Contrats et droits fondamentaux : propos critiques sur le « membre fantôme » de l’article 1102 al. 2 nouveau du Code civil
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations s’écarte du texte initialement rendu public quant aux limites apportées au principe de liberté contractuelle. L’article 1102 alinéa 2 ne vise plus désormais que l’ordre public, abandonnant ainsi toute référence expresse aux droits et libertés fondamentaux. Ce faisant, le droit des contrats manque l’occasion de mieux protéger la personne du cocontractant qui s’est obligée. L’ordre public et les libertés et droits fondamentaux ne se confondent pas et la mise en œuvre de ces notions n’engendrent pas les mêmes modes de contrôle du contenu du contrat. La modification du texte finalement adopté rend donc incertain le type de contrôle à opérer. Par ailleurs, le choix fait par le législateur traduit une certaine conception du juge que l’on espérait pouvoir dépasser.
Aurore-Angélique HYDE, Maître de conférences en droit privé, Université de Rouen, CUREJ (EA 4703)
Est-il encore besoin de présenter la réforme du droit des contrats ? Les commentaires de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations se comptent effectivement en nombre : présentations générales[1], spéciales[2] ou très spéciales[3], commentaires article par article[4], dossiers spéciaux[5], etc.
Ainsi que cela a déjà été observé, le texte adopté s’écarte sur certains aspects du projet d’ordonnance initialement rendu public[6], tant formellement que substantiellement[7]. Parmi ces modifications substantielles, il y en a une qui est passée quasiment inaperçue. En effet, personne, ou presque[8], n’a semblé s’étonner de l’amputation d’une part importante du second alinéa de l’article 1102 nouveau du Code civil qui constitue désormais la limite au principe général de liberté contractuelle énoncé à l’alinéa précédent[9]. Dans sa rédaction actuelle, l’article 1102 al. 2 se contente d’énoncer que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public » alors que le texte initialement proposé ajoutait : « ou de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes privées, à moins que cette atteinte soit indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportionnée au but recherché ». Où l’on voit que l’intronisation formelle[10] des droits et libertés fondamentaux n’a finalement pas eu lieu.
La formulation de « droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes privées » n’était certes pas très heureuse. En effet, elle induisait une « interprétation formaliste régressive »[11] en laissant penser que les droits et libertés non expressément reconnus par une disposition spécifique seraient exclus de la protection. Or, la plasticité des droits et libertés fondamentaux est telle que cette catégorie est susceptible d’accueillir en son sein n’importe quelle prérogative. Notamment, les « espérances légitimes » d’une partie peuvent être protégées au titre du droit de propriété garanti par le premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[12]. Par ailleurs, la liberté de choisir son domicile, qui n’est prévue en ces termes par aucun texte[13], a pourtant été consacrée par la Cour de cassation sur le fondement de l’article 8 § 1 de la CSDH[14]. On le voit, « l’interprétation dynamique de la [Convention de sauvegarde des droits de l’Homme] offre un réservoir inépuisable »[15]. Certaines prérogatives non expressément qualifiées de fondamentales pourraient donc un jour le devenir[16].
La formulation proposée incitait donc à privilégier une conception positiviste des droits et libertés fondamentaux visés, laquelle pouvait suggérer que le conflit entre un contrat et une prérogative fondamentale se règlerait selon une logique hiérarchique fondée sur la valeur juridique de la prérogative en cause. En effet, selon la conception positiviste, les droits et libertés fondamentaux sont les prérogatives à valeur supralégale[17]. Or, à raisonner en ces termes, le conflit risquait d’être nié sur la base du caractère constitutionnel[18] ou fondamental[19] de la liberté contractuelle, celle-ci pouvant être « érigée en principe de base »[20], du moins chaque fois qu’une partie a formellement consenti à porter atteinte à son droit ou à sa liberté fondamental(e)[21]. Une terminologie plus essentialiste que positiviste[22] était donc préférable en ce qu’elle mettait mieux l’accent sur la nécessité de protéger les prérogatives personnelles du contractant personne physique, a fortiori dans le contexte actuel d’expansion du domaine contractuel. Si cette nécessité est d’abord apparue en droit du travail en raison du caractère intrusif du contrat de travail pour la personne du salarié[23], elle existe désormais pour toute sorte de contrats, ce que l’intrusion des droits et libertés fondamentaux dans le contentieux contractuel a eu le mérite de révéler.
Car c’est un fait : les droits et libertés fondamentaux n’ont pas attendu la réforme du droit des contrats pour s’inviter dans le contentieux contractuel. Bien au contraire, la Cour de cassation a dû régulièrement, et ce depuis 1996[24], connaître des moyens tendant à remettre en cause la validité de clauses arguées de porter atteinte à des prérogatives garanties à tout justiciable par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme[25].
Nombreux sont les travaux doctrinaux qui, par la suite, ont cherché à saisir cette réalité pour tenter de révéler les liens unissant le contrat et les droits et libertés fondamentaux[26]. La problématique n’est pourtant pas propre aux droits et libertés fondamentaux. Elle est plutôt consubstantielle au contrat qui, par les obligations qu’il crée, restreint nécessairement la liberté des parties qui se sont engagées[27]. Le contrat est liberté, il est liberté contractuelle ; dans le même temps, toutes les libertés peuvent potentiellement être objets d’obligations. Le problème de l’articulation entre contrat et liberté(s) n’est donc pas nouveau. Simplement, il a fini par être occulté et la « fondamentalisation du droit des contrats » l’aura remis sur le devant de la scène.
Nonobstant les critiques terminologiques formulées précédemment, une référence expresse aux « droits et libertés fondamentaux » constituait donc une véritable innovation[28]. En effet, faire de l’ordre public l’unique limite de la liberté individuelle crée une incertitude sur le type de contrôle à opérer (I). En outre, ce choix révèle une conception désuète de la fonction de juger (II).
I. Les incertitudes quant au mode de contrôle à opérer
Pourquoi la référence expresse aux « droits et libertés fondamentaux » des parties a-t-elle disparu de l’article 1102 nouveau du Code civil ? On chercherait en vain une explication dans le rapport au Président de la République qui accompagne l’ordonnance du 10 février 2016. À aucun moment, ce texte censé éclairer le lecteur sur les choix entrepris ne revient sur cette disparition[29]. Faut-il en déduire que cette précision est apparue redondante avec la limite tenant à la protection de l’ordre public ? Certes, il existe des liens inextricables entre l’ordre public et les droits et libertés fondamentaux. En effet, les seconds peuvent sans mal intégrer le premier devenu humaniste[30] ou philanthropique[31]. Et il ne fait aucun doute que le droit conventionnel en matière de droits et libertés fondamentaux est une source de l’ordre public[32]. Une conception renouvelée de l’ordre public impose donc, à chacune des parties contractantes, le plus grand respect des droits et libertés de l’autre partie[33]. Sur cette base, certains auteurs estiment que le recours aux droits de l’homme n’apporte rien et que la notion d’ordre public est « suffisamment compréhensive pour englober (…) les droits fondamentaux et toutes les valeurs jugées essentielles par et pour la société »[34]. La notion d’ordre public permettrait ainsi d’arriver au même résultat que celle de libertés et droits fondamentaux[35].
Le fait que la jurisprudence ait déjà évincé des clauses portant atteinte aux libertés et droits fondamentaux semble, de prime abord, conforter cette analyse. Mais en réalité, l’étude approfondie de ces décisions révèle plutôt que les solutions diffèrent sensiblement selon qu’elles procèdent d’un raisonnement en termes d’ordre public ou en termes de droits fondamentaux. Nous allons voir que dans le premier cas, aucune atteinte n’est admise alors que dans le second cas, l’admission de l’atteinte est conditionnée.
En effet, par sa nature même, l’ordre public est en principe indérogeable[36] et sa mise en œuvre implique une appréciation in abstracto de la cause. Le contrôle du contenu du contrat via l’ordre public relève donc d’un système absolutiste binaire (permis/interdit ; valable/nul). Au contraire, des atteintes peuvent, dans une certaine mesure, être portées aux droits et libertés fondamentaux. Le contrôle du contenu du contrat par ce biais est alors plus relatif : il implique une appréciation in concreto de toutes les circonstances de la cause. C’est exactement ce que prévoyait le projet d’article 1102 al. 2 en réservant la possibilité de porter aux droits et libertés fondamentaux une atteinte « indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportionnée au but recherché ». On voit ainsi que le traitement des atteintes « aux règles d’ordre public » et des « atteintes aux droits et libertés fondamentaux » ne mobilise pas le même raisonnement ce dont il résulte qu’il n’aboutira pas nécessairement au même résultat.
Pour nous en convaincre, reprenons quelques affaires emblématiques dont certaines sont souvent citées au soutien de la thèse selon laquelle la notion d’ordre public suffirait. La première concerne la clause de résidence personnelle stipulée dans un bail d’habitation. Sur le fondement de l’article 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé à deux reprises que pareille stipulation devait être écartée puisqu’elle avait pour effet de « priver le preneur de la possibilité d’héberger ses proches »[37]. Autrement dit, la Cour a estimé que l’atteinte portée à la liberté découlant de l’article 8 § 1 de la Convention ne pouvait purement et simplement pas être admise. En aucun cas la Cour régulatrice n’a exigé des juges du fond qu’ils recherchent si l’atteinte poursuivait un but légitime et si elle apparaissait proportionnée par rapport à ce but. Pourtant, exiger un tel contrôle aurait pu aboutir à une solution différente. Les juges du fond auraient par exemple pu constater que la clause était stipulée dans un contrat de colocation et qu’elle visait ainsi à protéger le droit à la vie privée de chaque colocataire pouvant pâtir d’une surpopulation des locaux[38]. Ils auraient pu ensuite s’intéresser à l’étendue de l’obligation née de la clause. En d’autres termes, ils auraient pu constater que la clause interdisait seulement à un des colocataires d’héberger un proche pendant plus d’une semaine (ce qui permet à l’un d’apporter son secours à un proche dans l’urgence, et à l’autre de ne pas devoir supporter trop longtemps un trouble dans sa jouissance).
La deuxième affaire à trait à la clause d’adhésion obligatoire contenue dans un bail commercial. Plusieurs fois, la Cour de cassation a jugé, sur le fondement de l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association que « la clause d’un bail commercial faisant obligation au preneur d’adhérer à une association des commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d’une nullité absolue »[39]. Cette décision s’appuie à l’évidence sur la mise en œuvre classique de l’ordre public, à savoir la nullité absolue d’une stipulation contraire à une disposition impérative. En effet, l’article 4 de la loi précitée prévoit expressément que « Tout membre d’une association peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire ». Dès lors, la clause faisant obligation à un preneur à bail commercial d’adhérer à l’association de commerçants de la galerie commerciale dans laquelle se situe le local donné à bail apparaît contraire à la disposition impérative précitée ce dont il résulte qu’elle doit être évincée[40]. Au contraire, à supposer qu’aucune règle n’interdise cette stipulation, un raisonnement en termes de justification et de mesure de l’atteinte permettrait un contrôle plus fin pouvant conduire à en admettre la validité. On pourrait notamment considérer que l’atteinte à la liberté d’association a une raison d’être légitime (comme la nécessité d’harmoniser la politique commerciale d’une galerie marchande ou celle d’en assurer l’entretien) et qu’elle est proportionnée au regard de cette finalité (au regard du montant des cotisations par exemple).
La troisième affaire, moins connue, concerne la clause d’agrément contenue dans un bail à construction. Actuellement, la jurisprudence décide que cette clause est « nulle et de nul effet » en ce qu’elle « constitue une restriction au droit de céder du preneur contraire à la liberté de cession » [41]. Là encore, le raisonnement mis en œuvre pour parvenir à cette solution procède d’une logique binaire propre à l’ordre public. Nulle part il n’est dit qu’il s’agit là d’une restriction injustifiée ou d’une restriction disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Et pour cause, l’objectif poursuivi par la clause d’agrément a été parfaitement indifférent aux yeux des juges. Seule a compté l’existence même de la restriction à la liberté de céder du preneur à bail. Et c’est sur la base de cette seule restriction qu’est fondée la nullité de la clause. Pourtant, il est d’autres domaines où les clauses d’agrément sont admises, spécialement lorsque le contrat est conclu intuitu personae[42]. Par ailleurs, à bien y regarder, la restriction portée à la liberté de céder d’un preneur par une clause d’agrément n’est pas totale puisqu’elle n’a pas pour effet d’interdire totalement la cession du bail à construction. En effet, la cession est seulement subordonnée à l’accord du bailleur, autrement dit du cédé[43]. Il apparaît ainsi que la restriction à la liberté de céder est plus importante lorsqu’elle procède d’une clause d’inaliénabilité[44] que lorsqu’elle procède d’une clause d’agrément. Or, le droit positif admet les clauses d’inaliénabilité dès lors qu’elles sont « temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime »[45]. Les conditions de validité des clauses d’inaliénabilité sont donc plus respectueuses de la logique dialectique devant présider en matière d’atteinte aux droits et libertés. À cet égard, il est certain qu’un contrôle en termes de justification et de mesure de l’atteinte portée à la liberté de céder du preneur à bail par la clause d’agrément n’aurait pas nécessairement conduit les juges à prononcer la nullité de ladite clause.
Le refus de toute référence aux droits et libertés fondamentaux dans l’article 1102 nouveau du Code civil marque donc le refus de graver, dans le marbre du Code civil, le contrôle de proportionnalité. À n’en pas douter, cela révèle une conception dépassée de la fonction de juger.
II. Une conception désuète de la fonction de juger
À la différence du contrôle traditionnel de police du contrat via l’ordre public, le contrôle de proportionnalité introduit une dose de relativité voire de relativisme. En mettant en œuvre le contrôle de proportionnalité, le juge opère nécessairement au cas par cas pour pondérer les intérêts en présence. Il en résulte qu’en fonction des espèces, l’atteinte à une même liberté pourra être tantôt autorisée, tantôt proscrite, selon qu’elle apparaît ou non justifiée par une finalité admise par l’ordre social, et proportionnée à ladite finalité[46]. On voit ainsi que le raisonnement purement syllogistique montre ses limites[47]. Dès lors qu’il s’agit de confronter plusieurs intérêts légitimes, le juge doit adopter une logique dialectique afin d’assurer un certain équilibre entre les stipulations du contrat et les prérogatives fondamentales des parties[48].
Nous pensons donc, avec d’autres[49], que le choix opéré par le législateur marque une volonté de minimiser les pouvoirs du juge souvent décriés de manière générale, et plus encore en matière de police contractuelle. L’entrée des droits et libertés fondamentaux dans le Code civil comme limite à la liberté contractuelle aurait nécessairement commandé une nouvelle manière de juger, moins dogmatique, et finalement une nouvelle manière de faire du droit des contrats. En limitant la liberté contractuelle par la seule notion d’ordre public, le législateur a préféré céder à une conception « très classique du contrôle de la liberté contractuelle, soumise à des contraintes verticales »[50].
Refoulé par un législateur méfiant à l’égard du juge, le principe de proportionnalité pourrait bien s’imposer malgré tout au juge du contrat. En effet, les droits et libertés fondamentaux ne vont pas manquer de s’inviter dans le débat judiciaire et les juges seront immanquablement amenés, dans certains cas, à mettre en œuvre un contrôle horizontal « plus proche des méthodes européennes »[51]. La Cour de cassation l’a bien compris, qui réfléchit actuellement à réformer son mode de contrôle[52].
D’ailleurs, il est déjà arrivé qu’un contrôle de proportionnalité soit exigé pour certaines clauses portant atteinte à des libertés, et ce en dehors même du contrat de travail pour lequel ce type de contrôle est expressément prévu[53]. Ainsi de la clause de non-réaffiliation contenue dans un contrat de franchise[54], de la clause de non-concurrence stipulée dans une cession de parts sociales[55] ou encore de la clause de non-rétablissement prévue dans un contrat de franchise[56]. Reste qu’actuellement, ce type de contrôle est assez exceptionnel, faute de fondement juridique sûr[57]. D’ailleurs, on l’oublie souvent, même les textes de la CSDH ne font pas expressément référence à la proportionnalité.
En conséquence, le mode de contrôle du contenu du contrat, et plus spécifiquement des clauses dites « accessoires »[58], « adventices »[59] ou « périphériques »[60], risque d’être aléatoire selon que le juge appelé à en connaître raisonnera en termes d’ordre public ou en termes de pondération des intérêts. Où l’on voit que l’objectif de sécurité juridique de la réforme, si souvent martelé, est parfois perdu de vue.
Formellement absents du Code civil, les libertés et droits fondamentaux vont assurément continuer à « chatouiller » le droit des contrats. En effet, les plaideurs vont chercher à mobiliser la CSDH pour pousser le juge interne à opérer un contrôle de proportionnalité à la mode européenne. Mais il ne faudrait pas perdre de vue que, même devant la Cour européenne, ce contrôle ne s’impose ni en toute circonstance ni toujours avec la même intensité[61]. En outre, le contrôle de proportionnalité réalisé par la Cour européenne lorsqu’elle juge un État-partie n’est pas exactement le même que celui réalisé devant les juridictions nationales lorsqu’elles doivent directement mettre en balance les intérêts privés en conflit dans le contrat. La mise en œuvre du contrôle de proportionnalité en matière de contrat repose donc sur des bases incertaines ce qui, soit dit en passant, contredit encore l’objectif affiché de lisibilité et d’accessibilité du droit des contrats[62].
En s’abstenant d’inscrire le contrôle de proportionnalité dans le Code civil, le législateur a du même coup refusé de consacrer le principe de proportionnalité en droit des contrats. Le principe de proportionnalité est pourtant un standard juridique utile pour le juge, à côté d’autres figures propres à caractériser l’inadmissible telles que l’abus de droit, l’excès ou le détournement de pouvoir, ou encore la mauvaise foi[63]. Il découle directement du fait que « dans un État de droit, dès qu’un pouvoir légitime ou un droit quelconque est soumis au contrôle judiciaire, il pourra être sanctionné s’il s’exerce d’une façon déraisonnable, donc inacceptable »[64]. Sans doute le contrôle de proportionnalité dérange-t-il en ce qu’il porte en lui « les germes d’une transformation du droit et plus particulièrement de la pensée juridique »[65] dans le sens d’une reconnaissance de la relativité propre à tout système juridique[66].
Le principe de proportionnalité atteste effectivement d’une nouvelle forme de normativité : une normativité plus indéterminée[67]. L’indétermination de la règle laisse alors un espace très large au juge entre la norme et la solution[68] du litige. Devant cette indétermination de la clé de résolution du conflit, la figure du juge s’impose pour devenir une nouvelle source de normativité. Consacrer le contrôle de proportionnalité en droit des contrats marquait donc indéniablement une reconsidération politique du rôle du juge dans la détermination du droit positif. Au contraire, l’omettre caractérise une conception désuète de la fonction de juger.
Ajoutons, pour conclure, que le fait de « civiliser » les droits et libertés fondamentaux en les consacrant formellement en droit des contrats marquait, symboliquement parlant, le choix d’une éthique contractuelle orientée vers la protection de la personne du contractant[69]. Ce choix caractérisait ainsi une conception plus humaniste du droit des contrats[70]. L’avant-projet assumait donc opportunément un positionnement idéologique que l’ordonnance abandonne malheureusement. A-t-on voulu perdre de vue que la personne humaine est, depuis l’origine du Code civil, « la notion centrale du droit »[71] ? Une telle conclusion serait sans doute excessive.
Pourtant, faire explicitement de la protection de la personne une considération primordiale pour le droit était une nécessité[72]. Georges Rouhette l’avait d’ailleurs mis en lumière dans son commentaire des dispositions de l’avant-projet Catala[73]. Cette considération a également guidé les rédacteurs de l’un des deux projets de cadre commun de référence livrés à la Commission européenne en 2008. En effet, le texte réalisé en commun par le Study Group on an European Civil Code et l’Acquis Group[74] fait de la protection des droits et libertés fondamentaux un principe primordial[75] et prévoit, notamment que les règles qu’il contient « doivent être lues à la lumière des instruments applicables garantissant les droits de l’homme et les libertés fondamentales ainsi que des lois constitutionnelles en vigueur »[76]. La même considération avait encore guidé le projet Terré de réforme du droit des contrats[77] qui faisait pour sa part pas moins de deux références expresses à la protection des libertés et droits fondamentaux : la première au stade des principes généraux des contrats[78] et la seconde à propos du contenu du contrat[79].
En abandonnant délibérément toute référence aux droits et libertés fondamentaux, la réforme manque donc l’opportunité d’adopter un droit des contrats humaniste et empreint de modernité. C’est regrettable, car l’occasion de réformer le droit des contrats ne se représentera pas de si tôt !
[1] V. Par ex. : D. Mazeaud, « Réforme, vous avez dit réforme ? », JCP G 2016, 243 ; A. Bénabent et L. Aynès, « Réforme du droit des contrats et des obligations : aperçu général », D. 2016, 434 ; J. Mestre, « Petite abécédaire de la réforme des contrats et des obligations », 2 parties, RLDC 2016/136 et 2016/137 ; L. Leveneur, « Présentation générale de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », CCC 2016, n° 5, dossier ; B. Mercadal, Réforme du droit des contrats, Dossier pratique, Francis Lefebvre, 2016.
[2] Notamment : M. Mekki, « Commentaire de l’ordonnance du 10 février 2016 (volet contrat) », D. 2016, 494 ; et « Commentaire de l’ordonnance du 10 février 2016 (volet régime de l’obligation) », D. 2016, 608 ; G. Lardeux « Commentaire du titre IV bis nouveau du livre III du code civil intitulé ‘‘De la preuve des obligations’’ ou l’art de ne pas réformer, D. 2016, 850 ; E. Vergès, «Droit de la preuve : une réforme en trompe-l’œil », JCP G 2016, 486 ; C. François, « Application dans le temps de incidence sur la jurisprudence antérieure », D. 2016, 506 ;
[3] Entre autres : M. Béhar-Touchais, « Le déséquilibre significatif dans le code civil », JCP G 2016, 391 ; C. Grimaldi, « En attendant la loi de ratification… », D. 2016, 606H. Barbier, « La violence par abus de dépendance », JCP G 2016, 421 ; M. Mekki, « Fiche pratique sur le clair obscur de l’obligation précontractuelle d’information, Gaz. pal. 12 avril 2016, n° 14, p. 15 ; C. Pérès, « Règles impératives et supplétives dans le nouveau droit des contrats », JCP G 2016, 454 ; P. Mousseron, « Le nouveau régime de la capacité contractuelle des sociétés : la boussole de l’objet social », D. 2016, 906 ; F. Labarthe, « La fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre et de prestations de service », JCP G 2016, 642 ; J. Moury, « La détermination du prix dans le ‘‘nouveau’’ droit commun des contrats », D. 2016, 1013 ; S. Pellet, « Les restitutions : et si le dogmatisme avait du bon ? », JCP G 2016, 676 ; S. Lequette, « Droit commun des contrats et contrats d’intérêt commun », D. 2016, 1148 ; P. Bertrand, « Quel impact sur le contrat d’assurance ? », D. 2016, 1156 ; F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion de l’article 1110 du code civil », JCP G 2016, 776 ; N. Fricero, « Une nouvelle réponse déjudiciarisée à l’obstruction au paiement du créancier », JCP G 2016, 807 ; Y.-M. Serinet, « La constatation de la nullité par les parties : une entorse limitée au caractère judiciaire de la nullité », JCP G 2016, 845 ; V. Lasserre, « La cession de dette consacrée par le code civil à la lumière du droit allemand », D. 2016, 1578 ; G. Lardeux, « Le contrat de prestation de service dans les nouvelles dispositions du code civil », D. 2016, 1659 ; M. de Fontmichel, « Les nouvelles actions interrogatoires », D. 2016, 1665.
[4] Notamment : M. Mignot, « Commentaire article par article de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », 10 parties, LPA du 26 février 2016 au 6 mai 2016, n°s 41, 47, 52, 58, 64, 67, 74, 83, et 91 ; G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, Dalloz, Hors collection, 2016 ; Th. Douville, La réforme du droit des contrats. Commentaire article par article, Gualino, 2016.
[5] V. par ex. : « Réforme du droit des contrats : quelles innovations », RDC 2016 Hors-série, colloque du 16 février 2016, avec les contributions de L. Aynès, A. Bénabent, O. Deshayes, J. François, Y.-M. Laithier, D. Mazeaud, Th. Revet, Ph. Stoffel-Munck ; « Le nouveau droit des contrats », Dr. et pat. 2016, n° 258, Dossier spécial avec les contributions de F. Chénedé, P. Puig, F. Dournaux, S. Pellet, A. Étienney de Sainte Marie, J.-S. Borghetti, P. Grosser, R. Libchaber, Ch. Gijsbers, Ph. Briand, L. Andreu, J. Klein ; « L’inexécution des contrats », Dr. et pat. 2016, n° 259, Dossier spécial avec les contributions de S. Bross, M. Brochier, A. Aynès, A. Hontebeyrie, et Ph. Delebecque ; « Cession de créance, cession de dette, cession de contrat : les nouvelles règles », Dr. et pat. 2016, n° 260, Dossier spécial avec les contributions de Ch. Gijsbers, L. Aynès, et M. Julienne ; « Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », CCC 2016, n° 5, dossier spécial avec les contributions de L. Leveneur, G. Loiseau, F. Chénedé, S. Gaudemet, Ch.-É. Bucher, H. Lécuyer, B. Demont.
[6] Cf. Avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations rendu public le 25 février 2015 sur le site du ministère de la justice : http://www.justice.gouv.fr/publication/j21_projet_ord_reforme_contrats_2015.pdf
[7] V. par ex. L. Leveneur, « Présentation générale de la réforme du droit des contrats… », art. préc., n° 8 et s., regrettant qu’une certaine opacité entoure ce travail de réécriture.
[8] V. Cependant M. Mekki, « Commentaire de l’ordonnance du 10 février 2016 », art. préc., spéc. n° 8 ; M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 1 – Contrat et engagement unilatéral, PUF, coll. Thémis, 2016, 4e éd., n° 71 p. 84.
[9] Art. 1102 al. 1 nouv. CC : « chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu du contrat dans les limites fixées par la loi ».
[10] N. Dissaux et Ch. Jamin, Projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations rendu public le 25 février 2015. Commentaire article par article, Dalloz, 2015, qui notent, p. 4, que l’avant projet d’article 1102 al. 2 « intronise formellement les droits et libertés fondamentaux dans le titre du code relatif au droit contractuel ».
[11] N. Dissaux et Ch. Jamin, op. cit., p. 5
[12] CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley c. Irelande, n° 12742/87 ; CEDH, 20 novembre 1995, Pressos Compania Naviera, n° 17849/91.
[13] Les textes proclament plutôt « le droit au respect du domicile » (cf. art. 8 § 1 CSDH, art. 7 CDFUE), c’est-à-dire son inviolabilité.
[14] Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 69-40755, Bull. civ. V, n° 7 ; Cass. soc., 28 février 2012, n° 10-18308, Bull. civ. V, n° 78.
[15] N. Dissaux et Ch. Jamin, op. cit., eod. loc.
[16] Ainsi, par exemple, de la liberté de se vêtir à sa guise. Si la chambre sociale refuse encore de lui conférer une valeur fondamentale (ex. Cass. soc., 28 mai 2003, n° 02-40273, Bull. civ. V, n° 178), on peut légitimement soutenir qu’elle n’est qu’un prolongement de la liberté d’expression ou de la liberté religieuse (L. Gimalac, « La tenue vestimentaire, l’identité et le lien social dans le cadre des rapports professionnels », LPA 20 décembre 2002, n° 254, p. 11 et s.
[17] Sur les différentes acceptions de la notion de droits fondamentaux, voir E. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », AJDA 1998, n° spécial, p. 6 et s.
[18]Selon le Conseil constitutionnel, la liberté contractuelle découle directement de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (CC, décision n° 2000-437 DC du 19 déc. 2000, loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ; CC, décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, loi relative à la sécurisation de l’emploi).
[19] Pour la Cour de justice de l’Union européenne, la liberté contractuelle découle de la liberté d’entreprendre prévue à l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (CJUE, 18 juillet 2013, Alemo Herron v. Parkwook Leisure Lt, C-426/11
[20] Ch. Jamin, « Le droit des contrats saisis par les droits fondamentaux », in Repenser le contrat, dir. G. Lewkowicz et M. Xifaras, Dalloz, coll. Méthode du droit, 2009, p. 175 et s., spéc. p. 179.
[21] A.-A. Hyde, Les atteintes aux libertés individuelles par contrat. Contribution à la théorie de l’obligation, préf. M. Fabre-Magnan, IRJS, coll. Bibl. André Tunc, 2015, n° 40.
[22] E. Picard, article précité, pour qui « la fondamentalité ne s’épuise dans aucune norme formelle ».
[23] Cf. l’article L. 1121-1 du code du travail aux termes duquel « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », et l’article L. 1321-3 du même code relatif au règlement intérieur, rédigé dans les mêmes termes.
[24] Cass. 3e civ., 6 mars 1996, n° 93-11113, Bull. civ. 1996, III, n° 125 ; D. 1997, note B. de Lamy, p. 167 et s. ; JCP G, I, p. 338 et s., obs. C. Jamin ; RTD civ. 1996, p. 1024 et s., J.-P. Marguénaud ; Defrénois, 1996, p. 1432 et s., note A. Bénabent. En l’espèce, la Cour de cassation a jugé, au visa de l’article 8 de la CSDH, qu’était nulle la clause qui dans un bail d’habitation avait « pour effet de priver le preneur de la possibilité d’héberger ses proches ». Solution confirmée par Cass. 3e civ., 22 mars 2006, n° 04-19349, Bull. civ. 2006, III, n° 73 ; E. Garaud, « Le droit au respect de la vie privée et familiale permet au colocataire d’héberger ses proches malgré les stipulations du bail le lui interdisant », LPA n° 148, 26 juillet 2006, p 18 et s. ; J.-B. Seube, « Le contrat de bail, les droits fondamentaux et l’ordre public », RDC 2006, p. 1149 et s.
[25] Pour une étude de cette jurisprudence : J. Ghestin, G. Loiseau, Y.-M. Serinet, La formation du contrat, t. 1, Le contrat – Le consentement, LGDJ, coll. Traité de droit civil, 2013, 4e éd., n° 549 et s. et les références citées.
[26] L. Maurin, thèse précitée ; J. Raynaud, Les atteintes aux droits fondamentaux dans les actes juridiques privés, préf. E. Garaud, PUAM, 2003 ; dans une approche publiciste : J. Arroyo, La renonciation aux droits fondamentaux, préf. X. Dupré de Boulois, Pedone, coll. Publications de l’Institut International des Droits de l’Homme, 2016.
[27] A.-A. Hyde, thèse précitée. Tout l’objet de notre thèse a précisément été de montrer que le droit des contrat pouvait être repensé pour appréhender la problématique de manière générale.
[28] M. Mekki, « Les principes généraux du droit des contrats au sein du projet d’ordonnance portant sur la réforme du droit des obligations », D. 2015. 816, n° 34.
[29] À propos de l’article 1102, le rapport se contente de noter que l’alinéa 2 « s’inspire de l’article 6 du code civil, sans toutefois maintenir l’interdiction de déroger aux bonnes mœurs. Cette notion apparait en effet désuète au regard de l’évolution de la société́, et la jurisprudence l’a progressivement abandonnée au profit de la notion d’ordre public dont elle n’a eu de cesse de développer le contenu ». Rien donc sur les droits et libertés fondamentaux !
[30] M. Mekki, L’intérêt général et le contrat, LGDJ, 2004, spéc. nos 423 s., p. 258 s.
[31] D. Fenouillet, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre public philanthropique ! », in, Le droit privé français à la fin du XXe siècle, études offertes à P. Catala, Litec 2001, p. 487 et s.
[32] Cf. Rapport de la Cour de Cassation pour 2013, Étude – L’ordre public, « Première partie : Les sources de l’ordre public », La documentation française, 2014 ; M.-J. Redor, « Ouverture », in, L’ordre public : ordre public ou ordres publics, Ordre public et droits fondamentaux, Bruylant, 2001, p. 9 et s.
[33] A.-A. Hyde, thèse précitée, n° 586 et s.
[34] F. Chénedé, « La cause est morte… vive la cause ? », CCC 2016, n° 5, dossier 4.
[35] F. Chénedé, « La fondamentalisation du droit des contrats : discours et réalité », RDA 2015, n° 11, p. 51 et s., spéc. n° 6 et s.
[36] C. Aubert de Vincelles, article précité, n° 6. À la différence du droit civil, certaines matières ont des conceptions particulières de l’ordre public pouvant admettre certaines dérogations. On pense notamment au droit du travail qui admet, à côté d’un « ordre public absolu », un « ordre public social » et un « ordre public dérogatoire » : « Retour sur l’ordre public en droit du travail et son application par la Cour de cassation », BICC n° 740, 15 avril 2011, p. 6 et s.
[37] Cf. les arrêts des 6 mars 1996 et 22 mars 2006 précités.
[38] C’était effectivement le cas dans la seconde espèce.
[39] Ass. pl., 9 février 2001, ° 99-17642, Bull. AP n° 3 ; Cass. civ. 3e, 12 juin 2003, n° 02-10778, Bull. civ. 2003, III, n°125 ; Cass. 1e civ., 20 mai 2010, n° 09-65045, Bull. civ. 2010, I, n° 118.
[40] Bien que la nullité absolue ait reçue la faveur de la Cour de cassation, le mécanisme du réputé non écrit nous semble préférable. Sur la distinction entre les deux et les avantages du second par rapport au premier : S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, préf. Y. Lequette, Economica, coll. Recherches juridiques, 2006.
[41] Cass. 3e civ., 24 septembre 2014, n° 13-22357, Bull. civ. 2014, n° 111.
[42] Par exemple dans un contrat de concession : Cass. com., 2 juillet 2002, n° 01-12685, Bull. civ. IV, n° 113 qui ne remet pas en cause la validité de la clause mais estime que les juges du fond ont pu déduire des termes de la clause que « le refus d’agrément par le concédant devait être justifié par des impératifs tenant à la sauvegarde de ses intérêts commerciaux légitimes et que, pour éviter tout arbitraire, il appartenait [au concédant] de le motiver, à seule fin de permettre au concessionnaire de vérifier que sa décision était fondée sur un examen équitable et soigneux, conforme à ses engagements contractuels ».
[43] Le nouveau droit de la cession de contrat consacre d’ailleurs cette exigence à l’article 1216 al. 1 du Code civil : « Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé ».
[44] Stipulation par laquelle l’acquéreur s’interdit d’aliéner les biens ou les droits qu’il reçoit en vertu d’un contrat.
[45] Cf. art. 900-1 du code civil relatif aux libéralités. Adde Cass. civ. 1e, 16 février 1953, Bull. civ. 1953, I, p. 57 D. 1953, jur., p. 282 et s. qui en a étendu le régime aux clauses d’inaliénabilité stipulées dans les actes à titre onéreux, et Cass. civ. 1e, 31 octobre 2007, n° 05-14238, Bull. civ. 2007, I, n° 337 qui a étendu ce régime aux statuts ou aux pactes extra statutaires de sociétés commerciales (excepté dans le cadre d’une société par actions simplifiées où il existe un régime spécifique : art. L.227-13 du Code de commerce).
[46] Pour une mise en œuvre détaillée de ces critères : A.-A. Hyde, thèse précitée, n° 401 et s. (sur la justification de l’atteinte) et n° 682 et s. (sur la proportionnalité de l’atteinte).
[47] O. de Schutter, Fonction de juger et droits fondamentaux. Transformation du contrôle juridictionnel dans les ordres juridiques américain et européens, Bruylant, Bruxelles, 1999 ; J. van Compernolle, « Vers une nouvelle définition de la fonction de juger : du syllogisme à la pondération des intérêts », in, Nouveaux itinéraires en droit, Hommage à F. Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p 495 et s.
[48] À dire vrai, le syllogisme juridique a toujours pu apparaître artificiel, notamment lorsqu’il est reconstitué a posteriori pour fonder une solution « humainement désirable » : cf. J. Carbonnier, Droit civil., vol. 1, PUF coll. Quadrige, 2004, spéc. n° 9 qui parle de « syllogisme régressif ».
[49] M. Fabre-Magnan, Les obligations, ouvrage précité, n° 71, p. 84 ; G. Chantepie et M. Latina, Réforme du droit des obligations, ouvrage précité, n° 85.
[50] G. Chantepie et M. Latina, op. cit., n° 93.
[51] G. Chantepie et M. Latina, op. cit., n° 97.
[52] V. not. Regards d’Universitaires sur la réforme de la Cour, JCP G 2016, suppl. au n° 1-2, avec les contributions de B. Louvel, J.-Cl. Marin, L. Cadiet, N. Molfessis, E. Jeuland, D. de Béchillon, N. Fricero, Ph. Théry, C. Chainais, J. H. Robert, Ph. Malaurie, P.-Y. Gautier, J.-P. Jean, D. Lottin.
[53] Art. L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail précités.
[54] Cass. com., 17 janvier 2006, n° 03-12382, Bull. civ. 2006, IV, n° 9.
[55] Cass. com., 4 décembre 2007, n° 04-17449, inédit.
[56] Cass. com., 7 janvier 2004, n° 02-17091
[57] D’ailleurs, on peut dire avec d’autres qu’en certaines matières, « la proportionnalité avance masquée » : X. Dupré de Boulois, « Regards extérieur sur une jurisprudence en procès », JCP 2016, 552.
[58] J. Rochfeld, « Les droits potestatifs accordés par le contrat », in, Le contrat au début du XXIe siècle, Études offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p 747 et s.
[59] J. Ghestin, Ch. Jamin et de M. Billiau, Les effets du contrats, LGDJ, 2001, n° 70 et s.
[60] M. Mekki, « L’ordonnance n° 2016-131 (…), Le volet droit des contrats (…), article précité, n° 7.
[61] M. Marguénaud, « De la juste place européenne de la proportionnalité », obs. ss. CEDH, 5e sect., 21 avril 2016, n° 46577/15, Ivanova et Cherkezov c/ Bulgarie, RTD Civ. 2016, p. 301.
[62] Cf. article 8 de la loi d’habilitation (loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, JORF n° 0040 du 17 février 2015, p. 2961).
[63] A.-A. Hyde, thèse précitée, n° 756.
[64] Ch. Perelman, « Le raisonnable et le déraisonnable en droit », art. préc. spéc. p 36.
[65] P Muzny, La technique de proportionnalité et le juge de la Convention européenne des droits de l’homme…, th. préc., t. I, , n° 25, p 43.
[66] Pour une explication de la nature de la proportionnalité à travers les liens qui l’unissent au raisonnement dialectique (condition structurelle de la proportionnalité) et aux droits fondamentaux (condition matérielle de la proportionnalité), nous renvoyons à la thèse de P Muzny, ibid., pp 45-95. Dans ce chapitre, l’auteur explique comment l’application du raisonnement dialectique et la réalisation des droits (fondamentaux) reflètent d’une seule voix l’existence d’un substrat de relativité qui conditionne [la] naissance [de la proportionnalité].
[67] Certains auteurs parlent même de déformalisation du droit : O. de Schutter, thèse précitée, p. 9.
[68] J. Chevallier, L’État postmoderne, LGDI, 2004, 2e éd., p. 123 : « Faute de prédétermination, la signification des énoncés juridiques dépendra dans une large mesure de l’interprétation qui en sera donnée, notamment par le juge ».
[69] L. Maurin, Contrats et droits fondamentaux, avant-propos R. Cabrillac, préf. E. Putmann, LGDJ, coll. Bibl. dr. privé, n° 232 et s.
[70] M. Mekki, article précité ; A.-A. Hyde, op. cit., n° 41.eod. loc.
[71] J. Rochfeld, Les grandes notions du droit privé, PUF, coll. Thémis, 2013, 2e éd., n° 1, p 9.
[72] A.-A. Hyde, op. cit. ; M. Mekki, « Les doctrines sur l’efficacité du droit des contrats en période de crise », RDC 2010, p. 383 et s.
[73] G. Rouhette, « Regard sur l’avant-projet de réforme du droit des obligations », RDC 2007, p. 1371 et s., n° 43. Relevant que les dispositions de l’article 1.202 de ce texte devaient être « élargies ou précisées [notamment pour] garantir la protection des droits et libertés fondamentaux dans une mesure qui s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative aux restrictions apportées aux droits conditionnels et de celle de la Cour de cassation en matière de clause de non-concurrence », l’auteur proposait de compléter le texte par un troisième alinéa rédigé en ces termes « on ne peut porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux que dans la mesure indispensable à la protection d’un intérêt sérieux et légitime ».
[74] Principles, Definitions and Models Rules of European Private Law, DCFR, Sellier, 2008 ; Également accessible au format PDF sur : http://ec.europa.eu/justice/contract/files/european-private-law_en.pdf
[75] Point 17 de l’introduction du DCFR (in « Contents of the DCFR »).
[76] Cf. art. 1 :102 DCFR aux termes duquel : The rules of the DCFR « are to be read in the light of any applicable instruments guaranteeing human rights and fundamental freedoms and any applicable constitutional laws ».
[77] F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires 2009.
[78] Article 4 al. 2 : « On ne peut porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux que dans la mesure indispensable à la protection d’un intérêt sérieux et légitime ». Ce second alinéa vient, ainsi que le précise le rapport, moderniser la notion d’ordre public prévue à l’alinéa précédent : C. Aubert de Vincelles, « Les principes généraux relatif au droit des contrats », in, Pour une réforme du droit des contrats, ouvrage précité, p. 113 et s., spéc. n° 5.
[79] Article 59 al. 2 : « [le contrat], ne peut, pareillement, porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux que dans la mesure indispensable à la protection d’un intérêt sérieux et légitime ».