Les Droits de l’homme sont-ils vraiment du droit ?
L’Essence des droits de l’homme : rêve de droit ou réalité ? Du thomisme de Michel Villey au positivisme de H.L.A. Hart
Par François Viangalli
Les droits de l’homme sont-ils vraiment du droit ? Voilà une question qui irrite merveilleusement certains spécialistes de la CEDH, mais qui n’en reste pas moins la question philosophique par excellence de la modernité politique. Michel Villey y répond par la négative. Les droits de l’homme sont pour lui la perversion d’une pensée juridique moderne qui a rompu les ponts avec ses racines romaines. Ils sont un instrument barbare – au sens étymologique du mot – et n’apportent que davantage de confusion à la déliquescence de la tradition juridique antique. A l’opposé, la philosophie de H.L.A. Hart invite à conclure, en partant du concept de droit qu’elle énonce, que les droits de l’homme modernes sont bien, pour une partie d’entre eux au moins, des concepts authentiquement juridiques. C’est à une confrontation de ces deux philosophies si différentes, l’une thomiste, l’autre positiviste, que le présent article invite à procéder, avant de proposer un possible dépassement de celle-ci sur cette question particulière. Questionner la nature réelle des droits de l’homme revient en définitive à s’interroger sur la fonction que leur assigne la société moderne, pour mieux comprendre celle-ci à rebours des stéréotypes qui l’entourent : Audiatur et altera pars…
Bien que l’époque contemporaine fasse grand cas des « droits de l’homme », la nature réelle de ces derniers fait assez peu l’objet de tentatives d’élucidation. Si les droits de l’homme, et avec eux leur plus récent avatar, les « droits fondamentaux », sont autant invoqués en justice ou en diplomatie, il est étonnant qu’on se soit à ce point si peu demandé ce qu’ils sont exactement. Plus leur représentation et leur rôle s’accroîssent, moins l’interrogation se fait jour autour de leur essence. Se pourrait-il que ce qui occupe le devant de la scène n’intéresse pas ou peu, et que les « coulisses » des droits de l’homme ne soient jamais visitées ? N’y-a-t-il pas là une sorte de paradoxe du Magicien d’Oz, l’un des acteurs centraux de la pièce restant ainsi connu de l’extérieur, sans que jamais ne soit regardé derrière le masque ?
L’objet de la présente chronique est précisément d’offrir une définition des droits de l’homme – et avec eux, des droits fondamentaux, que nous tiendrons ici pour synonymes – à travers l’exposé et le dépassement de deux conceptions radicalement opposées et tirées de la littérature philosophique du XXème siècle : celle de Michel Villey, d’un côté, et celle de Herbert Hart de l’autre.
La conception que retient Michel Villey des droits de l’homme est exposée dans un ouvrage polémique qui, à l’époque, avait le don d’agacer sérieusement ses contemporains : Le Droit et les droits de l’homme (PUF, 1983). Dans cet opuscule, Michel Villey confronte avec génie la philosophie d’inspiration médiévale qui est la sienne avec la conception moderne du droit et des droits de l’homme. Le résultat est grinçant. Pour lui, les droits de l’homme ne sont pas du droit, mais seulement un rêve que la folie des hommes a confondu avec l’art juridique authentique. Les droits de l’homme ne sont qu’un idéal, ils sont irréels, quand ils ne sont pas même indécents. Leur inefficacité est patente, à l’échelle de l’Histoire, puisqu’ils n’ont empêché ni l’Affaire Dreyfus, ni la Grande Guerre, ni la Shoah, ni les guerres coloniales et leurs nombreuses répliques – les « évènements » survenant en territoire périphérique – et leur effet pervers est d’ouvrir la voie à des revendications individuelles permanentes et constamment surenchéries qui atomisent la société politique et rongent par sissiparité le lien naturel unissant les membres d’une collectivité.
Pour parvenir à ce constat, Villey part de la conception romaine du droit. A sa source, se trouve la philosophie politique d’Aristote. Ce dernier distingue dans l’Ethique à Nicomaque la justice dite générale (η δικαιοσυνη) et la justice dite particulière (το δικαιον). La première est un idéal vers lequel les hommes doivent tendre, dont le contenu procède de l’accomplissement parfait de la morale. La seconde a en revanche un sens beaucoup plus précis. Elle procède quant à elle de la répartition des tâches et des charges matérielles à chacun, en fonction de la place qui est la sienne (op. cit. p. 42). Elle n’a pas pour objet de parfaire l’homme pour le rendre juste, mais seulement de remettre à chacun son dû (suum cuique tribuere), et d’évaluer les relations entre les personnes, pour peu qu’elles portent sur des biens matériels. Son objet réside alors dans la répartition des choses (distributiones) et leur circulation de personne à personne (commutationes). De là la définition romaine du droit – la seule valable – en tant qu’art de rendre à chacun son dû (ars suum cuique tribuere) de façon bonne et équitable (ars boni et aequi). Or il découle de tout ceci que l’objet même du droit réside dans la relations entre les sujets, et non dans les prérogatives unilatérales de l’un d’entre eux. De ce point de vue, l’unilatéralisme des droits de l’homme les situe clairement à l’extérieur du droit, dans le domaine de l’idéal, pas dans celui de la question de droit in casu. Prenons une image très simple pour éclairer le lecteur. Imaginons une réception pour fêter un anniversaire par exemple. Les convives sont arrivés, l’hôte est présent, et l’heure est venue de découper le gâteau. Le partage de celui-ci en autant de parts égales – ou inégales, s’il y a des resquilleurs et pas de résistance – est une question qui s’apparente à l’art juridique. La seule différence réside ici dans le fait que la réponse au problème sera apportée en dehors du tribunal, en l’occurrence dans un cercle amical. Mais dans son principe même, la tâche du répartiteur est celle d’un juge. Ce dernier va se demander s’il y a assez de gâteau pour tout le monde, et le cas échéant partager équitablement celui-ci. Si la gâteau est trop petit, il devra décider soit de la partager au profit de certains convives privilégiés, soit de retirer celui-ci. Point de droit de l’homme ici. A l’inverse, si l’on proclame haut et fort que tout individu a droit à une part de gâteau en général, sans se poser la question contingente de savoir s’il en existe un, et s’il est le cas échéant suffisamment grand, alors le raisonnement répartiteur proprement romain bascule vers la pensée moderne des droits de l’homme : un droit est proclamé a priori, une prérogative est reconnue, une aspiration est créée, sans que pour autant une réalité matérielle et un complexe de relations intersubjectives ne permettent de réaliser concrètement cette proclamation par déduction de la situation de fait préexistante. Il n’est plus question de répartition entre personnes, mais de revendication sur la réalité à partir d’un idéal abstrait préexistant (« Il doit y avoir du gâteau pour tout le monde »). Dès lors, reconnaître des droits de l’homme en tant qu’authentiques droits subjectifs, c’est confondre le rêve et la réalité, la morale subjective et le droit. Pour Michel Villey, les droits de l’homme sont un concept moral, qu’une évolution erratique de la philosophie politique a fini, au long des siècles, à faire passer pour du droit (op. cit., p. 121 &149).
La philosophie de H.L.A. Hart se situe sur ce point aux antipodes. La définition du droit qu’il énonce dans The Concept of Law (Oxford University Press, 1961, rééd. 1997) – probablement avec la Theory of Justice de John Rawls, l’un si ce n’est le plus important ouvrage de philosophie du droit de tout le XXème siècle – est en effet radicalement différente. Or de la définition que le philosophe d’Oxford énonce, d’importantes déductions peuvent être tirées quant à la notion même de droit de l’homme.
Pour percer à jour l’essence même du droit, Hart constate in limine la grande confusion qui règne autour de cette question. Il remarque ainsi que les philosophes et les juristes sont sur ce point dans la position de celui qui exerce un métier, sans être pour autant capable de définir l’objet de celui-ci. Ils sont tels un dresseur d’éléphant qui s’exclamerait à ce sujet : « I can recognize an elephant when I see one, but I can’t define it ». L’origine de cette ignorance réside selon lui dans deux confusions communément entretenues. La première consiste à confondre la morale et le droit. La première comprend des idéaux (moral ideals), ainsi que des règles réalisables dans la vie quotidienne (habit of obedience) et qui ne constituent pas pour autant du droit, faute pour elles d’être centralisées auprès d’une autorité officielle. Tel est le cas, par exemple, du devoir de se découvrir lorsque je rentre dans une Église, ou inversement de celui de me couvrir la tête lorsque je pénètre dans une synagogue. La seconde erreur, particulièrement répandue consiste à penser, à l’instar de Kelsen, qu’il n’y a de droit qu’en présence d’une norme assortie d’une sanction. Pour Hart, il s’agit là d’une simplification grossière. Comme il l’explique, lorsque je suis requis par un agresseur posant un pistolet sur ma tempe de faire quelque chose de bien précis, il y bien là injonction de faire et sanction potentielle. Pour autant, cette Gunman Threat n’est pas à proprement parler du droit (op. cit.p.6). Lorsque l’agresseur est parti, l’injonction disparaît en effet avec lui.
C’est en dissipant cette confusion entre le droit, la morale et la sanction, que Hart parvient à élaborer son fameux Concept of Law. Pour lui, le droit résulte de la réunion d’une injonction de faire, dite règle primaire, et d’une certification de celle-ci par un processus autonome, dite règle secondaire. La règle secondaire est celle qui confère à la règle primaire son officialité en l’extrayant de la morale, de la pression factuelle ou de l’habitude acquise, pour lui conférer les trois propriétés essentielles de la règle authentiquement juridique : la continuité, l’intériorité et la persistance (op. cit. p. 79). La continuité est la propriété qu’a la règle juridique de ne pas s’éteindre lorsque son auteur décède ou quitte sa fonction à l’inverse de la menace ou de l’ordre factuel. Pour le dire en un mot : si le Roi meurt, ses ordres demeurent. L’intériorité réside quant à elle dans une dimension psychologique singulière de la norme juridique. A la différence du sujet contraint, le sujet de droit sait intérieurement qu’il doit se conformer à la règle ; et ce, non pas pour éviter la sanction, mais bien parce que la règle est partagée de tous est qu’elle est à la fois nécessaire et légitime. Enfin, la persistance est l’étrange propriété qu’a la seule norme juridique de pouvoir être appliquée à une situation très éloignée dans le temps, l’espace ou les circonstances, de son édiction originelle, ainsi qu’il advient lorsqu’un cas présent est résolu par application d’une règle en sommeil dans l’ordre juridique mais jamais abrogée, et qui se révèle par coïncidence adaptée au règlement d’un cas contemporain.
Si l’on emprunte la définition de Hart pour soumettre à un « test de juridicité » les droits de l’homme contemporains – ce que, précisons-le, Hart lui-même n’a jamais fait – alors le résultat est exactement l’inverse de celui auquel parvient par ses propres voies Michel Villey. Cette fois, les droits de l’homme contemporains – et avec eux les droits fondamentaux, objet de la présente revue – sont effectivement du droit. En effet, si les droits de l’homme de 1789 étaient largement chargés d’une connotation morale qui véhicule davantage un idéal qu’une réalité tangible, les droits de l’homme reconnus par la CEDH sont quant à eux tout à fait opérants au sein de l’ordre juridique. Une Cour est instituée pour garantir leur respect, et ils constituent au-delà l’outil de décisions de certains litiges particuliers. Avec la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la constitutionnalisation de la Déclaration des droits de 1789, certains droits de l’homme sont sortis de l’idéal pour se muer en instrument positif. Que leur structure unilatéraliste leur interdise de constituer à eux seuls l’art juridique, soit. Mais ils n’en restent pas moins des normes officielles et invocables ès qualités en Cour. La philosophie de Hart, appliquée de la sorte à la question qui nous occupe, a le mérite de distinguer le caractère juridique des droits fondamentaux reconnus par des instruments contraignants, et par là la novation du concept même de droit de l’homme.
Présentées de la sorte, les conceptions de Michel Villey et de Herbert Hart sont bel et bien contradictoires. Pour l’un, les droits de l’homme ne sont qu’une forme de morale, pour l’autre, ils sont au contraire du droit dès l’instant qu’un instrument contraignant officiel les fait respecter. Leur conciliation est impossible.
Pourtant, leur contradiction peut-être dépassée pour peu que l’on situe la réflexion dans une perspective à la fois nouvelle et plus large. Le propre de la philosophie de Michel Villey est en effet de qualifier les droits de l’homme d’avatar moral, tandis qu’une appréhension hartienne de ceux-ci amène à les considérer comme instrument politique, officiel et positif. Or ni Villey ni Hart ne se sont en vérité posé la question de savoir si un concept en général ne pourrait pas être à la fois moral et juridique, de sorte que l’origine morale des droits de l’homme en particulier n’exclurait pas leur positivité et par là leur caractère authentiquement juridique. Que leur méthode soit incomplète n’y changerait pas davantage que le fait que la notion de « bonne mœurs » ne soit pas elle-même définie précisément, et qu’elle ne constitue qu’un paramètre parmi d’autres au sein d’un raisonnement proprement juridique plus général.
Il nous semble approprié, quant à nous, de considérer que la morale puise sa source dans l’instinct naturel et dans les rituels sociaux que l’espèce humaine a développés au cours de l’évolution, depuis son apparition sur la Terre il y a moins de 10 millions d’années. L’objet de la morale est de contrôler l’agressivité tout à fait singulière de l’Homo Sapiens, qu’à ce titre on a pu rebaptiser Homo Pugnax (S.A. Barnet, Biology and Freedom, Essay on the Implications of Human Ethology, Cambridge University Press, 1989, p. 29 et svts) ; et ce, pour éviter qu’elle ne se retourne contre lui-même, c’est-à-dire que l’espèce humaine s’entretue. L’évidence naturaliste est là pour le prouver : les espèces dont les sujets s’entretuent ont toutes disparu… (K. Lorenz, L’Agression, une histoire naturelle du mal, trad. V. Fritsch, éd. Flammarion, 2010). L’objet de la morale est donc d’exercer sur l’individu qui la ressent instinctivement, ou la reçoit par éducation ou expérience, un contrôle unilatéral de la violence. Ainsi entendue, la morale est chronologiquement antérieure à toute autre forme de contrôle du comportement. Comme l’écrit Desmond Morris (The Human Zoo, 1969, rééd. Vintage, 1994), à l’aube de l’humanité, c’est-à-dire à l’ère tribale, la violence était contrôlée efficacement, bien avant l’apparition du droit au sens où nous l’entendons aujourd’hui.
Malheureusement, ou heureusement, nul ne sait, l’invention des premières armes puis leur perfectionnement continu – du morceau de silex jusqu’à la fusée spatiale, pour reprendre l’image célèbre de Stanley Kubrick – ont rendu nécessaire l’institution d’un contrôle extérieur et centralisé. La morale n’étant plus suffisante à contrôler la violence de l’Homo Pugnax équipé de ses armes nouvelles, l’institution politique s’est fait jour. Avec elle, l’activité humaine n’est plus contrôlée individuellement et concrètement par chaque sujet, mais collectivement et au nom des principes abstraits qui gouvernent la société politique, au sein de laquelle l’homme primitif est devenu le ζωον πολιτικον d’Aristote.
Le sujet humain est de la sorte gouverné par deux forces contraires. La première, concrète, rapide et intérieure, lui fait discerner plus ou moins instinctivement le bien du mal. C’est ce que l’on peut appeler l’impératif moral. La seconde, abstraite, extérieure et lente, lui fait discerner ce qui politiquement doit ou ne doit pas être fait. C’est ce que l’on peut appeler l’impératif politique. L’impératif moral tend, de par son insuffisance relative, à générer le chaos dans la société humaine, faute de coordination générale. A l’inverse, l’impératif politique, qui confisque tout et organise sur le mode abstrait, tend à l’inverse à générer la dictature. Là où tout est confisqué, jugulé et soumis à des principes abstraits rompant les liens avec la réalité concrète, ce contrôle engendre le totalitarisme. Comme l’énonçait déjà Cicéron au premier siècle avant notre ère : Summum jus summa injuria.
L’opposition de ces deux modes de contrôle du comportement subjectif peut se solder par différentes configurations. L’impératif moral peut être largement supérieur à l’impératif politique, et c’est alors l’anarchie. Il peut être fort, sans excès néanmoins, et l’on a alors affaire à une société libérale. L’impératif politique peut lui aussi être largement dominant, et la société politique qu’il amène sera alors, selon les degrés envisageables, stricte, autoritaire ou tyrannique. La conséquence qui s’infère de ceci est simple : la société idéale procède d’un équilibre de l’impératif moral et de l’impératif politique. Elle suppose autant de liberté éthologique, c’est-à-dire de contrôle du comportement par la seule conscience morale des sujets – que de centralisation et de coordination abstraite de l’activité humaine collective.
En vérité, la règle de droit surgit précisément au point d’achoppement des deux impératifs opposés, lesquels, tels deux démiurges en conflit, l’engendrent malgré eux. De ce point de vue, la norme juridique comprend toujours un paramètre moral et un paramètre politique. Le rapport entre l’une et l’autre composantes – dans son « génotype » pourrait-on dire – peut varier, mais jamais au point d’effacer cette structure duale profonde. Certaines règles sont ainsi très chargées de morale, comme par exemple l’interdiction de tuer. Point n’est besoin de connaître la lettre de l’article 221-1 du Code pénal français pour savoir que, en France aujourd’hui, il est répréhensible d’assassiner autrui… A l’inverse, d’autres règles sont bien davantage politiques que morales. Ainsi, lorsque l’administration fiscale m’enjoint de m’acquitter cette année encore de ma redevance télévision, motif pris de ce que j’aurais omis d’expédier à temps par LRAR la déclaration ad hoc pour certifier que je me suis débarrassé, de guerre lasse, de mon poste de télévision, l’ordre qu’elle m’adresse est essentiellement politique. La morale y est toujours présente – la redevance est la contrepartie d’un service objectivement rendu, quoique sa qualité mériterait quelques développements si la présente revue s’y prêtait…- mais elle n’est pas en l’occurrence l’élément majeur. Il s’agit avant tout d’une règle stricte, formaliste et de principe.
Considérés de la sorte, les droits de l’homme et leur avatar contemporain, les droits fondamentaux, sont eux aussi un alliage de morale et de politique. Leur origine morale est prépondérante puisque, comme chacun sait, ils furent forgés initialement pour alimenter la lutte contre l’absolutisme de la monarchie française, et novés en instrument contraignant au lendemain de la seconde guerre mondiale pour servir de rempart contre le fascisme et les crimes de masse que les États européens ont commis au nom de principes abstraits délirants. Toutefois, leur centralisation contemporaine auprès de juridictions comme la CEDH témoigne de leur récupération par une institution politique. Leur unilatéralisme intrinsèque les fait flous et pertubateurs, à l’instar de ce que constate Michel Villey, mais ils sont bel et bien juridiques, comme la théorie hartienne tend à le démontrer, du fait de cette novation en outil contraignant. Que la pensée juridique historique en soit sérieusement altérée, voilà qui est probablement exact ; et la philosophie de Villey n’a pas son pareil pour le démontrer. Mais ils ne sont plus pour autant une simple propagande morale à l’assaut des abus du pouvoir, car ils ont pénétré celui-ci et en font désormais partie intégrante. A ce titre, du reste, il ne serait pas inintéressant d’envisager le possible détournement de leur logique par un pouvoir qui planifierait leur service à contre-emploi. Mais c’est là une autre question qui mérite un tout autre examen.
Le lecteur désireux d’aborder la question de façon plus approfondie peut se reporter à notre communication Sens et fonction des droits de l’homme dans la démocratie moderne : de Michel Villey à H.L.A. Hart, Congrès de Strasbourg de l’Association française de science politique (2011), Section thématique n° 47, Droits de l’homme et démocratie.
Pour citer cet article : François Viangalli, « L’Essence des droits de l’homme : rêve de droit ou réalité ? Du thomisme de Michel Villey au positivisme de H.L.A. Hart », RDLF 2011, chron. n°18 (www.revuedlf.com)