La cohésion nationale : théâtre de l’objectivation des droits fondamentaux
Le débat portant sur le projet de loi contre le séparatisme, devenu projet de loi confortant les principes de la République, a mis en pleine lumière les concepts de cohésion nationale et de « vivre ensemble ». Les principes et les valeurs susceptibles de constituer le socle de notre vie en société ne peuvent que susciter l’intérêt des juristes. Cette contribution propose de dépasser le débat sur le séparatisme, d’identifier les fondements juridiques de ces concepts et de démontrer en quoi leur judiciarisation contribue à un mouvement d’objectivation des droits fondamentaux.
Par Marc Guerrini, Professeur de droit public à l’Université Côte d’Azur, CERDACFF
« Le problème, c’est le séparatisme » déclarait le Président de la République Emmanuel Macron dans son discours La République en actes du 2 octobre 2020[1]. Par cette expression, le chef de l’État fait référence à des pratiques de nature religieuse qui se développent à rebours des principes républicains et qui apparaissent désormais incompatibles avec la « promesse d’émancipation » que porte la République française. Le débat qui entoure la question du « séparatisme » invite ainsi à repenser ce qui constitue le socle de la communauté nationale et les moyens qui sont susceptibles d’être mobilisés afin d’affermir et d’assurer l’unité de cette communauté. Cette dimension n’aura échappé à aucun observateur : c’est la cohésion nationale qui est en jeu et le contexte d’attentats terroristes qui a touché la France au cœur de ses valeurs a nourri l’idée qu’à présent, aucune entorse à l’agrégation du corps national se saurait être tolérée. Cette réaction politique peut apparaître comme étant d’une intensité inédite. Pourtant l’enjeu qui en constitue le fondement n’est guère surprenant. La notion de communauté, à partir du 19ème siècle, a permis d’un point de vue sociologique, de dépasser une approche interpersonnelle pour s’arrimer à une appréhension de nature collective fondée sur le groupe social. Dans un tel schéma, le sentiment d’appartenance est devenu un élément caractéristique de l’identité d’un individu. Mais, bien avant cela, ce sont les philosophes du contrat social, principalement Hobbes, Locke, Rousseau et Kant qui ont pensé l’idée même d’une société de citoyens en interrogeant les fondements de la naissance de l’État. On retrouve ainsi dans ses fondations l’idée même d’une communauté nationale, d’une Nation, partageant des éléments variable selon les auteurs mais ayant toujours une portée intégrative pour ce corps nouveau d’individus.
La Révolution française a profondément bouleversé le concept de nation. Alors que durant la période prérévolutionnaire celui-ci renvoyait davantage à un certain nombre de critères relativement objectifs tels que la langue, la religion ou l’ethnie, la nation fut appréhendée par les révolutionnaires comme une forme de contractualisation d’une communauté de destin. Cette idée est parfaitement illustrée par la définition de la nation que propose Ernest Renan au milieu du XIXème siècle. Ce dernier la définit comme étant « une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire n’en font qu’une constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs, l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis »[2]. La nation, appréhendée ainsi, allait se doter d’une identité qui, conçue « comme religion civile et communauté de mémoire, […] oriente et définit une volonté, un esprit, une authenticité et un horizon moral chez des individus nationalisés »[3]. Par ailleurs, la rupture majeure qu’a constitué la Révolution française dans l’appréhension du concept de nation réside dans le lien qui fut, depuis lors, établi entre celle-ci et l’État. Alors que, par le passé, « plusieurs nations pouvaient encore cohabiter dans un même espace étatique, la nation s’identifia à l’État : c’est la naissance de l’État-nation »[4]. Comme l’a souligné le Professeur Christian Lagarde, « dans l’État-nation, l’État se présente comme étant l’incarnation de la nation dont il tire – démocratiquement, selon le modèle français – sa légitimité. Ainsi, à une nation donnée correspondrait un État et, réciproquement, à un État ne saurait correspondre qu’une seule nation »[5]. On comprend dès lors que l’État et la question de la cohésion nationale allaient désormais entretenir des liens intimes.
Pourtant, cela ne constitue pas une évidence soustraite à toute forme de débat ou de discussion. La promesse d’émancipation qu’évoque le Président de la République est lourde de sens. En effet, le terme d’émancipation n’est pas neutre. Il a été largement employé dans la querelle opposant les libéraux et les communautariens car précisément, pour ces derniers, le libéralisme ne permet pas de tenir une telle promesse. La vision de l’unité nationale dont il fait la promotion est trop froide et ne parvient pas à entretenir un sentiment essentiel qui est le sentiment d’appartenance. Comme a pu le relever Justine Lacroix, « ce contexte subjectif serait la condition nécessaire pour que les individus s’identifient aux droits proclamés et en assument toutes les responsabilités. Pour les auteurs communautariens, le libéralisme ne pourrait tenir ses promesses d’émancipation, car il négligerait le fait que la vraie liberté passe toujours par un sentiment d’appartenance à une communauté et par un engagement au sein de celle-ci »[6]. Ce débat permet d’aborder la question de la manière dont un État peut efficacement ou légitimement intervenir afin de préserver, d’entretenir ou de protéger la cohésion nationale. Wayne Norman a pu ainsi évoquer l’existence d’une « ingénierie nationale » par laquelle l’État entend intervenir sur ces aspects. Cette expression est destinée, selon son promoteur, à « rendre la façon dont les actions délibérées de façonnement national constituent réellement une forme d’ingénierie sociale »[7]. Par ailleurs, l’attention que va porter l’État au sentiment d’appartenance à la communauté nationale est d’autant plus grand que sa légitimité même se trouve liée à cet affect[8]. Dans une démocratie fondée sur le principe de souveraineté nationale, qui implique logiquement la mise en place d’un système représentatif, le corps des représentés ne peut admettre la limitation de sa voix qui se réduit dans la représentation qu’en éprouvant un tel sentiment d’appartenance et de cohésion. Sans cela, l’écart entre les représentants et les représentés se creuserait d’une manière problématique. Il s’agit ainsi, pour le souverain, de justifier dans la cohésion de sa communauté la « valeur symbolique de son couronnement »[9].
On ne peut qu’être frappé par le caractère très objectif des développements qui précèdent dans le sens où ils se recentrent sur l’idée d’appartenance à un groupe national, idée qui laisse immanquablement présager de l’existence de règles de droit objectif. La logique fortement individualiste promue par les droits et libertés fondamentaux semble, de ce point de vue, peu conciliable avec ce cadre d’analyse. Pourtant, le Professeur Joël Andriantsimbazovina a récemment démontré dans les colonnes de l’AJDA que le droit des libertés fondamentales permet de saisir juridiquement le concept de « vivre ensemble », sur lequel nous reviendrons largement[10]. Il est possible de prolonger la réflexion en avançant qu’en réalité, les droits fondamentaux se trouvent paradoxalement au cœur de la cohésion nationale malgré des logiques d’apparence contradictoire. Se joue ainsi, à travers le concept de cohésion nationale, une forme inédite d’objectivation des droits et libertés fondamentaux. Ce concept possède une dimension statique qui est éminemment objective (I) et qui va s’accompagner d’une dynamique d’objectivation des droits et libertés fondamentaux (II).
I- La dimension objective de la cohésion nationale
La Constitution, en tant que norme fondamentale régissant le fonctionnement de l’État, reflète nécessairement une certaine idée de la cohésion nationale. Les exemples de tels liens entre Constitution et cohésion nationale sont visibles d’une manière paroxystique dans les États qui ont vu leur nation divisée par des conflits et des violations massives des droits fondamentaux. Ainsi, les États en reconstruction illustrent, souvent de façon tragique, ce qui unit l’État, la Constitution et la nation. L’élaboration de la constitution dans ces États implique nécessairement la prise en compte des évènements qui ont conduit à une fracture violente du vivre ensemble. Reconstruire l’appareil étatique impose de rétablir le désir de communauté. Jean-François Havard décrit ce processus comme « un relatif consensus d’une communauté sur un socle mémoriel commun qui donne à la fois sens et corps à cette communauté. Or, à la suite de crises ou de périodes traumatiques (dominations coloniales, guerres civiles, crises économiques…), on observe généralement une phase de recomposition et de redéfinition du rapport à l’identité collective, l’enjeu étant alors de redéfinir ce qui fait sens pour que les individus qui se retrouvent dans une communauté, et notamment dans une communauté nationale, puissent de nouveau dire ‘‘nous’’ »[11]. Ainsi, par exemple, la guerre de Bosnie-Herzégovine, qui a donné lieu à un conflit ethnique entre Serbes, Croates et Bosniaques, s’acheva le 14 décembre 1995 par les accords de Dayton. La Constitution, contenue dans l’annexe 4 de ces accords, est régie par le principe d’une construction multi-ethnique originale assurant l’égalité de tous. Le multiculturalisme constitutionnel s’applique tant à la protection des droits fondamentaux qu’à l’organisation institutionnelle de l’État qui prévoit, notamment, la représentation selon des quotas ethniques[12]. Une telle démarche est également présente dans la Constitution rwandaise du 4 juin 2003 qui au « lendemain du génocide, planifié et supervisé par des dirigeants indignes et autres auteurs, et qui a décimé plus d’un million de filles et fils du Rwanda »[13], se montre résolue « à combattre l’idéologie du génocide et toutes ses manifestations ainsi qu’à éradiquer les divisions ethniques et régionales et toute autre forme de divisions »[14]. On peut également évoquer le cas de l’Afrique du Sud post apartheid où un « constitutionnalisme de rencontre a servi à la fois de procédure de règlement du conflit, de source de garantie des droits fondamentaux, de restructuration de l’État, de garantie de la séparation des pouvoirs… pour ne citer que quelques exemples »[15]. Ainsi, dans tous les cas ici mentionnés, en intégrant l’idée de reconstruction du lien, la norme fondamentale apporte sa contribution à la refondation de la cohésion nationale nécessaire à la viabilité de l’État. Il existe donc un indissociable lien, particulièrement frappant dans les États qui furent en proie à des conflits destructeurs de l’unité de la nation, entre la cohésion nationale et la Constitution.
La norme fondamentale française constitue quant à elle, pour reprendre une formule aristotélicienne, « une Constitution adaptée aux caractères nationaux »[16]. Celle-ci devrait donc logiquement manifester une volonté de vivre ensemble en établissant un lien étroit entre l’État et la nation. Ainsi, l’article 3 de la Déclaration des droits de 1789 dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Se fondant sur cette disposition, Carré de Malberg en tira les enseignements suivants dans sa Contribution à la Théorie générale de l’État : « En proclamant que la souveraineté, c’est-à-dire la puissance caractéristique de l’État, réside essentiellement dans la nation, la Révolution a consacré implicitement, à la base du droit français, cette idée capitale que les pouvoirs et les droits dont l’État est le sujet, ne sont pas autre chose au fond que les droits et les pouvoirs de la nation elle-même. Par conséquent, l’État n’est pas un sujet juridique se dressant en face de la nation et s’opposant à elle : mais, dès qu’il est admis que les pouvoirs de nature étatique appartiennent à la nation, il faut admettre aussi qu’il y a identité entre la nation et l’État, en ce sens que celui-ci ne peut être que la personnification de celle-là »[17]. Il est possible, partant de ce présupposé, d’illustrer la portée intégrative de certaines dispositions constitutionnelles à l’égard de la communauté nationale. Il faut alors se demander à quoi renvoie précisément le terme de cohésion nationale. Ce dernier semble renvoyer à la fois à un sentiment d’appartenance à une communauté mais aussi à des comportements qui tendent à assurer une vie en commun paisible entre les membres de cette communauté. En ce sens, la cohésion nationale et le vivre ensemble sont évidemment des notions voisines mais elles ne se recoupent pas totalement. La cohésion nationale implique le vivre ensemble mais l’inverse n’est pas forcément vrai. Le vivre ensemble s’apparente à une colocation. Rien n’oblige à aimer son colocataire mais il apparait nécessaire de respecter des règles minimales de respect de l’intimité, de courtoisie, de tranquillité. Dépassant cet aspect, la cohésion suppose également un sentiment d’appartenance, une dimension affective que le vivre ensemble ne contient pas nécessairement. Ce dernier, plus froid, impose davantage une tolérance et un respect mutuels sans que soit exigée des membres d’une communauté une forme quelconque d’égrégore. La Constitution est de ce point de vue complète dans la mesure où ses dispositions permettent à la fois de donner corps au sentiment d’appartenance nationale (A) mais aussi de poser les conditions du vivre ensemble (B).
A- La dimension constitutionnelle du sentiment d’appartenance
Le symbolisme constitutionnel au service du sentiment d’appartenance. Le sentiment d’appartenance constitue une chose fragile et la contribution de la norme fondamentale de l’État à ce sentiment ne fait guère de doute. Il est possible de mentionner en premier lieu les emblèmes nationaux. L’emblème constitue une « figure symbolique, qui est d’ordinaire accompagnée de quelques paroles en forme de sentence »[18]. Il apparaît comme un signe de reconnaissance abstrait qui, logé dans un symbole, porte une signification identitaire qui est partagée par ceux qui s’y reconnaissent. Il n’existe alors « pas d’État sans emblèmes. C’est-à-dire pas d’État sans un répertoire minimum de signes ayant pour fonction de faire connaître au moins l’identité, et souvent aussi la nature, les aspirations ou les justifications du ou des pouvoirs que cet État représente »[19]. Les emblèmes de la France sont nombreux et apparaissent généralement comme des allégories de l’identité nationale, forgées au cours de l’histoire de France et liées aux combats menés pour la conquête de la liberté. On trouve ainsi le coq, le faisceau de licteur, l’arbre de la liberté, le bonnet phrygien, Marianne, la gerbe, la semeuse, la cocarde, la Marseillaise ou encore le drapeau tricolore[20]. L’article 2 alinéa 2 de la Constitution consacre formellement le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, comme emblème national. Le drapeau constitue un signe de reconnaissance nationale, Lamartine écrira à son propos que « la France et le drapeau tricolore, c’est une même pensée, un même prestige, une même terreur au besoin pour nos ennemis »[21]. L’article 2 aliéna 3 de la Constitution consacre quant à lui l’hymne de la nation : la Marseillaise, qui constitue également un élément d’identification de la communauté nationale. La devise de la République vient compléter les dispositions constitutionnelles intégrative à l’article 2 alinéa 4 de la Constitution. La Constitution présente donc un certain nombre de dispositions qui apparaissent comme des éléments d’identification à la communauté nationale. Ces derniers possèdent une vocation intégrative permettant à chacun de se reconnaître dans une symbolique alimentant et entretenant le sentiment d’appartenance.
Le concours du symbolisme constitutionnel au sentiment d’appartenance. L’ensemble des éléments mentionnés : le drapeau, la devise, l’hymne concourent à la formation d’un patrimoine qui, notamment à travers une matérialisation et une imagerie faites de symboles, provoque un effet d’intégration. La réalité quotidienne illustre régulièrement la manière dont les symboles constitutionnels peuvent affermir la cohésion nationale. Pour ne citer qu’un exemple, les sifflets parfois adressés à la Marseillaise lors de certaines manifestations sportives sont systématiquement interprétés comme l’expression d’une rupture au sein de la communauté nationale[22]. La procédure de naturalisation française apparaît particulièrement révélatrice de la portée intégrative des symboles constitutionnels. L’évaluation de départ à laquelle elle donne lieu attribue une importance fondamentale à la maîtrise de la langue qui participe à l’insertion dans la société dont le degré sera également évalué. Les entretiens qui sont organisés visent à savoir si les personnes qui souhaitent acquérir la nationalité française ont connaissance de leurs droits et de leurs devoirs, « s’ils savent vraiment qu’ils vivent en démocratie »[23]. La cérémonie de naturalisation est également très significative. Au terme du discours solennel du représentant de l’État en préfecture, le public est invité à se lever afin d’écouter la Marseillaise, un diaporama est parfois diffusé en retraçant les étapes marquantes de l’histoire de la nation française et notamment de ses origines révolutionnaires. Enfin, les documents officiels remis aux personnes naturalisées peuvent s’accompagner de documents annexes tels que la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 ou des extraits de la Constitution de 1958. De la même manière, le contrat d’accueil et d’intégration dont la signature est obligatoire depuis 2006 pour les étrangers souhaitant s’installer durablement en France comprend non seulement une formation linguistique mais aussi une formation civique intégrant les valeurs, les principes et les symboles de la République en insistant sur la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes. Un film sur le « vivre ensemble » est également diffusé et où la République est « mise en récit »[24].
Les dispositions constitutionnelles qui manifestent l’identité nationale participent donc au sentiment d’appartenance à la nation qu’elles-mêmes reflètent. Il s’agit, comme l’a exprimé le Professeur Marie-Claire Ponthoreau, d’une « relation circulaire : l’identité collective structure la Constitution et la Constitution structure l’identité nationale »[25]. Pour autant, le symbolisme intégratif de telles dispositions constitutionnelles ne signifie pas que ces dernières sont dépourvues de toute portée normative. Bien au contraire, « le statut symbolique de la Constitution peut influencer ses fonctions en tant que droit positif »[26]. Le 13 mars 2003, fut posée au juge constitutionnel la question de la conciliation entre la liberté d’expression et les outrages aux symboles de la République que sont le drapeau et l’hymne national[27]. La loi pour la sécurité intérieure qui lui avait été déférée institua notamment des peines d’amende et d’emprisonnement visant à sanctionner l’outrage fait au drapeau ou à l’hymne national au cours de manifestations organisées ou réglementées par les autorités publiques. Après avoir émis deux réserves d’interprétation portant sur le champ d’application de telles incriminations[28], le Conseil constitutionnel estima que le législateur n’avait méconnu aucune norme constitutionnelle en opérant une telle conciliation entre la liberté d’expression et la protection des symboles de l’article 2 de la Constitution.
B- La dimension constitutionnelle du vivre ensemble
Le rejet de tout élément constitutionnellement clivant. La Constitution française semble, afin d’assurer le vivre ensemble, lisser les aspérités identitaires susceptibles de se révéler clivantes au sein de la communauté nationale. Aucun élément ne contribue, au sein de la Constitution française, à une quelconque forme d’exclusion. La norme fondamentale ne contient donc pas ce qui a parfois été qualifié « d’éléments clairement contreproductifs »[29] tels que « des dispositions confessionnelles, [fragilisant] la capacité de la Constitution à servir de symbole intégrateur pour des gens appartenant à des confessions minoritaires »[30]. La norme constitutionnelle certainement la plus représentative du vivre ensemble ouvre notre Constitution. Il s’agit de l’indivisibilité de la République. Le caractère unitaire de l’État se trouve assuré en France par ce principe d’indivisibilité de la République consacré à l’article 1er de la Constitution qui pose que « la France est une République indivisible ». Ce principe, afin d’assurer sa vocation de préservation du caractère unitaire de l’État, va trouver à s’appliquer à ses différents éléments constitutifs dont le peuple. Ses implications sont bien connues. Issu de la combinaison du principe d’indivisibilité de la République et du principe d’égalité, l’indivisibilité du peuple exclut d’opérer des différenciations entre les citoyens. La Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion »[31]. Ainsi, le Conseil constitutionnel a censuré de manière éclatante dans sa décision de 1991 relative à la loi portant statut de la Corse une référence au « peuple Corse » comme composante du peuple français[32]. Il faut noter néanmoins que ce principe ne s’oppose pas à la reconnaissance des populations d’outre-mer et depuis 2003, l’article 72-3 de la Constitution précise en ces termes que la République « reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité »[33]. La conception universaliste de l’égalité républicaine française, adossée au principe d’indivisibilité de la République, a également été interprétée comme s’opposant à tout traitement préférentiel en faveur d’une quelconque catégorie de la population[34]. C’est ainsi que dans sa célèbre décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982[35], le Conseil constitutionnel censura les dispositions législatives qui avaient pour objet d’instaurer des quotas par sexe dans les listes de candidats aux élections municipales. La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes[36] introduisit alors à l’article 1er de la Constitution la formule selon laquelle « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Cet ajout rendait ainsi possible l’institution de quotas par sexe en matière électorale. Cependant, cette possibilité demeurait alors circonscrite à ce domaine et le Conseil constitutionnel eut l’occasion de préciser qu’elle n’était pas applicable de manière générale. C’est ainsi qu’il censura, notamment, certaines dispositions législatives qui avaient pour objet d’instituer des règles de parité au Conseil supérieur de la magistrature[37], ou encore dans les organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé[38]. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008[39] eut donc pour objet d’étendre les potentialités de la parité, l’article 1er de la Constitution prévoyant désormais que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales »[40].
Mais ces éléments ne sont pas les seuls à concerner la cohésion nationale. Le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution dispose que « La langue de la République est le français ». Cette dernière bénéficie également d’une protection contentieuse effective. Le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel se prononça sur la compatibilité à la Constitution de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires[41]. Cette convention sera déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de deux motifs relevant des caractères de la République : l’indivisibilité et l’usage de la langue française. Premièrement, la Charte, en ce qu’elle impliquait la reconnaissance de droits collectifs à des groupes déterminés, méconnaissait les principes d’indivisibilité de la République, d’égalité et d’unicité du peuple français. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel estima que ses dispositions étaient « également contraires au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution en ce qu’elles tendent à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français non seulement dans la « vie privée » mais également dans la « vie publique », à laquelle la Charte rattache la justice et les autorités administratives et services publics »[42]. La décision du juge constitutionnel fut relativement courte mais y figure un élément qui n’est certainement pas anodin. Dans les cas où la Haute juridiction est saisie sur le fondement de l’article 54, cette dernière y joue systématiquement son rôle d’aiguilleur en concluant son examen de compatibilité à la Constitution par le point de savoir si la ratification du traité nécessite ou non une révision. Il s’agit de la réponse logique à la question qui lui est posée : la ratification de l’engagement international doit-elle être précédée d’une révision de la Constitution ? Or, s’agissant de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, une telle conclusion apparaît étonnement absente… Le Conseil constitutionnel ne mentionne pas, au terme de sa déclaration de contrariété, l’éventualité d’une révision afin de surmonter la contradiction mise en lumière avec la langue de la République et son indivisibilité. La langue est incontestablement l’une des marques les plus tangibles du vivre ensemble car elle permet de souder la communauté nationale en l’unissant autour d’un langage commun et partagé. La Constitution fut cependant révisée en 2008 afin d’introduire à l’article 75-1 de la Constitution le fait que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France »[43]. Or, cette révision n’a d’abord pas été effectuée pour permettre la ratification de la Charte des langues régionales ou minoritaires. De plus, cette nouvelle incise constitutionnelle fut introduite, non pas à l’article 2 de la Constitution mais dans le titre réservé aux collectivités territoriales. Enfin, les termes employés démontrent que les langues régionales sont conçues dans une dimension patrimoniale qui n’opère en rien une fragmentation au sein de la nation mais qui, au contraire, lui en attribue la patrimonialité[44].
La laïcité également consacrée à l’article premier de la Constitution constitue un élément central du vivre ensemble. Du point de vue du droit constitutionnel, la laïcité renvoie à deux aspects devenus « la pierre angulaire de notre pacte républicain »[45]. Le premier aspect implique la neutralité confessionnelle de l’État et s’apparente ainsi à un principe d’organisation, un « attribut de l’État »[46]. Ce dernier et ses services publics doivent demeurer neutres en matière religieuse, ce qui, associé aux principes d’indivisibilité et d’égalité républicaines, implique également qu’aucun groupe ne peut, en vertu d’une confession commune, revendiquer un traitement différent sur ce fondement. Le second aspect de la laïcité française, lié au caractère démocratique de la République, assure la liberté de conscience et de culte des citoyens sur les fondements de l’article 10 de la Déclaration de 1789 et de l’alinéa 5 du Préambule de 1946 qui dispose que « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou dans son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ». Ainsi, toute discrimination est en principe prohibée dès lors qu’elle se fonde sur un motif religieux[47]. L’importance du principe de laïcité en matière de cohésion nationale tient au fait que la conviction religieuse est cantonnée à une sphère privée afin de limiter l’émergence d’antagonismes au sein de la communauté nationale. Le libéralisme « n’exige pas que ses citoyens cessent de croire en Dieu, il leur demande seulement d’enfermer leurs croyances dans l’espace de leur vie privée et de tolérer que celles de leurs voisins soient différentes »[48].
La liberté elle-même se trouve définie au sein d’une communauté et renvoie à la notion de vivre ensemble, elle ne trouve de limites constitutionnelles que dans le respect de la liberté des autres. En ce sens, l’article 4 de la Déclaration de 1789 prévoit que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits ». Néanmoins, les débats actuels sur le séparatisme ne doivent pas conduire à une approche trop réductrice de la dimension constitutionnelle de la cohésion nationale. Celle-ci ne se résume pas à l’adhésion aux principes républicains et notamment à la laïcité. Il faut également souligner que la jouissance de différents droits et libertés fondamentaux va contribuer directement ou plus indirectement à la cohésion nationale et au vivre ensemble. On peut citer, par exemple, le principe d’égalité, le droit aux congés qui y participe[49] ou encore le droit aux loisirs, le sport et la culture étant régulièrement identifiés par les politiques publiques comme des « outils d’intégration majeurs »[50]. Quant au droit à l’instruction, il représente une composante tout à fait déterminante de la cohésion nationale dans la mesure où l’école est un lieu où, historiquement, se diffuse la culture nationale.
La promesse d’émancipation de la République. La Constitution permet donc de poser les conditions minimales du vivre ensemble et de nourrir le sentiment d’appartenance à la communauté nationale. De manière plus générale, la fonction symbolique éminente de la norme fondamentale est « dévolue, en France, à l’idée de République »[51]. Celle-ci ne se laisse pas aisément appréhender tant son utilisation est multiple et parfois même dévoyée. Frédéric Monera évoque l’originalité du concept hérité de la Révolution française de la manière suivante : « La République, sur le souvenir de Rome, réinventa la citoyenneté, mais une citoyenneté qui n’a plus rien d’antique. Pour réaliser ce transfert, la République devra être unificatrice et émancipatrice : elle unifiera le peuple autour de la représentation, du territoire et du droit ; elle l’émancipera, pour l’amener à cette qualité de citoyen, par l’unification de la langue, par la laïcité qui suppose la liberté de conscience et par l’instruction publique, laïque, universelle et obligatoire. Au-delà, la République redéfinira le concept de nation »[52]. On retrouve une même idée sous la plume de Paul Bernard qui suggère « une éthique, sinon une théologie de l’État républicain, qu’illustrent ‘‘l’évangile’’ constitutionnel, le drapeau, l’hymne national, la devise et la Marianne. L’unité nationale n’est ni une évidence, ni un acquis définitif, car c’est une volonté permanente de tous les citoyens rassemblés autour de l’État. La diversité géographique et économique des régions, les particularismes locaux et linguistiques, la diversité des origines ethniques, le regain des divisions sociales, rendent nécessaire la fonction intégratrice de l’État dans et par une république indivisible. Notre République […] est en charge de cette qualité du génie national »[53]. Historiquement, la République fut en elle-même un facteur de cohésion nationale sous la IIIème République dans la mesure où elle est apparue comme la forme du gouvernement qui divisait le moins.
II- La dynamique d’objectivation de la cohésion nationale
Les implications potentiellement conflictuelles de la cohésion nationale sont facilement observables. Néanmoins, souvent montées en épingle, certaines tensions ne sont pas nécessairement anormales car elles sont propres aux sociétés libérales qui tendent à équilibrer, d’une part, un principe de tolérance ou d’accommodement et, d’autre part, les règles minimales du vivre ensemble et de la cohésion nationale. Il y a donc, d’une certaine manière, une forme de « fécondité de l’antagonisme »[54] dès lors qu’il permet de définir et d’affermir les règles qui président au maintien de la communauté nationale. La question religieuse se trouve naturellement au cœur des antagonismes actuels. En France, la question de l’islam de France a été réactualisée après les attentats de janvier 2015 et le concept de cohésion nationale a été largement mobilisé dans le champ politique afin, précisément, d’éviter des amalgames fâcheux entre les musulmans exerçant paisiblement leur culte et ceux qui, radicalisés, empruntent la voie du terrorisme. Cette mobilisation semble avoir permis d’éviter en partie l’idée d’une forme de « complicité tacite »[55]. Par ailleurs, l’école demeure aujourd’hui un lieu sensible. Un certain nombre de difficultés sont ainsi régulièrement rapportées telles que des parties de programme ou des cours refusés par des parents musulmans, des oppositions aux cours de musique[56], ou encore un refus de garder le silence durant des hommages nationaux. Au Québec, ce type de problématiques a ressurgi à la suite d’évènements marquants, notamment en 2009 après que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a recommandé à une société d’assurance automobile « de répondre favorablement aux demandes de clientes souhaitant être servies par une personne de leur propre sexe »[57]. Ce questionnement a été abordé autour de la notion « d’accommodement raisonnable » qui consiste à s’interroger sur ce qu’un État est prêt à concéder face à de telles revendications. Il est particulièrement frappant que ce débat se trouve aujourd’hui judiciarisé en France car ce sont souvent les juges qui sont conduits à tracer les contours de l’accommodement raisonnable. De ce point de vue, la mobilisation des notions de « vivre ensemble » ou de « cohésion nationale » dans la jurisprudence des juges internes ou européen apparaît très significative. Elle est d’autant plus intéressante que la création en mai 2007 d’un Ministère de l’identité nationale et les polémiques qu’une telle création a suscitées ont illustré la difficulté pour le politique à résoudre cette question. Ainsi, « bien que la communauté nationale soit la base même de la légitimité républicaine, la volonté politique d’en institutionnaliser le contenu identitaire a été largement dénoncée comme une dérive nationaliste, que certains ont été jusqu’à qualifier de ‘‘xénophobie d’État’’ »[58]. S’est donc désormais entamé le temps de juridictionnaliser ce contenu identitaire. La nature du concept de cohésion nationale va alors se révéler dès lors que se pose la question de ses limites et celle de savoir ce que peut entreprendre ou non l’État pour préserver une telle cohésion. Il y a, dans la concrétisation juridictionnelle de ce concept, un aspect inévitablement conflictuel qui va laisser transparaître sa substance axiologique et sa dynamique, celle de l’objectivation des droits fondamentaux. Mais de telles conclusions ne sont pas sans conséquences sur la manière dont la France entend assurer, d’un point de vue juridique, sa cohésion nationale. S’est ainsi posée la question de la nature des concepts de cohésion nationale et de vivre ensemble (A) qui a permis de révéler sa substance axiologique recentrée sur un certain nombre de valeurs (B).
A- La question de la nature des concepts de cohésion nationale et de vivre ensemble
Les juges administratifs français et le juge européen ont chacun mobilisé les concepts de cohésion nationale ou de vivre ensemble. Or, il semble prima facie que deux logiques s’opposent : une logique objective fondée sur l’ordre public et promue par le Conseil d’État et une logique plus subjective fondée sur la protection des droits fondamentaux promue par la Cour européenne des droits de l’Homme. Confronter ces logiques permettra, dans un second temps, de déduire la nature axiologique de la cohésion nationale.
La nature objective : la cohésion nationale comme composante de l’ordre public. C’est d’abord dans la jurisprudence administrative que la cohésion nationale apparaît sous les traits d’une composante de l’ordre public. Ce constat ne semble pas étonnant si l’on considère, à l’instar du Professeur Pierre Delvolvé que le Conseil d’État retient une conception qui est celle « de l’État, garant du lien social, dont la justice administrative est le soutien ; l’objectif c’est celui de la paix sociale, dont la jurisprudence administrative cherche la réalisation »[59]. Ainsi, dans la désormais célèbre ordonnance Dieudonné du 9 janvier 2014, le Conseil d’État considère « qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine »[60]. La référence, régulièrement reprise, à la cohésion nationale est ici particulièrement marquante. Mais, pour les raisons déjà évoquées, elle est moins surprenante. Le Professeur Aurélien Antoine établit d’ailleurs la parenté entre cette ordonnance et l’emblématique arrêt Commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995 qui érige la dignité de la personne humaine en composante de l’ordre public dans l’ouvrage collectif Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative[61]. La solution retenue en 1995 par le juge administratif témoignait déjà de la volonté de conférer une consistance juridique à un élément (la dignité) relevant d’une échelle de valeurs partagées au sein de la communauté nationale. Il s’agit de promouvoir sur le terrain juridictionnel une certaine idée de vivre ensemble et, à travers elle, « une moralité publique qui correspond à une conception précise du pacte républicain français »[62]. On trouve donc dans l’ordre public immatériel qui renvoie notamment à la dignité de la personne humaine, à la cohésion nationale ainsi qu’aux valeurs de la République la volonté de préserver le pacte social sur lequel la communauté nationale est assise ainsi que les conditions du vivre ensemble. Ainsi, le Conseil d’État a estimé le 9 novembre 2020 que la nationalité peut être valablement refusée à un homme qui « adopte un mode de vie caractérisé par une soumission de sa femme qui ne correspond pas aux valeurs de la société française »[63]. Cette analyse semble confirmée par l’avis du Conseil d’État rendu le 30 juillet 2015 concernant le projet de loi constitutionnelle tendant à autoriser la ratification de la Charte des langues régionales et minoritaires. À cette occasion, la Haute juridiction, tout en précisant qu’il n’existe pas de principes supra-constitutionnels lui permettant d’apprécier la validité d’une révision, précise que « loin de déroger ponctuellement, comme le constituant a pu le faire dans le passé, à telle règle ou tel principe faisant obstacle à l’application d’un engagement de la France, la faculté de ratifier la Charte donnée par la nouvelle disposition constitutionnelle aurait introduit dans la Constitution une incohérence entre, d’une part, les articles 1er, 2 et 3 qui affirment les principes constitutionnels mentionnés dans la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 et sont un fondement du pacte social dans notre pays et, d’autre part, la disposition nouvelle qui aurait permis la ratification de la Charte »[64].
La nature subjective : le vivre ensemble comme élément de la protection des droits et libertés d’autrui. La Cour européenne des droits de l’Homme a également fait une utilisation remarquée du concept de vivre ensemble dans certaines affaires. La plus emblématique est celle de l’arrêt S.A.S c/ France du 1er juillet 2014 s’agissant de la compatibilité à la Convention de la loi contre la dissimulation du visage dans l’espace public. La Cour rappelle à cette occasion la large marge d’appréciation dont disposent les États en la matière et précise « qu’il entre assurément dans les fonctions de l’État de garantir les conditions permettant aux individus de vivre ensemble dans leur diversité »[65]. Elle en conclut, au terme de son raisonnement « que l’interdiction que pose la loi du 11 octobre 2010 peut passer pour proportionnée au but poursuivi, à savoir la préservation des conditions du « vivre ensemble » en tant qu’élément de la « protection des droits et libertés d’autrui »[66]. D’une manière comparable, en janvier 2017 dans son arrêt Osmanoğlu et Kocabaş c/ Suisse, la Cour devait examiner la compatibilité à la Convention d’amendes infligées à des parents en raison de leur refus, pour des motifs religieux, de permettre à leurs filles de suivre des cours obligatoires de natation mixtes à l’école. Elle précisa à cette occasion que « l’intérêt des enfants à une scolarisation complète permettant une intégration sociale réussie selon les mœurs et coutumes locales prime sur le souhait des parents de voir leurs filles exemptées des cours de natation mixtes »[67]. Elle ajoute que « l’intérêt de l’enseignement du sport n’est pas seulement pour les enfants de pratiquer une activité physique ou d’apprendre à nager – objectifs en soi légitimes –, mais davantage encore d’apprendre ensemble et de pratiquer cette activité en commun, en dehors de toute exception tirée de l’origine des enfants ou des convictions religieuses ou philosophiques de leurs parents »[68]. Si ces arrêts illustrent la manière dont le juge de Strasbourg entend promouvoir les valeurs de la Convention au détriment d’une certaine forme de communautarisme, il est nécessaire de préciser que sa conception du vivre ensemble ne se limite pas à ces aspects. Elle a ainsi estimé à propos du refus d’aide spécialisée pour une enfant autiste à l’école que « la discrimination subie par la requérante est d’autant plus grave qu’elle a eu lieu dans le cadre de l’enseignement primaire, qui apporte les bases de l’instruction et de l’intégration sociale et les premières expériences de vivre ensemble – et qui est obligatoire dans la plupart des pays »[69].
Le dépassement de l’opposition des logiques interne et européenne. Les approches retenues par le juge administratif français et par le juge européen des droits de l’Homme conduisent à s’interroger sur la nature des concepts de cohésion nationale ou de vivre ensemble. Alors que le juge administratif semble les subsumer sous la notion d’ordre public immatériel, la Cour européenne en fait des éléments de « protection des droits et libertés d’autrui ». On peut ainsi relever, à l’instar du Professeur Marie-Odile Peyroux-Sissoko, que « la Cour n’a pas intégré ce qu’elle a appelé le vivre ensemble dans le motif légitime d’exception d’ordre public mais dans celui de protection des droits et libertés d’autrui »[70]. La Cour européenne, après avoir rappelé que le gouvernement français dans l’affaire S.A.S renvoyait à trois valeurs pour justifier l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public (le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes, le respect de la dignité des personnes et le respect des exigences minimales de la vie en société), estime qu’ « aucune de ces trois valeurs ne correspond explicitement aux buts légitimes énumérés au second paragraphe de l’article 8 et à celui de l’article 9. Parmi ceux-ci, les seuls susceptibles d’être pertinents en l’espèce, au regard de ces valeurs, sont l’ordre public et la protection des droits et libertés d’autrui. Le premier n’est cependant pas mentionné par l’article 8 § 2. Le Gouvernement n’y a du reste fait référence ni dans ses observations écrites ni dans sa réponse à la question qui lui a été posée à ce propos lors de l’audience, évoquant uniquement la protection des droits et libertés d’autrui. La Cour va donc concentrer son examen sur ce dernier but légitime »[71]. On voit donc que la Cour, non seulement précise que l’ordre public est « susceptible d’être pertinent » mais ne fait pas de la nature du concept de vivre ensemble une question de principe. Elle s’est adaptée à la fois aux restrictions énumérées par la Convention mais aussi à l’argumentaire du gouvernement défendeur. Il est également possible d’y voir une volonté de conserver, au regard des potentialités attentatoires aux droits fondamentaux de ces concepts, un contrôle relativement strict alors même que le rattachement à un élément d’ordre public justifie généralement devant la Cour une marge de manœuvre plus grande encore des États parties[72]. Ces deux approches, la première objective et la seconde plus subjective ne sont donc en réalité pas inconciliables. La position de la Cour européenne des droits de l’Homme qui tend à faire du vivre ensemble un des éléments de « protection des droits et libertés d’autrui » ne conduit pas à subjectiviser ce concept, mais relève davantage d’une technique contentieuse visant soit à rattacher le vivre ensemble à un critère d’ingérence de l’État pertinent soit à conserver un certain degré de contrôle sur les ingérences des États susceptibles d’être justifiées par le maintien de la cohésion nationale. En effet, en précisant « qu’il entre assurément dans les fonctions de l’État de garantir les conditions permettant aux individus de vivre ensemble dans leur diversité »[73], on perçoit malgré tout la dimension objective que la Cour attribue au concept de vivre ensemble. Sa jurisprudence sur l’école ou sur les cours de natation en témoigne.
B- La substance axiologique des concepts de cohésion nationale et de vivre ensemble
La cohésion nationale, socle de valeurs démocratiques partagées. Il pourrait apparaître paradoxal que le juge européen soit conduit à déterminer ce qui relève, par nature, de la cohésion nationale d’un État ou des conditions dans lesquelles sa communauté nationale entend vivre. Mais ce contrôle est, en réalité, naturel pour la Cour européenne des droits de l’Homme dans la mesure où les concepts de cohésion nationale et de vivre ensemble reposent aujourd’hui sur des valeurs largement partagées en Europe et dont la Cour est à la fois la promotrice et la protectrice. Dans le cas de la France, par exemple, les grands principes républicains sont largement partagés en Europe. Les éléments culturels fondamentalement spécifiques pouvant relever de la cohésion nationale sont finalement très peu nombreux en dehors du symbolisme constitutionnel déjà décrit. Seule la langue demeure un marqueur national clairement identifiant culturellement. Toute référence à des minorités nationales est majoritairement neutralisée par le principe d’indivisibilité. Toute référence religieuse est neutralisée par le principe de laïcité. Finalement, la cohésion nationale et le vivre ensemble sont réduits à une portion minimale qui réside dans le respect des valeurs fondamentales de la République et, aujourd’hui, la plupart de ces valeurs sont partagées par le Conseil de l’Europe dans sa promotion de la démocratie et de la prééminence du droit. Comme le souligne Alain Policar, « le concept de communauté a pu se débarrasser du sens que les romantiques, majoritairement allemands, lui avaient attribué. Désormais, la Volksgemeinschaft (la communauté du peuple) s’est émancipée de son contenu ethnico-racial pour être envisagée comme une community of communities, c’est-à-dire comme un élément constitutif essentiel d’une démocratie libérale »[74]. Une telle évolution ne saurait être perçue comme un phénomène historiquement « contre-nature » ou comme une dilution inacceptable de l’identité française. La République a, en réalité, toujours eu une vocation universelle. Il suffira, pour s’en convaincre, de rappeler à sa mémoire les quatre lithographies exécutées par Frédéric Sorrieu en 1848 représentant la révolution parisienne qui donnera naissance à la IIème République. Celles-ci, intitulées La République universelle démocratique et sociale, mettent en scène les nations européennes brandissant leurs drapeaux et défilant sous la République divinisée, portée par des enfants de tous les continents.
La compatibilité de l’ordre public interne à l’ordre public européen. Ce sont les valeurs démocratiques et leur respect qui se trouvent au cœur de la cohésion nationale et du vivre ensemble : le principe d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, la liberté d’expression, la dignité de la personne humaine… Si l’État peut défendre ses valeurs afin de préserver sa communauté, il revient alors à la Cour européenne de contrôler le degré « d’acceptabilité » de l’ingérence étatique au regard du critère de nécessité dans une société démocratique. N’est-ce pas la mission essentielle de la Convention, qualifiée par la Cour européenne « d’instrument constitutionnel de l’ordre public européen » dans son célèbre arrêt Loizidou[75]. A cet égard, la référence à la société démocratique joue un rôle de premier ordre en répondant à une « fonction idéologique essentielle »[76] qui vise à « établir une échelle de normalité permettant de déterminer l’étendue souhaitable des droits et libertés puisque […] bien au-delà des droits proprement politiques, la notion de société démocratique ‘‘domine la Convention toute entière’’ »[77]. Ainsi, considéré comme le seul régime politique envisagé compatible avec la Convention européenne[78] et comme la condition du maintien de la paix et de la justice[79], la référence à la démocratie commande dans une large mesure l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme. La Cour a étroitement lié la finalité de son prétoire au maintien d’un ordre public européen lui-même intimement fixé à la démocratie. En effet, elle considère d’une part, que la Convention a « pour but de trancher, dans l’intérêt général, des questions qui relèvent de l’ordre public, en élevant les normes de protection des droits de l’Homme et en étendant sa jurisprudence à l’ensemble de la communauté des États parties »[80] et, d’autre part, que la démocratie « représente sans nul doute un élément fondamental de l’ordre public européen »[81]. Ainsi, chaque restriction apportée à un droit ou à une liberté se voit contrôlée au regard de sa nécessité à une société démocratique qui, selon la Cour, n’existe pas dans un État « sans que le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture se traduisent effectivement dans son régime institutionnel, que celui-ci soit soumis au principe de la prééminence du droit, qu’il comporte essentiellement un contrôle efficace de l’exécutif, exercé sans préjudice du contrôle parlementaire, par un pouvoir judiciaire indépendant, et qu’il assure le respect de la personne humaine »[82]. Il existe ainsi un fonctionnalisme démocratique de la Convention européenne des droits de l’Homme dont le fondement réside dans le maintien de l’ordre public européen. La Cour identifie au fil de sa jurisprudence un certain nombre de principes ou de droits apparaissant propres à une société démocratique et qui « porteurs de valeurs communes essentielles […] constituent l’ossature de l’ordre public européen des droits de l’Homme »[83]. Tel est le cas, par exemple, du respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté d’expression ou encore du pluralisme des courants de pensée.
La nécessité d’éviter le moralisme juridique. Il ne fait guère de doute que les valeurs partagées de l’Europe des droits de l’Homme qui viennent d’être mentionnées constituent des éléments de la cohésion nationale et du vivre ensemble. Le fait de concevoir d’une manière axiologique ces concepts, en les associant au respect de valeurs partagées, permet d’éviter le risque de moralisme juridique. Le moralisme juridique tend à justifier que le droit intervienne pour limiter des comportements jugés immoraux par la société et il implique généralement une certaine réticence au progrès à travers une doctrine conservatrice. Il vise à lutter contre la désintégration de la société par des pratiques jugées immorales (avortement, homosexualité, suicide…)[84]. Hart a formulé une critique virulente du moralisme juridique[85] sans pour autant exclure l’utilisation par le droit d’une forme de morale conventionnelle. Mais, selon lui, il est légitime d’imposer la morale conventionnelle uniquement pour préserver les valeurs universelles qui se retrouvent dans toutes les morales sociétaires »[86]. C’est en cela que la garantie offerte par la Cour européenne des droits de l’Homme est primordiale afin que la mobilisation de la cohésion nationale ou du vivre ensemble par les États ne constitue pas un avatar sophistiqué du moralisme juridique. Il faut rappeler, pour ne prendre qu’un exemple, que dans l’arrêt Dudgeon du 22 octobre 1981[87], le maintien d’une législation sévère à l’égard de l’homosexualité était justifié, du point de vue du gouvernement défendeur, par les spécificités culturelles de l’Irlande relatives à la morale sexuelle et notamment par l’hostilité de la majorité de l’opinion publique à l’égard des pratiques homosexuelles. Le juge européen des droits de l’Homme avait ainsi précisé qu’il lui revient de rechercher si les dispositions nationales en cause demeurent dans le cadre de ce qui est nécessaire à une société démocratique[88]. Ce seul exemple suffit à démontrer qu’une trop grande marge de manœuvre ne saurait être laissée aux États dans leur « ingénierie nationale » visant à défendre la cohésion nationale ou le vivre ensemble. Ce contrôle est d’autant plus nécessaire que ces concepts sont largement indéterminés et peuvent ainsi justifier, selon l’interprétation qui en sera retenue, des atteintes préoccupantes aux droits et libertés fondamentaux.
Les tensions potentielles induites par le contrôle européen. Si ce schéma est séduisant, et que le rôle de contrôle de la Cour européenne doit être défendu, une limite demeure. En effet, dans le cadre du droit français, il n’est pas certain que notre modèle du vivre ensemble et de la cohésion nationale soit, à terme, totalement compatible avec le droit de la Convention européenne des droits de l’Homme. En effet, la Cour européenne des droits de l’Homme prête une attention particulière au droit des minorités culturelles. Ainsi, elle a pu rappeler que « l’existence de minorités et de cultures différentes dans un pays constitue un fait historique qu’une société démocratique devrait tolérer, voire protéger et soutenir selon des principes du droit international »[89]. La Cour observe également, dans l’affaire Chapman, « que l’on peut dire qu’un consensus international se fait jour au sein des États contractants du Conseil de l’Europe pour reconnaître les besoins particuliers des minorités et l’obligation de protéger leur sécurité, leur identité et leur mode de vie ». Elle en déduit que l’article 8 de la Convention « impose donc aux États contractants l’obligation positive de permettre aux Tsiganes de suivre leur mode de vie »[90]. Au regard de ces évolutions jurisprudentielles, il est légitime de se demander si le principe d’indivisibilité du peuple français et la conception qu’il porte du vivre ensemble seront, à terme, compatibles avec les standards européens et si ces derniers ne conduiront pas à corriger le républicanisme français. Une évolution en ce sens est déjà réclamée par le mouvement dit du « républicanisme critique » qui « encourage les mobilisations minoritaires »[91]. Si une telle problématique venait à se présenter, la France pourrait œuvrer à la préservation de sa singularité en la matière avec le soutien d’un autre principe largement commenté tenant au respect de son identité constitutionnelle…
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On pourrait s’inquiéter de ce que révèle la mobilisation des concepts de cohésion nationale et de vivre ensemble. En effet, le droit permettant une forme d’objectivation des rapports sociaux[92], l’utilité de ces notions pourrait mettre en lumière la fracture qu’elles semblent vouloir éviter. Néanmoins, sur le terrain du droit, nous n’assistons pas à un débat nauséabond de nature identitaire mais à un rappel d’exigences minimales tenant au respect de valeurs partagées. La différence d’approche apparente entre le droit interne qui lie le vivre ensemble à l’ordre public et le droit européen qui le cheville au respect des droits est très intéressante. Les deux se rejoignent en réalité. Les droits fondamentaux qui, constitutifs de nos valeurs et généralement perçus comme des droits subjectifs finissent, en intégrant des exigences de vie en société, par devenir des éléments objectifs. C’est ici que réside l’objectivation des droits fondamentaux. Cela démontre le caractère fédérateur des valeurs démocratiques qui permettent de nous rassembler autour d’elles. Les droits et libertés fondamentaux peuvent constituer un élément de cohésion d’un corps national, constituer un patrimoine de valeurs dans lequel une nation pourra s’identifier, ce qu’a montré le contexte tragique des attentats terroristes dont la France a été victime. Les Français se sont reconnus et rassemblés dans une communauté de valeurs, celles des droits humains, bien loin de l’individualisme dont ces derniers sont si souvent accusés d’être les promoteurs.
[1] La République en actes : discours du Président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes, publié le 2 octobre 2020 sur le site officiel de l’Élysée.
[2] RENAN E., Qu’est-ce qu’une nation ? Mille et une nuits, Paris, 1997, p. 45.
[3] Elbaz M., Helly D., « Modernité et postmodernité des identités nationales », Anthropologie et sociétés, 1995, n° 3, p.16. pp. 15-35.
[4] Raynaud P., Rials S. (dir.), Dictionnaire de la philosophie politique, PUF, Paris, 3ème éd., 2003, p. 479.
[5] Lagarde C., Identité, langue et nation, Trabucaire, Cahors, 2008, p. 70.
[6] Lacroix J., « Communauté légale et communauté morale », Éthique publique, vol. 6, n° 1, 2004, p. 13.
[7] Norman W., « De la construction nationale à l’ingénierie nationale : l’éthique du façonnent des identités », in Dieckhoff A. La constellation des identités, Presses de Sciences Po, 2004, p. 125.
[8] V. en ce sens : Hermet G., « États et cultures nationales : un retour aux origines », in Dieckhoff A. La constellation des identités, Presses de Sciences Po, 2004, pp.98-124.
[9] Ibid. p. 106.
[10] Andriantsimbazovina J., « « Vivre ensemble » et droit des libertés », AJDA, 2020, p. 209.
[11] Havard J.F, « Histoire(s), mémoire(s) collective(s) et construction des identités nationales dans l’Afrique subsaharienne postcoloniale », Cités, 2007/1, n° 29, p. 71.
[12] V. à ce sujet : Bessone M., « Multiculturalisme et construction nationale : le cas de la Bosnie-Herzégovine », Raisons politiques, 2010/4, n° 40, pp. 5-19 ; Glamocak M., « A la recherche de l’identité bosniaque : entre religion, nation et État », Cités, 2007/4, n° 32, pp. 37-50 ; Woodward S., « Construire l’État : légitimité internationale contre légitimité nationale », Critique internationale, 2005/3, n° 28, pp. 139-152.
[13] Alinéa 1 du préambule de la Constitution du Rwanda du 4 juin 2003.
[14] Alinéa 2 du préambule de la Constitution du Rwanda du 4 juin 2003.
[15] Philippe X., « La démocratie constitutionnelle sud-africaine : un modèle ? », Pouvoirs, 2009/2, n° 129, p. 158.
[16] Aristote, La politique, Vrin, Paris, 1970, p. 385.
[17] Carré de Malberg R., Contribution à la Théorie générale de l’État, op.cit., p. 13.
[18] Définition de l’Académie française (éd. 1986).
[19] Pastoureau M., « L’État et son image emblématique », in Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne, Actes de la table ronde de Rome (15-17 octobre 1984), École française de Rome, Rome, 1985, p. 145.
[20] La République, ses symboles et ses emblèmes, site officiel de l’Assemblée nationale.
[21] De Lamartine A., Trois mois au pouvoir, Michel Lévy, Paris, 1848.
[22] Gastaut Y., « Le sport comme révélateur des ambiguïtés du processus d’intégration des populations immigrées », Sociétés contemporaines, 2008/1, n° 69, pp. 49-71.
[23] Frassin D., Mazouz S., « Qu’est-ce que devenir français ? La naturalisation comme rite d’institution républicain », Revue française de sociologie, 2007/4, vol. 48, p. 736.
[24] Gourdeau C., « Un contrat au service de l’identité nationale », Plein droit, n° 110, octobre 2016, p.34.
[25] Ponthoreau M-C, « La Constitution comme structure identitaire », in 1958-2008. Les 50 ans de la Constitution, Litec, Paris, 2008, p. 32.
[26] Smith E., « Les fonctions symboliques des constitutions », in Troper M., Chagnollaud D. (dir.), Traité international de droit constitutionnel, Tome I, Dalloz, Paris, 2012, p. 792.
[27] CC, décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, Rec. p. 211.
[28] Ibid., considérant 104 : « Considérant que sont exclus du champ d’application de l’article critiqué les œuvres de l’esprit, les propos tenus dans un cercle privé, ainsi que les actes accomplis lors de manifestations non organisées par les autorités publiques ou non réglementées par elles ; que l’expression » manifestations réglementées par les autorités publiques « , éclairée par les travaux parlementaires, doit s’entendre des manifestations publiques à caractère sportif, récréatif ou culturel se déroulant dans des enceintes soumises par les lois et règlements à des règles d’hygiène et de sécurité en raison du nombre de personnes qu’elles accueillent ».
[29] Smith E., « Les fonctions symboliques des constitutions », op.cit., p. 787.
[30] Ibid.
[31] CC, décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, Rec. P. 50, considérant 13.
[32] Ibid.
[33] Le cas de la Nouvelle-Calédonie a également nécessité une révision constitutionnelle dans la mesure où son statut reconnaît des droits spécifiques à la minorité Kanak.
[34] Pour une opinion inverse V. not. : Perreau B., « L’invention républicaine. Éléments d’une herméneutique minoritaire », Pouvoirs, 2004/4, n° 111, pp. 41-53, spéc. p. 48.
[35] CC, décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, Loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.
[36] Loi constitutionnelle n°99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, JORF n°157 du 9 juillet 1999, p. 10175.
[37] CC, décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, Rec. p. 63.
[38] CC, décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, Loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, Rec. p. 39.
[39] Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, JORF n° 0171 du 24 juillet 2008, p.11890.
[40] Nous soulignons.
[41] CC, décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Rec. p. 71.
[42] Ibid., considérant 11.
[43] Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, JORF n° 0171 du 24 juillet 2008, p.11890.
[44] V. en ce sens : Le Bris C., « Les langues régionales dans la Constitution », RDP, 1er mai 2009, n° 3, pp. 787-803. .
[45] Dord O., Laïcité : le modèle français sous influence européenne, Notes de la fondation Robert Schuman, disponible en édition numérique sur le site officiel de la fondation Robert Schuman, p. 6.
[46] Dord O, « L’affirmation du principe constitutionnel de laïcité de la République », in L’architecture du droit. Mélanges en l’honneur du Professeur Michel Troper, Economica, Paris, 2006, p. 415.
[47] CC, décision n° 76-67 DC du 15 juillet 1976, Loi modifiant l’ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, Rec. p. 35.
[48] Lacroix J., « Communauté légale et communauté morale », Éthique publique, vol. 6, n° 1, 2004, p. 13.
[49] Crapez S., « Les congés : ciment de notre vivre ensemble », Juris tourisme, n°186, p. 35.
[50] Berger-Aumont V., Chaumond C., « Un plan ‘‘ Citoyen du sport’’ pour améliorer le vivre ensemble », Jurisport, n° 162, p. 22.
[51] Ponthoreau M-C, « La Constitution comme structure identitaire », op.cit., p. 37.
[52] Monera F., L’idée de République et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LGDJ, Paris, 2004., p. 1.
[53] Bernard P., L’État républicain au service de la France, Economica, Paris, 1988, p. 95.
[54] Lacroix J., « Communauté légale et communauté morale », Éthique publique, vol. 6, n° 1, 2004, p. 13.
[55] Geisser V., « Un islam aux couleurs du drapeau ? », Confluences méditerranée, n °106, 2018/3, p. 148.
[56] V. notamment :Falaize B., « École, Islam et roman national », Hommes et migrations, 2011, pp. 84-88.
[57] Labelle M., « L’instrumentalisation des valeurs dans le débat sur la diversité, l’identité nationale et la citoyenneté au Québec », in Labelle M., Couture J., Remiggi F., La communauté politique en question. Regards croisés sur l’immigration, la citoyenneté, la diversité et le pouvoir, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 343.
[58] Guérard de Latour S., « Le rôle de l’identité nationale dans le républicanisme critique », Le Philosophoire, 2015/1, n° 43, p. 74.
[59] Delvolvé P., « Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative », RFDA, 2020, p. 555.
[60] CE, ordonnance du 9 janvier 2014, n° 374508, considérant 6.
[61] Perroud T., Caillosse J., Chevallier J., Lochak D., Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, LGDJ, 2019.
[62] Ibid. p. 496.
[63] CE, 2ème chambre, 9 novembre 2020, n° 436548.
[64] CE, avis n° 390.268 du 30 juillet 2015, nous soulignons.
[65] CourEDH, gd.ch., 1er juillet 2014, S.A.S c/ France, req. n° 43835/11, point 141.
[66] Ibid. point 157.
[67] CourEDH, 10 janvier 2017, Osmanoğlu et Kocabaş c/ Suisse, req. n° 29086/12, point 97.
[68] Ibid. point 100.
[69] CouEDH, 10 septembre 2020, G.L. c. Italie, n° 59751/15, point 71.
[70] Peyroux-Sissoko M.O, L’ordre public immatériel en droit public français, RDLF, 2018, p. 317.
[71] CourEDH, gd.ch., 1er juillet 2014, S.A.S c/ France, op.cit., point 117.
[72] V. en ce sens : Gazagne-Jammes V., « Le vivre-ensemble : exigence supérieure ou droit subjectif ? », RDLF, 2019, chron. n° 30.
[73] CourEDH, gd.ch., 1er juillet 2014, S.A.S c/ France, req. n° 43835/11, point 141.
[74] Policar A., « De la communauté au communautarisme ? », Raison présente, n° 159, 2006, p. 85.
[75] CEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie, req. n° 15318/89.
[76] LEVINET M., « Les présupposés idéologiques de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », Petites affiches, 22 décembre 2010, n° 254, p. 9.
[77] Ibid.
[78] CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie c/ Turquie, req. n° 133/1996/752/951, §45.
[79] Préambule de la Convention européenne des droits de l’Homme.
[80] CEDH, 24 octobre 2003, Karner c/ Autriche, req. n° 40016/98, §26.
[81] CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie c/ Turquie, op.cit., §45.
[82] CEDH, 26 avril 1979, Sunday times c/ Royaume-Uni, req. n° 6539/74.
[83] Sudre F., Marguenaud J-P, Andriantsimbazovina J., Gouttenoire A., Levinet M., Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, PUF, Paris, 2011, p. 11.
[84] V. sur cette doctrine : Guilbault M.E, « Les valeurs de la communauté et la justification des restrictions aux droits et libertés de la personne », Mémoire présenté à la faculté des études supérieures de l’Université de Montréal, Février 2008, disponible en édition numérique.
[85] Hart H., Law, liberty and morality, Stanford University Press, 1963.
[86] Guilbault M.E, « Les valeurs de la communauté et la justification des restrictions aux droits et libertés de la personne », op.cit. p. 74.
[87] CourEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni, req. n° 7525/76, série A, n° 59.
[88] Ibid., point 49.
[89] CourEDH, 27 mars 2008, Tourkiki Enosi Xanthis et autres, req. n° 26698/05, point 51.
[90] CourEDH, 18 janvier 2001, Chapman c/ Royaume-Uni, req. 27238/95, point 96.
[91] Guérard de Latour S., « Le rôle de l’identité nationale dans le républicanisme critique », op.cit, p. 86.
[92] V. en ce sens : Noreau P., « Comment la législation est-elle possible ? Objectivisation et subjectivisation du lien social », Revue de droit de McGill, 2001.