l’état de santé, le handicap ou la perte d’autonomie[20], dans une « logique de contextualisation systématique »[21].
Les personnes détenues âgées malades ou handicapées sont appréhendées sur un mode binaire selon qu’elles sont ou non médicalement aptes à subir la détention[22], au regard des aménagements qui peuvent être mis en place au sein de leur établissement pénitentiaire.
A. Aptitude médicale à subir la détention et adaptation de la détention
La Convention européenne pas plus que la jurisprudence de la Cour n’interdisent la détention d’une personne âgée même gravement malade ou lourdement handicapée. Les autorités pénitentiaires sont en revanche tenues d’assurer une prise en charge adaptée des besoins propres aux personnes âgées, lorsqu’elles souffrent de pathologies invalidantes, d’un handicap ou d’une perte d’autonomie[23]. A défaut, une violation de l’article 3 de la Convention peut être constatée. Cela met à la charge de l’administration pénitentiaire des obligations positives tant d’adaptation du parc et des installations pénitentiaires que de prise en charge sanitaire et sociale des personnes détenues âgées malades ou handicapées[24].
Pour garantir une prise en charge adaptée des personnes âgées affectées d’un handicap ou d’une maladie, non constitutive de traitements inhumains ou dégradants, les établissements pénitentiaires doivent être adaptés[25].
D’importants travaux de mise aux normes ont d’une part été engagés pour doter les établissements, neufs comme préexistants, de cellules personnes à mobilité réduite (PMR)[26] et pour faciliter le déplacement des personnes (rampes d’accès, barres de sanitaires, cabines de douches plus grandes et équipées de poignées de maintien et de sièges de douche, installation de l’interphone à côté du lit, installations de bancs dans la cour de promenade, installation des cellules PMR en rez de chaussée, etc)[27]. En dépit des efforts produits, les aménagements demeurent toutefois insuffisants : au 1er janvier 2020, on comptait quatre-cent-soixante-douze cellules PMR réparties dans quatre-vingt-dix des cent-quatre-vingt-sept établissements pénitentiaires[28] alors que les personnes détenues repérées comme étant en perte d’autonomie en 2015 étaient au nombre de cent-quatre-vingt-cinq et réparties dans cent-quatre-vingt-quatre établissements[29]. Des personnes détenues âgées peuvent donc encore en pratique être entravées dans leurs déplacements par le trop grand nombre d’escaliers, l’absence d’ascenseur ou l’étroitesse des cellules disponibles.
L’administration pénitentiaire a d’autre part créé au sein de centres de détention, catégorie d’établissements accueillant une plus grande proportion de personnes détenues âgées, des unités spécialisées pour la prise en charge de personnes détenues âgées ou aux pathologies multiples. C’est le cas de l’unité de soutien et d’autonomie du centre de détention de Bédenac, dotée de vingt-et-une cellules PMR. Si l’unité a vocation à prendre en charge des personnes détenues, indépendamment de leur âge, à raison de leur état de santé ou de leur perte d’autonomie, en pratique, elle accueille essentiellement des personnes âgées[30]. On peut également citer l’exemple d’une aile dédiée au centre de détention de Toul qui accueille dix-huit personnes de plus de soixante-dix ans, qu’elles soient ou non affectées d’un handicap ou de pathologies lourdes[31].
Outre les aménagements architecturaux, l’administration pénitentiaire est tenue d’assurer une prise en charge sanitaire et sociale adaptée des personnes détenues âgées malades ou porteuses d’un handicap.
Dès l’entrée en détention, les pathologies, addictions et handicaps des personnes sont repérés pour être mieux traités. Une grille de repérage des personnes à risque de perte d’autonomie a été spécifiquement élaborée par l’administration pénitentiaire et est actuellement en cours d’expérimentation[32]. Doivent ensuite être mis en place les soins adaptés[33], assurés soit au sein de l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire, soit en milieu hospitalier à l’occasion d’extractions médicales.
L’administration pénitentiaire doit par ailleurs veiller à assurer aux personnes en situation de handicap ou de dépendance une assistance spécifique dans les actes de la vie quotidienne, « notamment en matière d’hygiène et d’entretien de leurs locaux et de leur linge »[34]. Cette assistance, qui en 2015 concernait 0,3 % de la population carcérale soit cent-quatre-vingt-cinq personnes détenues[35], se révèle dans les faits particulièrement difficile à mettre en place. En principe, les personnes détenues, qui ont le même accès que les personnes libres aux services d’aide et d’accompagnement à domicile et aux services de soins infirmiers à domicile ainsi qu’aux aides financières qui permettent de les financer[36], peuvent bénéficier de l’intervention d’auxiliaires de vie en établissement pénitentiaire. A cet effet, des conventions sont signées entre les établissements pénitentiaires, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les conseils départementaux et une structure d’aide à domicile pour définir les modalités d’intervention[37]. Mais les associations d’aide à la personne sont réticentes à intervenir en milieu carcéral : elles craignent pour la sécurité de leurs personnels et déplorent les temps de trajet et d’intervention beaucoup plus longs faute d’avoir un accès immédiat aux cellules et aux patients. Les établissements pénitentiaires peinent donc souvent à assurer une intervention effective et adaptée auprès des personnes qui en dépendent : en 2016, seules 32 % des personnes détenues en perte d’autonomie étaient prises en charge par un intervenant extérieur[38].
Insuffisamment assurée par les auxiliaires de vie extérieurs, l’assistance des personnes détenues en perte d’autonomie se situe alors dans une sorte de zone grise, un « ‘entre deux’ face auquel on trouve souvent un vide »[39] : elle ne relève en effet ni des attributions du personnel de surveillance, ni de celles du personnel de l’unité sanitaire, pas plus que de celles des auxiliaires d’étage. 23 % des personnes détenues en situation de perte d’autonomie ne sont ainsi pas du tout aidées[40].
Le plus souvent, l’assistance est de fait prise en charge par un codétenu. Le code pénitentiaire reconnait il est vrai à toute personne détenue se trouvant dans une situation de handicap « le droit de désigner un aidant de son choix »[41], y compris une personne détenue. Cette possibilité largement utilisée[42] est toutefois problématique et ce à plusieurs titres. Elle interroge d’abord la qualité de l’assistance apportée. Le code pénitentiaire renvoie certes aux dispositions du code de la santé publique relatives aux aidants, lesquelles prévoient que la personne handicapée et l’aidant reçoivent préalablement, de la part d’un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d’acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la personne handicapée concernée[43]. Mais en pratique, l’aidant et l’aidé ne reçoivent aucune formation et se forment « sur le tas », faisant peser ainsi une lourde responsabilité sur le codétenu aidant. Ensuite, on peut douter de la réalité des consentements de l’aidant et de l’aidé, pourtant essentiels pour garantir le respect de la dignité du premier comme du second. A la lecture de l’article R. 322-35 du code pénitentiaire, la personne détenue désigne volontairement un aidant et la personne désignée consent expressément à devenir aidant. Ils sont bien souvent l’un et l’autre contraints et forcés, du fait de la situation d’absence de prise en charge extérieure dans laquelle ils se trouvent. D’ailleurs, aucun dispositif n’est prévu pour répondre à l’éventuel besoin de répit du codétenu aidant[44]. Enfin et surtout, ce recours au codétenu aidant est très critiquable en ce qu’il est susceptible de placer la personne détenue aidée dans une situation de dépendance vis-à-vis du codétenu aidant et de l’exposer par voie de conséquence au risque d’être victime de vols, d’extorsions ou de violences physiques, morales ou sexuelles. La Cour européenne des droits de l’homme s’est déjà exprimée sur cette question et a pu estimer dans l’arrêt Helhal c. France[45] que l’assistance d’un codétenu pour faire la toilette en l’absence de douches aménagées ne suffisait pas à satisfaire à l’obligation de santé et de sécurité qui incombe à l’Etat. De même dans l’arrêt Farbtuhs c. Lituanie, la Cour a indiqué que « l’anxiété et le malaise que doit normalement ressentir une personne aussi infirme, consciente du fait qu’aucune aide qualifiée ne lui serait fournie en cas d’éventuelle urgence, posent en eux-mêmes un problème sérieux sous l’angle de l’article 3 de la Convention »[46].
Si, en dépit des aménagements mis en œuvre par l’administration pénitentiaire ou susceptibles de l’être, la personne âgée n’est pas médicalement apte à subir la détention de manière pérenne, le maintien en détention peut s’analyser en un traitement inhumain ou dégradant et justifier une interruption de la détention.
B. Inaptitude médicale à subir la détention et interruption de la détention
Dans l’affaire Papon c. France en 2001, la Cour européenne des droits de l’Homme a précisé que « si aucune disposition de la Convention n’interdit en tant que telle la détention au-delà d’un certain âge, […] dans certaines conditions, le maintien en détention pour une période prolongée d’une personne d’un âge avancé pourrait poser problème sous l’angle de l’article 3 de la Convention »[47]. Il en est ainsi lorsque la personne détenue, très âgée (plus de quatre-vingts ans), souffre de plusieurs pathologies lourdes et invalidantes, lesquelles sont incompatibles avec le maintien en détention[48] ou lorsqu’elle est « invalide au point de ne pouvoir accomplir la plupart des actes élémentaires de la vie quotidienne sans l’assistance d’autrui »[49]. Le législateur a donc mis en place des dispositifs permettant l’interruption de la détention pour raisons médicales.
La suspension médicale de peine, instaurée par la loi du 4 mars 2002[50] à la suite de l’affaire Papon et inscrite à l’article 720-1-1 du code de procédure pénale, peut être ordonnée lorsqu’une expertise médicale ou en cas d’urgence un certificat médical établit soit que la personne condamnée est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital, soit que son état de santé physique ou mentale[51] est durablement incompatible avec le maintien en détention. Inspirée par des considérations médicales, la suspension de peine peut[52] être ordonnée par le juge[53] quelle que soit la nature et la durée de la peine restant à subir et pour une durée qui n’a pas à être déterminée. La mesure ne sera en revanche pas accordée s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction. Le juge est chargé de vérifier que les conditions d’octroi sont toujours remplies[54] et peut le cas échéant mettre un terme à la suspension. Ce dispositif, conçu initialement pour les personnes condamnées, a été étendu pour les personnes prévenues par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales[55] sous le vocable de mise en liberté pour raisons médicales[56].
En pratique, l’octroi de telles mesures n’est pas aisé pour les personnes dont l’état de santé est pourtant durablement incompatible avec le maintien en détention. Le juge prend en effet en compte les conditions de détention et les aménagements de la prise en charge, sans pour autant s’interroger sur la réalité du quotidien vécu en détention ni sur le sens du maintien en détention. Par ailleurs, les dispositifs, qui visent justement à faire bénéficier la personne de soins adaptés en dehors de la prison, impliquent que celle-ci soit prise en charge par une structure médicale extérieure ou dispose d’un hébergement. A défaut, la mesure de suspension ou de mise en liberté pour raisons médicales ne peut être prononcée[57]. Dès lors, les personnes âgées dépendantes détenues en établissement pénitentiaire sont bien souvent privées du bénéfice de ces mesures, les structures d’accueil d’aval étant particulièrement réticentes à accueillir des personnes sortant de prison[58].
La loi du 15 août 2014 a par ailleurs créé la libération conditionnelle pour raisons médicales. L’article 729 du code de procédure pénale dispose que si, à l’issue d’un délai d’un an après l’octroi de la mesure de suspension médicale de peine, une nouvelle expertise établit que l’état de santé physique ou mentale de la personne condamnée est toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si la personne justifie d’une prise en charge adaptée à sa situation, alors la libération conditionnelle peut être accordée sans condition quant à la durée de la peine accomplie.
Au regard du faible de nombre de suspensions et libérations conditionnelles pour raisons médicales et sur la base des préconisations d’un groupe de travail interministériel Santé / Justice, les ministères de la justice et de la santé ont élaboré en 2018 un guide méthodologique relatif aux aménagements de peine et à la mise en liberté pour raisons médicales[59]. Celui-ci renseigne l’ensemble des professionnels sur les interlocuteurs à contacter et les démarches à réaliser. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a par ailleurs rappelé dans ses Recommandations minimales l’importance de tenir compte de l’incompatibilité de l’état de santé avec le maintien dans un lieu de privation de liberté. Il y réaffirme d’une part la nécessité qu’il soit « mis fin à la mesure de privation de liberté dans les plus brefs délais, de manière provisoire ou définitive […] en cas d’incompatibilité durable ou définitive de l’état de santé physique ou psychique d’une personne privée de liberté avec les conditions de son enfermement ou de sa prise en charge, médicalement attestée »[60]. Il consacre d’autre part le droit, pour les personnes privées de liberté en fin de vie ou dont le pronostic vital est engagé, de mourir libres et accompagnées de leurs proches et la responsabilité qui incombe à l’administration de « s’assurer qu’elles seront accueillies au sein d’un établissement adapté où elles recevront des soins adaptés »[61].
La vulnérabilité liée à l’âge avancé ne saurait toutefois se réduire à la vulnérabilité liée à la maladie et au handicap. Il convient de dépasser cette logique initiale de contextualisation visant à combiner l’âge à l’état de santé et à la perte d’autonomie, pour prendre en considération l’âge avancé de manière autonome comme facteur à part entière de vulnérabilité. C’est ainsi que les personnes détenues âgées sont progressivement appréhendées comme des sujets de droit particuliers.
II. Vers une appréhension des personnes détenues âgées comme sujets de droit particuliers
L’analyse du droit et des pratiques pénitentiaires dessine les contours d’un statut émergent des personnes détenues âgées, prises en compte comme sujets de droit particuliers, indépendamment de leur état de santé ou de leur degré d’autonomie. Il s’agit d’identifier au sein de la population carcérale une nouvelle catégorie d’usagers du service public pénitentiaire, afin d’adapter la protection et la prise en charge aux caractéristiques des personnes âgées. On retrouve ici le « mouvement de catégorisation des droits » passant par la création « de droits spécifiques pour des individus nécessitant de renforcer leur protection »[62]. La reconnaissance d’une vulnérabilité liée à l’âge avancé des personnes détenues est en mesure de fonder une adaptation générale des règles de détention à leur égard.
A. Pour une reconnaissance de la vulnérabilité liée à l’âge avancé de la personne détenue
La reconnaissance, en sus de la vulnérabilité structurelle liée à la situation de dépendance et de subordination vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, d’une vulnérabilité catégorielle liée au grand âge s’impose. Dans un monde où les personnes détenues sont jeunes[63], les conditions d’incarcération rigoureuses, la vie collective et le quotidien très encadrés, les personnes détenues âgées sont davantage isolées et plus susceptibles d’être fragilisées par la détention. Elles sont aussi stigmatisées, car souvent assimilées à des auteurs d’infractions à caractère sexuel[64], et sont de fait particulièrement exposées au risque de subir des atteintes à leur intégrité physique. Enfin, elles peuvent également avoir peur de mourir en prison. Aussi, la dureté de telles conditions de détention mérite d’être prise en compte. Si la consécration d’un statut de la personne détenue âgée est souhaitable, encore faut-il en évaluer la faisabilité juridique et déterminer le seuil d’âge pertinent.
Une telle reconnaissance serait juridiquement possible, à la double condition qu’elle ne porte pas atteinte au principe d’égalité et qu’elle ne conduise pas à un affaiblissement de la garantie des droits des personnes âgées.
Prévoir qu’au-delà d’un certain âge la personne bénéficie d’un régime de détention plus souple et plus protecteur, voire de facilités pour la libération anticipée, ne serait pas d’une part contraire au principe d’égalité devant la justice pénale comme devant le service public pénitentiaire. Le principe d’égalité, loin d’imposer un traitement égalitaire, permet de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes, dès lors que c’est en rapport avec l’objectif poursuivi. L’âge avancé des personnes détenues les place dans une situation objectivement différente du reste de la population carcérale majoritairement jeune et la différence de traitement peut être aisément fondée au regard des objectifs de l’incarcération que sont l’insertion ou la réinsertion des personnes, la prévention de la commission de nouvelles infractions et le maintien de la sécurité publique[65]. Le droit pénitentiaire identifie d’ailleurs déjà des catégories particulières de personnes détenues – les femmes et les mineurs – publics qui présentent certaines similitudes avec les personnes âgées. La spécialisation du régime de détention des mineurs se fonde sur la grande vulnérabilité des mineurs, leurs besoins essentiels en termes de sociabilité et de sécurité physique et affective, leur développement physiologique et cérébral et plus généralement sur leur aptitude à subir la détention. Les règles particulières qui s’appliquent aux femmes détenues sont elles aussi inspirées par la prise en compte de leurs besoins spécifiques d’ordre physiologique, de leur plus grand isolement ou encore de la nécessité d’assurer leur sécurité dans des prisons majoritairement masculines. De telles considérations se retrouvent incontestablement chez les personnes détenues âgées. Un premier pas dans le sens d’une différence de traitement en fonction de l’âge des personnes détenues[66] a d’ailleurs été franchi très récemment avec l’ordonnance du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues[67]. Celle-ci insère dans le code pénitentiaire un article L. 412-30 qui autorise les différences de traitement fondées sur l’âge en matière de travail en précisant qu’elles ne constituent pas une discrimination « lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime », lequel peut tenir notamment au souci de préserver la santé ou la sécurité de la personne détenue et « lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés ».
D’autre part, l’adaptation de la détention aux personnes âgées ne saurait être un facteur d’exclusion des personnes âgées. Il faut reconnaître que le risque est bien réel car s’agissant des personnes âgées en particulier, la frontière entre protection et exclusion ou stigmatisation est mince. La consécration de règles protectrices pour les personnes détenues âgées vise certes à éviter d’exposer ces dernières « à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrances inhérent à la détention »[68] et tend à tenir compte de leur vulnérabilité spécifique. Mais il convient de veiller à ce que les différences de traitement ne soient pas un facteur d’exclusion, au risque d’aggraver l’isolement et la stigmatisation des personnes âgées et de limiter leur autonomie personnelle, dont on sait à quel point il est important de la conserver et de l’entretenir autant que possible[69]. Or, le souci de protection, aussi légitime puisse-t-il être, peut se retourner contre les personnes protégées. A cet égard, les très récentes dispositions du code pénitentiaire autorisant les différences de traitement fondées sur l’âge en matière d’accès au travail et de conditions de travail en fournissent une bonne illustration. L’article L. 412-30 du code pénitentiaire précise qu’il pourra s’agir notamment de « l’interdiction de l’accès à une activité de travail ou de la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d’assurer la protection des travailleurs jeunes ou âgés » ou de « la fixation d’un âge maximum pour l’accès à l’activité de travail, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’activité raisonnable avant la retraite ». Ces dispositions censées protéger le détenu travailleur risquent fort d’exclure les personnes âgées de certaines activités de travail et par voie de conséquence d’aggraver leur précarité, en les privant du bénéfice d’une rémunération. Aussi, les adaptations de la détention aux personnes âgées ne sauraient être envisagées qu’à leur bénéfice et tout en les maintenant intégrées au reste de la population carcérale.
Une fois ces réserves levées, reste à déterminer plus concrètement l’âge au-delà duquel les personnes détenues bénéficieraient d’un statut particulier.
Il faut bien reconnaître que la notion de grand âge est relative[70]. Le grand âge chronologique ne dit en effet pas grand-chose de l’état de santé physique et mentale, du degré d’autonomie ou de dépendance ; le grand âge réel dépend au contraire beaucoup du parcours de vie de la personne, de son travail et de son niveau de vie, de son intégration sociale comme de son état de santé. « La vieillesse n’est pas uniforme »[71] et on ne peut certes présumer de manière générale un état d’affaiblissement ou une vulnérabilité. C’est ce qui explique que la notion de personne âgée n’ait encore jamais fait l’objet d’une définition juridique « précise et uniforme »[72]. Cette relativité n’est toutefois pas spécifique à la séniorité : il en est de toute limite d’âge. L’âge retenu par le code de la justice pénale des mineurs – treize ans pour l’âge minimum de l’incarcération, jusqu’à dix-huit ans pour le régime de détention des mineurs – ne dit pas grand-chose de la vulnérabilité et de la maturité de chaque jeune pris individuellement, lesquelles dépendent elles aussi fondamentalement du parcours de vie, du degré d’intégration sociale, des relations affectives comme de l’autonomie financière. Les neurosciences ont d’ailleurs démontré que le processus de développement cérébral n’était pas pleinement achevé avant vingt-cinq ans, bien au-delà donc du passage à la majorité[73]. Le Conseil de l’Europe lui-même, bien conscient de l’allongement de la période de transition vers l’âge adulte et de son impact sur l’acquisition de la maturité, invite les Etats à traiter les jeunes adultes de manière comparable aux adolescents[74]. Toute limite d’âge est donc en soi une construction juridique. L’âge minimum pour le recours à l’incarcération comme l’âge maximum pour l’application du régime de détention des mineurs sont des constructions juridiques qui révèlent des choix de politique pénale. Les exemples étrangers attestent de cette grande relativité. Si la France a fixé l’âge minimum pour l’incarcération à treize ans, l’Angleterre a choisi de le fixer à dix ans et l’Espagne à dix-huit ans. De même, alors que la France applique le régime de détention des mineurs aux seuls mineurs de dix-huit ans et exceptionnellement jusqu’à six mois après le dix-huitième anniversaire, d’autres systèmes ont fait le choix d’assimiler le jeune adulte aux mineurs et permettent le maintien en détention en établissements pour mineurs des jeunes adultes jusque vingt-et-un ans (systèmes pénitentiaires polonais, italien, espagnol ou encore finlandais), vingt-quatre ans (systèmes pénitentiaires allemand, lituanien ou nord-irlandais) voire vingt-cinq ans (système pénitentiaire suédois)[75]. Cette relativité doit donc pouvoir être assumée et ne pas empêcher que soit fixé un âge au-delà duquel des règles adaptées s’appliquent à la détention.
A l’analyse, il semble qu’une forme de consensus se dessine autour de l’âge de soixante-dix ans. Cet âge-plancher a en effet déjà été retenu ponctuellement : par le législateur d’abord à propos du dispositif spécifique de libération conditionnelle[76], par l’administration pénitentiaire elle-même ensuite pour adapter le port des menottes et entraves[77], par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté enfin dans ses préconisations d’adaptation du régime de détention aux personnes âgées[78]. On peut effectivement présumer une vulnérabilité et une moindre dangerosité à partir de soixante-dix ans, notamment au regard du vieillissement précoce constaté dans la population carcérale. Il s’agirait ainsi d’ériger en principe l’allègement des mesures de sécurité et le renforcement des garanties à destination des personnes âgées. Cette présomption simple pourrait toutefois toujours être renversée par la preuve circonstanciée, apportée par l’administration pénitentiaire, d’une dangerosité toujours actuelle qui justifierait l’application des règles de droit commun.
La reconnaissance d’une vulnérabilité spécifique des personnes détenues âgées permettrait de fonder une adaptation générale des règles de la détention.
B. Les adaptations du régime de détention aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans
Consacrer un statut particulier aux personnes détenues âgées de plus de soixante-dix ans permet de repenser le sens de leur détention, qu’il s’agisse de lui redonner du sens ou au contraire d’en reconnaître l’absence de sens.
Parce que la détention doit avoir un sens pour la personne détenue comme pour le personnel pénitentiaire, le régime de détention doit être adapté pour les plus de soixante-dix ans, au regard de leur vulnérabilité particulière et de leur faible dangerosité. Une recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe invite d’ailleurs les Etats à « aider les détenus âgés à rester en bonne santé physique et mentale » en assurant l’accès à des soins médicaux, « à des possibilités de travail, d’exercice et d’autres activités adaptées aux capacités physiques et mentales de chaque détenu ; des repas diététiques appropriés »[79]. Ces préoccupations rejoignent assez largement celles relatives aux longues peines : si les catégories personnes détenues âgées et personnes condamnées à une longue peine ne se recoupent pas nécessairement, elles présentent pour autant les mêmes problématiques de prise en charge (dangerosité qui s’atténue avec le temps, effets néfastes de l’enfermement, nécessité d’un programme d’exécution de la peine avec la conservation d’une part d’autonomie personnelle).
L’exécution de la peine pour les plus âgés fait d’ores et déjà l’objet au quotidien d’aménagements concrets. Les établissements pour peines, qui accueillent en proportion davantage de personnes âgées que les maisons d’arrêt, proposent des activités socio-culturelles (ateliers mémoires, tournois d’échecs, module « bien vieillir en détention », potager, etc) et sportives[80] (gymnastique douce) adaptées à ces publics, pour rompre l’isolement et préparer la sortie de prison.
L’âge des personnes détenues – quel qu’il soit – est par ailleurs déjà pris en compte, qu’il s’agisse de déterminer leur affectation en établissement pour peines[81] comme en cellule ou d’apprécier le caractère attentatoire des conditions de détention à la dignité humaine[82] comme le caractère nécessaire, adapté et proportionné des restrictions apportées à leurs droits et libertés[83]. Mais l’âge n’est alors qu’un critère parmi d’autres, au même titre que ceux tirés de la personnalité, de l’état de santé ou du handicap et bien souvent il ne joue qu’à la marge.
Reconnaître une vulnérabilité propre aux personnes détenues âgées de plus de soixante-dix ans permettrait de valoriser le critère de l’âge et de lui faire produire des conséquences juridiques quasi-systématiques.
L’âge pourrait d’abord être pris en compte de manière plus effective au stade de l’affectation en cellule. Le code pénitentiaire prévoit déjà que l’affectation en cellule se fait sur la base de plusieurs critères (profil pénal, personnalité, niveau de dangerosité, origine, etc), au nombre desquels figure l’âge. Toutefois, le contexte de surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt complique particulièrement le travail d’affectation en réduisant à portion congrue la marge de manœuvre des autorités pénitentiaires et rend ainsi souvent illusoire toute volonté d’affecter les personnes détenues en fonction de leur âge. Si le chef d’établissement doit veiller à ne pas mettre dans la même cellule des personnes avec une trop grande différence d’âge, le critère de l’âge ne joue qu’à la marge, d’autres critères comme le statut de prévenu ou de condamné ou le statut de primaire ou de récidiviste l’emportant[84]. Pire, il peut jouer au détriment de la personne détenue âgée elle-même puisque l’administration pénitentiaire peut choisir de la placer avec une personne plus jeune dans une logique d’apaisement et de pacification de la cellule. La personne détenue âgée est alors la variable d’ajustement pour assurer le bon ordre. Inscrire dans le code pénitentiaire que les personnes détenues âgées de plus de soixante-dix ans doivent être prioritairement placées en cellule individuelle ou à défaut être placées avec un codétenu d’un âge proche permettrait de garantir le respect de leur intimité et de leur sécurité, sans pour autant les isoler du reste de la détention et sans compliquer outre mesure la tâche des chefs d’établissements. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait d’ailleurs déjà proposé en 2014 d’assurer prioritairement l’encellulement individuel aux personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ainsi qu’aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie[85].
Consacrer un statut particulier pour les personnes détenues âgées de plus de soixante-dix ans permettrait ensuite de poser le principe d’un moindre recours aux moyens de contrôle et de contrainte à leur égard. S’agissant des moyens de contrôle et notamment des fouilles corporelles intégrales, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a formulé la recommandation que les situations de vulnérabilité du fait de l’âge, comme du fait de l’identité de genre, d’un handicap ou d’une pathologie, soient prises en considération et aient « pour effet de réduire significativement le recours »[86] à de tels moyens. Les conditions matérielles d’exécution des fouilles (difficulté de la personne à se déshabiller, contrôle des protections urinaires, …) peuvent en effet caractériser des atteintes à la dignité. Il est toutefois fort probable que cette recommandation ne soit pas suivie d’effet. L’âge avancé de la personne détenue est bien souvent perçu comme un facteur de dangerosité pour l’ordre et la sécurité dans l’établissement[87] : l’administration pénitentiaire craint que les autres détenus n’exercent une pression sur la personne âgée pour obtenir de sa part qu’elle se procure lors d’un parloir des objets, produits ou substances prohibés, ce qui justifie à ses yeux le recours aux fouilles corporelles intégrales comme aux yeux du juge administratif la légalité de telles mesures[88]. S’agissant de l’usage des menottes et entraves, l’article R. 226-1 du code pénitentiaire comme la circulaire du 18 novembre 2004[89] insistent sur le fait qu’il doit être nécessaire, justifié et proportionné au regard de la dangerosité de la personne détenue pour autrui ou elle-même, des risques d’évasion et de son état de santé. L’âge avancé, surtout lorsqu’il est combiné à un handicap ou à un état de santé dégradé, peut donc d’ores et déjà justifier que ne soient pas utilisés les moyens de contrainte, dès lors qu’il révèle une moindre dangerosité ou une incapacité à s’évader. Et l’imposition de mesures de contraintes disproportionnées au regard des nécessités de la sécurité est constitutive d’un traitement inhumain en violation de l’article 3 de la CEDH[90]. Une note de la direction de l’administration pénitentiaire du 20 mars 2008[91] prévoyait un usage particulier des moyens de contrainte pour l’extraction médicale des personnes détenues âgées de plus de soixante-dix ans : celles-ci « ne devront être soumis[es] au port des menottes que dans les cas exceptionnels où leur dangerosité est avérée. En aucun cas [elles] ne devront être soumis[es] au port des entraves ». Ces prescriptions bienvenues, qui avaient été jugées « trop vagues et pas toujours respectées » par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté[92], pourraient être utilement reprises dans le code pénitentiaire pour un encadrement plus contraignant.
Enfin pourrait être envisagée une limitation pour les personnes détenues âgées de plus de soixante-dix ans du recours à la mise en cellule disciplinaire. Compte tenu de son impact sur les conditions de détention, cette sanction est en effet particulièrement difficile à vivre à un âge avancé et est susceptible, par son caractère inadapté et disproportionné, de constituer un traitement inhumain ou dégradant. Le pouvoir réglementaire pourrait à cet égard utilement s’inspirer des limites prévues par le code de la justice pénale des mineurs[93] pour les mineurs de plus de seize ans et les étendre aux majeurs de plus de soixante-dix ans : la sanction de mise en cellule disciplinaire ne pourrait être prononcée que pour les fautes les plus graves[94] et pour une durée maximale réduite[95].
Si un régime de détention adapté est susceptible de redonner un certain sens à la détention de la personne âgée, on peut toutefois se demander s’il y a encore un sens à l’incarcération des personnes au-delà d’un certain âge. Le droit français[96] pas plus que le droit européen n’interdisent le placement ou le maintien en détention à un âge avancé, c’est donc sur un plan strictement humanitaire que se pose la question. Dans un système pénitentiaire prenant en charge une grande majorité de personnes jeunes, le parcours d’exécution de peine en vue de la réinsertion est construit autour de deux axes – le retour à l’emploi et le logement – lesquels ne sont pas pertinents pour des personnes particulièrement âgées.
Une telle considération a conduit le législateur à mettre en place, par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009[97], un dispositif spécifique de libération conditionnelle pour les personnes condamnées de plus de soixante-dix ans[98]. L’article 729 du code de procédure pénale prévoit ainsi que la libération conditionnelle peut être accordée, indépendamment de la durée de la peine accomplie et indépendamment de toute raison médicale, « dès lors que l’insertion ou la réinsertion du condamné est assurée ». Cette exigence d’insertion est notamment remplie – précise le législateur – si la personne « fait l’objet d’une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l’établissement pénitentiaire » ou si elle « justifie d’un hébergement ». Le dispositif demeure donc difficile d’accès, faute là encore pour les personnes âgées concernées de disposer d’une solution d’hébergement à leur sortie. Il convient enfin de noter que cette libération ne peut intervenir « en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public ».
Au-delà de la libération anticipée, la reconnaissance d’une absence de sens à la détention des personnes les plus âgées justifierait que soit évitée autant que possible leur incarcération, en privilégiant en amont le prononcé de peines alternatives et en aval l’exécution de la peine d’emprisonnement en milieu ouvert. Il pourrait s’agir à cet égard de leur étendre le dispositif prévu pour les femmes enceintes de plus de douze semaines depuis la loi du 15 août 2014[99], ainsi que le préconisait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son avis de 2018[100]. Le législateur a d’ailleurs fait un choix similaire en prévoyant que la contrainte judiciaire ne peut être prononcée pour les personnes âgées d’au moins soixante-cinq ans au moment de la condamnation[101].
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Faire des personnes détenues âgées une catégorie particulière d’usagers du service public pénitentiaire, à l’instar des femmes et des mineurs, pour leur adapter la détention permettrait de garantir le respect de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de s’assurer que l’incarcération – au titre de l’exécution d’une peine ou au titre de la détention provisoire – ait toujours un sens pour les personnes qui la subissent comme pour la société.
Au-delà, cela participerait d’un alignement des protections offertes aux personnes âgées en dehors de la prison comme au-dedans, conformément au mouvement général en droit français de consécration de règles protectrices de la dignité et des droits fondamentaux des personnes âgées[102] et notamment de leur droit à mener une vie digne et indépendante[103]. Si « l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation »[104], elle doit l’être également en milieu carcéral.
[1] On citera notamment la séparation des mineurs et des majeurs, le principe de l’encellulement individuel, la prise en charge pluridisciplinaire associant des représentants pénitentiaires, de la protection judiciaire de la jeunesse, de l’éducation nationale et des services de santé, l’interdiction de l’isolement et l’allègement des sanctions disciplinaires.
[2] Au 1er janvier 2021, les personnes âgées de plus de soixante ans représentaient 4,3 % de la population carcérale soit 2 720 sur 62 673 personnes détenues. Voir « Séries statistiques des personnes placées sous main de justice 1980-2021 », Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Bureau de la donnée, décembre 2021, tableau 17, p. 21. En comparaison, dans la population générale, les personnes âgées de soixante-cinq ans et plus représentent 21 % de la population (Chiffres de l’INSEE au 1er janvier 2022).
[3] Question écrite n° 22878 de Mme Gaillot, Assemblée nationale, publiée au JO le 17/09/2019, p. 8155. Aujourd’hui à 4,3 %, le pourcentage de personnes détenues de plus de soixante ans était en 2011 de 3,5 % (2 145 sur 60 544). « Séries statistiques des personnes placées sous main de justice 1980-2021 », ibid.
[4] C. RAMBOURG, « Les détenus âgés et le cadre professionnel des surveillants », Chron. du CIRAP, n° 21, ENAP, juillet 2016, p. 1.
[5] CGLPL, Rapport d’activité 2012, p. 241.
[6] Sur l’interaction générale entre le milieu et le génome humain, voir Comité consultatif national d’éthique, « Rapport sur le vieillissement », avis n° 59, 25 mai 1998, dont les constats ont été considérés comme toujours d’actualité par le CCNE dans son avis n° 128 du 15 février 2018 consacré aux « Enjeux éthiques du vieillissement ».
[7] Haute Autorité de Santé, « Prévenir la dépendance iatrogène liée à l’hospitalisation des personnes âgées », note méthodologique et de synthèse documentaire, septembre 2017, www.has-sante.fr ; Comité consultatif national d’éthique, « Enjeux éthiques du vieillissement. Quel sens à la concentration des personnes âgées entre elles dans des établissements dits d’hébergement ? Quels leviers pour une société inclusive pour les personnes âgées ? », Avis n° 128, 15 février 2018,
[8] CC, 94-343/344 DC, 27 juillet 1994, Lois de bioéthique.
[9] CC, 2009-593 DC, 19 novembre 2009, Loi pénitentiaire.
[10] CC, 2020-858/859 QPC, 2 octobre 2020, Geoffrey F. et autre [Conditions d’incarcération des détenus].
[11] CC, 2021-898 QPC, Section française de l’Observatoire international des prisons [Conditions d’incarcération des détenus II].
[12] CEDH, 26 octobre 2000, req n° 30210/96, Kudla c/Pologne, AJDA 2000. 1006, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2001. 1250, chron. H. Labayle et F. Sudre ; ibid. 2003. 85, note J. Andriantsimbazovina.
[13] L’article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 évoquait la nécessité de tenir compte de l’âge, de l’état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ».
[14] Recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, JORF du 4 juin 2020.
[15] Recommandations minimales, règle 70. Au total, les recommandations minimales contiennent pas moins de huit occurrences du terme « âge » : règle 36 relative à la collecte d’informations sur les personnes privées de liberté lors de leur prise en charge (relatives à leur âge, leur état de santé, leur langue et leur situation financière) ; règle 38 relative à l’accès des personnes privées de liberté à des produits d’hygiène élémentaire adaptés à leur âge, à leur genre et à leur état de santé ; règle 44 relative à l’interdiction des discriminations relatives fondées entre autres sur l’âge ; règle 70 relative à l’adaptation de la prise en charge et des conditions matérielles à l’âge, à l’état de santé ou au handicap ; règle 90 relative à l’alimentation des personnes privées de liberté qui doit tenir compte de leur âge, de leur état de santé, de leur condition physique, de leur religion et de leur culture ; règle 105 qui réserve le travail aux personnes dont l’âge et l’état de santé le permettent ; règle 111 relative à l’accès à des soins sans discrimination qui tient compte de leur âge et de leur culture et enfin règle 222 selon laquelle les situations de vulnérabilité du fait de l’âge, de l’identité de genre, d’un handicap ou d’une pathologie doivent être prises en considération et avoir pour effet de réduire significativement le recours aux moyens de contrôle.
[16] CE, Sect., 6 décembre 2013, n°363290, Thévenot, AJDA 2014.237, concl. D. Hedary ; AJ pénal 2014.143, note E. Péchillon ; CE, 13 janvier 2017, n° 389711, Lebon ; AJDA 2017. 83 ; ibid . 637 , note J. Schmitz.
[17] CEDH., 7 juin 2001, Maurice Papon c/ France (décision sur la recevabilité, req. n o 64666/01), AJDA 2001. 1060, chron. J.-F. Flauss ; D.2001.2335, note J.-P. Céré et D. 2002.638, obs. J.-F. Renucci ; LPA n° 188, 30/09/2001, p. 14, note E. Boitard. Voir également F. MASSIAS, « Bilan de la jurisprudence récente relative à la protection offerte par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de privation de liberté », RSC 2003, p. 144.
[18] CCNE, « Enjeux éthiques du vieillissement », avis n° 128 préc., p.6.
[19] M. REBOURG, « Vers un statut des personnes âgées ? Réflexions à la lumière du droit brésilien », RDSS 2020, p.83.
[20] F. MASSIAS, op.cit.
[21] Y. LECUYER, « La prise en compte du vieillissement dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RDSS 2018, p. 769.
[22] A. PONSEILLE, « La santé. Règles commentées 117 à 120 », in E. GALLARDO et M. GIACOPELLI, L’élaboration d’un droit de la privation de liberté, Lexis Nexis, 2020, pp.418- 443.
[23] CEDH, 19 février 2015, Helhal c. France, req. n°10401/12 , AJ pénal 2015. 219, obs. J.-P. Céré ; D. 2015. 1122, obs. J.-P. Céré ; AJDA 2015. 1732, obs. L. Burgorgue-Larsen, JCP 2015. 481, obs. B. Pastre-Belda : si le maintien en détention d’une personne lourdement handicapée n’est pas en soi constitutif d’un traitement inhumain ou dégradant, des soins de rééducation insuffisants ou des locaux inadaptés au regard du handicap sont en revanche contraires à l’article 3 de la CEDH.
[24] C. CHIDAINE, « La prise en compte des situations de vulnérabilité. Règles commentées 44 à 48 », in E. GALLARDO et M. GIACOPELLI, L’élaboration d’un droit de la privation de liberté, op.cit., pp. 243-248.
[25] La règle 45 des recommandations minimales du CGLPL pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté dispose ainsi que « une attention particulière doit être portée aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap ou de dépendance afin de leur assurer des conditions d’hébergement et de prise en charge adaptées. Les lieux doivent être adaptés et permettre d’accéder à l’ensemble des équipements de leur espace de vie personnel ainsi qu’aux lieux collectifs ».
[26] L’arrêté du 4 octobre 2010 relatif à l’accessibilité des personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires lors de leur construction (JORF n°0234 du 8 octobre 2010) impose que 3 % des cellules des établissements neufs soient équipées PMR. Pour les établissements pénitentiaires existants, voir l’arrêté du 29 décembre 2016 relatif à l’accessibilité des établissements pénitentiaires existants aux personnes handicapées, JORF n°0003 du 4 janvier 2017.
[27] Réponse ministérielle à la question écrite n° 76196 de M. Rouquet, Assemblée nationale, publiée au JO le 11 août 2015, p. 6197.
[28] Réponse ministérielle à la question écrite n° 22 878 de Albane Gaillot, publiée au JO de l’AN le 21 janvier 2020, p. 447.
[29] Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice, Ministère de la justice et ministère des solidarités et de la santé, 2019, p. 348.
[30] Lors de la visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2018, la moyenne d’âge des personnes qui y étaient incarcérées était de 69 ans, avec 7 personnes de plus de 80 ans. CGLPL, Rapport d’enquête sur la prise en charge des personnes âgées ou dépendantes à l’unité de soutien et d’autonomie du centre de détention de Bédenac, 2018, p. 2.
[31] CGLPL, « Rapport d’enquête sur la prise en charge des personnes âgées ou dépendantes au centre de détention de Toul », 2015.
[32] Réponse ministérielle à la question écrite n° 22878 de Mme Gaillot, Assemblée nationale, publiée au JO le 21 janvier 2020, p. 447.
[33] L’arrêt Kudla contre Pologne de même que l’article 46 de la loi pénitentiaire consacrent le droit des personnes détenues à des soins continus, adaptés et de qualité, dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population. Voir également les règles 109 et 111 des Recommandations minimales du CGLPL
[34] Règle 45 des Recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, préc.
[35] Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice, loc.cit.
[36] Les personnes détenues âgées en situation de perte d’autonomie peuvent bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ainsi que de la prestation de compensation du handicap (PCH).
[37] En 2016, trente-huit établissements avaient signé une convention avec un SAAD et quinze avec un SSIAD (Enquête de la DAP sur les SAAD et SSIA de mars 2016, citée par Sénat, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les dépenses pour la santé des personnes détenues par M. Antoine Lefèbre, juillet 2017, p. 46.)
[38] Enquête de la DAP sur les SAAD et SSIA de mars 2016, préc.
[39] C. TOURAUT, « La croisée des savoirs – Les professionnels face aux personnes détenues âgées », Les cahiers de la justice, 2016, p. 319.
[40] Enquête de la DAP sur les SAAD et SSIA de mars 2016, préc.
[41] Article L. 322-11 du code pénitentiaire.
[42] 45 % des personnes détenues ayant besoin d’aide dans les actes de la vie quotidienne sont aidées par un codétenu. Enquête de la DAP sur les SAAD et SSIA de mars 2016, préc.
[43] Article L. 1111-6-1 du code de la santé publique.
[44] La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (JORF n°0301 du 29 décembre 2015, p. 24268) reconnaît le droit au répit des aidants non professionnels.
[45] CEDH, 19 février 2015, Helhal c. France, req. n°10401/12 , préc.
[46] CEDH, 2 décembre 2004, Farbtuhs c. Lettonie , req. n° 4672/02, AJDA 2005.541, chron. J.-F. Flauss ; RSC 2005.630, chron. F. Massias
[47] CEDH., 7 juin 2001, Maurice Papon c/ France (req. n o 64666/01), préc.
[48] CEDH, 11 février 2014, Contrada (n° 2) c/ Italie (req. n° 7509/08)
[49] CEDH, 2 décembre 2004, Farbtuhs c. Lettonie , req. n° 4672/02, préc.
[50] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, JORF du 5 mars 2002, n° 50, p. 4118.
[51] La mention de l’état de santé « physique ou mentale » a été ajoutée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, JORF n°0189 du 17 août 2014.
[52] Le juge n’est toutefois pas lié par l’expertise médicale. A. PONSEILLE, « La santé. Règles commentées 117 à 120 », pp. 436-437.
[53] Le juge compétent est : le juge d’application des peines lorsque la peine privative de liberté prononcée est d’une durée inférieure ou égale à dix ans ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée en cas d’urgence ou lorsque la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans, le tribunal d’application des peines dans tous les autres cas.
[54] Le juge peut ordonner à tout moment et pour les personnes condamnées à des peines criminelles au moins tous les 6 mois une nouvelle expertise médicale destinée à vérifier que les conditions d’octroi sont toujours remplies. Il peut mettre fin à tout moment à la suspension de peine.
[55] Loi n° 2014-896 préc.
[56] Article 147-1 du code de procédure pénale. La remise en liberté pour raisons médicales est ordonnée soit par le juge d’instruction soit par le juge des libertés et de la détention.
[57] TAP de Créteil, 24 octobre 2006, n° 05-00433, AJ pén. 2006, p. 512, note. M. Herzog-Evans.
[58] A. LEFEVRE, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les dépenses pour la santé des personnes détenues, Sénat, juillet 2017, p. 46. Le rapport préconisait ainsi d’utiliser le centre de rétention de l’établissement public de santé national de Fresnes pour les personnes ayant fait une demande de suspension de peine pour raison médicale en attente d’une place dans une structure d’aval, centre qui ferait ainsi figure de « pré-EPHAD ».
[59] Guide méthodologique relatif aux aménagements de peine et à la mise en liberté pour raison médicale, Ministère de la Justice et Ministère des solidarités et de la santé, 2018.
[60] Recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, préc., règle 124.
[61] Ibid. Règle 137.
[62] X. BIOY, Droits fondamentaux et libertés publiques, 7e éd., 2022, Coll. Cours, Paris : LGDJ, p. 200. Voir aussi pour « l’émergence d’un droit des groupes et des personnes vulnérables » Y. LECUYER et F. LEMAIRE, Cours de droits humains et libertés, Coll. Amphi LMD, Paris : Gualino, 1ère éd., 2022, pp. 526 et s.
[63] Au 1er janvier 2021, l’âge moyen en détention est de 34,6 ans, 40 % des personnes détenues ont moins de 30 ans, 70 % ont moins de 40 ans. « Séries statistiques des personnes placées sous main de justice 1980-2021 », Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Bureau de la donnée, décembre 2021, tableau 17, p.21. A titre de comparaison, dans la population française générale, l’âge moyen est de 42,1 ans (Chiffres de l’INSEE, décembre 2021).
[64] C. TOURAUT, « Âges et usages des espaces carcéraux : l’expérience des détenus « âgés » en France », Espaces et sociétés, 2015/3, n° 162, p. 50.
[65] Article L. 1 du code pénitentiaire.
[66] L’ordonnance du 19 octobre 2022 rend possibles les différences de traitement « lorsqu’elles répondent à une exigence de l’activité de travail essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » (article L. 412-29 du code pénitentiaire). Sont ainsi autorisées, outre les différences de traitement fondées sur l’âge, celles fondées sur l’inaptitude, le handicap et la situation de vulnérabilité économique des personnes (articles L. 412-31 à L.412-33 du code pénitentiaire).
[67] Ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues, JORF n° 0244 du 20 octobre 2022.
[68] CEDH, 26 octobre 2000, req n° 30210/96, Kudla c/Pologne, préc.
[69] M. REBOURG, op.cit. ; C. BOURDAIRE-MIGNOT et T. GRÜNDLER, « Le vieux, une figure de la vulnérabilité en droit », REVDH, n° 17, 2020, en ligne : http://journal.openedition.org/revdh/8744.
[70] Y. LECUYER, « La prise en compte du vieillissement dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RDSS 2018, p. 769.
[71] Y. LECUYER, ibid.
[72] M. BORGETTO, « La personne âgée, sujet de protection du droit », RDSS 2018, p. 757.
[73] F. DÜNKEL, « La croisée des savoirs. La politique criminelle des jeunes adultes délinquants en Europe : approche comparative », Les cahiers de la justice, 2020, p. 313.
[74] La Recommandation Rec(2003)20 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs (adoptée le 24 septembre 2003) évoque, dans la règle 11, la question des jeunes adultes de la manière suivante : « Pour tenir compte de l’allongement de la période de transition vers l’âge adulte, il devrait être possible que les jeunes adultes de moins de vingt-et-un ans soient traités d’une manière comparable à celle des adolescents ». La Recommandation CM/Rec(2008)11 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures (adoptée le 5 novembre 2008) prévoit au point 17 que « Les jeunes adultes délinquants peuvent, le cas échéant, être considérés comme mineurs et traités en conséquence ». De même, les règles de Beijing (Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs, adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 1985) comportent à l’article 3.3 la recommandation faite aux Etats « d’étendre aux jeunes adultes délinquants les principes incorporés dans le présent Ensemble de règles ».
[75] F. DÜNKEL, op.cit.
[76] Article 729 du code de procédure pénale
[77] Note du 20 mars 2008 relative au port des menottes et des entraves à l’occasion des extractions médicales (non publiée.
[78] CGLPL, Avis du 17 septembre 2018 relatif à la prise en compte des situations de perte d’autonomie dues à l’âge et aux handicaps physiques dans les établissements pénitentiaires, JO 22 novembre 2018.
[79] Recommandation Rec(2003)23 du Comité des ministres aux Etats membres concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée, 9 octobre 2003, point 28.
[80] La formation des moniteurs de sport intègre ainsi les enjeux liés à la perte d’autonomie (Réponse ministérielle à la question écrite n°102 016 de Colette Capdevielle, publiée au JO de l’AN le 16 mai 2017, p. 3 626). En outre, une convention signée entre la direction de l’administration pénitentiaire, la direction des sports du ministère chargé de la jeunesse et des sports et plusieurs fédérations multisports vise à développer les prises en charge spécifiques des personnes détenues âgées par le biais d’activités physiques conçues pour elles.
[81] L’article L.211-4 du code pénitentiaire dispose que « la répartition des condamnés dans les prisons établies pour peines s’effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé et de leur personnalité ».
[82] CE, Sect., 6 décembre 2013, n°363290, Thévenot, préc. et CE, 13 janvier 2017, n° 389711, préc. Voir par exemple pour une prise en compte du jeune âge révélant l’absence de fragilité particulière pour dénier le caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention CAA Nancy, 12 mars 2015 (10 espèces).
[83] L’article 6 du code pénitentiaire exige que les restrictions à l’exercice des droits fondamentaux des personnes détenues tiennent compte « de l’âge, de l’état de santé, du handicap, de l’identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue ».
[84] Article D.213-1 du code pénitentiaire.
[85] CGLPL, « Avis du 24 mars 2014 relatif à l’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires », JO du 23 avril 2014.
[86] Règle 222 des Recommandations minimales du CGLPL.
[87] C. RAMBOURG, « Les détenus âgés et le cadre professionnel des surveillants », p. 5.
[88] Voir pour un exemple de fouilles corporelles intégrales jugées justifiées au regard de la vulnérabilité de la personne liée à son âge et du risque corrélatif qu’elle serve de « mule » à d’autres personnes détenues : CAA Nancy, 8 février 2018, 17NC00729.
[89] Circulaire du 18 novembre 2004 relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale, BO Ministère de la justice, n° 96, 1er octobre – 31 décembre 2004.
[90] CEDH 14 nov. 2002, n° 67263/01, Mouisel c/France, RTDH 2003. 999, note J.-P. Céré ; D. 2003. 303, note H. Moutouh ; JCP G 2003. I. 109, obs. F. Sudre et CEDH, 27 novembre 2003, Hénaf c/France, req. n° 65436/01, AJ pénal 2004. 78, obs. J.-P. Céré ; RSC 2004. 441, obs. F. Massias : un homme âgé de soixante-quinze ans avait été inutilement entravé lors d’une extraction judiciaire et gardé menotté pendant toute la durée de son hospitalisation. La Cour a jugé que compte tenu de l’âge du requérant, de son état de santé, de l’absence d’antécédents faisant sérieusement craindre un risque pour la sécurité, des consignes écrites du chef d’établissement pour une surveillance normale et non renforcée, du fait que l’hospitalisation intervenait la veille d’une opération chirurgicale, la mesure d’entrave était disproportionnée et constitutive d’un traitement inhumain.
[91] Note de la direction de l’administration pénitentiaire du 20 mars 2008 relative au port des menottes et des entraves à l’occasion des extractions médicales (non publiée, citée dans l’avis du CGLPL du 17 septembre 2018).
[92] CGLPL, « Avis du 17 septembre 2018 relatif à la prise en compte des situations de perte d’autonomie dues à l’âge et aux handicaps physiques dans les établissements pénitentiaires », préc.
[93] Articles R.124-24 et R.124-29 du code de la justice pénale des mineurs.
[94] La sanction de mise en cellule disciplinaire pourrait n’être prononcée que pour les fautes du premier degré définies à l’article R. 232-4 du code pénitentiaire ainsi que pour la faute du second degré consistant à se soustraire à une sanction disciplinaire prononcée à son encontre (article R. 232-5 7° du code pénitentiaire), comme c’est le cas actuellement pour les mineurs de seize à dix-huit ans.
[95] La durée du placement en cellule disciplinaire ne pourrait excéder sept jours à l’instar des dispositions applicables aux mineurs de seize à dix-huit ans, au lieu des vingt-et-un voire trente jours prévus actuellement pour les personnes majeures.
[96] « La loi ne fixe ni plancher ni plafond d’âge d’entrée en détention ou de maintien en détention » F. FOURMENT, « La protection de la personne âgée en droit pénal substantiel », RDSS 2018, p. 809.
[97] Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, préc.
[98] M. HERZOG-EVANS, « Libération conditionnelle », Répertoire Dalloz de droit pénal et de procédure pénale, 2022.
[99] L’article 708-1 du code de procédure pénale dispose ainsi que « lorsque doit être mise à exécution une condamnation à une peine d’emprisonnement concernant une femme enceinte de plus de douze semaines, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines s’efforcent par tout moyen soit de différer cette mise à exécution, soit de faire en sorte que la peine s’exécute en milieu ouvert ».
[100] CGLPL, Avis du 24 mars 2014 relatif à l’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires, préc.
[101] Article 751 du code de procédure pénale.
[102] D. ROMAN, « Vieillesse et droits fondamentaux : l’apport de la construction européenne », RDSS 2008, p. 267 ; M. BORGETTO, ibid.
[103] Article 25 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « L’union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle ».
[104] Article 1er de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, préc.