La propriété collective, une lacune constitutionnelle ?
En matière de propriété, le Conseil constitutionnel a bâti sa jurisprudence sur les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Bien que ces dispositions soient relatives à la propriété individuelle, c’est à leur lumière que le Conseil a jugé de la constitutionnalité de l’indivision que créait le PACS en 1999. Alors que les hypothèses de propriétés collectives, bien loin de se réduire à l’indivision, semblent statistiquement majoritaires, est-ce bien raisonnable de persister à apprécier leur légitimité à l’aune de leur antithèse ?
Sébastien Milleville est Maître de conférences à l’Université Grenoble-Alpes et membre du CRJ (EA 1965)
Définir positivement ce qu’il faut entendre par la propriété collective n’est pas chose aisée tant les termes sont susceptibles de désigner des réalités aussi juridiquement différentes 1… qu’elles semblent en apparence voisines. Préférant les apparences à la rigueur, à ce stade, on se contentera de définir négativement cette propriété collective comme celle dans laquelle il n’y a pas qu’un seul propriétaire. Si l’on quitte le domaine des apparences pour celui du constat objectif, en droit interne des biens, cette propriété collective demeure dans l’ombre de sa prestigieuse voisine, la propriété individuelle de l’article 544 du Code civil. La suprématie se passe même de mots car le plus souvent, il n’est même pas besoin de préciser que la propriété est nécessairement la propriété individuelle 2. L’examen de cette propriété individuelle constitue d’ailleurs une part prépondérante du droit des biens, dont elle est la « notion centrale et fondamentale » 3 : ainsi de substantiels développements sont consacrés à l’analyse détaillée du fameux triptyque romain de l’usus, du fructus et de l’abusus. D’autres conduisent à exposer par le menu chacun des caractères de ce droit de propriété. Absolu, il permet tout, exclusif, il ne permet qu’à un seul, perpétuel, il permet pour toujours. Prépondérante en droit des biens, la propriété individuelle est encore structurante si l’on songe que c’est par son prisme que l’on appréhende l’ensemble de la matière. Ainsi, là où la propriété est un pouvoir de droit sur les choses, la possession se définit comme un pouvoir de fait, celui qui, justement, permet par l’écoulement du temps d’acquérir, notamment, ledit droit de propriété individuel. Les développements consacrés à la possession en tant que telle sont de ce fait souvent plus succincts. Les droits réels autres que la propriété n’échappent pas non plus à la règle : ils sont justement « autres que » quand on ne les analyse pas comme de simples démembrements de la matrice originelle que serait la propriété individuelle. Quant à leur régime juridique, il n’est pas moins marqué par la propriété individuelle. Si l’on prend l’exemple de l’usufruit, droit réel dont l’une des caractéristiques essentielles est d’être temporaire, on enseigne souvent que cela permet ainsi à la propriété de se reconstituer, au bénéfice du nu-propriétaire, à la fin de l’usufruit. Si l’on songe encore au droit de superficie : il est un droit de propriété sur le dessus, mais il est temporaire car précisément la propriété du sol a vocation à s’étendre sur le dessus lors de la cessation du droit du superficiaire. Même lorsqu’elle est absente, la propriété individuelle de l’article 544 a donc vocation à s’imposer, ne serait-ce qu’à terme.
Ainsi, alors qu’elle est déjà une part substantielle du droit des biens, la propriété individuelle semble à l’évidence constituer un horizon indépassable pour ce dernier.
Cette omniprésence de la propriété individuelle qui véhicule l’idée selon laquelle toute chose appropriée a pour vocation d’être le monopole d’une seule personne n’est pourtant pas anodine 4. En effet, cela conduit à analyser le partage des utilités de la chose entre plusieurs personnes, l’existence d’une communauté de propriétaires au lieu d’un seul, comme une situation dérogatoire, instable et donc en définitive anormale 5. Car la normalité serait que la chose, toute la chose, soit dévolue à un propriétaire, rien qu’à ce propriétaire.
Cette défiance envers une communauté de propriétaires s’exprime nettement dans des hypothèses d’appropriation collective pourtant indubitablement reconnues en droit positif. L’un des modèles en la matière est évidemment celui de l’indivision des articles 815 & suiv. du Code civil. Et l’exposé de son régime juridique débute justement par une mise en garde : nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision. Les mots du Code traduisent ici parfaitement l’idée que le retour à la propriété individuelle est inéluctable : qui pourrait bien vouloir rester éternellement contraint par une indivision ? Et si l’indivision contraint, en filigrane apparait alors l’idée que la propriété individuelle est une libération 6.
Cette omniprésence de la propriété individuelle n’est évidemment pas le fruit du hasard, produit de l’histoire, sa consécration ne fut pas neutre politiquement, elle ne l’est sans doute pas davantage de nos jours 7. Ainsi enseigne-t-on aujourd’hui que l’article 544 du Code civil et sa propriété individuelle sont la réponse des révolutionnaires de 1789 aux structures foncières de la féodalité 8 dans lesquelles le partage inéquitable des utilités de la chose entre plusieurs était le principe 9. Même si démêler l’ordre des causes et des conséquences n’est pas chose aisée en matière juridique, l’idée semble communément admise que la propriété individuelle fut l’arme idoine pour renverser l’ordre ancien et inégalitaire.
Aujourd’hui pourtant, alors que le retour à un système féodal est inconcevable 10, la propriété individuelle ne semble pas vouée à perdre de sa superbe. Alors que l’on a moins besoin d’elle, elle reste l’alpha et l’oméga du droit des biens. A l’heure de la QPC et de la constitutionnalisation de la plupart des branches du droit civil, cette omniprésence de la propriété individuelle semble renforcée par les sages de Montpensier lorsqu’ils examinent la constitutionnalité de dispositions relatives à la propriété collective à l’aune d’un texte, l’article 17 de la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen, résolument en faveur de l’appropriation individuelle 11. Cela se justifie-t-il ? L’examen de constitutionnalité de la propriété collective (I) est un prétexte suffisant pour s’interroger sur sa matérialité (II).
I. Une constitutionnalité à examiner
Si l’on résume la propriété individuelle de l’article 544 du Code civil au monopole exercée par une personne sur une chose, les hypothèses de propriété collective ont en commun de mettre au moins deux personnes face à la chose… et au reste du monde ! En effet, ce monopole suppose que l’un, propriétaire, ait tout, et que les autres, tiers, n’aient rien. En cas de propriété collective, face aux tiers, on trouve non plus une seule personne, le propriétaire mais une communauté d’au moins deux personnes.
A titre liminaire, il convient de souligner que l’existence d’une communauté ne change rien au fait que les tiers n’ont aucun accès à la chose. Autrement dit, l’existence d’une communauté n’exclut pas nécessairement chacun des aspects du monopole 12 : toute communauté qu’il y ait, dès lors qu’elle est restreinte à un nombre déterminé de personnes, par nature, elle prive les autres, les tiers, de l’accès à la chose 13… En somme, et de ce point de vue-là, promouvoir la communauté contre le monopole n’est que chuter de Charybde en Scylla, puisque faute d’anéantir l’idée-même d’appropriation, on ne fait que passer du monopole… à l’oligopole. Mettre en lumière l’anormalité de la communauté en droit des biens et examiner le traitement constitutionnel de la propriété collective ne procède donc pas de la volonté de nier toute légitimité à l’appropriation privative. Il s’agit au contraire de montrer qu’en matière d’appropriation, entre deux variantes, celle d’un seul ou celle d’une communauté, la première, qui est depuis 1789 prépondérante 14, voit sa suprématie renforcée par le Conseil constitutionnel, ce qui peut interroger. Lorsqu’il examine la constitutionnalité des dispositions légales en cause, le Conseil constitutionnel s’appuie invariablement sur le droit de propriété de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : il juge donc de la constitutionnalité d’un oligopole à l’aune d’un monopole : cette question de conformité du premier au second (A) n’interdit pas de s’interroger sur la légitimité de la comparaison (B).
A. D’une question de conformité…
L’hypothèse-type de pluralité de propriétaires est bien évidemment celle de l’indivision des articles 815 & suiv. du Code civil. Le Conseil constitutionnel a eu à en connaître à l’occasion du contrôle a priori de la loi instaurant le PACS (99-419 DC, du 9 novembre 1999). On rappellera brièvement que dans sa première mouture, l’article 515-5 du Code civil prévoyait qu’à défaut de précision contraire, les biens meubles acquis à titre onéreux par chacun des partenaires étaient présumés indivis 15. Les sénateurs à l’origine de la saisine du Conseil ont alors fait valoir que cette présomption d’indivision était en elle-même de nature « à entamer » le droit de propriété et que par ailleurs en imposant aux partenaires de demeurer dans l’indivision, la loi en cause porterait atteinte au droit de propriété.
Le Conseil a écarté ces deux arguments sénatoriaux en relevant déjà, que la présomption d’indivision pouvait être renversée par les partenaires qui demeuraient libres de soumettre les biens acquis à un autre régime. Ensuite, concernant l’obligation prétendue de demeurer dans l’indivision, le Conseil a pris le soin de préciser qu’aucune atteinte au droit de propriété n’était avérée dès lors que conformément aux règles gouvernant habituellement l’indivision, les partenaires avaient la possibilité de demander le partage des biens indivis car « nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision ». Par cette réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a opéré une véritable constitutionnalisation du droit de demander le partage des biens indivis. Ce partage des biens indivis a ceci de particulier qu’il est précisément le mécanisme qui permet de sortir de l’indivision en octroyant à chaque indivisaire un lot sur lequel il exercera, seul, son droit de propriété. Si l’on comprend bien, l’indivision du PACS ne posait aucun problème, dès lors qu’elle était susceptible de cesser à tout moment par le biais du partage, ce qui en l’espèce ne semblait pas faire de doute 16. Plus que la solution retenue à savoir l’absence de censure de la disposition déférée, c’est donc à juste titre le contenu-même de la réserve d’interprétation qui retient l’attention 17 : le partage des biens indivis relève d’une nécessité constitutionnelle adossée à la Déclaration de 1789.
Cette réserve d’interprétation et la constitutionnalisation du partage des biens indivis qu’elle opère peuvent se lire de différentes façons.
Dans un premier sens qui est celui généralement retenu, il s’agit simplement de consacrer la primauté constitutionnelle de la propriété individuelle sur l’indivision. Cette primauté apparait alors comme le reflet d’une primauté préexistante au sein du droit des biens : il semble depuis la Révolution française graviter autour de la propriété individuelle, et le Conseil constitutionnel s’en fait l’écho.
Reste à savoir s’il est bien opportun que le Conseil se fasse l’écho de ce qui lui préexiste notamment s’agissant de cette question du partage des biens indivis. En effet, même si dans sa méthode le Conseil reste enclin à insérer le plus harmonieusement possible sa jurisprudence dans un ordre préexistant 18, il n’en demeure pas moins que sa jurisprudence modifie nécessairement cet ordre préexistant puisque ses décisions ont force obligatoire.
Cela suggère alors deux observations. La première est qu’il est a priori surprenant qu’un juge disposant d’un tel pouvoir soit si prompt à en neutraliser les manifestations. Cette attitude n’est pourtant pas inédite 19. En somme, à la lecture de la décision relative au PACS, on a l’impression que le Conseil a fait tout son possible pour que dorénavant tout soit comme avant. La seconde est qu’en s’attachant à ne pas trop perturber le droit positif, ici le droit des biens, le Conseil s’appuie sur une certaine représentation de ce dernier, celle qui domine, celle qui fait de la propriété individuelle la fin ultime du droit des biens. Et ce faisant, il conforte cette représentation dominante : qui pourrait bien vouloir contester le partage maintenant qu’il est une exigence constitutionnelle ?
Pourtant, cette représentation n’est peut-être pas aussi conforme à la réalité des choses qu’il y paraît. Sans même s’attarder sur les caractéristiques politiques de cette représentation centrée sur la propriété individuelle, une observation attentive des choses appropriées révèle que son omniprésence en droit des biens ne reflète que de façon très imparfaite la réalité « statistique » de l’appropriation. Nul besoin d’une longue démonstration pour s’en convaincre. S’agissant des seuls particuliers 20, dès lors qu’ils sont mariés, la prévalence du régime de la communauté légale a pour conséquence que les biens immobiliers sont fréquemment communs. Et s’ils ne sont pas mariés, il est tout aussi fréquent qu’ils recourent à une indivision qui est le moyen idoine de traduire juridiquement leurs investissements économiques conjoints. Dans le cadre familial encore, il n’est pas rare que le patrimoine immobilier d’une succession reste indivis entre les héritiers et ce, sur plusieurs générations. Hors du cadre familial, dans la plupart des immeubles bâtis en ville, le régime de la copropriété organise au moins partiellement une propriété collective des parties communes. En zone moins urbanisée, les clôtures et autres murs sont fréquemment mitoyens. Au-delà de ces mécanismes traditionnels éprouvés, en matière immobilière toujours, des formules d’habitats solidaires et collectifs se développent, au moins ponctuellement 21. En forçant à peine le trait, l’impression se dégage que c’est par exception que le regard du juriste se porte sur des choses qui sont l’objet d’une appropriation individuelle dans les règles des articles 544 du Code et 17 de la Déclaration. Celle-ci reste indubitablement de principe pour les choses mobilières qui sont dans le voisinage proche de la personne 22, elle est statistiquement presque l’exception pour les choses, notamment les immeubles, qui n’y sont pas 23.
Ce sont pourtant ces exceptions qui constituent le principe du droit des biens. En soit, si l’on excepte encore les caractéristiques politiques de la propriété individuelle, il n’y a rien d’inacceptable. En revanche, lorsque le Conseil consacre le partage des biens indivis au nom de la protection de la propriété individuelle, il renforce nettement son hégémonie. Purement dogmatique dans l’enseignement du droit des biens, cette omniprésence de la propriété individuelle présente désormais un caractère prescriptif. Bien qu’elle ne relève pas de l’être, grâce au Conseil constitutionnel, elle accède donc au rang du devoir être.
En résumé, bien que la propriété appartenant à communauté soit une situation courante en pratique, elle est présentée en droit des biens comme une situation dérogatoire, et cette dérogation au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel semble désormais en sursis, au nom du respect dû à la propriété individuelle de l’article 17.
Or, en droit des biens « matériels » 24, demeurent certaines hypothèses, certes peu courantes, de propriétés collectives dont la compatibilité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel est devenue en l’état douteuse 25. Dans le strict périmètre du droit des biens, déjà, subsistent certaines indivisions perpétuelles coutumières concernant des parcelles affectées à l’usage de plusieurs immeubles 26. Soumises pour l’essentiel au régime de l’indivision ordinaire, ces indivisions y échappent cependant quant au partage sauf décision unanime de l’ensemble des propriétaires concernés 27. Plus évident encore, les souvenirs de famille échappent aux règles de la dévolution successorale et surtout au partage 28. Leur régime juridique s’apparente alors à celui de biens soumis à une propriété collective perpétuelle. Ces biens peuvent être confiés à l’un des membres de la famille, qui, simple attributaire ne saurait s’opposer au droit de visite de ces souvenirs dont bénéficient les autres membres de la famille et peut se voir opposer le droit à la conservation desdits souvenirs dont ils sont titulaires 29. Un régime juridique voisin excluant tout partage s’applique en matière de sépultures 30.
Si l’on mesure le risque d’un contentieux à la vénalité de l’objet disputé, il faut signaler ici que dans l’un et l’autre cas, des immeubles, qui ont la valeur vénale que l’on sait, peuvent être l’objet de ces qualifications. Ainsi, en matière de souvenirs de famille, il a été jugé que la qualification n’était pas réservée aux choses dénuées de valeur vénale 31. L’hypothèse reste néanmoins peu fréquente. Elle l’est aussi en matière de sépultures, l’inhumation des individus ayant le plus souvent lieu à l’occasion de concessions privatives sur le domaine public 32 qui sont en principe incessibles à titre onéreux 33. Toutefois, il n’est pas impossible qu’une inhumation sur des terrains appartenant à des particuliers ait lieu 34. Quoiqu’il en soit, dans ces matières présentant un caractère familial marqué, le contentieux se réduit encore moins qu’ailleurs à la vénalité des objets disputés. De ce fait, l’éventualité d’un litige mobilisant le caractère constitutionnel du partage des biens indivis ne peut être écarté.
Dans ces trois hypothèses, tout partage semble devoir être exclu, car les biens supposent l’existence d’une collectivité de propriétaires. Que décidera le Conseil lorsque la question de la constitutionnalité de ces régimes lui sera soumise ? A suivre à la lettre sa jurisprudence PACS, une censure devrait être de mise 35, car indubitablement, l’absence de partage contrevient au respect constitutionnellement dû au droit de propriété des articles 2 et 17. Même, on ne saurait mieux illustrer une méconnaissance de cette disposition qu’en excluant tout partage !
Pourtant, à bien y réfléchir, la contrariété à cette disposition est si manifeste qu’elle en devient suspecte. Les indivisions perpétuelles heurtent si fortement ces articles 2 et 17 qu’il est aisé d’en convenir qu’elles sont l’illustration d’une appropriation qui est l’antithèse de celle de la Déclaration de 1789. Cette dernière est le moyen de protéger le droit de propriété que le Conseil s’efforce de découvrir derrière chaque appropriation privative 36. Or, les indivisions perpétuelles reposent elles sur un schéma d’appropriation complètement différent car cette dernière est collective. Fort de constat, il serait possible de justifier le recours aux articles 2 et 17 et la censure du régime juridique des souvenirs de famille ou des sépultures au nom de la primauté, habituelle en droit des biens, de l’appropriation individuelle sur l’appropriation collective. En somme, il s’agirait ici de traiter une indivision perpétuelle comme l’indivision naguère consécutive au PACS. La comparaison s’arrête là, car si l’indivision ordinaire ne voit pas son régime juridique fondamentalement amendé par sa soumission, dans l’ordre constitutionnel, à la propriété individuelle, les indivisions perpétuelles, elles, devraient tout simplement être abolies.
Cette conclusion qui semble juridiquement inéluctable est tout sauf pragmatique. En effet, si ces indivisions persistent encore aujourd’hui, c’est probablement qu’elles remplissent une utilité pratique qui rendrait cette abolition inopportune, encore que l’on puisse en douter, et difficilement applicable, ce qui est bien moins douteux.
Quoiqu’il en soit, cet argument du pragmatisme doit être relativisé tant il est aisé d’en faire le bastion avancé d’un immobilisme juridique aussi peu satisfaisant qu’une inconditionnelle faveur pour la nouveauté.
En réalité, d’un point de vue strictement juridique, la soumission des indivisions perpétuelles au régime constitutionnel des indivisions ordinaires achoppe sur plusieurs obstacles. Déjà, on peut souligner que dans le cas du PACS, le recours aux articles 2 et 17 et la réserve d’interprétation se comprennent car dans l’absolu, les biens des partenaires étaient des biens qui avaient vocation, à un moment ou à un autre à redevenir l’objet d’une propriété purement individuelle, ne serait-ce qu’à la fin du PACS. En effet, si le PACS peut durer, il peut aussi cesser du fait d’une séparation des partenaires et quoiqu’il en soit, il ne saurait résister à la disparition de l’un des partenaires. Autrement dit, l’indivision du PACS était nécessairement affectée d’un terme, ce dernier étant lui-même incertain. De ce fait, le statut indivis des biens des partenaires se présentait, à l’échelle de la durée d’existence de ces biens comme une simple parenthèse collective dans une destinée tournée vers l’appropriation individuelle. En ce sens, cette indivision semblait de nature à être contestée sur le terrain de sa conformité à la Déclaration de 1789 37. En matière de sépultures ou de souvenirs de famille, il en va différemment : cette vocation à l’appropriation individuelle n’existe pas. L’appropriation collective est censée résister à la disparition physique de ses membres. Les biens en cause restent rebelles à l’appropriation d’un seul car ils n’ont de sens qu’appropriés par une communauté qui est destinée à persister au-delà de l’individualité de ses membres.
Cela a pour conséquence que s’agissant de ces indivisions perpétuelles, la question n’est pas celle de la méconnaissance des articles 2 et 17, elle est certaine, mais davantage de savoir si ces dispositions ont véritablement droit de cité. Et cela est tout sauf évident.
En effet, lorsque le Conseil recourt à ces dispositions, c’est parce qu’en définitive il identifie un droit de propriété individuel dont la préservation des excès du législateur est son office. L’étendre aux indivisions et notamment aux indivisions perpétuelles suppose donc à tout le moins de reconnaître l’existence d’un authentique droit de propriété au sens où le Conseil mobilise ce concept. C’est précisément sur ce dernier point qu’une autre lecture de la décision PACS est possible : il ne s’agit plus de constater la primauté constitutionnelle de la propriété individuelle sur l’indivision mais de s’interroger sur la légitimité, en l’espèce, du recours à la propriété individuelle.
B. À une question de légitimité
Ainsi, dans une seconde lecture, la décision PACS intéresse au plus haut point le civiliste car finalement elle montrerait que les biens soumis au régime d’une indivision ordinaire comme celle du PACS ne sauraient échapper à l’emprise de la propriété individuelle. Au-delà même de la primauté de la propriété individuelle sur l’indivision, la décision du Conseil partirait ainsi d’un présupposé : les indivisaires sont des propriétaires dont la propriété doit être protégée, en leur garantissant par le partage, la possibilité de revenir à la propriété individuelle. La légitimité du recours aux articles 2 et 17 reposerait donc sur la qualité de propriétaire de l’indivisaire.
On ne s’attardera pas sur l’apparent paradoxe de cette analyse qui fait de l’indivisaire un véritable propriétaire tout en lui déniant l’être suffisamment. Le paradoxe est apparent car si l’indivisaire est bien un propriétaire, ce n’est qu’au prix du partage que son droit de propriété sera concrètement garanti.
Quant à la qualité de propriétaire de l’indivisaire, celle-ci renvoie à l’idée selon laquelle dans une indivision ordinaire, chacun des indivisaires serait titulaire d’un droit de propriété sur la chose, un droit en devenir puisque suspendu au partage… Reste que la propriété de chaque indivisaire n’est pas la seule justification possible au recours à la Déclaration de 1789. Il importe donc avant toute chose de détailler les modalités de la propriété des indivisaires, avant ensuite d’apprécier la matérialité du droit de propriété des indivisaires.
Sur les modalités de la propriété des indivisaires, on l’a vu, l’une des possibilités est de reconnaître un droit de propriété à chaque indivisaire. Cette analyse n’a rien d’incongru puisqu’elle est précisément l’une de celles qui sont défendues en doctrine à propos d’indivision. Et il faut bien dire qu’elle n’est pas dépourvue d’atouts explicatifs. Elle se concilie parfaitement avec certains des aspects du régime juridique de l’indivision et plus précisément du partage qui met fin à l’indivision. Ainsi, le droit de demander le partage ne serait pour les indivisaires que la manifestation de leur droit de propriété sur la chose 38. L’action en partage, qui peut être exercée par tout indivisaire, est en principe imprescriptible 39 ce que l’on justifie alors aisément par le caractère imprescriptible de l’action en revendication afférente au droit de propriété. De même, quant à son résultat, le partage est en principe rétroactif ce qui a pour conséquence l’indivisaire alloti de la chose est censé l’avoir été depuis l’origine 40, car dit-on, il est depuis l’origine propriétaire. Recourant aux articles 2 et 17 en matière d’indivision, le Conseil constitutionnel a-t-il entendu consacrer cette analyse de la coexistence d’autant de droits de propriété qu’il y a d’indivisaires ?
Cela reste envisageable, mais cette possibilité ne suffit pas à occulter les objections susceptibles de se dresser contre une telle analyse de l’indivision. Sans aller jusqu’au réquisitoire sans concession auquel se livra Josserand, qui voyait dans l’indivision une accumulation inédite « de contradictions et d’invraisemblances » 41, on se bornera ici à en soulever quelques-unes. Ainsi, en droit interne des biens, on enseigne habituellement que le droit de propriété ne peut avoir, pour un même objet, qu’un seul titulaire 42. Economiquement, le droit de propriété confère un monopole sur la chose, et ce monopole n’a pas vocation à être partagé. Juridiquement, cela renvoie au caractère exclusif du droit de propriété : il permet l’exclusion des tiers. On peut justifier cette idée par l’étendue des prérogatives conférées au propriétaire : le droit de propriété est si étendu, si absolu, qu’il ne tolèrerait d’être partagé. En présence d’une indivision pourtant, plusieurs propriétaires de la chose coexisteraient… Admettre le droit de propriété des indivisaires n’a rien d’impossible mais il faut alors en déduire logiquement que le droit dont il est question n’est plus tout à fait exclusif puisqu’il est partagé, et l’on peut donc douter de son caractère absolu. C’est dire si le droit de propriété de l’indivisaire sur la base duquel le Conseil convoque les articles 2 et 17 n’est pas concrètement le droit de propriété de l’article 544 du Code civil. Mais dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cela n’est pas nouveau 43.
Par ailleurs, quant à ses finalités économiques, le droit de propriété de l’indivisaire n’a finalement pas grand-chose à voir avec le droit de propriété de l’article 544. En effet, d’un point de vue économique, parce qu’il bénéficie d’un authentique monopole, le propriétaire ordinaire de l’article 544 a vocation à profiter seul de la totalité de la valeur de la chose. Telle n’est évidemment pas la situation de l’indivisaire à qui la valeur de la chose n’est évidemment pas réservée puisqu’elle est commune à tous les coïndivisaires, tant qu’il n’y a pas eu de partage, et à l’issue de ce dernier, évidemment, ce n’est qu’une quote-part de la valeur de la chose qui lui revient.
Le droit de l’indivisaire se distingue donc aisément du pouvoir monopolistique conféré par l’article 544 du Code civil.
On pourrait toutefois surmonter cette objection de deux façons. La première consisterait à soutenir que le droit de propriété de l’indivisaire a vocation à devenir un monopole. En effet, le Conseil constitutionnel prend bien soin de relever que le droit de propriété de l’indivisaire n’est pas atteint dans sa dimension constitutionnelle, à condition que le partage puisse être demandé à tout moment. Puisque le partage se solde en principe par l’attribution d’une chose en pleine propriété à l’indivisaire, la vocation à un monopole économique de l’indivisaire est garantie, et son droit de propriété conforté. Sauf qu’à bien y réfléchir, même en réduisant le droit de propriété de l’indivisaire à une vocation monopolistique suspendue au partage, on est encore loin du monopole que confère l’article 544 du Code civil au propriétaire ordinaire. Le droit de propriété de l’indivisaire reste un monopole espéré, celui de l’article 544 est un monopole avéré. Et le premier laisse sans réponse une question redoutable qui est celle de la nature exacte des droits de l’indivisaire tant qu’il ne demande pas le partage, ce qui n’est d’ailleurs nullement obligatoire.
La seconde possibilité de surmonter l’objection selon laquelle avant le partage l’indivisaire n’a pas de monopole sur la chose indivise repose elle sur un changement de paradigme. Plutôt de scruter la situation de l’indivisaire, il serait possible de considérer la collectivité que l’ensemble des indivisaires constitue. Et force est de constater que si aucun des indivisaires n’a seul de monopole sur la chose indivise, la collectivité qu’ils constituent tous peut parfaitement l’avoir…
C’est là la seconde analyse du droit de propriété des indivisaires qui apparait : il s’agirait ici en fait d’un droit de propriété unique, mais dont les titulaires sont multiples. Cette figure d’un droit subjectif unique à titularité multiple n’est pas inconnue en doctrine 44. En jurisprudence, on peut y rattacher quelques décisions rendues en matière de mitoyenneté 45. Et en matière de mitoyenneté justement, on aurait pu croire qu’elle inspirerait le Conseil constitutionnel lorsque la question de la constitutionnalité de la « cession forcée de mitoyenneté » 46, lui a été posée 47. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 661 du Code civil qui organise cette acquisition forcée de la mitoyenneté au détriment du maître d’origine d’un mur, propriétaire exclusif dépourvu du droit de conserver l’exclusivité, le Conseil a estimé qu’aucune privation de propriété justiciable de l’article 17 n’était avérée 48. Pour le justifier les sages de Montpensier ont relevé que l’article 661 « n’a pour effet que de rendre indivis le droit exclusif du maître du mur qui (…) continue à exercer sur son bien tous les attributs du droit de propriété ». Que faut-il bien entendre par la référence à ce droit exclusif devenu indivis ? N’est-ce pas l’illustration-même de l’hypothèse dans laquelle un unique droit de propriété appartient à deux titulaires différents ? Le commentaire autorisé 49 de la décision n’est pas d’une grande utilité ici car s’il précise que les voisins jouissent « en commun du mur mitoyen », et que « la mitoyenneté se présente comme une copropriété », il assène par ailleurs que « le mur reste en effet dans le patrimoine du maître d’origine ». Si l’on a un seul droit de propriété dont on jouit en commun, comment son objet, le mur, pourrait-il figurer dans le patrimoine d’une seule personne ? Il faut avoir à l’esprit que la raison pour laquelle la constitutionnalité de cette acquisition forcée de mitoyenneté était douteuse est précisément que le maître d’origine reçoit, sans qu’il l’ait voulu, un équivalent monétaire correspondant à la valeur de la moitié de son mur 50, qui par conséquent, ne peut plus lui appartenir en propre : c’est bien là tout l’intérêt de cette disposition. Par conséquent, si le droit exclusif initial est devenu indivis, cela permet donc au voisin mitoyen d’exercer sur sa portion du mur les « attributs du droit de propriété ». S’agit-il d’un unique droit de propriété ? A vrai dire, il est illusoire d’en chercher l’illustration dans la décision du conseil. Le commentateur autorisé relève ainsi que « le Conseil ne s’est pas estimé tenu par la qualification de la mesure en droit civil », ce qui revient à dire qu’il ne s’est guère préoccupé d’élaborer une qualification civile de la mesure. Cela n’a rien de surprenant puisque ça n’est guère son office. La question d’un unique droit de propriété appartenant à une pluralité de titulaires reste donc entière.
Mais pour stimulante qu’elle soit, elle suscite aussi un certain nombre de questions dont les réponses sont autant de défis. La première tient à au concept-même d’un droit subjectif partagé en plusieurs titulaires, sans pour autant que la collectivité soit élevée au rang de personne morale. Cette figure achoppe en effet sur l’idée-même de droit subjectif qui comme son adjectif l’indique reste en principe l’apanage d’une seule personne. A défaut, comment organiser la mise en œuvre du droit, qui reste unique, au sein de la collectivité, et à quel patrimoine affecter ce droit de propriété si la collectivité n’en a point ? Les défis logiques suscités par cette analyse en font la cible toute désignée de la lame du rasoir d’Occam : pour l’indivision ordinaire, comme en matière de mitoyenneté…
Mais de plus, cette analyse peine à résister à la lecture de la décision du Conseil constitutionnel relative au PACS, lorsque cette dernière conditionne la conformité aux articles 2 et 17 à la possibilité de demander le partage. En effet, si le droit de propriété des indivisaires est bien collectif, on ne voit pas en quoi la possibilité de demander le partage serait le moyen d’en garantir le respect. Si les indivisaires exercent bien collectivement un droit de propriété, ce dernier se suffit à lui-même, sans avoir besoin de se concrétiser par le partage 51.
En somme donc, si l’on s’accorde à dire que le recours à l’article 17 en matière d’indivision présuppose un droit de propriété, il n’est d’autre alternative que de reconnaître qu’il s’agit du droit de propriété de chacun des indivisaires… Reste pourtant à examiner la matérialité de ce droit de propriété de l’indivisaire.
II. Une matérialité à déterminer
A ce stade, si l’on résume, pour l’indivision ordinaire, on sait que c’est la possibilité de demander le partage qui conditionne le respect constitutionnel du droit de propriété de chaque indivisaire. On sait encore que ce droit de propriété de l’indivisaire se concrétisera par la demande en partage qui permettra alors, en fonction du résultat de l’opération, de traiter l’indivisaire comme le titulaire d’un droit de propriété conforme à la définition qu’en donne l’article 544 du Code civil. Il s’en déduit, qu’à proprement parler, le droit de propriété de l’indivisaire n’est pas encore celui de l’article 544 du Code.
Pour le Conseil constitutionnel, on peut conjecturer que le droit de propriété de l’indivisaire est avant tout le droit de demander le partage, opération qui permettra le cas échéant de revenir à une situation de monopole sur la chose. Le droit de l’indivisaire n’existe donc finalement que pour mieux disparaître à l’occasion du partage. Fin de l’indivision et du droit de l’indivisaire, le partage en est donc aussi la finalité première. En cela le Conseil ne fait nullement injure à l’analyse habituelle de l’indivision, dont le partage constitue le centre de gravité 52, puisqu’il fait sienne cette analyse. Il nous semble que cela nie les spécificités de la propriété collective (A) faute de normes de références qui lui conviennent (B).
A. Une spécificité niée
Même si cela reste parfaitement conforme à la lettre de l’article 815 du Code civil, on notera toutefois qu’il est surprenant que ce partage, cardinal dans l’indivision, reste purement facultatif et qu’en pratique de nombreuses indivisions ordinaires se maintiennent sur plusieurs générations 53 ou s’achèvent autrement que par le partage, par exemple par le biais du rachat de l’ensemble des parts par l’un des indivisaires. S’il est juridiquement la finalité du droit de l’indivisaire, le partage ne l’est pas vraiment d’un point de vue statistique. Cela est d’autant plus vrai qu’il existe des propriétés collectives dans lesquelles le partage n’a pas lieu d’être : la mitoyenneté n’en est qu’un exemple 54. Il suffit alors de songer à la copropriété des immeubles bâtis 55, à la communauté légale, et aux indivisions perpétuelles de certains biens familiaux pour comprendre que le partage n’est absolument pas l’essentiel, et que si plusieurs droits de propriété il y a, ceux-ci s’épanouissent fort bien sans partage. Et pourtant, ce n’est qu’au prix d’une révérence béate à la propriété individuelle que l’on peut imaginer un seul instant que ces régimes de propriété collective subiront un jour ou l’autre une censure constitutionnelle. Il faut donc se rendre à l’évidence : la vocation à obtenir un monopole sur la chose n’est, le plus souvent, qu’une question secondaire en matière de propriété collective.
Mais dans ce cas, quelle est donc la question première ? A s’en tenir à un degré de généralité suffisamment élevé pour rendre insignifiantes leurs différences de régime juridique 56, cette question première apparait si l’on recherche la raison de la longévité commune à la plupart des propriétés collectives existantes : indivisions successorales persistantes, indivisions immobilières coutumières, mitoyenneté, copropriété des immeubles bâtis, communauté légale, souvenirs de famille, sépultures.
Si les « collectivistes » y subissaient ou même y ressentaient une quelconque spoliation, elles seraient évidemment vouées à disparaître. Or, si le sentiment d’une spoliation n’est pas celui qu’elles suscitent c’est probablement que ce dernier n’a aucune raison d’être dès lors que les collectivistes ont, en dépit du caractère collectif, la possibilité de profiter mutuellement de la chose qu’ils partagent. Ils n’ont pas besoin d’une action en partage car ce qui importe c’est la conciliation de leurs aspirations réciproques, le partage organisé des utilités de la chose bien plus qu’une action en partage qui remédierait brutalement au caractère insécable de la chose.
Cette conciliation des aspirations individuelles resterait vœu pieu si elle était abandonnée au bon vouloir de chacun. Or, bien heureusement, elle ne l’est pas. Ainsi, l’une des caractéristiques de ces propriétés collectives qui frappe l’observateur est qu’elles sont toutes, à des degrés divers, organisées juridiquement. Cette organisation juridique concerne tant le partage des utilités de la chose que l’expression de la volonté des collectivistes.
Quant au partage des utilités, il semble s’opérer de façon égalitaire, à savoir qu’aucun des propriétaires collectifs ne semble pouvoir tirer plus de profit de la chose que les autres 57. Ainsi chaque propriétaire mitoyen peut faire bâtir contre le mur mitoyen 58, comme chaque époux commun en biens peut user de ces derniers. En matière de souvenirs de famille, en principe, chacun des membres de la famille est titulaire d’un droit à leur conservation 59 et en matière de sépultures, la qualité de membre de la famille permet de revendiquer une inhumation 60. Cette stricte égalité de situation entre chacun des copropriétaires s’évalue évidemment à l’aune de l’utilité des objets en cause : sur des concessions funéraires, des souvenirs de famille ou un mur mitoyen, les droits de chacun ne peuvent être aussi étendus que pour des biens ordinaires 61. Pour ceux-ci, s’agissant de l’indivision de droit commun, l’article 815-9 du Code civil renvoie à la possibilité pour chaque indivisaire d’user et de jouir des biens indivis 62. Enfin, en matière de copropriété des immeubles bâtis, les parties communes sont définies comme « affectées à l’usage ou à l’utilité » de tout ou partie des copropriétaires 63.
Quant à l’expression de la volonté des collectivistes, les principes sont moins nets dans la mesure où les propriétés collectives ne sont pas toutes organisées selon le même schéma « arithmétique ». On peut d’ailleurs en distinguer deux variantes, fruits d’une opposition assez binaire entre les propriétés collectives reposant sur une conception égalitaire des droits de chacun et celles qui reposent sur une conception proportionnelle de ces droits.
Parmi les propriétés collectives égalitaires, on classera sans hésiter les sépultures de famille ou encore les souvenirs de famille : chacun des copropriétaires en vaut un autre quant à l’expression de sa volonté propre. Dans cette catégorie, on inclura aussi la communauté légale ou la mitoyenneté car dans l’un et l’autre cas, les copropriétaires ont des pouvoirs équivalents quant à l’expression de leur volonté. Il n’est pas certain qu’une analyse détaillée du régime juridique de chacune de ces institutions permettent de déterminer des règles précises concernant leur fonctionnement ou la prise de décisions communes. Certaines étant l’objet de nombreuses dispositions écrites (communauté légale), d’autres de pures institutions prétoriennes (souvenirs de famille), une telle quête risque de confiner à la divination, d’autant que le contentieux, pour les secondes est anecdotique. En revanche, dans ces propriétés collectives égalitaires, le risque principal est celui d’un blocage qui résulterait du refus d’un seul des copropriétaires. Ce risque est accru lorsque la propriété collective oppose seulement deux copropriétaires aux droits équivalents (mitoyenneté, communauté légale). Au titre des règles relatives à la prise de décision, on peut donc souligner la récurrence des règles permettant de surmonter les conflits entre les copropriétaires et les oppositions indues par le recours au juge. Cela est particulièrement évident en matière de communauté légale 64 et on en trouve trace aussi en matière de mitoyenneté 65. S’agissant des souvenirs de famille, les conflits concernant la détermination du dépositaire de ces derniers relèvent du pouvoir souverain des juges du fond 66. Enfin en matière de sépultures, si le juge judiciaire ne saurait trancher lui-même la question d’une inhumation contestée, il lui est revenu de fixer des règles claires : la nécessité d’un accord de l’ensemble de la famille pour inhumer les tiers 67 et une règle de transmission linéaire du bénéfice d’une concession funéraire 68.
Même s’il faut se garder de forcer le trait du rapprochement entre ces différents principes, en négatif, tous portent le germe d’une possibilité prétorienne d’outrepasser l’opposition d’un des copropriétaires dès lors qu’elle est jugée indue. En cela, c’est bien une spécificité de ces propriétés collectives qui apparait car en matière de propriété individuelle, mutatis mutandis, il est de jurisprudence constante que la défense du droit de propriété (individuelle) ne saurait dégénérer en abus 69 : l’opposition du propriétaire est le plus souvent indépassable, quand bien même elle serait stérile, contreproductive voire malveillante 70.
En matière de propriétés collectives proportionnelles, on retrouve assez aisément les mécanismes judiciaires permettant de surmonter les blocages. Ceux-ci demeurent possibles en dépit de l’existence d’une certaine proportionnalité quant à la prise de décisions. La persistance de ces risques de blocage s’explique de deux manières différentes. D’une part, le recours à des règles de majorité n’est pas généralisé, pour les décisions les plus graves, l’unanimité demeure requise et d’autre part, l’existence d’une majorité ne suffit parfois tout simplement pas à surmonter l’opposition de l’un ou de l’autre des propriétaires collectifs. Dans ces conditions, en matière d’indivision ordinaire, il demeure possible de saisir le juge aux fins d’autoriser les mesures d’urgence requises par l’intérêt commun 71. C’est encore par référence à cet intérêt commun qu’un indivisaire peut être autorisé à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un indivisaire s’opposant indument était nécessaire 72. Concernant la copropriété des immeubles bâtis, si l’on s’en tient à des observations générales, le principe n’est point différent. Cependant, en cette matière, il faut tenir compte du fait que les copropriétaires constituent une authentique personne morale, le syndicat, doté notamment d’un organe délibératif (l’assemblée) et d’un organe exécutif (le syndic) 73. Surmonter les blocages signifie donc essentiellement éviter toute vacance de cet organe exécutif 74.
Bénéficier d’une part des bénéfices produits par la chose et d’un moyen d’expression collective évitant tout blocage décisionnel semble donc bien plus indispensable que la garantie d’une action en partage dont la mise en œuvre entraînera le retour à une appropriation individuelle qui n’aurait de toute façon guère de sens. Mais précisément, avoir vocation aux bénéfices produits par la chose et disposer d’une possibilité d’expression collective, ces critères n’ouvrent-ils pas la voie d’une reconnaissance de la personnalité morale ? Et de ce fait, toute propriété collective ne porte-t-elle pas en germe une personne morale qui va permettre, une fois la collectivité personnifiée, le retour à une appropriation individuelle, légitimant le recours aux articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 en matière de propriété collective ? Effectivement, la personnalité juridique peut conduire à « une négation de la propriété collective » 75. Pourtant, l’organisation juridique des propriétés collectives ne conduit pas nécessairement à la personnalité morale, et ce, pour plusieurs raisons.
Déjà, la reconnaissance d’une personne morale suppose que soit atteint le stade ultime de l’organisation juridique de la propriété collective, qui seul peut marquer un certain retour à l’appropriation individuelle. Or, toutes les propriétés collectives ne témoignent pas d’une organisation suffisamment raffinée pour permettre la reconnaissance d’une personne morale. A s’en tenir aux critères de la réalité technique, dégagés par Michoud et reçus par la Cour de cassation, la personnification résulte de la reconnaissance d’un intérêt collectif, distinct de celui des membres du groupement d’une part, et d’autre part une organisation capable de dégager et de défendre cet intérêt 76, seul le critère de l’existence d’une organisation semble rempli. Mais cette organisation reste parfois embryonnaire, et insuffisamment développée pour souffrir une comparaison raisonnable avec une authentique personne morale, notamment en ce qui concerne les indivisions perpétuelles à caractère familial.
De plus, l’existence d’un intérêt véritablement collectif, distinct de celui de chacun des propriétaires collectifs, ne va pas de soi. A ce titre, on ne peut qu’être convaincu par le parallèle établi entre l’existence d’un intérêt collectif distinct de celui des membres d’un groupement et la consécration de la loi de la majorité en matière de décisions collectives 77. Pour cette raison, si une personnification des propriétés collectives est envisageable, elle l’est avec acuité pour les propriétés collectives « proportionnelles », elle l’est bien moins pour les propriétés collectives « égalitaires » pour lesquelles les mécanismes de dépassement des blocages ne permettent pas pour autant d’exprimer un véritable intérêt collectif. C’est un premier pas vers la consécration d’un intérêt collectif dans la mesure où, en filigrane, lorsqu’un blocage est surmonté, cela suppose de dépasser l’opposition d’un des propriétaires collectifs car celle-ci est jugée indue. Ce jugement se fait à l’aune d’un autre intérêt qui lui est préférable. Pour autant, la prise en compte de celui-ci demeure accidentelle, liée à un blocage. Pour permettre une personnification, il semblerait que cette prise en compte dût être habituelle, ainsi que le permet, par exemple, le recours à la loi de la majorité pour la prise de décision. La propriété collective, en elle-même ne remplit pas suffisamment les critères de la personnification.
En outre, quand bien même ce serait le cas, le retour à la propriété individuelle comme conséquence de la personnification n’a rien de systématique. On en donnera pour exemple le cas de la copropriété des immeubles bâtis. Si à l’origine elle reposait sur une unique disposition du Code civil, l’article 664, au gré des interventions législatives et de l’affinement de son régime juridique, cette dernière a fini par être personnifiée, le syndicat des copropriétaires ayant la personnalité morale 78. Or, si personnification il y a, on peut constater que celle-ci ne ruine pas pour autant la propriété collective puisque le syndicat n’est a priori pas propriétaire des parties communes, qui restent indivises entre les copropriétaires 79. La personnalité juridique du syndicat des copropriétaires apparait donc davantage comme un moyen de gestion du passif commun que comme un moyen d’appropriation de l’actif et donc de soumission des parties communes au droit de propriété individuel.
En matière d’indivision ordinaire, la question de l’existence d’une personne morale doit aussi être posée, au regard notamment des évolutions résultant de la réforme de 2006 80. Mais, à supposer qu’elle existe, il n’est pas acquis pour autant qu’elle soit véritablement propriétaire des biens indivis.
Par ailleurs et surtout, les indivisions perpétuelles du droit civil qui subsistent, notamment en matière familiale (souvenirs de famille et sépultures) se prêtent très modérément à l’entreprise de personnification sauf à reconnaître que la famille, dans toute son indétermination, constitue une personne morale. Il n’est pas certain que cela correspondre à la réalité avant tout technique de la personnalité morale 81…
Entre la propriété individuelle et la personnalité morale, il reste donc une place pour les propriétés collectives, parce qu’elles répondent à des impératifs qui leur sont propres : un partage égalitaire, des processus permettant de surmonter les blocages, qui, nés d’oppositions individuelles, se révéleraient économiquement stériles. Ce qui est certain, c’est que l’action en partage mise en avant par le Conseil constitutionnel ne figure pas parmi ces impératifs.
Lorsqu’elle demeure possible, comme dans l’indivision ordinaire, elle nous semble tout à fait secondaire, d’où la perpétuation des indivisions successorales. Lorsqu’elle ne l’est pas, elle est en outre tout ce qu’il y a de plus inopportun… En effet, à quoi pourrait bien servir de composer des lots de souvenirs de famille ? L’allotissement aléatoire d’une concession funéraire serait-il plus juste qu’une appropriation collective de cette dernière ? Partager des parties communes dans une copropriété, un terrain indivis dans une indivision perpétuelle coutumière, des biens communs ou un mur mitoyen n’a pas de sens car l’appropriation de certaines choses ne fait justement sens que si elle est collective, alors qu’elle ne peut être que collective.
Par sa seule référence à l’action en partage, la décision du Conseil constitutionnel passe sous silence les spécificités propres de ces propriétés collectives pour s’en tenir à la seule appropriation individuelle des articles 2 et 17… Cela conduit à un appauvrissement conceptuel doublement préjudiciable. Déjà, en faisant de l’appropriation individuelle la norme en matière d’appropriation, le Conseil s’expose au risque d’un divorce d’avec la réalité des faits, dans laquelle l’appropriation collective demeure et semble même statistiquement prépondérante. Ensuite, généraliser ainsi l’appropriation individuelle pour la découvrir là où elle n’existe pas condamne à en nier toutes les spécificités pour en faire une notion « fourre-tout » qui finira par perdre son caractère opératoire. En exposer les raisons permettra peut-être de l’éviter : cela suppose de construire un référencement constitutionnel spécifique à la propriété collective.
B. Un référencement constitutionnel à construire
Avant de s’atteler à cette tâche, on se gardera bien de prononcer un anathème contre les Sages de Montpensier car leur positionnement est ici largement contraint. En effet, si le Conseil tend à lire l’appropriation collective à l’aune de la seule appropriation individuelle, c’est essentiellement faute d’alternative. En matière d’appropriation, la difficulté tient au fait que les textes de référence, historiquement datés et probablement politiquement marqués, ne concernent que l’appropriation individuelle. Cela n’est évidemment pas un motif suffisant pour renier les articles 17 et 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme : ceux-ci ont leur importance et la protection de la propriété individuelle est, à bien des égards, indépassable. Celle-ci n’épuise en revanche pas la question de l’appropriation, car l’appropriation collective répond à sa logique propre, distincte de celle de l’appropriation individuelle.
Or en l’état de leur interprétation par le Conseil Constitutionnel, ces articles 2 et 17 de la Déclaration, parce qu’ils sont centrés sur l’appropriation individuelle, ne permettent pas de prendre en compte les spécificités de ces propriétés collectives qu’il est vain d’examiner à la lumière de cette seule appropriation individuelle. Les propriétés collectives semblent donc souffrir d’une authentique lacune constitutionnelle : elles existent sans s’incarner dans nulle norme constitutionnelle de référence…
Pourtant, les articles 2 et 17 pourraient parfaitement servir de normes de référence lors d’un contrôle de constitutionnalité diligenté à propos de dispositions légales relatives à une propriété collective. En effet, si ces dispositions ne permettent pas de prendre en compte les spécificités de la propriété collective, c’est essentiellement pour cette raison que le Conseil constitutionnel en a fait les textes constitutionnels de référence en matière de propriété individuelle. Or, à bien suivre la lettre de ces dispositions, on peut constater que la propriété dont il y est question n’est pas expressément définie comme individuelle. Ainsi, dès lors que l’article 2 garantit le libre exercice de la propriété, et que l’article 17 prohibe les expropriations, il serait tout à fait envisageable de les appliquer à la propriété collective. Son exercice mérite d’être garanti, pour ses titulaires, et ceux-ci ne sauraient être dépossédés sans une juste et préalable indemnité, au nom de la nécessité publique. En un sens, l’indétermination des termes des articles 2 et 17 permettraient d’en faire les textes de référence en matière de protection constitutionnelle de toutes les appropriations, qu’elles soient individuelles ou collectives. Pour ce faire, il serait nécessaire de rompre le lien que le Conseil établit entre les articles 2 et 17 et un droit individuel de propriété. En 1982, le Conseil n’a pas hésité à consacrer le caractère fondamental du droit de droit de propriété tout en relevant qu’il avait fait l’objet depuis 1789 d’évolutions notables 82. Peut-être la prise en compte des propriétés collectives relève-t-elle d’une même évolution historique ? Toujours est-il que le droit de propriété individuel ne gagne guère à être un présupposé à l’application des articles 2 et 17 83. Il nous semble qu’il ne gagne pas davantage à en être l’objectif premier.
L’abandon d’une référence au droit de propriété individuel et la protection de toutes les appropriations qui en résulterait aurait cet avantage qu’elle permettrait en outre de voir apparaître en filigrane l’un des points de convergence entre toutes les appropriations. Qu’elles soient collectives ou individuelles, elles caractérisent toutes par l’existence d’une opposition fondamentale entre leurs titulaires et les tiers. Les premiers doivent être protégés, pourvu que l’appropriation soit légitime, et les seconds, n’ont d’autre vocation que de respecter les droits des premiers. Cela passe par le respect de l’exercice de leurs prérogatives par les titulaires et par évidemment l’impossibilité de les déposséder. De ce point de vue, un monopole, comme celui que confère la propriété privée, et un oligopole, de l’ordre de celui conféré en matière de propriété collective se protègent de la même manière.
Mais si l’assimilation entre propriété collective et propriété individuelle ne pose pas de difficultés en matière de lutte contre les expropriations, en revanche, quant à la garantie de leur exercice, l’assimilation entre propriété individuelle et propriété collective est impossible. Si en matière de propriété individuelle, il est par exemple nécessaire de prêter une attention particulière au droit de disposer du propriétaire, en matière de propriété collective, cette exigence n’a guère de sens dans la mesure où certaines propriétés collectives sont perpétuelles. En revanche pour ces dernières, surmonter les risques de blocage en évitant la mainmorte, organiser un partage égalitaire des utilités de la chose semblent bien plus importants pour assurer l’effectivité des droits de chacun…
A défaut de l’abandon par le Conseil du lien établi entre la propriété individuelle et les articles 2 et 17 de la Déclaration, prendre en compte les spécificités de la propriété collective n’est pas impossible. Cela suppose simplement d’élaborer d’autres normes constitutionnelles de référence à même de protéger les principes essentiels en matière de propriétés collectives. Il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel s’octroie un tel pouvoir tant il demeure modéré dans l’exercice du sien.
Cela suggère alors une observation, plus générale, mais qui ici aura une vocation terminale. Il s’agit de constater qu’avec le développement de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel se trouve confronté en droit privé, à une variété des litiges, de règles applicables, et de concepts à mobiliser desquels il était jusqu’alors plutôt préservé. Pour faire face à cette variété, il s’appuie sur les normes de référence existantes, sur la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 notamment, mais encore sur les normes prétoriennes qu’il a patiemment forgées, au gré de ses saisines a priori depuis quelques petites dizaines d’années. L’ensemble des unes et des autres a certes permis depuis le temps l’élaboration d’un catalogue de principes fondamentaux assez étoffé, mais il n’est pas certain que celui-ci soit suffisamment fourni pour faire face à la grande variété des litiges à laquelle il est désormais confronté. La propriété collective nous semble en fournir une illustration : en respecter les spécificités supposerait l’existence de principes fondamentaux distincts de ceux de la propriété individuelle. Mais ce n’est pas encore le cas.
Fort de ce constat on peut alors se livrer à une conjecture : dès lors que les textes de référence écrits en matière constitutionnelle sont nécessairement en nombre limité et eux-mêmes limités, ces normes de référence vont nécessairement devoir être enrichies. Cet enrichissement pourra prendre deux formes distinctes : soit le Conseil élaborera lui-même les normes de références constitutionnelles manquantes, soit il les rattachera aux textes préexistants. La première option nous semblant peu probable, nous en déduisons donc qu’il lui reviendra d’insérer chacun des principes fondamentaux qu’il découvrira dans le cadre de l’une des rares dispositions existantes, et notamment l’un des 17 articles de la Déclaration des Droits de l’Homme. La rareté appelant la généralité, cela ne pourra se faire qu’au prix du recours à des concepts plus abstraits que ceux que mobilise le juge ordinaire, rassemblant plusieurs de ces concepts ordinaires sous des bannières constitutionnelles uniques. De ce fait, à vouloir respecter les concepts mobilisés par le juge ordinaire, ceux du droit positif 84, il n’est pas certain que la jurisprudence du Conseil gagne en lisibilité et en prévisibilité 85. En somme, si en matière de normes, les places sont rares au sommet de la pyramide, il ne saurait en être autrement pour les concepts que leur mise en œuvre concrète impose d’y découvrir…
Notes:
- V. sur ce point la remarquable typologie établie par Fr. ZENATI-CASTAING, La propriété collective existe-t-elle, Mélanges en l’honneur du Professeur Gilles Goubeaux, 2009, p. 590 & suiv. ↩
- V. ainsi, tout en confrontant par ailleurs l’homogénéité de la doctrine française en matière de propriété à la diversité du réel, JP. CHAZAL, La propriété : dogme ou instrument politique ? Ou comment la doctrine s’interdit de penser le réel, RTD. Civ., 2014, p. 763 & suiv. ↩
- G. LARDEUX, Qu’est-ce que la propriété ? Réponse récente de la jurisprudence éclairée par l’histoire, RTD. Civ., 2013, p. 741 & suiv., spéc. n° 1. ↩
- V. sur ce point, doutant de la légitimité et du caractère opératoire d’un droit de propriété unique : J-P. CHAZAL, La propriété : dogme ou instrument politique ? Ou comment la doctrine s’interdit de penser le réel, RTD. Civ., 2014, p. 763 & suiv., spéc. p. 788. ↩
- V. dans le même sens, J. ROCHFELD, Penser la propriété autrement : la propriété s’oppose-t-elle aux « communs » ?, Revue internationale de droit économique, 2014/3 t. XXVIII, p. 351-369, spéc. n° 1. ↩
- V. dans le même sens, G. SALORD, Propriété collective et exclusivité : proposition d’une conciliation des contraires, Les modèles propriétaires, Actes du colloque international du CECOJI du 10 décembre 2009, en hommage au Professeur H-J LUCAS, LGDJ, 2012, p. 192 & suiv., spéc. p. 195. ↩
- V. sur ce point dénonçant l’écran du « juridisme » doctrinal en la matière, JP. CHAZAL, La propriété : dogme ou instrument politique, préc., RTD.civ., 2014, p. 763 & suiv., in fine. ↩
- Elle illustrerait de ce fait la victoire de la propriété bourgeoise et mobilière sur la propriété immobilière de la noblesse : W. DROSS, Que l’article 544 nous dit-il de la propriété, RTD. Civ., 2015, p. 27 & suiv., in limine. ↩
- V. par exemple, G. LARDEUX, Qu’est-ce que la propriété ? Réponse récente de la jurisprudence éclairée par l’histoire, RTD. Civ., 2013, p. 741 & suiv., spéc. n° 4 et suiv. ↩
- V. sur ce point, G. LARDEUX, Qu’est ce que la propriété, RTD. Civ., 2013, p. 741 & suiv., n° 5. ↩
- V. sur ce point, J. ROCHFELD, « Penser autrement la propriété : la propriété s’oppose-t-elle aux « communs » ? », Revue internationale de droit économique, 2014/3 t. XXVIII, p. 351-369, spéc. n°1. ↩
- Sur ce double aspect du monopole, distinguant individualisme et exclusivité pour en déduire qu’une propriété peut être collective tout en restant exclusive : v. G. SALORD, Propriété collective et exclusivité : proposition d’une conciliation des contraires, Les modèles propriétaires, Actes du colloque international du CECOJI du 10 décembre 2009, en hommage au Professeur H-J LUCAS, LGDJ, 2012, p. 192 & suiv., spéc. p. 206. ↩
- V. ainsi, prenant l’exemple de l’indivision, W. DROSS, Que l’article 544 nous dit-il de la propriété ?, RTD. Civ., 2015, p. 27 & suiv., spéc. p. 7 (pdf). ↩
- V. ainsi, exposant lumineusement la liquidation de toutes les appropriations collectives consécutive à l’adoption du modèle de la propriété individuelle, Fr. ZENATI, Le crépuscule de la propriété moderne, Les modèles propriétaires, Actes du colloque international du CECOJI du 10 décembre 2009, en hommage au Professeur H-J LUCAS, LGDJ, 2012, p. 225 & suiv., spéc. p. 227. ↩
- La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a mis à fin à cette présomption d’indivision en raison des nombreuses difficultés d’application qu’elle suscitait. ↩
- Le commentaire autorisé de la décision précise ainsi que le grief d’atteinte au droit de propriété « manquait en fait ». V. encore et surtout, Th. REVET, Indivision et droit de demander le partage, RTD. civ., 2000, p. 870 & suiv., estimant « introuvable » « la prétendue obligation » de demeurer dans l’indivision. ↩
- Sur la mise en œuvre de cette technique des réserves d’interprétation dans la décision v. notamment, N. MOLFESSIS, La réécriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel, JCP G, 2000, I., 210, spéc. n° 13 & suiv. ↩
- V. sur ce point, recourant au concept particulièrement éclairant de « transactions collusives », N. MOLFESSIS, Le conseil constitutionnel et le droit privé, Thèse Paris II, préface M. GOBERT, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, Tome 287, 1997, n° 606. ↩
- V. ainsi à propos de la décision 81-132 DC du 16 janvier 1982, les observations de P. BRUNET, Les garanties de la propriété par le juge constitutionnel, Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées vietnamiennes, La propriété, 2003, Tome LII, 2006, p. 531 & suiv., spéc. p. 532. ↩
- En vertu de l’article 537 alinéa 2 du Code civil, les biens qui n’appartiennent pas à des particuliers sont administrés et aliénés suivant des règles qui leur sont particulières. ↩
- V. notamment, M. DENOUN et G. VALANDON, L’habitat coopératif ou la « propriété d’usage », Manière de voir, n° 136 – Changer la vie mode d’emploi, Le monde diplomatique, Aout-septembre 2014, p. 33 & suiv., spéc. in fine. ↩
- Rappr., relevant que la propriété individuelle concerne essentiellement les biens de consommation, J-P. CHAZAL, La propriété : dogme ou instrument politique, préc., RTD. Civ., 2014, p. 763 & suiv., spéc. p. 785 et les références citées. ↩
- Alors même que les articles 2 et 17 semblent expressément taillés pour rendre compte de la propriété immobilière. Sur cette dernière idée, v. par exemple, P. BRUNET, Les garanties de la propriété par le juge constitutionnel, Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées vietnamiennes, La propriété, 2003, Tome LII, 2006, p. 531 & suiv., spéc. p. 539. ↩
- S’agissant des biens immatériels, il semble bien que l’idée d’une propriété collective soit bien plus commune grâce notamment aux concepts des œuvres plurales. V. ainsi : G. SALORD, Propriété collective et exclusivité : proposition d’une conciliation des contraires, Les modèles propriétaires, Actes du colloque international du CECOJI du 10 décembre 2009, en hommage au Professeur H-J LUCAS, LGDJ, 2012, p. 192 & suiv., spéc. p. 196. ↩
- V. sur ce point, bien avant la décision PACS du Conseil constitutionnel, les observations particulièrement clairvoyantes de Fr. ZENATI, Choses hors commerce, RTD. civ., 1996, p. 420. ↩
- V. sur ce point le recensement opéré par W. DROSS, Droit des biens, Domat Droit privé, LGDJ, 2ème édition, 2014, n° 209. ↩
- V. ainsi à propos d’un patecq provençal, espace non construit destiné à l’usage commun des immeubles bâtis qui le jouxtent : Cass. Civ. 3ème, 26 novembre 2013, pourvoi n° 12-11885. ↩
- Cass. Civ. 1ère, 29 novembre 1994, pourvoi n° 92-21993. ↩
- Cass. Civ. 2ème, 29 mars 1995, pourvoi n° 93-18769. ↩
- Sur lequel, voir notamment W. DROSS, Droit civil – Les choses, LGDJ, 2012, n° 163-1. ↩
- Cass. Civ. 2ème, 29 mars 1995, pourvoi n° 93-18769. ↩
- W. DROSS, op. cit., n° 163-1. ↩
- Cass. Civ. 1ère, 2 mars 1999, pourvoi n° 97-13910. ↩
- V. ainsi, Cass. Civ. 3ème, 1er mars 2006, pourvoi n° 05-11327. Sur cette décision, v. notamment Fr. ZENATI, Th. REVET, Les biens, PUF, 3ème édition, 2008, n° 37. ↩
- Si la censure ne fait aucun doute, son objet reste difficile à appréhender dans la mesure où les principes régissant les sépultures ou les souvenirs de famille sont avant tout prétoriens. ↩
- V. nos observations, Propriété des créances : le point sur l’argument supralégal, RDLF 2013, chr. n° 22. ↩
- Il n’en demeure pas moins que cet argument d’une indivision perpétuelle dans le PACS n’était pas dépourvu d’une part d’artifice dans la mesure où en matière de mariage par exemple, le partage de la communauté ne peut être demandé à tout moment sans que l’on y trouve à redire. Il faut garder à l’esprit qu’entre les mains des sénateurs auteurs de la saisine du Conseil, cet argument était un moyen comme un autre d’obtenir une censure de la loi instituant le PACS. ↩
- V. sur ce point, les très fines observations de Th. REVET, obs. sous DC 9 novembre 1999, RTD. civ., 2000, p. 870 & suiv. ↩
- V. notamment Cass. Civ. 1ère, 12 décembre 2007, pourvoi n° 06-20830. ↩
- Article 883 du Code civil. ↩
- JOSSERAND, Essai sur la propriété collective, Le Code civil – Livre du centenaire, 1904, Dalloz, rééed. 2004, p. 357 & suiv., spéc. p. 371. ↩
- V. sur ce point, W. DROSS, Droit civil – Les choses, LGDJ, 2012, n° 157-2. ↩
- V. au sujet du droit de propriété des créances, dans ces mêmes colonnes, notre article, Propriété des créances : le point sur l’argument supralégal, RDLF, 2013, chr. n° 22. V. de même, V. MAZEAUD, Droit réel, propriété et créance dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, RTD. Civ., 2014, p. 29 & suiv. spéc. n° 21. ↩
- V. sur ce point, relevant qu’il s’agit d’une communauté, laquelle est distincte de l’indivision, Fr. ZENATI, Th. REVET, Les biens, PUF, 3ème édition, 2008, n° 347. ↩
- V. notamment Cass. Civ. 3ème, 20 juillet 1989, Bull. n° 173. ↩
- Sur l’ambiguïté d’une telle formule, voir notamment, L. TRANCHANT, obs. sous Cons. Const. 12 novembre 2010, RDI, 2011, p. 99 & suiv. ↩
- 2010-60 QPC, 12 novembre 2010. ↩
- Ce qui est loin d’être aussi évident que les motifs de la décision ne le laissent penser. V. sur ce point, Th. REVET, obs. sous Cons. Const. 12 novembre 2010, RTD. Civ., 2011, p. 144 & suiv. ↩
- Spéc. p. 5. ↩
- V. sur ce point, Th. REVET, obs. sous Cons. Const. 12 novembre 2010, RTD. Civ., 2011, p. 144 & suiv. ↩
- Sur l’inutilité du partage en cas de propriété collective mais s’agissant des bénéficiaires d’une fondation, V. W. DROSS, La distinction des personnes morales corporatives et des personnes morales fondatives : regard privatiste, in Léon Michoud, Colloque des 21 et 22 novembre 2013 à Grenoble, dir. X. DUPRE DE BOULOIS, Ph. YOLKA, Institut Universitaire Varenne, 2014, p. 211 & suiv., spéc. n° 22. ↩
- V. sur ce point, Fr. ZENATI-CASTAING, La propriété collective existe-t-elle ?, Mélanges en l’honneur du Professeur Gilles Goubeaux, Dalloz, 2009, p. 591 & suiv., spéc. p. 592 : « on ne peut comprendre l’indivision sans le partage, cette issue fait partie de sa structure et de sa nature ». ↩
- Sur ce constat, V. Fr. ZENATI-CASTAING, Th. REVET, Les biens, PUF, 3ème édition, 2008, n° 350. ↩
- Pour un recensement, voir surtout Fr. ZENATI-CASTAING, La propriété collective existe-t-elle ?, Mélanges en l’honneur du Professeur Gilles Goubeaux, Dalloz, 2009, p. 591 & suiv., spéc. p. 602 & suiv. ↩
- V. ainsi, l’article 6 de Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 qui exclut expressément tout partage des parties communes. ↩
- Mais peut-être une telle entreprise est-elle vaine tant la propension du juriste à se réinventer semble exagérée : Fr. ZENATI, Le crépuscule de la propriété moderne, Les modèles propriétaires, Actes du colloque international du CECOJI du 10 décembre 2009, en hommage au Professeur H-J LUCAS, LGDJ, 2012, p. 225 & suiv., spéc. p. 237. ↩
- On ne saurait dire si cette égalité s’entend d’une authentique égalité arithmétique ou plus simplement de l’interdiction de « pacte léonin » en vertu duquel l’un des copropriétaires confisquerait à son seul profit les utilités de la chose. ↩
- Article 657 du Code civil. ↩
- V. sur ce point, Cass. Civ. 2ème, 29 mars 1995, Bull. n° 115. ↩
- V. sur ce point, W. DROSS, Droit civil – Les choses, LGDJ, 1ère, 2012, n° 163-1. ↩
- Et même pour ces derniers, en présence d’une propriété individuelle, on concèdera que l’étendue du droit de propriété demeure largement dépendante de la chose. Ainsi qu’on en conviendra aisément, on ne peut écrire avec une voiture ou prendre l’autoroute avec un stylo… ↩
- Cette disposition devrait naturellement recevoir application en cas d’indivision immobilière perpétuelle d’origine coutumière : v. en ce sens, W. DROSS, obs. sous Cass. Civ. 3ème, 23 avril 2013, RTD. Civ., 2013, p. 634. ↩
- Article 3 de la Loi n°65-557 du 10 juillet 1965. ↩
- V. spécifiquement s’agissant des biens communs : article 1426 du Code civil. Et plus généralement, article 217 du Code civil. ↩
- V. article 662 du Code civil. Pour une application dans laquelle l’opposition du voisin mitoyen à un adossement n’est pas jugée légitime car le trouble subi n’excédait pas les inconvénients normaux de voisinage : Cass. Civ. 3ème, 3 juin 1987, pourvoi n° 86-10129. ↩
- V. ainsi, Cass. Civ. 1ère, 29 novembre 1994, Bull. n° 354. ↩
- V. ainsi, Cass. Civ. 1ère, 17 décembre 2008, pourvoi n° 07-17596. ↩
- V. notamment Cass. Civ. 1ère, 1er juillet 1970, Bull. n° 252. Sur cette décision, v. en outre les développements suivants : W. DROSS, Droit civil – Les choses, LGDJ, 2012, n° 163-1. ↩
- V. en dernier lieu, Cass. Civ. 3ème, 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-22169. ↩
- La sanction de l’empiètement l’illustre parfaitement. La destruction de ce qui empiète est requise, même si le propriétaire victime de l’empiètement ne subit guère de préjudice et si celui qui empiète en subit un du fait de la destruction de l’empiètement. ↩
- V. notamment article 815-6 du Code civil. ↩
- Article 815-5 du Code civil. ↩
- W. DROSS, Droit des biens, Domat Droit privé, LGDJ, 2ème édition, 2014, n° 217. ↩
- V. sur ce point, article 17 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, spéc. al. 3. ↩
- Fr. ZENATI-CASTAING, La propriété collective existe-t-elle ? Mélanges en l’honneur du Professeur Gilles Goubeaux, Dalloz, 2009, p. 591 & suiv., spéc. p.599. V. du même auteur, relevant « l’éradication du paradigme communautaire » opéré par la personnalité morale : Fr. ZENATI, Le crépuscule de la propriété moderne, Les modèles propriétaires, Actes du colloque international du CECOJI du 10 décembre 2009, en hommage au Professeur H-J LUCAS, LGDJ, 2012, p. 225 & suiv., spéc. p. 228. ↩
- V. sur ce point N. BARUCHEL, La théorie de la réalité technique à l’épreuve du temps, in Léon Michoud, Colloque des 21 et 22 novembre 2013 à Grenoble, dir. X. DUPRE DE BOULOIS, Ph. YOLKA, Institut Universitaire Varenne, 2014, p. 159 & suiv., spéc. p. 163. ↩
- V. sur ce point, à propos de la personnification de l’indivision, Fr. ZENATI-CASTAING, Th. REVET, Les biens, PUF, 3ème édition, 2008, n° 351. ↩
- Article 14 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. ↩
- Article 4 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. ↩
- V. sur ce point, Fr. ZENATI-CASTAING, Th. REVET, Les biens, PUF, 3ème édition, 2008, n° 351. ↩
- De surcroît, réalité technique ou pas, la personnalité morale demeure un moyen de gestion du collectif et si elle permet éventuellement un retour à la propriété individuelle : il ne s’agit toujours que d’un écran, qui, quoique plus ou moins opaque, ne peut occulter la dimension majoritairement collective du mécanisme. ↩
- V. sur ce point, démontrant que l’analyse historique opérée en 1982 par le Conseil s’apparente à une authentique directive d’interprétation, P. BRUNET, Les garanties de la propriété par le juge constitutionnel, Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées vietnamiennes, La propriété, 2003, Tome LII, 2006, p. 531 & suiv., spéc. p. 534. ↩
- V. pour le constat d’un tel lien, préalable à la protection constitutionnelle du « droit de propriété » des créances, Propriété des créances : le point sur l’argument supralégal, RDLF, 2013, chr. n° 22, p. 6 & suiv. ↩
- V. pourtant, affirmant, à notre sens de façon contestable, dans le commentaire paru aux Cahiers de la décision QPC 2011-118 du 8 avril 2011 (Lucien M.), que « Par sa décision, la juridiction de la rue de Montpensier manifeste la volonté que la notion de droit de propriété, au sens des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, demeure la plus proche possible de la notion de propriété privée en droit français ». ↩
- En outre d’un point de vue institutionnel, elle semble assez inhabituelle. V. ainsi, N. MOLFESSIS, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, Thèse Paris II, Préface M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, Tome 287, LGDJ, 1997, n° 591 & suiv. ↩