Faut-il prendre les Comités conventionnels au sérieux ?
Le développement des compétences des comités conventionnels des Nations Unies et l’accroissement considérable de leur activité et de leur visibilité au cours des dernières années invitent à reconsidérer le défaut d’autorité traditionnellement reconnue à ces organes, notamment par les juridictions françaises. S’ils n’ont pas été formellement conçus comme des juridictions, l’évolution de leurs pratiques et l’importance de leur mission conduit à constater la nécessité de reconnaître l’autorité de leurs décisions sur leurs destinataires et à en proposer des fondements alternatifs.
Par Julie Ferrero, Professeure à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Le rappel à l’ordre de la France par le Comité des droits de personnes handicapées en octobre dernier[1] ravive, entre autres, le souvenir des affaires Lambert ou BabyLoup. Dans chacune d’elles certains des comités conventionnels des Nations Unies avaient critiqué plus ou moins fermement la pratique ou la législation françaises et suscité chez une partie des observateurs une levée de bouclier au nom de l’absence de valeur obligatoire de leurs décisions. Les controverses que déclenchent leurs interventions vis-à-vis de la France invitent à revenir sur la question de l’autorité de ces organes institués par les Nations Unies. Si cette question ne suscite plus de grande émotion chez les internationalistes, qui se questionneront éventuellement sur le fondement de cette autorité, elle est loin de faire l’unanimité chez les internistes comme le montre le champ lexical employé par la doctrine pour se référer à ces entités et leurs activités qu’elle qualifie de « comité d’experts en mal de reconnaissance »[2] et qui « suscite un mélange de méfiance et d’indifférence »[3].
Avant d’espérer creuser davantage leur statut et les pouvoirs des comités pour en tirer des conclusions quant à leur autorité, il est nécessaire de définir d’abord ce que sont ces organes conventionnels et de délimiter précisément ceux dont il sera ici question. En droit international, un Comité est défini généralement comme « un organe collectif, composé soit d’États, soit de personnes désignées en considération de leurs qualités personnelles. Qu’il soit plénier ou restreint, ce peut être l’organe d’une organisation internationale ou une entité créée par des États parties à un traité »[4]. Un Comité conventionnel désigne plus particulièrement, comme son nom l’indique, un organe créé par un traité dont il a pour mission de surveiller l’application. C’est le cas par exemple du Comité européen des droits sociaux qui supervise le respect par les États de leurs engagements au titre de la Charte européenne des droits sociaux. Toutefois le modèle par excellence du Comité conventionnel, décliné ensuite sous diverses formules dans les ordres juridiques régionaux et international est celui des Nations Unies tel qu’il a été développé depuis la période de l’immédiat après Seconde Guerre mondiale. Le système universel de protection des droits de l’homme (sans même évoquer les activités des organisations de la famille des Nations Unies en la matière) prend aujourd’hui la forme d’une véritable nébuleuse enrichie et développée depuis plus de 50 ans. Il comprend, premièrement, un système non conventionnel placé sous l’égide du Conseil des droits de l’Homme et de son examen périodique universel auxquels ont été ajoutés plus récemment de nombreuses procédures spéciales tels que les rapporteurs spéciaux. Il inclut, deuxièmement, les activités dédiées aux droits de l’homme du Secrétariat général organisées sous l’autorité du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Troisièmement et surtout, il englobe un système conventionnel composé aujourd’hui de dix organes de traités chargés de la surveillance de l’application des principales conventions générales et sectorielles consacrées à la protection des droits de l’homme adoptées sous l’égide onusienne depuis les années 1960. Or, ce système des organes conventionnels a connu une forte expansion au cours des dernières décennies, due à la fois à l’augmentation des ratifications des traités concernés et à la multiplication des procédures de plaintes individuelles et, en conséquence, du volume de celles-ci et de la jurisprudence qui les accompagne[5]. Si cette croissance sans précédent ne va pas sans de nouvelles difficultés institutionnelles et pratiques, elle rend également plus visibles les problématiques liées à la réception des décisions de ces comités.
Le statut non-juridictionnel des Comité contraste en effet de manière évidente avec leur fonction de surveillance et leur mode d’action, qui leur permet d’examiner concrètement la compatibilité des droits internes des États avec leurs obligations conventionnelles. Cette nature quasi-juridictionnelle[6] renvoie donc à une réalité mixte – ou hybride – entre la juridiction et le suivi de l’exécution renforcée par la généralisation du contrôle sur plainte devant ces organes. Pour autant, du strict point de vue juridique, leurs décisions ne sont pas formellement obligatoires, ce que ne manquent pas de rappeler les juridictions françaises[7]. C’est donc ce paradoxe entre la fonction de contrôle de ces organes et leur statut « seulement » quasi-juridictionnel qui conduit à se demander s’ils peuvent ou doivent être pris au sérieux. L’interrogation imposera l’examen non seulement de la valeur juridique de leurs décisions mais aussi la détermination de leur nature et du fondement de leurs éventuels pouvoirs pour en mesurer à terme l’autorité sur les destinataires de leurs activités, c’est-à-dire les États parties aux Conventions concernées.
La réponse à ces interrogations pourrait résider dans une dé-corrélation du statut des comités conventionnels de leur autorité, qui impose d’examiner successivement ces deux fondements du pouvoir d’un organe pour espérer tirer un enseignement de leur confrontation. Ainsi, alors que le statut de ces comités conduirait à répondre par la négative à l’interrogation initiale (I), cette première intuition sera rapidement nuancée à partir de l’évaluation de leur autorité (II).
I- Le statut des Comités conventionnels
La compréhension du statut des organes conventionnels du système onusien impose de revenir d’abord en détail sur la physionomie générale du système de protection des droits de l’homme créé par les Nations Unies (A.), pour saisir ensuite les termes du débat relatif à leur dimension juridictionnelle ou non (B.).
A- La physionomie du système universel de protection des droits de l’homme des Nations Unies
La prise en charge de la question des droits de l’homme par les Nations Unies au lendemain de la seconde guerre mondiale a constitué le point de départ de la construction progressive d’un véritable édifice normatif et institutionnel de portée universelle. Le droit onusien des droits de l’homme représente à l’heure actuelle l’une des réalisations les plus remarquables de l’organisation. Plutôt que formuler de simples proclamations des droits, l’apport essentiel de ce système est d’avoir assorti les instruments conventionnels adoptés dans ce contexte de mécanismes institutionnels d’un nouveau genre (1), dotés de compétences plurielles évolutives (2).
1- Des organes de traités
Le « système des organes conventionnels des droits de l’homme » auquel fait référence de manière globale l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa Résolution 68/268[8] représente l’agrégation d’une pluralité d’éléments de différente nature. La première catégorie d’entre eux est constituée des différentes conventions relatives à la protection des droits de l’homme adoptées au sein de l’ONU depuis sa création. Deux d’entre elles sont « générales » et proposent des catalogues compréhensifs de droits, civils et politiques pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et économiques et sociaux pour le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC), adoptés en 1966. Les autres textes ont une portée personnelle ou matérielle restreinte. Il s’agit de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée en 1965, sur l’élimination de toutes les formes de discrimination envers les femmes adoptées en 1979, contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants adoptée en 1984, relative aux droits de l’enfant adoptée en 1989, sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille adoptée en 1990, relative aux droits des personnes handicapées adoptée en 2006 et de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adoptée en 2006.
Le suivi de l’application de ces neufs instruments conventionnels est confiée à dix organes conventionnels, puisque la Convention contre la torture est associée à un Comité contre la torture créé en 1987 et, depuis 2007, à un Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. Ces organes sont des comités d’experts indépendants qui possèdent une compétence reconnue dans le domaine des droits de l’homme et sont désignés et élus par les États parties. Si leur création résulte des Conventions elles-mêmes dans la plupart des cas, l’extension de leur compétence à la réception des communications individuelle dépend généralement de protocoles additionnels dont la valeur contraignante est similaire à l’égard des États qui les ont ratifiés. Le fondement de l’existence de ces entités réside donc dans l’expression formelle d’un consentement étatique par la voie conventionnelle.
La France est, sans surprise, partie à la plupart de ces instruments à l’exception de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à l’instar des autres États membres de l’Union européenne. Il n’en demeure pas moins que l’État français a accepté de se soumettre à l’intégralité de la compétence de la quasi-totalité des organes conventionnels du système des Nations Unies au fil des ans.
2- Des compétences multiples
Les compétences de ces organes sont multiples. La première leur permet d’élaborer des directives visant à guider les États dans leur application des garanties conventionnelles. Elles prennent la forme d’« Observations générales » par lesquelles les organes font connaître leur interprétation approfondie de certaines dispositions ou procédures. Elles couvrent aujourd’hui un large éventail de questions, des dispositions de fond telles que droit à la vie ou le droit à une alimentation suffisante, à des questions transversales plus larges, comme le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme ou les droits des personnes handicapées.
Si cette première compétence s’exerce dans l’abstrait et ne révèle pas de pouvoir de contrôle stricto sensu c’est en revanche le cas de la seconde, désignée comme le contrôle sur rapport et qui incarne le mandat principal de tous les comités à l’exception du Sous-Comité pour la prévention de la torture. Cette compétence leur permet d’examiner périodiquement des rapports soumis par les États parties en vertu de leurs obligations conventionnelles. Ces rapports doivent faire état des mesures adoptées pour garantir l’exercice effectif des droits contenus dans les traités dans l’ordre juridique interne. Ce mécanisme, prévu originellement par une résolution du Conseil économique et social, a été repris par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1965 puis généralisé aux autres instruments adoptés ensuite. Ces rapports sont ensuite examinés par les comités dans une démarche dialogique avec l’État partie puisqu’une délégation nationale est invitée à la session de l’organe. La procédure s’achève par la rédaction d’observations finales et de recommandations qui, loin de pouvoir sanctionner l’État, lui fournissent des directives quant aux mesures pertinentes à adopter pour se mettre en conformité avec ses obligations. C’est justement dans le cadre de l’exercice de cette compétence que le Comité contre la torture recommande à la France d’améliorer en urgence les conditions de détention notamment en réduisant de manière drastique la surpopulation carcérale[9]. C’est encore au titre de cette compétence que Comité des droits des personnes handicapées a rappelé à l’ordre l’État français en l’appelant à se conformer à ses obligations issues de la Convention et en soulevant précisément le caractère problématique de plusieurs dispositions législatives dans ses observations d’octobre 2021[10].
Enfin et surtout, c’est principalement autour de la dernière compétence que se cristallisent la plupart des tensions qui entourent le statut des Comités conventionnels. La plupart de ces organes sont en effet aujourd’hui dotés d’une compétence de contrôle sur plainte qui leur permet d’examiner des communications individuelles, émanant de particuliers, et alléguant de violations des conventions par un État ayant accepté cette compétence. Cette acceptation résulte généralement de la ratification d’un Protocole facultatif ou, plus rarement, de l’émission d’une déclaration d’acceptation à cet effet prévue par la Convention elle-même[11]. Ces procédures permettent à une personne qui s’estime victime d’une violation des droits dont elle est titulaire en application de l’un des traités onusiens de saisir l’organe chargé de son contrôle d’une plainte qui doit respecter des conditions de recevabilité tenant à l’épuisement des voies de recours internes ou aux délais à l’instar des juridictions internationales de protection des droits de l’homme. Ces allégations donneront lieu à un examen par le Comité qui se prononcera par la voie de « constatations », progressivement rebaptisées « décisions », dans lesquelles il constatera ou non la violation de la disposition conventionnelle en cause. La ressemblance, voire la gémellité, de cette procédure avec celle en vigueur devant les juridictions de protection des droits de l’homme telles que la Cour européenne, la Cour interaméricaine ou la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est ainsi saisissante. C’est à ce titre que la France a été « condamnée » dans l’affaire Babyloup[12]. Plus récemment, le Comité des droits de l’enfant a conclu à l’irrecevabilité de cinq requêtes, dont l’une était dirigée contre la France, qui entendaient faire établir la responsabilité des États concernés pour de multiples violations des droits des enfants requérants en raison de leur échec dans la prévention et l’atténuation du changement climatique. Or, même si la décision conclut à l’irrecevabilité de ces requêtes, le Comité saisit l’occasion qui lui est offerte de mettre à la charge des États l’impact négatif des émissions provenant de leurs territoires en estimant qu’ils exercent un contrôle effectif sur les activités qui en sont à l’origine et en constatant un lien de causalité suffisant avec les dommages invoqués[13]. Si ce raisonnement est limité en raison de l’obstacle procédural, il ne fait aucun doute qu’il ouvre la voie de futurs et nombreux constats de violation. Ce type de contrôle est enfin calqué sur les procédures juridictionnelles au point qu’il offre également la possibilité pour les comités d’adopter des mesures provisoires à l’instar des mesures ordonnées par le Comité des personnes handicapées dans l’affaire Lambert qui n’ont toutefois pas été mises en œuvre par la France.
B- Le débat relatif à la dimension juridictionnelle des Comités onusiens
L’accroissement progressif des compétences des comités conventionnels et leur similarité avec les procédures juridictionnelles existantes a conduit assez logiquement à questionner leur éventuelle mutation vis-à-vis de leur statut initial (1), à partir notamment de l’interprétation que le Comité des droits de l’homme, chargé de la surveillance de l’application du PIDCP, a semblé construire de sa propre compétence (2).
1- Le statut initial des comités
L’article 5(4) du Protocole facultatif se rapportant au PIDCP et qui confie au Comité des droits de l’homme la compétence de connaître des communications individuelles indique qu’à ce titre « il fait part de ses constatations à l’État partie intéressé et au particulier ». L’article 9 du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC propose une formule presque identique selon laquelle « le Comité transmet ses constatations sur la communication, accompagnées, le cas échéant, de ses recommandations aux parties intéressées ». Si ces dernières attributions semblent un peu plus denses, il n’en demeure pas moins qu’elles se distinguent a priori clairement du pouvoir des juridictions de prononcer des décisions obligatoires à l’égard des parties au différend qui leur est soumis. L’article 46 de la Convention européenne énonce par exemple clairement la force obligatoire des arrêts de la Cour en ce qu’ils sont dotés de l’autorité de la chose jugée et s’impose de ce fait aux États.
C’est cette différence essentielle qui conduit à considérer initialement que les comités conventionnels ne sont pas des juridictions internationales. Cette catégorie est classiquement entendue comme supposant la réunion de trois critères : la résolution d’un différend, en application du droit et par une décision obligatoire[14], bien que les avis divergent quant à l’importance qui doit être attachée à chacun d’entre eux et à la relation qu’ils entretiennent. Pour autant, la doctrine internationaliste décrit avec constance au cours des dernières décennies une « juridictionnalisation »[15] des procédures dans le cadre du système universel de protection des droits de l’Homme due en grande partie au développement des procédures de contrôle sur plainte. Les différents comités des Nations Unies se rapprocheraient alors aujourd’hui, d’un point de vue fonctionnel, de juridictions quoique leur nature exacte fasse encore débat[16]. Si le CDH a été établi à l’origine comme un simple mécanisme de surveillance, d’aucuns considèrent aujourd’hui, face à l’évolution de sa pratique, qu’il s’agit d’un organe quasi juridictionnel[17] voire même d’une juridiction[18], là où d’autres continuent à n’y voir qu’un organe non juridictionnel[19]. Ces oppositions se cristallisent en réalité autour de cette absence de caractère obligatoire de ses décisions qui fera l’objet de développements ultérieurs.
Les juridictions françaises ne semblent toutefois pas s’être embarrassées de ces hésitations. A leurs yeux, les comités conventionnels ne sauraient être considérés comme autre chose que des groupes d’expert et, de ce fait, la portée de leur décision ne dépasse pas le cadre interprétatif et elles n’emportent aucune conséquence dans l’ordre juridique interne. Le Conseil d’État considère par exemple que « les constatations du comité des droits de l’homme, organe non juridictionnel institué par l’article 28 du Pacte international sur les droits civils et politiques, ne revêtent pas de caractère contraignant à l’égard de l’État auquel elles sont adressées »[20]. La Cour de cassation adopte une position similaire et affirme qu’il ne peut « être retenu que les constatations du Comité constituent une décision juridictionnelle ayant valeur contraignante pour les États auxquels elles sont adressées »[21]. En conséquence, les conclusions formulées par les Comités conventionnels sont dépourvues d’effet en droit français comme achève de le démontrer l’arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2019 dans lequel elle casse l’arrêt de cour d’appel qui faisait droit à la demande de mesure provisoire formulée par le Comité des droits des personnes handicapées. Si le débat sur l’existence ou non de la voie de fait imaginée par la Cour d’appel pollue sans conteste l’appréciation de la portée des actes du Comité il n’en demeure pas moins qu’elle précise à cette occasion qu’« [e]n refusant d’ordonner le maintien des soins demandé par le comité de l’ONU, l’État n’a pas pris une décision qui dépasse manifestement les pouvoirs lui appartenant »[22].
2- L’évolution de la position du Comité des droits de l’homme
Si le statut initial des comités conventionnels des Nations Unies n’a manifestement pas été conçu comme celui d’une juridiction, la pratique de ces organes, et principalement du premier d’entre eux, le Comité des droits de l’homme, a remis en cause cette certitude originelle. L’un des premiers obstacles au caractère juridictionnel de la fonction des comités réside en effet dans la nature principalement déclaratoire de leurs constatations. Ils constatent en effet des violations des obligations conventionnelles et éventuellement l’obligation d’y mettre fin pour rétablir la conformité de la situation avec les engagements étatique mais ne peuvent de ce fait comporter aucune mesure de réparation[23]. Pourtant, à l’instar d’autres juridictions telles que la Cour européenen des droits de l’homme, initialement dépourvue de pouvoir d’injonction mais qui s’en est pourtant saisie par la voie prétorienne[24], le Comité des droits de l’homme a progressivement adopté une attitude plus prescriptive[25]. Ce mouvement impulse alors un « réhaussement »[26] de la valeur juridique de ses constatations puisqu’elles s’immiscent désormais dans l’encadrement a priori de l’exécution. Il affirme notamment dans son Observation Générale n°31 que la réparation accordée par les États au titre de l’article 2 du Pacte est de plus en plus complète et diversifiée, cumulant restitution, réhabilitation, satisfaction et garanties de non-répétition, modifications législatives nécessaires et même la traduction en justice des auteurs de violations[27], et surtout que « [l]e paragraphe 3 de l’article 2 exige que les États parties accordent réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. S’il n’est pas accordé réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés, l’obligation d’offrir un recours utile, qui conditionne l’efficacité du paragraphe 3 de l’article 2, n’est pas remplie »[28]. Dans l’affaire Jeong et al. c. République de Corée par exemple, le Comité enjoint directement à l’État de modifier sa législation interne de manière à assurer le respect du droit à l’objection de conscience dégagé à partir d’une interprétation évolutive du Pacte[29]. C’est encore le cas dans l’affaire Olechkevitch c. Belarus, dans laquelle le Comité indique que « l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, sous la forme du remboursement de la valeur actuelle de l’amende et des frais de justice engagés par l’auteur, ainsi que d’une indemnisation ». L’organe poursuit en énonçant que « l’État partie devrait revoir sa législation, en particulier la loi sur les manifestations de masse et son application, de façon à les rendre conformes aux dispositions de l’article 19 du Pacte »[30]. Plus encore, il demande à l’État de lui fournir dans un délai précis des informations relatives aux mesures prises pour donner effet à ses constatations et l’invite même à rendre publiques ses constatations, en bélarusse ainsi qu’en russe[31]. Si son discours est plus incitatif qu’autoritaire, la progression du Comité sur la voie de l’indication des mesures d’exécution est néanmoins incontestable.
Outre ce premier phénomène et de manière peut-être encore plus significative, le Comité des droits de l’homme a lui-même étendu les limites des attributions que lui confèrent les textes. A l’occasion de l’affaire Denzil Roberts c. Barbade en 1994, l’organe affirme sans détour que « l’État partie est tenu de prendre des mesures appropriées pour donner un effet juridique aux constatations du Comité concernant l’interprétation et l’application du Pacte dans des cas particuliers soumis au titre du Protocole facultatif »[32]. Il s’appuie pour formuler ce constat sur le fait que l’État partie, en ratifiant le Pacte et le premier protocole, a accepté « l’obligation juridique de donner effet à leurs dispositions »[33]. D’autres comités ont d’ailleurs adopté une posture similaire vis-à-vis du caractère contraignant de leurs décisions comme le Comité contre la torture. Alors que celui-ci indiquait en effet dans sa première Observation Générale de 1996 qu’il « n’est pas un organe d’appel ni un organe quasi juridictionnel ou administratif, mais […] un organe de surveillance créé par les États parties à la convention elle-même, doté uniquement de pouvoirs déclaratoires »[34] sa pratique ultérieure désavoue sa prise de position initiale. Son règlement intérieur prévoit en effet que ses constatations doivent être considérées comme des décisions et, partant, comme disposant de la même autorité[35].
Enfin, dans son Observations Générale n°33 le Comité des droits de l’homme a pu laisser penser qu’il jetait lui-même le trouble sur son statut puisqu’il y affirme d’une part que sa fonction « n’est pas en soi celle d’un organe judiciaire », mais ajoute d’autre part que « « les constatations qu’il adopte en vertu du Protocole facultatif présentent certaines caractéristiques principales d’une décision judiciaire »[36]. Néanmoins, une autre lecture permet d’y voir une piste de dissociation du statut de l’organe de la valeur juridique de ses décisions qui mérite d’être explorée.
II- L’autorité des Comités conventionnels
Si l’évaluation de l’autorité des comités devait reposer sur leur seul statut juridique, il est évident qu’elle devrait être minime sinon inexistante. Pourtant, le déplacement du fondement de l’autorité à d’autres aspects liés notamment à la réception de l’activité des comités plutôt qu’à son seul mode de production permet de nuancer cette réponse initiale. Pour ce faire, l’attention devra être tournée d’abord vers la portée des décisions des comités (A.) avant d’évaluer la légitimité de ces organes (B).
A- La portée des décisions des comités
En dépit de leur limitation initiale, plusieurs arguments militent en faveur de la reconnaissance du caractère obligatoire des décisions des Comités et méritent à ce titre d’être évoqués. Certains, d’abord, sont d’ordre téléologique (1.), et d’autres, ensuite, d’ordre analogique (2.).
1- L’argument téléologique
Une première cause d’obligatoriété des décisions des Comités réside dans l’engagement des États. Les Conventions dont ils ont accepté sans équivoque le caractère obligatoire par la voie de la ratification leur imposent de respecter les dispositions qu’elles contiennent. Or, ainsi que le souligne le Comité des droits de l’homme, certaines de ces obligations induisent une obligation secondaire de réparation en cas de violation de l’obligation substantielle primaire. C’est ainsi qu’il affirme dans le passage déjà évoqué plus haut que « [l]e paragraphe 3 de l’article 2 exige que les États parties accordent réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. S’il n’est pas accordé réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés, l’obligation d’offrir un recours utile, qui conditionne l’efficacité du paragraphe 3 de l’article 2, n’est pas remplie »[37]. Par ailleurs, et plus généralement, le constat d’une violation par l’un des comités implique nécessairement sa cessation, que ce comportement de l’État résulte de l’exécution de la décision en question ou simplement de sa mise en conformité avec ses obligations conventionnelles. Dans cette optique, le support du constat de violation n’importe finalement que peu face à la nécessité de respecter les obligations issues des traités. Néanmoins, à cet argument peut être ajouté le fait que les États ont nécessairement accepté la compétence des Comités, soit à propos de leur contrôle sur rapport par la ratification des Conventions, soit à propos du contrôle sur plainte par la ratification des Protocoles facultatifs ou l’émissions de déclarations à cette fin. Dès lors, il est difficilement concevable de ne reconnaître à ces organes et ces compétences qu’un rôle consultatif.
C’est d’ailleurs ce raisonnement finaliste qui sous-tend la position du Comité des droits de l’homme depuis l’affaire Denzil Roberts pour justifier l’autorité de ces constatations. Cet argument téléologique permet alors d’envisager de dissocier le statut de l’organe de la portée des décisions et de comprendre l’apparente contradiction du discours du CDH évoquée plus tôt. L’affirmation de son caractère non-juridictionnel couplée à celle du caractère obligatoire de ses constatations n’est en effet plus antinomique si cette dernière ne repose pas sur le statut de l’organe mais la finalité et l’effectivité du système auquel les États participent volontairement. A cet égard, bien entendu, l’obligation de bonne foi en tant que principe général désignant le « comportement que les parties sont juridiquement tenues d’observer dans l’exécution et l’interprétation de leurs droits et obligations, quelle qu’en soit la source »[38] n’est pas loin.
Enfin, le développement de mécanismes de suivi de l’exécution, notamment pour compenser l’absence de force exécutoire des décisions tend également à militer en faveur de la reconnaissance leur caractère contraignant. Le suivi de l’exécution des décisions ne fait pas initialement partie des compétences octroyées au Comité. Pour autant, l’organe onusien a lui aussi établi une procédure de suivi en nommant un Rapporteur spécial à cette fin dès 1990[39]. L’État dispose aujourd’hui d’un délai de trois mois après la constatation d’une violation pour indiquer au Comité les mesures qu’il entend mettre en œuvre pour y remédier[40]. Le Rapporteur spécial assure le suivi des actions de l’État et l’assiste au besoin. Dans un souci constant de perfectionner ce mécanisme, le Comité milite en faveur d’une compétence d’enquête sur le terrain pour l’instant réalisée uniquement en Jamaïque en 1995[41]. Si ses compétences en matière de suivi de l’exécution des décisions semblent plus faibles que les mécanismes mis en place dans les systèmes européen et interaméricain, il convient néanmoins de souligner qu’aucun État n’a contesté ces activités alors que ni le Pacte ni le Protocole ne les mentionnent[42]. Enfin, depuis 2013, l’organe a mis en place une procédure d’évaluation des réponses reçues de la part des États parties en fonction de plusieurs critères visant à examiner la mise en conformité avec la décision rendue[43]. En outre, le contrôle sur rapport est également mobilisé pour accroître une forme de pression politique dans le sens de l’exécution puisque le Comité saisit parfois cette opportunité pour demander à l’État concerné des informations sur la mise en œuvre de ses décisions. Si cette procédure n’a pas encore été adoptée par tous les organes conventionnels à ce jour elle a au moins d’ores et déjà inspiré le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale ou le Comité contre la torture.
2- L’argument analogique
La compréhension de la valeur des décisions des Comité gagne également à la comparaison avec d’autres normes internationales dont la production échappe aux processus formels classiques[44]. La première de ces catégories est celle de la soft law qui, bien que trop générale pour en déduire de véritables enseignements quant à la portée des décisions en cause ici, permet néanmoins de comprendre la flexibilité de la normativité en droit international. Dans cet ordre juridique en effet, la « texture » des normes elles-mêmes a été amenée à évoluer pour accompagner ses transformations contemporaines. Si les sources classiques ne sont pas tombées en désuétude, les dernières décennies ont vu apparaitre de nouveaux types de normativité « molle », ou soft law, instruments privilégies de la régulation de certains domaines tel que le droit de l’environnement. Il s’agit d’après la définition du Dictionnaire de droit international public des « règles dont la valeur normative serait limitée soit parce que les instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoire, soit parce que les dispositions en cause, bien que figurant dans un instrument contraignant, ne créeraient pas d’obligations de droit positif, ou ne créeraient que des obligations peu contraignantes »[45]. Elles englobent une grande diversité d’éléments, des actes unilatéraux des États aux actes unilatéraux des organisations internationales (recommandations, déclarations, programmes, décisions etc.) ou de conférences diplomatiques jusqu’aux actes concertés non-conventionnels (communiqués, chartes, codes de conduite, memoranda…). Or, ces règles, quoique d’une normativité « relative »[46] sont loin d’être dépourvues de tout effet juridique à l’égard de leurs destinataires. A ce titre différentes potentialités normatives de la soft law sont couramment relevées, de son caractère de source matérielle susceptible d’informer le contenu de normes classiques, à celui de facteur d’interprétation, d’alimentation du processus coutumier ou encore de support de l’engagement unilatéral étatique[47]. Ces développements généraux ont ici pour seul objectif d’illustrer l’existence et la reconnaissance, dans l’ordre juridique international, de normes de comportement qui, sans émaner d’un processus de production normative formel et sans revêtir le caractère contraignant inhérent à cette source, ne sont pour autant pas dépourvues d’effets juridiques allant parfois jusqu’au caractère obligatoire.
Une autre analogie, plus précise cette fois, pourra être également éclairante et concerne le durcissement de la valeur de certaines recommandations et surtout l’évolution vers le caractère obligatoire des mesures provisoires en droit international. Ces mesures conservatoires sont classiquement comprises comme des mesures prises par une juridiction pour sauvegarder les droits revendiqués les parties au différend dans l’attente de sa décision sur le fond de l’affaire. L’article 41, paragraphe 1, du Statut de la CIJ dispose par exemple que « [l]a Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire ». En raison de cette formulation, similaire à celle de la plupart des pouvoirs confiés en la matière à d’autres organes juridictionnels internationaux d’« indiquer » de telles mesures, leur portée à souvent été perçue comme celle de simple recommandation, non obligatoire pour les parties par conséquent. Pourtant, à partir d’une interprétation là encore finaliste de sa propre compétence, rapidement suivie pas les autres juridictions internationales, la CIJ considère depuis 2001 et l’affaire LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique) « que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires emporte le caractère obligatoire desdites mesures, dans la mesure où le pouvoir en question est fondé sur la nécessité, lorsque les circonstances l’exigent, de sauvegarder les droits des parties, tels que déterminés par la Cour dans son arrêt définitif, et d’éviter qu’il y soit porté préjudice. Prétendre que des mesures conservatoires indiquées en vertu de l’article 41 ne seraient pas obligatoires serait contraire à l’objet et au but de cette disposition »[48]. La Cour européenne des droits de l’homme[49] ou le CIRDI[50] ont atteint des conclusions similaires, tout comme le CDH. En dépit de son statut quasi-juridictionnel, l’organe a en effet rapidement constaté que le non-respect des mesures provisoire prononcées constitue un manquement de l’État concerné à ses obligations conventionnelles dès l’affaire Glen Ashby c. Trinité-et-Tobago[51], et ce avant même la généralisation de ce mouvement dans le contentieux international. Il expliquera dix ans plus tard à l’occasion de l’affaire Dante Piandiong et al. c. Philippines les motifs de cette évolution dont on peut raisonnablement considérer qu’ils sont extensibles au décisions et constatations de l’organe. Il y indique en effet que « [e]n adhérant au protocole facultatif, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises […] [p]our un État partie l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication et d’en mener l’examen à bonne fin, et l’empêche de faire part de ses constatations, est incompatible avec ces obligations »[52] et que « [l]’adoption de mesures provisoires en application de l’article 86 du règlement intérieur conformément à l’article 39 du Pacte est essentielle au rôle confié au Comité en vertu du protocole facultatif. Le non-respect de cet article, en particulier par une action irréparable comme l’exécution d’une victime présumée ou son expulsion, sape la protection des droits consacrés dans le Pacte assurée par le protocole facultatif »[53]. Or, de même que la violation d’une mesure provisoire, la non-exécution d’une décision rendue après l’examen d’une communication individuelle « sape » l’effectivité du mécanisme conventionnel.
B- La légitimité des comités conventionnels
La réalisation de la distanciation de la portée des décisions des comités de leur statut invite enfin à repenser la source de leur autorité. Là encore, plusieurs pistes pourraient être envisagées parmi lesquelles, d’abord, la mise à distance de l’imperium dans la fonction juridictionnelle internationale (1) et, ensuite, leur légitimité liée à leur rôle dans le système international de protection des droits de l’homme (2).
1- La mise à distance de l’imperium dans l’ordre juridique international
La perspective kelsennienne majoritairement employée pour expliquer le caractère obligatoire de la norme a certes été transposée sous les traits de la théorie des sources formelles du droit international à cet ordre juridique particulier mais elle peine à expliquer la totalité des phénomènes observables et surtout leurs évolutions contemporaines. Or, dans cette conception, la valeur de la norme dépend principalement de la qualité de son auteur, ce que le présent propos entend relativiser. C’est donc en raison du caractère non obligatoire des recommandations que les comités ne pourraient être considérés comme des juridictions, et en raison de cette absence de caractère juridictionnel des organes, que leurs décisions ne seraient pas obligatoires. Si les évolutions précédemment décrite de la normativité internationale ainsi que l’évolution de la pratique de ces organes vers la consécration du caractère contraignant de leurs conclusions ont démontré que la seconde branche de ce raisonnement très circulaire pouvait être modifiée, il en va de même en réalité pour la première.
La compréhension de la fonction juridictionnelle peut en effet également être repensée. La notion de juridiction internationale est classiquement entendue comme supposant la réunion de trois critères : la résolution d’un différend, en application du droit et par une décision obligatoire[54]. Les avis divergent toutefois quant à l’importance qui doit être attachée à chacun d’entre eux et à la relation qu’ils entretiennent. Dans une conception exigeante de la notion de juridiction, certains à l’instar de Carlo Santulli ne l’envisagent qu’à travers l’addition cumulative de ces trois critères[55], entretenant un lien fonctionnel[56]. Une définition plus souple est défendue par d’autres, notamment Hervé Ascencio, qui propose de dépasser la stricte réunion des critères matériels classiques pour retenir une approche plus relativiste[57]. L’un des apports essentiels de l’importante contribution de cet auteur est de renouveler l’intérêt de la distinction entre l’imperium et la jurisdictio. Si la seconde, entendue comme la faculté de dire le droit, est bien présente dans la mission des comités conventionnel des Nations Unies, c’est le premier qui fait semble-t-il défaut. Or cet imperium, entendu comme la puissance sur laquelle repose la décision juridictionnelle et qui la rend obligatoire, généralement parce qu’elle est sécurisée par la force publique, est nécessairement différend dans l’ordre juridique international. S’il peut être dérivé de la communauté internationale qui accepte de se soumettre à la juridiction on constate quoiqu’il en soit une « mise à distance » voire une certaine « faiblesse » de cet imperium liée à l’absence de mécanisme centralisés d’exécution et de coercition. L’auteur envisage alors que dans cette société et compte tenu de ces caractères, le fait que la juridiction internationale soit « l’un des rares lieux de concentration d’une puissance symbolique face à un système international décentralisé » puisse conduire à ce que certains caractères de la juridictio produisent de l’imperium. Il s’agit en définitive d’envisager que la fonction puisse, dans une certaine mesure, compenser les lacunes du statut.
De nombreux courants se sont par ailleurs attachés au cours des dernières décennies à proposer des fondements alternatifs à l’autorités de certaines décisions. À l’ère du droit global, du déclin de la souveraineté et de la décentralisation de la production normative, la compréhension du respect des États vis-à-vis du droit international en l’absence de contrainte stricto sensu dans la majorité des cas est devenue essentielle. Au début des années 1990, l’étude de l’exécution par les États de leurs obligations prend une nouvelle dimension au sortir de la guerre froide et des changements qui l’accompagnent. Entre relations internationales et droit international et à partir d’une méthodologie issue des sciences sociales, une multitude d’auteurs concentrent leurs recherches autour de la notion de compliance, au sens de l’action pour un État de se conformer à ses obligations. Anne-Marie Slaughter et Kal Raustalia définissent plus précisément cette notion comme « a state of conformity or identity between an actor’s behavior and a specific rule »[58]. Il ne s’agit donc plus de rechercher le fondement du caractère obligatoire du droit international mais de dégager les facteurs explicatifs du comportement étatique. La question centrale de ce mouvement a été résumée par Harold H. Koh dans son article éponyme, « why do nations obey international law?»[59]. Quelques-unes de ces propositions peuvent être brièvement évoquées pour illustrer la diversité des éléments susceptibles d’expliquer le respect par les États de décisions d’organes internationaux dépourvus de pouvoir d’injonction ou de contrainte. L’une des propositions majeures de ce courant théorique a été formulée par Abram et Antonia Chayes[60] en 1995, autour d’une approche managériale de l’exécution reposant sur la coopération. Dans ce modèle, le droit international est envisagé comme un processus interactif encourageant le respect des normes dans la poursuite collective de buts déterminés. Le rapport dialectique ainsi instauré entre les acteurs exercerait une pression sur les États dans le sens d’un respect des normes invoquées. Une autre étude majeure sur la question, proposée par Thomas Franck, établit un lien direct entre la légitimité du régime et l’obéissance des États. Dans cette « théorie de la légitimité », l’auteur dégage quatre facteurs expliquant l’obéissance des États qui seraient la détermination, la validation symbolique, la cohérence et l’adhésion. Plus un régime serait perçu comme légitime, plus ses normes seraient respectées par les États. Dans la théorie du transnational legal process représentée par Harold H. Koh en revanche, le comportement des États est expliqué par l’internalisation des normes. La répétition des comportements des acteurs transnationaux à partir de l’interprétation des normes internationales aboutirait à leur intégration dans le droit interne, conduisant finalement au comportement conforme de l’État. C’est donc à partir du système interne que pourrait être expliqué le respect ou le non- respect des normes internationales[61]. Dans un tout autre registre, Andrew T. Guzman offre une analyse du comportement étatique basée sur le postulat d’un acteur rationnel et poursuivant ses intérêts individuels. Dès lors, l’obéissance au droit international ne serait motivée que par le coût, éventuellement réputationnel d’une violation des normes[62]. Il est donc envisageable que des organes disposent d’une forme d’autorité et que leurs décisions s’imposent aux États sans même qu’un pouvoir juridictionnel au sens strict leur ait été conféré initialement. Ainsi, comme le souligne William Schabas, bien que « certains États continuent à maintenir qu’une ‘constatation’ n’est pas un jugement, et qu’il n’y a aucune donc force obligatoire pour les conclusions du Comité en matière contentieuse. […]il n’en demeure pas moins qu’il y a une pression morale importante d’agir lorsque le Comité se prononce à l’encontre d’un État »[63]. C’est justement ce qu’évoque le Comité des droits de l’homme, admettant le caractère non-judiciaire de son statut sans renoncer à la portée obligatoire de ses décisions.
2- Le rôle des comités conventionnels dans le système international de protection des droits de l’homme
L’affirmation d’Alain Pellet selon laquelle « ce ne sont, à vrai dire, ni la répression ni la sanction (aussi généralisée que soit celle-ci) qui constituent le critère du droit, mais le sentiment qu’ont les destinataires des normes qu’un certain comportement est attendu d’eux, indépendamment de toute préférence personnelle »[64] résonne donc tout particulièrement dans le cas des comités conventionnels. Or, parmi les facteurs de compliance évoqués, la légitimité des organes bénéficie joue un rôle de premier plan dans le cas des comités conventionnels qui pourrait expliquer l’autorité de leurs décisions en dépit de leurs caractéristiques institutionnelles. Ils sont en effet insérés au sein du système des Nations Unies dont l’autorité symbolique n’a plus besoin d’être développée. En outre, ils exercent dans ce cadre leur fonction au nom du système universel de protection des droits de l’homme. Cette prétention à l’universalité quoiqu’elle ne soit pas nécessairement et systématiquement atteinte implique néanmoins un volume d’adhésion sans commune mesure avec celle dont bénéficient les systèmes régionaux. Un tel ralliement de la communauté internationale renforce alors considérablement la légitimité de ces organes. Leur compétence matérielle, concentrée sur le droit international des droits de l’homme, amplifie encore cette assise puisqu’elle extrait l’organe de toute prise de parti entre des intérêts étatiques et lui confie une mission dite « objective », la protection des droits des individus.
Ensuite, et bien que ces organes ne soient pas structurés comme des juridictions, ils en présentent néanmoins certaines caractéristiques. Parmi elles, la plus importante pour la légitimité de l’organe, réside probablement dans l’indépendance et l’impartialité de ses membres. Force est de constater que des efforts sont déployés en ce sens malgré quelques lacunes. Les membres des comités exercent en effet leurs fonctions comme des experts indépendants et non en tant que représentants d’un États. Ils bénéficient des facilités, privilèges et immunités des Nations Unies et ne peuvent être révoqués par l’État qui les a désignés ce qui doit garantir leur indépendance. Pour renforcer cette indépendance, la Résolution 68/268 de l’Assemblée générale des Nations Unies[65] fixe des critères à respecter qui ont ensuite été adoptés par les comités eux-mêmes dans les Principes directeurs d’Addis-Abeba en 2014[66]. À titre collectif, ils disposent ensuite d’une forme d’autonomie fonctionnelle dans la mesure où ils adoptent leurs propres règlements intérieurs. Ils ne sont pas davantage soumis à un lien d’allégeance vis-à-vis des Nations Unies puisque leur existence découle des Conventions elles-mêmes. La procédure suivie dans l’examen des plaintes individuelles tend également à suivre celle en vigueur dans le cadre judiciaire
Enfin, la légitimité de ces organes est encore renforcée par le phénomène de fertilisation croisée dans lequel ils sont impliqués aux côtés des juridictions internationales de protection des droits de l’homme ou générales, ou encore d’autres acteurs non-juridictionnels. L’autorité des décisions du Comité des droits de l’homme, par exemple, peut être illustrée par le volume considérable de référence dont il fait l’objet dans la jurisprudence d’autres cours. La Cour européenne des droits de l’homme et la Cour interaméricaine, connues pour puiser leurs inspirations dans la pratique internationale n’hésitent pas à s’y référer fréquemment pour appuyer leur propres positions jurisprudentielles[67]. Même la Cour internationale de Justice, pourtant plus prudente en ce domaine et non spécialiste des problématiques liées aux droits de l’homme, s’est adossée à la pratique du Comité dans l’affaire Ahmadou Sadio Diallo. Plus encore elle se livre à une véritable consécration de la valeur des décisions du Comité en affirmant que « [l]e Comité des droits de l’homme a, depuis sa création, développé une jurisprudence interprétative considérable, notamment à l’occasion des constatations auxquelles il procède en réponse aux communications individuelles qui peuvent lui être adressées à l’égard des Etats parties au premier Protocole facultatif, ainsi que dans le cadre de ses ‘Observations générales’ »[68].
Au terme de ce retour sur le statut et l’autorité des Comités, si la question de leur autorité repose seulement sur le fait de savoir s’ils sont formellement des juridictions la réponse doit rester négative, mais à la question de savoir s’ils doivent être pris au sérieux elle est définitivement positive. Ils attestent en effet de la diversification des formes de normativité et d’autorité en droit international qui permet à cet ordre juridique de s’adapter sans disposer d’un pouvoir central à l’instar des États. Certes, ils imposent un cadre de pensée différent mais qui ne saurait conduire à leur nier toute autorité sous peine de vider de leur substance des engagements régulièrement conclus par les États[69].
[1] Comité des droits des personnes handicapées, Obs. finales du 4 octobre 2021, CRPD/C/FRA/CO/1.
[2] DUPRE de BOULOIS (X), « Affaire Vincent Lambert : la danse macabre continue », AJDA, 2019, p. 1202.
[3] LETTERON (R.), « La ratification du Protocole facultatif au Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels », Billet de Blog, 16 décembre 2014, http://libertescheries.blogspot.com/2014/12/la-ratification-du-protocole-facultatif.html.
[4] SALMON (J.), (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 195.
[5] Troisième Rapport biénnal du secrétaire général sur la situation du système des organes conventionnels, 23 janvier 2020, Doc. NU A/74/643.
[6] V. par ex. SALAMA (I .), « Strenghtening the UN human rights treaty body system: prospects of a work in progress «, in O. de FROUVILLE (dir.), Le système de protection des droits de l’homme des Nations Unies : présent et avenir, Paris, Pedone, 2018, p. 97.
[7] V. CE, 11 octobre 2001, n° 238849, Hauchemaille ; Cass. Ass. Plén., 18 novembre 2016, 15-21.438.
[8] AGNU, « Renforcement et amélioration du fonctionnement de l’ensemble des organes conventionnels des droits de l’homme », Résolution 68/268, 9 avril 2014, Doc. NU A/RES/68/268.
[9] Comité contre la torture, Obs. finales du 10 juin 2016, CATONU/C/FRA/CO/7.
[10] Comité des droits des personnes handicapées, Obs. finales du 4 octobre 2021, CRPD/C/FRA/CO/1.
[11] C’est le cas notamment du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, du Comité contre la torture et du Comité des disparitions forcées.
[12] CDH, F.A. c. France, Com. no 2662/2015, 10 aout 2018, U.N. Doc. CCPR/C/123/D/2662/2015.
[13] CDE, Sacchi et al. c. France, Com. N°106/2019, 8 octobre 2021, CRC/C/88/D/106/2019.
[14] SALMON (J.), (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 628.
[15] DUPUY (P.-M.) et KERBRAT (Y.), Droit international public, Paris, Dalloz, 12e éd., 2014, p. 263.
[16] QUIRICO (O.), « Droit ‘flou’, droit ‘doux’, ou droit ‘mou’ ? Brèves réflexions sur la ‘texture’ des mesures conservatoires et des constatations dans les procédures individuelles devant le Comité des droits de l’Homme », in ALLAND (D.), CHETAIL (V.), DE FROUVILLE (O.), VINUALES (J.E.), (éds.), Unité et diversité du droit international : écrits en l’honneur du Professeur Pierre-Marie Dupuy, Leiden, Martinus Nijhoff, 2014, p. 876.
[17] DHOMMEAUX (J.), « Le Comité des droits de l’Homme : 25 ans d’expérience », in Liberté, justice, tolérance : mélanges en hommage au doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 657.
[18] SANTULLI (C.), Droit du contentieux international, Paris, L.G.D.J.-Montchrestien, 2005, p. 19.
[19] SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l’Homme, Paris, P.U.F, 12e éd., 2015, p. 262.
[20] CE, 5 mai 2006, n°242713.
[21] Cass. Ass. Plén., 18 novembre 2016, 15-21.438.
[22] Cass. Ass. Plén., 28 juin 2019, nos 19-17.330 et 19-17.342.
[23] KERBRAT (Y.), « Comité des droits de l’homme et autres comités mis en place par les conventions de protection des droits de l’homme des Nations Unies », JurisClasseur Droit international, avril 2015.
[24] CEDH, Papamichalopoulos et al. c. Grèce, Req. n°14556/89, arrêt du 24 juin 1993, A260-B, §38.
[25] HENNEBEL (L.), KERBRAT (Y.), « Aspects de droit international général dans la pratique des comités établis au sein des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme (2010-2012) », A.F.D.I., LVII, 2012, p. 710
[26] SCHMIDT (M.), « Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques », in DECAUX (E.), (dir.), Le Pacte international des droits civils et politiques : commentaire article par article, Paris, Economica, 2010, p. 861.
[27] CDH, Observation générale n°31 : La nature de l’obligation générale imposée aux États Parties au Pacte, 29 mars 2004, CCPR/C/21/Rec.1/Add.13 : 735
[28] Id., § 16.
[29] CDH, Jeong et al. c. République de Corée, Com. n°1642-1741/2007, 24 mars 2011, U.N. Doc. CCPR/C/101/D/1642-1741/2007, §10.
[30] CDH, Olechkevitch c. Bélarus, Com. n°1785/2008, 6 juin 2013, U.N. Doc. CCPR/C/107/D/1785/2008, §10.
[31] Id., §11.
[32] CDH, Denzil Roberts c. Barbade, Com. n°504/1992, 19 juillet 1994, U.N. Doc. CCPR/C/51/D/504/1992, §6.3.
[33] De même, la consécration du caractère obligatoire des mesures provisoires qu’il peut prononcer, alors même qu’elles ne figurent pas expressément dans le Protocole additionnel, atteste de cette volonté d’asseoir l’autorité de sa jurisprudence dans le cadre des communications individuelles. V. CDH, Dante Piandiong, M. Jesus Morallos et M. Archie Bulan c. Philippines, Com. n°869/1999, 19 octobre 2000, U.N. Doc. CCPR/C/70/D/869/1999, §§ 5.1-5.4.
[34] CAT, Observation Générale n°1 sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22 de la Convention contre la torture, 10 mai 1996, § 9.
[35] Règlement intérieur du Comité contre la torture, Article 112, § 4.
[36] CDH, Observation générale n°33 sur les obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 25 juin 2009, CCPR/C/GC/33, §11.
[37] CDH, Observation générale n°31 : La nature de l’obligation générale imposée aux États Parties au Pacte, 29 mars 2004, CCPR/C/21/Rec.1/Add.13 : 735, § 16.
[38] Salmon p. 134
[39] Règlement intérieur du Comité des droits de l’Homme, Articles 101 et 103.
[40] Certains y voient l’application de la doctrine des pouvoirs implicites. V. notamment SCHMIDT (M.), « Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relative aux droits civils et politiques », op. cit., p. 863.
[41] Rapport du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, 1995-I, A/50/40, Supplément n°40, §567.
[42] SCHMIDT (M.), « Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relative aux droits civils et politiques », op. cit., p. 865.
[43] Rapport du Comité́ des droits de l’Homme des Nations Unies, 2013-2014-I, A/69/40, Supplément n°40, pp. 182-183.
[44] QUIRICO (O.), « Droit ‘flou’, droit ‘doux’, ou droit ‘mou’ ? Brèves réflexions sur la ‘texture’ des mesures conservatoires et des constatations dans les procédures individuelles devant le Comité des droits de l’Homme », op.cit.
[45] SALMON (J.), (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 1039.
[46] WEIL (P.), « Vers une relativité normative en droit international ? », R.G.D.I.P., vol. 86, 1982, pp. 5-47.
[47] CAZALA (J.), « Le Soft Law international entre inspiration et aspiration », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 66, 2011, pp. 41-84.
[48] CIJ, Affaire LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), arrêt du 27 juin 2001, C.I.J. Recueil 2001, § 102.
[49] CEDH, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, arrêt du 4 février 2005 (Grande Chambre), Req. n°46827/99 et n°46951/99.
[50] CIRDI, Victor Pey Casado et Fondation Président Allende c. République du Chili, Mesures provisoires, 25 septembre 2001.
[51] CDH, Glenn Ashby c. Trinité-et-Tobago, Com. n°580/94, 21 mars 2002, U.N. Doc. CCPR/C/74/D/580/1994.
[52] CDH, Dante Piandiong, M. Jesus Morallos et M. Archie Bulan c. Philippines, Com. n°869/1999, 19 octobre 2000, U.N. Doc. CCPR/C/70/D/869/1999, §5.1.
[53] Id., §5.4.
[54] SALMON (J.), (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 628.
[55] SANTULLI (C.), Droit du contentieux international, Paris, L.G.D.J.-Montchrestien, 2005, p. 23.
[56] SANTULLI (C.), « Qu’est-ce qu’une juridiction internationale ? Des organes répressifs internationaux à l’O.R.D. », A.F.D.I., vol. 6, 2000, p. 77.
[57] ASCENCIO (H.), « La notion de juridiction internationale en question », in S.F.D.I., La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pedone, 2003, p. 175.
[58] RAUSTALIA (K.), SLAUGHTER (A.-M.), « International law, international relations and compliance », in CARLNAES (W.), RISSE (T.), SIMMONS (B.), The handbook of international relations, London, Sage Publications Ltd., 2002, p. 539.
[59] KOH (H.H.), « Why do nations obey international law? », Yale Law Journal, 1997, pp. 2599-2659.
[60] CHAYES (A.), HANDLER CHAYES (A.), The new sovereignty : compliance with international regulatory agreements, Cambridge, Harvard University Press, 2e éd., 1998, 417 p.
[61] Id., pp. 2645-2599.
[62] GUZMAN (A.T.), « A compliance-based theory of international law », California Law Review, 2002, vol. 90, p. 1827.
[63] SCHABAS (W.), Précis du droit international des droits de la personne, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997, p. 65.
[64] PELLET (A.), « Le droit international à l’aube du XXIème siècle (La société internationale contemporaine-Permanences et tendances nouvelles) », Cours Euro-Méditerranéen Bancaja de droit international (CEBDI), 1997, p. 46.
[65] AGNU, « Renforcement et amélioration du fonctionnement de l’ensemble des organes conventionnels des droits de l’homme », Rés AG68/268, Doc NU A/RES/68/268 (2014).
[66] AGNU, « Rapport des présidents des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme sur leur vingt-quatrième réunion », Doc NU A/67/222 p. 7 : « Principes directeurs relatifs à l’indépendance et à l’impartialité des membres des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme ».
[67] Voir par ex. CEDH, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, Requêtes n°46827/99 et n°46951/99, arrêt du 4 février 2005 (Grande Chambre), Rec. 2005-I, § 114.
[68] CIJ, Affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c République démocratique du Congo), arrêt du 30 novembre 2010, CIJ Rec. 2010, p. 639, § 66.
[69] SALAMA (I.), « Strenghtening the UN human rights treaty body system : prospects of a work in progress », in O. de FROUVILLE (dir.), Le système de protection des droits de l’homme des Nations Unies : présent et avenir, Paris, Pedone, 2018, p. 97.