L’émergence du droit constitutionnel de l’enfermement
Par Stéphanie Renard, maître de conférences HDR en droit public et Éric Péchillon, professeur de droit public – Université Bretagne Sud
D’aucuns auront pu être surpris que, dans son discours de fin de mandat du 2 décembre 2024, le président du Conseil constitutionnel mentionne la décision de 2023 relative à la protection de la dignité des conditions de garde à vue[1] parmi les plus importantes de la consolidation du droit[2]. Jugée « déceptive » par certains y voyant une « dégradation du droit au recours juridictionnel effectif »[3], elle a en effet été reçue comme une « victoire en demi-teinte »[4] ou « un renforcement de façade du régime de protection constitutionnelle de la dignité de la personne gardée à vue »[5].
Comme le souligne son commentaire, cette décision pose pourtant une norme de concrétisation inédite, posée en conséquence du principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation[6]. Reprise par deux fois depuis lors[7], cette norme exige que « toute mesure privative de liberté [soit] mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine ».
Ce faisant, le Conseil constitutionnel fait explicitement de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine la principale norme de référence de son contrôle des règles législatives régissant la claustration, entendue comme l’état d’enfermement des personnes[8].
Une telle utilisation du principe dégagé en 1994 en matière biomédicale[9] pour le contrôle des conditions d’exécution des mesures privatives de liberté n’est certes pas nouvelle. Ce contrôle a en effet été inauguré par la décision n° 2009-593 du 19 novembre 2009 relative à la loi pénitentiaire[10]. Par la combinaison de ce principe et des dispositions de l’article 34 de la Constitution, le Conseil constitutionnel avait alors dégagé « une obligation positive pour le législateur de déterminer les conditions et les modalités d’exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne » et considéré « qu’il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d’exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ».
Comme en d’autres domaines, l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) le 1er mars 2010 a permis au juge constitutionnel de consolider et de préciser le principe ainsi dégagé. Dans une décision marquante du 30 juillet 2010 estimant que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine est bien invocable dans le cadre de l’article 61-1 de la Constitution, il en avait tiré un certain nombre d’obligations pesant tant à la charge du législateur qu’à celle des autorités judiciaires et de police judiciaire en matière de garde à vue[11]. Depuis lors, près de dix décisions ont rappelé ou étoffé ces obligations s’agissant de la garde à vue[12], de la retenue pour mise à disposition de la justice[13], de la détention provisoire[14], de l’exécution de peines d’emprisonnement[15], de l’hospitalisation sous contrainte[16] et, plus récemment, de la retenue pour vérification du titre de séjour[17].
L’arrêt J.M.B. c/ France de la Cour européenne des droits de l’homme[18] a provoqué une première évolution substantielle de cette jurisprudence entre 2020 et 2021[19]. Saisi par la Cour de cassation, ayant fermement marqué son intention de suivre la direction donnée par la Cour européenne « sans attendre l’intervention du législateur »[20], le juge constitutionnel a pris appui sur les dispositions combinées de l’article 34 de la Constitution et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour censurer l’incompétence négative entachant les articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale faute d’organiser un recours permettant à la personne placée en détention provisoire d’obtenir du juge judiciaire qu’il soit mis fin à des « conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine »[21]. Le raisonnement, transposé à l’exécution des peines privatives de liberté en 2021[22], a conduit, comme on le sait, à la création législative de voies dites « préventives » de recours mises à la disposition des usagers du service public pénitentiaire pour qu’il soit mis fin à des conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine[23].
Passée plus inaperçue, la seconde évolution substantielle résulte de la décision n° 2023-1064 QPC dont il était attendu la réitération de la solution retenue en 2020 et 2021 pour la protection des personnes placées dans des locaux de garde à vue et de dégrisement[24]. Comme on le sait, le Conseil constitutionnel n’a pas considéré que le législateur avait méconnu sa propre compétence en ne prévoyant pas plus précisément les conditions matérielles de placement ou de maintien en détention. Il n’a pas non plus jugé nécessaire de censurer l’inexistence d’une voie de recours spécifiquement dédiée à la préservation de la dignité aux articles 62-3, 63, 63-5, 154 et 706-88 du code de procédure pénale mais s’est contenté d’une réserve d’interprétation constructive : « en cas d’atteinte à la dignité de la personne résultant des conditions de sa garde à vue, les dispositions contestées ne sauraient s’interpréter, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, que comme imposant au magistrat compétent de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, d’ordonner sa remise en liberté »[25].
Abondamment commentée, la solution a été globalement critiquée comme marquant une position de recul de la jurisprudence constitutionnelle dans la protection de la dignité. L’attention prêtée à la déclaration de conformité a toutefois occulté la norme de concrétisation posée en addendum au considérant de principe de la décision : « toute mesure privative de liberté doit être mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine »[26]. Formulé en termes généraux, l’impératif a depuis lors été repris tant dans le cadre du contrôle a posteriori que dans celui du contrôle a priori. À nouveau mobilisé pour le contrôle des dispositions législatives relatives à la garde à vue dans la décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023[27], il a été réemployé en avril 2024 lors de l’examen de l’article L. 813-13 du CESEDA relatif au contrôle des conditions de retenue pour vérification du titre de séjour[28].
Ces confirmations suffisent à attester de sa vocation à régir l’ensemble des dispositifs législatifs permettant l’enfermement des personnes[29]. Le Conseil constitutionnel procède désormais par une approche globale de la privation de liberté qui, au-delà de la sûreté notamment garantie par l’article 66 de la Constitution[30], intéresse le principe de dignité.
La décision n° 2023-1064 QPC pose ainsi les bases d’un droit constitutionnel de l’enfermement qui, globalement applicable aux conditions d’exécution des mesures privatives de liberté (I), se structure autour des principes progressivement dégagés par la jurisprudence constitutionnelle (II).
I – La caractérisation d’un droit constitutionnel de l’enfermement
La norme de concrétisation ajoutée au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine présente la particularité d’être formulée en termes généraux. Ne s’adressant à personne en particulier, elle est exprimée vis-à-vis de l’ensemble des autorités en charge de l’exécution des mesures privatives de liberté : le législateur, qui en définit les modalités, les autorités judiciaires ou administratives, qui l’assurent et la contrôlent. Par sa formulation et sa vocation, elle se rapproche singulièrement de la méthode de protection par ricochet développée par la Cour européenne des droits de l’homme. Servant à la déclinaison du principe général de dignité dans le cadre des privations de liberté, l’addendum précise (A) et généralise (B) la jurisprudence antérieure.
A – Un droit expressément fondé sur le principe de dignité
La jurisprudence constitutionnelle actuellement développée fait expressément valoir le respect de la dignité de la personne humaine comme principe directeur du droit de l’enfermement. Nulle part défini, ce droit correspond aux principes et aux règles d’encadrement de la privation de liberté quelle qu’elle soit[31]. Il s’applique aux mesures privatives de liberté – soit aux « actions d’enfermer » – et aux modalités et conditions de leur exécution – soit les états ou situations d’enfermement. Formé des exigences communes à tous les types d’enfermement, qu’ils soient ou non ordonnés à titre de peine, il présente un caractère transversal (ou intersectoriel) lui permettant d’agir par-delà les divisions disciplinaires classiques du droit[32].
Dans son premier volet, somme toute classique, le droit de l’enfermement puise ses lignes directrices dans le principe de liberté et son corollaire immédiat : le droit à la sûreté[33]. Dans le second, plus récent, il s’appuie sur le principe de dignité de la personne humaine dans l’idée que la claustration ne peut ni dans son objet, ni dans ses effets équivaloir à la dégradation et à l’asservissement de la personne[34].
Cette dynamique de sauvegarde de la dignité de la personne privée de liberté trouve ses origines dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle s’oppose d’une part à l’inhumanité que manifestent, notamment, les mauvais traitements (violences ou privations de toutes sortes)[35], lesquels peuvent résulter de conditions de détention soumettant les personnes à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention[36]. Elle interdit d’autre part la dégradation de la personne, dont la dignité exige qu’elle soit protégée contre tout acte, pratique ou situation provoquant sa détresse ou son humiliation ou propice à son exploitation et à sa réification[37]. Soulignant la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les personnes enfermées du fait de leur entière dépendance à l’institution, la Cour a posé un certain nombre d’obligations positives pesant à la charge des États pour que le respect de leur dignité soit effectivement assuré[38].
Le Conseil constitutionnel s’est emparé de cette dynamique dès avant l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité. Appelé, par une saisine blanche présentée par plus de 60 députés, à examiner la conformité de la loi pénitentiaire de 2009 à la Constitution, il a défini le principe de sauvegarde de la dignité de la personne comme une norme de constitutionnalité spécifiquement applicable au contrôle des lois pénales et de procédure pénale en considérant, par une formule générale, qu’il appartient au législateur « de déterminer les conditions et les modalités d’exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne »[39]. De ce principe visant à la protection des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement, ont résulté l’affirmation que celles-ci « bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention » et l’obligation du législateur d’« assurer la conciliation entre, d’une part, l’exercice de ces droits et libertés que la Constitution garantit et, d’autre part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ainsi que les finalités qui sont assignées à l’exécution des peines privatives de liberté »[40]. Cette norme de référence a par la suite été reprise pour le contrôle de constitutionnalité des dispositions législatives régissant d’autres formes de privation de liberté : la garde à vue[41], l’hospitalisation sans consentement[42], le « petit dépôt »[43], la détention provisoire[44].
Ces transpositions successives laissaient entendre que le principe de dignité agit comme une norme de constitutionnalité systématiquement applicable au contrôle des régimes privatifs de liberté. Il était alors possible de considérer que les obligations en découlant tant pour le législateur que pour les autorités administratives et judiciaires valaient au-delà du cadre juridique précis dans lequel elles étaient affirmées. Faute de confirmation, une telle extrapolation ne relevait toutefois que de la supposition. C’est à cette incertitude que mettent fin les décisions de 2023 et de 2024 en posant un principe général clair qui englobe explicitement « toute mesure privative de liberté ». Ce faisant, le Conseil constitutionnel a élargi le champ d’application des règles et principes précédemment dégagés à toute claustration.
B – Un droit appliqué à toute privation de liberté
On l’aura compris, le principal apport de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel se situe dans l’affirmation d’un socle constitutionnel commun aux privations de liberté. Par sa généralité, le principe nouvellement posé oblige à se départir d’une approche sectorielle de l’enfermement, classiquement abordé sous l’angle de sa nature (judiciaire ou administrative), de sa fonction (punitive ou préventive) et/ou de son rattachement institutionnel (Justice, Intérieur ou Santé). Il sert à préserver la dignité de la personne enfermée, quels que soient les motifs et le lieu de son enfermement : structure pénitentiaire, local de garde à vue et de dégrisement, local de retenue douanière, centre éducatif fermé, établissement de santé mentale, local ou centre de rétention administrative, zone d’attente.
En cela, la jurisprudence constitutionnelle rejoint l’approche retenue par le législateur lors de la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2007[45] et la position des juridictions administratives qui ont étendu les raisonnements suivis en matière pénitentiaire[46] à la rétention administrative[47], à l’hospitalisation sans consentement[48] et à la garde à vue[49]. Ces évolutions juridiques soulignent l’unité des situations d’enfermement, à la fois dans leurs effets sur la personne enfermée – placée dans une situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’autorité en charge de son contrôle et de sa surveillance – et dans leurs principes directeurs. Justifiée par leurs « traits communs »[50], leur regroupement permet d’affirmer l’existence d’un ensemble de principes qui, fondés sur le principe de dignité, valent pour toute claustration[51].
Ainsi perçu, le droit de l’enfermement peut donc être pensé par-delà la pluralité des régimes de privation de liberté. Ses règles ont vocation à valoir pour tout type d’enfermement quelles qu’en soient la nature, la fonction et la durée. Il s’adresse à la personne recluse dont la dignité et les droits doivent être assurés par le législateur, seul compétent pour déterminer les règles de la privation de liberté, et les autorités en charge de leur application et de leur contrôle, qu’il s’agisse de l’autorité judiciaire lato sensu ou d’une autorité administrative voire des professionnels eux-mêmes[52].
Par sa formulation, la norme de concrétisation ajoutée au principe général de sauvegarde de la dignité de la personne humaine entraîne la généralisation des exigences précédemment posées dans des contextes particuliers. Là encore, les commentaires publiés par le Conseil constitutionnel sont instructifs. Dans la présentation des exigences constitutionnelles « s’imposant tant au législateur qu’aux autorités compétentes pour mettre en œuvre et contrôler [les] mesures » privatives de liberté, ils ne s’arrêtent ni au droit de la garde à vue, ni au droit pénitentiaire, mais associent l’ensemble des précédents jurisprudentiels pour présenter la synthèse des exigences constitutionnelles définies dans des cadres spécifiques.
Cette jurisprudence forme donc un tout cohérent qui a vocation à nourrir et à structurer la part du droit de l’enfermement qui régit la claustration.
II – La structuration du droit constitutionnel de l’enfermement
La structuration du droit constitutionnel de l’enfermement repose à l’évidence sur l’affirmation d’un socle normatif commun à toute mesure privative de liberté. Dans son contenu, il résulte tout à la fois de l’apport des décisions de ces deux dernières années et de la synthèse de la jurisprudence antérieure. Il reprend ainsi les obligations positives mises à la charge des autorités législative, judiciaire et administrative pour garantir l’effectivité de la dignité de la personne enfermée (A) et pose une exigence constitutionnelle de sauvegarde par le juge (B).
A – La définition d’obligations positives à la charge des autorités publiques
Entre 2009 et 2024, le Conseil constitutionnel a progressivement dégagé les obligations constitutionnelles s’imposant tant au législateur qu’aux autorités compétentes pour mettre en œuvre et contrôler les mesures privatives de liberté.
En premier lieu, il a tiré de la combinaison du principe de dignité et des dispositions de l’article 34 de la Constitution l’obligation positive du législateur de déterminer les conditions et les modalités d’exécution des mesures privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne. Appuyée sur les dispositions de l’article 34 de la Constitution confiant au législateur le soin de fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, cette obligation a principalement été affirmée pour l’exécution des peines privatives de liberté et les mesures de contrainte imposées dans le cadre de procédures judiciaires[53]. Elle s’impose toutefois au-delà de la matière pénale, probablement repensée à l’aune de l’alinéa 1er de l’article 34 qui exige du législateur qu’il détermine les règles relatives aux « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Le Conseil constitutionnel fait preuve à ce niveau d’une certaine imprécision, se bornant parfois à affirmer l’obligation sans en préciser la source exacte[54].
Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle attentif de cette obligation dont la méconnaissance est constitutive d’une incompétence négative du législateur. Doivent de la sorte être censurées les dispositions qui, par elles-mêmes ou par leurs conséquences nécessaires, portent directement atteinte à l’exigence de sauvegarde de la dignité de la personne enfermée ou la privent de garanties essentielles. En particulier, il appartient au législateur d’assurer la garantie effective des droits et des libertés des personnes concernées en fixant les règles relatives aux garanties fondamentales qui leurs sont accordées. Cela suppose notamment qu’il détermine les conditions essentielles de l’organisation et du régime intérieur de la structure d’enfermement, sans renvoyer la charge de réglementation vers le pouvoir réglementaire[55]. L’obligation dont il s’agit ne se limite donc pas à une exigence théorique ou abstraite. Elle contraint le législateur à déterminer les modalités concrètes de la garantie et du respect des droits et libertés constitutionnellement protégés. Cela inclut les modalités du contrôle exercé sur les conditions de l’enfermement[56].
En second lieu, le juge constitutionnel a défini des obligations particulières pesant à la charge des autorités compétentes pour l’exécution et le contrôle des mesures privatives de liberté, dont la mise en œuvre doit « en toutes circonstances » être assurée dans le respect de la dignité de la personne. Doublement définies, ces obligations de protection de la dignité de la personne enfermée s’adressent donc d’une part, aux autorités – notamment judiciaires – habilitées au contrôle de l’enfermement et d’autre part, aux autorités, tant judiciaires qu’administratives, responsables de sa mise en œuvre. Celles-ci sont largement entendues : il s’agit non seulement des autorités relevant du service public de la justice judiciaire, notamment compétentes pour l’exécution des gardes à vue, des retenues pour vérification de situation ou des retenues douanières, mais aussi des autorités de police administrative, responsables des zones d’attente et des lieux de rétention administrative, de l’administration pénitentiaire, en charge de la détention pénale, ou de l’administration hospitalière, compétente en matière d’hospitalisation contrainte.
Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que des manquements à ces obligations n’étaient pas en eux-mêmes de nature à entacher la constitutionnalité de la loi[57], marquant ainsi son refus de s’engager dans le contrôle des modalités de mise en œuvre des mesures d’enfermement. Celui-ci relève des juridictions ordinaires[58]. Il n’en a pas moins précisé certains des éléments. Premièrement, il a imposé aux autorités publiques un triple devoir de prévention, de répression et de réparation des atteintes portées à la dignité des personnes enfermées[59]. Deuxièmement, par une incise ajoutée dans la décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, il y a intégré une dimension matérielle, les autorités compétentes devant s’assurer que les locaux d’enfermement sont « effectivement aménagés et entretenus dans des conditions qui garantissent le respect [du] principe » de dignité de la personne humaine[60].
De ces exigences, que l’on sait mal assurées, résultent des obligations de contrôle des modalités et des lieux privatifs de liberté ainsi que du respect des droits des personnes enfermées[61]. En dérive également le droit pour la personne contrainte de disposer d’une voie de recours lui permettant d’échapper à des conditions d’enfermement attentatoires à sa dignité[62]. Ce mécanisme de sauvegarde, affirmé en matière pénitentiaire et de garde à vue, a lui aussi vocation à s’appliquer à tous les dispositifs d’enfermement.
B – L’exigence d’un mécanisme de sauvegarde de la dignité
Saisi par la Cour de cassation[63] d’une question prioritaire de constitutionnalité présentée quelques mois après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme[64], le Conseil constitutionnel a dégagé de la combinaison du principe de dignité, de l’article 34 de la Constitution et de l’article 16 de la DDHC l’obligation pour le législateur de « garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin »[65]. Ajoutée aux obligations précédemment définies tant à la charge du législateur qu’à celle des autorités judiciaires et administratives, cette obligation inédite, d’abord affirmée dans le cadre de la détention provisoire, a été explicitement étendue au bénéfice des personnes condamnées à une peine privative de liberté[66].
Quoi qu’il n’ait pas jugé utile d’exiger la création d’une voie spécifique de recours comme en matière pénitentiaire, c’est sans équivoque que le Conseil constitutionnel l’a généralisée dans la décision n° 2023-1064 QPC : une atteinte à la dignité de la personne humaine que doit respecter « toute mesure privative de liberté » impose « au magistrat compétent de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, d’ordonner [la] remise en liberté ».
Le Conseil se situe ici dans la lignée de la jurisprudence développée par la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle un recours exclusivement indemnitaire ne saurait être considéré comme suffisant en matière de conditions indignes de détention. Par nature, un tel recours n’a pas d’effet préventif et n’est donc pas à même d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention ou de permettre aux détenus d’obtenir une amélioration de leurs conditions matérielles de détention[67]. Pour qu’un système de protection des droits des personnes enfermées soit effectif, les recours préventifs et indemnitaires doivent donc coexister de façon complémentaire[68].
Ce n’est donc qu’« à défaut » de protection, qui, le cas échéant, oblige à la mainlevée de la mesure, que la personne recluse « dans des conditions indignes peut engager la responsabilité de l’État afin d’obtenir réparation du préjudice en résultant »[69]. En faisant primer les nécessités de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine sur celles qui justifient son enfermement, cette valorisation de la prévention sur la réparation témoigne d’un véritable changement de paradigme. Jusqu’à présent, en effet, l’exigence constitutionnelle du respect de la dignité des personnes enfermées était sans influence sur la décision privative de liberté, dont elle n’affectait pas la validité[70].
Les positions nouvellement adoptées par la Cour de cassation et par le juge constitutionnel imposent de revenir sur l’imperméabilité de la privation de la liberté à la dignité. Les impératifs de sa sauvegarde ont désormais vocation à contraindre à l’abrogation de la décision privative de liberté s’il n’existe pas d’autre moyen effectif de protection. C’est au juge que le Conseil constitutionnel confie cette mission qui relève de la garantie des droits et du droit au recours effectif issus de l’article 16 de la DDHC. Sans qu’il soit besoin de créer une voie de recours spécifique, il l’insère dans l’office du magistrat[71] et/ou des autorités judiciaires[72] chargés de contrôler la régularité de la privation de liberté. Il en transforme par là même la fonction en complétant les exigences de la liberté individuelle et de la sûreté par les impératifs de la dignité[73].
Au-delà, le Conseil constitutionnel pose les socles d’un droit constitutionnel de l’enfermement qui invite à (re)penser la privation de liberté au regard de ses modalités d’exécution. Alors qu’une bonne part des enfermements, dont ceux touchant spécifiquement les étrangers, se déroulent actuellement dans des conditions dont on connaît le caractère inhumain et dégradant, c’est bien à une étape majeure de la « consolidation du droit »[74] que procède la décision de 2023.
[1] Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, Association des avocats pénalistes [Conditions d’exécution des mesures de garde à vue].
[2] L. Fabius, Conférence devant l’Académie des sciences morales et politiques, 2 déc. 2024, §2.1 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/conference-du-president-laurent-fabius-devant-l-academie-des-sciences-morales-et-politiques
[3] A. Botton, « Dégradé(s) de droit à un recours juridictionnel effectif », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2023, n° 4, p. 839.
[4] A. Mestre, « Le gardé à vue dans des « conditions indignes » peut être remis en liberté, estime le Conseil constitutionnel », Le Monde du 6 oct. 2023 : https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/06/le-garde-a-vue-dans-des-conditions-indignes-peut-etre-remis-en-liberte-estime-le-conseil-constitutionnel_6192777_3224.html
[5] A. Ponseille, « L’indignité des conditions matérielles de garde à vue saisie par le Conseil constitutionnel : à propos de la décision n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023 », Questions constitutionnelles, 9 nov. 2023 : https://questions-constitutionnelles.fr/lindignite-des-conditions-materielles-de-garde-a-vue-saisie-par-le-conseil-constitutionnel-a-propos-de-la-decision-n-2023-1064-qpc-du-6-octobre-2023/
[6] Commentaire de la décision n° 2023-1064 QPC, p. 20 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/20231064qpc/20231064qpc_ccc.pdf
[7] Cons. const., n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, Loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027
[8] Dans ce sens, v. A. Ponseille, op. cit. Au-delà de la décision privative de liberté, l’enfermement désigne également un état : celui de la personne recluse. Sur ce point, v. S. Renard, « Penser le droit de l’enfermement », (à paraître) Rev. des droits de l’homme 2025, n° 27. C’est à cette acception se rapportant à la situation d’enfermement, soit aux conditions dans lesquelles il se déroule, que renvoie le Conseil constitutionnel lorsqu’il évoque la « mise en œuvre » des mesures privatives de liberté. V. not. le commentaire de la décision n° 2023-1064 QPC, op. cit.
[9] Cons. const., n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, cons. 2.
[10] Cons. const., n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, Loi pénitentiaire, cons. 3.
[11] Cons. const., n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres [Garde à vue].
[12] Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, Association des avocats pénalistes [Conditions d’exécution des mesures de garde à vue] ; Cons. const., n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, Loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027.
[13] Cons. const., n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F. [Mise à disposition de la justice].
[14] Cons. const. n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020 M. Geoffrey F. et autre [Conditions d’incarcération des détenus].
[15] Cons. const., n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014, M. Angelo R. [Organisation et régime intérieur des établissements pénitentiaires] ; Cons. const., n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; Cons. const., n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021, Section française de l’observatoire international des prisons [Conditions d’incarcération des détenus II].
[16] Cons. const., n° 2010-71 QPC, 26 novembre 2010, Danièle S. [Hospitalisation sans consentement].
[17] Cons. const., n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, M. Mohamed K. [Effectivité du droit de s’alimenter d’un étranger retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour].
[18] CEDH 30 janv. 2020, J.M.B. c/ France, n° 9671/15 : D. actu. 6 févr. 2020, obs. Senna ; AJDA 2020. 1064, note Avvenire ; D. 2020. 753, note Renucci ; ibid. 1195, obs. Céré, Falxa et Herzog-Evans ; ibid. 1643, obs. Pradel ; ibid. 2021. 432, chron. Afroukh et Marguénaud; RFDA 2020. 496, note Portier ; JA 2020, n° 614, p. 11, obs. Giraud ; AJ pénal 2020. 122, étude Céré ; RDLF 2020, chron. 46, comm. Schmitz ; GADS, 3e éd., Dalloz, 2021, n° 108.
[19] V. M. Afroukh et J.-P. Marguénaud, « Le redéploiement de la dignité », RDLF 2021, chron. n° 19.
[20] Cass. crim. 8 juill. 2020, n° 20-81.739 : AJDA 2020. 1383; D. 2020. 1774, note Falxa ; ibid. 1643, obs. Pradel; ibid. 2021. 1564, obs. Perrier ; AJ fam. 2020. 498, obs. Mary ; AJ pénal 2020. 404, note Frinchaboy ; RFDA 2021. 87, note Perrier; RSC 2021. 517, obs. Zerouki-Cottin ; RTD civ. 2021. 83, obs. Deumier.
[21] Cons. const. n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020, M. Geoffrey F. et autre [Conditions d’incarcération des détenus].
[22] Cons. const., déc. n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021, Section française de l’observatoire international des prisons [Conditions d’incarcération des détenus II] qui, par des motifs similaires, déclare les dispositions de l’article 707 du code de procédure pénale contraires à la Constitution.
[23] Loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, JO du 9 avril, texte n° 3 qui insère l’article 803-8 du code de procédure pénale dont les dispositions sont notamment reprises par l’article L. 315-9 du code pénitentiaire.
[24] Le Conseil d’État s’était d’ailleurs explicitement fondé sur les décisions n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020 et n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021 pour renvoyer la question au Conseil constitutionnel, y voyant un changement de circonstances permettant de surmonter le brevet de constitutionnalité des dispositions du code de procédure pénale concernées : CE, 13 juill. 2023, Assoc. des avocats pénalistes, n° 461605.
[25] Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, cons. 22
[26] Ibid., cons. 12.
[27] Cons. const., n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023 préc.
[28] Cons. const., n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024 préc.
[29] Les commentaires de ces décisions le confirment en reprenant l’ensemble de « la jurisprudence sur le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine dans le cadre de mesures privatives de liberté »
[30] La sûreté renvoyant davantage à la mesure privative de liberté qu’à la situation d’enfermement, il n’en sera pas fait état dans ces lignes.
[31] V. S. Renard, « Penser le droit de l’enfermement », op. cit.
[32] Sur ce point, v. ég. S. Renard et E. Péchillon, « La contribution des bâtonniers à la construction du droit de l’enfermement. Retour sur l’article 719 du CPP », Lexbase avocats, janv. 2025.
[33] V. S. Renard, op. cit.
[34] Ibid.
[35] V. not. CEDH, 27 août 1992, Tomasi c/ France, n° 12850/87 ou CEDH 26 oct. 2000, Kudla c/ Pologne, n° 30210/96 : RFDA 2001. 1250, chron. Labayle et Sudre ; ibid. 2003. 85, étude Andriantsimbazovina ; RSC 2001. 881, obs. Tulkens ; RTD civ. 2001. 442, obs. Marguénaud ; JCP 2001. I. 291, obs. Sudre ; RTDH 2002. 169, obs. Flauss.
[36] V. not. CEDH 14 nov. 2002, Mouisel c/ France, n° 67263/01 : JCP 2003. I. 109, n° 2, obs. Sudre ; D. 2003. Somm. 524, obs. Renucci ; ibid. 303, note Moutouh ; RSC 2003. 144, note Massias ; Dr. pénal 2003, no 52, obs. Maron et Haas ; RTDH 2003. 999, note Céré ou CEDH, 12 juillet 2016, R.M. et a. c. France, n° 33201/11 ; A.B. et a. c. France, n° 11593/12 ; A.M. et a. c. France, n° 24587/12 ; R.K. c. France, n° 68264/14 ; R.C. et V.C. c. France, n° 76491/14 (5 arrêts).
[37] V. not. CEDH 24 oct. 2006, Vincent c/ France, n° 6253/03 : AJ pénal 2006. 500, note Céré ; D. 2007. 1229, obs. Céré, Herzog-Evans et Péchillon ; RDSS 2007. 351, obs. Boujeka ; RSC 2007. 350, chron. Poncela; JCP 2007. II. 10007, note Thierry ou CEDH 25 avr. 2013, Canali c/ France, n° 40119/09 : D. 2013. 1138, obs. Léna ; AJ pénal 2013. 403, obs. Céré.
[38] CEDH, 20 octobre 2000, Kudla c/ Pologne, préc.
[39] Cons. const., n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, préc., cons. 3.
[40] Cons. const., n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014, préc., cons. 7 et 8.
[41] Cons. const., n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, préc.
[42] Cons. const., n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, préc.
[43] Cons. const., n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, préc.
[44] Cons. const., n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020, préc.
[45] Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, JO du 31 oct., texte n° 1. Approche que le législateur de 2021 a curieusement abandonné lors de la création du droit des bâtonniers de visiter des lieux privatifs de liberté (art. 719 du CPP modifié par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, JO du 23 déc., texte n° 2), ce qui a justifié la transmission récente d’une QPC au Conseil d’État par le tribunal administratif de Rennes (TA Rennes, 7 nov. 2024, n° 2403202).
[46] Depuis CE, ord., 11 juill. 2007, n° 305595 : D. 2008. 1015, obs. Céré, Herzog-Evans et Péchillon et CE, 17 déc. 2008, n° 305594 : AJDA 2008. 2364, obs. de Montecler ; AJ pénal 2009. 86, obs. Péchillon.
[47] V. CE, ord., 21 oct. 2021, n° 457179 ; CE, ord., 24 août 2023, n° 482424 et n° 482421. V. ég. TA Marseille, 28 juillet 2023, n° 2306814 ou TA Lyon, 23 oct. 2024, n° 2410230.
[48] CAA Marseille, 21 mai 2015, n° 13MA03115 et CAA Nantes, 16 déc. 2022, n° 19NT04325.
[49] CE, ord., 22 nov. 2021, n° 456924. V. ég. TA Montreuil, 12 déc. 2023, Ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis, n° 2313300, AJ Pén. 2024. 105, note Renard et Péchillon.
[50] V. le communiqué du CGLPL : https://www.cglpl.fr/2020/recommandations-minimales-pour-le-respect-de-la-dignite-et-des-droits-fondamentaux-des-personnes-privees-de-liberte/
[51] V. not. CGLPL, « Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté », JO du 4 juin 2020.
[52] C’est ce qu’il ressort de la décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, préc., cons. 29 : « Considérant qu’il appartient aux professionnels de santé ainsi qu’aux autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l’accomplissement de leurs missions et dans l’exercice de leurs compétences respectives, à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances ».
[53] V. Cons. const., n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, préc. ; Cons. const., déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, préc. ; Cons. const., n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014, préc. ou Cons. const., n° 2015-485 QPC du 25 sept. 2015, M. Johny M. [Acte d’engagement des personnes détenues participant aux activités professionnelles dans les établissements pénitentiaires].
[54] Imprécision qui vaut autant pour le contrôle des dispositions législatives régissant des privations de liberté non judiciaires (v. Cons. const., n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, préc.), qu’en matière pénale ou de procédure pénale (v. Cons. const. n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020, préc.).
[55] Cons. const., n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014, préc. Cela pose notamment la question de la conformité à la Constitution des dispositions régissant les zones d’attente et les locaux et centres de rétention administrative qui laissent au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les règles de fonctionnement interne, sur la base d’un règlement intérieur type.
[56] Ainsi, a-t-il été jugé que les dispositions de l’article L. 813-13 du CESEDA méconnaissent le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine en ce qu’elles ne prévoient pas l’indication des conditions d’alimentation de l’étranger retenu pour vérification du titre de séjour dans le procès-verbal transmis au procureur de la République, l’omission privant ce dernier de la possibilité de vérifier que la privation de liberté s’est bien déroulée dans le respect de la dignité humaine : Cons. const., n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, préc.
[57] Cons. const., n° 2010-14/22 QPC, préc. ; Cons. const., n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, préc. ; Cons. const., n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, préc.
[58] Notamment les juridictions administratives puisque la question touche à l’organisation du service public (TC, 22 févr. 1960, Dame veuve Fargeaud d’Epied, n° 01647).
[59] V. Cons. const., n° 2010-14/22 QPC, préc. ; Cons. const., n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, préc. ; Cons. const. n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020, préc. ; Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023 ; Cons. const., n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024.
[60] Cons. const., n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, not. reprise par la décision n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, préc., cons. 13.
[61] V. Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, préc. et Cons. const., n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, préc.
[62] Cons. const., n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020, préc. ; Cons. const., déc. n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021, préc. ; Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, préc.
[63] Cass. crim. 8 juill. 2020, n° 20-81.739, préc.
[64] CEDH 30 janv. 2020, J.M.B. c/ France, n° 9671/15, préc.
[65] Cons. const., n° 2020-858/859 QPC du 2 oct. 2020, préc., cons. 14.
[66] V. supra.
[67] CEDH 22 oct. 2009, Norbert Sikorski c/ Pologne, no 175599/05.
[68] CEDH 10 janv. 2012, Ananyev et a. c/ Russie, nos 42525/07 et 60800/08. V. ég. CEDH, 18 avr. 2024, Leroy et a. c/ France, n° 32439/19, § 56-57.
[69] Quelques commentateurs se sont interrogés sur l’effectivité d’un tel recours, estimant qu’il ne pouvait qu’être fondé sur l’article L. 141-1 du COJ dans la mesure où le préjudice allégué résulte du fonctionnement défectueux du service de la justice (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, n° 04-17.884). Cette interprétation peut être discutée, le Conseil constitutionnel ne faisant pas valoir l’éventuelle carence fautive du magistrat mais bien le droit à réparation de la personne victime de conditions de détention indigne. À moins d’un bouleversement profond de la matière, il n’y a pas lieu de considérer qu’une telle action serait soumise à des conditions radicalement différentes de celles qui existent déjà : touchant à l’organisation du service public, elle relève de la compétence du juge administratif (v. not. CE, ord., 11 juill. 2007, préc. ; CE, ord., 22 nov. 2021, préc. ou CE, 13 juill. 2023, n° 461605) et repose sur un double mécanisme présomptif qui concerne d’une part le préjudice moral causé par des conditions de détention indignes (CE 5 juin 2015, n° 370896 ; CE, sect., 3 déc. 2018, n° 412010) et d’autre part la preuve des conditions de détention qui incombe à l’administration dès lors que le demandeur en fait une description suffisamment crédible (CE 21 mars 2022, n° 443986 : RDLF 2022, chron. 24, comm. Jennequin.
[70] En ce sens, v. not. Cass. crim., 18 mai 2004, n° 03-84.174 et Cass. crim., 22 juin 2010, n° 09-86.658 : « Une éventuelle violation des dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article préliminaire du code de procédure pénale, si elle est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer une cause de nullité de procédure ». V. ég. Cass. crim. 29 févr. 2012, n° 11-88-441 : D. actu, 17 mars 2012, obs. Léna ; AJ pénal 2012. 471, note Senna ; RSC 2012. 879, obs. Salvat (une éventuelle atteinte à la dignité résultant des conditions de détention peut engager la responsabilité de la puissance publique mais pas constituer un obstacle au placement ou au maintien en détention ; ce n’est qu’en cas de danger pour la santé physique ou mentale qu’une mise en liberté peut être ordonnée), confirmé par Cass. crim. 18 sept. 2019, n° 19-83.950.
[71] Cons. const., n° 2023-1064 QPC du 6 octobre 2023, préc.
[72] Cons. const., n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, préc.
[73] Ce qui ressort déjà de l’arrêt préc. du 8 juill. 2020 de la Cour de cassation estimant qu’il incombe au juge judiciaire, « en tant que gardien de la liberté individuelle, […] de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant » (att. 22).
[74] L. Fabius, op. cit.